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Malena 1942-01-08 – Orquesta Aníbal Troilo con Francisco Fiorentino

Lucio Demare Letra : Homero Manzi

Male­na chante le tan­go comme per­son­ne et cela se sait depuis au moins 1941, date à laque­lle a com­posé ce tan­go qui sera inséré dans le film de son frère, Lucas, El Viejo Hucha. Ce mag­nifique tan­go qui a béné­fi­cié du tal­ent de Lucio Demare pour la musique et de Home­ro Manzi pour les paroles a eu, a et sans doute aura longtemps un gros suc­cès.

Lucio Demare, à gauche, Home­ro Manzi, à droite. Manzi a écrit le texte, l’a don­né à Demare qui a com­posé hyper rapi­de­ment la musique. C’est l’ef­fet Male­na.

Extrait musical

Male­na, Lucio Demare et Home­ro Manzi. Par­ti­tion de . Au cen­tre, une par­ti­tion que j’ai créée pour expli­quer dans mes le fonc­tion­nement des par­ties au tan­go et comme c’est juste­ment à pro­pos de Male­na…
Male­na 1942-01-08 — Orques­ta con Fran­cis­co Fiorenti­no

Paroles

Male­na can­ta el tan­go como ningu­na
y en cada ver­so pone su corazón.
A yuyo del sub­ur­bio su voz per­fuma,
Male­na tiene pena de ban­doneón.
Tal vez allá en la infan­cia su voz de alon­dra
tomó ese tono oscuro de calle­jón,
o aca­so aquel romance que sólo nom­bra
cuan­do se pone triste con el alco­hol.
Male­na can­ta el tan­go con voz de som­bra,
Male­na tiene pena de ban­doneón.

Tu can­ción
tiene el frío del últi­mo encuen­tro.
Tu can­ción
se hace amar­ga en la sal del recuer­do.
Yo no sé
si tu voz es la flor de una pena,
só1o sé que al rumor de tus tan­gos, Male­na,
te sien­to más bue­na,
más bue­na que yo.

Tus ojos son oscuros como el olvi­do,
tus labios apre­ta­dos como el ren­cor,
tus manos dos palo­mas que sien­ten frío,
tus venas tienen san­gre de ban­doneón.
Tus tan­gos son criat­uras aban­don­adas
que cruzan sobre el bar­ro del calle­jón,
cuan­do todas las puer­tas están cer­radas
y lad­ran los fan­tas­mas de la can­ción.
Male­na can­ta el tan­go con voz que­bra­da,
Male­na tiene pena de ban­doneón.

Lucio Demare Letra: Home­ro Manzi

Traduction libre

Les paroles sub­limes de Manzi se suff­isent à elles-mêmes. Je vous en laisse savour­er la poésie à tra­vers ma tra­duc­tion (ou celle de Google, pour ceux qui lisent dans une autre langue que l’es­pag­nol ou le français).

Male­na chante le tan­go comme per­son­ne et dans chaque cou­plet, met son cœur.
À l’herbe des ban­lieues, sa voix par­fume, Male­na a une peine de ban­donéon.
Peut-être que dans son enfance, sa voix d’alou­ette a pris ce ton obscur de ruelle, ou peut-être cette romance qu’elle ne nomme que lorsqu’elle est triste avec l’al­cool.
Male­na chante le tan­go d’une voix d’om­bre, Male­na a une peine de ban­donéon.
Ta chan­son a le froid de la dernière ren­con­tre.
Ta chan­son devient amère dans le sel de la mémoire.
Je ne sais pas si ta voix est la fleur d’un cha­grin, je sais seule­ment qu’à la rumeur de tes tan­gos, Male­na, je te sens meilleure, meilleure que moi.
Tes yeux sont som­bres comme l’ou­bli, tes lèvres sont ser­rées comme le ressen­ti­ment, tes mains sont deux colombes qui ont froid, tes veines ont du sang de ban­donéon.
Tes tan­gos sont des créa­tures aban­don­nées qui tra­versent la boue de la ruelle, lorsque toutes les portes sont fer­mées et que les fan­tômes de la chan­son aboient.
Male­na chante le tan­go d’une voix cassée, Male­na a une peine de ban­donéon.

Autres versions

On con­sid­ère générale­ment que c’est Troi­lo qui a lancé le titre. Ce n’est pas faux, mais en fait Demare l’in­ter­pré­tait avec , dès 1941 au Cabaret Nov­el­ty.

Le cabaret Nov­el­ty où jouait Lucio Demare et où il inau­gu­ra Male­na avec Juan Car­los Miran­da. Pho­to de 1938 (3 ans plus tôt).

D’ac­cord, il le jouait, mais il ne l’a pas enreg­istré alors c’est bien Troi­lo le pre­mier. Que non, mon ami. Lucio Demare l’a enreg­istré avec Juan Car­los Miran­da à la fin de 1941, mais cette ver­sion est restée « secrète » jusqu’au 29 avril 1942.
Il s’ag­it de la ver­sion enreg­istrée pour le film El Viejo Hucha, réal­isé par Lucas Demare, son frère et avec Osval­do Miran­da faisant le phonomimétisme (play-back) sur la voix enreg­istrée de Juan Car­los Miran­da.
Et voici donc la pre­mière ver­sion enreg­istrée qui est bien de Lucio Demare avec Juan Car­los Miran­da. Juan Car­los Miran­da qui chante dans l’en­reg­istrement est rem­placé dans le film par Osval­doMiran­da, mais rien à voir avec l’autre Miran­da, car Juan Car­los s’ap­pelait en fait Rafael Miguel Scior­raOsval­do a égale­ment chan­té, mais pas dans ce film, à ses débuts avant de devenir acteur. Il était ami avec Manzi (que le monde est petit…).

Osval­do Miran­da faisant le phonomimétisme (play-back) sur la voix enreg­istrée de Juan Car­los Miran­da qui chante Male­na dans le film El Viejo Hucha.
Male­na 1942-01-08 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Fran­cis­co Fiorenti­no. C’est notre tan­go du jour.

C’est le vrai faux pre­mier enreg­istrement et le pre­mier sor­ti en disque.

Male­na 1942-01-23 — Orques­ta Lucio Demare con Juan Car­los Miran­da.

Une autre ver­sion de Demare et Miran­da (le vrai), en disque, 15 jours après Troi­lo.

Male­na 1950-12-12 — et son Orchestre con .

Cet attachant orchestre français pro­pose sa ver­sion de Male­na.

Male­na 1951-09-20 — Orques­ta Lucio Demare con Héc­tor Alvara­do.

Le com­pos­i­teur enreg­istre sa troisième ver­sion du titre. Le chanteur, Alvara­do âgé alors de 25 ans, est le seul chanteur de l’orchestre à l’époque. Demare l’a engagé l’an­née précé­dente. Sa voix cor­re­spond bien au style de l’orchestre, on com­prend donc le choix de Lucio.

Male­na 1951 – Orques­ta José Puglia – Edgar­do Pedroza con Fran­cis­co Fiorenti­no.

L’orchestre Puglia-Pedroza est assez rare, mais ils ont recruté un bon chanteur pour cet enreg­istrement. La par­tie orches­trale de l’in­tro­duc­tion est un peu trop appuyée, avec des nuances exagérées. Si la voix de Fiorenti­no crée rapi­de­ment son cocon, la tran­si­tion avec l’in­tro­duc­tion est un peu rude. Par la suite, l’orchestre sera plus raisonnable et plus en accom­pa­g­ne­ment. Une ver­sion qui aurait pu être meilleure, mais qui vaut d’être écouté tout de même.

Male­na 1952 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Raúl Berón arr. de Héc­tor Arto­la.

Aníbal remet sur disque le titre, cette fois avec des arrange­ments de Arto­la, un arrangeur très réputé, qui après avoir été pianiste et ban­donéon­iste s’est con­cen­tré sur la direc­tion d’orchestre et les arrange­ments. Il com­posa aus­si quelques titres.

Male­na 1955-08-02 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Juan Car­los Rolón.

Cela fai­sait un petit moment que Canaro n’avait pas pointé son nez. Le voici, avec une ver­sion assez dif­férente, avec un rythme bien mar­qué. Dis­ons que c’est une ten­ta­tive de replac­er le titre du côté de la danse. L’in­ter­pré­ta­tion de Rolón, s’ac­com­mode toute­fois de la rigueur de l’orchestre, mais je trou­ve qu’il reste quelques aspérités qui font que l’œu­vre ne coule pas de façon par­faite­ment flu­ide.

Male­na 1961 — Edmun­do Rivero con orques­ta.

Une ver­sion puis­sante par Rivero.

Male­na 1963c — Astor Piaz­zol­la con Héc­tor de Rosas.

Un Piaz­zol­la, à écouter, mais il vous réserve une autre ver­sion 4 ans plus tard qui décoiffe plus.

Male­na 1965 — Orques­ta Miguel Caló con Rober­to Luque.

J’ai un peu de mal à accrocher avec cette ver­sion. Je ne la pro­poserai pas en milon­ga.

Male­na 1965 — Orques­ta Miguel Caló con y glosas de .

Le fait que Gagliar­di par­le assez longtemps rend le titre peu prop­ice à la danse. Mais de toute façon, Caló ne sera vrai­ment pas mon choix pour faire danser avec Male­na.

Male­na 1967 — Astor Piaz­zol­la y su Orques­ta con voz de mujer.

Une autre inter­pré­ta­tion, plus inno­vante. Avec Astor, on est à peu près sûr de ne pas être dans le champ de la danse, alors, on écoute, tran­quille­ment ou anx­ieuse­ment cette ver­sion foi­son­nante ou de temps à autre le thème de Male­na vient dis­tiller sa sérénité rel­a­tive. La voix de femme « céleste » qui ter­mine comme une sirène mourante et les claque­ments ter­mi­nent le titre de façon inquié­tante.

Male­na 1974-12-11 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Pour beau­coup, c’est la Male­na de l’île déserte, la ver­sion qu’il faut emporter. Il faut dire que Pugliese nous livre ici un tanga­zo excep­tion­nel. Mal­gré sa grande puis­sance expres­sive, il pour­ra être con­sid­éré comme dans­able par les les moins farouch­es. Si on a enten­du ci-dessus, des ver­sions décousues, man­quant d’har­monie ou de cohérence, ici, c’est une sur­prise, chaque mesure sus­cite l’é­ton­nement, tout en lais­sant suff­isam­ment de repères pour que ce soit rel­a­tive­ment dans­able. Ceux qui trou­vent que c’est dif­fi­cile, vu que c’est le tan­go de l’île déserte, ils auront tout le temps de s’ap­pro­prier la musique pour la danser par­faite­ment.

Qui est Malena ?

Il y a six pré­ten­dantes sérieuses au titre et sans doute bien d’autres.

6 des Male­na poten­tielles. Si vous lisez les arti­cles ci-dessous, vous pour­rez savoir qui elles sont et élire celle qui vous parait la plus vraisem­blable…

Ceux qui veu­lent savoir qui était Male­na peu­vent jeter un œil sur l’ar­ti­cle de TodoTan­go
https://www.todotango.com/historias/cronica/89/Malena-Quien-es-Malena
Ou sur celui de la Nacion avec des pho­tos de pré­ten­dantes
https://www.lanacion.com.ar/lifestyle/quien-fue-malena-mitos-y-verdades-sobre-la-leyenda-del-tango-que-inspiro-a-homero-manzi-y-cantaba-nid26042022
Ou encore : https://rauldeloshoyos.com/el-dia-de-malena-manzi-demare/
mais j’ai plein d’autres propo­si­tions et je trou­ve qu’au fond, ce n’est pas si impor­tant. C’est à cha­cun de met­tre l’im­age de sa Male­na sur ce tan­go.

À demain, les amis !