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Amor, amor vení 1941-01-09 – Orquesta Francisco Canaro con Francisco Amor

Mariano Ramiro Ochoa Induráin (paroles et musique)

Cette jolie valse est une des premières que je mettais régulièrement à mes débuts de DJ de tango. Je m’en souviens, car la correspondance des prénoms, du nom et du titre m’avait frappé. Deux Francisco, Amor et Canaro et L’Amor de Francisco Amor et le double amor du titre, répété 6 fois dans les paroles et auquel il faut rajouter un amo. L’autre point, plus objectif, qui fait que j’aimais bien ce titre, est qu’il est essentiellement en mode majeur, d’un rythme soutenu et qu’il évite la monotonie en variant les instruments et que Francisco Amor a une belle voix.

Extrait musical

Amor, amor vení 1941-01-09 – Orquesta Francisco Canaro con Francisco Amor.

On note dès le début le rythme bien accentué, typique de Canaro. Certains diront un peu lourd, mais cela plait aux Européens qui se sont habitués à ce fait, comme en témoigne l’évolution du tango en Europe, où la batterie rythme les bals de village même pour les tangos.
On notera que le piano marque tous les temps à l’aide d’accords. On le remarque moins sur les premiers temps, justement à cause de l’utilisation appuyée de la contrebasse d’Abraham Krauss sur les premiers temps, mais aussi des autres instruments et notamment des violons, du violoncelle et des bandonéons, qui évolueront durant toute la durée entre des parties rythmiques et des passages mélodiques, en alternance afin que le rythme ne se perde pas et que ce soit confortable pour les danseurs.
Le piano se libère progressivement de cet ostinato en lâchant quelques fioritures en fin de phrase. Le piano est tenu par Mariano Mores qui remplaça Luis Riccardi qui était dans l’orchestre de Canaro depuis 1928 et dont la maladie l’a obligé à abandonner la carrière.
À 21 s se remarque la clarinette qui rappelle qu’avant les bandonéons, les flûtes faisaient partie des instruments du tango et que Canaro a également un orchestre de jazz. On retrouvera également la clarinette en contrepoint du chanteur un peu plus tard.
À 28 s, commence la partie B qui se distingue par des allers-retours entre l’orchestre et le piano. À 56 s, Francisco Amor commence à chanter avec les violons en contre-chant et les ponctuations du piano, la contrebasse continuant d’aider les danseurs en marquant les premiers temps. Les bandonéons s’occupant de marquer tous les temps, comme le faisait le piano au début.
Je pense qu’en l’ayant écoutée attentivement, vous comprendrez pourquoi je trouve que c’est une merveille, simple et élégante.

Paroles

Amor, amor vení
No me hagas más penar,
Que mi vida está en peligro
Siempre que no tardes más.

Amor, amor vení
Ya no puedo repetir,
Porque me falta el aliento
Y fuerzas para vivir.

Caminito del colegio
Que de ahí te conocí,
Me mirabas como a un hombre
Y mi amor fue para ti.

Tengo veinte y tú también
Y mi amor también creció,
No sé si me comprendiste
Y por eso te amo yo.
Mariano Ramiro Ochoa Induráin (paroles et musique)

Traduction libre

Amour, amour vient (amour = chérie)
Ne m’inflige pas plus de chagrin, car ma vie est toujours en danger, aussi, ne tarde pas davantage.
Amour, amour vient
Je ne peux plus le répéter, parce que me font défaut le souffle et les forces pour vivre.
Sur le chemin de l’école où je t’ai rencontrée, tu m’as regardé comme un homme et mon amour fut pour toi.
J’ai vingt ans, et toi aussi, et mon amour a également grandi, je ne sais pas si tu m’as compris, et c’est pourquoi, moi, je t’aime.

Bredouille

Difficile de trouver des éléments sur cette valse. Son auteur est inconnu. On ne lui doit aucun autre titre et la SADAIC ne dispose d’aucune donnée dans son enregistrement correspondant, #195 009, pas même le nom du compositeur et parolier, Mariano Ramiro Ochoa Induráin.
Du côté des deux Francisco, l’horizon s’éclaircit. Je ne vais pas vous parler de Canaro, mais vous dire quelques mots de Amor.
S’il a commencé dans l’orchestre de Florindo Sassone, ce natif de Bahia Bianca, comme Di Sarli, n’a enregistré qu’avec Canaro.
Son image a toutefois été enregistré dans divers films comme :
Viento norte 1937 de Mario Soffici où il tient le rôle du soldat chanteur… Musique et chansons de Andres R. Domenech et P. Rubbione.

Francisco Amor en Viento norte 1937. Un film de Mario Soffici. Dans cet extrait, Francisco Amor chante deux chansons et on peut voir à la fin un Gato et un Malambo interprété par les soldats.

Pampa y cielo 1938 de Raúl Gurruchaga dans lequel il chante notamment « No te cases » (ne te marie pas).

No te cases 1937 (Vals) – Francisco Amor con la Orquesta de Francisco Canaro

Mandinga en la sierra 1939 de Isidoro Navarro.
Napoleón 1941 de Luis César Amadori.
Buenos Aires canta 1947 de Antonio Solano. Comme le titre peut le suggérer, plusieurs chanteurs sont à l’affiche et en plus de Francisco Amor, citons, Azucena Maizani, Ernesto Famá. On peut aussi y écouter Oscar Aleman, l’orchestre le plus en vogue lors de la décadence du tango au profit du jazz.

Autres versions

Les Francisco ont enregistré ensemble une vingtaine de valses. Cependant, il n’y a pas de version enregistrée de cette valse par un autre orchestre. Je vous propose donc de terminer en la réécoutant.

Amor, amor vení 1941-01-09 – Orquesta Francisco Canaro con Francisco Amor.

Je vous laisse avec les 76 mots chantés par Amor, qui dira son nom de famille (il s’appelait réellement Amor et même Iglesias Amor, c’est-à-dire « Église Amour »…) six fois.

Sur ces bonnes… paroles, je vous dis à bientôt, les amis !

Salud… dinero y amor 1939-07-25 – Orquesta Enrique Rodríguez con Roberto Flores

Rodolfo Aníbal Sciammarella (paroles et musique)

Voilà que le tango et plus précisément la valse (mais on verra que ce n’est pas si simple) vous prodigue des conseils de vie. Chers amis, je vous enjoins de les suivre et de chanter avec Roberto Flores le refrain de cette valse entraînante composée et mise en paroles par Rodolfo Aníbal Sciammarella et interprété par l’orchestre chéri de mon ami Christian, Enrique Rodriguez.

Selon Mariano Mores, Rodolfo Sciammarella aurait composé une zamba (voir l’anecdote du 7 avril sur la zamba). Comme il n’était pas très doué pour écrire la musique, il a demandé à Mariano de la transcrire pour lui. Celui-ci a trouvé que c’était plus joli en valse et aurait donc adapté la musique à ce rythme…

Une édition de Julio Korn de Salud… dinero y amor en zamba

Extrait musical

Salud… dinero y amor 1939-07-25 – Orquesta Enrique Rodríguez con Roberto Flores.

Pas de doute, notre version du jour est parfaitement une valse, sans trace de zamba. Je me demande toutefois si la version en zamba n’a pas été utilisée dans d’autres occasions. Nous y reviendrons avec la liste des versions.

Avis de recherche

Le 7 mars 1939, un film est sorti. Son titre était Mandiga en la sierra. Ce film a été réalisé par Isidoro Navarro sur un scénario de Arturo Lorusso et Rafael J. de Rosas. Ce film était basé sur la pièce de théâtre homonyme. Parmi les acteurs, Luisa Vehil, Eduardo Sandrini, Nicolás Fregues et Pedro Quartucci, mais celui qui m’intéresse est Francisco Amor qui y interprète Salud…dinero y amor.

Luisa Vehil, Nicolás Fregues et Pedro Quartucci dans Mandinga en la sierra (1939)

Dans ce film, en plus de Francisco Amor, il y a Myrna Mores et sa sœur Margot. Depuis 1938, Mariano Mores, celui qui a couché sur la partition l’idée musicale de Rodolfo Sciammarella faisait un trio avec les deux sœurs Mores. En 1943, il épousera Myrna. On voit comme ce film est assez central autour des Mores et de cette valse.
Si vous savez où trouver ce film, je suis preneur…
Vous pouvez trouver sa fiche technique ici : https://www.imdb.com/title/tt0316217/?ref_=nm_knf_t_1

La pièce de théâtre était jouée en 1938. Est-ce que la version chantée ou jouée dans la pièce était sous forme de zamba, je ne le sais pas. En ce qui concerne le film, même si je ne l’ai pas encore trouvé, j’imagine que c’est en valse, car le succès du thème qui a été enregistré majoritairement sous cette forme. Je vous réserve deux surprises dans les « autres versions » qui pourraient faire mentir ou confirmer cette histoire.

Paroles

Tres cosas hay en la vida:
salud, dinero y amor.
El que tenga esas tres cosas
que le dé gracias a Dios.
Pues, con ellas uno vive
libre de preocupación,
por eso quiero que aprendan
el refrán de esta canción.

El que tenga un amor,
que lo cuide, que lo cuide.
La salud y la platita,
que no la tire, que no la tire.
Hay que guardar, eso conviene
que aquel que guarda, siempre tiene.
El que tenga un amor,
que lo cuide, que lo cuide.
La salud y la platita,
que no la tire, que no la tire.

Un gran amor he tenido
y tanto en él me confié.
Nunca pensé que un descuido
pudo hacérmelo perder.
Con la salud y el dinero
lo mismo me sucedió,
por eso pido que canten
el refrán de esta canción.

Rodolfo Aníbal Sciammarella (paroles et musiques)

Traduction libre des paroles

Il y a trois choses dans la vie :
la santé, l’argent et l’amour.
Quiconque possède ces trois choses devrait remercier Dieu.
Eh bien, avec eux, on vit sans souci, c’est pourquoi je veux que vous appreniez le dicton de cette chanson.

Celui qui a un amour, qu’il en prenne soin, qu’il en prenne soin.
La santé et la monnaie, ne la jetez pas, ne la jetez pas.
Il faut garder, il convient que celui qui garde, toujours a.
Celui qui a un amour, qu’il en prenne soin, qu’il en prenne soin.
La santé et la monnaie, ne la jetez pas, ne la jetez pas.

J’ai eu un grand amour et j’ai tellement cru en lui.
Je n’ai jamais pensé qu’un manque d’attention pouvait me le faire perdre.
La même chose m’est arrivée avec la santé et l’argent, alors je vous demande de chanter le dicton de cette chanson.

Autres versions

Salud, dinero y amor 1930 – Duo Irusta-Fugazot accomp. de Orquesta Argentina (Barcelona).

Je pensé que vous avez remarqué plusieurs points étranges avec cette version. Le son a beaucoup d’écho, ce qui ne faisait pas à l’époque. Je pense donc que c’est une édition « trafiquée ». Mon exemplaire vient de l’éditeur El Bandoneón qui a édité entre 1987 et 2005 différents titres dont certains assez rares. Cet enregistrement est sur leur CD El Tango en Barcelona CD 2 – (EBCD-046) de 1997. Je n’en connais pas d’autre. Sur la date d’enregistrement de 1930, en revanche, c’est très probable, car cela correspond à l’époque où le trio était actif en France et Barcelone.
L’autre point étrange est qu’il s’agit d’une valse et pas d’une zamba. Si Sciammarella a « écrit » une zamba et que Mariano Mores l’a transformé en valse seulement en 1938, il y a un problème. Cet enregistrement devrait être une zamba. Je pense donc que Sciammarella a fait vivre conjointement les deux versions et que c’est la version valse qu’a adaptée le tout jeune Mariano Mores. Mais on va revenir sur ce point plus loin…

Salud… dinero y amor 1939-07-25 – Orquesta Enrique Rodríguez con Roberto Flores.

C’est notre valse du jour. Vos chaussures, si vous êtes danseur, doivent être désormais capables de la danser seules. Le rythme est assez rapide et le style haché de Rodríguez fait merveille pour inciter à donner de l’énergie dans la danse. La voix de Flores, plus élégante de celle de Moreno, l’autre chanteur vedette de Rodríguez est agréable. L’orchestration de la fin de la valse est superbe, même si Rodríguez décide, une fois de plus, d’y placer un chœur, habitude qui peut susciter quelques réticences.

Salud, dinero y amor 1939-08-08 – Francisco Lomuto C Jorge Omar.

Une version assez piquée et pesante. Elle est moins connue que la version de Rodriguez. On comprend pourquoi, sans toutefois qu’elle soit à mettre au rebut. Comme chez Canaro, Lomuto fait intervenir une clarinette, scorie de la vieille garde. La fin est cependant assez intéressante, donc si un DJ la passe, cette valse ne devrait pas laisser une mauvaise impression.

Salud, dinero y amor 1939-09-11 – Francisco Canaro y Francisco Amor.

Sur le même rythme que Lomuto, Canaro propose une version plus légère. Les vents (instruments à vent) auxquels Canaro reste fidèle donnent la couleur particulière de l’orchestre. Francisco Amor chante de façon décontractée avec un peu de gouaille.

Salud, dinero y amor 1939-09-27 – Juan Arvizu con orquesta.

L’accent mexicain d’Arvizu, surprend, on est plus accoutumé à l’entendre dans des boléros. L’orchestre où les guitares ont une présence marquée est un peu léger après l’écoute des versions précédentes. Buenos Aires lui aurait donné le surnom de ténor à la voix de soie (El Tenor de la Voz de Seda). Je vous laisse en juger…

Salud… dinero y amor 1939-11-03 – Charlo con guitarras (zamba cueca).

Ce titre n’est pas une valse, on reconnaît le rythme de la cueca à la guitare dans la première partie, puis le rythme s’apaise et passe en zamba avec des roucoulements étranges.
Finalement, ce n’est pas une zamba, pas une cueca. C’est un ovni.
Le nom de zamba cueca existe et couvre différentes variétés de danses, notamment du Chili.
La distinction de la vingtaine de variétés de cuecas, le fait que la zamba cueca serait aussi dénommée zambacueca, zamacueca ou zambaclueca, ce dernier terme évoquerait encore plus clairement la poule pondeuse, la cueca se référant à la parade d’oiseaux, font que pour moi, cela reste assez mystérieux.
Le témoignage de Mario Mores, appuyé par la partition qui mentionne zamba et cette interprétation de Charlo prouve que Salud… dinero y amor n’est pas seulement une valse.

Salud… dinero y amor 1940-07-02 – Agustín Irusta acc. Orquesta de Terig Tucci.

Salud… dinero y amor 1940-07-02 – Agustín Irusta acc. Orquesta de Terig Tucci. On retrouve Irusta qui a enregistré pour Decca à New York, accompagné de l’orchestre de Terig Tucci. Ce n’est pas vilain et si ce n’est pas le top de la danse, c’est plus dansable que la version du duo de 1930.

Après la « folie » accompagnant la sortie du fameux film que je n’ai pas trouvé, l’intérêt pour cette valse s’atténue. On la retrouve cependant un peu plus tard dans quelques versions que voici.

Salud… dinero y amor 1955 c — Inesita Pena — La Orquesta Martín De La Rosa y coro.

Pour un enregistrement des années 1950, ça fait plutôt vieillot. Ne comptez pas sur moi pour vous la proposer en milonga.

Salud… dinero y amor 1966 – Típica Sakamoto con Ikuo Abo.

On connaît l’engouement incroyable du Japon pour le tango, la Típica Sakamoto nous en donne un exemple. Vous aurez facilement reconnu la voix très typée de Ikuo Abo. Les chœurs sont assez élégants. Il me semble entendre une partie de soprano dans le chœur tenue par une femme.

Salud… dinero y amor 1969 – Alberto Podestá con Orquesta Lucho Ibarra.

Bon, il faut bien du tango à écouter, aussi. Et la voix de Podestá est tout de même une merveille, non ?

À demain, les amis, je vous souhaite santé, argent et amour.