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Les surnoms dans le tango

Les surnoms dans le tango

Les Argentins raf­fo­lent des surnoms (apo­dos). On en trou­ve des dizaines dans les titres de tan­gos, el aristócra­ta, el cachafaz, el tar­ta, cabeza de indio, el rana, Shusheta, el porteñi­to, el tai­ta, el gav­ilán, pinela, el desco­lao, el entr­erri­ano… mais ici, je vous pro­pose de retrou­ver des surnoms de musi­ciens et chanteurs de tan­go.

Petite liste de surnoms

Il est par­fois dif­fi­cile de dis­tinguer le surnom don­né par les col­lègues et amis et les pseu­do­nymes ou nom d’artiste choisi délibéré­ment par celui qui le porte. J’ai lim­ité cette petite liste aux surnoms, même si, pour cer­tains, je ne peux pas garan­tir que le por­teur ne soit pas à l’origine de la dif­fu­sion du surnom.

Notez égale­ment que j’ai indiqué le pseu­do­nyme usuel pour référence et pas le nom réel que, de toute façon les artistes n’utilisaient pas tou­jours.

  • Adol­fo Pérez : Pocho­lo
  • Adri­ana Varela : La gata
  • Agustín Bar­di : Mas­coti­ta
  • Alber­to Gómez : Nico / El cabezón / El pin­go de Lomas
  • Alber­to Mari­no : La voz de oro del tan­go
  • Alfre­do De Ange­lis : El col­orado (de Ban­field) / Orques­ta de calecita (la musique de De Ange­lis était beau­coup jouée dans les manèges pour enfants, car elle plai­sait beau­coup aux femmes. Les danseurs venaient y danser pour inviter les nounous et autres femmes attirées par la musique).
  • Alfre­do Gob­bi : El vio­lín román­ti­co del tan­go
  • Ángel Con­der­curi : Del Conde
  • Ángel San­tos Car­reño : Príncipe Cubano
  • Ángel Var­gas : El Ruiseñor de las calles porteñas
  • Aníbal Troi­lo : Pichu­co / El gor­do / El ban­doneón may­or de Buenos Aires
  • Astor Piaz­zol­la : El gato / El gran Astor / El asesino del tan­go
  • Azu­ce­na Maizani : La Ñata Gaucha
  • Bernar­do Mit­nik : Chico Novar­ro 
  • Car­los Demaría : Yo toqué
  • Car­los Di Sar­li : El Tuer­to / El señor del tan­go / Mufa (porte malchance)
  • Car­los Gardel : El zorzal criol­lo / Car­l­i­tos / El Moro­cho del Abas­to / El Mago / El Rey del Tan­go / El Mudo / El Troes­ma (mae­stro) / El Imbat­i­ble de la can­ción / El Inmor­tal / El Invic­to / El Impard­able / El Inigual­able / El Ído­lo máx­i­mo / El Inolvid­able / El Uno / El Más Grande / El can­tor de los tres sig­los / El can­tor de la son­risa eter­na / El Mito viviente / El que cada día can­ta mejor / Don Car­los de Buenos Aires / El Inox­id­able…
  • Car­los Mar­cuc­ci : El pibe de Wilde
  • Cele­do­nio Este­ban Flo­res : El negro Cele
  • Ciri­a­co Ortiz : Ciri­aquito
  • Edmun­do Rivero : El Feo
  • Eduar­do Aro­las : El Tigre del ban­doneón
  • Enrique Maciel : El Negro
  • Enrique Pol­let : El France­si­to
  • Ernesto Ponzio : El Pibe Ernesto
  • Fran­cis­co Bian­co : Pan­cho Cue­va
  • Fran­cis­co Canaro : Pir­in­cho / El Kaiser / Don pan­cho
  • Fran­cis­co Cao Vázquez : Pan­chi­to Cao
  • Fran­cis­co Lomu­to : Pan­cho Lagu­na
  • Gabi­no Ezeiza : Negro Ezeiza
  • Gabriel Clausi : Chu­la
  • Genaro Espósi­to : El Tano Genaro
  • Ger­ar­do Matos Rodríguez : Becho
  • Héc­tor Stam­poni : Chupi­ta
  • Her­ber­to Emil­iano Da Cos­ta : Príncipe Azul
  • Home­ro Aldo Expósi­to : Mimo
  • Igna­cio Corsi­ni : El caballero can­tor
  • José María Con­tur­si : Catun­ga
  • José Ricar­do : El Negro
  • José Ser­vidio : Bal­i­ja
  • José Schu­mach­er : Ingle­si­to
  • Juan Bautista Deam­brog­gio : Bachicha
  • Juan Bautista Gui­do : El Lecher­i­to
  • Juan Cam­bareri : El Mago del Ban­doneón
  • Juan Canaro : Maca­co
  • Juan D’Arien­zo : Gril­li­to / El Rey del Com­pás
  • Juan Maglio : Pacho
  • Juan Poli­to : Manos Bru­jas (Comme Rodol­fo Bia­gi dont il reprend le piano en 1938 dans l’orchestre de D’Arienzo)
  • Julio Sosa : El Varón del Tan­go
  • Leopol­do Thomp­son : El Negro / El Africano
  • Luis Teis­seire : León rojo (Lion rouge)
  • Mer­cedes Simone : La Dama del Tan­go (comme Olga Del­grossi)
  • Nicolás Prim­i­ani : Pin­de­ca 
  • Olga Del­grossi : La Dama del Tan­go (comme Mer­cedes Simone)
  • Oscar Emilio Tirao : Cacho Tirao
  • Osval­do Frese­do : El pibe de la Pater­nal
  • Osval­do Pugliese : Anfim­u­fa (anti malchance par oppo­si­tion à Di Sar­li) / San Pugliese
  • Pedro Maf­fia : El pibe de Flo­res
  • Pru­den­cio Aragon : El Yoni
  • Rafael D’Agostino : Coco 
  • Rafael Iri­arte : El Rati­ta
  • René Cóspi­to : Don Goyo
  • Ricar­do Brig­no­lo : La Nena
  • Ricar­do Tan­turi : El caballero del tan­go
  • Rober­to Goyeneche : El pola­co
  • Rodol­fo Bia­gi : Manos bru­jas
  • Tita Merel­lo : La más rea del tan­go
  • Vicente Gor­rese : Kalisay
  • Vicente Gre­co : Gar­rote

Cette liste est bien incom­plète. Vos sug­ges­tions sont les bien­v­enues…

Je n’ai pas don­né d’explications, je voulais répon­dre rapi­de­ment à la ques­tion d’un élève DJ, mais je ne renonce pas, un jour, à don­ner les expli­ca­tions des surnoms.

Pour ter­min­er en musique, je vous invite à réé­couter Moste­rio https://dj-byc.com/mosterio-1939–09-11/ où l’on peut enten­dre deux descrip­tions humoris­tiques de chefs d’orchestre de tan­go, descrip­tion qui auraient pu don­ner lieu à des surnoms :

¿Que por qué D’Arienzo es ñato (Pourquoi D’Arienzo a‑t-il un petit nez ? On sait qu’au con­traire, il en avait un imposant)
y Lomu­to del­ga­di­to? (Et lomu­to mai­gre ? Lomu­to était bien en chair, pas vrai­ment mai­gre…)
¡Moste­rio!

Moste­rio 1939-09-11 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro Can­ta Ernesto Famá.

El apronte 1937-04-01 — Orquesta Juan D’Arienzo

Roberto Firpo

Le post d’hier était très long et touf­fu. Aujourd’hui, j’ai choisi un tan­go instru­men­tal et c’est sans doute bien dans la mesure où « El apronte » a de mul­ti­ples sig­ni­fi­ca­tions qui pour­raient nous emmen­er sur des ter­rains hasardeux. Aujourd’hui, on par­lera donc de musique avec la ver­sion de D’Arienzo enreg­istrée le 1er avril 1937, il y a exacte­ment 87 ans.

La dédicace

Comme cela arrive très sou­vent, la par­ti­tion a un ou des dédi­cataires. Ici, ce sont les internes de l’hôpital San Roque de Buenos Aires.

El apronte 1937-04-01 — Orques­ta Juan D’Arien­zo

Rodol­fo Bia­gi, le pianiste, est désor­mais bien instal­lé dans l’orchestre et a pris (gag­né) plus de lib­erté pour exprimer ses orne­ments.
D’Arienzo lui laisse des temps de sus­pen­sion pen­dant lesquels les autres instru­ments se taisent.
Le jeu pour les danseurs est que ces temps de silences ne sont pas tous rem­plis, ce qui don­nera un peu plus tard les fameux breaks de D’Arienzo, ces moments de silence sans musique.
En dehors de ces fior­i­t­ures, le piano joue au même com­pas (rythme que les autres instru­ments).
Comme très sou­vent chez d’Arienzo, la fin donne une impres­sion d’accélération, mais cela se fait par l’intercalage de notes sup­plé­men­taires, pas par une accéléra­tion réelle du tem­po qui reste réguler durant toute l’interprétation

Les paroles

C’est un tan­go instru­men­tal, aus­si je n’aborderai pas la ques­tion des paroles et c’est tant mieux. Le terme apronte a dif­férentes sig­ni­fi­ca­tions allant du domaine des cours­es de chevaux, notam­ment la phase de pré­pa­ra­tion du cheval, en pas­sant par une per­son­ne impa­tiente, ou une per­son­ne payant pour obtenir quelque chose. C’est aus­si la pré­pa­ra­tion, d’un mau­vais coup ou d’une passe. En gros, dif­fi­cile de savoir sans les paroles ce que voulait évo­quer Fir­po. Cepen­dant, sa musique est en général expres­sive et l’utilisation d’un tan­go milon­ga avec ses hési­ta­tions et son rythme irréguli­er peut s’adapter à cha­cun des sens.
Pré­cisons un dernier sens, plus « respectable » qui nous vient d’Uruguay, n’oublions pas que c’est à l’époque où il était con­trac­té par le café la Giral­da qu’il ren­con­tre Ger­ar­do Matos Rodríguez et inau­gure sa marche de car­naval (la Cumpar­si­ta). En Uruguay, donc, apronte peut sig­ni­fi­er aus­si l’apport pour le mariage. La dot, ou tout sim­ple­ment la pré­pa­ra­tion de la vie com­mune.
Notons que les paroles de tan­go s’appelant apronte ou citant ce mot pos­sè­dent des paroles plutôt vul­gaires, mafieuses et se réfèrent donc à l’acception portègne du mot. Par exem­ple pour le tan­go Apronte de Cele­do­nio Flo­res.
Mais ici, comme c’est instru­men­tal, vous pou­vez imag­in­er ce que vous voulez…

Autres versions

Sur la par­ti­tion que je vous ai présen­tée ci-dessus, il y a une indi­ca­tion que je souhaite vous présen­ter. Il est indiqué « Tan­go Milon­ga ».

Nous avons déjà évo­qué ces tan­gos canyengue qui au fil du temps sont joués plus vite et qui devi­en­nent des milon­gas, mais je souhaite attir­er votre atten­tion sur le con­cept de « tan­go milon­ga ». Ce sont des tan­gos assez joueurs, mais pas suff­isam­ment syn­copés et rapi­des pour mérit­er le titre de milon­ga. Ils sont donc entre les deux. Fir­po inter­prète sou­vent des tan­gos avec cette ambiguïté, comme d’autres orchestres plus tardifs comme Miguel Vil­las­boas. Ici, nous sommes en présence d’un tan­go écrit par Fir­po, il a donc décidé de lui don­ner le rythme qu’il affec­tionne, le Tan­go Milon­ga.
Pour un DJ, c’est un peu un casse-tête. Faut-il l’annoncer comme un tan­go ou comme une milon­ga ? Je passe sou­vent ce type de titre quand j’ai besoin de baiss­er la ten­sion, éventuelle­ment à la place d’une tan­da de milon­ga, surtout si les danseurs ne sont pas des afi­ciona­dos de la milon­ga. A con­trario, s’ils adorent la milon­ga, je peux col­or­er une tan­da de tan­go pour leur don­ner l’occasion de jouer un peu plus. J’annonce au micro ce qui va se pass­er, car très peu de danseurs con­nais­sent cette caté­gorie. Cela me per­met aus­si d’encourager ceux qui sont timides en milon­ga en leur dis­ant que c’est une milon­ga « facile ».
Le tan­go du jour inter­prété par D’Arienzo est un pur tan­go. Cepen­dant, cer­taines ver­sions que nous allons voir à présent sont des tan­gos milon­ga, comme, c’est le cas pour celles enreg­istrées par Rober­to Fir­po, l’auteur de la par­ti­tion.

El apronte 1926 — Orques­ta Rober­to Fir­po.

Bien qu’enregistrée 12 ans après l’écriture, cette ver­sion respecte l’esprit de la par­ti­tion orig­i­nale et est un Tan­go Milon­ga, avec ses syn­copes car­ac­téris­tiques.

El apronte 1931-10-07 — Orques­ta Rober­to Fir­po.

Cette ver­sion est beau­coup plus lisse. Les syn­copes sont beau­coup plus rares et la mar­cación est régulière. C’est une inter­pré­ta­tion plus mod­erne.

El apronte 1937-03-27 — Orques­ta Rober­to Fir­po.

Retour en for­cé du style Tan­go Milon­ga. Fir­po revient à la let­tre de sa par­ti­tion. C’est sa sonorité fétiche que l’on retrou­vera notam­ment sur des orchestres uruguayens comme Vil­las­boas ou chez la Tuba Tan­go.

El apronte 1937-04-01 — Orques­ta Juan D’Arien­zo. C’est le tan­go du jour.

C’est claire­ment un tan­go et pas un Tan­go Milon­ga. La mar­ca­cion est très régulière et les fan­taisies prin­ci­pale­ment pro­posées par Bia­gi au piano se font essen­tielle­ment sur les moments de silence des autres instru­ments. Ain­si le rythme, le com­pas réguli­er de d’Arienzo n’est pas bous­culé, il est juste mis en pause pour laiss­er quelques frac­tions de sec­on­des au piano, ou pour ménag­er un silence qui réveille l’attention des danseurs, ce qui devien­dra un élé­ment car­ac­téris­tique de son style avec des breaks par­fois très longs. Vous savez, ces moments où les danseurs peu expéri­men­tés se tour­nent vers le DJ en pen­sant qu’il y a une panne… J’avoue, il m’arrive de jouer en met­tant réelle­ment en pause cer­tains breaks (ils sont donc plus longs) pour provo­quer des sourires chez les danseurs que je ras­sure par des signes prou­vant que c’est nor­mal 😉

El apronte 1971 — Miguel Vil­las­boas y su Orques­ta Típi­ca.

On retrou­ve le Tan­go Milon­ga qui est un jeu qu’adore utilis­er VIl­las­boas. La boucle est bouclée.

Mer­ci d’être arrivée au bout de cet arti­cle.
N’hésitez pas à laiss­er des com­men­taires met­tre un j’aime (le pouce vers le haut en début d’article ou m’envoyer un petit mes­sage).

Pour finir, choi­sis­sez l’im­age que vous préférez pour le tan­go du jour.

Felicia 1966-03-11 – Orquesta Florindo Sassone

Enrique Saborido Letra Carlos Mauricio Pacheco

Feli­cia est un tan­go abon­dam­ment enreg­istré. La ver­sion d’aujourd’hui est un peu plus rare en milon­ga, car la sonorité par­ti­c­ulière de Sas­sone n’est pas recher­chée par tous les danseurs. Il a réal­isé cet enreg­istrement le 11 mars 1966, il y a 58 ans.

Florindo Sas­sone (12 jan­vi­er 1912 — 31 jan­vi­er 1982) était vio­loniste. Il a com­mencé à mon­ter son orchestre dans les années 1930.
Le suc­cès a été par­ti­c­ulière­ment long à venir, mais il a pro­gres­sive­ment créé son pro­pre style en s’inspirant de Frese­do et Di Sar­li. D’ailleurs, comme nous l’avons vu avant-hier avec Pimien­ta de Frese­do, les cor­re­spon­dances musi­cales sont nettes au point que l’on peut con­fon­dre dans cer­tains pas­sages Frese­do et Sas­sone dans les années 60. À Di Sar­li, il a emprun­té des élé­ments de sa la ligne mélodique et du dia­logue entre le piano et le chant des vio­lons.
Il gère son orchestre par bloc, sans met­tre en valeur un instru­ment par­ti­c­uli­er avec des solos.
Pour­tant, il a des musi­ciens de grand tal­ent dans son orchestre :

  • Piano : Osval­do Reque­na (puis Nor­ber­to Ramos)
  • Ban­donéons : Pas­tor Cores, Car­los Pazo, Jesús Mén­dez et Daniel Lomu­to (puis Orlan­do Calaut­ti et Oscar Car­bone avec le pre­mier ban­donéon Pas­to Cores)
  • Vio­lons : Rober­to Guisa­do, Clau­dio González, Car­los Arnaiz, Domin­go Man­cu­so, Juan Scafi­no et José Ama­tri­ali (Eduar­do Mataruc­co, Enrique Mario Franci­ni, José Ama­tri­ain, José Vot­ti, Mario Abramovich et Romano Di Pao­la autour de Car­los Arnaiz, Clau­dio González et Domin­go Man­cu­so).
  • Con­tre­basse : Enrique Mar­che­to (puis Mario Mon­teleone et Vic­tor Osval­do Mon­teleone)

Autre élé­ment de son orig­i­nal­ité, ses ponc­tu­a­tions qui ter­mi­nent une bonne part de ses phras­es musi­cales et des instru­ments plus rares en tan­go comme :

  • La harpe : Etelv­ina Cinic­ci
  • Le vibra­phone et les per­cus­sions : Sal­vador Molé

Écoutez le style très par­ti­c­uli­er de Sas­sone avec ce très court extrait de La can­ción de los pescadores de per­las (ver­sion de 1974).

Les dix pre­mières sec­on­des de la can­ción de los pescadores de per­las 1974. Remar­quez la harpe et le vibra­phone.

Extrait musical

Feli­cia 1966-03-11 — Orques­ta Florindo Sas­sone.

Les paroles

Il s’agit ici d’un tan­go instru­men­tal. Feli­cia peut être un prénom qui fait penser à la joie (feliz en espag­nol, félic­ité en français). Cepen­dant, Car­los Mauri­cio Pacheco a créé des paroles pour ce tan­go et elles sont loin de respir­er l’allégresse. Il exprime la nos­tal­gie pour sa terre natale (l’Uruguay) en regar­dant la mer. Il peut s’agir du Rio de la Pla­ta qui est telle­ment large qu’il est dif­fi­cile de ne pas le pren­dre pour une mer quand on le voit depuis Buenos Aires.

Allá en la cas­ta aparta­da
donde can­tan las espumas
el mis­te­rio de las bru­mas
y los secre­tos del mar,
yo mira­ba los capri­chos
ondu­lantes de las olas
llo­ran­do mi pena a solas:
mi con­sue­lo era el mirar.

Des­de entonces en mi frente
como un insond­able enig­ma
lle­vo patente el estig­ma
de este infini­to pesar.
Des­de entonces en mis ojos
está la som­bra graba­da
de mi tarde des­o­la­da:
en mis ojos está el mar.

Ya no ten­dré nun­ca aque­l­los
tintes suaves de mi auro­ra
aunque quizás se ate­so­ra
toda su luz en mis ojos.
Ya nun­ca veré mis playas
ni aspi­raré de las lomas
los volup­tu­osos aro­mas
de mis flo­res uruguayas.

Enrique Sabori­do Letra Car­los Mauri­cio Pacheco

J’ai 65 ver­sions dif­férentes de ce titre et pas une n’est chan­tée. On se demande donc pourquoi il y a des paroles. C’est sans doute qu’elles ont été jugées un peu trop tristes et nos­tal­giques et pas en adéqua­tion avec la musique qui est plutôt entraî­nante dans la plu­part des ver­sions.

Le vibraphone et la harpe dans le tango

Sas­sone a util­isé assez sys­té­ma­tique­ment la harpe et le vibra­phone dans ses enreg­istrements des années postérieures à 1960. C’est un peu sa sig­na­ture, mais il n’est pas le seul. Je vous invite à iden­ti­fi­er ces instru­ments dans les titres suiv­ants. Amis danseurs, imag­inez com­ment met­tre en valeur ces « dings » et « blo­ings ».

Vida mía 1934-07-11 — Tito Schipa con Orques­ta Osval­do Frese­do (Osval­do Frese­do Letra: Emilio Augus­to Oscar Frese­do).

Il peut s’agir d’un autre orchestre, mais on entend claire­ment le vibra­phone dans ce titre et pas dans la ver­sion de danse chan­tée par Rober­to Ray enreg­istrée moins d’un an avant, le 13 sep­tem­bre 1939. Je présente cette ver­sion pour illus­tr­er mon pro­pos, mais la voix criée de Schipa n’est pas des plus agréables, con­traire­ment à la ver­sion for­mi­da­ble de Ray.

Orques­ta Osval­do Frese­do. À gauche, on voit bien le vibra­phone. À droite, on voit bien la harpe. Le vibra­phone est caché à l’ar­rière.
El vals soñador 1942-04-29 — Orques­ta Miguel Caló con Raúl Berón (Arman­do Pon­tier Letra Oscar Rubens). On entend par exem­ple le vibra­phone à 6 et 22 sec­on­des.

Nina 1955 — Florindo Sas­sone (com­pos­i­teur Abra­ham).

Le vibra­phone puis la harpe débu­tent ce thème (Nina 1955 Florindo Sas­sone. Extrait de « 100 años de vibrá­fono y su desar­rol­lo en el Tan­go » de Ger­ar­do Ver­dun (vibra­phon­iste que je vous recom­mande si vous vous intéressez à cet instru­ment).

Nina 1971 — Florindo Sas­sone (com­pos­i­teur Abra­ham), le même thème enreg­istré en 1971.

Pour en savoir plus sur les instru­ments de musique du tan­go, vous pou­vez con­sul­ter l’excellent site : Milon­gaophe­lia. Il manque quelques instru­ments comme la scie musi­cale, l’orgue Ham­mond, les ondes Martenot et éventuelle­ment l’accordéon, mais leur panora­ma est déjà assez com­plet.
Comme danseur, vous pou­vez vous entraîn­er à les recon­naître et les choisir pour dynamiser votre impro­vi­sa­tion en pas­sant d’un instru­ment à l’autre au fur et à mesure de leurs jeux de réponse.
Voici Florindo Sas­sone en représen­ta­tion au Teatro Colón à Buenos Aires, le 21 juil­let 1972. Vous pour­rez enten­dre (dif­fi­cile­ment, car le son n’est pas génial) :

  • (00:00) Organ­i­to de la Tarde (Castil­lo Cátu­lo (Ovidio Cátu­lo Castil­lo González) Letra : José González Castil­lo (Juan de León). On retrou­ve l’inspiration de Di Sar­li dans cette inter­pré­ta­tion.
  • (02:26) Cham­pagne tan­go (Manuel Aróztegui Letra: Pas­cual Con­tur­si)
  • (05:45) La cumpar­si­ta (Ger­ar­do Matos Rodríguez Letra: Pas­cual Con­tur­si)
  • (08:53) Re Fa si (Enrique Delfi­no). On y entend bien la harpe et le vibra­phone.

Sur la vidéo on peut remar­quer la harpe, le vibra­phone, mais aus­si les tim­bales, pas si courantes dans un orchestre de tan­go.

Et pour en ter­min­er avec le tan­go du jour, un tan­go assez orig­i­nal, car il s’agit en fait d’un morceau de musique clas­sique française, de Georges Bizet (Les pêcheurs de per­les) qui a don­né lieu à dif­férentes ver­sions par Sas­sone, donc celle que je vous offre ici, enreg­istrée en 1974. Vous y enten­drez la harpe et le vibra­phone, nos héros du jour.

La can­ción de los pescadores de per­las 1974 — Orques­ta Florindo Sas­sone.

Nous sommes à présent au bord de la mer, partageant les pen­sées de Car­los Mauri­cio Pacheco, songeant à son pays natal.

Car­los Mauri­cio Pacheco, pen­sant à son Uruguay natal en regar­dant les vagues.

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