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Después del carnaval 1941-06-19 Orquesta Osvaldo Fresedo con Ricardo Ruiz

José Antonio Amunchástegui Keen (Paroles et musique)

Emportée par la foule, la célèbre chan­son d’Edith Piaf pour­rait être la sœur de notre tan­go du jour. Les deux nous comptent un amour éphémère, séparé par la foule dans le cas d’Edith et par le cortège de Car­naval dans celui de Ricar­do Ruiz. Le car­naval était au vingtième siè­cle un événe­ment pour les orchestres de tan­go.

Extrait musical

Después del car­naval 1941-06-19 Orques­ta Osval­do Frese­do con Ricar­do Ruiz

Paroles

Se fueron las horas
de algar­abía
que Momo brindara
con ale­gría…
Callaron las risas
de Colom­bi­na…
Pier­rot agon­i­za
entre ser­per­ti­nas.
Murió car­naval y su corte­jo
de ale­gre y loca bul­languería….
Cor­ne­tas y gri­tos se escuchan lejos,
vibran­do las almas, al recor­dar…

Recordé que una noche
el amor me brindó
dos labios plenos de pasión
y ardor….
Fue una noche que
llora­ban los vio­lines
un triste vals de
prome­sas olvi­dadas…
mien­tras la luna plate­a­ba los jar­dines
un beso ardi­ente en la noche pal­pitó.

Mas el encan­to
de aque­l­las horas,
al morir Momo
se diluyó.
Y con mi dolor
a solas
lloré la muerte
de mi ilusión.

Hoy solo escu­cho
los tristes ecos
de aque­l­la ale­gría
y de aquel beso…
Mien­tras en las calles
las ser­per­ti­nas
en lla­mas de fuego
se ven que­mar!
Y entre cenizas car­navalescas
aún quedan ardi­entes mis ilu­siones…
mi ensueño, el beso y las prome­sas
prendieron la lla­ma, ¡de aquel soñar!…

Mas no fue solo un sueño
de amor que bril­ló;
tra­jo tam­bién el plac­er
dolor…
Pues la ilusión tam­bién
dejó su huel­la triste,
al ausen­tarse entre el
corte­jo que march­a­ba…
lleván­dose con su ale­gre mas­cara­da
mi últi­mo sueño de amor que allí tejí…

Pues ya soña­ba, que fuera eter­na
la breve dicha, que ayer viví…
Y con mi pesar, yo ruego
que vuel­va pron­to otro Car­naval.

José Anto­nio Amunchástegui Keen (Paroles et musique)

Traduction libre et indications

Les heures de vacarme où le Roi Momo trin­quait avec joie sont révolues. (La algar­abía, c’est le bruit que l’on entend entre les morceaux dans les milon­gas de Buenos Aires, quand les gens par­lent tous en même temps, c’est le brouha­ha. Le Roi Momo était la fig­ure emblé­ma­tique du car­naval, inspiré du Dieu Momos ou Momus des Grecs anciens, repris par les Romains dans leurs sat­ur­nales. Le car­naval a été dif­fusé en Amérique du Sud, avec le suc­cès que l’on sait, notam­ment en Colom­bie et au Brésil. En Argen­tine, et Uruguay, le car­naval est égale­ment un élé­ment impor­tant de l’année et cela depuis le début du vingtième siè­cle.)
Les rires de Colom­bine se sont tus…
Pier­rot ago­nise au milieu des ser­pentins.
Car­naval est mort (Le Roi Momo, comme le Bon­homme Car­naval en France, ter­mine générale­ment assez mal, noyé, brûlé…) et son cortège de bruit joyeux et fou tin­ta­marre (bul­languería est un syn­onyme de algar­abía)
Des cor­nets (comme ceux du tran­via, tramway) et des cris se font enten­dre au loin, faisant fris­son­ner les âmes au sou­venir…
Je me suis sou­venu qu’une nuit l’amour m’a don­né deux lèvres pleines de pas­sion et d’ardeur… C’était une nuit où les vio­lons pleu­raient, une triste valse de promess­es oubliées… Alors que la lune argen­tait les jardins, un bais­er ardent dans la nuit pal­pi­tait.
Mais le charme de ces heures, où Momo mou­rut, se dilua. Et avec ma seule douleur, j’ai pleuré la mort de mon illu­sion (illu­sion est comme tou­jours un sen­ti­ment d’amour).
Aujourd’hui, je n’entends que les tristes échos de cette joie et de ce bais­er…
Alors que dans les rues, on voit brûler les ser­pentins en flammes de feu et par­mi les cen­dres car­nava­lesques, mes illu­sions brû­lent encore… Mon rêve, le bais­er et les promess­es ont allumé la flamme de ce rêve…
Mais ce n’était pas seule­ment un rêve d’amour qui bril­lait, il appor­tait aus­si du plaisir et de la douleur.
Puis, l’illusion a aus­si lais­sé son empreinte triste, lorsqu’elle s’est éclip­sée entre le cortège en marche… empor­tant avec sa joyeuse mas­ca­rade mon dernier rêve d’amour que j’y ai tis­sé…
Enfin, j’avais déjà rêvé que ce bref bon­heur que j’ai vécu hier serait éter­nel… Et avec mon regret, je prie pour que revi­enne bien­tôt un autre car­naval.

Carnaval

Quand on pense, Amérique du Sud et Car­naval, c’est bien sûr Rio de Janeiro qui a la vedette. Mais en fait, les colons européens ont apporté le car­naval dans toute l’Amérique du Sud et l’Argentine et l’Uruguay l’ont égale­ment adop­té, au début du vingtième siè­cle. Les per­cus­sions de la mur­ga font un fond sonore puis­sant, mais la danse étant au pro­gramme, les orchestres sont mobil­isés et plusieurs orchestres se sont for­més pour ces occa­sions, de façon éphémère ou plus durable. Hier, nous avons vu l’orchestre Fir­po-Canaro qui avait ani­mé le car­naval à Rosario, il y en a beau­coup d’autres, comme Polito‑D’Arienzo pour le car­naval de 1929 ou le Gre­co-Canaro pour les car­navals de 1914 — 1915.
On se sou­vien­dra aus­si de Alfre­do Bigeschi qui écriv­it son pre­mier tan­go pour le car­naval de la Boca.

Mur­al de Ben­i­to Quin­quela Martín Le car­naval de la Boca — 1936.
Le car­naval de la Boca. La bande « Juven­tud Bar Ori­ente ».

La bande « Juven­tud Bar Ori­ente » est née à la fin de 1952 (comme en témoigne son éten­dard). Elle représen­tait son quarti­er. Cette bande s’était organ­isée en club social et avait son siège près de la bom­bon­era, le stade de Boca Junior.

Un film que nous avons déjà évo­qué Car­naval de Antaño (1940), présente des images recon­sti­tu­ant le car­naval de 1912.

Car­naval de antaño. Recon­sti­tu­tion du car­naval de 1912 — Les chars, les défilés et un bal dans le film de Manuel Romero, Car­naval de Antaño (1940).
À par­tir de 1936, Canaro inau­gure les bals au Luna Park, la grande salle de spec­ta­cle de Buenos Aires. Sur cette image, on peut voir la pro­pa­gande pour Coca Cola et la quan­tité incroy­able de danseurs sur la piste.

Dans ses mémoires, Canaro cite ses dif­férentes presta­tions pour des car­navals, de Rosario à Mon­te­v­ideo en pas­sant par Buenos Aires. L’apothéose est sans doute con­sti­tuée par les bals géants qu’il ani­mait au Luna Park.

Autres versions

Después del car­naval 1941-06-19 Orques­ta Osval­do Frese­do con Ricar­do Ruiz. C’est notre tan­go du jour. La ver­sion la plus dif­fusée en Europe.
Después del car­naval 1958-05-28 — Orques­ta José Bas­so con Flo­re­al Ruiz.

Avec un autre Ruiz qui n’est pas le frère du pre­mier. En effet, les deux frères de Flo­re­al s’appellaient, Frater­nidad et Lib­er­tario. Voilà ce que c’est que d’avoir un père anar­chiste…

Después de car­naval 1958-08-20 — Héc­tor Pacheco y su Orques­ta dir. por Car­los Gar­cía.

Hec­tor Pacheco l’enregistre avec son orchestre. C’est bien sûr une ver­sion à écouter. On notera que le titre est ; Después de car­naval et non pas Después del car­naval comme dans toutes les autres ver­sions.

Después del car­naval 1959-01-12 Orques­ta Osval­do Frese­do con Hugo Mar­cel.

Frese­do nous pro­pose une ver­sion très dif­férente où les ban­donéons stac­catos con­trastent avec les vio­lons legatos. Ce Frese­do tardif com­porte cepen­dant des fior­i­t­ures qui n’ont pas bien vieil­li et l’on se con­tentera, pour nos milon­gas, de la ver­sion de 1941.

En 1986, José Bas­so enreg­istre de nou­veau ce titre avec Eduar­do Bor­da y Quique Oje­da. Je vous pro­pose ici une ver­sion télévisée.

José Bas­so con Eduar­do Bor­da y Quique Oje­da dans Después del car­naval.

 On n’est pas dans la danse, mais en 1986, c’était à peine le début du renou­veau du tan­go dan­sé à Buenos Aires.

Deux ver­sions par Di Paulo

Después del car­naval — Orques­ta Alber­to di Paulo V1.
Después del car­naval — Orques­ta Alber­to di Paulo V2.

Pour nous réc­on­cili­er avec la danse, une ver­sion con­tem­po­raine, par le Sex­te­to Cristal.

Despues del car­naval — Sex­te­to Cristal con Guiller­mo Rozen­thuler.

Ce sex­te­to a le mérite de ressor­tir des titres un peu oubliés mal­gré leur qual­ité. Il garde les arrange­ments d’origine, ici, ceux de Frese­do avec Ruiz. Le résul­tat est donc tout à fait dans­able, bien plus que les derniers titres de ma petite liste…

À demain, les amis !

Sur 1948-02-23 — Orquesta Aníbal Troilo con Edmundo Rivero

Aníbal Troilo (arrangement de Argentino Glaván) Letra : Homero Manzi

Il y a 76 ans, Aníbal Troi­lo enreg­is­trait avec Edmun­do Rivero, un des tan­gos avec le titre le plus court, « Sur ». Sur, en espag­nol, c’est le Sud. Pour ceux qui sont nés dans l’hémisphère Nord, le Sud, c’est la chaleur. En Argen­tine, c’est l’inverse, mais le Sud chan­té par Rivero n’est ni l’un ni l’autre. C’est ce Sud, que je vous invite à décou­vrir avec ce tan­go du jour aux paroles écrites par Home­ro Manzi.

<- Aníbal Troi­lo et Home­ro Manzi par Sabat.

Ce tan­go n’est pas un tan­go de bal, mais c’est un mon­u­ment du tan­go. La musique est d’Anibal Troi­lo et les paroles, celles qui mar­quent le cœur de tous les tangueros sont d’Homero Manzi.
Ernesto Saba­to aurait déclaré qu’il don­nerait toute la lit­téra­ture qu’il avait écrite en échange d’être l’auteur de « Sur ». Intéres­sons-nous donc à ces deux mon­stres sacrés du tan­go, Home­ro et Sur.

Homero

Les deux se prénom­ment Home­ro, les deux sont fans de Buenos Aires, mais un seul est Manzi. Saurez-vous décou­vrir lequel ?

Home­ro Manzi est un provin­cial, arrivé à Buenos Aires à l’âge de neuf ans. Il a vécu enfant et ado­les­cent dans le quarti­er de Pom­peya, au sud de Boe­do, donc, dans le Sud de Buenos Aires.
Les paroles nos­tal­giques de ce tan­go évo­quent les sou­venirs de cette enfance et les regrets des points de repère évanouis, mais en par­al­lèle de sa vie amoureuse avec un bais­er échangé et qui ne s’est trans­for­mé qu’en sou­venir.
Les lieux qu’il indique peu­vent être par­tielle­ment retrou­vés. Le plus facile est l’angle de Boe­do et San Juan. C’est l’endroit où Home­ro Manzi a écrit Sur. Il abrite désor­mais l’Esquina Manzi, un lieu prisé par les touristes.

L’angle entre Boe­do et San Juan où se trou­ve désor­mais l’Esquina Manzi. À gauche en 1948, à droite en 2015, avec les car­i­ca­tures de Sabat, enlevées depuis et rem­placées par des écrans qui les dif­fusent. La moder­nité. À l’in­térieur, elles sont encore vis­i­bles.

« Pom­peya y más allá la inun­dación ». Buenos Aires est régulière­ment vic­time d’inondations. Cette année encore, mais la pire fut sans doute celle de 1912, celle qui toucha Pom­peya, le quarti­er de Manzi.

En 1912, une voiture hip­po­mo­bile trans­porte des rescapés sur l’Avenida Sáenz, recou­verte d’eau. Ils vien­nent de zones encore plus inondées, le Riachue­lo avait débor­dé.

On imag­ine l’impact de cet événe­ment chez un enfant de 5 ans qui venait juste de quit­ter sa province de San­ti­a­go del Estero pour arriv­er avec sa mère à Buenos Aires. Par­mi ces autres sou­venirs, ce tan­go men­tionne La esquina del her­rero, bar­ro y pam­pa. Cer­tains y voient l’angle de Del Bar­co Cen­ten­era et de Tabaré, deux avenues que Manzi cite dans son tan­go, Mano Blan­ca, un autre de ses tan­gos emblé­ma­tiques.

Mano Blan­ca (letra de Home­ro Manzi) par Ángel D’Agosti­no et Ángel Vargas.(1944)

D’ailleurs un « musée » a été instal­lé sur cet emplace­ment, en l’honneur de ce titre immor­tal­isé par D’Agosti­no et Var­gas.

Le petit char­i­ot de Porten­i­to et Mano Blan­ca avec les ini­tiales peintes à la main et qui font que ce tan­go est le tan­go des fileteadores.
Sur le trot­toir d’en face le musée Mano Blan­ca, le bar el Buzón nom­mé ain­si à cause de la boîte aux let­tres rouge qui occupe le trot­toir devant l’établissement.

Extrait musical

Sur 1948-02-23 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Edmun­do Rivero

Les paroles

Vous trou­verez tous les enreg­istrements à écouter, en fin d’article.

San Juan y Boe­do antigua, y todo el cielo,
Pom­peya y más allá la inun­dación.
Tu mele­na de novia en el recuer­do
Y tu nom­bre flo­ran­do en el adiós.
La esquina del her­rero, bar­ro y pam­pa,
Tú casa, tu vere­da y el zan­jón,
Y un per­fume de yuyos y de alfal­fa
Que me llena de nue­vo el corazón.

Sur,
Paredón y después…
Sur,
Una luz de almacén…
Ya nun­ca me verás como me vieras,
Recosta­do en la vidri­era
Y esperán­dote.
Ya nun­ca alum­braré con las estrel­las
Nues­tra mar­cha sin querel­las
Por las noches de Pom­peya…
Las calles y las lunas sub­ur­banas,
Y mi amor y tu ven­tana
Todo ha muer­to, ya lo sé…


San Juan y Boe­do antiguo, cielo per­di­do,
Pom­peya y al lle­gar al ter­raplén,
Tus veinte años tem­b­lan­do de car­iño
Bajo el beso que entonces te robé.
Nos­tal­gias de las cosas que han pasa­do,
Are­na que la vida se llevó
Pesad­um­bre de bar­rios que han cam­bi­a­do
Y amar­gu­ra del sueño que murió.

Aníbal Troi­lo (arrange­ment de Argenti­no Glaván) Letra : Home­ro Manzi

Les enregistrements de Sur

Les enreg­istrements Sur, par Troi­lo

Sur 1948-02-23 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Edmun­do Rivero, l’enregistrement, objet de cet arti­cle. Le plus ancien, à moins qu’un petit Français, lui ait brûlé la politesse. Voir le chapitre suiv­ant…
Sur 1953-09-21 (En vivo) — Ranko Fuji­sawa con Aníbal Troi­lo y Rober­to Grela. Enreg­istrement par Radio Tokio d’un con­cert au Teatro Dis­cépo­lo de Buenos Aires. Ban­donéon (Troi­lo), Gui­tare (Grela) et voix (Omar).
Sur 1956-08-08 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Edmun­do Rivero arr. de Argenti­no Glaván. À com­par­er par la ver­sion de 1948 par les mêmes.
Sur 1971-04-26 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Rober­to Goyeneche. Encore un qui a sa place au pan­théon du tan­go. La par­tie instru­men­tale est par­ti­c­ulière­ment expres­sive, notam­ment, grâce aux pleurs du ban­donéon de Troi­lo.
Sur 1974-05 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Susana Rinal­di. Le dernier enreg­istrement de Sur par Troi­lo a été effec­tué en pub­lic avec Susana Rinal­di dans un pro­gramme en hom­mage à Home­ro Manzi effec­tué par Anto­nio Car­ri­zo, el caballero de la radio.

Cette ver­sion est pleine d’émotion. Impos­si­ble de ne pas essuy­er une larme à son écoute notam­ment, lorsqu’elle chante pour la sec­onde fois, la fin du refrain. « Ya lo sé ».

Autres enregistrements de Sur

Là, il faut dis­cuter un peu, Nel­ly Omar serait la pre­mière à avoir chan­té ce tan­go.
C’est ce qu’indique la Bible du Tan­go, qui a sou­vent d’excellentes infor­ma­tions. Mal­heureuse­ment, sans référence pré­cise et prob­a­ble­ment sans enreg­istrement, cela reste dif­fi­cile à con­firmer.
Cepen­dant, si on se sou­vient que Nel­ly fut la muse d’Home­ro, celle qui lui inspi­ra la chan­son Male­na lors de son exil au Mex­ique et qu’ils ont eu une rela­tion mou­ve­men­tée, cela n’a rien d’im­pos­si­ble.
Comme Sur est un tan­go à écouter, je vous invite à voir Nel­ly Omar le chanter. J’ai choisi cette ver­sion, car c’est une de ses dernières ver­sions enreg­istrées. Elle a par­cou­ru toutes les épo­ques du tan­go, depuis les années 1920 jusqu’au 21e siè­cle. La « Gardel en jupe » est une des étoiles indéboulonnables au fir­ma­ment du tan­go.

Je ne peux pas con­firmer la date, de cet enreg­istrement. La voix sem­ble plus assurée que dans son dernier con­cert au Luna Park, à près de 100 ans. Je dat­erai donc cette vidéo de la pre­mière décen­nie des années 2000.

Plus éton­nant, serait un enreg­istrement par Quintin Ver­du en 1947, soit plusieurs mois avant Troi­lo. On peut facile­ment imag­in­er qu’un tan­go soit chan­té avant d’être enreg­istré, car c’est le proces­sus nor­mal. En revanche, qu’il soit enreg­istré en France avant d’avoir été joué en Argen­tine alors qu’il est créé par deux Argentins qui étaient à Buenos Aires à l’époque est plus éton­nant.
En revanche, il existe bien un enreg­istrement de Sur par Quintin Ver­du, avec le chanteur Agustín Duarte. C’est un enreg­istrement Pathé, mal­heureuse­ment pas daté et ses références ne m’ont pas per­mis d’en valid­er la date : PA 2617 — CPT 7021.
Cepen­dant, comme tout ce qu’a réal­isé Ver­du, la musique est excel­lente et vaut la peine d’être écoutée. Duarte chante unique­ment le refrain, dont il reprend la sec­onde par­tie comme final.

Sur 1947 ? — Orchestre Quintin Verdú con Agustín Duarte. Superbe, non ?
Sur 1948 — Orques­ta Luis Rafael Caru­so con Julio Sosa. La même année que Troi­lo, Julio Sosa enreg­istre Sur, dans une des rares ver­sions qui peu­vent se danser de façon agréable en tan­go.

C’est le moment de dire un petit mot sur ce chef d’orchestre, Luis Caru­so, né à Buenos Aires en 1916, mais qui à l’âge de vingt ans s’est instal­lé à Mon­te­v­ideo où il con­tin­uera sa car­rière artis­tique. C’est pour cela qu’il est un peu moins con­nu aujourd’hui, mais il lui reste le titre de gloire d’avoir enreg­istré les cinq pre­miers titres avec Julio Sosa qui était au début de sa car­rière (il venait de gag­n­er un con­cours dont un lot était d’enregistrer 5 titres avec Son­dor).
Les cinq titres étaient : Sur 1948, Una y mil noches 1948, Mas­cari­ta 1949-01-31, La últi­ma copa 1948 (Valse) et un can­dombe (nous sommes en Uruguay…) San Domin­go 1948.
À cette époque, le cuar­te­to de Caruo com­pre­nait, en plus de lui qui dirigeait et jouait le ban­donéon, Rubén Pocho Pérez au piano, Rober­to Smith à la con­tre­basse et Mirabel­lo Don­di au vio­lon.

Pour ter­min­er cette liste qui pour­rait être bien plus longue, je vous pro­pose un extrait du film fran­co-argentin Sur qui débute par cette chan­son inter­prétée par Rober­to Goyeneche qui joue le rôle d’Amado. Ce film de 1988 a été dirigé par Fer­nan­do “Pino” Solanas qui a obtenu le pre­mier pour cela au Fes­ti­val de Cannes. Il a pour sujet, la dic­tature mil­i­taire qui s’est achevée 5 ans plus tôt.
La musique qui a été enreg­istrée au stu­dio Ion de Buenos Aires est jouée par un quatuor com­posé de Nestor Mar­coni au ban­donéon, Raul Luzzi à la gui­tare, Car­los Gaivi­ron­sky au vio­lon et Hum­ber­to Ridolfi à la con­tre­basse et chan­tée par Rober­to Goyeneche. Plusieurs notice indiquent que la musique est de Piaz­zol­la, vous aurez com­pris que c’est une erreur et on voit par­faite­ment dans le film qu’il ne joue pas le ban­donéon dans cette inter­pré­ta­tion et s’il a éventuelle­ment arrangé la musique, il n’en est ni l’au­teur ni l’in­ter­prête.
Je vous pro­pose donc cet extrait du film qui sera égale­ment la fin du chapitre sur les enreg­istrements de Sur…

Au début du film Sur, on voit les musi­ciens arriv­er et s’installer, puis arrive Goyeneche.
Les musi­ciens sont : Nestor Mar­coni au ban­donéon, Raul Luzzi à la gui­tare, Car­los Gaivi­ron­sky au vio­lon et Hum­ber­to Ridolfi à la con­tre­basse.
Le café Sur qui accueille le quatuor au début du film existe tou­jours. C’est l’Al­ma­cen Sur, à l’an­gle de Juan Dar­quier y Vil­lar­i­no, juste en face de la sta­tion Hipól­i­to Yrigoyen de la ligne fer­rovi­aire Roca.

Autres titres enregistrés un 23 février

Il y avait beau­coup de per­les à piocher pour le 23 févri­er. En voici quelques-unes qui pour­ront faire l’objet d’articles dans les années à venir…

El rebelde 1932-02-23 — Osval­do Frese­do C Rober­to Ray. On a évo­qué cet orchestre hier avec le mer­veilleux Sol­lo­zos. Ce titre de 5 ans exacte­ment antérieur n’a pas la même matu­rité.
De todo te olvi­das (Cabeza de novia) 1948-02-23 — Ani­bal Troi­lo C Flo­re­al Ruiz. Le même jour, Troi­lo a aus­si enreg­istré avec un autre chanteur, Flo­re­al Ruiz. Ce titre est entré dans le lan­gage com­mun, cabeza de novia), pour par­ler d’étourderies, d’oublis.
El jagüel 1956-02-23 — Orques­ta Car­los Di Sar­li. Comme DJ, j’aurais sans doute dû choisir ce titre ou Rodriguez Peña (prési­dent argentin), qui sont deux titres éminem­ment dans­ables par le seigneur du tan­go, Car­los Di Sar­li. Ce sera pour une prochaine année 😉
Rodriguez Peña 1956-02-23 — Orques­ta Car­los Di Sar­li. Enreg­istré le même jour que El Jagüel, un best of du tan­go dan­sé.
Home­ro Manzi dans Pom­peya, entre le sou­venir lumineux de l’enfance et la dés­espéra­tion de l’avenir. Inspiré du style de Ben­i­to Quin­quela Martín, le voisin de la Boca. Manzi sem­ble marcher dans l’eau, sou­venir des inon­da­tions qui l’ont accueil­li à son arrivée à Buenos Aires en 1912.