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Mi cantar 1943-05-21 — Orquesta Miguel Caló con Jorge Ortiz

Héctor Stamponi (Luciano Héctor Stamponi) Letra: Homero Expósito (Homero Aldo Expósito)

On asso­cie sou­vent Raúl Berón à Miguel Caló et on n’a pas tort. Berón com­mence vrai­ment sa car­rière avec Caló et la ter­mine avec lui. Cepen­dant, il y a eu quelques sépa­ra­tions, notam­ment en 1943, date de notre tan­go du jour. Dans cet inter­valle s’est glis­sé le tal­entueux Jorge Ortiz, un ténor alors que Caló priv­ilé­giait des voix plus graves de bary­tons. Je vous pro­pose d’écouter Mi can­tar par l’intérimaire de tal­ent, Jorge Ortiz.

Extrait musical

Mi can­tar 1943-05-21 — Orques­ta Miguel Caló con Jorge Ortiz [Héc­tor Stam­poni (Luciano Héc­tor Stam­poni) Letra: Home­ro Expósi­to (Home­ro Aldo Expósi­to)].

Paroles

Mi can­tar
es un can­to de esper­an­za,
flor de yuyo, rabia mansa,
soledad.

Mi can­tar
lo robé de las estrel­las
en las horas de tris­teza
que tu adiós me dejó.
Calle­jón
de cari­cias y sonidos
que, lle­gan­do del olvi­do
dan moti­vo a mi can­ción.

Mi can­tar
es un can­to de esper­an­za,
es un gri­to de dolor.
Un ayer de per­fumes
y de flor,
y un adiós sin moti­vo,
y el ren­cor de esper­ar
y de esper­ar
escribió con olvi­do.

Mi can­tar
gra­cia ple­na del fra­ca­so,
con mi angus­tia, con tu aca­so,
con tu adiós.

Mi can­tar
cofre azul de lo imposi­ble,
noche siem­pre, noche hor­ri­ble,
noche así, como yo.
Corazón,
tú qué sabes de la angus­tia
de mi voz cansa­da y mus­tia,
no pre­tendas des­per­tar.

Mi can­tar
es la gra­cia del fra­ca­so,
es el no saber llo­rar.

Héc­tor Stam­poni (Luciano Héc­tor Stam­poni) Letra: Home­ro Expósi­to (Home­ro Aldo Expósi­to)

Traduction libre

Ma chan­son est une chan­son d’espoir, une fleur sauvage (fleur de mau­vaise herbe, voir Yuyo verde), une douce rage, une soli­tude.
J’ai volé mon chant aux étoiles dans les heures de tristesse que ton adieu m’a lais­sées.
Une ruelle de caress­es et de sons qui, venus de l’oubli,
don­nent rai­son à ma chan­son.
Ma chan­son est une chan­son d’espoir, c’est un cri de douleur.
Un hier de par­fums et de fleurs, et un adieu sans rai­son, et la rancœur de l’attente et de l’attente écrites dans l’oubli.
Mon chant de toute la grâce de l’échec, avec mon angoisse, avec tes hési­ta­tions, avec tes adieux.
Ma chan­son, cof­fre bleu de l’impossible, nuit de tou­jours, nuit hor­ri­ble, nuit ain­si, comme moi.
Mon cœur, toi qui con­nais l’angoisse de ma voix fatiguée et fanée (se dit aus­si d’une fleur), n’essaye pas de te réveiller.
Mon chant est la grâce de l’échec, celui de ne savoir pas pleur­er.

L’orchestre de Miguel Caló en 1943

Ce n’est pas pour rien que l’orchestre de Miguel Caló était appelé les Étoiles (Las Estrel­las). Il avait mon­té un orchestre excep­tion­nel. Presque chaque exé­cu­tant pour­rait faire l’objet d’une notice.
Ban­donéons : Domin­go Fed­eri­co, Arman­do Pon­tier, José Cam­bareri, Felipe Ric­cia­r­di
Piano : Osmar Mader­na
Vio­lons : Enrique Franci­ni, Aquiles Aguilar, Ari­ol Ghe­saghi, Angel Bodas
Con­tre­basse : Ariel Ped­ern­era
Chanteurs : Jorge Ortiz (ténor, celui de ce titre), Raúl Iri­arte et Alber­to Podestá (bary­tons). Sig­nalons aus­si pour mémoire Raúl Berón, un autre bary­ton qui est indis­so­cia­ble de l’orchestre de Miguel Caló. C’est qu’en 1943, Raúl Berón était avec l’orchestre de Lucio Demare. Il est retourné avec Caló seule­ment en 1944. Il y a donc un trou dans l’association avec Berón qui a duré de 1942 à 1963 (avec quelques trous, dont un grand en ce qui con­cerne les enreg­istrements entre 1950 et 1963…

Jorge Ortiz avec Miguel Caló

Curieuse­ment, ce titre est encore un orphe­lin. Per­son­ne n’a, sem­ble-t-il, eu l’idée de l’enregistrer à la suite de Caló et Ortiz.
Pour ter­min­er en musique, je vous pro­pose donc quelques exem­ples de tan­gos chan­tés par Jorge Ortiz avec l’orchestre de Calo :
La pre­mière ses­sion d’enregistrement, sur deux jours a don­né trois titres par­faits :

Bar­rio de tan­go 1943-01-19 — Orques­ta Miguel Caló con Jorge Ortiz (Aníbal Troi­lo Letra: Home­ro Manzi).
Pa’ qué seguir 1943-01-19 – Orques­ta Miguel Caló con Jorge Ortiz (Fran­cis­co Fiorenti­no Letra: Pedro Lloret).
A las siete en el café 1943-01-20 — Orques­ta Miguel Caló con Jorge Ortiz (Arman­do Baliot­ti Letra: San­ti­a­go Luis D. Adami­ni).

C’est une ver­sion bien plus intéres­sante que celle de Ángel D’agostino et Raúl Aldao, de la même année.
Cela com­mençait bien, non ?
Un mois plus tard, ils enreg­istrent :

Ya sale el tren 1943-02-25 — Orques­ta Miguel Caló con Jorge Ortiz (Luis Rubis­tein, Musique et paroles).

Une des plus impres­sion­nantes intro­duc­tions liées au monde fer­rovi­aire. Je vous laisse décou­vrir si vous ne con­nais­sez pas.

De bar­ro 1943-05-21 — Orques­ta Miguel Caló con Jorge Ortiz (Sebastián Piana Letra: Home­ro Manzi).

Pour moi, c’est un ovni, une soucoupe volante que l’on aura bien du mal à cas­er dans une tan­da de Caló.

Mi can­tar 1943-05-21 — Orques­ta Miguel Caló con Jorge Ortiz [Héc­tor Stam­poni (Luciano Héc­tor Stam­poni) Letra: Home­ro Expósi­to (Home­ro Aldo Expósi­to)].

C’est notre tan­go du jour. Il me ras­sure sur l’association de Caló et Ortiz.
Le dernier titre enreg­istré par ces deux-là, c’est une milon­ga can­dombe :

Pobre negra 1943-06-10 — Enrique Mario Franci­ni; Héc­tor Stam­poni [Héc­tor Luciano Stam­poni) Letra: Home­ro Expósi­to (Home­ro Aldo Expósi­to)]

Le DJ qui veut faire une tan­da Calo Ortiz a 6 titres au choix (la milon­ga est orphe­line). Si on con­sid­ère que De bar­ro est à terre, il reste 5 titres… Pour une tan­da de qua­tre, il faut en élim­in­er un et pour une tan­da de trois, deux. C’est une des raisons où je trou­ve que les tan­das de qua­tre sont plus intéres­santes, car elles per­me­t­tent de faire des par­cours plus sub­tils que des tan­das de trois. Mais c’est un autre débat. Voir mon arti­cle Tan­da 5–4‑3–2‑1.

Mi can­tar

Percal 1943-02-25 (Tango) — Orquesta Miguel Caló con Alberto Podestá

Domin­go Fed­eri­co (Domin­go Ser­afín Fed­eri­co) Letra: Home­ro Aldo Expósi­to

Ne me dites pas que la voix chaude d’Alberto Podestá quand il lance le pre­mier « Per­cal » ne vous émeut pas, je ne vous croirais pas. Mais avant le thème créé par Domin­go Fed­eri­co et magis­trale­ment pro­posé par l’orchestre de Caló a instau­ré une ambiance de mys­tère.

Je ne sais pas pourquoi, mais les pre­mières notes m’ont tou­jours fait penser aux mille et une nuit. L’évocation de la per­cale qui est un tis­su de qual­ité en France pour­rait ren­forcer cette impres­sion de luxe.
Cepen­dant, le per­cal qui est mas­culin en espag­nol, est une étoffe mod­este des­tinée aux femmes pau­vres. Vous le décou­vrirez plus large­ment avec les paroles, ci-dessous.

Podestá a com­mencé à chanter pour Caló à 15 ans. Il a passé une audi­tion dans l’après-midi et le soir-même il com­mençait avec l’orchestre. Miguel Caló savait décel­er les tal­ents…

Extrait musical

Qué tiem­po aquel 1938-02-24 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to con Jorge Omar

Les paroles

Per­cal…
¿Te acuer­das del per­cal?
Tenías quince abriles,
Anh­e­los de sufrir y amar,
De ir al cen­tro, tri­un­far
Y olvi­dar el per­cal.
Per­cal…
Camino del per­cal,
Te fuiste de tu casa…
Tal vez nos enter­amos mal.
Solo sé que al final
Te olvi­daste el per­cal.

La juven­tud se fue…
Tu casa ya no está…
Y en el ayer tira­dos
Se han queda­do
Aco­bar­da­dos
Tu per­cal y mi pasa­do.
La juven­tud se fue…
Yo ya no espero más…
Mejor dejar per­di­dos
Los anh­e­los que no han sido
Y el vesti­do de per­cal.

Llo­rar…
¿Por qué vas a llo­rar?…
¿Aca­so no has vivi­do,
Aca­so no aprendiste a amar,
A sufrir, a esper­ar,
Y tam­bién a callar?
Per­cal…
Son cosas del per­cal…
Saber que estás sufrien­do
Saber que sufrirás aún más
Y saber que al final
No olvi­daste el per­cal.
Per­cal…
Tris­tezas del per­cal.

Domin­go Fed­eri­co (Domin­go Ser­afín Fed­eri­co) Letra: Home­ro Aldo Expósi­to

Parlons chiffons

Per­cal est men­tion­né sept fois dans les paroles de ce tan­go d’Home­ro Expósi­to. Il est donc très impor­tant de ne pas faire un con­tre­sens sur la sig­ni­fi­ca­tion de ce mot.
Wikipé­dia nous dit que : « La per­cale est un tis­su de coton de qual­ité supérieure fait de fil fin ser­ré à plat. Elle est appré­ciée en literie pour son touch­er lisse, doux, et sa résis­tance ».
Vous aurez com­pris qu’il ne faut pas en rester là, car une fois de plus, c’est le lun­far­do, l’argot argentin qu’il faut inter­roger pour com­pren­dre.
En lun­far­do, il s’agit d’un tis­su de coton util­isé pour les robes des femmes de con­di­tion mod­este. On retrou­ve dans cette déri­va­tion du mot en lun­far­do, la déri­sion de la mode de la haute société qui se piquait d’être à la française. Nom­mer une toile mod­este du nom d’une toile pres­tigieuse était une façon de se moquer de sa con­di­tion de mis­ère.
En français, on dirait donc plutôt « cal­i­cot » que per­cale pour ce type de tis­su de basse qual­ité.
Voici ce qu’a écrit Athos Espín­dola dans son « Dic­cionario del lun­far­do » :

Per­cal. l. p. Tela de mod­es­ta cal­i­dad que se emplea­ba para vesti­dos de mujer, la más común entre la gente humilde. Fue lle­va­da por el can­to, la poesía y el teatro pop­u­lares a con­ver­tirse en sím­bo­lo de sen­cillez y pureza que rep­re­senta­ba a la mujer de bar­rio entre­ga­da a su hog­ar y a la obr­era que sucum­bía doce horas diarias en el taller de plan­cha­do o en la fábri­ca para lle­var unos míseros pesos a la pobreza de su famil­ia. A esa que luego, a la tardecita, salía con su vesti­do de per­cal a la puer­ta de su casa a echar a volar sueños e ilu­siones. Pero tam­bién fue sím­bo­lo dis­crim­i­na­to­rio prop­i­cio para que las grandes seño­ras de seda y de petit-gris tuvier­an otro moti­vo descal­i­fi­ca­to­rio para esa pobreza ofen­si­va e insul­tante que, afor­tu­nada­mente, esta­ba tan allá, en aque­l­los bar­rios adonde no alcan­z­a­ban sus miradas. ¿Cómo iba a deten­erse a con­ver­sar con una mujer que viste de per­cal?

Athos Espín­dola, Dic­cionario del lun­far­do

Ce tan­go évoque donc la malé­dic­tion de celles qui sont nées pau­vres et qui ne sor­tiront pas de l’univers des tis­sus de basse qual­ité, con­traire­ment à celles qui vivent dans la soie et le petit-gris.
Pour infor­ma­tion, le petit-gris est appar­en­té au vair des chaus­sures de Cen­drillon, le vair étant une four­rure à base de peaux d’écureuils. Le petit-gris, c’est pire dans le domaine de la cru­auté, car il faut le dou­ble d’écureuils. Au lieu d’utiliser le dos et le ven­tre, on n’utilise que le dos des écureuils pour avoir une four­rure de couleur unie et non pas en dami­er comme le vair.

Tenías quince abriles, en français on emploi sou­vent l’expression avoir quinze print­emps pour dire quinze ans. En Argen­tine, les quinze ans sont un âge tout par­ti­c­uli­er pour les femmes. Les familles mod­estes s’endettent pour offrir une robe de fête pour leur fille, pour cet anniver­saire le plus spec­tac­u­laire de leur vie. Le fait que la robe de la chan­son soit dans un tis­sus hum­ble, accentue l’idée de pau­vreté.
Il existe d’ailleurs des valses de quinz­ième anniver­saire et pas pour les autres années.
Dans les milon­gas, la tra­di­tion de fêter les anniver­saires en valse vient de là.

El vals de los quince años pour l’an­niver­saire de Quique Camar­go par Los Reyes del Tan­go.
Milon­ga Camar­go Tan­go — El Beso — Buenos Aires — 2024-02-17. .
Parole et musique Agustín Car­los Minot­ti.
Grabación DJ BYC Bernar­do

Les enregistrements de Percal

Per­cal 1943-02-25 — Orques­ta Miguel Caló con Alber­to Podestá. C’est le tan­go du jour.
Per­cal 1943-03-25 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Fran­cis­co Fiorenti­no.

Enreg­istrée un mois, jour pour jour après celle de Calo, cette ver­sion est superbe. Cepen­dant, il me sem­ble que la voix de Fiorenti­no et en par­ti­c­uli­er sa pre­mière attaque de « Per­cal » sont en deçà de ce qu’ont pro­posé Caló et Podestá. Mais bien sûr, ce titre est égale­ment mer­veilleux à danser.

Per­cal 1943-05-13 Hugo Del Car­ril accom­pa­g­né par Tito Ribero.

Cette chan­son, ce n’est pas un tan­go de danse, com­mence avec une musique très par­ti­c­ulière et Hugo Del Car­ril démarre très rapi­de­ment (nor­mal, c’est une chan­son) le thème d’une voix très chaude et vibrante.

Per­cal 1947 ou 1948 — Fran­cis­co González et son Orchestre typ­ique argentin con Rober­to Rodríguez.

Je n’ai pas cette musique dans ma col­lec­tion. Le cat­a­logue de la Bib­lio­thèque nationale de France (Notice FRBNF38023941) l’indique de 1948 sous la bonne référence du disque : Selmer ST3003. La bible Tan­go l’indique de 1947 et avec le numéro de matrice 3728.

Per­cal 1952-08-25 — Orques­ta Domin­go Fed­eri­co con Arman­do Moreno et réc­i­tatif por Julia de Alba.

Il est intéres­sant d’écouter cette ver­sion enreg­istrée par l’auteur de la musique, même si c’est plus tardif. En plus des paroles chan­tées par Arman­do Moreno, il y a un réc­i­tatif dit par Julia de Alba, une célébrité de la radio. Son inter­ven­tion ren­force le thème du tan­go en évo­quant le chemin de per­cale, la des­tinée que lui prédi­s­ait sa mère et qui s’est avérée la réal­ité. Elle l’a com­pris plus tard, pleu­rant les bais­ers de sa mère qui ne peut plus l’embrasser.

Per­cal 1969 — Orques­ta Domin­go Fed­eri­co con Car­los Vidal.
Per­cal 1969-09-24 — Domin­go Fed­eri­co (ban­donéon) Oscar Bron­del (gui­tare) con Rubén Maciel.

La par­tic­u­lar­ité de cet enreg­istrement est qu’il est chan­té en esperan­to par Rubén Maciel. Fed­eri­co était un mil­i­tant de l’esperanto, ce lan­gage des­tin­er à unir les hommes dans une grande fra­ter­nité. Le même jour, ils ont aus­si enreg­istré une ver­sion de la cumpar­si­ta, tou­jours en esperan­to.

Per­cal 1990-12 — Orques­ta Juve­nil de Tan­go de la U.N.R. dir Domin­go Fed­eri­co con Héc­tor Gatá­neo.

Vous pou­vez acheter ce titre ou tout l’album sur Band­Camp, y com­pris dans des for­mats sans perte (ALAC, FLAC…). Pour mémoire, les fichiers que je pro­pose ici sont en très basse qual­ité pour être autorisé sur le serveur (lim­ite 1 Mo par fichi­er).

Autre titre enregistré un 25 février

Ya sale el tren 1943-02-25 — Orques­ta Miguel Caló con Jorge Ortiz. Musique et paroles de Luis Rubis­tein.

Ce tan­go a été enreg­istré le même jour que Per­cal, mais avec un chanteur dif­férent, Jorge Ortiz. On entend la cloche du train au début.

Ya sale el tren 1943-02-25 — Orques­ta Miguel Caló con Jorge Ortiz. Musique et paroles de Luis Rubis­tein. Ce tan­go a été enreg­istré le même jour que Per­cal, mais avec un chanteur dif­férent, Jorge Ortiz. On entend la cloche du train au début.