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Los 33 orientales 1955-07-28 — Orquesta Carlos Di Sarli

José “Natalín” Felipetti ; Rosario Mazzeo Letra: Arturo Juan Rodríguez

Le tan­go du jour est instru­men­tal, et en écoutant la musique sen­suelle de Di Sar­li, je suis sûr que la plu­part de ceux qui ne sont pas uruguayens ont pen­sé que j’étais tombé sur la tête, une fois de plus, en pro­posant cette image de cou­ver­ture. J’ai imag­iné cette illus­tra­tion en me référant à Géri­cault, un pein­tre qui a don­né à la fois dans le mil­i­taire et l’orientalisme. Mais qui sont ces 33 ori­en­tales que Di Sar­li célébr­era trois fois par le disque ?

De l’importance de l’article

Il peut échap­per aux per­son­nes qui ne par­lent pas bien espag­nol, la dif­férence entre las (déter­mi­nant pluriel, féminin) et los (déter­mi­nant pluriel, mas­culin). Las 33 ori­en­tales, ça pour­rait-être ceci,

Los ou las ?

mais los 33 ori­en­tales, c’est plutôt cela :

El jura­men­to de los 33 ori­en­tales Juan Manuel Blanes (1878).

Je vous racon­terai l’histoire de ces 33 mecs en fin d’article, pas­sons tout de suite à l’écoute.

Extrait musical

Les com­pos­i­teurs sont José Felipet­ti (ban­donéon­iste et édi­teur musi­cal) et Alfre­do Rosario Mazzeo, vio­loniste, notam­ment dans l’orchestre de Juan D’Arienzo, puis de Poli­to (qui fut pianiste égale­ment de D’Arienzo). Rosario Mazzeo avait la par­tic­u­lar­ité d’utiliser un archet de vio­lon alto, plus grand pour avoir un son plus lourd.

Los 33 ori­en­tales 1955-07-28 — Orques­ta Car­los Di Sar­li.

Je n’ai pas grand-chose à dire sur cette ver­sion que vous puissiez ne pas con­naître. Je suis sûr que dans les cinq sec­on­des vous aviez repéré que c’était Di Sar­li, avec ses puis­sants accords sur son 88 touch­es (le piano) et les légatos des vio­lons. Comme il est d’usage chez lui, les nuances sont bien exprimées. Les suc­ces­sions de for­tis­si­mos mourant dans des pas­sages pianos (moins forts) et les accords fin­aux où domi­nent le piano font que c’est du 100% Di Sar­li.

Il s’agit du troisième enreg­istrement de Los 33 ori­en­tales par Di Sar­li. Comme d’habitude, vous aurez droit aux autres dans le chapitre dédié, Autres ver­sions

Les trois dis­ques de Los 33 ori­en­tales par Car­los Di Sar­li.

On notera que la ver­sion de 1952 est un 33 tours Long Play, c’est-à-dire qu’il y a deux tan­gos par face, ici La Cachi­la et Los 33 ori­en­tales. Sur la face A, il y a Cua­tro vidas et Sueño de juven­tud. Le pas­sage de 78 à 33 tours per­me­t­tait de plus que dou­bler la durée enreg­is­tra­ble. Mais ce n’est que la général­i­sa­tion du microsil­lon qui per­met d’atteindre des durées plus longues de plus de 20 min­utes par face. Ce disque est donc un disque de « tran­si­tion » entre deux tech­nolo­gies.

Paroles

Bien qu’il soit instru­men­tal dans les ver­sions con­nues, il y a eu des paroles écrites par Arturo Juan Rodriguez.
Au cas où elles seraient per­dues, je vous pro­pose un extrait de celles d’un autre tan­go appelé égale­ment los 33 ori­en­tales, à l’origine et rebap­tisé par la suite La uruguyai­ta Lucia.
Il a été écrit en 1933 par Eduar­do Pereyra avec des paroles de Daniel López Bar­reto.
Je vous le pro­pose à l’é­coute, dans la ver­sion de Ricar­do Tan­turi avec Enrique Cam­pos (1945).

La uruguyai­ta Lucia 1945-04-12 — Ricar­do Tan­turi C Enrique Cam­pos

Y mien­tras en el cer­ro; de los bravos 33 el clarín se oía
y al mun­do una patria nue­va anun­cia­ba
un tier­no sol­lo­zo de mujer, a la glo­ria reclam­a­ba
el amor de su gau­cho, que más fiel a la patria su vida le entregó.
Cabel­los negros, los ojos
azules, muy rojos
los labios tenía.
La Uruguayi­ta Lucía,
la flor del pago ‘e Flori­da.
Has­ta los gau­chos más fieros,
eter­nos matreros,
más man­sos se hacían.
Sus oja­zos parecían
azul del cielo al mirar.

Ningún gau­cho jamás
pudo alcan­zar
el corazón de Lucía.
Has­ta que al pago llegó un día
un gau­cho que nadie conocía.
Buen payador y buen mozo
can­tó con voz las­timera.
El gau­cho le pidió el corazón,
ella le dio su alma entera.

Fueron felices sus amores
jamás los sins­a­bores
inter­rumpió el idilio.
Jun­tas soñaron sus almi­tas
cual tier­nas palomi­tas
en un rincón del nido.
Cuan­do se que­ma el hor­i­zonte
se escucha tras el monte
como un suave mur­mul­lo.
Can­ta la tier­na y fiel pare­ja,
de amores son sus que­jas,
sus­piros de pasión.

Pero la patria lo lla­ma,
su hijo recla­ma
y lo ofrece a la glo­ria.
Jun­to al clarín de Vic­to­ria
tam­bién se escucha una que­ja.
Es que tronchó Lavalle­ja
a la dulce pare­ja
el idilio de un día.
Hoy ya no can­ta Lucía,
su payador no volvió.

Eduar­do Pereyra Letra: Daniel López Bar­reto

Traduction libre et indications

Et pen­dant que tu étais sur la colline ; des braves du 33 le cla­iron a été enten­du et au monde il annonça une nou­velle patrie, un ten­dre san­glot d’une femme, à la gloire il a revendiqué l’amour de son gau­cho, qui le plus fidèle à la patrie lui a don­né sa vie.
Cheveux noirs, yeux bleus, lèvres très rouges, elle avait.
La Uruguayi­ta Lucía, la fleur du bled (pago, coin de cam­pagne et la pop­u­la­tion qui l’habite) Flori­da.
Même les gau­chos les plus féro­ces, éter­nels matreros (bour­rus, sauvages, qui fuient la jus­tice), se fai­saient apprivois­er.
Ses grands yeux sem­blaient bleus de ciel quand elle regar­dait.
Aucun gau­cho ne put jamais attein­dre le cœur de Lucia.
Jusqu’au jour où un gau­cho arri­va dans le coin et que per­son­ne ne con­nais­sait.
Bon payador et bien beau, il chan­tait d’une voix pitoy­able.
Le gau­cho lui deman­da le cœur, elle lui don­na son âme en entier.
Leurs amours étaient heureuses, jamais les ennuis n’in­ter­rom­pirent l’idylle.
Ensem­ble, leurs petites âmes rêvaient comme de ten­dres colombes dans un coin du nid.
Lorsque l’hori­zon brûla, s’entendit der­rière la mon­tagne comme un doux mur­mure.
Le cou­ple ten­dre et fidèle chante, leurs plaintes sont d’amour, leurs soupirs de pas­sion.
Mais la patrie l’ap­pelle, elle réclame son fils et lui offre la gloire.
Jointe au cla­iron de vic­toire, une plainte s’entend égale­ment.
C’est Lavalle­ja (voir en fin d’article) qui a coupé court à l’idylle du cou­ple en une journée.

La ver­sion de José « Natalín » Felipet­ti ; Rosario Mazzeo et Arturo Juan Rodríguez n’a peut-être ou sans doute rien à voir, mais cela per­met tout de même d’évoquer un autre titre faisant référence aux 33 ori­en­tales et même à Lavalle­ja, que je vous présen­terai dans la dernière par­tie de l’article.

Autres versions

Je vous pro­pose 5 ver­sions. Trois par Di Sar­li plus deux dans le style de Di Sar­li

Los 33 ori­en­tales 1948-06-22 — Car­los Di Sar­li.

La musique avance à petits pas fer­mes aux­quels suc­cèdes des envolées de vio­lons, le tout appuyé par les accords de Di Sar­li sur son piano. C’est joli dansant, du Di Sar­li effi­cace pour le bal.

Los 33 ori­en­tales 1952-06-10 — Car­los Di Sar­li.

Cette ver­sion est assez proche de celles de 1948. Le piano est un tout petit plus dis­so­nant, dans cer­tains accords, accen­tu­ant, le con­traste en les aspects doux des vio­lons et les sons plus mar­ti­aux du piano.

Los 33 ori­en­tales 1955-07-28 — Orques­ta Car­los Di Sar­li.

Los 33 ori­en­tales 1955-07-28 — Orques­ta Car­los Di Sar­li. C’est notre tan­go du jour. La musique est plus liée, les vio­lons plus expres­sifs. Le con­traste piano un peu dis­so­nant par moment et les vio­lons, plus lyriques est tou­jours présent. C’est peut-être ma ver­sion préférée, mais les trois con­vi­en­nent par­faite­ment au bal.

Los 33 ori­en­tales 1960 — Los Señores Del Tan­go.

En sep­tem­bre 1955, des chanteurs et musi­ciens quit­tèrent, l’orchestre de Di Sar­li et fondèrent un nou­v­el orchestre, Los Señores Del Tan­go, en gros, le pluriel du surnom de Di Sar­li, El Señor del tan­go… Comme on s’en doute, ils ne se sont pas détachés du style de leur ancien directeur. Vous pou­vez l’entendre avec cet enreg­istrement de 1960 (deux ans après le dernier enreg­istrement de Di Sar­li).

Los 33 ori­en­tales 2003 — Gente De Tan­go (esti­lo Di Sar­li).

Gente De Tan­go annonce jouer ce titre dans le style de Di Sar­li. Mais on notera quand même des dif­férences, qui ne vont pas for­cé­ment toute dans le sens de l’orchestre con­tem­po­rain ? L’impression de fusion et d’organisation de la musique est bien moins réussie. Le ban­donéon sem­ble par­fois un intrus. Le sys­té­ma­tisme de cer­tains procédés fait que le résul­tat est un peu monot­o­ne. N’est pas Di Sar­li qui veut.

Qui sont les 33 orientales ?

Ras­surés-vous, je ne vais pas vous don­ner leur nom et numéro de télé­phone, seule­ment vous par­ler des grandes lignes.

J’ai évo­qué à pro­pos du 9 juil­let, jour de l’indépendance de l’Argentine, que les Espag­nols avaient été mis à la porte. Ces derniers se sont rabat­tus sur Mon­te­v­ideo et ont été délogés par les Por­tu­gais, qui souhaitaient inter­préter en leur faveur le traité de Torde­sil­las.

Un peu d’histoire

On revient au quinz­ième siè­cle, époque des grandes décou­vertes, Christophe Colomb avait débar­qué en 1492, en… Colom­bie, enfin, non, pas tout à fait. Il se croy­ait en Asie et a plutôt atteint Saint-Domingue et Cuba pour employ­er les noms actuels.

Colomb était par­ti en mis­sion pour le compte de la Castille (Espagne), mais selon le traité d’Al­caço­vas, signé en 1479 entre la Castille et le Por­tu­gal, la décou­verte serait plutôt à inclure dans le domaine de dom­i­na­tion por­tu­gais, puisqu’au sud du par­al­lèle des îles Canaries, ce que le roi du Por­tu­gal (Jean II) s’est empressé de remar­quer et de men­tion­ner à Colomb. Le pape est inter­venu et après dif­férents échanges, le Por­tu­gal et la Castille sont arrivés à un accord, celui de Torde­sil­las qui don­nait à la Castille les ter­res situées à plus de 370 lieues à l’ouest des îles du Cap-Vert. Une lieue espag­nole de l’époque valait 4180 m, ce qui fait que tout ce qui est à plus à l’ouest du méri­di­en pas­sant à 1546 km du Cap Vert est Espag­nol, mais cela implique égale­ment, que ce qui moins loin est Por­tu­gais. La décou­verte de ce qui devien­dra le Brésil sera donc une aubaine pour le Por­tu­gal.

À gauche, les délim­i­ta­tions des traités d’Al­caço­vas et de Tordessil­las. À droite, la même chose avec une ori­en­ta­tion plus mod­erne, avec le Nord, au nord…

Je pense que vous avez suivi cette révi­sion de vos cours d’histoire, je passe donc à l’étape suiv­ante…
Les Brésiliens Por­tu­gais et les Espag­nols, tout autour, cher­chaient à éten­dre leur dom­i­na­tion sur la plus grande par­tie de la Terre nou­velle. Les Por­tu­gais ont défon­cé la lim­ite du traité de Tortes­sil­las en creu­sant dans la par­tie ama­zoni­enne du con­ti­nent, mais ils con­voitaient égale­ment les ter­res plus au Sud et qui étaient sous dom­i­nance espag­nole, là où est l’Uruguay actuel. Les Espag­nols, qui avaient un peu nég­ligé cette zone, établirent Mon­te­v­idéo pour met­tre un frein aux pré­ten­tions por­tu­gais­es.
La sit­u­a­tion est restée ain­si jusqu’à la fin du 18e siè­cle, à l’intérieur de ces pos­ses­sions espag­noles et por­tu­gais­es, de grands pro­prié­taires com­mençaient à bien pren­dre leurs ais­es. Aus­si voy­aient-ils d’un mau­vais œil les impôts espag­nols et por­tu­gais et ont donc poussé vers l’indépendance de leur zone géo­graphique.
Les Argentins ont obtenu cela en 1816 (9 juil­let), mais les Espag­nols se sont retranchés dans la par­tie est du Pays, l’actuel Uruguay qui n’a donc pas béné­fi­cié de cette indépen­dance pour­tant signée pour toutes les Provinces-Unies du Rio de la Pla­ta.
Le 12 octo­bre 1822, le Brésil (7 sep­tem­bre) proclame son indépen­dance vis-à-vis du Por­tu­gal par la voix du prince Pedro de Alcân­tara qui se serait écrié ce jour-là, l’indépen­dance ou la mort ! Il est finale­ment mort, mais en 1934 et le brésil était « libre » depuis au moins 1825.
Dans son His­toire du Brésil, Armelle Enders, remet en cause cette déc­la­ra­tion du prince héri­ti­er de la couronne por­tu­gaise qui s’il déclare l’indépendance, il instau­re une monar­chie con­sti­tu­tion­nelle et Pedro de Alcân­tara devient le pre­mier empereur du Brésil sous le nom de Pierre Ier. Révo­lu­tion­naire, oui, mais empereur…
Donc, en Uruguay, ça ne s’est pas bien passé. Arti­gas qui avait fait par­tie des insti­ga­teurs de l’indépendance de l’Argentine a été con­traint de s’exiler au Paraguay à la suite de trahisons, ain­si que des dizaines de mil­liers d’Uruguayens. Par­mi eux, Juan Anto­nio Lavalle­ja et Manuel Oribe.

Juan Anto­nio Lavalle­ja (pho­tos de gauche) et Manuel Oribe, les meneurs des 33 ori­en­tales. Ils seront tous les deux prési­dents de le la république uruguayenne.

Où on en vient, enfin, aux 33 orientales

Après de ter­ri­bles péripéties, notam­ment de Lavalle­ja con­tre les Por­tu­gais-Brésiliens qui avaient finale­ment délogé les Espag­nols de Mon­te­v­ideo en 1816, il fut fait pris­on­nier et exilé jusqu’en 1821. L’année suiv­ante, le Brésil obte­nait son indépen­dance, tout au moins son début d’indépendance. Lavalle­ja se ral­lia du côté de Pierre 1er, voy­ant en lui une meilleure option pour obtenir l’indépendance de son pays.
En 1824, il est déclaré déser­teur pour être allé à Buenos Aires. Son but était de repren­dre le pro­jet d’Artigas et d’unifier les Provinces du Rio de la Pla­ta.
Une équipe de 33 hommes a donc fait la tra­ver­sée du Rio Uruguay. Une fois sur l’autre rive, ils ont prêté ser­ment sur la Playa de la Agra­ci­a­da (ou ailleurs, il y a deux points de débar­que­ment poten­tiel, mais cela ne change rien à l’affaire).

El jura­men­to de los 33 ori­en­tales sur la plage selon le pein­tre Juan Manuel Blanes et l’emplacement du débar­que­ment (dans le cer­cle rouge). La pyra­mide com­mé­more cet événe­ment.

Ce débar­que­ment et ce ser­ment, le jura­men­to de los 33 ori­en­tales mar­quent le début de la guerre d’indépendance qui se pro­longera dans d’autres guer­res surnom­mées Grande et Petite. Les Bri­tan­niques furent mis dans l’affaire, mais ils pen­sèrent plus aux leurs, d’affaires, que d’essayer d’aider, n’est-ce pas Mon­sieur Can­ning (qui a depuis per­du la rue qui por­tait son nom et qui s’appelle désor­mais Scal­abri­ni Ortiz) ? Le salon Can­ning con­nu de tous les danseurs de tan­go est juste­ment situé dans la rue Scal­abri­ni Ortiz (anci­en­nement Can­ning).
Les Argentins, dont le prési­dent Riva­davia espérait uni­fi­er l’ancienne province ori­en­tale à l’Argentine, ils se sont donc embar­qués dans la guerre, mais le coût dépas­sait sen­si­ble­ment les ressources disponibles. Le Brésil rece­vait l’aide directe des Anglais, l’affaire était donc assez mal engagée pour les indépen­dan­tistes uruguayens.
Un pro­jet de traité en 1827 fut rejeté, jugé humiliant par les Argentins et futurs Uruguayens indépen­dants.
La Province de Buenos Aires, dirigée par Dor­rego, le Sénat et l’empereur du Brésil se mirent finale­ment d’accord en 1928. Juan Manuel de Rosas était égale­ment favor­able au traité ren­dant l’Uruguay indépen­dant bien que Dor­rego et Rosas ne fai­saient pas bon ménage. L’exécution de Dor­rego coïn­cide avec l’ascension au pou­voir de De Rosas et ce n’est pas un hasard…
L’histoire ne se ter­mine pas là. Nos deux héros, Juan Anto­nio Lavalle­ja et Manuel Oribe qui avaient fait la tra­ver­sée des 33 sont tous les deux devenus prési­dents de l’Uruguay et de grande guerre à petite guerre, ce sont plusieurs décen­nies de pagaille qui s’en suivirent. L’indépendance et la mise en place de l’Uruguay n’ont pas été sim­ples à met­tre en œuvre. Les paroles du tan­go de Pereyra et Bar­reto nous rap­pel­lent que ces années firent des vic­times.
Les 33 ori­en­tales restent dans le sou­venir des deux peu­ples voisins du Rio de la Pla­ta. À Buenos Aires, une rue porte ce nom, elle va de l’avenue Riva­davia à l’avenue Caseros et sem­ble se con­tin­uer par une des rues les plus cour­tes de Buenos Aires, puisqu’elle mesure 50 m, la rue Trole… Au nord, de l’autre côté de Riva­davia, elle prend le nom de Raw­son, mais, si c’est aus­si un tan­go, c’est aus­si une autre his­toire.

Alors, à demain, les amis !

Los 33 ori­en­tales. La tra­ver­sée par les 33. Ne soyez pas éton­né par le dra­peau bleu-blanc-rouge, c’est effec­tive­ment celui des 33. Vous pou­vez le voir sur le tableau de Juan Manuel Blanes.

Marejada 1941-07-16 — Orquesta Carlos Di Sarli

Roberto Firpo Letra : Daniel López Barreto y Vicente Planells Del Campo ?

J’espère que vous n’avez pas le mal de mer, car nous embar­quons avec un des rares tan­gos dédiés à la marine. C’est encore une com­po­si­tion de Rober­to Fir­po et l’histoire rap­pellera sans doute des sou­venirs à de nom­breux marins au long cours ou aux mil­i­taires engagés dans la marine.

Extrait musical

Mare­ja­da 1941-07-16 — Orques­ta Car­los Di Sar­li
Mare­ja­da Rober­to Fir­po Letra : Daniel López Bar­reto

La par­ti­tion est dédi­cacée au dis­tin­gui­do señor Con­ra­do Del Car­ril et non pas, comme c’est écrit partout à Boni­fa­cio del Car­ril, qui fut avo­cat, min­istre de l’Intérieur et diplo­mate, mais qui est né en 1911, année d’écriture de ce tan­go. Il fut aus­si le tra­duc­teur du Petit Prince (Prin­cip­i­to) de Antoine de Saint-Exupéry.
Le marin représen­té sur la cou­ver­ture de gauche est Con­ra­do del Car­ril, comme on peut le voir inscrit sur la bouée. En 1910, Con­ra­do del Car­ril a passé les exa­m­ens de sec­onde année d’aspirant de l’école navale mil­i­taire. Le décret qui le stip­ule est le n° 1397 du 8 avril 1910. Il avait donc à faire dans le domaine de la marine, con­traire­ment à Boni­fa­cio

Le décret du 8 avril 1810 men­tion­nant Con­ra­do del Car­ril surligné en jaune.

J’ai essayé de trou­ver le lien avec Fir­po, sans suc­cès. Il ne faut bien sûr pas chercher du côté d’Hugo del Car­ril qui est un pseu­do­nyme et qui est de toute façon né en 1912. Les paroles étant plus tar­dives et la dédi­cace étant sur la par­ti­tion orig­i­nale, ce n’est pas non plus du côté de Daniel López Bar­reto qu’il faut chercher.

Paroles

Il est par­fois indiqué l’intervention de Vicente Planells Del Cam­po, pour une pre­mière ver­sion des paroles, ou une par­tic­i­pa­tion à la com­po­si­tion, je n’en suis pas du tout sûr. Pour la com­po­si­tion, c’est prob­a­ble­ment non, trop tôt. Pour les paroles, il s’agit sans doute d’une erreur du cat­a­logue de Odeón, la par­ti­tion indi­quant bien Daniel López Bar­reto. Sauf à imag­in­er des paroles de Plan­nels Del Cam­po à la fin des années 20. Mais dans ce cas, on n’a pas de traces et comme de toute façon toutes les ver­sions sont instru­men­tales, sauf celle de 1929, avec les paroles de Daniel López Bar­reto, la ques­tion n’a pas trop d’intérêt… Voici donc les paroles de Daniel López Bar­reto, qui, on le con­stat­era, n’ont rien d’extraordinaire…

Cuan­do te dejé, tier­ra queri­da,
y te di aquel triste adiós,
la bar­ra del Flori­da
con pena sin­cera me des­pidió,
parece que veo los pañue­los
agi­tarse con dolor
y entre la gente esta­ba
muy triste y llora­ba
una mujer.

Yo sé que mi mira­da
llegó cual mare­ja­da
y su almi­ta ape­na­da
y su esper­an­za naufragó.
Me quiso con locu­ra,
con­mi­go fue muy dichosa,
fue bue­na y car­iñosa
y yo, insen­sato,
la dejé.

Cuan­do regresé a mi patria,
después de una larga ausen­cia,
la vi una vez;
¡qué triste fue
volver­la a ver así !
Arras­tró la mare­ja­da
a su bar­co de ilu­siones
y navego sin direc­ción
por cul­pa
de mi amor.

Rober­to Fir­po Letra: Daniel López Bar­reto.

Teó­fi­lo Ibáñez ne chante que ce qui est gras.

Traduction libre

Quand je t’ai quit­tée, Terre chérie, et que je t’ai fait ce triste adieu, la bande du Flori­da avec une tristesse sincère m’a dit au revoir, il sem­ble que je vois les mou­choirs s’agiter de douleur et par­mi les gens il y avait, très triste, une femme qui pleu­rait.
Je sais que mon regard s’est posé comme un raz-de-marée (la mare­ja­da est une houle mod­érée, mais je pense que l’image du raz-de-marée est plus par­lante pour évo­quer la tristesse de la femme délais­sée) et que sa petite âme affligée et son espoir ont fait naufrage.
Elle m’aimait à la folie, elle était très heureuse avec moi, elle était bonne et affectueuse et moi, insen­sé, je l’ai quit­tée.
Quand je suis ren­tré dans ma patrie, après une longue absence, je l’ai vue une fois ; comme c’était triste de la revoir ain­si !
La houle m’a traîné jusqu’à son bateau d’illusions et je nav­igue sans direc­tion par la faute de mon amour.

Autres versions

Mare­ja­da 1914 — Rober­to Fir­po (solo de piano).
Mare­ja­da 1917 – Orques­ta Rober­to Fir­po.
Mare­ja­da 1929-07-04 – Orques­ta Rober­to Fir­po con Teó­fi­lo Ibáñez.
Mare­ja­da 1932-03-10 – Orques­ta Rober­to Fir­po.
Mare­ja­da 1937-01-12 – Orques­ta Típi­ca Vic­tor, Dir. Fed­eri­co Scor­ti­cati.
Mare­ja­da 1941-07-16 — Orques­ta Car­los Di Sar­li. C’est notre tan­go du jour.
Mare­ja­da 1950-07-06 — Orques­ta Fran­cis­co Rotun­do.
Mare­ja­da 1953-01-15 – Orques­ta Florindo Sas­sone.
Mare­ja­da 1967 – Orques­ta Osval­do Pugliese.
Mare­ja­da 2012 — Típi­ca Fer­nán­dez Fier­ro.

Hon­nête­ment, j’ai classé cela dans la caté­gorie « bruit ».

La vague

Vous avez recon­nu le mod­èle de mon illus­tra­tion de cou­ver­ture, La Grande Vague de Kana­gawa, qui est prob­a­ble­ment la pre­mière de la série des 36 vues du Mont Fuji réal­isées vers 1830 par Hoku­sai. Il s’agit d’une gravure sur bois, chaque couleur est appliqué à par­tir d’une planche de bois gravée pour recevoir et imprimé cette couleur.
L’image de cette vague m’a sem­blé évi­dente pour évo­quer la houle qui fait som­br­er la mal­heureuse.

La Grande Vague de Kana­gawa — Hoku­sai — 1830

友達、また明日会いましょう。