Archives par étiquette : Cuarteto SolTango

Tigre viejo

Tigre viejo 1934-08-16 – Orquesta Osvaldo Fresedo

Salvador Grupillo

Avec ses grandes cascades musicales qui se terminent dans des écrasements impressionnants, Tigre viejo (le vieux tigre) attire l’attention. C’est devenu un incontournable des milongas tant à Buenos Aires qu’en Europe dans la version d’Osvaldo Fresedo enregistrée en 1934.

Fresedo, « El Pibe de la Paternal » (le gamin de la Paternal, un quartier du nord-ouest de la ville de Buenos Aires) est clairement un chef d’orchestre de la vieille garde. Il a commencé à enregistrer en 1922 et une très grande partie de sa musique instrumentale, jusqu’à 1934, est marquée par les accents du canyengue avec un rythme marqué que Fresedo allège cependant, notamment avec de jolis traits de violon, voire de bandonéon, son instrument. Tigre viejo est un titre charnière qui marque une transition entre cette époque ancienne et une plus mélodique, celle qu’il déploiera progressivement avec les chanteurs Roberto Ray et plus encore Ricardo Ruiz. On considère Fresedo comme un chef d’orchestre raffiné convenant bien aux auditeurs de la bonne société.

Extrait musical

Partitura de Tigre viejo composé par Salvador Grupillo…
Partitura de Tigre viejo composé par Salvador Grupillo…
Tigre viejo 1934-08-16 – Orquesta Osvaldo Fresedo

On remarque dès le début de Tigre viejo la puissance du rythme, bien appuyé, mais à partir de 19 secondes surgit un élément perturbateur, une spirale vibrante des violons qui semble tomber pour s’aplatir dans un lourd accord de piano. Fresedo sera friand de cet effet qu’il emploiera jusqu’à la fin de sa carrière, comme dans Pimienta de 1962.
Les violons et les bandonéons sont chantants et le piano leur donne la réponse. Les violons alternent les pizzicati et le jeu legato, parfois, en se subdivisant pour faire cohabiter les deux styles.
Les grandes vagues des violons et des bandonéons donnent un caractère nostalgique et on se prend à penser à un vieux tigre, triste de sentir les forces s’en aller, mais avec suffisamment de vigueur pour vivre les traits énergiques proposés par Fresedo.

Une édition par les éditions Melos. C’est pour un cuarteto, mais cela peut être facilement étendue en doublant les parties de violons et bandonéons. On remarque les vagues évoquées, elles se retrouvent graphiquement dans l’édition musicale… https://melos.com.ar/
Une édition par les éditions Melos. C’est pour un cuarteto, mais cela peut être facilement étendue en doublant les parties de violons et bandonéons. On remarque les vagues évoquées, elles se retrouvent graphiquement dans l’édition musicale… https://melos.com.ar/

Autres versions

Même si elle est de très loin la plus célèbre, la version enregistrée de Fresedo n’est pas la plus ancienne. L’année précédente, Elvino Vardaro, le merveilleux violoniste, avait enregistré une version plutôt surprenante.

Tigre viejo 1933 – Sexteto de Elvino Vardaro.

Elvino Vardaro et Hugo Baralis (violonistes), Jorge Argentino Fernández et Aníbal Troilo (bandonéonistes, Pedro Caracciolo (Contrebassiste) et José Pascual (Pianiste). Cette version dans l’esprit de De Caro, presque étrange, aura bien du mal à satisfaire les danseurs, notamment car elle est remplie de surprises rendant l’improvisation impossible. Au côté des deux excellents violonistes, on notera la qualité des musiciens au service de cette version et notamment la présence d’Anibal Troilo, âgé de 19 ans lors de cet enregistrement.

Tigre viejo 1934-08-16 – Orquesta Osvaldo Fresedo. C’est notre tango du jour.

Une version parfaitement dansable et sans doute bienvenue après l’expérience proposée par Vardaro.

Tigre viejo 1947-07-08 – Orquesta Francini-Pontier.

La version de Enrique Francini et Armando Pontier a sans doute plus de points communs avec l’interprétation de Vardaro.

Tigre viejo 1948 – Orchestre Argentin Manuel Pizarro.

Comme l’indique le nom de l’orchestre, Pizarro a fait une partie très importante de sa carrière en France, où il est arrivé en 1920 et y où il est mort en 1982. Bien sûr, il a fait de nombreux voyages et sa présence en France n’a pas été continue.

Tigre viejo 1969-09-18 – Orquesta Juan D’Arienzo.

Dans sa période tardive, D’Arienzo propose une version peu facile à danser, ce qui est plutôt rare chez lui. On considérera sans doute cette version comme une curiosité, plus que comme une perle à proposer en milonga.

Tigre viejo 2011 – Hyperion Ensemble.

Hyperion est dans l’ensemble un orchestre de danse. Il propose cette version qui évoque celle de Fresedo. Cependant, si cela est sans doute un peu dansable, il n’y a probablement aucune raison de proposer cette version en milonga.

Attention, je parle du point de vue du DJ, pas de celui du Directeur artistique. En effet, un orchestre peut se permettre des musiques un peu moins consensuelles, il y a l’effet orchestre qui modifie l’écoute des danseurs. C’est un peu comme quand on passe des disques noirs, les danseurs réagissent différemment, même si le son est rigoureusement identique (copie numérique de bonne qualité du disque 78 tours, par exemple).

Tigre viejo 2017 – Tango Bardo.

Cet autre orchestre contemporain s’inspire de Fresedo en apportant une note énergique qui peut tout à fait convenir aux danseurs actuels. Disons que, si l’on souhaite changer de la version de Fresedo, on peut considérer cet enregistrement. https://tangobardo.bandcamp.com/track/tigre-viejo

Tigre viejo 2018 – Esquina Sur.

Une version dans l’esprit de Fresedo et qui se révèle dansable, même s’il lui manque sans doute un peu de l’âme qu’avait su donner Fresedo.

Tigre viejo 2021 (in the style of Enrique Francini & Armando Pontier) – Cuarteto SolTango.

Comme ils l’annoncent, cette interprétation s’inspire de celle de Enrique Francini et Armando Pontier et elle rejoint la grande lignée des versions destinées exclusivement à l’écoute.

Tigre viejo 2023 – Estación Buenos Aires Quartet.

C’est toujours sympa de voir les musiciens. Voici donc une vidéo de 2023. Attention, il manque la fin. Vous devrez donc acquérir la piste si vous souhaitez l’entendre en entier. https://www.halidonmusic.com/it/tango-from-origins-to-piazzolla-album-8104.html

Même si on peut envisager de la proposer en milonga, je trouve qu’il ne justifie pas de déclasser Fresedo, qui reste, pour ma part, le seul à avoir satisfait les danseurs.

D’autres vieux tigres

Le titre a été utilisé pour diverses œuvres. Pour votre amusement, en voici quatre exemples :

Tigre viejo 1926-12-06 – Orquesta Típica Victor dirigé par Adolfo Carabelli. (Nicolás Guastavino Aragay)
Tigre viejo 1934 – Imperio Argentina con Guitarras (Enrique Nieto de Molina – Toko – Jose Abelda).
Tigre viejo 2022 – José Romero Bello Con Joseito Romero y Natividad Díaz. Une composition interprétée à la harpe.
Tigre viejo 1960 – Ángel C. Loyola y sus Guariqueños (José Renjiló y Ángel Custodio Loyola).

Grupillo et les tigres

Je n’ai pas d’explication sur l’origine de ce titre. Le tigre était, par exemple le bandonéoniste Eduardo Arolas. Ce dernier a connu une fin tragique, alcoolique et tuberculeux à Paris, de quoi faire un thème pour un tango. D’ailleurs, le tango de Nicolás Guastavino Aragay portant le même titre et enregistré par Carabelli avec l’orchestre de la Victor est de 1926, deux ans après la mort d’Arolas, ce qui est un bon délai pour un enregistrement en hommage.

Un tigre, cela peut être aussi, en lunfardo, une personne souffrant de variole avec le visage grêlé, une personne cruelle et sanguinaire, ou au contraire, quelqu’un d’habile, mais l’un n’empêche cependant pas l’autre. C’est aussi, dans l’argot des prisons, celui qui nettoie les excréments…

Grupillo, quant à lui, est né dans les Pouilles et est donc un de ces si nombreux Italiens d’origine modeste pour ne pas dire pauvre qui ont peuplé l’Argentine.

Ma chasse au tigre

En 2009, j’ai parlé pour la première fois avec Dany Borelli, un des plus grands DJ de Buenos Aires. C’était justement à propos de ce tango. C’était à El Arranque, cette belle milonga de l’après-midi, si chaleureuse, qui est aujourd’hui remplacée par un club de sport…

Dany et Vivi, deux talentueux DJ de Buenos Aires. Vivi est la fille de l'organisateur de la Milonga El Arranque et a appris le métier de DJ avec Dany. Photo de Dany y Vivi https://jantango.wordpress.com/2014/10/19/milonga-review-el-arranque-revisited/
Dany et Vivi, deux talentueux DJ de Buenos Aires. Vivi est la fille de l’organisateur de la Milonga El Arranque et a appris le métier de DJ avec Dany. Photo de Dany y Vivi https://jantango.wordpress.com/2014/10/19/milonga-review-el-arranque-revisited/

Une vidéo souvenir du Salon La Argentina où avait lieu la milonga El Arranque.

Le salon "Nuevo Salon La Argentina) où avait lieu El Arranque. Pas de plancher, pas de clim, seulement d’immenses ventilateurs bruyants, mais un lieu chaleureux pour les milongas de l'après-midi.
Le salon « Nuevo Salon La Argentina) où avait lieu El Arranque. Pas de plancher, pas de clim, seulement d’immenses ventilateurs bruyants, mais un lieu chaleureux pour les milongas de l’après-midi.
En 2018, le salon était à louer et aujourd'hui, c'est un lieu de fitness...
En 2018, le salon était à louer et aujourd’hui, c’est un lieu de fitness…

Voilà, les amis. Je termine ici,  après cette petite séquence « nostalgie ». À bientôt !

Buscándote 1941-12-30 – Orquesta Osvaldo Fresedo con Ricardo Ruiz

Eduardo « Lalo » Scalise (Eduardo Scalise Regard)

Buscándote est un des thèmes les plus émouvants du tango. Par la qualité de la musique et des paroles de Eduardo « Lalo » Scalise El poeta del piano, mais aussi par la simplicité et la rondeur de l’interprétation par Fresedo et Ruiz, pour notre tango du jour. Nous allons en profiter pour regarder de plus prêt comment fonctionne une partition.

Extrait musical

Buscándote 1941-12-30 – Orquesta Osvaldo Fresedo con Ricardo Ruiz
Première page de la partition retranscrite par Lucas Cáceres.

Cette première page présente les quatre premières mesures. On voit les différents instruments. T (ténor, Ricardo Ruiz, dans cet enregistrement), puis 4 violons, 4 bandonéons, un piano et une contrebasse.
À l’armure, il y a deux dièses, nous sommes en Si mineur. Un mode nostalgique, voire triste. Dans la première mesure, on remarque qu’il y a une seule note, un la à la main gauche du piano. La deuxième mesure commence avec la seconde note du piano, un fa# de 4 temps (note ronde). En même temps, la contrebasse commence à marquer tous les temps (4 par mesure) en commençant par un Ré, puis un La et elle va effectuer un mouvement de bascule entre deux notes, Do# Fa# à la mesure suivante et ainsi de suite sur environ la moitié des mesures de la partition. Cela porte la marche, chaque temps est indiqué. Libre aux danseurs de les effectuer ou de choisir plutôt de s’aligner sur des éléments de la mélodie.
On remarquera que les bandonéons et violons qui débutent aussi à la deuxième mesure commencent par un silence, suivi de trois croches. Ce motif se répète. Il est assez discret, mais vous n’aurez pas de peine à repérer ce pouf pouf pouf — pouf pouf pouf dans le début de la musique. L’envolée des violons y met fin, pour commencer à énoncer la première partie (A).

La partition du ténor avec la photo de Ricardo Ruiz. J’ai rajouté le début des paroles en rouge. La partition a été proposée également par Lucas Cáceres.

Ici, c’est la partition du ténor (Ricardo Ruiz dans notre cas) qui ne commence à chanter qu’à partir de la mesure 43 (en levée de la 44).
On se souvient que le début de la partition était en Ré mineur, après un passage en Fa mineur, Ruiz commence à chanter en Fa majeur. La présence de dièses sur 4 des Sols et un Do, font basculer certains passages en Ré mineur).

Roue des modes, majeurs et mineurs, avec le nom des notes à gauche, et avec les lettres à droite.

Une petite aide pour vous aider à vous repérer dans les tonalités. Le nombre de dièses ou bémols à la clef donne la tonalité dont le mode peut être majeur ou mineur. Pour décider, il faut écouter. Souvent, il y a beaucoup de changements de tonalités et des altérations (Dièses, ou Bémols) ponctuelles qui rendent difficile de décider la tonalité exacte utilisée. Mais ce n’est pas si important, ce qui l’est, c’est uniquement de savoir si c’est majeur ou mineur, pour adapter la danse à la sensibilité de la musique, donc l’écoute est suffisante.
Maintenant que vous êtes au point, je vous propose de suivre la partition durant l’écoute, grâce au travail remarquable de Lucas Cáceres.

Partition animée de Buscándote, une vidéo réalisée par Lucas Cáceres.

Vous remarquerez qu’il y a toutes les parties, et qu’il y a donc beaucoup de changements de pages. Dans un orchestre, chaque instrument n’a que sa partie et si cela vous intéresse, vous pouvez vous les obtenir en vous abonnant à son Patreon.
Assez parlé de la musique, intéressons-nous aux paroles, maintenant.

Paroles

Vagar con el cansancio de mi eterno andar
tristeza amarga de la soledad
ansias enormes de llegar.
sabrás que por la vida fui buscándote
que mis ensueños sin querer vencí
que en algún cruce los dejé
mi andar apresuré
con la esperanza de encontrarte a ti
largos caminos hilvané
leguas y leguas recorrí por ti
después que entre tus brazos pueda descansar
si lo prefieres volveré a marchar
por mi camino de ayer
sabrás que por la vida fui buscándote
que mis ensueños sin querer rompí
que en algún cruce los dejé
mi andar apresuré
con la esperanza de encontrarte a ti
largos caminos hilvané
leguas y leguas recorrí por ti
después que entre tus brazos pueda descansar
si lo prefieres volveré a marchar
por mi camino de ayer.
Eduardo « Lalo » Scalise (Eduardo Scalise Regard)

Traduction libre

Errer avec la fatigue de ma marche éternelle, l’amère tristesse de la solitude, l’énorme désir d’arriver.
Tu sauras qu’à travers la vie je t’ai cherchée, que j’ai dépassé mes rêves sans le vouloir, qu’à un croisement je les ai laissés. Ma marche précipitée dans l’espoir de te trouver.
Après que je pourrai me reposer dans tes bras, si tu préfères, je retournerai à marcher par mon chemin d’hier.
Tu sauras qu’à travers la vie je t’ai cherchée, que j’ai dépassé mes rêves sans le vouloir, qu’à un croisement je les ai laissés. Ma marche précipitée dans l’espoir de te trouver.
J’ai enchaîné de longues routes, des lieues et des lieues que j’ai parcourues pour vous.
Après que je pourrai me reposer dans tes bras, si tu préfères, je retournerai à marcher par mon chemin d’hier.

Autres versions

Il n’y a pas d’enregistrement de l’âge d’or, autre que celui de Fresedo et Ruiz. Cependant, la passion européenne pour Fresedo fait que beaucoup d’orchestre du 21e siècle se sont lancés dans l’enregistrement de ce chef d’œuvre, avec des fortunes diverses.

Buscándote 1941-12-30 – Orquesta Osvaldo Fresedo con Ricardo Ruiz. C’est notre tango du jour, le mètre étalon, la référence absolue.
Buscándote 2000-06-01 – Klaus Johns.

Une version instrumentale avec un parti pris de tempo particulièrement lent. C’est probablement à classer au rayon des étrangetés, mais certainement pas à proposer au bal.

Buscándote 2012 – Sexteto Milonguero con Javier Di Ciriaco.

On ne présente plus cet orchestre qui a fait notre joie, et notamment son Directeur, chanteur, Javier Di Ciriaco, pendant une quinzaine d’années.

Buscándote 2012 – Solo Tango Orquesta.

Cet orchestre russe a également son public. Ils proposent, ici, une version instrumentale.

Buscándote 2013 – Ariel Ardit y Orquesta Típica.

L’incroyable solo de violon qui ouvre cette version peut surprendre. Mais, une fois lancé, avec un rythme bien marqué par les bandonéons et toujours dominé par les cordes et ce superbe violon, fait que c’est certainement une version « chair de poule » pour beaucoup. La belle voix, puissante et chaude d’Ariel Ardit termine de faire de cette version remarquable. Pour la danse, les arrastres d’Ariel peuvent gêner certains danseurs et le rythme rapide peut faire que l’on préfère d’autres versions. Je pense qu’en Europe cette interprétation aurait des amateurs.

Buscándote 2013 – Hyperion Ensemble con Rubén Peloni.

Après l’écoute de l’enregistrement d’Ariel Ardit, cette version tranquille peut paraître un peu faible, mais il faut la comparer à notre étalon, la version de Fresedo et Ruiz, pour voir que c’est une belle réalisation, intime et bien accordée au thème de la chanson.

Buscándote 2014 (En vivo) – Sexteto Milonguero con Javier Di Ciriaco.

Une version avec public qui permet de se souvenir de l’ambiance que mettait cet orchestre. C’était à Rosario (Argentine) lors de l’Encuentro Tanguero del Interior (ETI). J’ai eu la chance de voir et écouter cet orchestre de nombreuses fois, c’est vraiment dommage qu’il n’existe plus.

Buscándote 2015 – Cuarteto SolTango.

Ce cuarteto, avec beaucoup moins d’instruments s’approche de la version de Fresedo. Une belle performance. Le solo de violon qui remplace la voix de Ricardo Ruiz, bien que bien chantant, est sans doute ce qui peut faire baisser la valeur de l’ensemble, sauf pour les danseurs qui n’aiment pas les chanteurs. Si, il y en a, et, à mon avis, la principale raison, est que certains DJ mettent des chansons tango au lieu de véritables tangos chantés de danse.

Buscándote 2015 – Orquesta La 2X4 Rosarina con Martín Piñol.

Retour à une version chantée. La voix de Martín Piñol pourrait bénéficier d’un orchestre plus accompli. La prise de son mériterait d’être meilleure également. Le résultat ne risque pas de détrôner, la version de Fresedo qui en est clairement le modèle.

Buscándote 2015-07-09 – Esquina Sur con Diego Di Martino.

Je vous avais bien dit qu’il y avait une folie à notre époque pour Fresedo. Cet enregistrement de Esquina Sur en est une autre preuve. La voix de Di Martino, s’élance légère et fluide par-dessus l’orchestre, ce n’est pas vilain, mais là encore, Fresedo et Ruiz restent en tête.

Buscándote 2016-03-01 – El Cachivache Quinteto.

El Cachivache signe une version plus personnelle, qui n’est pas qu’une simple imitation de Fresedo et on leur en est gré, même si l’utilisation d’autres instruments comme la guitare électrique peut donner des boutons à des milongueros sclérosés. C’est une version instrumentale, mais la diversité des variations fait que ce n’est pas monotone. L’entrée avec une gamme de do majeur descendent suivie d’une gamme ascendante est très originale. Le final est également intéressant, c’est une version qui peut faire l’affaire avec des tangueros curieux. Elle devrait plaire aussi à Angela C. car il y a une bonne proportion de mode majeur dans cette version, contrairement à la version de Fresedo qui est majoritairement en mode mineur 😉

Buscándote 2016-12 – Orquesta Romántica Milonguera con Roberto Minondi.

Avec la Romántica Milonguera on revient à un registre plus classique, même si cet orchestre a su créer son propre son. Ici, c’est Roberto Minondi qui nous ravit.

Buscándote 2019 – Cuarteto Mulenga. Cette version présente l’intérêt de voir les instrumentistes opérer. Mais ce titre est aussi sur CD. Cliquez sur le lien pour voir la vidéo. https://youtu.be/WHJq2fwE3Fk . Vidéo réalisée au Bodegon (restaurant) El Destino, à Quilmes (Province de Buenos Aires).

Buscándote 2021-03 Orquesta Típica Andariega.

Un début original, qui peut faire douter durant les 30 premières secondes qu’on écoute Buscándote. On notera la descente de piano, très originale durant ce début. Le reste de l’orchestration renouvelle également l’œuvre, qui est comme décomposée, déstructurée au profit de solos qui se superposent. C’est presque un ensemble de citations de l’œuvre originale, plus qu’une interprétation au sens habituel. La fin ne dissipera pas cette impression.

Je te cherche, pas à pas

Comme DJ, je m’intéresse à savoir comment les danseurs vont pouvoir interpréter la musique que je propose.
J’ai trouvé cette petite pépite, réalisée par Juana García y Julio Robles. Elle montre les temps et contretemps.

Cliquez sur le lien pour consulter la vidéo. https://youtu.be/RjNY9pnNUoA

Poser les pieds en rythme est la toute première étape du danseur de tango et, même si certains ne s’y résolvent pas, il me semble qu’il faut aller beaucoup plus loin, le tango étant une danse d’improvisation. On tirera cependant de cette vidéo un élément très intéressant, la séparation entre les différentes parties. Savoir les repérer permet d’adapter la danse en changeant le style pour chaque partie.
Il faut aussi savoir distinguer la phrase musicale, afin que le couple se retrouve dans un état d’attente ou pour le moins cohérent avec la prochaine transition ou enchaînement de phrases. Certains comptent de 1 à 8, mais c’est beaucoup plus agréable de se laisser porter par la structure de la musique.
Je déconseille donc le comptage, sauf pour des chorégraphies en groupe, ce qui n’est pas du même domaine que le tango social qui nous intéresse ici, car je trouve dommage d’occuper son cerveau dans une tâche qui n’aide pas à entendre la musique.
Il me semble qu’il est amplement préférable de travailler son « instinct », car, rapidement, le corps saura quand la musique va changer et, inconsciemment, il va se préparer, ce qui vous permettra de danser l’esprit totalement libre, en vous laissant porter.
Ce même instinct sert au DJ pour identifier les musiques plus dansables que d’autres. Le DJ fait marcher ses danseurs et eux le suivent. Il a donc la responsabilité d’ouvrir la voie et de leur proposer des chemins dont les difficultés sont adaptées.

À bientôt, les amis, merci de me suivre.

À bientôt, les amis, merci de me suivre.

Milonga del recuerdo 1939-07-17 – Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto Echagüe

Alfonso Lacueva Letra: José Pecora

Notre milonga du jour est une milonga irrésistible, la milonga du souvenir Milonga del recuerdo. Le titre pourrait faire penser à la milonga campera, ces chansons un peu plaintives de l’univers des gauchos comme Milonga triste            que chantait Magaldi en 1930 ou même des compositions plus récentes comme celle de Piazzolla, Milonga del ángel, ou Milonga en ay menor dans un style bien sûr très différent. Mais comme vous pouvez le constater, Milonga del recuerdo est un appel à se lancer sur la piste pour tous les danseurs. Ces derniers ne prêteront aucune attention à la nostalgie des paroles.

Ce manque d’attention est renforcé par le fait que Echagüe ne chante que le refrain et pas les couplets plus nostalgiques.

Extrait musical

Milonga del recuerdo 1939-07-17 – Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto Echagüe.
Milonga del recuerdo. Alfonso Lacueva Letra: José Pecora. À gauche la couverture de la partition, au centre la tablature des accords et à droite, le disque. RCA Victor 38767-B. La face A était Derecho viejo 1939-07 une version instrumentale.

Paroles

Qué daría por ser joven y vivir aquellos días
Que se fueron alejando y no pueden más volver,
Aquellos años dichosos de las fiestas transcurridas
En el patio de la casa que me viera a mí, nacer.
¿Dónde está la muchachita, esa novia que besara?
Con los labios temblorosos encendidos de pasión,
La que tanto yo quería y siempre he recordado
Porque fue el amor primero que no olvida el corazón.

¿Dónde están los corazones
de la linda muchachada?
¿Dónde están las ilusiones
de aquel tiempo que se fue?
Mi vieja dicha perdida
Hoy estás en el olvido,
Y yo que tanto he querido
Siempre te recordaré.

Las milongas de mi barrio al gemir de bandoneones
Entre notas melodiosas de algún tango compadrón,
Las pebetas sensibleras impregnadas de ilusiones
Que reían y cantaban al influjo de un amor.
No se ve la muchachada a la luz del farolito
Comentando por las noches los idilios del lugar,
Ni se escuchan los acordes de las dulces serenatas
Que llenaban de emociones y nos hacían soñar.

Alfonso Lacueva Letra : José Pecora

Echagüe ne chante que le refrain, en gras.

Traduction libre

Que donnerais-je (on dirait plutôt en français : « que ne donnerais-je pas ») pour être jeune et vivre ces jours qui se sont éloignés et qui ne peuvent plus revenir, ces années heureuses des fêtes passées dans la cour de la maison qui m’a vu naître.
Où est la fille, cette fiancée que j’embrassais ?
Avec les lèvres tremblantes et embrasées de passion, celle que j’aimais tant et dont je me suis toujours souvenu parce que c’était le premier amour que le cœur n’oublie pas.
Où sont les cœurs de la belle bande d’amis ?
Où sont les illusions (émotions) de ce temps qui a disparu ?
Mon ancien bonheur perdu est aujourd’hui oublié, et moi qui ai tant aimé, je me souviendrai toujours de toi.
Les milongas de mon quartier au gémissement des bandonéons entre les notes mélodieuses d’un tango compagnon, les poupées sentimentales imprégnées d’illusions qui riaient et chantaient sous l’influence d’un amour.
On ne voit pas la bande des gars à la lueur du lampadaire commenter la nuit les idylles du lieu ni on n’entend les accords des douces sérénades qui nous remplissaient d’émotions et nous faisaient rêver.

Autres versions

Curieusement, ce thème n’a pas été enregistré par d’autres orchestres. La magnifique version de D’Arienzo et Echagüe reste orpheline même si certains orchestres jouent cette milonga dans les bals.

Milonga del recuerdo 1939-07-17 – Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto Echagüe

Une version intéressante par un orchestre de chambre contemporain, le Cuarteto SolTango avec des arrangements de Martin Klett.

https://on.soundcloud.com/1x1ZzHQoyXKUhL3f9 Quand les musiciens classiques s’essayent à la milonga.

À demain, les amis !