El Porteñito 1943-03-23 – Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas

Ángel Villoldo (Ángel Gregorio Villoldo Arroyo)

On con­naît tous la milon­ga du jour, El Porteñi­to, mais est-ce vrai­ment une milon­ga ? Voyons de plus près ce coquin de Porteñi­to et ce qu’il nous cache.

Ángel Vil­lol­do a com­posé et créé les paroles de ce tan­go qui est un des plus anciens dont on dis­pose des enreg­istrements. Je prof­ite donc de ce pat­ri­moine pour vous faire touch­er du doigt le tan­go des orig­ines avec le risque de relancer le débat des anciens et des mod­ernes.

Extrait musical

El Porteñi­to 1943-03-23 – Orques­ta Ángel D’Agostino con Ángel Var­gas. C’est notre tan­go du jour.

La ver­sion du jour est inter­mé­di­aire sur tous les plans.

Elle a été enreg­istrée en 1943, soit env­i­ron 40 après l’écriture de ce titre, au milieu de ce qu’il est con­venu d’appeler l’âge d’or du tan­go.

Les deux anges se sont donc asso­ciés à un troisième, Vil­lol­do pour nous offrir cette belle milon­ga… ou beau tan­go… Dis­ons que c’est un tan­go milon­ga, un canyengue rapi­de. Ce titre évoluera depuis sa créa­tion entre les rythmes, nous en ver­rons quelques exem­ples en fin d’article.

Les paroles

Les paroles, il y a vrai­ment plusieurs paroles à ce tan­go. El porteñi­to est El criol­li­to dans la plus anci­enne ver­sion enreg­istrée. Je vais donc vous pro­pos­er trois ver­sions.
Celle de D’Agostino et Var­gas, ce dernier en bon chanteur de refrain, ne chante qu’une petite par­tie des paroles.
L’introduction musi­cale, nous présente un type qui se balade dans les rues, salu­ant les pas­sants 1:22 plus tard, Var­gas entame le chant et ter­mine à la fin du titre. Cette ver­sion est générale­ment con­sid­érée comme une milon­ga, mais si vous la dansez en canyengue, per­son­ne ne vous dira rien.

D’Agostino Var­gas 1943
 
Soy naci­do en Buenos Aires,
me lla­man “El Porteñi­to”,
el criol­lo más com­padri­to
que en esta tier­ra nació.

 
Y al bailar un tan­go criol­lo
no hay ninguno que me iguale
porque largo todo el rol­lo
cuan­do me pon­go a bailar. 

 
Anda que está lin­do el baile!
brindase comadre,
y el com­padre…

 
Soy un tau­ra del noven­ta,
tiem­po bra­vo del tam­bito,
bailarín de mucha meta por más seña “El Porteñi­to”
y al bailar un tan­go bra­vo,
lo hago con corte y que­bra­da
para dejar bien sen­ta­da mi fama de bailarín.
Vil­lol­do 1908
 
Soy hijo de Buenos Aires,
por apo­do “El Porteñi­to”,
el criol­lo más com­padri­to
que en esta tier­ra nació.
Cuan­do un tan­go en la vigüela
ras­guea algún com­pañero
no hay nadie en el mun­do entero
que baile mejor que yo.

No hay ninguno que me iguale
para enam­orar mujeres,
puro hablar de pare­ceres,
puro filo y nada más.
Y al hac­er­le la encar­a­da
la fileo de cuer­po entero
ase­gu­ran­do el puchero
con el ven­to que dará.


…Recita­ti­vo…

Soy el ter­ror del mal­e­va­je
cuan­do en un baile me meto,
porque a ninguno respeto
de los que hay en la reunión.
Y si alguno se reto­ba
y viene hacién­dose el guapo
lo man­do de un cas­taña­zo
a bus­car quien lo engrupió.

Cuan­do el ven­to ya escasea
le for­mo un cuen­to a mi mina (chi­na)
que es la paica más lad­i­na
que pisó el bar­rio del sur.
Y como caí­do del cielo
entra el níquel al bol­sil­lo
y al com­pás de un organil­lo
bai­lo el tan­go a su “salú”.

 
…Recita­ti­vo…
Los Gob­bi 1906
 
Él:
Soy hijo de Buenos Aires
E me lla­man el criol­li­to,
El más pier­na e com­padri­to
Per can­tar e per bailar.
De las chi­nas un queri­do
Todas me brin­dan amores,
Soy el que entre los mejores
Siem­pre se hace respetar.
 
Ella:
Este tipo extrav­a­gante
Que viene a largar el rol­lo,
Echán­dosela de criol­lo
Y no sabe com­padrear.
Es un gringo chacarero
De afuera recién lle­ga­do
Un criol­lo fal­si­fi­ca­do
Que la viene aquí a con­tar.
 
Él:
Soy tremen­do para el baile
Se me voy donde hay…
E agar­ran­do la gui­tar­ra
La “melun­ga” sé can­tar.
 
Ella:
No arrugués que no hay quién planche
Afei­tate, volvé luego,
Que te ha cono­ci­do el juego
Gringo, podés espi­antar.
 
Él:
No te hagás la com­padrona
La pacien­cia se me aca­ba,
Te va´ a comé una trompa­da
Se me llego yo a eno­jar.
 
Ella:
Arri­mate che ital­iano
Y haceme una atro­pel­la­da.
 
Él:
Te la doy.
 
Ella:
Pura para­da
Si ni el agua vos cortás.
 
Él:
Fijate qué fir­ulete, qué para­da
No hay ninguno que me pue­da guadañar.
 
Jun­tos:
Porque somos para el tan­go
Los más pier­nas,
Y sabe­mos hac­er­nos respetar.
Ángel Vil­lol­do (Ángel Gre­go­rio Vil­lol­do Arroyo)

Les versions

El criol­lo fal­si­fi­ca­do (Los criol­los) 1906 – Dúo Los Gob­bi.

Le titre est un peu dif­férent, ain­si que les paroles. Ce sont celles de la troisième colonne. El porteñi­to est el criol­li­to et il le texte com­porte de nom­breuses vari­a­tions par rap­port à la ver­sion « canon­ique ». Deux points sont à sig­naler. C’est un duo (que je trou­ver rel­a­tive­ment pénible entre les époux Gob­bi, Flo­ra et Alfre­do) avec des pas­sages par­lés comme c’était assez courant à l’époque.

El porteñi­to 1908 — Ángel Vil­lol­do.

Cet enreg­istrement par l’auteur pour­rait servir de référence. Ce sont les paroles de la ver­sion cen­trale (il y a quelques petites dif­férences, comme mina au lien de chi­na, mais qui ne change pas le sens).

El porteñi­to (La Criol­li­ta) 1909 — Andrée Vivianne con orques­ta.

Une ver­sion chan­tée par une femme à la voix plutôt plus agréable que celle de Flo­ra Gob­bi, mais de peu. On notera qu’elle a adap­té les paroles en chan­tant au féminin et en se faisant appel­er la criol­li­ta et non pas la porteñi­ta.

El Porteñi­to 1928-09-26 – Orques­ta Típi­ca Vic­tor (Adol­fo Cara­bel­li).

On arrive ici à la pre­mière ver­sion dans­able. Il est dirigé par la baguette d’Adolfo Cara­bel­li. C’est une ver­sion instru­men­tale, avec de beaux dia­logues instru­men­taux, et des vio­lons qui plairont à beau­coup. Une fan­taisie qui pour­rait pass­er dans une milon­ga, mais pas comme une milon­ga, c’est claire­ment un tan­go et même un bon canyengue avec les appuis qui favorisent la que­bra­da dont par­lent d’ailleurs les paroles.

El Porteñi­to 1937-08-31 – Orques­ta Juan D’Arienzo.

Une ver­sion au rythme syn­copé avec un plan de vio­lon ou ban­donéon qui sur­v­ole le tout. Une impres­sion d’accélération à la fin et quelques ponc­tu­a­tions de Bia­gi au piano témoignent du style qui est en train de se met­tre en place chez D’Arienzo. Je pense que c’est une ver­sion rarement dif­fusée en milon­ga. Elle pour­rait l’être, mais il y a d’autres titres plus por­teurs qui pren­nent la place dans le temps lim­ité don­né au DJ pour faire des propo­si­tions.

El Porteñi­to 1941-06-06 – Quin­te­to Pir­in­cho dir. Fran­cis­co Canaro.

Canaro enreg­istr­era deux fois avec le quin­te­to Pir­in­cho ce titre. Voici la pre­mière ver­sion, assez bril­lante, notam­ment grâce à la par­tie de piano inter­prétée par Luis Ric­car­di.

El Porteñi­to 1943-03-23 – Orques­ta Ángel D’Agostino con Ángel Var­gas. C’est notre tan­go du jour. Net­te­ment plus milon­ga que les ver­sions écoutées précédem­ment. Un best-sell­er des milon­gas.

C’est notre tan­go du jour. Net­te­ment plus milon­ga que les ver­sions écoutées précédem­ment. Un best-sell­er des milon­gas.

El Porteñi­to 1959-04-09 – Quin­te­to Pir­in­cho dir. Fran­cis­co Canaro.

Je fais un petit saut dans le temps en pas­sant divers­es ver­sions pour retrou­ver le Quin­te­to Pir­in­cho et la flute géniale de Juven­cio Físi­ca qui donne une couleur à cette ver­sion qui bal­ance tou­jours entre le tan­go et la milon­ga, mais on peut en général le pass­er comme milon­ga, car son allure très enjouée le rend sym­pa­thique à danser et il est suff­isam­ment con­nu pour que les jeux de l’orchestre, petits breaks et fior­i­t­ures de l’orchestre puis­sent être mis­es en valeur par les danseurs.

El Porteñi­to 2013 – Otros Aires y Joe Pow­ers.

Je vais vous deman­der de me par­don­ner, mais l’histoire n’est pas faite que de batailles gag­nées. Il y a aus­si des tragédies, comme cette ver­sion mix­ant l’orchestre Otros Aires (qui n’a pas su se renou­vel­er et trans­former ses pre­miers essais) et l’harmoniciste, Joe Pow­ers (qui est loin d’être mon préféré). Le résul­tat est à la hau­teur de mes espérances, inaudi­ble, je com­prends votre colère.

L’élégance au tango dans les années 1900

On a un peu de mal à imag­in­er que le tan­go ait pu paraître sul­fureux au point d’être inter­dit à Buenos Aires. Cepen­dant, il y avait tout de même de bonnes raisons.
Il était dan­sé dans des lieux dédiés au sexe et le but n’était pas d’être extrême­ment élé­gant, mais de pren­dre du plaisir avec une femme com­préhen­sive (même si cela la rendait mal­heureuse, comme a pu le voir hier avec Zor­ro gris qui par­lait d’une grisette dans un étab­lisse­ment de luxe). On imag­ine que dans d’autres lieux comme Lo de Tran­queli, la réal­ité était bien pire.

El Cachafaz et Car­menci­ta Calderon dans Tan­go de Luis Moglia Barth, un film de 1933.
El Cachafaz en 1940 avec Sofía Bozán dans le film de Manuel Romero Car­naval de Antaño.

Je par­lerai plus abon­dam­ment le 2 juin prochain d’Ovidio José Bian­quet, dit el Cachafaz, au sujet de la ver­sion du tan­go El Cachafaz, dans la ver­sion de D’Arienzo du 2 juin 1937.
Cette façon de danser passerait dif­fi­cile­ment pour élé­gante de nos jours, mais elle fai­sait l’admiration de nos aïeux et on peut regret­ter aujourd’hui une cer­taine stéril­i­sa­tion de la danse.
Je ne dis pas qu’il faut retrou­ver les out­rances de l’époque, mais plutôt de pren­dre des petites idées, de relancer la machine à impro­vis­er.
Je ter­min­erai par cette image qui est un mon­tage que j’ai réal­isé à par­tir de pho­tos du début du vingtième siè­cle où on voit des atti­tudes un peu sur­prenantes, mais qui étaient con­sid­érées comme très chic à l’époque. Cela devait toute­fois être fait avec une cer­taine élé­gance et ne doit en aucun jus­ti­fi­er les vio­lences qu’infligent cer­tains danseurs con­tem­po­rains à leur parte­naire et aux autres danseurs du bal… Eh oui ! Le DJ, il voit tout depuis son poste de tra­vail 😉

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