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La última copa 1943-04-29 — Orquesta Ricardo Tanturi con Alberto Castillo

Francisco Canaro Letra : Juan Andrés Caruso

Ceux qui fréquentent les milon­gas portègnes ont sans doute été éton­nés de voir la quan­tité de bouteilles de cham­pagne qui peu­plent les tables. Ce breuvage a même des tan­gos à son nom. Toutes les bois­sons ne peu­vent pas en dire autant. La últi­ma copa, le dernier verre, n’est donc pas le dernier pour tout le monde. Voyons ce que nous con­te ce tan­go.

Il y a champagne et champagne

L’Argentine est un grand pays de viti­cul­ture et de vin. Elle pro­pose des vins somptueux, curieuse­ment presque tous nom­més du nom du raisin qui les com­posent. On va pren­dre un Mer­lot, un Caber­net, une Syrah, un Chardon­nay…
Le cham­pagne que l’on trou­ve sur les tables des milon­gas n’a de cham­pagne que le nom, tout comme le Roque­fort. Il est pro­duit sur place, notam­ment à Men­doza et en Patag­o­nie.
Pro­gres­sive­ment, sous la pres­sion des vitic­ul­teurs français, le nom change pour laiss­er appa­raître « méth­ode cham­p­enoise » ou autre indi­ca­tion lais­sant penser que c’est du Cham­pagne, sans le dire vrai­ment. J’imagine que les vitic­ul­teurs français de Cham­pagne ne tien­nent pas en grande estime ces vins, bien que cer­tains se vendent en Argen­tine bien plus cher que les « vrais » cham­pagnes de super­marché français. Cepen­dant, dans les milon­gas, c’est bien un mousseux stan­dard qui vous sera servi comme cham­pagne.
Revenons à notre últi­ma copa. Je vous pro­pose de l’écouter… dans une ving­taine de ver­sions…

Extrait musical

La últi­ma copa 1943-04-29 — Orques­ta Ricar­do Tan­turi con Alber­to Castil­lo.

C’est une ver­sion bien ryth­mée, avec une accen­tu­a­tion forte des temps. Tan­turi est con­sid­éré comme un orchestre facile à danser. Pour cette rai­son, on le ren­con­tre sou­vent dans les encuen­tros. Ici, c’est la voix de Castil­lo qui déclame les paroles, tout au moins les deux pre­miers cou­plets et deux fois le refrain. Le chant com­mence à 1 minute, après la présen­ta­tion par les ban­donéons et les vio­lons du thème, le vio­lon tra­vail­lant surtout en ponc­tu­a­tion. À 2 : 05 Castil­lo laisse la place à l’orchestre, puis reprend le refrain pour ter­min­er, juste avant les deux tra­di­tion­nels accords de Tan­turi (accord sur dom­i­nante, temps de silence, accord sur tonique, tardif).

Les paroles

Eche, ami­go, nomás, écheme y llene
Has­ta el bor­de la copa de cham­pagne
Que esta noche de far­ra y de ale­gría
El dolor que hay en mi alma quiero ahog­ar

Es la últi­ma far­ra de mi vida
De mi vida, mucha­chos, que se va
Mejor dicho, se ha ido tras de aque­l­la
Que no supo mi amor nun­ca apre­ciar

Yo la quise, mucha­chos y la quiero
Y jamás yo la podré olvi­dar
Yo me embor­ra­cho por ella
¿Y ella, quién sabe qué hará?

Eche, mozo, más cham­pagne
Que todo mi dolor bebi­en­do lo he de ahog­ar
Y si la ven, ami­gos, dígan­le
Que ha sido por su amor que mi vida ya se fue

Y brindemos, nomás, la últi­ma copa
Que, tal vez, tam­bién ella aho­ra estará
Ofre­cien­do en algún brindis su boca
Y otra boca, feliz, la besará

Eche ami­go, nomás, écheme y llene
Has­ta el bor­de la copa de cham­pagne
Que mi vida se ha ido tras de aque­l­la
Que no supo mi amor nun­ca apre­ciar

Yo la quise, mucha­chos, y la quiero
Y jamás yo la podré olvi­dar
Yo me embor­ra­cho por ella
¿Y ella, quién sabe qué hará?

Eche, mozo, más cham­pagne
Que todo mi dolor bebi­en­do lo he de ahog­ar
Y si la ven, ami­gos, dígan­le
Que ha sido por su amor que mi vida ya se fue

Fran­cis­co Canaro Letra: Juan Andrés Caru­so

Castil­lo chante ce qui est en gras.

Traduction libre

Verse, mon ami, sans façon, verse et rem­plis à ras bord la coupe de cham­pagne, car en cette nuit de réjouis­sances et de joie, je veux noy­er la douleur qui est dans mon âme.
C’est la dernière fête de ma vie, de ma vie, les gars, qui s’en va… Ou plutôt, elle est par­tie avec celle que mon amour n’a jamais su appréci­er.

Je l’ai aimée, les gars, et je l’aime, et jamais je ne pour­rai l’oublier, je vais m’enivrer pour elle et qui sait ce qu’elle fera.
Verse, mozo (garçon, serveur) plus de cham­pagne, que toute ma peine, en le buvant, je la noierai ; et si vous la voyez, les gars, dites-lui que c’est pour son amour que ma vie s’en est allée.

Et trin­quons sans façon, le dernier verre, que peut-être, elle aus­si, en ce moment, lors d’un toast, elle offrira sa bouche et une autre bouche heureuse l’embrassera.
Verse, mon ami, sans façon, verse et rem­plis à ras bord la coupe de cham­pagne, car ma vie s’en est allée après celle que mon amour n’a jamais su appréci­er.

Pour ceux qui dis­ent que le tan­go racon­te des his­toires de cocus, ce texte, triste, il est vrai, par­le plutôt d’un repen­tir, repen­tir de ne pas avoir porté d’intérêt à une femme qui l’aimait, jusqu’à ce qu’il soit trop tard. En par­al­lèle de la détresse « théâ­trale » du con­teur, il y a eu aupar­a­vant la tristesse de la femme nég­ligée.
Le cham­pagne est le témoin de l’amitié, de la fête, mais aus­si de la tristesse. C’est un com­pagnon sup­plé­men­taire qui a arrosé les tangueros depuis plus d’un siè­cle, depuis, pour le moins, que le tan­go s’est énivré du breuvage français dans les étab­lisse­ments parisiens au début du vingtième siè­cle.
Canaro est le com­pos­i­teur de la musique. Caru­so et Canaro furent amis, lorsque Caru­so fut de retour d’exil, vers 1910. Caru­so a eu une vie plutôt triste et courte (mort à 40 ans). Il a écrit ce joli texte, plein d’émotion, tout comme Mi noche triste et plus de 80 autres thèmes dont beau­coup ont été joués par Canaro.

Les versions

Canaro a été le pre­mier à avoir enreg­istré le titre et il l’a fait à de nom­breuses repris­es. C’est lui qui com­mence la liste des ver­sions.

La últi­ma copa 1926 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro.

La plus anci­enne ver­sion enreg­istrée, par Canaro, sans les paroles de son ami Caru­so. Le son est médiocre, aus­si vous n’entendrez pas ce titre en milon­ga. Mais ras­surez-vous, Canaro a mis le paquet et vous avez d’autres ver­sions de son cru… Je pense que l’enregistrement est plutôt de 1925, voire antérieur.

La últi­ma copa 1927-03-23 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Agustín Irus­ta.

Irus­ta, l’année suiv­ante chante les paroles de Caru­so. C’est la pre­mière ver­sion chan­tée et l’enregistrement élec­trique rend le titre plus agréable à écouter.

La últi­ma copa 1927-06-14 — Car­los Gardel con acomp. de Guiller­mo Bar­bi­eri, José Ricar­do (gui­tar­ras).

Une ver­sion en chan­son. On la com­par­era avec celle d’Héctor Mau­ré de 1954.

La últi­ma copa 1931-04-22 — Ada Fal­cón con acomp. de Fran­cis­co Canaro.

Canaro nous offre avec sa chérie, une ver­sion chan­son du thème.

La últi­ma copa 1931-05-13 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Char­lo.

Une ver­sion de danse, chan­tée par Char­lo, chanteur de estri­bil­lo.

La últi­ma copa 1943-04-29 — Orques­ta Ricar­do Tan­turi con Alber­to Castil­lo. C’est le tan­go du jour.
La últi­ma copa 1948-01-15 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Alber­to Are­nas.

Une très belle ver­sion, mais pas for­cé­ment par­faite pour la danse. Les danseurs pour­raient toute­fois par­don­ner cela au DJ, car elle est superbe.

La últi­ma copa 1948 — Orques­ta Luis Rafael Caru­so con Julio Sosa. Valse.

Une ver­sion orig­i­nale en valse. Sosa avait gag­né un prix en Uruguay qui con­sis­tait à enreg­istr­er des dis­ques. Le son n’est pas par­fait, mais cette ver­sion orig­i­nale mérite l’écoute, voire la danse.

La últi­ma copa 1953-10-06 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Alber­to Morán.

Comme sou­vent, la ren­con­tre Pugliese et Morán, donne un tan­go un peu déli­cat à danser. Cer­tains appré­cient la voix, il en faut pour tous les goûts.

La últi­ma copa 1954 — Héc­tor Mau­ré con acomp. de gui­tar­ras.

Mau­ré reprend la tra­di­tion gardéli­enne. Le résul­tat est à com­par­er avec celui de son mod­èle.

La últi­ma copa 1956-09-25 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Guiller­mo Rico (Coral).

Une ver­sion dans­able avec en prime la voix de Coral, sans doute assez rare dans les milon­gas.

La últi­ma copa 1957-05-20 — Dal­va de Oliveira con acomp. de Fran­cis­co Canaro.

Avec ce sep­tième enreg­istrement, Canaro a fait le tour. Ici une ver­sion à écouter par Dal­va de Oliveira, à com­par­er avec celle d’Ada Fal­cón enreg­istrée 26 ans plus tôt.

La últi­ma copa 1958-04-17 — Orques­ta Alfre­do De Ange­lis con Juan Car­los Godoy.

Un De Ange­lis et Godoy clas­sique. Bien dans­able, enreg­istré par l’orchestre des cale­si­tas.

La últi­ma copa 1965 — Orques­ta Miguel Caló con Raúl del Mar y glosas de Héc­tor Gagliar­di.

Une ver­sion sans doute plus pour l’écoute que pour la danse, mais intéres­sante

La últi­ma copa 1966-03-11 — Orques­ta Florindo Sas­sone con Mario Bus­tos.

L’orchestre sert bien la voix de Bus­tos. Je ne pro­poserai pas pour la danse, mais c’est intéres­sant.

La últi­ma copa 1968-10-18 — Sex­te­to Tan­go con Jorge Maciel.

Le Sex­te­to Tan­go héri­ti­er de Pugliese donne sa ver­sion sans renier son mod­èle. Voir N… N…. Une ver­sion pour l’écoute avec une belle intro, une car­ac­téris­tique de cet orchestre.

La últi­ma copa 1974 — Orques­ta Florindo Sas­sone con Oscar Macri.

Une voix de ténor bien dif­férente de celle de Mario Bus­tos. Je pense cette ver­sion moins intéres­sante que la précé­dente de Sas­sone.

La últi­ma copa 1987 — Los Solis­tas de D’Arienzo dir. par Car­los Laz­zari con Wal­ter Gutiér­rez.

Sou­vent présen­té comme étant un enreg­istrement de D’Arienzo, c’est en fait un enreg­istrement réal­isé par ses solistes dirigés par Laz­zari, qui était un de ses ban­donéon­istes et arrangeur, 11 après la mort du chef his­torique. Une ver­sion tonique, mais plus dans le style chan­son que tan­go chan­té. Cepen­dant, elle est dans­able, même si ce titre ne porte vrai­ment l’improvisation.

La últi­ma copa 2003 — Orques­ta Man­cifes­ta con Miguel Ángel Her­rera.

Cet orchestre a com­mencé sa car­rière à la fin de la vague Tan­go (1953). On lui doit cepen­dant des enreg­istrements intéres­sants, comme celui-ci. Le disque est de 2003, l’enregistrement peut être antérieur. Cet orchestre, rarement passé en milon­ga, mérit­erait d’être plus enten­du, même s’il n’est pas à la hau­teur des plus grands orchestres. N’oublions pas que cer­tains danseurs aiment être sur­pris par des ver­sions incon­nues.

Sur 1948-02-23 — Orquesta Aníbal Troilo con Edmundo Rivero

Aníbal Troilo (arrangement de Argentino Glaván) Letra : Homero Manzi

Il y a 76 ans, Aníbal Troi­lo enreg­is­trait avec Edmun­do Rivero, un des tan­gos avec le titre le plus court, « Sur ». Sur, en espag­nol, c’est le Sud. Pour ceux qui sont nés dans l’hémisphère Nord, le Sud, c’est la chaleur. En Argen­tine, c’est l’inverse, mais le Sud chan­té par Rivero n’est ni l’un ni l’autre. C’est ce Sud, que je vous invite à décou­vrir avec ce tan­go du jour aux paroles écrites par Home­ro Manzi.

<- Aníbal Troi­lo et Home­ro Manzi par Sabat.

Ce tan­go n’est pas un tan­go de bal, mais c’est un mon­u­ment du tan­go. La musique est d’Anibal Troi­lo et les paroles, celles qui mar­quent le cœur de tous les tangueros sont d’Homero Manzi.
Ernesto Saba­to aurait déclaré qu’il don­nerait toute la lit­téra­ture qu’il avait écrite en échange d’être l’auteur de « Sur ». Intéres­sons-nous donc à ces deux mon­stres sacrés du tan­go, Home­ro et Sur.

Homero

Les deux se prénom­ment Home­ro, les deux sont fans de Buenos Aires, mais un seul est Manzi. Saurez-vous décou­vrir lequel ?

Home­ro Manzi est un provin­cial, arrivé à Buenos Aires à l’âge de neuf ans. Il a vécu enfant et ado­les­cent dans le quarti­er de Pom­peya, au sud de Boe­do, donc, dans le Sud de Buenos Aires.
Les paroles nos­tal­giques de ce tan­go évo­quent les sou­venirs de cette enfance et les regrets des points de repère évanouis, mais en par­al­lèle de sa vie amoureuse avec un bais­er échangé et qui ne s’est trans­for­mé qu’en sou­venir.
Les lieux qu’il indique peu­vent être par­tielle­ment retrou­vés. Le plus facile est l’angle de Boe­do et San Juan. C’est l’endroit où Home­ro Manzi a écrit Sur. Il abrite désor­mais l’Esquina Manzi, un lieu prisé par les touristes.

L’angle entre Boe­do et San Juan où se trou­ve désor­mais l’Esquina Manzi. À gauche en 1948, à droite en 2015, avec les car­i­ca­tures de Sabat, enlevées depuis et rem­placées par des écrans qui les dif­fusent. La moder­nité. À l’in­térieur, elles sont encore vis­i­bles.

« Pom­peya y más allá la inun­dación ». Buenos Aires est régulière­ment vic­time d’inondations. Cette année encore, mais la pire fut sans doute celle de 1912, celle qui toucha Pom­peya, le quarti­er de Manzi.

En 1912, une voiture hip­po­mo­bile trans­porte des rescapés sur l’Avenida Sáenz, recou­verte d’eau. Ils vien­nent de zones encore plus inondées, le Riachue­lo avait débor­dé.

On imag­ine l’impact de cet événe­ment chez un enfant de 5 ans qui venait juste de quit­ter sa province de San­ti­a­go del Estero pour arriv­er avec sa mère à Buenos Aires. Par­mi ces autres sou­venirs, ce tan­go men­tionne La esquina del her­rero, bar­ro y pam­pa. Cer­tains y voient l’angle de Del Bar­co Cen­ten­era et de Tabaré, deux avenues que Manzi cite dans son tan­go, Mano Blan­ca, un autre de ses tan­gos emblé­ma­tiques.

Mano Blan­ca (letra de Home­ro Manzi) par Ángel D’Agosti­no et Ángel Vargas.(1944)

D’ailleurs un « musée » a été instal­lé sur cet emplace­ment, en l’honneur de ce titre immor­tal­isé par D’Agosti­no et Var­gas.

Le petit char­i­ot de Porten­i­to et Mano Blan­ca avec les ini­tiales peintes à la main et qui font que ce tan­go est le tan­go des fileteadores.
Sur le trot­toir d’en face le musée Mano Blan­ca, le bar el Buzón nom­mé ain­si à cause de la boîte aux let­tres rouge qui occupe le trot­toir devant l’établissement.

Extrait musical

Sur 1948-02-23 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Edmun­do Rivero

Les paroles

Vous trou­verez tous les enreg­istrements à écouter, en fin d’article.

San Juan y Boe­do antigua, y todo el cielo,
Pom­peya y más allá la inun­dación.
Tu mele­na de novia en el recuer­do
Y tu nom­bre flo­ran­do en el adiós.
La esquina del her­rero, bar­ro y pam­pa,
Tú casa, tu vere­da y el zan­jón,
Y un per­fume de yuyos y de alfal­fa
Que me llena de nue­vo el corazón.

Sur,
Paredón y después…
Sur,
Una luz de almacén…
Ya nun­ca me verás como me vieras,
Recosta­do en la vidri­era
Y esperán­dote.
Ya nun­ca alum­braré con las estrel­las
Nues­tra mar­cha sin querel­las
Por las noches de Pom­peya…
Las calles y las lunas sub­ur­banas,
Y mi amor y tu ven­tana
Todo ha muer­to, ya lo sé…


San Juan y Boe­do antiguo, cielo per­di­do,
Pom­peya y al lle­gar al ter­raplén,
Tus veinte años tem­b­lan­do de car­iño
Bajo el beso que entonces te robé.
Nos­tal­gias de las cosas que han pasa­do,
Are­na que la vida se llevó
Pesad­um­bre de bar­rios que han cam­bi­a­do
Y amar­gu­ra del sueño que murió.

Aníbal Troi­lo (arrange­ment de Argenti­no Glaván) Letra : Home­ro Manzi

Les enregistrements de Sur

Les enreg­istrements Sur, par Troi­lo

Sur 1948-02-23 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Edmun­do Rivero, l’enregistrement, objet de cet arti­cle. Le plus ancien, à moins qu’un petit Français, lui ait brûlé la politesse. Voir le chapitre suiv­ant…
Sur 1953-09-21 (En vivo) — Ranko Fuji­sawa con Aníbal Troi­lo y Rober­to Grela. Enreg­istrement par Radio Tokio d’un con­cert au Teatro Dis­cépo­lo de Buenos Aires. Ban­donéon (Troi­lo), Gui­tare (Grela) et voix (Omar).
Sur 1956-08-08 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Edmun­do Rivero arr. de Argenti­no Glaván. À com­par­er par la ver­sion de 1948 par les mêmes.
Sur 1971-04-26 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Rober­to Goyeneche. Encore un qui a sa place au pan­théon du tan­go. La par­tie instru­men­tale est par­ti­c­ulière­ment expres­sive, notam­ment, grâce aux pleurs du ban­donéon de Troi­lo.
Sur 1974-05 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Susana Rinal­di. Le dernier enreg­istrement de Sur par Troi­lo a été effec­tué en pub­lic avec Susana Rinal­di dans un pro­gramme en hom­mage à Home­ro Manzi effec­tué par Anto­nio Car­ri­zo, el caballero de la radio.

Cette ver­sion est pleine d’émotion. Impos­si­ble de ne pas essuy­er une larme à son écoute notam­ment, lorsqu’elle chante pour la sec­onde fois, la fin du refrain. « Ya lo sé ».

Autres enregistrements de Sur

Là, il faut dis­cuter un peu, Nel­ly Omar serait la pre­mière à avoir chan­té ce tan­go.
C’est ce qu’indique la Bible du Tan­go, qui a sou­vent d’excellentes infor­ma­tions. Mal­heureuse­ment, sans référence pré­cise et prob­a­ble­ment sans enreg­istrement, cela reste dif­fi­cile à con­firmer.
Cepen­dant, si on se sou­vient que Nel­ly fut la muse d’Home­ro, celle qui lui inspi­ra la chan­son Male­na lors de son exil au Mex­ique et qu’ils ont eu une rela­tion mou­ve­men­tée, cela n’a rien d’im­pos­si­ble.
Comme Sur est un tan­go à écouter, je vous invite à voir Nel­ly Omar le chanter. J’ai choisi cette ver­sion, car c’est une de ses dernières ver­sions enreg­istrées. Elle a par­cou­ru toutes les épo­ques du tan­go, depuis les années 1920 jusqu’au 21e siè­cle. La « Gardel en jupe » est une des étoiles indéboulonnables au fir­ma­ment du tan­go.

Je ne peux pas con­firmer la date, de cet enreg­istrement. La voix sem­ble plus assurée que dans son dernier con­cert au Luna Park, à près de 100 ans. Je dat­erai donc cette vidéo de la pre­mière décen­nie des années 2000.

Plus éton­nant, serait un enreg­istrement par Quintin Ver­du en 1947, soit plusieurs mois avant Troi­lo. On peut facile­ment imag­in­er qu’un tan­go soit chan­té avant d’être enreg­istré, car c’est le proces­sus nor­mal. En revanche, qu’il soit enreg­istré en France avant d’avoir été joué en Argen­tine alors qu’il est créé par deux Argentins qui étaient à Buenos Aires à l’époque est plus éton­nant.
En revanche, il existe bien un enreg­istrement de Sur par Quintin Ver­du, avec le chanteur Agustín Duarte. C’est un enreg­istrement Pathé, mal­heureuse­ment pas daté et ses références ne m’ont pas per­mis d’en valid­er la date : PA 2617 — CPT 7021.
Cepen­dant, comme tout ce qu’a réal­isé Ver­du, la musique est excel­lente et vaut la peine d’être écoutée. Duarte chante unique­ment le refrain, dont il reprend la sec­onde par­tie comme final.

Sur 1947 ? — Orchestre Quintin Verdú con Agustín Duarte. Superbe, non ?
Sur 1948 — Orques­ta Luis Rafael Caru­so con Julio Sosa. La même année que Troi­lo, Julio Sosa enreg­istre Sur, dans une des rares ver­sions qui peu­vent se danser de façon agréable en tan­go.

C’est le moment de dire un petit mot sur ce chef d’orchestre, Luis Caru­so, né à Buenos Aires en 1916, mais qui à l’âge de vingt ans s’est instal­lé à Mon­te­v­ideo où il con­tin­uera sa car­rière artis­tique. C’est pour cela qu’il est un peu moins con­nu aujourd’hui, mais il lui reste le titre de gloire d’avoir enreg­istré les cinq pre­miers titres avec Julio Sosa qui était au début de sa car­rière (il venait de gag­n­er un con­cours dont un lot était d’enregistrer 5 titres avec Son­dor).
Les cinq titres étaient : Sur 1948, Una y mil noches 1948, Mas­cari­ta 1949-01-31, La últi­ma copa 1948 (Valse) et un can­dombe (nous sommes en Uruguay…) San Domin­go 1948.
À cette époque, le cuar­te­to de Caruo com­pre­nait, en plus de lui qui dirigeait et jouait le ban­donéon, Rubén Pocho Pérez au piano, Rober­to Smith à la con­tre­basse et Mirabel­lo Don­di au vio­lon.

Pour ter­min­er cette liste qui pour­rait être bien plus longue, je vous pro­pose un extrait du film fran­co-argentin Sur qui débute par cette chan­son inter­prétée par Rober­to Goyeneche qui joue le rôle d’Amado. Ce film de 1988 a été dirigé par Fer­nan­do “Pino” Solanas qui a obtenu le pre­mier pour cela au Fes­ti­val de Cannes. Il a pour sujet, la dic­tature mil­i­taire qui s’est achevée 5 ans plus tôt.
La musique qui a été enreg­istrée au stu­dio Ion de Buenos Aires est jouée par un quatuor com­posé de Nestor Mar­coni au ban­donéon, Raul Luzzi à la gui­tare, Car­los Gaivi­ron­sky au vio­lon et Hum­ber­to Ridolfi à la con­tre­basse et chan­tée par Rober­to Goyeneche. Plusieurs notice indiquent que la musique est de Piaz­zol­la, vous aurez com­pris que c’est une erreur et on voit par­faite­ment dans le film qu’il ne joue pas le ban­donéon dans cette inter­pré­ta­tion et s’il a éventuelle­ment arrangé la musique, il n’en est ni l’au­teur ni l’in­ter­prête.
Je vous pro­pose donc cet extrait du film qui sera égale­ment la fin du chapitre sur les enreg­istrements de Sur…

Au début du film Sur, on voit les musi­ciens arriv­er et s’installer, puis arrive Goyeneche.
Les musi­ciens sont : Nestor Mar­coni au ban­donéon, Raul Luzzi à la gui­tare, Car­los Gaivi­ron­sky au vio­lon et Hum­ber­to Ridolfi à la con­tre­basse.
Le café Sur qui accueille le quatuor au début du film existe tou­jours. C’est l’Al­ma­cen Sur, à l’an­gle de Juan Dar­quier y Vil­lar­i­no, juste en face de la sta­tion Hipól­i­to Yrigoyen de la ligne fer­rovi­aire Roca.

Autres titres enregistrés un 23 février

Il y avait beau­coup de per­les à piocher pour le 23 févri­er. En voici quelques-unes qui pour­ront faire l’objet d’articles dans les années à venir…

El rebelde 1932-02-23 — Osval­do Frese­do C Rober­to Ray. On a évo­qué cet orchestre hier avec le mer­veilleux Sol­lo­zos. Ce titre de 5 ans exacte­ment antérieur n’a pas la même matu­rité.
De todo te olvi­das (Cabeza de novia) 1948-02-23 — Ani­bal Troi­lo C Flo­re­al Ruiz. Le même jour, Troi­lo a aus­si enreg­istré avec un autre chanteur, Flo­re­al Ruiz. Ce titre est entré dans le lan­gage com­mun, cabeza de novia), pour par­ler d’étourderies, d’oublis.
El jagüel 1956-02-23 — Orques­ta Car­los Di Sar­li. Comme DJ, j’aurais sans doute dû choisir ce titre ou Rodriguez Peña (prési­dent argentin), qui sont deux titres éminem­ment dans­ables par le seigneur du tan­go, Car­los Di Sar­li. Ce sera pour une prochaine année 😉
Rodriguez Peña 1956-02-23 — Orques­ta Car­los Di Sar­li. Enreg­istré le même jour que El Jagüel, un best of du tan­go dan­sé.
Home­ro Manzi dans Pom­peya, entre le sou­venir lumineux de l’enfance et la dés­espéra­tion de l’avenir. Inspiré du style de Ben­i­to Quin­quela Martín, le voisin de la Boca. Manzi sem­ble marcher dans l’eau, sou­venir des inon­da­tions qui l’ont accueil­li à son arrivée à Buenos Aires en 1912.