Archives par étiquette : Orquesta Símbolo "Osmar Maderna"

Vous avez sans doute dansé à de nombreuses reprises sur la valse Pequeña, interprétée par Alfredo De Angelis et Carlos Dante. Mais vous ne savez peut-être pas que son compositeur est Osmar Maderna et qu’Homero Expósito un des plus grands poètes du tango, a signé les paroles pour en faire ce chef-d’œuvre. Comme d’habitude, nous verrons d’autres versions, certaines pourraient vous étonner.

Pequeña 1949-10-14 — Alfredo De Angelis con Carlos Dante

Osmar Héctor Maderna Letra: Homero Aldo Expósito (Mimo)

Vous avez sans doute dan­sé à de nom­breuses repris­es sur la valse Pequeña, inter­prétée par Alfre­do De Ange­lis et Car­los Dante. Mais vous ne savez peut-être pas que son com­pos­i­teur est Osmar Mader­na et qu’Homero Expósi­to un des plus grands poètes du tan­go, a signé les paroles pour en faire ce chef‑d’œuvre. Comme d’habitude, nous ver­rons d’autres ver­sions, cer­taines pour­raient vous éton­ner.

Osmar Héctor Maderna

Osmar Mader­na est un com­pos­i­teur et chef d’orchestre qui a peu enreg­istré, notam­ment, car il est mort jeune et de façon idiote. Un acci­dent d’avion, comme Gardel, mais à la suite d’un pari stu­pide. Il a tout de même eu le temps de nous laiss­er quelques chefs d’œuvres, comme la valse Pequeña qui fut sont plus gros suc­cès.

Comme chef d’orchestre et musi­cien, son apport est un peu moins évi­dent. Il est arrivé un peu tard pour faire par­tie de l’âge d’or et il s’est chargé d’un héritage de musique clas­sique qui l’a fait qual­i­fi­er de Chopin du tan­go. Der­rière ce com­pli­ment, se cache sans doute un petit doute sur l’adaptation de sa musique à la danse tan­go. Le résul­tat est que l’on danse très rarement sur ses inter­pré­ta­tions, même celles qui pour­raient l’être dans cer­taines cir­con­stances.

Par­mi ses com­po­si­tions, on pour­rait citer (en gras, celles qu’il a enreg­istrées avec son orchestre) :

  • Amor sin adiós
  • Argenti­na campeón — Avec com­men­taires sportifs, Argen­tine cham­pi­onne de foot­ball.
  • Bar
  • Concier­to en la luna (1946) - Inspi­ra­tion musique clas­sique
  • Cuen­to azul (1943) — Un suc­cès par Miguel Caló et Raúl Iri­arte
  • El vue­lo del moscardón (1946) - Inspi­ra­tion musique clas­sique d’après le vol du bour­don de Rim­sky Kor­sakov. Indans­able en tan­go.
  • En tus ojos de cielo (1944) — Un suc­cès par Miguel Caló et Raúl Berón
  • Escalas en azul (1950) - Inspi­ra­tion musique clas­sique, gammes musi­cales.
  • Fan­tasía en tiem­po de tan­go
  • Jamás retornarás (1942) (un suc­cès par Miguel Caló, coau­teur, et Raúl Berón, mais aus­si par Osval­do Frese­do et Oscar Ser­pa).          
  • La noche que te fuiste (1945) — Un suc­cès par Miguel Caló et Raúl Iri­arte, Aníbal Troi­lo et Flo­re­al Ruiz et d’autres.
  • Llu­via de estrel­las (1948) - Inspi­ra­tion musique clas­sique
  • Luna de pla­ta (valse) (1943) — Un suc­cès par Miguel Caló et Raúl Iri­arte
  • Me duele el corazón (valse péru­vi­enne) (1944) (un suc­cès par Miguel Caló, Raúl Berón et lesTrovadores del Perú)         
  • Pequeña (valse) C’est notre titre du jour…
  • Qué te impor­ta que te llore (1942) — Un suc­cès par Miguel Caló et Raúl Berón. Mader­na a écrit les paroles et Caló a signé la musique.
  • Rin­cones de París (1947)
  • Volvió a llover (1947)

Orquesta Símbolo “Osmar Maderna”

Atten­tion à ne pas con­fon­dre l’Orquesta Sím­bo­lo “Osmar Mader­na” avec l’orchestre d’Osmar Mader­na. Cet orchestre a per­pé­tué, sous la baguette de l’ami vio­loniste de Mader­na, Aquiles Rog­gero, l’œuvre nais­sante de Mader­na.

Extrait musical

Partition de Pequeña.d’Osmar Héctor Maderna et Homero Aldo Expósito
Par­ti­tion de Pequeña.d’Osmar Héc­tor Mader­na et Home­ro Aldo Expósi­to
Pequeña 1949-10-14 — Alfre­do De Ange­lis con Car­los Dante.

Paroles

Donde el río se que­da y la luna se va…
donde nadie ha lle­ga­do ni puede lle­gar,
donde jue­gan con­mi­go los ver­sos en flor…
ten­go un nido de plumas y un can­to de amor…
Tú, que tienes los ojos moja­dos de luz
y empa­padas las manos de tan­ta inqui­etud,
con las alas de tu fan­tasía
me has vuel­to a los días
de mi juven­tud…

Pequeña
te digo pequeña
te llamo pequeña
con toda mi voz.
Mi sueño
que tan­to te sueña
te espera, pequeña,
con esta can­ción…
La luna,
¡qué sabe la luna
la dulce for­tu­na
de amar como yo…
Mi sueño
que tan­to te sueña
te espera, pequeña
de mi corazón…

Hace mucho que espero, y hará mucho más…
porque tan­to te quiero que habrás de lle­gar,
no es posi­ble que ten­ga la luna y la flor
y no ten­ga con­mi­go tus besos de amor…
Donde el río se que­da y la luna se va
donde nadie ha lle­ga­do ni puede lle­gar
con las alas de tu fan­tasía…
serás la ale­gría de mi soledad…
Osmar Héc­tor Mader­na Letra: Home­ro Aldo Expósi­to

Traduction libre

Là où la riv­ière reste et où la Lune va…
Là où per­son­ne n’est arrivé ni ne peut, arriv­er,
Où avec moi jouent les vers fleuris… (ver­sos peut sig­ni­fi­er men­songes en lun­far­do)
J’ai un nid de plumes et un chant d’amour…
Toi, qui as les yeux mouil­lés de lumière et les mains trem­pées de tant d’anxiété, avec les ailes de ton imag­i­na­tion, tu m’as ramené aux jours de ma jeunesse…

Petite
Je te le dis, petite, Je t’ap­pelle, petite, de toute ma voix.
Mon rêve, qui t’a tant rêvé t’at­tend, petite, avec cette chan­son…
La lune, que sait la Lune ?
La bonne for­tune d’aimer comme moi !
Mon rêve, qui t’a tant rêvé t’at­tend, petite de mon cœur…

Ça fait longtemps que j’attends, et je ferai bien plus…
Car je t’aime telle­ment que tu devras venir,
Il est impos­si­ble que j’aie la lune et la fleur et que je n’aie pas avec moi tes bais­ers d’amour…
Là où la riv­ière reste et où la Lune va, là où per­son­ne n’est arrivé ni ne peut arriv­er
Avec les ailes de ta fan­taisie…
Tu seras la joie de ma soli­tude…

Autres versions

Pequeña 1949-07-21 — Orques­ta Osmar Mader­na con Héc­tor de Rosas.

La ver­sion de De Ange­lis a masqué cet enreg­istrement par le com­pos­i­teur de cette valse. Cette inter­pré­ta­tion est chargée d’émotion et de déli­catesse. Si elle tourne moins fer­me­ment que celle de De Ange­lis et que donc, elle peut être moins entraî­nante, elle trou­vera tout de même une oppor­tu­nité de faire danser des danseurs curieux et qui ne craig­nent pas les valses lentes.

Pequeña 1949-10-14 — Alfre­do De Ange­lis con Car­los Dante.

C’est notre valse du jour et la référence…

Pequena 1949 - Ana Maria Gonzales.
Je n’ai pas l’en­reg­istrement Colum­bia de Pequeña par Ana Maria Gon­za­lez, cette chanteuse mex­i­caine.
Pequeña 1950-01-26 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Mario Alon­so.

Il est rare de ne pas retrou­ver Canaro pour les titres à suc­cès et s’il a atten­du six mois pour l’enregistrer, Canaro l’a fait. Ce qui sur­prend dans cette ver­sion, c’est qu’elle est plus aiguë et favorise le mode majeur. La ver­sion de 1949 de Mader­na est à dom­i­nante mineure et celle de De Ange­lis, majeure pour la par­tie instru­men­tale est en mineur pour la par­tie chan­tée. Ici,

Pequeña 1952-09-30 — Orques­ta Sím­bo­lo “Osmar Mader­na” dir. Aquiles Rog­gero con Adol­fo Rivas

Le vio­loniste Aquiles Rog­gero était l’ami d’Osmar Mader­na et quand se dernier s’est tué avec l’avion qu’il pilotait. Il a repris l’orchestre et son style. On retrou­ve d’ailleurs la dom­i­nante du mode mineur, mode d’autant plus appro­prié, cet enreg­istrement ayant été réal­isé seule­ment un an et demi après le décès trag­ique (et stu­pide, puisque c’est à l’issue d’un pari), de l’ami et auteur.

Pequeña 1975 — Enrique Dumas.

Une mag­nifique ver­sion chan­tée qui mar­que le début du renou­veau de cette valse, un peu oubliée pen­dant la péri­ode Rock de l’Argentine.

Pequeña 1980 — Atilio Stam­pone.

Après une intro­duc­tion de vio­lon, Stam­pone déroule au piano une ver­sion orig­i­nale et expres­sive. Pas ques­tion de la danser, mais cette ver­sion peut faire rêver à la Pequeña…

Pequeña 1984 — Mer­cedes Sosa.

Une très belle ver­sion par la Negra, Mer­cedes Sosa. Pour les oreilles, pas pour les pieds, bien sûr. On notera qu’Ariel Ramirez avait aus­si enreg­istré Pequeña, en 1976.

Pequeña 1984 — Enrique Dumas chante Pequeña à Vir­ginia Luque à Grandes Val­ores del Tan­go en 1984. Une mer­veille.

Pequeña 1985 — Raúl Lav­ié con la orques­ta de Juan Car­los Cirigliano y coro.

Cette ver­sion n’est pas pour nos chers danseurs, mais plutôt pour un club devant un verre. Lav­ié, se mon­tre par­ti­c­ulière­ment expres­sif, il nous con­fie cette his­toire, prin­ci­pale­ment accom­pa­g­né par le piano jazzy de Juan Car­los Cirigliano. Le rythme de la valse s’est large­ment per­du, mais on se laisse tout de même entraîn­er par la voix chaude de Raúl Lav­ié, jusqu’à la fin du verre et de la rêver­ie. On notera le chœur féminin en fin de titre qui peut laiss­er que cette his­toire d’amour aura une fin heureuse.

Pequeña 2011 — Orques­ta Camini­to. Après une intro­duc­tion par­lée, l’orchestre Camini­to déroule une ver­sion légère qui se laisse écouter.

Pequeña 2013-08 — Orques­ta Típi­ca Sans Souci con Héc­tor De Rosas. De la réver­béra­tion, mais c’est sym­pa de voir le créa­teur de la valse, Héc­tor De Rosas repren­dre son suc­cès 64 ans plus tard…

Pequeña 2013 — Amores Tan­gos.

Une ver­sion fil­i­forme par cet orchestre atyp­ique. L’impression de boîte à musique avec une petite bal­ler­ine qui tourne à son som­met est ren­for­cée par la fin, très par­ti­c­ulière…

Pequeña 2022 — Orques­ta Román­ti­ca Milonguera con Rober­to Minon­di.

Ce bel orchestre pro­pose, ici, une ver­sion peut-être un peu rapi­de, mais servie par l’excellent ténor Rober­to Minon­di. En revanche, cette valse ne tourne peut-être pas assez rond pour être pro­posée aux danseurs exigeants.

Dédicace

Une amie, Rose­lyne D. m’a demandé des infor­ma­tions sur le tan­go et les femmes, mais elle m’a égale­ment envoyé les pho­tos de cartes doc­u­men­taires qu’elle place sur les tables de sa milon­ga. C’est ce qui m’a incité à par­ler de Pequeña.

Exemple de cartes que Roselyne met sur les tables de sa milonga.
Exem­ple de cartes que Rose­lyne met sur les tables de sa milon­ga.

Mer­ci à toi, Rose­lyne.

À bien­tôt, les amis !

Escalas en azul 1950-05-17 — Orquesta Osmar Maderna

Osmar Maderna

Vous n’avez sans doute jamais dan­sé sur des musiques de Mader­na et c’est sans doute ras­sur­ant quant aux choix des DJ. Cepen­dant, la cul­ture tan­go va au-delà de la danse et il me sem­ble intéres­sant de s’intéresser à cet OVNI du tan­go qu’est Osmar Mader­na. Je vous invite à gravir les degrés d’une gamme bleue pour décou­vrir ce com­pos­i­teur et chef d’orchestre à part.

 Extrait musical

Par­ti­tion de Escalas en azul de Osmar Mader­na.
Escalas en azul 1950-05-17 — Orques­ta Osmar Mader­na

Il n’est pas très dif­fi­cile de devin­er d’où vient le titre. Le terme de escalas en musique peut être traduit par gammes. On notera que le piano joue tout au long de l’œuvre des gammes, c’est-à-dire des suc­ces­sions de notes ascen­dantes ou descen­dantes. Ce style orne­men­tal est typ­ique de Mader­na.
Le reste de l’orchestre sem­ble dédié à l’accompagnement du piano qui voltige au-dessus des autres instru­ments.
Le tem­po est bien mar­qué, souligné par les ban­donéons et les cordes qui effectuent des paus­es précédées d’élans, un peu comme dans une ranchera.
La musique est inter­prétée de façon vir­tu­ose qui donne une impres­sion de très grande vitesse.
Des danseurs piégés par un DJ facétieux qui se retrou­veraient sur la piste pour­raient s’appuyer sur cette présence du rythme pour garder une cadence raisonnable et ne pas se lancer dans des pas fébriles et ridicule­ment rapi­des.
Même si on n’est pas dans un rythme ter­naire de valse, une éventuelle inter­pré­ta­tion dan­sée de ce titre pour­rait s’apparenter à celui d’une valse. Des temps bien mar­qués et des mou­ve­ments tour­nants, toniques, mais pas ver­tig­ineux.
On notera les nom­breux change­ments de tonal­ité et la richesse des vari­a­tions et des par­ties. On est plus en face d’une com­po­si­tion de musique clas­sique que d’un tan­go tra­di­tion­nel.
Je ne vous encour­agerai pas à danser ce titre, mais à l’écouter atten­tive­ment, assuré­ment.
Osmar Mader­na

Mader­na a rel­a­tive­ment peu enreg­istré. Avec un peu plus d’une soix­an­taine d’enregistrements, c’est presque éton­nant que son nom nous soit par­venu.

Des orchestres plus pro­lifiques sont passés aux oubli­ettes.

Les musiciens de Maderna

Il a com­mencé à enreg­istr­er en 1946, en Uruguay, puis, la même année pour la Vic­tor, et cela jusqu’en 1951. Les musi­ciens des derniers enreg­istrements sont un peu dif­férents, mais je vous pro­pose ici, ceux qui ont par­ticipé à l’enregistrement de Escalas en azul, enreg­istré le 17 mai 1947.
Osmar Mader­na (Direc­tion et piano)
Felipe Ric­cia­r­di, Eduar­do Rovi­ra, José Cam­bareri et Leopol­do Fed­eri­co (ban­donéon). Comme on peut le remar­quer, des musi­ciens de pre­mier plan et plutôt vir­tu­os­es.
Aquiles Rog­gero, Harol­do Ghe­sagui et Angel Bodas (vio­lon)
Ariel Ped­ern­era (con­tre­basse)

Une par­tie de ces musi­ciens vient, tout comme Mader­na (qui avait rem­placé Stam­poni au piano en 1939), de l’orchestre de Miguel Caló (1941–1945), ce sont donc des estrel­las (étoiles). Ces transfuges sont :
Felipe Ric­cia­r­di et José Cam­bareri (le mage du ban­donéon, con­nu pour ses tem­pos de folie). Atten­tion, au pupitre des ban­donéons de Caló, on trou­ve aus­si un Fed­eri­co, Domin­go de son prénom, mais il n’est pas appar­en­té à Leopol­do.
À la con­tre­basse, c’est le même Ariel Ped­er­na qui œuvre.

Pour l’anecdote, on notera qu’il y avait un vio­loniste prénom­mé Aquiles dans les deux orchestres. Aguilar pour Caló et Rog­gero pour Mader­na. Ce dernier, Aguilar Rog­gero, dirig­era un orchestre en l’honneur de Mader­na qui était décédé dans un acci­dent d’avion (28/04/1951), l’orchestre Sím­bo­lo “Osmar Mader­na”.

La Orquesta Símbolo “Osmar Maderna”

L’année suiv­ant la mort de Mader­na, l’orchestre Sím­bo­lo “Osmar Mader­na” reprend une par­tie du réper­toire et des com­po­si­tions de Mader­na.
Orlan­do Tripo­di rem­place Osmar Mader­na au piano.
Aquiles Rog­gero, con­tin­ue à tenir le vio­lon, tout en dirigeant et étab­lis­sant les arrange­ments de l’orchestre. Le pupitre des vio­lons est com­plété par Car­los Tav­er­na, Edmun­do Baya, et Este­ban Cañete.
Au ban­donéon, on retrou­ve Felipe Ric­cia­r­di, son frère Jorge, Héc­tor Let­tera et Toto Pan­ti pour com­pléter le pupitre des ban­donéons.
Víc­tor Mon­teleone tient la con­tre­basse.

L’orchestre sem­ble avoir cessé les enreg­istrements après la mort de Aquiles Rog­gero, ce dernier étant juste­ment mort d’une crise car­diaque lors d’une séance, en 1977. Ces enreg­istrements ne sem­blent pas avoir été pub­liés.

Autres versions

Escalas en azul 1950-05-17 — Orques­ta Osmar Mader­na. C’est notre tan­go du jour.
Escalas en azul 1959-06-17 — Orques­ta Sím­bo­lo “Osmar Mader­na” dir. Aquiles Rog­gero.

Un immense mer­ci au col­lègue et col­lec­tion­neur Michael Sat­tler qui m’a procuré ce titre en bonne qual­ité.

Cette ver­sion est proche de celle enreg­istrée en 1950, comme on peut l’entendre et même voir dans l’illustration ci-dessous. Le tem­po est le même, les paus­es sont syn­chro­nisées et les deux ver­sions peu­vent être jouées ensem­ble durant les 40 pre­mières sec­on­des sans prob­lèmes nota­bles.

En haut, en vert la ver­sion de 1950 par Osmar Mader­na. En bas, en vio­let, la ver­sion de 1959 par la Orques­ta Sím­bo­lo.

Cette simil­i­tude vrai­ment frap­pante est la preuve que l’hommage à Osmar Mader­na, trag­ique­ment dis­paru n’est pas seule­ment dans le nom de l’orchestre, mais aus­si dans le respect de son style.

Ce respect est peut-être une autre expli­ca­tion, avec sa mort gardeli­enne, du fait que Mader­na n’est pas tombé dans l’oubli. Les ver­sions bril­lantes étaient bien adap­tées aux années 60–70, années où la danse était passé au sec­ond plan.

Selec­ción de Osmar Mader­na 1968 (Pot­pour­ri) — Orques­ta Sím­bo­lo “Osmar Mader­na” dir. Aquiles Rog­gero.

Encore dix ans plus tard, une autre ver­sion de Escalas en azul. Ce pot­pour­ri com­porte trois titres com­posés par Mader­na ; Escalas en azul, Llu­via de estrel­las et Concier­to en la luna. Un DJ facétieux pour­rait en faire une tan­da…
Dans ces trois titres, on recon­naît la prépondérance du piano, comme dans les enreg­istrements de Mader­na. La tâche de Orlan­do Tripo­di a été de con­tin­uer à faire vivre le style de jeu si par­ti­c­uli­er de Mader­na.

Ce titre, comme la plu­part des enreg­istrements de Mader­na, n’est pas des­tiné à la danse, tout comme son célèbre vol du bour­don (El vue­lo del moscardón) qu’il a adap­té de l’œuvre de Niko­lai Rim­sky-Kor­sakov et que je vous pro­pose d’écouter pour ter­min­er ce petit hom­mage à Osmar Mader­na.

El vue­lo del moscardón 1946-05-13 — Orques­ta Osmar Mader­na.

Dans ce thème, le piano est le bour­don qui volette et la sen­sa­tion de rapid­ité est encore plus vive que dans notre tan­go du jour. L’orchestre est moins présent pour don­ner tout son envol au bour­don à dents blanch­es et noires.

El vue­lo del moscardón

À bien­tôt, les amis !

Y todavía te quiero 1956-06-21 — Orquesta Osvaldo Pugliese con Jorge Maciel

Luciano Leocata Letra: Abel Mariano Aznar

Voici le type même du tan­go qui rendait fou Jorge Luis Borges. Du sen­ti­men­tal à haute dose, pour lui qui ne voy­ait dans le tan­go que des affaires de com­padri­tos, des his­toires d’hommes vir­ils dans les zones inter­lopes des bas quartiers de Buenos Aires. Il vouait une haine féroce à Gardel, l’accusant d’avoir dénaturé le tan­go en le ren­dant niais. Mais comme le mal est fait, plon­geons-nous avec délice, ou hor­reur, dans la guimauve du sen­ti­men­tal­isme.

Extrait musical

Y todavía te quiero 1956-06-21 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Jorge Maciel
Par­ti­tion des édi­tions Julio Korn avec Pacheco en cou­ver­ture.

Paroles

C’est le genre de tan­go où les Argentins s’exclament « ¡Que letra, por Dios! »

Cada vez que te ten­go en mis bra­zos,
que miro tus ojos, que escu­cho tu voz,
y que pien­so en mi vida en peda­zos
el pago de todo lo que hago por vos,
me pre­gun­to: ¿por qué no ter­mi­no
con tan­ta amar­gu­ra, con tan­to dolor?…
Si a tu lado no ten­go des­ti­no…
¿Por qué no me arran­co del pecho este amor?

¿Por qué…
sí men­tís una vez,
sí men­tís otra vez
y volvés a men­tir?…

¿Por qué…
yo te vuel­vo a abrazar,
yo te vuel­vo a besar
aunque me hagas sufrir?

Yo sé
que es tu amor una heri­da,
que es la cruz de mi vida,
y mi perdi­ción…

¿Por qué
me ator­men­to por vos
y mi angus­tia por vos
es peor cada vez?…

¿Y por qué,
con el alma en peda­zos,
me abra­zo a tus bra­zos,
si no me querés ?

Yo no puedo vivir como vivo…
Lo sé, lo com­pren­do con toda razón,
sí a tu lado tan sólo reci­bo
la amar­ga cari­cia de tu com­pasión…

Sin embar­go… ¿Por qué yo no gri­to
que es toda men­ti­ra, men­ti­ra tu amor
y por qué de tu amor nece­si­to,
sí en él sólo encuen­tro mar­tirio y dolor?

Luciano Leo­ca­ta Letra: Abel Mar­i­ano Aznar

Traduction libre et indications

Chaque fois que je te tiens dans mes bras, que je regarde tes yeux, que j’écoute ta voix, et que je pense à ma vie en miettes, au prix de tout ce que je fais pour toi, je me demande :
Pourquoi je n’arrête pas avec tant d’amertume, avec tant de douleur ?…
Si à tes côtés, je n’ai pas d’avenir…
Pourquoi est-ce que je n’arrache pas cet amour de ma poitrine ?
Pourquoi…
si vous mentez une fois, si vous mentez encore recom­mencez à men­tir ?… (là, on passe au vou­voiement, ce qui n’est pas habituel en Argen­tine. Est-ce une façon de pren­dre ses dis­tances ?).
Pourquoi…
Je te reprends dans mes bras, je t’embrasse à nou­veau bien que tu me fass­es souf­frir ?
Je sais que ton amour est une blessure, qu’il est la croix de ma vie, et ma perte…
Pourquoi est-ce que je me tour­mente pour toi et que mon angoisse pour toi est pire chaque fois ?…
Et pourquoi, avec mon âme en morceaux, je me serre dans tes bras, si tu ne m’aimes pas ?
Je ne peux pas vivre comme je vis… je le sais, je le com­prends avec toute ma rai­son, si je ne reçois à tes côtés que l’amère caresse de ta com­pas­sion…
Cepen­dant… Pourquoi je ne crie pas que tout est men­songe, men­songe ton amour et pourquoi ai-je besoin de ton amour, si je n’y trou­ve que le mar­tyre et la douleur ?

Autres versions

L’année de la sor­tie de ce titre, en 1956 le suc­cès fut immense et tous les orchestres ayant une fibre sen­ti­men­tale, ou pas, ont essayé de l’enregistrer. Pas moins de 11 enreg­istrements en cette année 1956, sans doute un record pour un titre.
Prenez votre mou­choir, on retourne en 1956, année roman­tique.

Y todavía te quiero 1956 — Héc­tor Pacheco y su Orques­ta dir. por Car­los Gar­cía. Avec les clo­chettes du début, une ver­sion kitch à souhait.

C’est peut-être la pre­mière ver­sion, car il tra­vail­la étroite­ment avec Leo­ca­ta à par­tir de cette époque. On trou­ve égale­ment son por­trait sur la par­ti­tion éditée par Julio Korn.

Y todavía te quiero 1956-02-17 — Orques­ta Argenti­no Galván con Jorge Casal.

Jorge Casal est aus­si un bon can­di­dat pour être le pre­mier, pour les mêmes raisons que Pacheco, sauf la pho­to sur la par­ti­tion.

Y todavía te quiero 1956-03-22 — Orques­ta Sím­bo­lo “Osmar Mader­na” dir. Aquiles Rog­gero con Hora­cio Casares
Y todavía te quiero 1956-05-18 — Orques­ta Alfre­do De Ange­lis con Oscar Lar­ro­ca
Y todavía te quiero 1956-06-11 — Orques­ta José Bas­so con Flo­re­al Ruiz
Y todavía te quiero 1956-06-21 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Jorge Maciel. C’est notre tan­go du jour.
Y todavía te quiero 1956-06-29 — Orques­ta Domin­go Fed­eri­co con Arman­do Moreno
Y todavía te quiero 1956-07-24 — Orques­ta Héc­tor Varela con Rodol­fo Lesi­ca
Y todavía te quiero 1956-07-25 — Alber­to Morán con acomp. de Orques­ta dir. Arman­do Cupo
Y todavía te quiero 1956-10-19 — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Rober­to Flo­rio
Y todavía te quiero 1956-12-10 — Orques­ta Juan D’Arienzo con Lib­er­tad Lamar­que

Et un enreg­istrement qui a raté la fenêtre en arrivant l’année suiv­ante…

Y todavía te quiero 1957 — Los Señores Del Tan­go con Oscar Ser­pa

Par la suite, d’autres orchestres ont enreg­istré, mais je vous pro­pose pour ter­min­er et les encour­ager Los Caballeros del Tan­go qui est un orchestre de jeunes Colom­bi­ens. La chanteuse est Nathalie Giral­do (Nag­i­ca).

Los Caballeros del Tan­go inter­prè­tent Y todavia te quiero (2022).

Cela fait plaisir de voir que la généra­tion Z con­tin­ue de s’intéresser au tan­go. Atten­dons qu’ils pren­nent un peu d’assurance pour qu’ils assurent la relève.

Histoire de « Y »

Non, je ne vais pas vous par­ler de la généra­tion Y, celle qui a suc­cédé aux X, V Baby-boomers, mais plutôt de la let­tre Y qui précède le titre de ce tan­go. Y en espag­nol, c’est et. En voici l’histoire, telle qu’on la racon­te générale­ment dans le petit monde du tan­go.

La SADAIC est l’organisme qui enreg­istre les morceaux de musique en Argen­tine et qui dis­tribue les droits d’auteurs en fonc­tion des mérites respec­tifs de cha­cun des auteurs (je sais, c’est pure­ment théorique ; —).
Donc, quand Luciano Leo­co­ta a voulu dépos­er la musique du tan­go « Volve­mos a quer­ernos » le 13 mai 1948, il n’a pas pu le faire, car ce titre était déjà pris.
J’ai voulu savoir quel était ce Volve­mos a quer­ernos ini­tial. J’ai donc con­sulté le reg­istre de la SADAIC et il y a bien deux musiques avec un titre proche. Mais la sur­prise est à venir :

Sous le numéro 333294, on trou­ve une œuvre enreg­istrée en 1988, soit 40 ans après la soi-dis­ant date de col­li­sion des titres.

Reg­istra­da el 01/12/1988
T | VOLVAMOS A QUERERNOS OTRA
SANCHEZ NESTOR FERNANDO / BELLATO MARIA GABRIELA

On notera que le titre est VolvA­mos a quer­ernos et pas VolvE­mos a quer­ernos.
Mais il y a une deux­ième sur­prise lorsque l’on véri­fie l’enregistrement du tan­go déposé par Leo­co­ta et Aznar :

4772 | ISWC T0370051196
Reg­istra­da el 13/05/1948
T | Y VOLVEMOS A QUERERNOS (C’est le titre que nous con­nais­sons)
S | VOLVAMOS A QUERERNOS (Avec VolvA­mos), le sous-titre apporte une autre vari­ante.
S | CHANTER LEOCATA AZNAR
S | Y VOLVAMOS A QUERERNOS LEOCATA AZ
AZNAR MARIANO ABEL
LEOCATA LUCIANO

Il se peut donc que ce titre ait été enreg­istré ailleurs qu’en Argen­tine et je me suis tourné vers Leo Mari­ni, un chanteur Argentin par­ti en 1950 à Cuba, Che. Juste­ment, celui-ci a enreg­istré un boléro nom­mé « Volva­mos a quer­ernos ». Je le pro­pose donc comme can­di­dat pour la col­li­sion.
Cepen­dant, j’ai un autre can­di­dat…
Il s’agit de Y no te voy a llo­rar.

1200 | ISWC T0370013629
Reg­istra­da el 16/03/1948
T | NO TE VOY A LLORAR
CALO MIGUEL/NIEVAS ROBERTO HIGINIO

L’intrus est dans ce cas une com­po­si­tion de Miguel Calo déposée en mars.

# 28897 | ISWC T0370310761
Reg­istra­da el 31/08/1953
T | Y NO TE VOY A LLORAR
S | NO TE VOY A LLORAR
AZNAR MARIANO ABEL
LEOCATA LUCIANO

Ce dépôt est postérieur à celui de Y Volve­mos a quer­ernos, et il n’est donc sans doute pas le pre­mier.
Je ne suis pas cer­tain d’avoir trou­vé le « gêneur », ni même si cette his­toire est vraie. ET vous allez me faire remar­quer que je par­le d’un tan­go dif­férent et vous avez tout à fait rai­son. Je reviens donc au Y.
Si Y Volve­mos a quer­ernos est le pre­mier de la série des com­po­si­tions de Leo­ca­ta à être précédé d’un Y, beau­coup de ses com­po­si­tions (env­i­ron 1/3) subiront le même sort. C’est devenu sa mar­que de fab­rique.

Œuvres avec enreg­istrement disponible

  • Y volve­mos a quer­ernos 1949 (déposé à la SADAIC le 13 mai 1948)
  • Y mientes todavía 1950 (Déposé à la SADAIC le 23 octo­bre 1950)
  • Y no te voy a llo­rar 1953 (déposé à la SADAIC le 16 mars 1948) avec la col­li­sion de noms avec un titre de Miguel Calo).
  • Y todavía te quiero 1956 (notre titre du jour, déposé à la SADAIC le 18 jan­vi­er 1956). Il y a 22 thèmes avec un titre sim­i­laire, voire exacte­ment le même. La règle de ne pas avoir deux œuvres du même nom sem­ble avoir sauté… Le plus ancien sem­ble être notre tan­go, car si plusieurs enreg­istrements ne sont pas datés, celui-ci a le numéro le plus petit.
  • Y te ten­go que esper­ar 1957 (déposé à la SADAIC le 8 mars 1957)

Œuvres prob­a­ble­ment sans enreg­istrement disponible.

  • Y a mi me gus­ta el tan­go (déposé à la SADAIC le 19 mai 1981)
  • Y desho­jan­do el tiem­po (déposé à la SADAIC le 13/03/1992)
  • Y el invier­no que­da atrás (déposé à la SADAIC le 8 juil­let 2003)
  • Y esperan­do tu regre­so (déposé à la SADAIC le 20 octo­bre 2005)
  • Y estás deses­per­a­do (déposé à la SADAIC le 6 novem­bre 1978)
  • Y este es el amor (déposé à la SADAIC le 15 décem­bre 1995)
  • Y fue en aquel mes de mayo (déposé à la SADAIC le 18 mars 1998)
  • Y fue tan solo por amor (déposé à la SADAIC le 14 mars 1990)
  • Y fue un sueño imposi­ble (déposé à la SADAIC le 6 avril 1976)
  • Y hoy vuel­vo a revivir (déposé à la SADAIC le 17 novem­bre 1989)
  • Y la quise con locu­ra (déposé à la SADAIC le 17 sep­tem­bre 1981)
  • Y la vida sigue igual (déposé à la SADAIC le 27 mai 2002)
  • Y le can­to a mi ciu­dad (déposé à la SADAIC le 8 avril 1991)
  • Y men­ti­ra fue tu amor (déposé à la SADAIC le 6 mai 1971)
  • Y no fue sin quer­er (déposé à la SADAIC le 22 mai 1989)
  • Y no me cuentes tu tris­teza (déposé à la SADAIC le 1er août 1984)
  • Y no pudieron sep­a­rarnos. Ce titre men­tion­né par Ana­maria Blas­seti n’est pas dans le list­ing de la SADAIC. J’ai véri­fié les œuvres déposées par le co-auteur men­tion­né, Félix Are­na (Rosario), la seule œuvre avec Y est Y men­ti­ra fue tu amor de 1971 et aucune autre de ses pro­duc­tions a un titre approchant.
  • Y no puedo vivir sin vos (déposé à la SADAIC le 27 mai 2002)
  • Y no te creo (déposé à la SADAIC le 17 mai 1955)
  • Y para qué seguir fin­gien­do (déposé à la SADAIC le 15 décem­bre 1993)
  • Y pre­tendes que empece­mos otra vez (déposé à la SADAIC le 24 févri­er 1982)
  • Y quiero estar a tu lado (déposé à la SADAIC le 27 mai 2002)
  • Y quiero que vuel­vas a mí (déposé à la SADAIC le 14 mars 1990)
  • Y rog­a­ré por vos (déposé à la SADAIC le 6 févri­er 1975)
  • Y te acordás que fue una tarde (déposé à la SADAIC le 27 mai 2002)
  • Y te deje par­tir (déposé à la SADAIC le 19 avril 2005)
  • Y todo es men­ti­ra (déposé à la SADAIC le31 jan­vi­er 1958)
  • Y unire­mos nue­stro amor (déposé à la SADAIC le 27 mai 2002)
  • Y viva­mos nue­stro car­naval (déposé à la SADAIC le 15 décem­bre 1980)
  • Y vuel­vo a ser felix (déposé à la SADAIC le 27 mai 2002)
  • Y yo tenía quince años (déposé à la SADAIC le 27 mai 2002)

Cela fait une belle liste. À ma con­nais­sance, seuls les titres où j’ai indiqué la date ont été enreg­istrés (j’ai men­tion­né la date du plus ancien enreg­istrement con­nu).

À demain, les amis !