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Milonga querida 1938-11-09 – Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto Echagüe

Juan Larenza Letra: Lito Bayardo

Ceux qui aiment les milongas dynamiques se ruent en général sur la piste aux premières notes de Milonga querida interprétés par D’Arienzo et Echagüe et ils ont bien raison. Malgré un rythme qui semble soutenu, cette milonga aide les danseurs à s’amuser, ce qui n’est pas autant le cas avec ces milongas que l’on met trop souvent en pensant que les danseurs ne sont pas au niveau… Au contraire, il faut ce type de milonga pour les faire progresser et danser avec joie. Le canyengue n’est pas de la milonga…

Extrait musical

Milonga querida 1938-11-09 – Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto Echagüe.

Le piano incisif de Juan Polito qui venait de reprendre la main (je devrais dire les deux mains, puisqu’il s’agit de piano) après l’exclusion de Rodolfo Biagi de l’orchestre. Deux accords posent le tempo et le piano lance la milonga immédiatement. Des passages traspies (staccato) alternent avec des passages lisses (legato), ce qui permet aux danseurs, à la fois de varier les improvisations et de se reposer un peu, ou pour le moins de prendre leur marque dans le flot de la milonga pour s’intégrer dans l’harmonie du bal.
La vitesse semble très rapide, mais elle est suffisamment modérée pour pouvoir parfaitement jouer avec la musique.
L’attention est soutenue par l’alternance des parties et quand Echagüe commence à chanter, il reste totalement dans le rythme, ce rythme cher à D’Arienzo et qu’il ne sacrifiera surtout pas pour une milonga.
Les instruments, notamment les cordes et les bandonéons, semblent lancer des piques. Les accords sont brefs, nerveux. On se représente bien D’Arienzo, penché en avant avec l’avant-bras dont le poing est serré, encourageant ses musiciens à donner ces accords, un par un ou par salves nettes dans un staccato très intense, jusqu’aux délivrances des passages liés.
Si vous êtes danseur et intéressé par la musicalité, vous trouverez sans doute pas mal d’inspiration dans cette milonga ponctuée par les fioritures du piano de Polito dans la lignée de Biagi.
La diction de Echagüe, sans doute à son apogée dans cette interprétation, permet de capter les paroles, tout en utilisant la voix comme un instrument rythmique, favorisant la continuité stylistique avec les parties orchestrales.
La fin arrive de façon abrupte, comme si D’Arienzo après avoir lancé les danseurs dans une danse effrénée, voulait les pousser à la faute en les faisant continuer de bouger alors que la musique s’est arrêtée.
Bien sûr, cet enregistrement est tellement connu que les danseurs ne se laissent pas surprendre, mais on peut imaginer l’ambiance que le titre provoquait lors de ses premières exécutions.

Paroles

No la pintaron los poetas
en sus versos seductores,
ni conocieron su vida
ni el amor de sus amores.
Fue la más linda del barrio
y por linda, codiciada,
y más de cien entreveros
su belleza provocó.

Pero ella bien conocía
quién en silencio la amaba
y a nadie al fin comprendía
pues con ninguno se daba;
por verla sola, muy sola,
mil comentarios se hicieron
y difamaron su nombre
al no conseguir su amor.

Aquel muchacho tan triste,
tan humilde y tan sencillo,
se fue en silencio una noche
del alegre conventillo.
Y aquella piba bonita
por bonita codiciada,
cargó una tarde sus cosas,
y a su barrio no volvió.

Juan Larenza Letra: Lito Bayardo

Traduction libre

Les poètes ne l’ont pas peinte dans leurs vers séducteurs ni ne connurent sa vie ni l’amour de ses amours.
C’était la plus belle du quartier et parce qu’elle était belle, convoitée, et plus d’une centaine de bagarres, sa beauté a provoqué.
Mais elle savait bien qui l’aimait en silence, et elle ne comprenait personne à la fin, car à aucun elle se donnait ;
À la voir seule, très seule, mille commentaires se firent et diffamèrent son nom, car ils n’avaient pas obtenu son amour.
Ce garçon, si triste, si humble et si simple, sortit en silence une nuit du joyeux conventillo (logement collectif pauvre).
Et cette jolie fille, convoitée pour sa beauté, une après-midi, a emporté ses affaires, et elle n’est pas revenue dans son quartier.

Autres versions

Milonga querida 1938-11-09 – Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto Echagüe. C’est notre milonga du jour.
Milonga querida 1990c – Miguel Villasboas y su Orquesta Típica.

Avec l’Uruguayen Villasboas, on reste dans une dimension joueuse. On reconnaît son style et ses arrangements particuliers. Son piano est sans doute moins présent que celui de Polito, cela laisse plus de clarté pour les violons et bandonéons. On pourra peut être moins apprécier la trop grande régularité qui peuvent engendrer de la monotonie. Je pense qu’écouter cette version après celles de D’Arienzo qui lui est antérieure d’un demi-siècle montre bien la différence d’une musique parfaite pour la danse par rapport à une musique sympathique, mais qui ne porte pas aussi bien.

Et un titre identique, mais totalement différent. C’est une création de Eduardo Pereyra (El Chon) qui est encore dans l’esprit canyengue.

Milonga querida 1931-11-23 – Orquesta Edgardo Donato con Teófilo Ibáñez.


On ne peut pas dire que ce soit vilain, mais sauf pour les amateurs d’encuentros, difficile de résister (dans le sens supporter) à une tanda de ce type…
La fin un peu plus vivante ne sauve pas forcément l’ensemble…

Vous aurez compris que si on me demande « Milonga querida » je proposerai systématiquement la version de D’Arienzo et Echagüe.

Paroles du tango « Milongua querida » de Eduardo Pereyra

Milonguita querendona
Mi más vieja compañera,
Te llevo en el corazón
Como al más fiel de mis amores.

Tu canción es el recuerdo
De mi vida aventurera,
Que me embriaga de dolor
Al recordar aquel tiempo mejor.

Eduardo Pereyra (El Chon) (Paroles et musique)

Traduction libre du texte de Eduardo Pereyra (El Chon)

Petite milonga amoureuse (qui s’énamoure facilement)
Ma plus vieille compagne,
Je te porte dans mon cœur
Comme le plus fidèle de mes amours.


Ta chanson est le souvenir
De ma vie aventureuse,
Qui m’enivre de douleur
Au souvenir de ces temps meilleurs.
Le texte fait sans doute plus penser aux textes des milongas des payadores qu’au rythme allègre qui en reprendra le nom.

Les auteurs

La collaboration entre Juan Larenza et Lito Bayardo a donné la très célèbre zamba, Mama vieja, que De Angelis enregistrera en forme de valse, comme la magnifique valse Flores del alma (dont les paroles ont été coécrites avec Alfredo Lucero).

Juan Larenza (1911-1980), pianiste et compositeur

Juan Larenza

Les compositions de Larenza ont été enregistrées par de nombreux orchestres, dont De Angelis, D’Arienzo, Aníbal Troilo (avec le fameux Guapeando) et même Di Sarli.
Sa plus célèbre biographie a été écrite ; justement par Lito Bayardo dans son ouvrage « Mis 50 años con la canción argentina »

Le livre de Lito Bayardo50 años con la canción argentina” dans lequel il parle de son ami Juan Larenza. À droite, Larenza est le deuxième en partant de la droite et Bayardo le troisième.

Manuel Juan García Ferrari (1905-1986), plus connu comme Lito Bayardo, guitariste, chanteur, compositeur et parolier

Bayardo a écrit à la fois des textes de tangos et a composé des tangos dont il était également le parolier. Un des plus connus est sans doute Cuatro lágrimas enregistré, notamment, par Ricardo Tanturi avec Enrique Campos, Francisco Canaro avec Alberto Arenas et Rodolfo Biagi avec Alberto Amor.

Para qué te quiero tanto 1946-05-03 – Orquesta Carlos Di Sarli con Jorge Durán

Juan Larenza Letra : Cátulo Castillo

Para qué te quiero tanto. Ce joli thème a été enregistré quatre fois en moins d’un an. Les quatre versions sont différentes, émouvantes et dansantes. Quatre belles réussites dont la quatrième fête ses 78 ans aujourd’hui.

Cátulo Castillo (Ovidio Cátulo González Castillo) et Juan Larenza

On doit à Catulo Castillo des centaines de tangos (paroles, musiques ou les deux). Citons simplement :

  • Organito de la tarde (musique)
  • Silbando (musique avec Sebastián Piana)
  • El último café (paroles)
  • Caserón de tejas (paroles)
  • Una vez (paroles)

On doit aussi la musique de quelques titres à Juan Larenza, dont Guapeando, Flores del alma et Milonga querida. On pourrait aussi citer la zamba Mamá vieja que De Angelis a adapté en valse…
Le moins que l’on puisse dire est que cette combinaison est particulièrement réussie, comme en témoigne la qualité des quatre enregistrements réalisés.
Cette association a donné lieu à d’autres œuvres, comme :
Están sonando las ocho, mais qui n’a été enregistré que par Lucio Demare avec Horacio Quintana.
Más allá todavía, enregistré par Orquesta Osmar Maderna avec Orlando Verri.
No vuelvas María, une valse géniale et entraînante enregistrée par Alfredo De Angelis avec Carlos Dante y Julio Martel. C’est la seule composition commune qui sort du lot en dehors, bien sûr de Para qué te quiero tanto.
Patrona, une milonga un peu bavarde, enregistrée par Alfredo De Angelis avec Carlos Dante.
Somos los dos, une bluette enregistrée par Alfredo De Angelis avec Julián Rosales.

Extrait musical

Para qué te quiero tanto 1946-05-03 — Orquesta Carlos Di Sarli con Jorge Durán.

Paroles

Fue tu sombra oscura…
Fue el castigo de tu adiós…
Fue esta ausencia de ternura
que me amarra a la tortura
de tu voz…
Qué fatal encanto
me encadena a tu desdén,
cuando grito hasta el quebranto…
¿Para qué te quiero tanto,
para qué?

Para qué te quiero tanto
si no puedo ser feliz,
si vivir es un espanto…
si al morir te llevo en mí.
¡Tu amor !… ¡Tu amor !…
traidor que una vez
dejó entre mis cenizas
sus brasas y se fue…
¡Tu amor !… ¡Tu amor !…
Que clamo desde aquí,
cuando oigo que tus risas
se burlan de mí…

¡Cuánto mal me hiciste !…
Llueve siempre en el ayer,
con la lluvia mansa y triste
de la tarde en que te fuiste
sin volver…
Fue tu sombra oscura…
Fue el castigo de tu adiós…
Y es la hiel de esta amargura
que me amarra a la tortura
de tu voz.

Juan Larenza Letra: Cátulo Castillo

Traduction libre

C’est ton ombre noire…
C’est la punition de ton adieu…
C’est cette absence de tendresse qui me lie à la torture de ta voix…
Quel charme fatal m’enchaîne à ton dédain, quand je crie jusqu’à la rupture (des cordes vocales)…
Pourquoi je t’aime tant, pourquoi ?

Pourquoi est-ce que je t’aime tant si je ne peux pas être heureux, si vivre est terrifiant…
si jusqu’à la mort, je te porte en moi.
Ton amour !… Ton amour !… Ce traître qui a laissé ses braises dans mes cendres et s’est enfui…
Ton amour !… Ton amour !…
Que je crie d’ici, quand j’entends tes rires se moquer de moi…

Que de mal tu m’as fait !…
Il pleut toujours sur le passé, avec la pluie douce et triste de l’après-midi où tu es partie sans retour…
C’est ton ombre noire…
C’est la punition de ton adieu…
Et c’est le fiel de cette amertume qui me lie à la torture de ta voix.

Autres versions

En moins d’un an, quatre versions ont été enregistrées et les quatre sont superbes et différentes.

Sonogrammes des quatre versions de Por qué te quiero tanto.
Para qué te quiero tanto 1945-07-19 — Orquesta Domingo Federico con Carlos Vidal.

On voit nettement des alternances de fortes et de pianos. Le compas est bien marqué avec des alternances plus lisses et des nuances assez fortes. Cela rend la musique très expressive.

Para qué te quiero tanto 1945-11-13 — Orquesta Alfredo De Angelis con Carlos Dante.

Dans la première partie, on retrouve les variations de nuances de Federico, puis la partie chantée par Dante est plus régulière. Le style est assez différent, mais le résultat est très agréable, même si l’expression est moins accentuée.

Para qué te quiero tanto 1946 — Orquesta Gabriel « Chula » Clausi con Raúl Garces.

Les transitions de nuances sont plus estompées. Mais contrairement à De Angelis, on les retrouve dans la partie chantée. Cet orchestre moins connu réalise une version tout à fait satisfaisante pour l’écoute et la danse. Reste au DJ de trouver trois autres titres pour en faire une tanda.

Para qué te quiero tanto 1946-05-03 — Orquesta Carlos Di Sarli con Jorge Durán. C’est notre tango du jour.

Les nuances sont surtout marquées par les moments de pauses. La sonorité typique de l’orchestre permet de le distinguer des autres. Le piano de Di Sarli est plus présent que dans les autres versions. L’orchestre pousse derrière le chanteur. Il lui laisse moins de place, l’orchestre et Durán sont entrelacés. Le résultat est très différent des autres.

Para qué te quiero tanto. Disque 45 tours – Federico – 78 tours De Angelis et Di Sarli.

Une valse du même nom

Augusto Rojas Llerena a composé une valse du même nom.
Elle a été interprétée par l’orquesta Coltrinari y Rullo avec Roberto Tello (1951) et plus récemment par Lucha Reyes, la Morena de Oro del Perú, dans un rythme un peu différent. Je vous propose cette version pour nous quitter. À demain les amis !

Para Qué Te Quiero Tanto 1997 – Lucha Reyes