Archives par étiquette : Pinta blanca

Bailarín de contraseña – d’après un mural dans la rue Oruro, Buenos Aires.

Bailarín de contraseña 1945-08-27 — Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas

Victor Felice Letra: Carlos Lucero

On se plaint par­fois du prix des milon­gas et ce n’est pas nou­veau. Quand le démon du tan­go nous grig­note, il nous faut trou­ver des astuces pour pou­voir aller danser. C’est ce que nous con­te ce tan­go com­posé par Vic­tor Felice avec des paroles de Car­los Lucero. Nous ver­rons que cette thé­ma­tique n’est pas liée à la seule ville de Buenos Aires… Les paroles nous mon­trent aus­si le soin minu­tieux que met­taient les hommes de l’époque pour soign­er leur tenue avant d’aller à la milon­ga.

Extrait musical

Bailarín de contraseña - Ángel D'Agostino con Ángel Vargas Disque Victor. Disque 60-0768, Face A. Sur la face B, Pinta blanca (Mario Perini Letra : Cátulo Castillo) enregistré le même jour.
Bailarín de con­traseña — Ángel D’Agosti­no con Ángel Var­gas Disque Vic­tor. Disque 60–0768, Face A. Sur la face B, Pin­ta blan­ca (Mario Peri­ni Letra : Cátu­lo Castil­lo) enreg­istré le même jour.
Bailarín de con­traseña 1945-08-27 — Orques­ta Ángel D’Agosti­no con Ángel Var­gas

Vic­tor Felice, le com­pos­i­teur de ce tan­go, était depuis 1944 un des vio­lonistes de D’Agostino. Par­mi ses com­po­si­tions, sig­nalons “Yo soy de Par­que Patri­cios”, un autre grand suc­cès de D’Agostino et de Var­gas.

Paroles

Sába­do a la tarde, te planchás el tra­je
Te cortás el pelo, después te afeitás
Con bas­tante cre­ma te hacés dar masajes
Gom­i­na y colo­nia, luego te peinás

Lista tu figu­ra, lle­ga­da la noche
Te vestís ligero después de cenar
Con un cig­a­r­ril­lo pren­di­do en los labios
Sales de tu casa, te vas a bailar

Y al lle­gar al Sporti­vo
Con tu silue­ta ele­gante
Te detienes en la puer­ta
Con los aires de un doc­tor

Está aten­ta tu mira­da
Para ver si está el ami­go
Que anteay­er te prometiera
La entra­di­ta de favor

Y mien­tras vas esperan­do
Ya tenés todo planea­do
Si no aparece el ami­go
Te la sabes arreglar

Esperás el inter­va­lo
Y con tu cara risueña
Le pedís la con­traseña
A todo aquel que se va

Vic­tor Felice Letra: Car­los Lucero

Traduction libre

Le same­di après-midi, Tu repass­es ton cos­tume, tu te coupes les cheveux, puis tu te ras­es avec beau­coup de crème, tu te fais mass­er, gom­i­na et eau de Cologne, puis tu te peignes.
Ta sil­hou­ette est prête, à la tombée de la nuit, tu t’habilles légère­ment après le dîn­er, une cig­a­rette allumée aux lèvres, tu sors de la mai­son et tu vas danser.
Et lorsque tu arrives au Sporti­vo (Sporti­vo Tan­go Buenos Aires, un club de foot­ball, qui fut égale­ment un cen­tre impor­tant du tan­go), avec ta sil­hou­ette élé­gante, tu te postes à la porte avec des airs de doc­teur.
Ton regard est atten­tif pour voir si l’a­mi qui, avant-hier, t’a promis la petite entrée de faveur est là.
Et pen­dant que tu attends, tu as déjà tout prévu au cas où l’a­mi ne se présen­tait pas, tu sais te débrouiller.
Tu attends l’en­tracte et, avec ton vis­age souri­ant, tu deman­des le mot de passe à tous ceux qui s’en vont.

On notera que Var­gas chante deux fois le dernier cou­plet, ce qui met l’accent sur la récupéra­tion de la fameuse con­traseña.

Les systèmes de paiement et de gestion des entrées au bal

Les méth­odes de paiement sont inspirées de celles qui avaient cours en Europe. On pou­vait pay­er à l’entrée, être invité, méth­odes qui sont encore d’actualité aujourd’hui. Des méth­odes moins courantes étaient celle de la corde qui con­sis­tait à vider la salle en ten­dant une corde pour pouss­er les danseurs hors de la salle de danse pour les faire pay­er de nou­veau une péri­ode de danse.

Le jeton donnant accès au bal, ou à un nombre donné de danses

J'ai réalisé la photo de couverture à partir d'un mural de la calle Oruro. Une diagonale particulièrement riche en peintures murales. On y remarque le slogan pessimiste de Diecepolo et un jeton indiquant qu’il est valable pour une tanda de trois tangos. On remarque un cartel mentionnant Casimiro Aim, le danseur qui a fait approuver le tango par le pape de l’époque.
J’ai réal­isé la pho­to de cou­ver­ture à par­tir d’un mur­al de la calle Oruro. Une diag­o­nale par­ti­c­ulière­ment riche en pein­tures murales. On y remar­que le slo­gan pes­simiste de Diece­po­lo et un jeton indi­quant qu’il est val­able pour une tan­da de trois tan­gos. On remar­que un car­tel men­tion­nant Casimiro Aim, le danseur qui a fait approu­ver le tan­go par le pape de l’époque.

Le paiement se fai­sait de préférence au moyen de jetons (fichas). Ces jetons étaient achetés à l’entrée. Pour pou­voir par­ticiper à la péri­ode suiv­ante, il fal­lait donc don­ner son jeton (ou le présen­ter s’il était per­ma­nent) au pro­prié­taire du lieu ou à l’un de ses employés.

Dans le mur­al on voit que le jeton dess­iné don­nait droit à une tan­da de trois tan­gos.

Le jeton du mural de la calle Oruro indique une valeur de trois tangos… Il est de 1923.
Le jeton du mur­al de la calle Oruro indique une valeur de trois tan­gos… Il est de 1923.

On notera la men­tion de trois tan­gos. Cela peut faire penser au sys­tème actuel des tan­das. Cer­tains évo­quent que ces jetons pou­vait aus­si être util­isé pour danser avec un taxi dancer ou une pros­ti­tuée dans un bor­del. Ce n’est pas impos­si­ble…

Ce sys­tème de jeton exis­tait aus­si en Europe, en voici quelques exem­ples :

Ce système de jeton existait aussi en Europe, en voici quelques exemples :
Quelques exem­ples de jetons de danse. Un jeton de Buenos Aires (1880), Un jeton pour un événe­ment par­ti­c­uli­er à l’Opéra de Paris, le bal sud-améri­cain du 2 juin 1927. En bas, un du bal « à la Réu­nion » du 10 rue des Batig­nolles. Un jeton de bal alsa­cien de Mul­house et à droite, une pièce de mon­naie argen­tine de 5 pesos de 1913 et qui n’a plus cours aujourd’hui. Ce n’est pas un jeton de bal, mais je trou­vais amu­sant de présen­ter cette pièce ici.

Le bal sud-américain du 2 juin 1927 à l’Opéra de Paris

On con­naît l’importance de Paris dans l’histoire du tan­go. On voit que, dans cet événe­ment mondain de haute volée, l’Argentine est bien représen­tée, autour d’une pièce de théâtre rocam­bo­lesque avec ses gau­chos.
L’orchestre de Pizarro et des danseurs, donc Casimiro Ain sont au pro­gramme.
Je vous pro­pose quelques pages du pro­gramme.

Extrait du programme du Bal sud-américain à l'Opéra de Paris du 2 juin 1927. D’autres pages dans ce fichier PDF. Je compléterai les pages lors de mon prochain passage en France où j’ai le document complet…
Extrait du pro­gramme du Bal sud-améri­cain à l’Opéra de Paris du 2 juin 1927. D’autres pages dans ce fichi­er PDF. Je com­pléterai les pages lors de mon prochain pas­sage en France où j’ai le doc­u­ment com­plet…

Le système du mot de passe

Comme on l’a remar­qué au sujet de l’événement de l’Opéra de Paris, il peut y avoir des sor­ties et entrées en cours d’événement. Pour gér­er cela, une méth­ode est de don­ner à celui qui sort un mot de passe, la fameuse “con­traseña” que notre danseur cherche à obtenir auprès de per­son­nes qui sor­tent. Ce mot de passe peut bien sûr être sous la forme d’un de ces jetons ou tout autre sys­tème à la dis­cré­tion des organ­isa­teurs.

En Argen­tine, il est d’usage de pren­dre un tick­et à l’entrée dans un mag­a­sin ou une admin­is­tra­tion. Par­fois, une per­son­ne sort avant d’avoir été servie et son tick­et peut faire le bon­heur d’un arrivé récent qui se retrou­ve avec un numéro proche d’être appelé…

Cela peut faire un petit phénomène en chaine. Une per­son­ne donne son tick­et à une per­son­ne qui est plus loin dans la queue. Celle-ci se retrou­ve donc avec deux tick­ets. Une fois servie, elle peut don­ner son tick­et moins favor­able à un arrivant plus tardif qui se retrou­vera donc sur­classé. C’est un petit jeu sym­pa, au moins pour les gag­nants…

Un petit mot du “Sportivo Tango Buenos Aires”

Le bal où se rend le héros de ce tan­go se trou­vait au “Club Social y Sporti­vo Buenos Aires”. Ce club créé en 1910 et qui se des­ti­nait au foot­ball et à d’autres activ­ités n’existe plus. Il était, à son orig­ine, situé de l’autre côté du fameux pont de la Boca que con­nais­sent tous les touristes qui ont vis­ité la ville. Aujourd’hui, le lieu ne leur est pas for­cé­ment recom­mandé, même si la tra­ver­sée avec le pont trans­bor­deur est une activ­ité intéres­sante…

Il a ensuite rejoint l’autre rive, celle de Buenos Aires, cap­i­tale fédérale. Il se peut que le tan­go évoque cette époque où le club était renom­mé pour les événe­ments de tan­go qu’il organ­i­sait.

Sur le même thème

Je vous pro­pose mon arti­cle « Peut-on éviter que meure le tan­go ? » où je par­le un peu d’argent et de milon­ga…

Voilà, les amis. C’est tout pour aujourd’hui. Je vous souhaite de pou­voir tou­jours vous pro­cur­er une entrée dans les bals qui vous intéressent et que ceux-ci ne vous décevront pas.