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Racing Club 1930-06-03 – Sexteto Carlos Di Sarli

Vicente Greco Letra : Carlos Pesce

Les Argentins sont toqués de foot­ball, comme peu d’autres peu­ples. Cha­cun est hin­cha (fan) d’un club. Il était donc naturel que cela se retrou­ve dans l’autre pas­sion de cer­tains Argentins, le tan­go. Notre tan­go du jour ne brille pas for­cé­ment par ses paroles, mais la musique de Vicente Gre­co est intéres­sante et comme toutes les ver­sions enreg­istrées sont instru­men­tales, on peut danser, même si on déteste le foot­ball.

Extrait musical

Par­ti­tion pour piano de Rac­ing Club. On voit que sur la cou­ver­ture de la par­ti­tion, la dédi­cace aux affil­iés au Rac­ing Club et la men­tion « Tan­go Foot­bal­lis­ti­co ». L’orthographe est plus proche de l’anglais que l’orthographe actulle, les Argentins écrivent désor­mais Fut­bol.
Rac­ing Club 1930-06-03 – Sex­te­to Car­los Di Sar­li.

On con­naît bien l’entrée en matière énergique. Cette ver­sion se dis­tingue de bien des enreg­istrements de l’époque, par un bel étage­ment des instru­ments, avec un motif de vio­lon qui lie le tout et quelques relances de piano ou de ban­donéon. Cette ver­sion est assez mod­erne et pour­rait prob­a­ble­ment pass­er en milon­ga, notam­ment, s’il y a beau­coup de piétineurs dans les par­tic­i­pants.
Pour cet enreg­istrement, le sex­te­to est com­posé des musi­ciens suiv­ants :
César Gin­zo et Tito Landó (ban­donéons) Car­los Di Sar­li (piano) Rober­to Guisa­do et Héc­tor Lefalle (vio­lons) et Domin­go Capurro à la con­tre­basse.

Paroles

Rac­ing Club de Avel­lane­da
club de mi pueblo queri­do,
yo que admiro con car­iño
tu valiente batal­lar
en esas horas glo­riosas
para el deporte argenti­no,
fuiste campeón gen­uino
de la masa pop­u­lar.

Rac­ing Club, vos que diste
acad­e­mia en la Améri­ca del Sur
gran campeón de los tiem­pos viejos de oro
del fut­bol de mi Nación,
yo quisiera ver tri­un­far a tus col­ores,
que son los de mi ban­dera
porque aún seguís sien­do para todos
el glo­rioso Rac­ing Club.

Noble club con gran car­iño
te sigue la muchacha­da
la que tan entu­si­as­ma­da
te sabrá siem­pre alen­tar,
porque sos vos Rac­ing Club
la glo­ria del tiem­po de oro
como el Alum­ni que añoro
y jamás volverá.

Vicente Gre­co Letra: Car­los Pesce

Traduction libre et indications

Rac­ing Club de Avel­lane­da, club de mon vil­lage bien-aimé, moi qui admire avec affec­tion ta courageuse bataille en ces heures glo­rieuses pour le sport argentin, tu as été un véri­ta­ble cham­pi­on des mass­es pop­u­laires.
Rac­ing Club, toi qui as don­né académie en Amérique du Sud, grand cham­pi­on de l’ancien âge d’or du foot­ball dans ma nation, je voudrais voir tri­om­pher tes couleurs, qui sont celles de mon dra­peau, car tu es tou­jours pour nous tous, le glo­rieux Rac­ing Club.
Noble club, avec beau­coup d’affection te suit la foule, celle qui avec tant d’enthousiasme saura tou­jours t’encourager, car tu es, toi,
Rac­ing Club, la gloire de l’âge d’or, comme L’Alum­ni (club de foot­ball des élèves de l’école Willis High School, dis­paru en 1913) qui me manque et jamais ne revien­dra.
Les fans de foot pour­ront regarder cette courte vidéo présen­tant l’histoire du club Alum­ni.

https://youtu.be/R5Nr6FKgJ6k

His­toire du club Alum­ni en vidéo. Les mail­lots ont des rayures comme celles du Rac­ing Club, mais rouges et blanch­es au lieu de célestes et blanch­es.

Pour les super­fans qui s’intéressent à l’histoire des stades, je pro­pose ce doc­u­ment, seule­ment en espag­nol, mais bien doc­u­men­té sur la vie des stades, notam­ment à par­tir d’exemples portègnes. El ciclo de vida de los esta­dios porteños (PDF).

Autres versions

Rac­ing Club 1916 – Orques­ta Típi­ca Fer­rer (Orques­ta Típi­ca Argenti­na Celesti­no).

Je pense que vous êtes désor­mais habitué à ce son linéaire. La prise de son acous­tique ne rend sans doute pas une grande jus­tice à la presta­tion. Les nuances sont impos­si­bles. Jouer moins fort, c’est pren­dre le risque que la musique dis­paraisse dans le bruit de fond du disque. On entend cepen­dant de jolis motifs, comme les « twitwiti­tis » de la flûte, en arrière-plan. Comme avec la plu­part des tan­gos de l’époque, on peut trou­ver le résul­tat monot­o­ne, les dif­férentes par­ties étant très sim­i­laires, pour ne pas dire iden­tiques.

Rac­ing Club 1930-06-03 – Sex­te­to Car­los Di Sar­li. C’est notre tan­go du jour.
Rac­ing Club 1940-07-04 – Orques­ta Car­los Di Sar­li.

Avec son orchestre, Di Sar­li enreg­istre de nou­veau le titre. Une ver­sion vrai­ment très dif­férente de la ver­sion de 1930 qui per­met de mesur­er son évo­lu­tion et recon­naître ses évo­lu­tions futures. Rober­to Guisa­do (vio­lon) et Car­los Di Sar­li (piano), sont les seuls musi­ciens ayant par­ticipé au sex­te­to.

Rac­ing Club 1942 – Orques­ta Aníbal Troi­lo.

Bien que ce ne soit pas son club de cœur, il était de Riv­er, Troi­lo a enreg­istré le titre. La qual­ité sonore est médiocre, car c’est un enreg­istrement en acé­tate réal­isé lors d’une presta­tion à la radio, c’est dom­mage, avec un enreg­istrement cor­rect, on aurait eu une ver­sion ani­mée pour les milon­gas.

Rac­ing Club 1946-03-29 – Orques­ta Ángel D’Agostino.

On ne s’attend sans doute pas à trou­ver cet enreg­istrement de la part de D’Agostino. Mais c’est sans doute qu’on priv­ilégie les enreg­istrements avec Ángel Var­gas qui pousse d’Agostino à plus de douceur et de roman­tisme. On notera un appel en début de morceau, au ban­donéon, dif­férents des ver­sions précé­dentes.

Rac­ing Club 1949-10-13 – Orques­ta Alfre­do Gob­bi.

Le moins qu’on puisse dire est que Gob­bi n’est pas très apprécié/passé en milon­ga, mais si on le passe, c’est avec Rac­ing Club et Orlan­do Goñi, La viru­ta et bien sûr Inde­pen­di­ente Club qui est le pen­dant par­fait de Rac­ing Club, puisque c’est un club con­cur­rent. Peu de DJ s’aventurent beau­coup plus loin et c’est sans doute mieux ain­si, car il est dif­fi­cile de faire une belle tan­da, homogène, avec le reste de ses enreg­istrements… Gob­bi utilise le même appel au ban­donéon que D’Agostino.

Rac­ing Club 1950-09-13 – Orques­ta Rodol­fo Bia­gi.

Rac­ing Club 1950-09-13 – Orques­ta Rodol­fo Bia­gi. Bon, c’est du Bia­gi. Cela se recon­naît dès le début, Bia­gi entre directe­ment dans le « Tchang – Tchang » qui lui est cher. Ceux qui n’ont pas recon­nu, le fer­ont au bout des quinze pre­mières sec­on­des, lors de la pre­mière vir­gule (la petite fior­i­t­ure) de Bia­gi au piano. Même si Bia­gi a de nom­breux fans, il est dif­fi­cile de met­tre plus de deux tan­das de cet orchestre dans une milon­ga si on veut pro­pos­er un éven­tail de sen­sa­tions plus large. Mais cer­tains sont prêts à danser toute la nuit avec Bia­gi, alors, ojo comme on dit en Argen­tine, atten­tion, DJ, on t’a à l’œil, ou plutôt à l’oreille).

Rac­ing Club 1966-10-07 – Los Siete Del Tan­go dir. y arr. Luis Sta­zo y Orlan­do Trípo­di.

Pour ter­min­er, cette liste qui pour­rait bien sûr être plus longue, cette ver­sion par les anciens musi­ciens de Pugliese, Los Siete Del Tan­go (les 7 du tan­go). On n’est plus dans la danse, mais c’est de la belle ouvrage. On notera que le début est celui de D’Agosti­no, mais revu. Il est plus lent et annonce une pause avant le début du morceau.

Pour réconcilier les footeux et les tangueros et faire plaisir à ceux qui sont les deux

Je vous pro­pose cette vidéo avec comme musique, Que­jas de ban­doneón par Aníbal Troi­lo, dan­sé à San Tel­mo (quarti­er de buenos Aires) par un cou­ple vir­tu­ose du bal­lon rond. Petite fan­taisie, Troi­lo était hin­cha de Riv­er Plate (Les anglo-sax­ons par­lent de Riv­er Plate pour le Río de la Pla­ta), pas du Rac­ing, mais comme fana­tique de foot­ball, il me par­don­nera sans doute, d’autant plus qu’il a enreg­istré Rac­ing Club…
Pour le Rac­ing, il faudrait plutôt choisir Atilio Stam­pone qui était hin­cha de ce club, mais il n’a pas enreg­istré le titre…

Réal­isé pour la coupe du Monde de 2018, ce film était dans le cadre de la cam­pagne fut­bol deporte nacional (Foot­ball, Sport Nation­al).

Allez, un dernier truc, une playlist pour hin­chas de Rac­ing sur Spo­ti­fy… ATTENTION, cela n’a rien de tan­go, c’est juste pour vous aider à pren­dre la dimen­sion du phénomène foot­ball en Argen­tine.

El amanecer 1950-05-29 — Orquesta Domingo Federico

Roberto Firpo

El amanecer (l’aube) est un thème très, très sou­vent passé en milon­ga, notam­ment quand celles-ci durent jusqu’à l’aube. En effet, quoi de plus agréable que d’entendre le chant des oiseaux aux pre­miers rayons du soleil? Fir­po qui adore évo­quer des sons réal­istes nous a fait cadeau de cette belle com­po­si­tion et Fed­eri­co va éveiller nos sens avec une ver­sion mécon­nue et sub­lime.

On oublie par­fois que l’un des filons pour les musi­ciens de tan­go au début du XXe siè­cle était de jouer en direct dans les ciné­mas à l’époque où les films étaient muets. Cer­tains ont donc dévelop­pé des tal­ents de brui­teurs et imiter des sons de la nature ou autre est un petit jeu que pra­tiquent de nom­breux musi­ciens. Ici, l’objet de l’imitation, ce sont les oiseaux. Avec ce thème et le tal­ent des orchestres, de nom­breuses milon­gas se sont trans­for­mées en volières.
Envolons-nous sur les ailes de l’aube.

Extrait musical

El amanecer 1950-05-29 — Orques­ta Domin­go Fed­eri­co.

J’imagine que vous avez dans l’oreille une des ver­sions de Di Sar­li ou de Fir­po. Cette ver­sion est assez dif­férente, mais on retrou­ve des élé­ments com­muns. Je vous pro­pose de les iden­ti­fi­er en écoutant quelques-unes des autres ver­sions.

Par­ti­tion pour vio­lon et piano de El amanecer de Rober­to Fir­po

Autres versions

À tout seigneur, tout hon­neur, com­mençons par l’auteur, Rober­to Fir­po, le com­pos­i­teur de l’œuvre.

El amanecer 1913 – Sex­te­to Rober­to Fir­po.

Quelques temps (1 à 3 ans) après la com­po­si­tion, Fir­po l’enregistre.

El amanecer 1928-05-28 (ou 31) — Orques­ta Rober­to Fir­po.

Des claque­ments, prob­a­ble­ment sen­sés représen­ter quelque chose, mais quoi ? D’après Fir­po, il se serait inspiré de la ligne 43 de tran­via (tramway) qu’il pre­nait pour ren­tr­er chez lui après une nuit de tra­vail. Puis, arrivé, il était émer­veil­lé par les chants des oiseaux. Les vio­lons de Cayetano Puglisi et Octavio Scaglione sont totale­ment sub­limes. Les oiseaux sont très dis­crets au début, mais s’exposent joli­ment en sec­onde par­tie.

El amanecer 1937-08-14 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor.

L’orchestre est alors dirigé par Fed­eri­co Scor­ti­cati. Remar­quez l’intervention dès le début « d’oiseaux » très réal­istes.

El amanecer 1938-01-04 — Orques­ta Rober­to Fir­po.

Les oiseaux arrivent aus­si dès le début, c’est une ver­sion mag­nifique, pleine de poésie, mais avec de la vigueur, une alter­nance des instru­ments, dont un très beau solo de vio­lon­celle.

El amanecer 1942-06-23 — Orques­ta Car­los Di Sar­li.

Une ver­sion en tous points, superbe. Du grand Di Sar­li. Les oiseaux sont réal­isés par Rober­to Guisa­do, au vio­lon.

El amanecer 1945-09-14 – Rober­to Fir­po y su hijo (Dúo de piano).

Le fils ayant le même prénom que le père, on l’identifie par un H pour Hijo, qui veut dire fils. Là, le fis­ton joue avec son papa. Des trilles et d’impressionnants arpèges à la fin de l’œuvre essayent de recréer les oiseaux. C’est moins réal­iste que les vio­lons, mais c’est intéres­sant à écouter.

El amanecer 1948-08-10 — Juan Cam­bareri y su Gran Cuar­te­to Típi­co Ayer y hoy.

S’il vous prend de met­tre ce thème en réveil, c’est sûr que vous allez vous réveiller en un instant. Fidèle à son style (vice ?) nous pro­pose une ver­sion en vitesse débridée. On a un peu de mal à imag­in­er une douce aube qui s’élève.

Encore Fir­po, encore El Amanecer. Là, il s’agit de El Can­tor Del Pueblo, un film de 1948 réal­isé par Anto­nio Ber Ciani. Rober­to Fir­po joue sa com­po­si­tion, El amanecer, avec son cuar­te­to.

Rober­to Fir­po joue sa com­po­si­tion, El amanecer, avec son cuar­te­to dans El Can­tor Del Pueblo, un film de 1948 réal­isé par Anto­nio Ber Ciani.
El amanecer 1950 — Orques­ta Joaquín Do Reyes.

Cet orchestre plus rare nous offre une ver­sion clas­sique. Une belle présence de la con­tre­basse devrait faciliter la tâche des danseurs.

El amanecer 1950-05-29 — Orques­ta Domin­go Fed­eri­co. C’est notre tan­go du jour.

Avec les exem­ples précé­dents, je pense que vous avez cerné la con­struc­tion de cette œuvre et que l’originalité de l’interprétation de Fed­eri­co vous sera per­cep­ti­ble.
Les vio­lons du début font penser à Vival­di. Tou­jours les vio­lons, dans les pizzi­cati, sont légers et pré­cis. Le piano est tou­jours présent et avec la con­tre­basse, donne le com­pas. À 1:30, un pas­sage par­ti­c­ulière­ment tonique. Prob­a­ble­ment une évo­ca­tion du tramway. Puis, les oiseaux nous enchantent. La fin ralen­tit, comme si le tramway freinait. Une ver­sion orig­i­nale, mag­nifique et qui devrait ravir cer­tains danseurs et faire râler, les ron­chons. Ne vous éton­nez donc pas si un jour, je vous la passe.

El amanecer 1950-11-28 — Orques­ta Ricar­do Pedev­il­la.

Encore une belle ver­sion, avec les oiseaux qui arrivent en sec­onde par­tie.

El amanecer 1951-09-26 — Orques­ta Car­los Di Sar­li.

Pas de sur­prise, vous avez déjà usé vos chaus­sures dans la rosée de cette aube de Di Sar­li­enne, mais si c’est peut-être moins que dans la ver­sion suiv­ante.

El amanecer 1953-12-11 — Rober­to Fir­po y su Nue­vo Cuar­te­to.

Vous repren­drez bien un petit peu de Fir­po, non ? Le voici de nou­veau, quar­ante ans après son pre­mier enreg­istrement.

El amanecer 1954-08-31 — Orques­ta Car­los Di Sar­li.

C’est sans doute la ver­sion que vous avez la plus dan­sée, mais main­tenant, vous allez peut-être l’écouter dif­férem­ment.

El amanecer 1964 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Je suis presque sûr que vous n’avez jamais dan­sé cette ver­sion. Il n’y a de toute façon aucune rai­son de le faire en milon­ga.

Depuis 1913, quel par­cours pour les lève-tôt ou couche très tard, comme Fir­po.

Pour ter­min­er avec une ver­sion à peu près dansante et venue de l’autre côté du Rio. Je vous pro­pose cette vidéo avec Miguel Vil­las­boas. Elle est un peu pré­cip­itée, mais elle présente l’intérêt de voir l’orchestre de Vil­las­boas à l’œuvre, d’autant plus que vous pour­rez voir com­ment le vio­loniste Pedro Sev­eri­no fait chanter son vio­lon avec des oiseaux et d’autres ani­maux, de quoi com­mencer la journée avec le sourire.

À demain, les amis !

 Pedro Sev­eri­no fait chanter son vio­lon avec des oiseaux et d’autres ani­maux

Felicia 1966-03-11 – Orquesta Florindo Sassone

Enrique Saborido Letra Carlos Mauricio Pacheco

Feli­cia est un tan­go abon­dam­ment enreg­istré. La ver­sion d’aujourd’hui est un peu plus rare en milon­ga, car la sonorité par­ti­c­ulière de Sas­sone n’est pas recher­chée par tous les danseurs. Il a réal­isé cet enreg­istrement le 11 mars 1966, il y a 58 ans.

Florindo Sas­sone (12 jan­vi­er 1912 — 31 jan­vi­er 1982) était vio­loniste. Il a com­mencé à mon­ter son orchestre dans les années 1930.
Le suc­cès a été par­ti­c­ulière­ment long à venir, mais il a pro­gres­sive­ment créé son pro­pre style en s’inspirant de Frese­do et Di Sar­li. D’ailleurs, comme nous l’avons vu avant-hier avec Pimien­ta de Frese­do, les cor­re­spon­dances musi­cales sont nettes au point que l’on peut con­fon­dre dans cer­tains pas­sages Frese­do et Sas­sone dans les années 60. À Di Sar­li, il a emprun­té des élé­ments de sa la ligne mélodique et du dia­logue entre le piano et le chant des vio­lons.
Il gère son orchestre par bloc, sans met­tre en valeur un instru­ment par­ti­c­uli­er avec des solos.
Pour­tant, il a des musi­ciens de grand tal­ent dans son orchestre :

  • Piano : Osval­do Reque­na (puis Nor­ber­to Ramos)
  • Ban­donéons : Pas­tor Cores, Car­los Pazo, Jesús Mén­dez et Daniel Lomu­to (puis Orlan­do Calaut­ti et Oscar Car­bone avec le pre­mier ban­donéon Pas­to Cores)
  • Vio­lons : Rober­to Guisa­do, Clau­dio González, Car­los Arnaiz, Domin­go Man­cu­so, Juan Scafi­no et José Ama­tri­ali (Eduar­do Mataruc­co, Enrique Mario Franci­ni, José Ama­tri­ain, José Vot­ti, Mario Abramovich et Romano Di Pao­la autour de Car­los Arnaiz, Clau­dio González et Domin­go Man­cu­so).
  • Con­tre­basse : Enrique Mar­che­to (puis Mario Mon­teleone et Vic­tor Osval­do Mon­teleone)

Autre élé­ment de son orig­i­nal­ité, ses ponc­tu­a­tions qui ter­mi­nent une bonne part de ses phras­es musi­cales et des instru­ments plus rares en tan­go comme :

  • La harpe : Etelv­ina Cinic­ci
  • Le vibra­phone et les per­cus­sions : Sal­vador Molé

Écoutez le style très par­ti­c­uli­er de Sas­sone avec ce très court extrait de La can­ción de los pescadores de per­las (ver­sion de 1974).

Les dix pre­mières sec­on­des de la can­ción de los pescadores de per­las 1974. Remar­quez la harpe et le vibra­phone.

Extrait musical

Feli­cia 1966-03-11 — Orques­ta Florindo Sas­sone.

Les paroles

Il s’agit ici d’un tan­go instru­men­tal. Feli­cia peut être un prénom qui fait penser à la joie (feliz en espag­nol, félic­ité en français). Cepen­dant, Car­los Mauri­cio Pacheco a créé des paroles pour ce tan­go et elles sont loin de respir­er l’allégresse. Il exprime la nos­tal­gie pour sa terre natale (l’Uruguay) en regar­dant la mer. Il peut s’agir du Rio de la Pla­ta qui est telle­ment large qu’il est dif­fi­cile de ne pas le pren­dre pour une mer quand on le voit depuis Buenos Aires.

Allá en la cas­ta aparta­da
donde can­tan las espumas
el mis­te­rio de las bru­mas
y los secre­tos del mar,
yo mira­ba los capri­chos
ondu­lantes de las olas
llo­ran­do mi pena a solas:
mi con­sue­lo era el mirar.

Des­de entonces en mi frente
como un insond­able enig­ma
lle­vo patente el estig­ma
de este infini­to pesar.
Des­de entonces en mis ojos
está la som­bra graba­da
de mi tarde des­o­la­da:
en mis ojos está el mar.

Ya no ten­dré nun­ca aque­l­los
tintes suaves de mi auro­ra
aunque quizás se ate­so­ra
toda su luz en mis ojos.
Ya nun­ca veré mis playas
ni aspi­raré de las lomas
los volup­tu­osos aro­mas
de mis flo­res uruguayas.

Enrique Sabori­do Letra Car­los Mauri­cio Pacheco

J’ai 65 ver­sions dif­férentes de ce titre et pas une n’est chan­tée. On se demande donc pourquoi il y a des paroles. C’est sans doute qu’elles ont été jugées un peu trop tristes et nos­tal­giques et pas en adéqua­tion avec la musique qui est plutôt entraî­nante dans la plu­part des ver­sions.

Le vibraphone et la harpe dans le tango

Sas­sone a util­isé assez sys­té­ma­tique­ment la harpe et le vibra­phone dans ses enreg­istrements des années postérieures à 1960. C’est un peu sa sig­na­ture, mais il n’est pas le seul. Je vous invite à iden­ti­fi­er ces instru­ments dans les titres suiv­ants. Amis danseurs, imag­inez com­ment met­tre en valeur ces « dings » et « blo­ings ».

Vida mía 1934-07-11 — Tito Schipa con Orques­ta Osval­do Frese­do (Osval­do Frese­do Letra: Emilio Augus­to Oscar Frese­do).

Il peut s’agir d’un autre orchestre, mais on entend claire­ment le vibra­phone dans ce titre et pas dans la ver­sion de danse chan­tée par Rober­to Ray enreg­istrée moins d’un an avant, le 13 sep­tem­bre 1939. Je présente cette ver­sion pour illus­tr­er mon pro­pos, mais la voix criée de Schipa n’est pas des plus agréables, con­traire­ment à la ver­sion for­mi­da­ble de Ray.

Orques­ta Osval­do Frese­do. À gauche, on voit bien le vibra­phone. À droite, on voit bien la harpe. Le vibra­phone est caché à l’ar­rière.
El vals soñador 1942-04-29 — Orques­ta Miguel Caló con Raúl Berón (Arman­do Pon­tier Letra Oscar Rubens). On entend par exem­ple le vibra­phone à 6 et 22 sec­on­des.

Nina 1955 — Florindo Sas­sone (com­pos­i­teur Abra­ham).

Le vibra­phone puis la harpe débu­tent ce thème (Nina 1955 Florindo Sas­sone. Extrait de « 100 años de vibrá­fono y su desar­rol­lo en el Tan­go » de Ger­ar­do Ver­dun (vibra­phon­iste que je vous recom­mande si vous vous intéressez à cet instru­ment).

Nina 1971 — Florindo Sas­sone (com­pos­i­teur Abra­ham), le même thème enreg­istré en 1971.

Pour en savoir plus sur les instru­ments de musique du tan­go, vous pou­vez con­sul­ter l’excellent site : Milon­gaophe­lia. Il manque quelques instru­ments comme la scie musi­cale, l’orgue Ham­mond, les ondes Martenot et éventuelle­ment l’accordéon, mais leur panora­ma est déjà assez com­plet.
Comme danseur, vous pou­vez vous entraîn­er à les recon­naître et les choisir pour dynamiser votre impro­vi­sa­tion en pas­sant d’un instru­ment à l’autre au fur et à mesure de leurs jeux de réponse.
Voici Florindo Sas­sone en représen­ta­tion au Teatro Colón à Buenos Aires, le 21 juil­let 1972. Vous pour­rez enten­dre (dif­fi­cile­ment, car le son n’est pas génial) :

  • (00:00) Organ­i­to de la Tarde (Castil­lo Cátu­lo (Ovidio Cátu­lo Castil­lo González) Letra : José González Castil­lo (Juan de León). On retrou­ve l’inspiration de Di Sar­li dans cette inter­pré­ta­tion.
  • (02:26) Cham­pagne tan­go (Manuel Aróztegui Letra: Pas­cual Con­tur­si)
  • (05:45) La cumpar­si­ta (Ger­ar­do Matos Rodríguez Letra: Pas­cual Con­tur­si)
  • (08:53) Re Fa si (Enrique Delfi­no). On y entend bien la harpe et le vibra­phone.

Sur la vidéo on peut remar­quer la harpe, le vibra­phone, mais aus­si les tim­bales, pas si courantes dans un orchestre de tan­go.

Et pour en ter­min­er avec le tan­go du jour, un tan­go assez orig­i­nal, car il s’agit en fait d’un morceau de musique clas­sique française, de Georges Bizet (Les pêcheurs de per­les) qui a don­né lieu à dif­férentes ver­sions par Sas­sone, donc celle que je vous offre ici, enreg­istrée en 1974. Vous y enten­drez la harpe et le vibra­phone, nos héros du jour.

La can­ción de los pescadores de per­las 1974 — Orques­ta Florindo Sas­sone.

Nous sommes à présent au bord de la mer, partageant les pen­sées de Car­los Mauri­cio Pacheco, songeant à son pays natal.

Car­los Mauri­cio Pacheco, pen­sant à son Uruguay natal en regar­dant les vagues.

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