Vous avez sans doute dansé à de nombreuses reprises sur la valse Pequeña, interprétée par Alfredo De Angelis et Carlos Dante. Mais vous ne savez peut-être pas que son compositeur est Osmar Maderna et qu’Homero Expósito un des plus grands poètes du tango, a signé les paroles pour en faire ce chef‑d’œuvre. Comme d’habitude, nous verrons d’autres versions, certaines pourraient vous étonner.
Osmar Héctor Maderna
Osmar Maderna est un compositeur et chef d’orchestre qui a peu enregistré, notamment, car il est mort jeune et de façon idiote. Un accident d’avion, comme Gardel, mais à la suite d’un pari stupide. Il a tout de même eu le temps de nous laisser quelques chefs d’œuvres, comme la valse Pequeña qui fut sont plus gros succès.
Comme chef d’orchestre et musicien, son apport est un peu moins évident. Il est arrivé un peu tard pour faire partie de l’âge d’or et il s’est chargé d’un héritage de musique classique qui l’a fait qualifier de Chopin du tango. Derrière ce compliment, se cache sans doute un petit doute sur l’adaptation de sa musique à la danse tango. Le résultat est que l’on danse très rarement sur ses interprétations, même celles qui pourraient l’être dans certaines circonstances.
Parmi ses compositions, on pourrait citer (en gras, celles qu’il a enregistrées avec son orchestre) :
Amor sin adiós
Argentina campeón — Avec commentaires sportifs, Argentine championne de football.
Bar
Concierto en la luna (1946) - Inspiration musique classique
Cuento azul (1943) — Un succès par Miguel Caló et Raúl Iriarte
El vuelo del moscardón (1946) - Inspiration musique classique d’après le vol du bourdon de Rimsky Korsakov. Indansable en tango.
En tus ojos de cielo (1944) — Un succès par Miguel Caló et Raúl Berón
Escalas en azul (1950) - Inspiration musique classique, gammes musicales.
Fantasía en tiempo de tango
Jamás retornarás (1942) (un succès par Miguel Caló, coauteur, et Raúl Berón, mais aussi par Osvaldo Fresedo et Oscar Serpa).
La noche que te fuiste (1945) — Un succès par Miguel Caló et Raúl Iriarte, Aníbal Troilo et Floreal Ruiz et d’autres.
Lluvia de estrellas (1948) - Inspiration musique classique
Luna de plata (valse) (1943) — Un succès par Miguel Caló et Raúl Iriarte
Me duele el corazón (valse péruvienne) (1944) (un succès par Miguel Caló, Raúl Berón et lesTrovadores del Perú)
Pequeña (valse) C’est notre titre du jour…
Qué te importa que te llore (1942) — Un succès par Miguel Caló et Raúl Berón. Maderna a écrit les paroles et Caló a signé la musique.
Rincones de París (1947)
Volvió a llover (1947)
Orquesta Símbolo “Osmar Maderna”
Attention à ne pas confondre l’Orquesta Símbolo “Osmar Maderna” avec l’orchestre d’Osmar Maderna. Cet orchestre a perpétué, sous la baguette de l’ami violoniste de Maderna, Aquiles Roggero, l’œuvre naissante de Maderna.
Extrait musical
Partition de Pequeña.d’Osmar Héctor Maderna et Homero Aldo ExpósitoPequeña 1949-10-14 — Alfredo De Angelis con Carlos Dante.
Paroles
Donde el río se queda y la luna se va… donde nadie ha llegado ni puede llegar, donde juegan conmigo los versos en flor… tengo un nido de plumas y un canto de amor… Tú, que tienes los ojos mojados de luz y empapadas las manos de tanta inquietud, con las alas de tu fantasía me has vuelto a los días de mi juventud…
Pequeña te digo pequeña te llamo pequeña con toda mi voz. Mi sueño que tanto te sueña te espera, pequeña, con esta canción… La luna, ¡qué sabe la luna la dulce fortuna de amar como yo… Mi sueño que tanto te sueña te espera, pequeña de mi corazón…
Hace mucho que espero, y hará mucho más… porque tanto te quiero que habrás de llegar, no es posible que tenga la luna y la flor y no tenga conmigo tus besos de amor… Donde el río se queda y la luna se va donde nadie ha llegado ni puede llegar con las alas de tu fantasía… serás la alegría de mi soledad… Osmar Héctor Maderna Letra: Homero Aldo Expósito
Traduction libre
Là où la rivière reste et où la Lune va… Là où personne n’est arrivé ni ne peut, arriver, Où avec moi jouent les vers fleuris… (versos peut signifier mensonges en lunfardo) J’ai un nid de plumes et un chant d’amour… Toi, qui as les yeux mouillés de lumière et les mains trempées de tant d’anxiété, avec les ailes de ton imagination, tu m’as ramené aux jours de ma jeunesse…
Petite Je te le dis, petite, Je t’appelle, petite, de toute ma voix. Mon rêve, qui t’a tant rêvé t’attend, petite, avec cette chanson… La lune, que sait la Lune ? La bonne fortune d’aimer comme moi ! Mon rêve, qui t’a tant rêvé t’attend, petite de mon cœur…
Ça fait longtemps que j’attends, et je ferai bien plus… Car je t’aime tellement que tu devras venir, Il est impossible que j’aie la lune et la fleur et que je n’aie pas avec moi tes baisers d’amour… Là où la rivière reste et où la Lune va, là où personne n’est arrivé ni ne peut arriver Avec les ailes de ta fantaisie… Tu seras la joie de ma solitude…
Autres versions
Pequeña 1949-07-21 — Orquesta Osmar Maderna con Héctor de Rosas.
La version de De Angelis a masqué cet enregistrement par le compositeur de cette valse. Cette interprétation est chargée d’émotion et de délicatesse. Si elle tourne moins fermement que celle de De Angelis et que donc, elle peut être moins entraînante, elle trouvera tout de même une opportunité de faire danser des danseurs curieux et qui ne craignent pas les valses lentes.
Pequeña 1949-10-14 — Alfredo De Angelis con Carlos Dante.
C’est notre valse du jour et la référence…
Je n’ai pas l’enregistrement Columbia de Pequeña par Ana Maria Gonzalez, cette chanteuse mexicaine.
Pequeña 1950-01-26 — Orquesta Francisco Canaro con Mario Alonso.
Il est rare de ne pas retrouver Canaro pour les titres à succès et s’il a attendu six mois pour l’enregistrer, Canaro l’a fait. Ce qui surprend dans cette version, c’est qu’elle est plus aiguë et favorise le mode majeur. La version de 1949 de Maderna est à dominante mineure et celle de De Angelis, majeure pour la partie instrumentale est en mineur pour la partie chantée. Ici,
Pequeña 1952-09-30 — Orquesta Símbolo “Osmar Maderna” dir. Aquiles Roggero con Adolfo Rivas
Le violoniste Aquiles Roggero était l’ami d’Osmar Maderna et quand se dernier s’est tué avec l’avion qu’il pilotait. Il a repris l’orchestre et son style. On retrouve d’ailleurs la dominante du mode mineur, mode d’autant plus approprié, cet enregistrement ayant été réalisé seulement un an et demi après le décès tragique (et stupide, puisque c’est à l’issue d’un pari), de l’ami et auteur.
Pequeña 1975 — Enrique Dumas.
Une magnifique version chantée qui marque le début du renouveau de cette valse, un peu oubliée pendant la période Rock de l’Argentine.
Pequeña 1980 — Atilio Stampone.
Après une introduction de violon, Stampone déroule au piano une version originale et expressive. Pas question de la danser, mais cette version peut faire rêver à la Pequeña…
Pequeña 1984 — Mercedes Sosa.
Une très belle version par la Negra, Mercedes Sosa. Pour les oreilles, pas pour les pieds, bien sûr. On notera qu’Ariel Ramirez avait aussi enregistré Pequeña, en 1976.
Pequeña 1984 — Enrique Dumas chante Pequeña à Virginia Luque à Grandes Valores del Tango en 1984. Une merveille.
Pequeña 1985 — Raúl Lavié con la orquesta de Juan Carlos Cirigliano y coro.
Cette version n’est pas pour nos chers danseurs, mais plutôt pour un club devant un verre. Lavié, se montre particulièrement expressif, il nous confie cette histoire, principalement accompagné par le piano jazzy de Juan Carlos Cirigliano. Le rythme de la valse s’est largement perdu, mais on se laisse tout de même entraîner par la voix chaude de Raúl Lavié, jusqu’à la fin du verre et de la rêverie. On notera le chœur féminin en fin de titre qui peut laisser que cette histoire d’amour aura une fin heureuse.
Pequeña 2011 — Orquesta Caminito. Après une introduction parlée, l’orchestre Caminito déroule une version légère qui se laisse écouter.
Pequeña 2013-08 — Orquesta Típica Sans Souci con Héctor De Rosas. De la réverbération, mais c’est sympa de voir le créateur de la valse, Héctor De Rosas reprendre son succès 64 ans plus tard…
Pequeña 2013 — Amores Tangos.
Une version filiforme par cet orchestre atypique. L’impression de boîte à musique avec une petite ballerine qui tourne à son sommet est renforcée par la fin, très particulière…
Pequeña 2022 — Orquesta Romántica Milonguera con Roberto Minondi.
Ce bel orchestre propose, ici, une version peut-être un peu rapide, mais servie par l’excellent ténor Roberto Minondi. En revanche, cette valse ne tourne peut-être pas assez rond pour être proposée aux danseurs exigeants.
Dédicace
Une amie, Roselyne D. m’a demandé des informations sur le tango et les femmes, mais elle m’a également envoyé les photos de cartes documentaires qu’elle place sur les tables de sa milonga. C’est ce qui m’a incité à parler de Pequeña.
Exemple de cartes que Roselyne met sur les tables de sa milonga.
Les Portègnes appellent leurs bus, des colectivos et plus affectueusement encore, des bondis.
Nos tangos du jour sont de simples évocations à l’occasion de la fermeture d’une ligne que j’aimais bien. Voici donc quelques anecdotes qui peuvent intéresser ou amuser les touristes qui découvrent cette merveilleuse ville de Buenos Aires.
Nous serons accompagnés par deux tangos chansons dont vous trouverez les paroles et leurs traductions en fin d’article.
Pour commencer en musique
Ce ne sont pas des tangos de danse, mais ils évoquent le colectivo. Je donne les paroles et leurs traductions en fin d’article.
Tango del colectivo 1968-12-04 — Orquesta Aníbal Troilo con Roberto Goyeneche. Musique de Armando Pontier et paroles de Federico Silva.Se rechiflo el colectivo 2013 — Horacio Ferrer Acc. piano por Juan Trepiana. Musique de Osvaldo Tarantino et paroles de Horacio Ferrer.
Un tout petit peu d’histoire
Si el tranvia (tramway) a donné lieu à plus de paroles de tango que le colectivo, ce moyen de transport fait également partie de l’histoire de la ville. Les premiers transports étaient tirés par des chevaux, ce qu’on appelle ici, « à moteur de sang », que ce soient les tramways ou les bus.
Si les tramways sont lentement passés à l’électricité, l’apparition du moteur saluée par les défenseurs des animaux a apporté son lot de bruit et de pollution à la ville.
Aujourd’hui, à toute heure du jour et de la nuit, des bus circulent. Certains commencent à expérimenter l’énergie électrique, mais d’autres disparaissent.
Payer son billet, une aventure
Une machine distributrice de tickets. Le chauffeur donnait le ticket correspondant à la distance à parcourir.
Jusque dans les années 90, le chauffeur faisait payer chaque passager. Il lui remettait un ticket en échange. Cette façon de procéder avait plusieurs inconvénients :
C’était relativement lent. Le chauffeur devait rendre le change et comme il tentait de faire cela en roulant, c’était donc également dangereux et il y avait régulièrement des accidents pour cette raison.
Il était tentant pour les malandrins d’attaquer les chauffeurs pour récupérer les pièces.
En 1967, Elena Konovaluk a été la première conductrice de colectivo. (ligne 310 puis 9) On imagine la difficulté de distribuer les tickets et de conduire en même temps.
Le 2 mai 1994, un nouveau système est apparu. Un système semi-automatique. Il fallait donner sa destination au chauffeur. Celui-ci paramétrait sur son pupitre le prix à payer et l’usager devait glisser les pièces correspondantes dans la machine.
Le type de machine apparu à partir de 1994. On indiquait la destination au chauffeur. Il programmait le prix et on devait verser les pièces correspondantes dans l’entonnoir du haut de la machine, puis récupérer le billet et sa monnaie.
Ce système n’était pas parfait et, pour tout dire un peu compliqué dans la mesure où les pièces étaient rares et difficiles à obtenir. Dans les commerces, personne ne voulait se séparer de ses précieuses pièces au point qu’ils faisaient cadeau de quelques centimes plutôt que de devoir rendre le change et se trouver démuni de pièces. Mon truc était d’aller au dépôt (terminus) où ils échangeaient volontiers les billets contre des pièces. Certains essayaient d’attendrir le chauffeur en tendant un billet, ce qui se terminait soit par un passage gratuit, soit par une expulsion du bus.
À partir de 2009, la SUBE a fait progressivement son apparition. Sur les premières lignes équipées, il suffisait d’annoncer sa destination au chauffeur et de présenter la carte devant la machine, sans avoir à sortir de pièces. La SUBE fonctionne également pour le métro et pour le train de banlieue et dans certaines provinces d’Argentine. On peut aussi emprunter avec une bicyclette, c’est donc une carte très utile et une innovation intelligente.
Une machine de validation de la carte SUBE (il en existe de nombreux modèles). Il suffit de la plaquer sur la zone dédiée pour que son solde soit débité du montant du trajet. On peut lire sur l’afficheur le tarif, le prix réellement débité et le solde de la carte.
Pour le chauffeur, cela ne change rien au système de 1994, il doit toujours sélectionner le prix sur son pupitre (en fait la distance, mais on en reparlera). Pour l’usager ce système semble parfait.
Cependant, il y a un petit point qu’il faut tenir en mémoire. Il faut charger sa carte SUBE et c’est là que le bât blesse. Pendant longtemps, cela pouvait se faire dans les kiosques, qui sont nombreux, puis les kiosques n’ont plus eu le droit de le faire et ce sont désormais les lieux de loterie qui permettent de recharger la carte et ils sont moins nombreux. On peut se faire avoir, car de nombreux kiosques ont conservé l’affichette SUBE et certains continuent de vendre la carte vierge, mais pas la recharge…
Mais, trouver un point de recharge ne suffit pas, car il faut avoir la somme exacte que l’on souhaite déposer sur la carte. Si vous avez un gros billet, il faudra tout mettre. Ah, non, ce n’est pas si simple (je sais, je l’ai déjà écrit). Si le billet est trop gros, on va vous le refuser.
En effet, les lieux de vente ont des quotas. Ils ne peuvent pas vendre plus que ce qui leur est autorisé. Les versements maximums sont donc limités et, même avec cette précaution, il arrive que le lieu ait atteint son quota de la journée. Si c’est le cas, il faudra revenir le lendemain en espérant que ce ne soit pas le début d’un long week-end, une autre spécialité argentine qui fait que, si un jour férié tombe un dimanche, on le reporte au lundi.
Il reste alors la possibilité d’aller dans une station de métro (Subte à ne pas confondre avec SUBE) ou de train. Là, deux possibilités s’offrent au voyageur, une machine ou un préposé, mais ce dernier est assez rarement disposé à recharger la carte.
Il y a une autre possibilité pour ceux qui ont un compte bancaire argentin, la recharge en ligne. Il faut ensuite valider son solde sur une machine, par exemple dans une banque…
Pour en terminer avec la SUBE sous forme de carte, signalons la difficulté de l’obtenir, car il y a parfois une pénurie. Mieux vaut ne pas la perdre à ce moment.
Mais voyons maintenant une autre innovation qui va dans le bon sens.
Depuis 2024, on peut payer à partir de son téléphone et de l’application SUBE. C’est sans doute un autre progrès.
Depuis 2024, on peut charger sa carte et la faire valider auprès du chauffeur et même payer directement depuis l’application SUBE sur son téléphone. Cette dernière est une option un peu risquée dans la mesure où les vols sont tout de même assez fréquents, surtout aux abords des portes, le malfaiteur sautant du bus et s’enfuyant à toutes jambes, à moins qu’il repère simplement votre téléphone pour le subtiliser discrètement lors d’une petite bousculade en arrivant à un arrêt. Dans tous les cas, si vous tenez à votre téléphone, évitez de l’utiliser près des portes.
Un pas en avant et deux pas en arrière ?
L’arrivée de la machine à pièces, puis de la SUBE et maintenant de l’application facilite la vie des usagers. Cependant, un autre danger les guette ; la hausse des prix.
Le service de transport est assuré par des entreprises privées, mais, comme c’est le gouvernement de gauche de Cristina Fernandez qui l’a mis en place, les prix sont unifiés entre les compagnies et les billets sont subventionnés.
Le résultat a été un prix des transports publics de voyageurs très raisonnable, même pour ceux, très nombreux, qui viennent de province pour travailler à la capitale fédérale et qui doivent prendre deux ou trois transports (bus, métro, train).
Un petit rappel, Buenos Aires est une très grande province dont la capitale est La Plata et la ville de Buenos Aires est une ville autonome, entourée par cette province sans en faire partie…
Ceux qu’on appellerait les banlieusards à Paris font souvent une à deux heures de trajet pour aller travailler, ce qui est aggravé par le fait que nombre d’entre eux ont deux activités pour joindre les deux bouts.
Évoquons maintenant le pas en arrière. Fin 2023, un président d’extrême droite et libertaire a été élu, Milei et sa tronçonneuse. Pour lui, les subventions sont un vol. Chacun doit payer ce qu’il utilise. Donc, les transports, l’éducation, la médecine, les travaux publics ; le gaz, l’électricité et même les retraites sont considérés comme des domaines qui ne doivent plus être subventionnés, abondés.
Les prix de ces services explosent donc. On remarquera toutefois que, si Milei ne veut pas entendre parler de subvention, il propose tout de même aux plus riches qui ont leurs enfants dans les écoles privées des aides (versées directement aux écoles).
Pour les hôpitaux publics, c’est une catastrophe. Même les médecins doivent avoir deux métiers. Par exemple, hier, la télé présentait l’un deux qui complète ses revenus en travaillant pour Uber (un service de transport de personnes assuré par des particuliers qui utilisent leur voiture personnelle).
Pour revenir progressivement à nos bus, les chauffeurs assurent des services très longs pour gagner plus, ce qui provoque des accidents. Si vous avez essayé de conduire à Buenos Aires, imaginez que vous le faites 12 heures de rang (suivies de 12 heures de pause et avec un repos hebdomadaire de 35 heures), avec une pause toilette en bout de ligne si vous n’êtes pas arrivé en retard, le tout au volant d’un gros machin d’apparence antédiluvienne qui tourne quasiment en permanence et dont beaucoup mériteraient une sérieuse révision.
La semaine dernière, un adolescent est tombé du bus, car la fenêtre a cédé. Et je ne vous parle pas des bruits de freins, des portes qui fonctionnent quand elles le décident et des panaches de fumées qu’émettent certains des bondis. Alors, si un chauffeur est un peu moins souriant, prenez sur vous et mettez-vous à sa place (pas sur son siège, je parle au figuré).
La fin des subventions aux transports en commun
Puisque les subventions sont un vol fait aux riches qui n’utilisent pas les transports publics au profit de ceux qui les utilisent, ces subventions ont été très fortement diminuées et, par conséquent, le prix du billet a explosé, comme d’ailleurs celui de la nourriture, mais sans doute pour d’autres raisons… La hausse des prix sur les produits de base ignore les chiffres de l’inflation donnés par le gouvernement (moins de 2 % en mai). Seuls les produits de luxe (voitures, téléphones et autres biens de confort) voient effectivement leurs prix baisser, pas les légumes, la viande, les transports, les médicaments…
Voici donc un tableau reprenant le prix du trajet en bus, au moment de la prise de fonction de Milei et à la date d’aujourd’hui.
Entre fin 2023, date d’arrivée du président Milei au pouvoir et aujourd’hui (fin juin 2025), le prix du billet a été multiplié par 8.
Ce tableau demande quelques explications. La colonne de gauche indique des distances. Par exemple, 0 à 3 km, ce qui est en fait 1 à 30 pâtés de maisons (manzana en espagnol, bloc en anglais…). Un voyage d’un kilomètre en décembre 2023 coûtait donc 52,96 pesos, soit 0,06 euro (voir dans la partie droite du tableau, entourée de bleu). Le prix était donc très réduit, du moins pour un Européen ou un Américain du Nord. Pour un Argentin qui avait moins de 200 € de revenus, c’était tout de même une somme, surtout pour ceux qui devaient prendre deux ou trois transports pour aller travailler. Les tarifs sont toutefois un peu dégressifs si on utilise plusieurs bus dans une période de deux heures.
La diminution drastique des subventions aux entreprises de transport imposée par le nouveau gouvernement fait que les prix ont énormément augmenté. C’est le résultat de la logique qui veut que ceux qui utilisent les transports en commun doivent en payer le coût, pas ceux qui roulent en taxi ou dans des voitures particulières.
Pour revenir à l’étude du tableau, on observe deux nouvelles catégories « utilisateurs enregistrés » et « utilisateurs non enregistrés ». Cette distinction permet deux choses :
Suivre les déplacements des utilisateurs. Chaque carte enregistrée est associée au document d’identité du possesseur. Cela permet de connaître mieux les déplacements de chacun.
Les subventions ont été fortement diminuées, ce qui explique en grande partie la hausse des prix. Les subventions sont totalement supprimées pour les utilisateurs qui ne sont pas enregistrés selon la logique ; s’ils ne sont pas enregistrés, c’est qu’ils veulent cacher leurs déplacements ou qu’ils sont étrangers et que, par conséquent, les Argentins « de bien » n’ont pas à payer pour eux.
Nous avons évoqué à propos de l’anecdote Bailarín de contraseña, le fait que certaines milongas faisaient payer moins chers les autochtones, cela peut donc se comprendre. D’ailleurs, en Europe, on fait payer une taxe par nuitée aux gens de passage.
L’augmentation en un an et demi est donc d’environ 800 % pour un Argentin enregistré. Pour ceux qui ne le sont pas, c’est une augmentation de presque 13 fois. Cela commence à faire. Certains banlieusards ont abandonné leur travail, passer la moitié de la journée à travailler pour gagner à peine le prix du trajet aller-retour n’était plus rentable.
Cependant, pour un Européen qui utilise l’Euro, la baisse de valeur du Peso argentin fait qu’au final, l’augmentation est un peu inférieure à 9 fois et pour un étranger qui a une carte SUBE enregistrée ou tout simplement ancienne, c’est seulement 5,5 fois. Quand on connaît le prix des transports à Paris, cela reste très, très modeste, alors, ne râlez pas…
Un adieu à la ligne 23 ?
Le AD 706 SU qui a assuré le service de la ligne 23 jusqu’en… 2023. C’est aussi la vedette de l’image de couverture de cet article.
Pour aller à Nuevo Chique, j’étais habitué à prendre la ligne 23 qui était assurée par la société Transporte Rio Grande SA.C.I.F.
Cette ligne au moment de sa fermeture (annoncée ?), dimanche dernier, comportait encore neuf véhicules.
Cinq bus de 25 places assises datant de 2019 AD 672 OW/AD 672 PF/AD 672 PD/AD 672 PG et AD 882 PX.
Un bus de 35 places datant de 2023 AF 957 UO.
Et trois bus de 35 places datant de 2024 AG 708 WP/AG 835 IX et AG 946 ZZ.
Dimanche dernier cette ligne a cessé son activité :
Vidéo réalisée par un des derniers utilisateurs de la ligne.
La ligne, tout au moins le service qu’elle assurait, va-t-il complètement disparaître ? Il est difficile de le dire. Lors de la suppression de la ligne 5, la ligne 8 a pris le relai en créant un « ramal » (branche) supplémentaire. Ces branches sont un autre piège pour ceux qui ne sont pas habitués. Il faut regarder le numéro du bus, mais aussi la pancarte qui indique la branche qui va être pratiquée. Si vous ne le faites pas, vous risquez de vous retrouver bien loin de la destination espérée, notamment si vous vous rendez dans la province. De même, si vous prenez un omnibus au lieu d’un semi-rapide, vous risquez de passer beaucoup plus de temps dans le bus que nécessaire lorsque vous faites une longue distance en banlieue.
Hier, pour aller à Nuevo Chique, j’ai pris ce bus. Un numéro 115, mais avec une étiquette indiquant qu’il assurait en fait le service de la ligne 23. Encore un piège pour ceux qui sont peu attentifs… J’ai juste eu le temps de prendre une photo en en descendant, au moment où il redémarrait.
Donc, en attendant, il semblerait qu’il faille prendre le 115 qui porte une pancarte indiquant qu’il fait le service du 23. Cependant, s’il y avait 9 bus en circulation pour la ligne 23, il semblerait que ce soit bien plus réduit pour cette nouvelle ligne, déjà que le 115 n’est pas un des plus fournis (c’est un des bus que je prends pour aller à El Beso…).
Une actualisation sur la ligne 23
Il continue de passer des bus verts 23. Selon les chauffeurs interrogés, la compagnie est en faillite (quiebra) et continue sur son rythme de tango hésitant et lent, un pas en avant et un pas en arrière.
Petit problème mathématique
Voici le trajet qui était effectué par la ligne 23 entre Villa Soldati (en bas) et Retiro (en haut). Environ 12 km.
Il y avait 9 bus en circulation pour effectuer les 12 kilomètres de la ligne. Les horaires indiquant un temps de parcours de 50 minutes et les chauffeurs avaient 10 minutes de repos aux deux extrémités. Ce n’était plus tout à fait vrai pour Soldati, le terminus y était toujours, mais les chauffeurs, depuis le 5 mai (2025) prenaient leur service à Lugano (tiens, c’est justement à côté du départ de la ligne 115…).
Première question : Quelle est la vitesse de circulation moyenne ?
Deuxième question : Quel est le temps moyen d’attente entre chaque bus si on considère que les 9 étaient en service et qu’ils étaient espacés régulièrement.
Pour la réponse, retournez l’ordinateur…
Non, pardon, je plaisante, voici les réponses :
12 km en 50 minutes, cela donne 14,4 km/h de moyenne. Ce n’est pas énorme, mais il passe par moment dans des dédales un peu compliqués.
Pour la seconde réponse, je cherche la réponse tout en l’écrivant. Un bus part de Soldati et arrive 50 minutes plus tard à Retiro. Il attend 10 minutes et arrive donc de nouveau à Soldati 100 minutes après son départ où le chauffeur prend de nouveau 10 minutes de pause. Ces 120 minutes sont donc à diviser par le nombre de bus, ce qui donne 120/9 = 13,33 minutes, ce qui correspond assez bien au quart d’heure vérifié à l’arrêt. Sur des lignes mieux remplies, on peut voir des bus circuler à bien plus grande fréquence et souvent des « trains » de deux ou trois bus qui se « suivent », enfin, à la mode portègne, c’est-à-dire qu’ils se dépassent, se klaxonnent, se redépassent, se côtoient et discutent aux feux rouges. Oui, désormais, la plupart des bus s’arrêtent aux feux rouges, ce qui peut surprendre ceux qui étaient habitués à considérer qu’il s’agissait d’accessoires de décoration. Rassurez-vous, il reste les panneaux STOP (PARE) qui ne sont pas du tout respectés, ni par les bus, ni par les autres, d’ailleurs. C’est le plus inconscient qui passe le premier et ce n’est pas toujours le bus qui gagne.
Se repérer pour prendre le bon bus
Avant l’arrivée des applications sur téléphone, il y avait dans les annuaires téléphoniques des plans de Buenos Aires quadrillés, avec le nord en bas (donc à l’inverse des cartes habituelles). Dans chaque case numérotée, comme pour la bataille navale, il y avait des arrêts de bus. Ces derniers n’étaient pas indiqués sur le plan, mais listés dans la légende. Par exemple, dans la case B5,il y avait un arrêt des bus 12, 8, 48, 96. Avec cette indication approximative, il fallait faire preuve de logique. Les rues étant généralement à sens unique, si on voulait aller vers le sud (le haut de la carte), il convenait d’identifier une rue qui avait le sens de circulation vers le sud.
Ce n’était pas forcément simple et la difficulté était renforcé par le fait que le point d’arrêt n’était marqué que par un numéro sur la façade d’un immeuble, un petit autocollant sur un poteau, voire, par rien du tout. Il fallait donc souvent demander où était l’emplacement de l’arrêt quand on s’aventurait dans un quartier moins connu.
L’autre jeu qui complique les choses est que les chauffeurs font preuve de créativité et il est fréquent de voir des bus en maraude. Parfois, c’est justifié par une route coupée, mais à d’autres moments, c’est pour gagner du temps. Par exemple le 115 évite souvent de s’engager dans Bartolomé Mitre (la rue encombrée par des étals, des véhicules mal garés et des boutiques de tissus) pour rejoindre directement Corrientes par Pueyrredón. Ce n’est pas trop grave pour ceux qui sont dans le bus, mais peut-être moins drôle pour ceux qui attendent le bus dans cette zone où il ne passera pas.
Faut-il rajouter des trucs ?
Ce court article, très imparfait, ne donne qu’un maigre aperçu de toutes les subtilités qu’il faut connaître pour bien voyager en bus. Il vous faudra faire votre expérience, en vous repérant dans la ville, ce qui est bien plus facile que dans une ville Européenne pour savoir où demander l’arrêt en appuyant sur le bouton concerné, cependant, la plupart des chauffeurs sont prêts à vous aider et peuvent même vous rappeler le moment de descendre.
En attendant, voici quelques trucs, en vrac.
Si vous n’avez pas une formation d’alpiniste chevronné, évitez de descendre par la porte arrière de certains bus dont la marche inférieure est à une hauteur encore vertigineuse. Cependant, la plupart de bus ont un accès et des places pour les fauteuils roulants.
Pensez à regarder vers l’arrière du bus au moment d’en descendre, car ils s’arrêtent rarement au bord du trottoir, notamment car les arrêts de bus sont souvent considérés comme des places de stationnement par les automobilistes. Il se peut donc qu’au moment de descendre, une moto décide de passer à toute vitesse par la droite du bus. C’est mieux de la voir venir et de retarder de quelques fractions de seconde le saut depuis le bus. Aussi, pour cette raison, des personnes rencontrant des difficultés à marcher demandent au chauffeur de sortir par l’avant, ils se sentent plus en sécurité. Cette habitude va sans doute s’atténuer, car désormais, les bus s’arrêtent complètement pour prendre et déposer les passagers. Ils ne doivent plus ouvrir les portes lorsque le bus est en mouvement. Je sais, le folklore perd de sa saveur, c’était bien amusant de se faufiler entre les voitures en stationnement pour sauter dans un bus qui ne faisait que ralentir et de descendre en essayant de ne pas atterrir dans une poubelle, un véhicule en stationnement (voire en marche) ou contre un de ces diaboliques câbles en diagonale qui sont ancrés au sol pour tenir je ne sais quel poteau et qui sont peu visibles de nuit, même quand ils sont recouverts d’une gaine jaune.
Voici une autre curiosité. Il y a désormais de nombreux arrêts qui disposent d’un abribus. N’imaginez pas qu’il est là pour vous permettre d’attendre le bus. En effet, la queue se fait par rapport au poteau et donc, les gens sont à la file, face à l’arrivée potentielle du bus et donc tous, hors de l’édicule… Cependant, les Argentins sont très respectueux. Si vous êtes arrivés le premier (ce qui veut dire que vous venez de rater le bus précédent), vous pouvez profiter du banc de l’arrêt de bus. Le premier au poteau vous laissera passer sans discuter. D’ailleurs, il n’y a pas de lutte à l’entrée, très souvent un passager plus avant dans la file vous laisse passer.
Attention, utiliser le banc est aussi un piège, car, si le bus qui arrive n’a pas à s’arrêter pour déposer un passager, il passera sans vous prendre en compte. Dans la pratique, il faut donc s’assurer qu’il y a quelqu’un qui veut prendre le même bus afin de profiter en toute tranquillité de ce siège. Cela peut sembler étonnant, car on peut imaginer voir le bus arriver de loin. Hélas, non, car les véhicules en stationnement coupent toute visibilité à ceux qui sont assis et même souvent à ceux qui sont debout et à tous les arrêts, vous verrez des intrépides se lancer au milieu de la rue pour voir si le bus arrive au loin.
Pour être efficace à ce jeu, il faut avoir une bonne vue et s’aider du code de couleurs (le bus 23 était vert, le 115 est rouge, d’autres sont bleus ou jaunes).
Vous devez lever de façon très visible le bras pour inciter le conducteur à s’arrêter. Si le feu est au vert, il arrive qu’il ne s’arrête pas pour en profiter. Il s’arrêtera de l’autre côté du carrefour pour déposer les passagers qui voulaient descendre et vous, vous devrez attendre le prochain. Le prochain peut être une autre ligne qui passe aussi par votre point d’arrivée. Cependant, l’arrêt de cette autre ligne peut-être à une dizaine de mètres. Si le chauffeur de l’autre ligne se rend compte que vous venez de l’arrêt du concurrent, il y a fort à parier qu’il ne s’arrêtera pas. Vous devez être à l’arrêt quand il vous voit. Quand l’arrêt est situé à un feu rouge, il arrive qu’on arrive à attendrir le chauffeur, qui prend toutefois le temps de terminer un truc important sur son téléphone portable avant de vous ouvrir la porte. Cela ne lui coûte rien, puisque le feu l’a juste empêché de repartir, mais c’est le prix à payer pour la faveur qu’il vous fait.
Une fois dans le bus, il peut être agréable de trouver une place assise. Il y a des places réservées aux personnes qui en ont besoin et c’est plutôt bien respecté. En revanche, pour les autres places, c’est le premier qui la prend. Celles près des portes sont exposées au vol à la tire. Certaines sont dos à la route, ce qui est désagréable pour les personnes sujettes au mal de mer. Rappelez-vous que le bus se déplace comme un esquif pris dans une tempête. Il faut donc avoir le cœur bien accroché et être très bien accroché quand on est debout.
Il y a des ceintures de sécurité pour les places situées totalement à l’arrière, face au couloir. Même si presque personne ne les utilise, elles peuvent vous éviter de traverser à plat ventre tout le bus lors d’un freinage brutal ou d’un accident.
On notera que, pour agrémenter la chute, la plupart des bus ont un escalier dans la partie arrière, ce qui ajoute au plaisir de l’expérience.
Voilà, j’espère que je vous ai donné envie de prendre le colectivo de Buenos Aires, que je ne vous ai pas trop refroidis, je laisse cela aux soins de la clim à fond ou un coup de chaleur, ce que je laisse aux soins de la clim en panne ou absente.
Certaines lignes ont des décors surprenants avec des tentures, des fileteados, d’autres sont plus sobres. Les sièges des conducteurs sont souvent faits de fil tendu entre deux barres de métal, je n’envie pas du tout ces valeureux chauffeurs et leurs conditions de travail effroyables. Je plains également les banlieusards qui restent souvent une heure debout dans des bus bondés après avoir attendu dans une queue de 50 mètres de long.
Pour toutes ces raisons, les riches prennent leur voiture, un Uber, et à la limite, un taxi et ne s’aventurent jamais dans les bus ni dans le métro. Pour cette raison, ils ne comprennent sans doute pas pourquoi on subventionnerait ces moyens de transport alors qu’eux, ils payent leur service.
Il y aurait sans doute à dire sur l’esclavage des taxis et des chauffeurs Uber, mais ce sera pour une autre fois si vous le voulez bien.
À bientôt les amis, mais en guise de cadeau, voici les paroles des deux tangos évoqués et leur traduction.
Paroles de Tango del colectivo
Ahora es ‘Cinta Scotch’ En vez de cuatro chinches Porque la vida pasa… El tiempo cambia. Pero siempre Gardel, Sonrisa, esmoquin Gardel y los muchachos… Esos muchachos… Que son de alguna forma Iguales a la rubia, De los textos abiertos Y los ojos cerrados.
Se sube en la primera Corriéndose hacia el fondo, Y empuja cuando baja Como toda la gente. Las manos Ya cansadas de apretar La bronca… De pedir sin que te den, Y al fin perder las cosas Que te importan.
Las cosas de verdad que tanto importan, El sol sobre los ojos me hace mal, Por eso es que me has visto lagrimear No ves la ciudad viene y se va, Y las veredas son de todos Como el pan. Armando Pontier (Armando Francisco Punturero) Letra: Federico Silva (René Federico Silva Iraluz)
Traduction de Tango del colectivo
Maintenant, c’est du « ruban adhésif scotch » au lieu de quatre punaises (les chinches sont les punaises de lit et on considérait que s’il y en avait 4 par mètre carré, il fallait prendre des mesures. Mais en lunfardo, les chinches sont des personnes qui dérangent, voire qui ont une maladie vénérienne, j’avoue ne pas savoir quelle signification donner à ces 4 punaises), parce que la vie passe… Les temps changent. Mais toujours Gardel, a le sourire, le smoking Gardel et les garçons (muchachos, peut-être ceux à qui il a dit adieu dans sa chanson adios muchachos, un titre de Julio César Sanders avec des paroles de César Felipe Vedani qu’ont enregistré Agustín Magaldi, Ignacio Corsini et finalement Carlos Gardel à París, ce qui a consacré le titre). Ces gars-là… Qui sont d’une certaine façon comme la blonde, avec les textes ouverts et les yeux fermés (ici, c’est un jeu de mot entre les textes ouverts qui sont des textes ouverts à plusieurs interprétations, à double sens, ces textes qui pullulent aux époques de censure, dans la tradition d’Ésope ou de Jean de la Fontaine. Dans le cas contraire, on parle de textes fermés, mais là, ce sont les yeux qui sont fermés). Il grimpe le premier (dans le bus) en courant vers le fond, et pousse quand il descend comme tout le monde. (Cette partie du texte évoque donc le colectivo et justifie le titre, mais c’est bien sûr, une allégorie des pratiques de certains…). Les mains déjà fatiguées de serrer la colère… De demander sans qu’on vous le donne, et à la fin de perdre les choses qui comptent pour vous (sans doute une évocation du poing fermé, geste des humiliés qui réclament de quoi vivre, un symbole tant d’actualité en Argentine aujourd’hui au moment où y renait la dictature). Les vraies choses qui comptent tant, le soleil me fait mal aux yeux, c’est pour cela que vous m’avez vu pleurer, tu ne vois pas la ville aller et venir, et les trottoirs appartiennent à tout le monde comme le pain.
Paroles de Se rechiflo el colectivo
Se rechifló el colectivo que tomé para tu casa yo vi que el colectivero, por Sandiablo, bocinaba raros tangos que Alfonsina con Ray Bradbury bailaba sobre el capó entre un tumulto de camelias y galaxias y perdió, de tumbo en tumbo, la vergüenza y las frenadas. Y voló al dintel del sueño donde está mi noche brava. Se rechifló, pero a muerte, porque al ir para tu casa, supo que vos me querías con reloj, sueldo y corbata
¡Qué tonta… pero qué tonta!
¡A mí, que un láser de versos me calienta hasta la barba! y cargo al hombro mi tumba para morir de amor ¡Mañana!… y Chopín y Alfredo Gobbi pobres como las arañas, en mi bulín la fortuna de sus penas, me regala.
Se negó a llevarme a vos, colectivo de mi alma, en las torres de Retiro se embaló por las fachadas y de un puente de alboroto cayó al Río de la Plata, cuando mi río es mis tripas y es mi vino y es mi magia.
Se rechifló el colectivo que tomé para tu casa: y en el techo yo reía y en la gloria te gritaba: ¡Se rechifló… pobre de vos! ¡Se rechifló… gracias a Dios! Osvaldo Tarantino Letra: Horacio Ferrer
Traduction de Se rechiflo el colectivo
Il serait très prétentieux de ma part d’essayer de retranscrire la poésie de Ferrer. Cette traduction est donc plus un guide pour aiguiller dans la direction, mais vous devrez faire le parcours poétique vous-même.
Le bus que j’ai pris pour rentrer chez toi s’est moqué. J’ai vu que le chauffeur, par Sandiablo (Saint Diable est un oxymore inventé par Ferrer pour exprimer la folie), klaxonnait d’étranges tangos qu’Alfonsina (Alfonsina Storni qui s’est suicidée en se jetant à la mer à Mar de Plata, comme dans un de ses poèmes, et qui a donné lieu à la merveilleuse zamba, Alfonsina y el mar immortalisée par Mercedes Sosa) avec Ray Bradbury (c’est bien sûr l’auteur de Fahreinheit 451, qui évoque la destruction des livres, dans la droite lignée de ce que font les régimes fascistes comme la dictature militaire argentine de l’époque, ou l’actuelle ou les partisans de Milei brûlent des livres qu’ils croient pernicieux faute de les avoir lus) dansait sur le capot (une est morte noyée et l’autre parle d’un pompier et de feu, le symbole de Ferrer est fort) au milieu d’un tumulte de camélias et de galaxies et perdait, de culbute en culbute, la honte et les freins. Et il s’envola vers le linteau du sommeil où se trouve ma folle nuit. Il s’est moqué, mais à mort, parce que, lorsqu’il s’est arrêté chez toi, il savait que tu m’aimais avec une montre, un salaire et une cravate. Quelle idiote, mais quelle idiote ! Pour moi, qu’un laser de vers me réchauffe jusqu’à la barbe ! Et je charge sur mes épaules ma tombe pour mourir d’amour Demain !… Et Chopin et Alfredo Gobbi, pauvres comme les araignées, dans ma chambrette m’offrent la fortune de leurs chagrins. Il a refusé de me conduire à toi, le colectivo de mon âme, dans les tours de Retiro (station de train, où allait justement le bus 23…), il a chargé à travers les façades et d’un pont de tumulte (émeute) il est tombé dans le Río de la Plata, quand mon fleuve est mes tripes et qu’il est mon vin et qu’il est ma magie. Le bus que j’ai pris pour aller chez toi s’est moqué : Et sur le toit, je riais et, dans la gloire, je te criais : Il s’est moqué… Pauvre de toi ! Il s’est moqué… Dieu merci !
N’ayant pas de tango enregistré un 25 décembre, je vous propose de nous intéresser à une des compositions les plus célèbres d’Argentine, la Misa criolla. On parle de Misa criolla, mais en le faisant on risque d’occulter la face B du disque qui comporte une autre composition d’Ariel Ramírez et Felix Luna, Navidad nuestra. C’est cette œuvre qui est de circonstance en ce 25 décembre 2024, 60 ans après sa création. Ce fut mon premier disque, offert par ma marraine, j’ai donc une affection particulière pour ces deux œuvres.
Misa criolla et Navidad nuestra – Extraits musicaux
Ariel Ramírez s’est inspiré de rythmes traditionnels de son pays (mais pas que) pour composer les cinq œuvres qui composent la Misa criolla (Face A) et les six qui constituent Navidad nuestra (Face B). J’ai ajouté quelques éléments sonores en illustration. Ils ne sont pas précédés de la lettre A ou B qui sont réservées aux faces A et B du disque d’origine.
À gauche, le disque sorti en Argentine en 1965. cette couverture restera la même pour les éditions argentines ultérieures. Au centre, une édition française. Elle utilise l’illustration de la première édition (1964) et qui a été éditée en Nouvelle-Zélande. Mon disque portait cette illustration et pas celle de l’édition argentine, postérieure d’un an.
Misa criolla
A1: Misa Criolla — Kyrie — Vidala-Baguala
La vidala et la baguala sont deux expressions chantées du Nord-Ouest de l’Argentine accompagnées d’une caja.
Une caja qui accompagne le chant de la Videla et de la baguala.Baguala Con mi caja cantar quiro.
On reconnaît la caja qui est frappée sur un rythme ternaire, mais seulement sur deux des trois temps, créant ainsi un temps de silence dans la percussion. Cela donne une dimension majestueuse à la musique. Ariel Ramírez utilise ce rythme de façon partielle. On l’entend par exemple dans le premier chœur, dans les silences du chant.
Pour créer un thème en contraste, Ariel Ramírez utilise deux rythmes différents, également du Nord-Ouest. Le carnavalito allègre et enjoué et le yaravi, plus calme, très calme, fait de longues phrases. Le yaravi est triste, car utilisé dans les rites funéraires. Il s’oppose donc au carnavalito, qui est une danse de groupe festive. Vous reconnaîtrez facilement les deux rythmes à l’écoute.
A3: Misa Criolla — Credo — Chacarera Trunca.
Vous reconnaîtrez facilement le rythme de la chacarera. Ici, une chacarera simple à 8 compases. Même si elle est trunca, vous pourriez la danser, la trunca est juste une différenciation d’accentuation des temps. Ariel Ramírez, cependant, ne respecte pas la pause intermédiaire, il préfère donner une continuité à l’œuvre.
Encore un rythme correspondant à une danse festive, même si Ariel Ramírez y intercale des passages d’inspiration plus religieuse. On notera que cette forme de carnaval n’est pas argentine, mais bolivienne.
A5: Misa Criolla — Agnus Dei — Estilo Pampeano.
Le Estilo n’est pas exactement un rythme particulier, car il mélange plusieurs genres. C’est une expression de la pampa argentine. Après le motif du départ en introduction, on remarque une inspiration du Yaravi. Le clavecin d’Ariel Ramírez apporte une légèreté dans les transitions.
Navidad nuestra
Commence ici la face B et une autre œuvre, consacrée à la naissance de Jésus, de l’annonciation à la fuite en Égypte.
B1: Navidad Nuestra — La Anunciación – Chamame.
Le chamame, cette danse joyeuse et festive, jouée à l’accordéon, est typique de la province de Corrientes. Certains danseurs européens s’évertuent à danser en milonga…
Partition de La Anunciación, premier thème de la Navidad nuestra.
Milonga para as missões — Renato Borghetti. Oui, c’est un chamamé, pas une milonga…B2: Navidad Nuestra — La Peregrinación — Huella Pampeana.
La huella est une danse associant des tours, des voltes et des zapateos, ce qui rappellera un peu la chacarera ou le gato. La Peregrinación raconte la quête par Jose et Maria (Joseph et Marie) d’un endroit pour la naissance de Jésus. Ils sont dans la pampa gelée, au milieu des chardons et orties. Je vous donne en prime la merveilleuse version de la Negra (Mercedes Sosa).
La Peregrinación — Mercedes Sosa.B3: Navidad Nuestra — El Nacimiento — Vidala Catamarquena.
On retrouve le rythme calme de la vidala pour annoncer la naissance. Je vous propose les paroles ci-dessous.
B4: Navidad Nuestra — Los Pastores — Chaya Riojana.
Là, il ne s’agit pas d’une musique traditionnelle, mais d’une fête qui a lieu à la Rioja. La Chaya est une belle Indienne qui tombe amoureuse d’un jeune homme coureur de jupons. Celui-ci ignore la belle qui ira s’exiler dans les montagnes. Pris de remords, il décide de la retrouver et, finalement, il rentre à la Rioja, se saoule et brûle vif dans un poêle. Tous les ans, la fête célèbre l’extinction du jeune homme en feu avec les larmes de Chaya. Aujourd’hui, cette ancienne fête est plutôt un festival de folklore où se succèdent différents orchestres.
B5: Navidad Nuestra — Los Reyes Magos – Takirari.
Le Takirari est une danse bolivienne qui a des parentés avec le carnavalito. Les danseurs sautent, se donnent le coude et tournent en ronde. C’est donc une musique joyeuse et vive.
B6: Navidad Nuestra — La Huida — Vidala Tucumana.
Encore une vidala qui imprime son rythme triste. On sent les pas lourds de l’âne qui mène Marie et Jésus en Égypte. La musique se termine par un decrescendo qui pourrait simuler l’éloignement de la fuite.
Voilà, ici se termine notre tour de la Misa criolla et de la Navida nuestra. On voit que, contrairement à ce qui est généralement affirmé, seuls quelques rythmes du folklore argentin sont présentés et que deux thèmes sont d’inspiration bolivienne.
À propos des paroles
En Argentine, qui n’est pas un pays laïque, la religion est importante. Je devrais dire les religions, car, si le catholicisme des Espagnols est important, il me semble que les évangélistes sont bien plus présents si on en juge par le nombre d’églises évangélistes. Les autres religions monothéistes sont également bien représentées dans ce pays qui a accueilli en masse les juifs chassés d’Europe et les nazis. Cette œuvre a d’ailleurs été écrite à la suite du témoignage de deux sœurs allemandes rencontrées à Würzburg et qui lui ont conté les horreurs de la Seconde Guerre mondiale. On note aussi en Argentine diverses religions, ou plutôt cultes, comme celui du Gauchito Gil, de Difunta Correa ou tout simplement de footballeurs comme Maradona. Les paroles de Felix Luna ont été écrites à partir de textes liturgiques révisés par Antonio Osvaldo Catena, Alejandro Mayol et Jesús Gabriel Segade, trois prêtres, dont le dernier était aussi le directeur de la Cantoria de la Basílica del Socorro qui a enregistré la première version avec Ariel Ramírez. À ce sujet, ce chœur, le deuxième plus ancien d’Argentine, est en péril à la suite de la perte de son financement. La culture n’est plus à la mode en Argentine. Leur dernier concert a eu lieu il y a une dizaine de jours pour les 60 ans de la Misa criolla. Ils recherchent un sponsor. Si vous avez des pistes, vous pouvez écrire à panella.giovanni85@gmail.com.
La troupe de la Missa criolla a fait une tournée en Europe en 1967. L’affiche du dernier concert de la Cantoria de la Basílica del Socorro pour les 60 ans de l’œuvre.
Paroles (Navidad Nuestra — El Nacimiento — Vidala Catamarquena)
Noche anunciada, noche de amor Dios ha nacido, pétalo y flor Todo es silencio y serenidad Paz a los hombres, es Navidad
En el pesebre mi Redentor Es mensajero de paz y amor Cuando sonríe se hace la luz Y en sus bracitos crece una cruz
(Ángeles canten sobre el portal) Dios ha nacido, es Navidad
Esta es la noche que prometió Dios a los hombres y ya llegó Es Nochebuena, no hay que dormir Dios ha nacido, Dios está aquí Ariel Ramírez Letra: Felix Luna
Traduction libre de Navidad Nuestra — El Nacimiento — Vidala Catamarquena
Nuit annoncée, nuit d’amour. Dieu est né, pétale et fleur. Tout n’est que silence et sérénité. Paix aux hommes, c’est Noël Dans la crèche, mon Rédempteur est un messager de paix et d’amour. Quand il sourit, il y a de la lumière et une croix pousse dans ses bras. (Les anges chantent au-dessus de la porte), Dieu est né, c’est Noël C’est la nuit que Dieu a promise aux hommes et elle est déjà arrivée. C’est la veille de Noël, il ne faut pas dormir, Dieu est né, Dieu est là.
À propos de la première version de la Misa criolla et de Navidad nuestra
Il y a de très nombreuses versions de la Misa criolla et de Navidad nuestra. Je vous propose uniquement de mieux connaître la version initiale, celle qui a été enregistrée en 1964.
L’orchestre
Ariel Ramírez: Direction générale, piano et clavecin. Jaime Torres: charango. Luis Amaya, Juancito el Peregrino et José Medina: guitare criolla. Raúl Barboza: accordéon pour le chamame «La anunciación». Alfredo Remus: contrebasse Domingo Cura: percussions. Chango Farías Gómez: bombo et accessoires de percussion.
Les chanteurs
Les quatre chanteurs de Los Fronterizos (Gerardo López, Eduardo Madeo, César Isella et Juan Carlos Moreno): chanteurs solistes. Cantoría de la Basílica del Socorro: chœur Jesús Gabriel Segade: directeur de la Cantoría.
De gauche à droite. La Negra (Mercedes Sosa, qui a beaucoup travaillé avec Ariel Ramírez), Felix Luna (auteur des paroles) et Ariel Ramírez (compositeur) au piano et en portrait à droite.
À bientôt les amis. Je vous souhaite de joyeuses fêtes et un monde de paix où tous les humains pourront chanter et danser pour oublier leurs tristesses et exprimer leurs joies.
PS : Gérard Cardonnet a fait le commentaire suivant et je trouve cela très intéressant :
« Excellent, Bernardo. Mais s’agissant de messe, quand on parle de compositeurs argentins, comment ne pas citer la “Misa a Buenos Aires”, dite Misatango, de Martin Palmeri. https://www.choeurdesabbesses.fr/…/la-misatango-de…/ » Voilà, maintenant, c’est écrit.
Et comme de bien entendu, j’en rajoute une petite couche avec la réponse :
« Gérard, comme tu l’as remarqué, c’était plutôt Navidad nuestra qui était d’actualité, Noël étant lié à la naissance. J’ai d’ailleurs mis en avant El nacimiento en en mentionnant les paroles. Pour ce qui est de la Misatango, elle fait clairement référence à Piazzolla. Mon propos était de changer l’éclairage sur l’Argentine pour parler des musiques traditionnelles. C’est promis, un de ces jours je mettrais les pieds dans le Piazzolla. La Misatango est une œuvre superbe. Tu la cites avec beaucoup de raison. J’aurais aussi pu parler de tangos de saison avec quelques titres qui évoquent les fêtes de fin d’année comme : Pour Noël Nochebuena Bendita nochebuena Feliz nochebuena El vals de nochebuena Navidad Feliz Navidad Navidad de los morenos Candombe en Navidad Pour le Jour de l’an Año nuevo Pour les Rois mages (6 janvier) Noche de reyes Un regalo de reyes 6 de enero (6 janvier, jour des Rois mages). Papa Baltasar »
La musique de Cristal est de celles qui marquent les esprits et les cœurs. La force de l’écriture fait que la plupart des versions conservent l’ambiance du thème original. Cependant, nous aurons des petites surprises. Je vous présente, Cristal de Mariano Mores avec des paroles de Contursi, mais pas que…
Extrait musical
Cristal 1944-06-07 — Orquesta Aníbal Troilo con Alberto Marino.
Une très jolie descente répétée lance cette version. Les notes deviennent de plus en plus graves en suivant une gamme mineure. Cela donne une imposante présence au thème. L’introduction se développe, puis après 30 secondes se développe le thème principal. Celui que Alberto Marino chantera à partir de 1’20.
Paroles
Tengo el corazón hecho pedazos, rota mi emoción en este día… Noches y más noches sin descanso y esta desazón del alma mía… ¡Cuántos, cuántos años han pasado, grises mis cabellos y mi vida! Loco… casi muerto… destrozado, con mi espíritu amarrado a nuestra juventud.
Más frágil que el cristal fue mi amor junto a ti… Cristal tu corazón, tu mirar, tu reír… Tus sueños y mi voz y nuestra timidez temblando suavemente en tu balcón… Y ahora sólo se que todo se perdió la tarde de mi ausencia. Ya nunca volveré, lo sé, lo sé bien, ¡nunca más! Tal vez me esperarás, junto a Dios, ¡más allá!
Todo para mí se ha terminado, todo para mí se torna olvido. ¡Trágica enseñanza me dejaron esas horas negras que he vivido! ¡Cuántos, cuántos años han pasado, grises mis cabellos y mi vida! Solo, siempre solo y olvidado, con mi espíritu amarrado a nuestra juventud…
Mariano Mores Letra: José María Contursi
Traduction libre
Mon cœur est en morceaux, mon émotion est brisée en ce jour… Des nuits et encore des nuits sans repos et ce malaise de mon âme… Combien, combien d’années se sont écoulées, grisonnant mes cheveux et ma vie ! Fou… presque mort… détruit, avec mon esprit amarré à notre jeunesse.
Plus fragile que le verre était mon amour avec toi… De cristal, ton cœur, ton regard, ton rire… Tes rêves et ma voix et notre timidité tremblant doucement sur ton balcon… Et seulement maintenant, je sais que tout a été perdu l’après-midi de mon absence. Je n’y retournerai jamais, je sais, je le sais bien, plus jamais ! Peut-être m’attendrez-vous, à côté de Dieu, au-delà !
Tout pour moi est fini, tout pour moi devient oubli. Tragique enseignement que m’ont laissé ces heures sombres que j’ai vécues ! Combien, combien d’années se sont écoulées, grisonnant mes cheveux et ma vie ! Seul, toujours seul et oublié, avec mon esprit amarré à notre jeunesse…
Autres versions
Cristal 1944-06-03 — Orquesta Francisco Canaro con Carlos Roldán.
Canaro ouvre le bal avec une version tonique et assez rapide. Le début spectaculaire que nous avons vu dans la version de Troilo est bien présent. On remarquera la présence de l’Orgue Hammond et sa sonorité particulière, juste avant que chante Carlos Roldán. Ce dernier est par moment accompagné par le vibraphone.
Cristal 1944-06-07 — Orquesta Aníbal Troilo con Alberto Marino. C’est notre tango du jour.Cristal 1944-06-30 — Orquesta Osvaldo Fresedo con Oscar Serpa.
Fresedo ne pouvait pas passer à côté de ce thème qui semble avoir été écrit pour lui. La structure est très proche de celles de Canaro et Troilo, mais avec sa sonorité. La voix de Serpa, plus tranchante que celle de Ray et Ruiz, donne un caractère toutefois un peu différent à cette interprétation de Fresedo.
Cristal 1957 — Dalva de Oliveira con acomp. de orquesta.
L’introduction est raccourcie et Dalva de Oliveura chante quasiment tout de suite. Vous aurez sans doute remarqué que cette version était chantée en Portugais avec quelques variantes. Vous trouverez le texte en fin d’article. L’orchestre peut être celui de Francisco Canaro, car elle a enregistrée en 1957 avec lui, mais ce n’est pas sûr.
Cristal 1957-02-01 — Orquesta Mariano Mores con Enrique Lucero.
Mariano Mores enregistre sa création. Mariano Mores se passe de sa spectaculaire introduction pour jouer directement son thème principal. Le piano fait le lien entre les différents instruments, puis Enrique Lucero entre scène. Lucero a une belle voix, mais manque un peu de présence, associé à un orchestre léger et sans doute trop poussé à des fantaisies qui fait que cette version perd un peu de force dramatique. On verra avec des versions suivantes que Mores corrigera le tir, du côté chant, mais pas forcément du côté orchestral.
Cristal 1958 — Albertinho Fortuna com Alexandre Gnattali e a sua orquestra.
Là encore, voir en fin d’article le texte en portugais brésilien.
Cristal 1961 — Astor Piazzolla Y Su Quinteto Con Nelly Vázquez.
Piazzolla enregistre à plusieurs reprises le titre. Ici, une version avec Nelly Vázquez. On est dans autre chose.
Cristal 1962-04-27 — Orquesta Armando Pontier con Héctor Dario.
Armando Pontier nous livre une version sympathique, avec un Héctor Dario qui lance avec énergie le thème.
Cristal 1965 — Ranko Fujisawa. Avec l’orchestre japonais de son mari,
Ranko nous prouve que le tango est vraiment international. Elle chante avec émotion.
Cristal 1978-08-01 — Roberto Goyeneche con Orquesta Típica Porteña arr. y dir. Raúl Garello.
Goyeneche a enregistré de nombreuses fois ce titre, y compris avec Piazzolla. Voici une de ses versions, je vous en présenterai une autre en vidéo en fin d’article. On voit que Piazzolla est passé par là, avec quelques petites références dans l’orchestration.
Cristal 1984c — Claudia Mores con la Orquesta de Mariano Mores.
Mariano revient à la charge avec Claudia, sa belle-fille. En effet, elle était mariée à Nico, le fils de Mariano. On retrouve l’orgue Hammond de Canaro dans cette version. Si elle est moins connue que son mari, il faut lui reconnaître une jolie voix et une remarquables expressivité.
Cristal 1986 — Mariano Mores y su Orquesta con Vikki Carr.
Une rencontre entre Vikki Carr qui a habituellement un répertoire différent. On notera que l’orchestre est plus sobre que dans d’autres versions, même, si Mores ne peut pas s’empêcher quelques fantaisies.
Cristal 1994 — Orquesta Mariano Mores con Mercedes Sosa.
Attention, pure émotion quand la Negra se lance dans Cristal. Sa voix si particulière, habituée au folklore s’adapte parfaitement à ce thème. Attention, il y a un break (silence) très long, ne perdez pas la fin en coupant trop vite. Avec cette version, on peut dire que Mores, avec ces trois femmes, a donné de superbes versions de sa composition, d’un caractère assez différent de ce qu’ont donné les autres orchestres, si on excepte Piazzolla et ce qui va suivre.
Cristal 1994 — Susana Rinaldi con acomp. de orquesta.
La même année encore une femme qui donne une superbe version du thème de Mores. Là, c’est la voix qui est essentielle. Une version étincelante qui pourrait rappeler Piaf dans le vibrato de la voix.
Cristal 1998 — Orquesta Néstor Marconi con Adriana Varela.
Oui, encore une femme, une voix différente. L’empreinte de Piazzolla est encore présente. Néstor Marconi propose un parfait accompagnement avec son bandonéon. Vous le verrez de façon encore plus spectaculaire dans la vidéo en fin d’article.
Cristal 2010c — Aureliano Tango Club. Une introduction très originale à la contrebasse.
On notera aussi la présence de la batterie qui éloigne totalement cette version du tango traditionnel.
Versions en portugais
Voici le texte des deux versions en portugais que je vous ai présentées.
Paroles
Tenho o coração feito em pedaços Trago esfarrapada a alma inteira Noites e mais noites de cansaço Minha vida, em sombras, prisioneira Quantos, quantos anos são passados Meus cabelos brancos, fim da vida Louca, quase morta, derrotada No crepúsculo apagado lembrando a juventude Mais frágil que o cristal Foi o amor, nosso amor Cristal, teu coração, teu olhar, teu calor Carinhos juvenis, juramentos febris Trocamos, docemente em teu portão Mais tarde compreendi Que alguém bem junto a ti Manchava a minha ausência Jamais eu voltarei, nunca mais, sabes bem Talvez te esperarei, junto a Deus, mais além
Haroldo Barbosa
À propos de la version d’Haroldo Barbosa
Le thème des paroles d’Haroldo Barbosa est semblable, mais ce n’est pas une simple traduction. Si la plupart des images sont semblables, on trouve une différence sensible dans le texte que j’ai reproduis en gras. « Plus tard, j’ai réalisé que quelqu’un juste à côté de toi avait souillé mon absence. Je ne reviendrai jamais, plus jamais, tu sais. Peut-être que je t’attendrai, avec Dieu, dans l’au-delà ». Contrairement à la version de Contursi, on a une cause de la séparation différente et là, c’est lui qui attendra auprès de Dieu et non, elle qui attendra peut-être.
Roberto Goyeneche et Néstor Marconi, Cristal
Et pour terminer, la vidéo promise de Goyeneche et Marconi. Cette vidéo montre parfaitement le jeu de Marconi. Hier, nous avions Troilo à ses tout débuts, là, c’est un autre géant, dans la maturité.
Roberto Goyeneche Néstor Marconi et Ángel Ridolfi (contrebasse) dans Cristal de Mariano Mores et José María Contursi. Buenos Aires, 1987.
À demain, les amis!
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