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Tic tac 1941-08-07 – Orquesta Enrique Rodríguez con Armando Moreno

Enrique Cadícamo (Musique et paroles)

Si je dis Tic-Tac, vous penserez tout de suite à l’horloge, à la montre et au-delà, au temps qui passe. Les trois minutes d’un tango peuvent passer très vite, trop vite, ou donner l’impression de s’éterniser. Le tango du jour nous parle du temps. Sa tristesse est compensée par le savoir-faire de Moreno et Rodriguez, mais il est temps de vous faire écouter ce tango. Nous remontons le temps, jusqu’en 1941, il y a exactement 727 070 heures, quand Rodriguez et Moreno enregistraient le tango Tic Tac.

Extrait musical

Tic tac 1941-08-07 – Orquesta Enrique Rodríguez con Armando Moreno.

Tic tac 1941-08-07 – Orquesta Enrique Rodríguez con Armando Moreno. Les 30 premières secondes sont classiques pour du Rodriguez. La musique est bien cadencée et marquée de façon un peu (beaucoup) appuyée.
À 30 secondes, donc, Rodriguez nous donne la première information horlogère. Puis il reprend le cours normal de la musique. Les danseurs peuvent penser avoir rêvé ce Tic-Tac, mais 20 secondes plus tard, le Tic-Tac réapparaît.
À une minute, Moreno lance deux fois Amor, mais avant d’aller plus loin, voici les paroles.

Paroles

Amor, amor… novela triste
Amor, amor… tú ya no existes.
Solo, sin tu cariño,
Soy como un niño
Que siente miedo.
Solo, solo en la casa,
La noche pasa
Por el reloj.

Tic tac, tic tac, tic tac…
Oigo en las sombras, este latido.
Tic tac, tic tac, tic tac…
Como un martillo suena en mi oído.
Es el reloj que va pasando
Y nuestras vidas va contando.
Tic tac, tic tac, tic tac…
Y su recuerdo, se hace dolor.

Letra y música: Enrique Cadícamo (Domingo Enrique Cadícamo)

Traduction libre et indications

L’amour, l’amour… Roman triste
L’amour, l’amour… Tu n’existes plus. (La triste nouvelle est annoncée)
Seul, sans ton affection, je suis comme un enfant qui éprouve la peur.
Seul, seul dans la maison, la nuit passe par l’horloge.
Tic-tac, tic-tac, tic-tac… (À 1:30 Moreno déclare Tic-Tac, levant toute ambiguïté et l’orchestre renforce le son d’horloge).
J’entends dans l’ombre, ce battement (de cœur).
Tic-tac, tic-tac, tic-tac… (Retour du Tic-Tac)
Comme un marteau, il résonne dans mon oreille.
C’est l’horloge qui tourne et nos vies vont comptant.
Tic-tac, tic-tac, tic-tac… (Encore le Tic-Tac)
Et son souvenir se fait douleur.

Abandon ou mort, quoiqu’il en soit, l’horloge marque le temps désormais inutile dans l’être aimé. C’est une façon assez originale de marquer le poids du temps sur la peine. Enrique Cadícamo, l’un des auteurs les plus prolifiques est ici le compositeur et le parolier, cette œuvre lui est donc totalement redevable et prouve la richesse de son univers.
Il fallait sans doute Rodriguez et sa légèreté (dans les thèmes, pas la musique) pour passer en douceur ce message.

Autres versions

Ce tango est encore un orphelin. Il y a bien sûr d’autres tangos qui parlent du temps, voire même de l’horloge. Nous avons évoqué El Reloj (L’horloge) il y a quelques jours, mais pas d’autre enregistrement de Tic Tac. Je vais cependant lui proposer un ami…

Tic tac 1941-08-07 – Orquesta Enrique Rodríguez con Armando Moreno. Notre tango du jour, orphelin.

Le copain que je lui propose est une musique klezmer. Cela peut sembler curieux, mais le festival de Tarbes en France avait coutume de proposer comme dernier thème ce titre. J’avoue ne pas en connaître la raison pour laquelle ils ont troqué la cumparsita pour le titre que je vous propose d’écouter maintenant.
Il s’agit de Time par le trio Kroke, un trio polonais dont le nom, Kroke, est celui de la ville polonaise de Cracovie, exprimé en Yidiish (langue des juifs d’Europe centrale).

Time 1998-05 – Kroke (Tomasz Lato).

Le trio Kroke est composé de Tomasz Kukurba au violon alto, Tomasz Lato à la contrebasse et Jerzy Bawoł à l’accordéon diatonique.
Ce titre a été enregistré en mai 1998 a été publié pour la première fois en 1999 sur l’album The Sounds of the Vanishing World.
Pour les masochistes, il existe une version longue de plus de 8 minutes, Tomasz Kukurba ayant complété l’original de Tomasz Lato
Certains seront assez étonnés d’apprendre que des danseurs essayent de danser le tango sur ce titre, mais d’autres adorent cet exercice qui consiste à croire danser le tango sur n’importe quelle musique. C’est génial, mais ce n’est pas du tango.

Bon, j’ai perdu les lecteurs fans de NeoTango. J’espère qu’ils reviendront quand ils sauront que j’ai musicalisé des événements de NeoTango, car pour un DJ, cela permet une très grande créativité dans le choix des musiques, mais aussi dans le mixage, ce qu’on ne fait pas en tango traditionnel. Par exemple, on peut commencer avec un titre, continuer avec un autre, rajouter des samples, voire des éléments synthétisés, revenir au thème initial, varier vitesse, hauteur, sonorité, ce que l’on ne peut guère faire dans une milonga.

L’angoisse du DJ qui est en train de se demander s’il peut associer deux titres dans la même tanda. Vuelta al futuro (1985)

Il est l’heure de vous laisser, à demain, les amis.

Mi vieja linda 1941 – Orquesta Emilio Pellejero con Enalmar De María

Ernesto Céspedes Polanco (Musique et paroles)

En 2012, le thème du festival Tangopostale de Toulouse était les deux rives. À cette occasion, j’ai eu l’idée d’alterner les tandas argentines et uruguayennes. Entre les deux, une cortina réalisée pour l’occasion permettait de matérialiser le passage d’une rive à l’autre. Je me souviens de l’accueil enthousiaste pour Mi vieja linda qui était peu connue à l’époque, tout comme les versions de nombreux orchestres uruguayens qui n’étaient alors représentés que par Racciatti et Villasboas… Dix ans plus tard, le Sexteto Cristal a eu l’excellente idée de reprendre à l’identique Mi vieja linda, ce qui a permis à de nouvelles générations de danseurs de redécouvrir cette milonga festive, comme beaucoup de musiques uruguayennes.

Extrait musical

Mi vieja linda 1941 – Orquesta Emilio Pellejero con Enalmar De María.
Mi vieja linda. Partition pour quatre guitares.

Paroles

Mi vieja linda
Pensando en vos
Se me refresca
El corazón
Desde el día que te vi
Tras de la reja
En mi pecho abrió una flor
Como una luz
Y la pasión
Alumbró mi corazón
Mi vieja linda
Pensando en vos
Me siento bueno
Como el mejor
Y cuando un beso te doy
Boca con boca
Yo paladeo el sabor
De estar en vos
Que estar así
Corazón a corazón

Ernesto Céspedes Polanco

Traduction libre

Ma jolie chérie (vieja est la mère, ou la femme chérie. Vu le reste des paroles, c’est la seconde option la bonne…), en pensant à toi, mon cœur est rafraîchi.
Depuis le jour où je t’ai vu, à travers la grille, une fleur s’est ouverte dans ma poitrine, comme une lumière et la passion a illuminé mon cœur.
Ma jolie chérie, je pense à toi.
Je me sens bien, comme le meilleur et quand je te donne un baiser, bouche contre bouche, je savoure le goût d’être en toi, d’être ainsi, cœur à cœur.

Autres versions

Mi vieja linda 1941 – Orquesta Emilio Pellejero con Enalmar De María. C’est notre milonga du jour.
Mi vieja linda 2022-07-12 – Sexteto Cristal con Guillermo Rozenthuler.

Comparaison des deux versions

Vous l’aurez remarqué, les deux versions sont très semblables. Le Sexteto Cristal a reproduit exactement l’interprétation de Emilio Pellejero. Pour vous permettre de vérifier que le travail est excellent, je vous propose d’écouter les deux musiques en même temps.
Vous pourrez constater que la plupart du temps, la musique est synchronisée. Cela veut dire que les danseurs pourront danser indifféremment sur une version ou l’autre, sans différence notable.

Le Sexteto Crital a eu l’excellente idée d’interpréter « Mi vieja linda » de Ernesto Céspedes Polanco et qui était connu principalement pour la version enregistrée en 1941 par Emilio Pellejero avec la voix d’Enalmar De María. Sa reproduction de la version originale est presque parfaite comme vous le verrez dans cette vidéo. Les deux versions jouent en même temps et sont presque toujours synchronisées.

Les deux rives

L’année dernière au festival de Tarbes, il y avait le Sexteto Cristal qui a bien sûr joué son titre fétiche. J’intervenais le lendemain dans la Halle Marcadieu et j’ai pu passer la version originale de Pellejero afin de rendre à César (plutôt Emilio) ce qui était à Emilio Pellejero et je pourrais également rajouter Ernesto, Ernesto Céspedes Polanco, l’auteur de la musique et des paroles et qui a réalisé quelques titres principalement interprétés par Emilio Pellejero comme Paloma que vuelas et Quemando recuerdos, les deux avec des paroles de Fernando Silva Valdés.
Il est d’usage de dire que le tango est un enfant des deux rives du Rio de la Plata, Buenos Aires et sa Jumelle orientale, Montevideo. Le passage d’un pays à l’autre était courant pour ne pas dire constant pour les orchestres. La perméabilité entre les deux rives était donc extrême. Cependant, la plupart des artistes qui ont cherché à développer leur carrière se sont centrés sur Buenos Aires, comme Francisco Canaro, né Uruguayen et naturalisé Argentin.

À Donato Racciatti et Miguel Villasboas, on peut rajouter quelques orchestres uruguayens moins connus :
Nelson Alberti, Julio Arregui, Juan Cao, Antonio Cerviño, Roberto Cuenca, Romeo Gavioli, Álvaro Hagopián, Juan Manuel Mouro, Ángel Sica, Julio Sosa.

Durant la pandémie COVID, je diffusais une milonga hebdomadaire et le fait de passer aussi des orchestres uruguayens m’avait attiré la sympathie d’auditeurs de ce pays et j’avais reçu de nombreuses informations via Messenger. Malheureusement, la fermeture par Facebook de mon compte de l’époque m’a fait perdre toutes ces informations. Je me souviens de contacts d’enfants de musiciens et de témoignages sur les orchestres de l’époque que je n’avais pas mis au propre, par manque de temps de traiter ces informations très riches. Je comptais également enrichir ma discothèque à partir de ces sources. Si mes contacts de l’époque lisent ce blog, qu’ils n’hésitent pas à reprendre contact…

Cruzando el Rio de la Plata – Volver (Chamuyo) et bruitages DJ BYC. Une des cortinas des deux rives de Tangopostale 2012. DJ BYC Bernardo. Les effets stéréo de la traversée sont bien sur perdus à cause de la nécessité de passer les fichiers en mono pour le blog (limite de taille des fichiers à 1Mo).
Mi vieja linda 1941. Femme à la fenêtre Antoine Bourdelle.

Pour réaliser cette image, j’ai utilisé une peinture d’Antoine Bourdelle, un sculpteur génial dont on peut voir les œuvres à Buenos Aires, Toulouse et à Paris où sa maison musée est une merveille.

Antoine Bourdelle, Femme à la fenêtre, Huile sur toile, Paris, musée Bourdelle