El apronte 1937-04-01 — Orquesta Juan D’Arienzo

Roberto Firpo

Le post d’hier était très long et touf­fu. Aujourd’hui, j’ai choisi un tan­go instru­men­tal et c’est sans doute bien dans la mesure où « El apronte » a de mul­ti­ples sig­ni­fi­ca­tions qui pour­raient nous emmen­er sur des ter­rains hasardeux. Aujourd’hui, on par­lera donc de musique avec la ver­sion de D’Arienzo enreg­istrée le 1er avril 1937, il y a exacte­ment 87 ans.

La dédicace

Comme cela arrive très sou­vent, la par­ti­tion a un ou des dédi­cataires. Ici, ce sont les internes de l’hôpital San Roque de Buenos Aires.

El apronte 1937-04-01 — Orques­ta Juan D’Arien­zo

Rodol­fo Bia­gi, le pianiste, est désor­mais bien instal­lé dans l’orchestre et a pris (gag­né) plus de lib­erté pour exprimer ses orne­ments.
D’Arienzo lui laisse des temps de sus­pen­sion pen­dant lesquels les autres instru­ments se taisent.
Le jeu pour les danseurs est que ces temps de silences ne sont pas tous rem­plis, ce qui don­nera un peu plus tard les fameux breaks de D’Arienzo, ces moments de silence sans musique.
En dehors de ces fior­i­t­ures, le piano joue au même com­pas (rythme que les autres instru­ments).
Comme très sou­vent chez d’Arienzo, la fin donne une impres­sion d’accélération, mais cela se fait par l’intercalage de notes sup­plé­men­taires, pas par une accéléra­tion réelle du tem­po qui reste réguler durant toute l’interprétation

Les paroles

C’est un tan­go instru­men­tal, aus­si je n’aborderai pas la ques­tion des paroles et c’est tant mieux. Le terme apronte a dif­férentes sig­ni­fi­ca­tions allant du domaine des cours­es de chevaux, notam­ment la phase de pré­pa­ra­tion du cheval, en pas­sant par une per­son­ne impa­tiente, ou une per­son­ne payant pour obtenir quelque chose. C’est aus­si la pré­pa­ra­tion, d’un mau­vais coup ou d’une passe. En gros, dif­fi­cile de savoir sans les paroles ce que voulait évo­quer Fir­po. Cepen­dant, sa musique est en général expres­sive et l’utilisation d’un tan­go milon­ga avec ses hési­ta­tions et son rythme irréguli­er peut s’adapter à cha­cun des sens.
Pré­cisons un dernier sens, plus « respectable » qui nous vient d’Uruguay, n’oublions pas que c’est à l’époque où il était con­trac­té par le café la Giral­da qu’il ren­con­tre Ger­ar­do Matos Rodríguez et inau­gure sa marche de car­naval (la Cumpar­si­ta). En Uruguay, donc, apronte peut sig­ni­fi­er aus­si l’apport pour le mariage. La dot, ou tout sim­ple­ment la pré­pa­ra­tion de la vie com­mune.
Notons que les paroles de tan­go s’appelant apronte ou citant ce mot pos­sè­dent des paroles plutôt vul­gaires, mafieuses et se réfèrent donc à l’acception portègne du mot. Par exem­ple pour le tan­go Apronte de Cele­do­nio Flo­res.
Mais ici, comme c’est instru­men­tal, vous pou­vez imag­in­er ce que vous voulez…

Autres versions

Sur la par­ti­tion que je vous ai présen­tée ci-dessus, il y a une indi­ca­tion que je souhaite vous présen­ter. Il est indiqué « Tan­go Milon­ga ».

Nous avons déjà évo­qué ces tan­gos canyengue qui au fil du temps sont joués plus vite et qui devi­en­nent des milon­gas, mais je souhaite attir­er votre atten­tion sur le con­cept de « tan­go milon­ga ». Ce sont des tan­gos assez joueurs, mais pas suff­isam­ment syn­copés et rapi­des pour mérit­er le titre de milon­ga. Ils sont donc entre les deux. Fir­po inter­prète sou­vent des tan­gos avec cette ambiguïté, comme d’autres orchestres plus tardifs comme Miguel Vil­las­boas. Ici, nous sommes en présence d’un tan­go écrit par Fir­po, il a donc décidé de lui don­ner le rythme qu’il affec­tionne, le Tan­go Milon­ga.
Pour un DJ, c’est un peu un casse-tête. Faut-il l’annoncer comme un tan­go ou comme une milon­ga ? Je passe sou­vent ce type de titre quand j’ai besoin de baiss­er la ten­sion, éventuelle­ment à la place d’une tan­da de milon­ga, surtout si les danseurs ne sont pas des afi­ciona­dos de la milon­ga. A con­trario, s’ils adorent la milon­ga, je peux col­or­er une tan­da de tan­go pour leur don­ner l’occasion de jouer un peu plus. J’annonce au micro ce qui va se pass­er, car très peu de danseurs con­nais­sent cette caté­gorie. Cela me per­met aus­si d’encourager ceux qui sont timides en milon­ga en leur dis­ant que c’est une milon­ga « facile ».
Le tan­go du jour inter­prété par D’Arienzo est un pur tan­go. Cepen­dant, cer­taines ver­sions que nous allons voir à présent sont des tan­gos milon­ga, comme, c’est le cas pour celles enreg­istrées par Rober­to Fir­po, l’auteur de la par­ti­tion.

El apronte 1926 — Orques­ta Rober­to Fir­po.

Bien qu’enregistrée 12 ans après l’écriture, cette ver­sion respecte l’esprit de la par­ti­tion orig­i­nale et est un Tan­go Milon­ga, avec ses syn­copes car­ac­téris­tiques.

El apronte 1931-10-07 — Orques­ta Rober­to Fir­po.

Cette ver­sion est beau­coup plus lisse. Les syn­copes sont beau­coup plus rares et la mar­cación est régulière. C’est une inter­pré­ta­tion plus mod­erne.

El apronte 1937-03-27 — Orques­ta Rober­to Fir­po.

Retour en for­cé du style Tan­go Milon­ga. Fir­po revient à la let­tre de sa par­ti­tion. C’est sa sonorité fétiche que l’on retrou­vera notam­ment sur des orchestres uruguayens comme Vil­las­boas ou chez la Tuba Tan­go.

El apronte 1937-04-01 — Orques­ta Juan D’Arien­zo. C’est le tan­go du jour.

C’est claire­ment un tan­go et pas un Tan­go Milon­ga. La mar­ca­cion est très régulière et les fan­taisies prin­ci­pale­ment pro­posées par Bia­gi au piano se font essen­tielle­ment sur les moments de silence des autres instru­ments. Ain­si le rythme, le com­pas réguli­er de d’Arienzo n’est pas bous­culé, il est juste mis en pause pour laiss­er quelques frac­tions de sec­on­des au piano, ou pour ménag­er un silence qui réveille l’attention des danseurs, ce qui devien­dra un élé­ment car­ac­téris­tique de son style avec des breaks par­fois très longs. Vous savez, ces moments où les danseurs peu expéri­men­tés se tour­nent vers le DJ en pen­sant qu’il y a une panne… J’avoue, il m’arrive de jouer en met­tant réelle­ment en pause cer­tains breaks (ils sont donc plus longs) pour provo­quer des sourires chez les danseurs que je ras­sure par des signes prou­vant que c’est nor­mal 😉

El apronte 1971 — Miguel Vil­las­boas y su Orques­ta Típi­ca.

On retrou­ve le Tan­go Milon­ga qui est un jeu qu’adore utilis­er VIl­las­boas. La boucle est bouclée.

Mer­ci d’être arrivée au bout de cet arti­cle.
N’hésitez pas à laiss­er des com­men­taires met­tre un j’aime (le pouce vers le haut en début d’article ou m’envoyer un petit mes­sage).

Pour finir, choi­sis­sez l’im­age que vous préférez pour le tan­go du jour.

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