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Bajo el cono azul 1944-02-29 (Tango) Alfredo De Angelis con Floreal Ruiz y glosas de Néstor Rodi

Alfredo De Angelis Letra : Carmelo Volpe

Le cono azul cache une his­toire triste, mais vécue par des mil­liers de jeunes Français­es. Le tan­go du jour Bajo et cono azul a été enreg­istré par De Ange­lis et Flo­re­al Ruiz, il y a exacte­ment 80 ans, le 29 févri­er 1944.

Comme il y a peu de 29 févri­er, seule­ment les années bis­sex­tiles, on pou­vait crain­dre qu’il soit dif­fi­cile de trou­ver un enreg­istrement du jour. La richesse des enreg­istrements de tan­go, même si ce n’est qu’un faible pour­cent­age de ce qui a été joué per­met de vous présen­ter cette per­le.

Dedi­co esta nota a mi queri­da cuña­da Mar­ta cuyo cumpleaños es hoy.
Ella tiene suerte (o mala suerte) de cumplir solo cada cua­tro años).

La triste histoire de Susú et autres grisettes

La France, et notam­ment Paris, a été un réser­voir inépuis­able de femmes pour l’Argentine et notam­ment Buenos Aires. De beaux Argentins fai­saient de belles promess­es aux belles Français­es. Ces dernières, à la recherche du soleil (celui du dra­peau de Manuel Bel­gra­no ou tout sim­ple­ment celui du ciel aus­tral), font leur mai­gre bagage et se retrou­vent au sein du rêve portègne.
Las, là, les promess­es se changent en trahi­son et les belles, dans le meilleur des cas devi­en­nent « grisettes », à faire des œuvres de cou­ture, mais beau­coup se retrou­vent dans les bor­dels, à danser et à se livr­er à d’autres activ­ités usuelles dans ce genre d’endroit.
On imag­ine leur détresse. C’est ce qui est arrivé à la Susú de ce tan­go, comme à tant d’autres qui ont inspiré des dizaines de tan­gos émou­vants.
Le point orig­i­nal de ce tan­go est que le nar­ra­teur con­nais­sait et prob­a­ble­ment aimait (il s’interroge sur ce point) Susú à Paris et qu’il l’a suiv­ie quand elle est par­tie avec son « amour ».
Aujourd’hui, vingt ans et « un amour » plus tard, elle con­tin­ue de danser, mais elle qui se rêvait papil­lon, s’est brûlé les ailes à la chaleur de la lumière du pro­jecteur et pleure dans l’ombre du salon où s’écrit jour après jour son mal­heur.
Écou­tons à présent ce thème qui unit Paris et le Cono sur (le cône du Sud), par­tie inférieure et tri­an­gu­laire de l’Amérique latine.

Extrait musical

Bajo el cono azul 1944-02-29 (Tan­go) — Orques­ta Alfre­do De Ange­lis con Flo­re­al Ruiz y glosas de Nés­tor Rodi.
L’in­tro­duc­tion par­lée dure 13 sec­on­des…

Un cer­tain nom­bre de tan­gos ont été enreg­istrés avec des paroles dites, générale­ment en début de musique. C’est le cas de ce tan­go ou ces glosas dites par Nés­tor Rodi dévoilent la tristesse du thème.
La musique de De Ange­lis est ryth­mée et tonique et la voix de Flo­re­al Ruiz, est égale­ment bien mar­quée. Je ne sais pas si c’est pour cela qu’il a pris le surnom de Car­los Mar­tel. C’était peut-être aus­si en hom­mage au plus fameux des Car­los du tan­go.

Les paroles

Bajo el cono azul de luz
bai­lan­do está Susú
su dan­za noc­tur­nal…
Sola, en medio del salón
se oprime el corazón
cansa­da de su mal…
Veinte años y un amor,
y luego la traición
de aquel que amó en París…
¡Mari­posa que al quer­er lle­gar al sol
sólo encon­tró
la luz azul de un reflec­tor!…

Bajo el cono azul
envuelta en el tul
gira tu silue­ta en el salón.
Y yo, des­de aquí
como allá, en París,
Sueño igual que ayer, otra ilusión…
No sé si te amé…
Aca­so lloré
cuan­do te ale­jaste con tu amor…
¡Triste recor­dar!
¡Sigue tu dan­zar!…
Yo era sólo un pobre soñador…

Bajo el cono azul de luz
no baila ya Susú
su dan­za noc­tur­nal…
En las som­bras del salón
sol­loza un corazón
su mal sen­ti­men­tal…
Veinte años y un amor,
que en alas de ilusión
la tra­jo de París…
¡Mari­posa que al quer­er lle­gar al sol
sólo encon­tró
la luz de un reflec­tor! …

Alfre­do De Ange­lis Letra: Carme­lo Volpe. La par­tie en italique n’est pas chan­tée par Flo­re­al Ruiz. Il reprend pour ter­min­er le refrain à par­tir de No sé si te amé…

La traduction des paroles

Les paroles sont intéres­santes, mais sujettes à erreurs d’interprétation. J’ai donc décidé de faire une tra­duc­tion en français. Avec la tra­duc­tion automa­tique du site, vous l’aurez dans une éventuelle autre langue par­mi les 50 pos­si­bles.

Sous le cône de lumière bleu, Susu danse sa danse noc­turne…
Seule au milieu du salon, le cœur oppressé, fatiguée de son mal…
Vingt ans et un amour, et puis la trahi­son de celui qu’elle aimait à Paris…
Papil­lon qui veut attein­dre le soleil ne trou­ve que la lumière bleue d’un pro­jecteur !
(réflecteur, mais pour faire un cône de lumière il vaut mieux un pro­jecteur…)

Sous le cône bleu, envelop­pée de tulle, vire­volte ta sil­hou­ette dans le salon.
Et moi, depuis ici comme là-bas, à Paris, je rêve comme hier, une autre illu­sion…
Je ne sais pas si je t’aimais…
J’ai peut-être pleuré quand tu es par­tie avec ton amour…
Triste sou­venir !
Con­tin­ue de danser ! …
Je n’étais qu’un pau­vre rêveur…
 
Sous le cône de lumière bleu, Susu ne danse plus sa danse noc­turne…
Dans l’ombre du salon un cœur san­glote son mal d’amour…
Vingt ans et un amour, que sur les ailes de l’illusion il l’a amenée de Paris…
Papil­lon qui veut attein­dre le soleil ne ren­con­tre que la lumière d’un pro­jecteur ! …

Autres tangos enregistrés un 29 février

De Ange­lis a enreg­istré le même jour Ya sé que siguen hablan­do avec le chanteur Julio Mar­tel. Le même jour, Flo­re­al ne pou­vait donc pas pren­dre son pseu­do­nyme de Car­los Mar­tel, hein ?

Ya sé que siguen hablan­do 1944-02-29 — Alfre­do De Ange­lis con Julio Mar­tel. Enreg­istré le même jour que Bajo el Cono Azul.
Canaro 1956-02-29 — Florindo Sasone. Une ver­sion curieuse, à la fois pour le thème, enreg­istré pour la pre­mière par Canaro en 1915 (on n’est jamais si bien servi que par soi-même). C’est un mélange d’un des styles de Canaro et de Sasone, assez éton­nant.
Lagri­mas 1956-02-29 Florin­da Sasone. Enreg­istré le même jour, ce tan­go est plus dans l’esprit pur Sasone avec les dings si car­ac­téris­tiques qui ponctuent ses inter­pré­ta­tions.
De qué podemos hablar 1956-02-29 — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Argenti­no Ledes­ma. Ledes­ma, une des grandes voix du tan­go. Mais est-ce sa meilleure inter­pré­ta­tion, je ne suis pas sûr.
Mala yer­ba 1956-02-29 (Valse) — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Rodol­fo Galé. Enreg­istré le même jour que De qué podemos hablar. Cette valse n’est pas la plus entraî­nante, notam­ment à cause de la presta­tion de Galé, qui chante mag­nifique­ment, mais pas for­cé­ment idéale­ment pour la danse.
Sous le cône de lumière bleu, Susu ne danse plus sa danse noc­turne…
Dans l’ombre du salon un cœur san­glote son mal d’amour…

Aho­ra voy a tomar mate con yer­ba que no sea mala y con yuyos de sier­ras, y después a bailar el chamame qué estoy en la provin­cia de Cor­ri­entes. Qué la tris­teza se va.

Et main­tenant, je vais pren­dre un mate avec de la yer­ba qui ne soit pas mau­vaise et des herbes de mon­tagne. Ensuite, je vais danser le chamamé, car je suis dans la province de Cor­ri­entes, pour que la tristesse s’en aille.

El chamamé ya es Pat­ri­mo­nio Cul­tur­al Inma­te­r­i­al de la Humanidad [Le chamame est désor­mais au Pat­ri­moine Immatériel de l’Humanité (Unesco)]

Yuyo verde 1945-02-28 Orquesta Aníbal Troilo con Floreal Ruiz

Domin­go Fed­eri­co (Domin­go Ser­afín Fed­eri­co) Letra: Home­ro Aldo Expósi­to

Le tan­go du jour, Yuyo verde, a été enreg­istré le 28 févri­er 1945 par Aníbal Troi­lo et Flo­re­al Ruiz. C’est encore un mag­nifique thème écrit par l’équipe Fed­eri­co et Expósi­to, les auteurs de Per­cal. Le yuyo verde est une herbe verte qui peut être soit une mau­vaise herbe, soit une herbe médic­i­nale. Je vous laisse forg­er votre inter­pré­ta­tion à la lec­ture de cet arti­cle.

Extrait musical

Yuyo verde 1945-02-28 Orques­ta Aníbal Troi­lo con Flo­re­al Ruiz

Les paroles

Calle­jón… calle­jón…
lejano… lejano…
íbamos per­di­dos de la mano
bajo un cielo de ver­a­no
soñan­do en vano…
Un farol… un portón…
-igual que en un tan­go-
y los dos per­di­dos de la mano
bajo el cielo de ver­a­no
que par­tió…

Déjame que llore cruda­mente
con el llan­to viejo adiós…
adonde el calle­jón se pierde
brotó ese yuyo verde
del perdón…
Déjame que llore y te recuerde
-tren­zas que me anudan al portón-
De tu país ya no se vuelve
ni con el yuyo verde
del perdón…

¿Dónde estás?… ¿Dónde estás?…
¿Adónde te has ido?…
¿Dónde están las plumas de mi nido,
la emo­ción de haber vivi­do
y aquel car­iño?…
Un farol… un portón…
-igual que un tan­go-
y este llan­to mío entre mis manos
y ese cielo de ver­a­no
que par­tió…

Domin­go Fed­eri­co Letra: Home­ro Expósi­to

Traduction

Ruelle… ruelle…
loin­taine… loin­taine…
Nous étions per­dus main dans la main sous un ciel d’été rêvant en vain…
Un lam­padaire… un por­tail (une porte cochère)…
-Comme dans un tan­go-

et les deux, per­dus, main dans la main sous le ciel d’été qui s’en est allé…

Laisse-moi pleur­er mon soûl avec les larmes d’un vieil adieu…
Là où la ruelle se perd, cette herbe verte du par­don a ger­mé…
Laisse-moi pleur­er et me sou­venir de toi

-tress­es qui m’at­tachent à la porte-
De ton pays, on ne revient pas, pas même avec l’herbe verte du par­don…

Où es-tu ?… Où es-tu ?…
Où es-tu allée ?…
Où sont les plumes de mon nid, l’é­mo­tion d’avoir vécu une telle affec­tion ?…
Un lam­padaire… un por­tail…
-tout comme un tan­go-
et ces pleurs qui sont miens entre mes mains et ce ciel d’été qui s’en est allé…

Autres versions

Ce tan­go, mag­nifique a don­né lieu à des cen­taines de ver­sions.

Yuyo verde 1944-09-12 — Orques­ta Domin­go Fed­eri­co con Car­los Vidal. La ver­sion orig­i­nale par l’auteur de la musique. C’est une jolie ver­sion.
Yuyo verde (Calle­jón) 1945-01-24 — Orques­ta Rodol­fo Bia­gi con Jorge Ortiz. Un bia­gi typ­ique, bien énergique. À not­er le sous-titre, Calle­jón, la ruelle, qui com­mence les paroles en étant chan­tée deux fois.
Yuyo verde 1945-01-25 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Alber­to Morán. Une inter­pré­ta­tion de Morán un peu lar­moy­ante. Rien à voir avec la ver­sion enreg­istrée la veille par Bia­gi et Ortiz. La mer­veilleuse diver­sité des orchestres de l’âge d’or du tan­go.
Yuyo verde 1945-02-28 Orques­ta Aníbal Troi­lo con Flo­re­al Ruiz. C’est le tan­go du jour. Pour moi, c’est un des meilleurs équili­bres entre dans­abil­ité et sen­si­bil­ité.
Yuyo verde 1945-05-08 — Tania y su Orques­ta Típi­ca dir. Miguel Nijen­son. Si l’enregistrement de Troi­lo et Morán fai­sait un peu chan­son, cette inter­pré­ta­tion par Tania est claire­ment une chan­son. L’indication que c’est Tania et son orchestre, dirigé par Miguel Mijen­son con­firme que l’intention de Tania était bien d’en faire une chan­son.

Avec ces cinq ver­sions, on a donc une vision intéres­sante du poten­tiel de ce titre. En 1958, Fed­eri­co a enreg­istré de nou­veau ce titre, avec son Trío Salu­dos et les chanteurs Rubén Maciel et Rubén Sánchez. Je vous fais grâce de cette ver­sion kitch.
Comme il est l’auteur de la musique, je cit­erai aus­si son enreg­istrement réal­isé à Rosario avec la Orques­ta Juve­nil De La Uni­ver­si­dad Nacional De Rosario con Héc­tor Gatá­neo. J’ai déjà évo­qué ce chanteur et cet orchestre à pro­pos de Per­cal dont Fed­eri­co est égale­ment l’auteur.
Il y a des cen­taines d’interprétations par la suite, mais rel­a­tive­ment peu pour la danse. Les aspects chan­son ou musique clas­sique ont plutôt été les sources d’inspiration.
Pour ter­min­er cet arti­cle sur une note sym­pa­thique, une ver­sion en vidéo par un orchestre qui a cher­ché son style pro­pre, la Román­ti­ca Milonguera. Ici avec Rober­to Minon­di. Un enreg­istrement effec­tué en Uruguay, un des trois pays du tan­go ; en mars 2019.

Yuyo verde 2019-03 — Orques­ta Roman­ti­ca Milonguera con Rober­to Minon­di.

Clin d’œil

Un cuar­te­to organ­isé autour du gui­tariste Diego Tros­man et du bandéon­iste Fer­nan­do Magu­na avait pris le nom de Yuyo Verde en 2003. Ce cuar­te­to avait d’ailleurs par­ticipé en 2004 au fes­ti­val que j’organisais alors à Saint-Geniez d’Olt (Avey­ron, France). Ils nous avaient fait par­venir une maque­tte dont je tire cette superbe inter­pré­ta­tion de la milon­ga La Tram­pera. Ce n’est pas Yuyo Verde, mais c’est une com­po­si­tion d’Ani­bal Troi­lo, on reste dans le thème du jour.

La tram­pera 2004 — Yuyo Verde (Maque­tte)

Deux des affich­es que j’avais réal­isées pour mon fes­ti­val de tan­go. Le site inter­net était hébergé par mon site per­so de l’époque (byc.ch) et sur l’affiche de droite, les plus obser­va­teurs pour­ront remar­quer mon logo de l’époque. C’était il y a 20 ans…

Petite his­toire, ce fes­ti­val de tan­go qui existe tou­jours, avec d’autres organ­isa­teurs, avait au départ une par­tie sal­sa, car mon coor­gan­isa­teur croy­ait plutôt en cette danse. C’est la rai­son pour laque­lle j’avais don­né le nom de Tan­go lati­no (tan­go y lati­no), pour faire appa­raître ces deux facettes. La milon­ga du same­di soir était ani­mée par Yuyo Verde et Corine d’Alès, une pio­nnière du DJing de tan­go que je salue ici…

Por vos… Yo me rompo todo 1939-02-27 — Orquesta Francisco Canaro con Ernesto Famá

Francisco Canaro (Francisco Canarozzo) musique et paroles

Le tan­go d’aujourd’hui a été enreg­istré par Fran­cis­co Canaro avec le chanteur Ernesto Famá, le 27 févri­er 1939, il y a exacte­ment 85 ans. Mais je vous par­lerai aus­si de la ver­sion de son frère, Rafael, enreg­istrée la même année, en France et avec lui-même comme chanteur.

J’ai déjà cité deux Canaros, il s’agit en fait d’une famille de musi­ciens de tan­go que je vous invite à décou­vrir.

Les Canaros

De cette famille uruguayenne de musi­ciens, Fran­cis­co Canaro (Canaroz­zo) est sans doute le plus con­nu, mais il avait qua­tre frères musi­ciens de tan­go, Rafael, Hum­ber­to, Juan et Mario.

  • Fran­cis­co, l’aîné (26 novem­bre 1888 — 14 décem­bre 1964) était com­pos­i­teur, chef d’orchestre et vio­loniste.
  • Rafael (22 juin 1890 — 28 jan­vi­er 1972) était com­pos­i­teur, chef d’orchestre, con­tre­bassiste et joueur de scie musi­cale. Il a passé une douzaine d’années en France avant la Sec­onde Guerre mon­di­ale. Il a enreg­istré des tan­gos chan­tés en français, notam­ment avec Tou­s­saint.
  • Juan (23 juin 1892 — 16 mars 1977) était com­pos­i­teur, chef d’orchestre et ban­donéon­iste. Il est égale­ment passé par Paris, mais a beau­coup voy­agé et ne s’y est pas fixé.
  • Hum­ber­to (16 août 1896 — 26 août 1952) était com­pos­i­teur, chef d’orchestre et pianiste. Il n’est venu en France qu’après la Sec­onde Guerre mon­di­ale.
  • Mario (14 mai 1903 — 19 juin 1974) est le seul à être né en Argen­tine, à Buenos Aires et ne pas avoir été chef d’orchestre. En revanche, il était com­pos­i­teur, vio­loniste, ban­donéiste et con­tre­bassiste. Il ter­mi­na sa for­ma­tion musi­cale en France et en Bel­gique et res­ta à Paris, jusqu’en 1939, chas­sé, comme Rafael, par la guerre.

On con­stat­era que les frères Canaro pou­vaient à eux seuls faire un quin­tette de qual­ité. L’histoire des Canaro est égale­ment liée à la France. Ils ont per­mis au tan­go de se dévelop­per en rem­por­tant un immense suc­cès en Europe. Tous les frères y sont passés. Fran­cis­co y a fait plusieurs séjours et Rafael et Juan s’y sont étab­lis et n’en sont par­tis qu’à cause de la Sec­onde Guerre mon­di­ale.

Le titre du jour nous donne une preuve de l’internationalisme du tan­go, peut-être le même jour (il y a un petit doute entre le 26 et le 27 févri­er 1939, Fran­cis­co et Rafael enreg­is­traient Por vos… yo me rompo todo.

Le dialogue transatlantique

La ver­sion de Fran­cis­co a été enreg­istrée à Buenos Aires (matrice 9814–1) et dif­fusée par Odéon en Argen­tine et en Angleterre. Le chanteur en est Ernesto Famá dont la voix gouailleuse et un peu ironique con­vient bien au thème.

Rafael a, pour sa part, enreg­istré chez Colum­bia, en France (matrice CL 7130–1). C’est lui qui chante, ain­si que le chœur de ses instru­men­tistes qui rem­pren­nent les “ma chi­na” et le final, comme cela se fai­sait assez fréquem­ment à l’époque. À ce sujet, il y a deux jours, j’étais dans une milon­ga ani­mée par un quatuor (qui va prochaine­ment faire un tour en Europe) et où les musi­ciens fai­saient le chœur. Le résul­tat était mit­igé, car les voix étaient trop proches et désac­cordées. Pour moi, cela gâchait leur presta­tion musi­cale, car les qua­tre étaient d’excellents musi­ciens. Espérons que pour leur tournée en Europe ils vont aban­don­ner cette idée ou a min­i­ma ne laiss­er qu’un seul chanter ces brefs estri­bil­los pour ne pas atténuer le plaisir des danseurs.

Ver­sion Fran­cis­co dif­fusée en Argen­tine, au cen­tre, ver­sion Fran­cis­co éditée en Angleterre et à droite, la ver­sion de Rafael, éditée en France.

Extrait musical

Vous aurez le droit à deux pour le prix d’un.

Por vos… yo me rompo todo 1939-02-27 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Ernesto Famá
Por vos… yo me rompo todo 1939 — Orques­ta Rafael Canaro con Rafael Canaro y coro

Les paroles

Yo soy como el ave que can­ta y no llo­ra
Como la calan­dria, igual que un zorzal
Cuan­do can­to, can­to, cuan­do rio, rio
Cuan­do quiero, quiero con todo el corazón
Yo soy como el ave que can­ta y no llo­ra
Y bus­co un car­iño para mi pasión
Por vos yo me rompo todo
Mi chi­na
Por vos yo me juego entero
Mi vida
Por vos yo seré doc­tor, todo un gran señor
Rico y dis­tin­gui­do
Por vos yo seré ladrón, guapo y con padrón
Malo y atre­v­i­do
Por vos yo me rompo todo
Mi chi­na
Porque sos mi «mete­gol»

Fran­cis­co Canaro (Fran­cis­co Canaroz­zo) musique et paroles

Les paroles sont assez sim­ples et sans trop de sous-enten­dus qui les com­pliquent.
Voici, cepen­dant, quelques indi­ca­tions :

Je suis comme l’oiseau qui chante et ne pleure pas
La cal­en­dria (Mimus sat­urn­i­nus, espèce d’alouette) est un oiseau chanteur, très com­mun à Buenos Aires.
Le zorzal (tur­dus rufiven­tris, mer­le à ven­tre roux) est un autre oiseau chanteur. C’était aus­si le surnom de Car­los Gardel, référence en matière d e chant en Argen­tine…

Por vos yo me rompo todo […] Por vos yo me juego entero
Plusieurs inter­pré­ta­tions sont pos­si­bles, mais on pour­rait traduire par il se met en qua­tre, en risque, en jeu.

Mi chi­na
La chi­na est une femme de con­di­tion mod­este, de la cam­pagne, ou d’origine indi­enne, mais c’est aus­si un terme affectueux. Cela peut aus­si être un canif qui se dit « cor­ta­plumas » selon le dic­tio­n­naire lun­far­do de Dellepi­ane, ce qui prend sa saveur quand il se désigne comme étant un oiseau. Dans le cas présent, il est prob­a­ble que ma chérie serait une tra­duc­tion val­able, comme le con­firme l’expression Mi vida util­isée ensuite.

Il est vrai­ment prêt à tout, doc­teur, grand seigneur ou voleur, courageux, avec un casi­er judi­ci­aire. Riche et dis­tin­gué dans le pre­mier cas, mau­vais et auda­cieux dans le sec­ond.

Sos mi «mete­gol»

Un méte­gol, c’est un baby-foot (mar­quer un but). Le fait qu’il com­pare sa chi­na (chérie) à un baby-foot peut sem­bler étrange. Peut-être est-ce la preuve de la pas­sion des Argentins pour le foot et ce jeu. S’il aime cette femme autant que le baby-foot, c’est que c’est du sérieux. C’est peut-être moins glo­rieux s’il se réfère qu’il l’a à sa main et qu’il peut la manip­uler comme les per­son­nages du jeu.
La preuve que cet engoue­ment con­tin­ue, en 2013, ils ont réal­isé un film d’animation en 3D qui s’appelle Mete­gol… Le héros du film, Amadeo, est un pas­sion­né de foot­ball. Au point qu’il passe la ses journées, à jouer au baby-foot. Mais après qu’il eut bat­tu le caïd du coin, ce dernier le met au défi de jouer dans un véri­ta­ble match de foot­ball. Les per­son­nages du baby­foot vien­dront prêter main-forte à Amadeo. Au-delà, cet argu­ment se joue la lutte du passé et du futur. Le caïd, Grosso, veut ras­er la ville pour con­stru­ire un immense stade de foot­ball. Tous les ingré­di­ents de l’Argentine actuelle sont dans ce scé­nario, non ?

Mete­gol est un film argentin et espag­nol d’animation en 3D. Il a été dirigé par Juan José Cam­panel­la et est inspiré du con­te « Memo­rias de un wing dere­cho » de l’écrivain argentin Rober­to Fonta­nar­rosa

GOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOLLLLL
(BUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUTTTT)

Tu es mon baby-foot…

Fuegos artificiales 1941-02-26 (Tango) — Orquesta Juan D’Arienzo

Rober­to Fir­po ; Eduar­do Aro­las

Le tan­go d’aujourd’hui a été enreg­istré par Juan D’Arienzo, le 26 févri­er 1941, il y a exacte­ment 83 ans. Los fue­gos arti­fi­ciales sont les feux d’artifice. Nous ver­rons dans cet arti­cle qu’on peut les voir réelle­ment dans la musique.

Ceux qui con­nais­sent un peu l’Argentine savent qu’ils sont fans d’expériences pyrotech­niques. Cepen­dant, con­traire­ment à la France, ce ne sont pas les com­munes qui les pro­posent, ce sont les Argentins eux-mêmes qui rivalisent avec leurs voisins pour pro­pos­er le plus beau spec­ta­cle. Rober­to Fir­po et Eduar­do Aro­las se sont donc inspirés de ces feux d’artifice pour pro­pos­er un tan­go descrip­tif où se voient et s’entendent les fusées.

Roberto Firpo

Rober­to Fir­po, un des auteurs de cette musique, a sou­vent com­posé des tan­gos imagés, c’est-à-dire où la musique cherche à imiter des sons de la vie réelle. On con­naît, par exem­ple :
El amanecer (l’aube) avec ses oiseaux qui accueil­lent le soleil ; El bur­ri­to (l’âne) un pasodoble où on entend quelques facéties d’un âne ; El rápi­do (tan­go) imi­ta­tion du train avec dans cer­taines ver­sions des annonces du type (sec­ond ser­vice du restau­rant). Bia­gi et Piaz­zol­la par exem­ple, reprend ce thème de façon plus musi­cale, pour la danse dans le cas de Bia­gi et pour l’écoute en ce qui con­cerne Piaz­zol­la, mais dans tous les cas on recon­naît bien le train ; La car­ca­ja­da le rire.

Fue­gos arti­fi­ciales est donc dans cette lignée et il n’est pas dif­fi­cile d’imaginer la tra­jec­toire des cohetes (fusées) en écoutant les dif­férentes ver­sions de cette œuvre.

Rober­to Fir­po a com­posé énor­mé­ment. Il n’est pas un chef d’orchestre de pre­mier plan, mais tous les danseurs de tan­go ont dan­sé, par­fois sans le savoir, bon nom­bre de ses créa­tions inter­prétées par d’autres orchestres.
En plus d’El amanecer, on pour­rait citer, Alma de bohemio dont il existe des dizaines de ver­sions, dont celle très excep­tion­nelle de Pedro Lau­renz chan­tée par Alber­to Podestá qui tient la note pen­dant une durée incroy­able, Argañaraz (Aque­l­las far­ras), Didi, El apronte ou Viviani.

Extrait musical

Fue­gos arti­fi­ciales 1941-02-26 — Orques­ta Juan D’Arienzo.mp3. C’est le pre­mier enreg­istrement de ce thème par D’Arienzo et celui qui fait l’objet de cet arti­cle.

Les paroles… la musique en images

Comme il s’agit d’un tan­go instru­men­tal et que per­son­ne n’a eu l’idée d’y met­tre des paroles. Je vous pro­pose de voir les fusées du feu d’artifice dans la musique.
En effet, pour tra­vailler la musique, les logi­ciels spé­cial­isés pro­posent dif­férents out­ils. Un que j’aime bien est la représen­ta­tion de la fréquence spec­trale.
Le principe est sim­ple. Plus un son est grave et plus il est représen­té en bas du spec­tro­gramme. Mais ici, ce n’est pas la tech­nique qui nous intéresse, mais ce qu’on peut voir avec cet out­il. Nous allons voir trois ver­sions. Celle de Fir­po (le com­pos­i­teur) en 1927, puis en 1928 et enfin celle qui fait l’objet de la com­po­si­tion du jour, celle de D’Arienzo de 1941.

Spec­tro­gramme de la ver­sion de 1927 de Fir­po. Observez les lignes obliques qui indiquent, de gauche à droite, une descente chro­ma­tique, une remon­tée chro­ma­tique (on dirait un V, vis­i­ble dans la pre­mière moitié) puis une descente vers le spec­tre grave vibrée dans la sec­onde moitié. Ce sont les fusées du feu d’artifice qui mon­tent et descen­dent.
Fue­gos arti­fi­ciales 1927-11-04 — Orques­ta Rober­to Fir­po. La par­tie cor­re­spon­dant à l’image ci-dessus se trou­ve entre 1 h 28 et 1 h 36.
Ver­sion de 1928 de Fir­po. Elle est sen­si­ble­ment dif­férente de celle de 1927. La mon­tée chro­ma­tique est effec­tuée par tout l’orchestre et la descente par les seuls vio­lons. Le motif en V de la ver­sion de 1927 a dis­paru, cer­tains élé­ments de la descente chro­ma­tique qui précé­dait se retrou­vent désor­mais dans la mon­tée, beau­coup plus puis­sante et par con­séquent presque invis­i­bles.
Fue­gos arti­fi­ciales 1928-05-28 — Orques­ta Rober­to Fir­po. La par­tie cor­re­spon­dant à l’image ci-dessus se trou­ve entre 1 h 25 et 1 h 35. C’est la même que dans la ver­sion 1927.
La même par­tie de la musique, mais d’un aspect totale­ment dif­férent. Les mon­tées et descentes se font en escalier. Les glis­san­dos de vio­lons ont dis­paru.
Fue­gos arti­fi­ciales 1941-02-26 — Orques­ta Juan D’Arienzo. Dans le même pas­sage (1 : 29, à 1 : 36) les glis­san­dos des vio­lons ont dis­paru. Les notes en marche d’escalier sont typ­iques de D’Arienzo.
Tout l’orchestre et notam­ment les ban­donéons et le piano mon­tent chro­ma­tique­ment par sac­cades, puis le piano en solo entame une descente chro­ma­tique qu’il enchaîne avec une remon­tée, accom­pa­g­né par l’orchestre.

Le motif est donc très dif­férent de celui de Fir­po et ne sug­gère que loin­taine­ment le feu d’artifice.

Pour le retrou­ver, il faut choisir un autre pas­sage.

Ici, c’est le début de la ver­sion de D’Arienzo, dans une par­tie dif­férente. À gauche, une mon­tée chro­ma­tique sac­cadée au piano, suivi d’un silence (zone som­bre au milieu). Ce silence accueille des coups fer­mes du ban­donéon, puis enfin, une nou­velle mon­tée chro­ma­tique, cette fois en glis­san­do par les vio­lons. C’est une évo­ca­tion de la mon­tée des fusées.

Mais là, on est loin de la descrip­tion des ver­sions de Fir­po. Même la mon­tée chro­ma­tique des cordes est courte et peu expres­sive, comme si D’Arienzo voulait faire oubli­er qu’il s’agissait d’un feu d’artifice. En effet, il en fait une pièce instru­men­tale, beau­coup moins imagée.
Cepen­dant, D’Arienzo n’a pas hésité à faire quelques tan­gos imagés, comme El Hipo où Echagüe a le hoquet (hipo), accom­pa­g­né par de courts glis­san­dos de vio­lon, mais ce n’est pas le meilleur de sa pro­duc­tion…

En obser­vant les spec­tro­grammes, on peut tir­er des idées sur la façon dont le musi­cien organ­ise sa musique et sa com­po­si­tion.

Les enregistrements de Fuegos artificiales

Par Juan D’Arienzo

D’Arienzo a enreg­istré à deux repris­es ce titre. . C’est la ver­sion pro­posée d’aujourd’hui.

Fue­gos arti­fi­ciales 1941-02-26 — Orques­ta Juan D’Arienzo.
Fue­gos arti­fi­ciales 1946 — Orques­ta Juan D’Arienzo. Une ver­sion plus rare. La prise de son un peu brouil­lonne rend la danse moins intéres­sante. Cette ver­sion ne man­quera donc pas en milon­ga.

On trou­ve deux ou trois autres enreg­istrements sou­vent attribués à d’Arienzo, mais ils ont été réal­isés après la mort de celui-ci. Ce sont les mêmes musi­ciens qui ont repris les thèmes sous la direc­tion du bandéon­iste arrangeur de D’Arienzo, Car­los Laz­zari. On peut donc presque con­sid­ér­er que c’est du D’Arienzo tardif. Le plus ancien est de 1977, un autre a été enreg­istré au Japon, mais est qua­si­ment iden­tique à celui de 1987 que je pro­pose ici :

Fue­gos Arti­fi­ciales 1987 — Los Solis­tas de D’Arienzo dir. Car­los Laz­zari.

Par d’autres orchestres

Fue­gos arti­fi­ciales 1927-11-04 — Orques­ta Rober­to Fir­po. C’est le plus ancien enreg­istrement, par l’auteur de la par­ti­tion. Une ver­sion bien canyengue, mais très expres­sive et descrip­tive. On aimerait sans doute un peu plus de vitesse pour ren­dre le spec­ta­cle plus dynamique. Nous en avons par­lé ci-dessus.
Fue­gos arti­fi­ciales 1928-05-28 — Orques­ta Rober­to Fir­po. Fir­po s’est ren­du compte qu’il pou­vait accélér­er son titre. Elle a égale­ment été présen­tée visuelle­ment ci-dessus.
Fue­gos arti­fi­ciales 1945-05-29 — Orques­ta Aníbal Troi­lo. Comme dans la ver­sion de 1941 de DArien­zo, la par­tie descrip­tive est atténuée. Con­traire­ment à D’Arienzo, la musique est plus coulée, sans les sac­cades et on a un peu l’impression de voir les explo­sions de lumière au loin, les instru­ments se mêlant comme se mêlent les étoiles d’un feu d’artifice. C’est une très belle ver­sion alter­nant les moments de ten­sion et ceux de relâche­ment, mais avec un enchaîne­ment, sans rup­ture. La musique est plus coulée. Pour la danse, cela peut man­quer un peu de clarté pour des danseurs qui ne maîtrisent pas les sub­til­ités de Troi­lo, mais ils pour­ront se rac­crocher à la mar­ca­tion la plu­part du temps bien présente.

En 1952, Troi­lo enreg­istr­era une autre ver­sion bien plus spec­tac­u­laire et évo­quant les prémices du tan­go nue­vo.

Fue­gos arti­fi­ciales 1952 — Orques­ta Aníbal Troi­lo. Ver­sion plus spec­tac­u­laire que celle de 1945, annonçant les futurs suc­cès de Troi­lo vers le tan­go dit nue­vo.

On pour­rait mul­ti­pli­er les exem­ples, mais main­tenant vous saurez être atten­tifs aux élé­ments de feu d’artifice, par exem­ple chez Dona­to, Varela ou De Ange­lis qui en ont tiré égale­ment des ver­sions intéres­santes.

Feux d’artifice et pau­vreté, mis­ère et arti­fices.

Percal 1943-02-25 (Tango) — Orquesta Miguel Caló con Alberto Podestá

Domin­go Fed­eri­co (Domin­go Ser­afín Fed­eri­co) Letra: Home­ro Aldo Expósi­to

Ne me dites pas que la voix chaude d’Alberto Podestá quand il lance le pre­mier « Per­cal » ne vous émeut pas, je ne vous croirais pas. Mais avant le thème créé par Domin­go Fed­eri­co et magis­trale­ment pro­posé par l’orchestre de Caló a instau­ré une ambiance de mys­tère.

Je ne sais pas pourquoi, mais les pre­mières notes m’ont tou­jours fait penser aux mille et une nuit. L’évocation de la per­cale qui est un tis­su de qual­ité en France pour­rait ren­forcer cette impres­sion de luxe.
Cepen­dant, le per­cal qui est mas­culin en espag­nol, est une étoffe mod­este des­tinée aux femmes pau­vres. Vous le décou­vrirez plus large­ment avec les paroles, ci-dessous.

Podestá a com­mencé à chanter pour Caló à 15 ans. Il a passé une audi­tion dans l’après-midi et le soir-même il com­mençait avec l’orchestre. Miguel Caló savait décel­er les tal­ents…

Extrait musical

Qué tiem­po aquel 1938-02-24 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to con Jorge Omar

Les paroles

Per­cal…
¿Te acuer­das del per­cal?
Tenías quince abriles,
Anh­e­los de sufrir y amar,
De ir al cen­tro, tri­un­far
Y olvi­dar el per­cal.
Per­cal…
Camino del per­cal,
Te fuiste de tu casa…
Tal vez nos enter­amos mal.
Solo sé que al final
Te olvi­daste el per­cal.

La juven­tud se fue…
Tu casa ya no está…
Y en el ayer tira­dos
Se han queda­do
Aco­bar­da­dos
Tu per­cal y mi pasa­do.
La juven­tud se fue…
Yo ya no espero más…
Mejor dejar per­di­dos
Los anh­e­los que no han sido
Y el vesti­do de per­cal.

Llo­rar…
¿Por qué vas a llo­rar?…
¿Aca­so no has vivi­do,
Aca­so no aprendiste a amar,
A sufrir, a esper­ar,
Y tam­bién a callar?
Per­cal…
Son cosas del per­cal…
Saber que estás sufrien­do
Saber que sufrirás aún más
Y saber que al final
No olvi­daste el per­cal.
Per­cal…
Tris­tezas del per­cal.

Domin­go Fed­eri­co (Domin­go Ser­afín Fed­eri­co) Letra: Home­ro Aldo Expósi­to

Parlons chiffons

Per­cal est men­tion­né sept fois dans les paroles de ce tan­go d’Home­ro Expósi­to. Il est donc très impor­tant de ne pas faire un con­tre­sens sur la sig­ni­fi­ca­tion de ce mot.
Wikipé­dia nous dit que : « La per­cale est un tis­su de coton de qual­ité supérieure fait de fil fin ser­ré à plat. Elle est appré­ciée en literie pour son touch­er lisse, doux, et sa résis­tance ».
Vous aurez com­pris qu’il ne faut pas en rester là, car une fois de plus, c’est le lun­far­do, l’argot argentin qu’il faut inter­roger pour com­pren­dre.
En lun­far­do, il s’agit d’un tis­su de coton util­isé pour les robes des femmes de con­di­tion mod­este. On retrou­ve dans cette déri­va­tion du mot en lun­far­do, la déri­sion de la mode de la haute société qui se piquait d’être à la française. Nom­mer une toile mod­este du nom d’une toile pres­tigieuse était une façon de se moquer de sa con­di­tion de mis­ère.
En français, on dirait donc plutôt « cal­i­cot » que per­cale pour ce type de tis­su de basse qual­ité.
Voici ce qu’a écrit Athos Espín­dola dans son « Dic­cionario del lun­far­do » :

Per­cal. l. p. Tela de mod­es­ta cal­i­dad que se emplea­ba para vesti­dos de mujer, la más común entre la gente humilde. Fue lle­va­da por el can­to, la poesía y el teatro pop­u­lares a con­ver­tirse en sím­bo­lo de sen­cillez y pureza que rep­re­senta­ba a la mujer de bar­rio entre­ga­da a su hog­ar y a la obr­era que sucum­bía doce horas diarias en el taller de plan­cha­do o en la fábri­ca para lle­var unos míseros pesos a la pobreza de su famil­ia. A esa que luego, a la tardecita, salía con su vesti­do de per­cal a la puer­ta de su casa a echar a volar sueños e ilu­siones. Pero tam­bién fue sím­bo­lo dis­crim­i­na­to­rio prop­i­cio para que las grandes seño­ras de seda y de petit-gris tuvier­an otro moti­vo descal­i­fi­ca­to­rio para esa pobreza ofen­si­va e insul­tante que, afor­tu­nada­mente, esta­ba tan allá, en aque­l­los bar­rios adonde no alcan­z­a­ban sus miradas. ¿Cómo iba a deten­erse a con­ver­sar con una mujer que viste de per­cal?

Athos Espín­dola, Dic­cionario del lun­far­do

Ce tan­go évoque donc la malé­dic­tion de celles qui sont nées pau­vres et qui ne sor­tiront pas de l’univers des tis­sus de basse qual­ité, con­traire­ment à celles qui vivent dans la soie et le petit-gris.
Pour infor­ma­tion, le petit-gris est appar­en­té au vair des chaus­sures de Cen­drillon, le vair étant une four­rure à base de peaux d’écureuils. Le petit-gris, c’est pire dans le domaine de la cru­auté, car il faut le dou­ble d’écureuils. Au lieu d’utiliser le dos et le ven­tre, on n’utilise que le dos des écureuils pour avoir une four­rure de couleur unie et non pas en dami­er comme le vair.

Tenías quince abriles, en français on emploi sou­vent l’expression avoir quinze print­emps pour dire quinze ans. En Argen­tine, les quinze ans sont un âge tout par­ti­c­uli­er pour les femmes. Les familles mod­estes s’endettent pour offrir une robe de fête pour leur fille, pour cet anniver­saire le plus spec­tac­u­laire de leur vie. Le fait que la robe de la chan­son soit dans un tis­sus hum­ble, accentue l’idée de pau­vreté.
Il existe d’ailleurs des valses de quinz­ième anniver­saire et pas pour les autres années.
Dans les milon­gas, la tra­di­tion de fêter les anniver­saires en valse vient de là.

El vals de los quince años pour l’an­niver­saire de Quique Camar­go par Los Reyes del Tan­go.
Milon­ga Camar­go Tan­go — El Beso — Buenos Aires — 2024-02-17. .
Parole et musique Agustín Car­los Minot­ti.
Grabación DJ BYC Bernar­do

Les enregistrements de Percal

Per­cal 1943-02-25 — Orques­ta Miguel Caló con Alber­to Podestá. C’est le tan­go du jour.
Per­cal 1943-03-25 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Fran­cis­co Fiorenti­no.

Enreg­istrée un mois, jour pour jour après celle de Calo, cette ver­sion est superbe. Cepen­dant, il me sem­ble que la voix de Fiorenti­no et en par­ti­c­uli­er sa pre­mière attaque de « Per­cal » sont en deçà de ce qu’ont pro­posé Caló et Podestá. Mais bien sûr, ce titre est égale­ment mer­veilleux à danser.

Per­cal 1943-05-13 Hugo Del Car­ril accom­pa­g­né par Tito Ribero.

Cette chan­son, ce n’est pas un tan­go de danse, com­mence avec une musique très par­ti­c­ulière et Hugo Del Car­ril démarre très rapi­de­ment (nor­mal, c’est une chan­son) le thème d’une voix très chaude et vibrante.

Per­cal 1947 ou 1948 — Fran­cis­co González et son Orchestre typ­ique argentin con Rober­to Rodríguez.

Je n’ai pas cette musique dans ma col­lec­tion. Le cat­a­logue de la Bib­lio­thèque nationale de France (Notice FRBNF38023941) l’indique de 1948 sous la bonne référence du disque : Selmer ST3003. La bible Tan­go l’indique de 1947 et avec le numéro de matrice 3728.

Per­cal 1952-08-25 — Orques­ta Domin­go Fed­eri­co con Arman­do Moreno et réc­i­tatif por Julia de Alba.

Il est intéres­sant d’écouter cette ver­sion enreg­istrée par l’auteur de la musique, même si c’est plus tardif. En plus des paroles chan­tées par Arman­do Moreno, il y a un réc­i­tatif dit par Julia de Alba, une célébrité de la radio. Son inter­ven­tion ren­force le thème du tan­go en évo­quant le chemin de per­cale, la des­tinée que lui prédi­s­ait sa mère et qui s’est avérée la réal­ité. Elle l’a com­pris plus tard, pleu­rant les bais­ers de sa mère qui ne peut plus l’embrasser.

Per­cal 1969 — Orques­ta Domin­go Fed­eri­co con Car­los Vidal.
Per­cal 1969-09-24 — Domin­go Fed­eri­co (ban­donéon) Oscar Bron­del (gui­tare) con Rubén Maciel.

La par­tic­u­lar­ité de cet enreg­istrement est qu’il est chan­té en esperan­to par Rubén Maciel. Fed­eri­co était un mil­i­tant de l’esperanto, ce lan­gage des­tin­er à unir les hommes dans une grande fra­ter­nité. Le même jour, ils ont aus­si enreg­istré une ver­sion de la cumpar­si­ta, tou­jours en esperan­to.

Per­cal 1990-12 — Orques­ta Juve­nil de Tan­go de la U.N.R. dir Domin­go Fed­eri­co con Héc­tor Gatá­neo.

Vous pou­vez acheter ce titre ou tout l’album sur Band­Camp, y com­pris dans des for­mats sans perte (ALAC, FLAC…). Pour mémoire, les fichiers que je pro­pose ici sont en très basse qual­ité pour être autorisé sur le serveur (lim­ite 1 Mo par fichi­er).

Autre titre enregistré un 25 février

Ya sale el tren 1943-02-25 — Orques­ta Miguel Caló con Jorge Ortiz. Musique et paroles de Luis Rubis­tein.

Ce tan­go a été enreg­istré le même jour que Per­cal, mais avec un chanteur dif­férent, Jorge Ortiz. On entend la cloche du train au début.

Ya sale el tren 1943-02-25 — Orques­ta Miguel Caló con Jorge Ortiz. Musique et paroles de Luis Rubis­tein. Ce tan­go a été enreg­istré le même jour que Per­cal, mais avec un chanteur dif­férent, Jorge Ortiz. On entend la cloche du train au début.

Qué tiempo aquel 1938-02-24 (Milonga) — Orquesta Francisco Lomuto con Jorge Omar

Francisco Lomuto Letra: Celedonio Esteban Flores

Fran­cis­co Lomu­to et Jorge Omar vous pro­posent la milon­ga du jour. Ce titre agréable à danser nous per­met de nous intéress­er à la mode mas­cu­line et au bil­lard. Des sou­venirs du bon vieux temps dis­paru (Qué tiem­po aquel que no podremos ver más).

Cette milon­ga, une de plus, décrit un indi­vidu ama­teur de bil­lard, sa tenue et sa façon de déam­buler. C’est en somme un por­trait qui peut se danser de façon amu­sante. Tous les instru­ments jouent en appuyant la ryth­mique, ce qui est bien dans le style de Lomu­to, la plu­part du temps inspiré du canyengue. Jorge Omar s’inscrit dans cette puis­sante présence du rythme, tout en en usant de sa dic­tion par­faite pour met­tre en valeur les syn­copes de la par­ti­tion. Quelques excur­sions du piano illu­mi­nent la musique C’est le seul instru­ment qui sem­ble s’échapper de la machine pour pro­pos­er quelques fior­i­t­ures qui allè­gent le résul­tat et offrent aux danseurs qui savent les saisir, des élé­ments ludiques.

Vous reprendrez bien un peu de homard Omar ?

s reprendrez bien un peu de homard Omar ?

Hier, j’évoquais, Nel­ly Omar, la muse d’Homero (encore Omar) et aujourd’hui, le chanteur en vedette est Jorge Omar. Seraient-ils de la même famille, frère et sœur, mari et femme ?

Que nen­ni. Mais ils sont d’autres points com­muns. Ils sont nés tous les deux en 1911, le 10 d’un mois, à Buenos Aires ou dans la province éponyme, sont chanteurs de tan­go et ont été au fir­ma­ment dans les années 30–40. Mais leurs iden­tités réelles lèvent les doutes :

  • Nil­da Elvi­ra Vat­tuone = Nel­ly Omar 1911-09-10
  • Juan Manuel Ormaechea = Jorge Omar 1911-03-10

Je vais donc me con­tenter de par­ler de Jorge, le chanteur héros du jour.

Sa car­rière est essen­tielle­ment asso­ciée à Fran­cis­co Lomu­to. Lorsqu’il a quit­té cet orchestre, en 1943, il a repris une car­rière de chanteur soliste, mais sans le suc­cès qu’il méri­tait. Pour moi, il a don­né un peu d’âme à l’orchestre de Lomu­to avec sa dic­tion par­faite et son expres­siv­ité.

Francisco Lomuto

Né en 1893, Fran­ci­co Lomu­to est un ancien du tan­go. Il fait par­tie d’une famille de musi­ciens. Son père, Víc­tor Lomu­to était vio­loniste et sa mère Ros­alía Nar­duc­ci, pianiste. Par­mi ses 9 frères et sœurs, plusieurs con­tribuèrent au tan­go.
Vic­tor, qu’il ne faut pas con­fon­dre avec son père qui porte le même prénom était ban­donéiste et a passé une par­tie impor­tante de sa vie en France, notam­ment avec l’orchestre de Manuel Pizarro.
Héc­tor Anto­nio, pianiste (jazz) et com­pos­i­teur. Il est l’auteur de rancheras, pasodobles et fox­trots, mais aus­si du tan­go Yo seré como tú quieras et de la superbe valse El día que te fuiste.
Enrique, pianiste (tan­go), chef d’orchestre et com­pos­i­teur. Par­mi ses com­po­si­tions, les très beaux tan­gos Bésame mi amor ou Éramos tres.
Oscar (Pas­cual Tomás) était pour sa part écrivain et jour­nal­iste et a écrit les paroles de quelques tan­gos comme Nun­ca más dont l’interprétation par Mau­re avec l’orchestre de D’Arienzo est une mer­veille.

Francisco himself

Pour revenir à Fran­cis­co, l’auteur de la musique et le chef d’orchestre du tan­go du jour, la milon­ga Qué tiem­po aquel, il est un des élé­ments de ce qu’il est con­venu d’appeler la Guardia Vie­ja (La vieille garde).
La ren­con­tre de Fran­cis­co Lomu­to et Jorge Omar a mar­qué un tour­nant dans le style de l’orchestre. Pro­gres­sive­ment en 1935 et surtout en 1936, avec l’arrivée de Martín Dar­ré en rem­place­ment de Daniel Alvarez comme pre­mier primer ban­donéon et arrangeur, son style se mod­ernise avec des chefs d’œuvres comme Nos­tal­gias ou Otra vez.
Sur la fin de sa car­rière, son style s’est encore adap­té, notam­ment avec la par­tic­i­pa­tion d’Angel Var­gas. On notera toute­fois que la majorité de ses ultimes enreg­istrements con­cer­nent du jazz argentin. Encore un témoignage du déclin du tan­go de danse dans les années 50.
Mais dans l’ensemble, il restera fidèle à son esprit « vieille garde » comme en témoigne Cal­lecita de mi novia enreg­istré le même jour que la milon­ga dont nous par­lons aujourd’hui.

Nos­tal­gias 1936-10-28 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to con Jorge Omar. Un titre superbe dans un style rel­a­tive­ment dif­férent du Lomu­to habituel.
Cal­lecita de mi novia 1938-02-24 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to con Jorge Omar. Le style très imprégné de canyengue per­siste dans cet enreg­istrement.

Ce style au rythme très mar­qué plait beau­coup aux ama­teurs d’encuentro, sans doute moins aux danseurs qui aiment impro­vis­er. Il faut de tout pour faire un monde et un DJ avisé saura sor­tir en temps utile un bon Lomu­to.

Extrait musical

Qué tiem­po aquel 1938-02-24 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to con Jorge Omar

Les paroles

Un « taco » va con som­brero
Requin­ta­do de ala cor­ta,
Un gesto de “qué me impor­ta”
Sobrador y pen­denciero.

Pan­talón “a la france­sa”
A cuadri­tos de fra­gacha,
Que iba pidién­dole can­cha
Al bar­ro del arra­bal.

Qué tiem­po aquel que no podremos ver más
Que si se fue, no volverá,
Qué tiem­po aquel de nues­tra vie­ja ciu­dad
El del matón del arra­bal,
Que la bia­ba del pro­gre­so,
Igual que a cin­co de que­so
Me lo han deja­do,
Y hoy se pierde lenta­mente,
Como el sol en el poniente
Triste y der­ro­ta­do.

Fran­cis­co Lomu­to Letra: Cele­do­nio Este­ban Flo­res

Les paroles sont assez sim­ples à com­pren­dre. Il y a toute­fois quelques élé­ments qui peu­vent mérit­er une expli­ca­tion.
Taco : C’est à la fois la queue du bil­lard et un bon joueur de bil­lard. Rien à voir avec les talons dans le cas présent, si ce n’est le « tac », le son du talon au sol ou des boules qui s’entrechoquent.

Pan­talón « a la france­sa » : on retrou­ve ce pan­talon à la française dans au moins trois milon­gas. Celle qui nous occupe aujourd’hui, mais aus­si dans De antaño une milon­ga écrite par Luis Rubis­tein (Juan D’Arienzo avec Alber­to Echagüe, 1939-09-27) et dans Pan­talon « a la france­sa » écrite par Luisa Rosa González sur une musique de Severo Vietri.
Vous n’avez sans doute pas enten­du par­ler de Vietri. Je vous invite à con­sul­ter le blog du regret­té Aldo Caseros pour mieux con­naître ce ban­donéon­iste et com­pos­i­teur.
Le pan­talon à la française est un pan­talon large (plus con­fort­able avec les tis­sus rigides, sans élasthanne, de l’époque) et resser­ré à la cheville. C’est un peu le type bom­bacha campesina, le mod­èle moins exagéré que la bom­bacha des danseurs pro­fes­sion­nels de malam­bo et qui se vend tou­jours comme vête­ment de tra­vail.
Beau­coup de danseurs de tan­go actuels adoptent ce type de pan­talons amples avec cinq pinces, mais qui sont dif­férents à la base.
Je n’ai en revanche pas d’explication pour les cuadri­tos de fra­gacha. Sans doute un motif de tis­sus quadrillé (espag­nol ?) ou des pièces des­tinées à répar­er les accrocs.
Que iba pidién­dole cancha/Al bar­ro del arra­bal. Marcher en se frayant un pas­sage avec autorité, ici à la fange des faubourgs. On imag­ine bien le type marcher, chargé de son « impor­tance ».
Que la bia­ba del pro­gre­so. Qui l’assomme avec le pro­grès. Bia­ba est pour moi au sens fig­uré, le tueur évo­qué au vers précé­dent est égale­ment fig­uré.
Igual que a cin­co de que­so. L’expression usuelle est dejar cha­to como cin­co de que­so. C’est-à-dire qu’il laisse l’autre inter­dit, sans voix. Mon inter­pré­ta­tion de ce pas­sage est que le pas­sage et le ver­biage de cet indi­vidu devaient estom­a­quer les gens, les laiss­er comme « deux ronds de flan ».

Les enregistrements de Qué tiempo aquel

Il n’y en a pas d’autres à ma con­nais­sance. C’est une milon­ga orphe­line.
En revanche, Lomu­to a enreg­istré quelques autres milon­gas comme :

  • Aquí me pon­go a can­tar 1945-08-08 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to con Alber­to Rivera
  • No hay tier­ra como la mía 1939-08-08 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to con Fer­nan­do Díaz
  • Par­que Patri­cios 1941-06-27 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to con Fer­nan­do Díaz
  • Et des milon­gas can­dombe. Lomu­to est un assez bon choix pour une tan­da de milon­ga.

Autres titres enregistrés un 24 février

Il y plusieurs autres titres enreg­istrés un 24 févri­er de Glo­ria de Canaro 1927-02-24, bien canyengue à Y te parece todavía 1959-02-24 — Orques­ta Héc­tor Varela con Arman­do Labor­de. Ce sera pour des 24 févri­er des années à venir, mais en atten­dant, écoutez ces deux titres, extrêmes qui témoignent de la richesse du tan­go, aux lim­ites de son réper­toire tra­di­tion­nel.

Glo­ria 1927-02-24 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro
Y te parece todavía 1959-02-24 — Orques­ta Héc­tor Varela con Arman­do Labor­de
Un « taco » pen­sant au temps qui a dis­paru…

Sur 1948-02-23 — Orquesta Aníbal Troilo con Edmundo Rivero

Aníbal Troilo (arrangement de Argentino Glaván) Letra : Homero Manzi

Il y a 76 ans, Aníbal Troi­lo enreg­is­trait avec Edmun­do Rivero, un des tan­gos avec le titre le plus court, « Sur ». Sur, en espag­nol, c’est le Sud. Pour ceux qui sont nés dans l’hémisphère Nord, le Sud, c’est la chaleur. En Argen­tine, c’est l’inverse, mais le Sud chan­té par Rivero n’est ni l’un ni l’autre. C’est ce Sud, que je vous invite à décou­vrir avec ce tan­go du jour aux paroles écrites par Home­ro Manzi.

<- Aníbal Troi­lo et Home­ro Manzi par Sabat.

Ce tan­go n’est pas un tan­go de bal, mais c’est un mon­u­ment du tan­go. La musique est d’Anibal Troi­lo et les paroles, celles qui mar­quent le cœur de tous les tangueros sont d’Homero Manzi.
Ernesto Saba­to aurait déclaré qu’il don­nerait toute la lit­téra­ture qu’il avait écrite en échange d’être l’auteur de « Sur ». Intéres­sons-nous donc à ces deux mon­stres sacrés du tan­go, Home­ro et Sur.

Homero

Les deux se prénom­ment Home­ro, les deux sont fans de Buenos Aires, mais un seul est Manzi. Saurez-vous décou­vrir lequel ?

Home­ro Manzi est un provin­cial, arrivé à Buenos Aires à l’âge de neuf ans. Il a vécu enfant et ado­les­cent dans le quarti­er de Pom­peya, au sud de Boe­do, donc, dans le Sud de Buenos Aires.
Les paroles nos­tal­giques de ce tan­go évo­quent les sou­venirs de cette enfance et les regrets des points de repère évanouis, mais en par­al­lèle de sa vie amoureuse avec un bais­er échangé et qui ne s’est trans­for­mé qu’en sou­venir.
Les lieux qu’il indique peu­vent être par­tielle­ment retrou­vés. Le plus facile est l’angle de Boe­do et San Juan. C’est l’endroit où Home­ro Manzi a écrit Sur. Il abrite désor­mais l’Esquina Manzi, un lieu prisé par les touristes.

L’angle entre Boe­do et San Juan où se trou­ve désor­mais l’Esquina Manzi. À gauche en 1948, à droite en 2015, avec les car­i­ca­tures de Sabat, enlevées depuis et rem­placées par des écrans qui les dif­fusent. La moder­nité. À l’in­térieur, elles sont encore vis­i­bles.

« Pom­peya y más allá la inun­dación ». Buenos Aires est régulière­ment vic­time d’inondations. Cette année encore, mais la pire fut sans doute celle de 1912, celle qui toucha Pom­peya, le quarti­er de Manzi.

En 1912, une voiture hip­po­mo­bile trans­porte des rescapés sur l’Avenida Sáenz, recou­verte d’eau. Ils vien­nent de zones encore plus inondées, le Riachue­lo avait débor­dé.

On imag­ine l’impact de cet événe­ment chez un enfant de 5 ans qui venait juste de quit­ter sa province de San­ti­a­go del Estero pour arriv­er avec sa mère à Buenos Aires. Par­mi ces autres sou­venirs, ce tan­go men­tionne La esquina del her­rero, bar­ro y pam­pa. Cer­tains y voient l’angle de Del Bar­co Cen­ten­era et de Tabaré, deux avenues que Manzi cite dans son tan­go, Mano Blan­ca, un autre de ses tan­gos emblé­ma­tiques.

Mano Blan­ca (letra de Home­ro Manzi) par Ángel D’Agosti­no et Ángel Vargas.(1944)

D’ailleurs un « musée » a été instal­lé sur cet emplace­ment, en l’honneur de ce titre immor­tal­isé par D’Agosti­no et Var­gas.

Le petit char­i­ot de Porten­i­to et Mano Blan­ca avec les ini­tiales peintes à la main et qui font que ce tan­go est le tan­go des fileteadores.
Sur le trot­toir d’en face le musée Mano Blan­ca, le bar el Buzón nom­mé ain­si à cause de la boîte aux let­tres rouge qui occupe le trot­toir devant l’établissement.

Extrait musical

Sur 1948-02-23 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Edmun­do Rivero

Les paroles

Vous trou­verez tous les enreg­istrements à écouter, en fin d’article.

San Juan y Boe­do antigua, y todo el cielo,
Pom­peya y más allá la inun­dación.
Tu mele­na de novia en el recuer­do
Y tu nom­bre flo­ran­do en el adiós.
La esquina del her­rero, bar­ro y pam­pa,
Tú casa, tu vere­da y el zan­jón,
Y un per­fume de yuyos y de alfal­fa
Que me llena de nue­vo el corazón.

Sur,
Paredón y después…
Sur,
Una luz de almacén…
Ya nun­ca me verás como me vieras,
Recosta­do en la vidri­era
Y esperán­dote.
Ya nun­ca alum­braré con las estrel­las
Nues­tra mar­cha sin querel­las
Por las noches de Pom­peya…
Las calles y las lunas sub­ur­banas,
Y mi amor y tu ven­tana
Todo ha muer­to, ya lo sé…


San Juan y Boe­do antiguo, cielo per­di­do,
Pom­peya y al lle­gar al ter­raplén,
Tus veinte años tem­b­lan­do de car­iño
Bajo el beso que entonces te robé.
Nos­tal­gias de las cosas que han pasa­do,
Are­na que la vida se llevó
Pesad­um­bre de bar­rios que han cam­bi­a­do
Y amar­gu­ra del sueño que murió.

Aníbal Troi­lo (arrange­ment de Argenti­no Glaván) Letra : Home­ro Manzi

Les enregistrements de Sur

Les enreg­istrements Sur, par Troi­lo

Sur 1948-02-23 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Edmun­do Rivero, l’enregistrement, objet de cet arti­cle. Le plus ancien, à moins qu’un petit Français, lui ait brûlé la politesse. Voir le chapitre suiv­ant…
Sur 1953-09-21 (En vivo) — Ranko Fuji­sawa con Aníbal Troi­lo y Rober­to Grela. Enreg­istrement par Radio Tokio d’un con­cert au Teatro Dis­cépo­lo de Buenos Aires. Ban­donéon (Troi­lo), Gui­tare (Grela) et voix (Omar).
Sur 1956-08-08 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Edmun­do Rivero arr. de Argenti­no Glaván. À com­par­er par la ver­sion de 1948 par les mêmes.
Sur 1971-04-26 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Rober­to Goyeneche. Encore un qui a sa place au pan­théon du tan­go. La par­tie instru­men­tale est par­ti­c­ulière­ment expres­sive, notam­ment, grâce aux pleurs du ban­donéon de Troi­lo.
Sur 1974-05 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Susana Rinal­di. Le dernier enreg­istrement de Sur par Troi­lo a été effec­tué en pub­lic avec Susana Rinal­di dans un pro­gramme en hom­mage à Home­ro Manzi effec­tué par Anto­nio Car­ri­zo, el caballero de la radio.

Cette ver­sion est pleine d’émotion. Impos­si­ble de ne pas essuy­er une larme à son écoute notam­ment, lorsqu’elle chante pour la sec­onde fois, la fin du refrain. « Ya lo sé ».

Autres enregistrements de Sur

Là, il faut dis­cuter un peu, Nel­ly Omar serait la pre­mière à avoir chan­té ce tan­go.
C’est ce qu’indique la Bible du Tan­go, qui a sou­vent d’excellentes infor­ma­tions. Mal­heureuse­ment, sans référence pré­cise et prob­a­ble­ment sans enreg­istrement, cela reste dif­fi­cile à con­firmer.
Cepen­dant, si on se sou­vient que Nel­ly fut la muse d’Home­ro, celle qui lui inspi­ra la chan­son Male­na lors de son exil au Mex­ique et qu’ils ont eu une rela­tion mou­ve­men­tée, cela n’a rien d’im­pos­si­ble.
Comme Sur est un tan­go à écouter, je vous invite à voir Nel­ly Omar le chanter. J’ai choisi cette ver­sion, car c’est une de ses dernières ver­sions enreg­istrées. Elle a par­cou­ru toutes les épo­ques du tan­go, depuis les années 1920 jusqu’au 21e siè­cle. La « Gardel en jupe » est une des étoiles indéboulonnables au fir­ma­ment du tan­go.

Je ne peux pas con­firmer la date, de cet enreg­istrement. La voix sem­ble plus assurée que dans son dernier con­cert au Luna Park, à près de 100 ans. Je dat­erai donc cette vidéo de la pre­mière décen­nie des années 2000.

Plus éton­nant, serait un enreg­istrement par Quintin Ver­du en 1947, soit plusieurs mois avant Troi­lo. On peut facile­ment imag­in­er qu’un tan­go soit chan­té avant d’être enreg­istré, car c’est le proces­sus nor­mal. En revanche, qu’il soit enreg­istré en France avant d’avoir été joué en Argen­tine alors qu’il est créé par deux Argentins qui étaient à Buenos Aires à l’époque est plus éton­nant.
En revanche, il existe bien un enreg­istrement de Sur par Quintin Ver­du, avec le chanteur Agustín Duarte. C’est un enreg­istrement Pathé, mal­heureuse­ment pas daté et ses références ne m’ont pas per­mis d’en valid­er la date : PA 2617 — CPT 7021.
Cepen­dant, comme tout ce qu’a réal­isé Ver­du, la musique est excel­lente et vaut la peine d’être écoutée. Duarte chante unique­ment le refrain, dont il reprend la sec­onde par­tie comme final.

Sur 1947 ? — Orchestre Quintin Verdú con Agustín Duarte. Superbe, non ?
Sur 1948 — Orques­ta Luis Rafael Caru­so con Julio Sosa. La même année que Troi­lo, Julio Sosa enreg­istre Sur, dans une des rares ver­sions qui peu­vent se danser de façon agréable en tan­go.

C’est le moment de dire un petit mot sur ce chef d’orchestre, Luis Caru­so, né à Buenos Aires en 1916, mais qui à l’âge de vingt ans s’est instal­lé à Mon­te­v­ideo où il con­tin­uera sa car­rière artis­tique. C’est pour cela qu’il est un peu moins con­nu aujourd’hui, mais il lui reste le titre de gloire d’avoir enreg­istré les cinq pre­miers titres avec Julio Sosa qui était au début de sa car­rière (il venait de gag­n­er un con­cours dont un lot était d’enregistrer 5 titres avec Son­dor).
Les cinq titres étaient : Sur 1948, Una y mil noches 1948, Mas­cari­ta 1949-01-31, La últi­ma copa 1948 (Valse) et un can­dombe (nous sommes en Uruguay…) San Domin­go 1948.
À cette époque, le cuar­te­to de Caruo com­pre­nait, en plus de lui qui dirigeait et jouait le ban­donéon, Rubén Pocho Pérez au piano, Rober­to Smith à la con­tre­basse et Mirabel­lo Don­di au vio­lon.

Pour ter­min­er cette liste qui pour­rait être bien plus longue, je vous pro­pose un extrait du film fran­co-argentin Sur qui débute par cette chan­son inter­prétée par Rober­to Goyeneche qui joue le rôle d’Amado. Ce film de 1988 a été dirigé par Fer­nan­do “Pino” Solanas qui a obtenu le pre­mier pour cela au Fes­ti­val de Cannes. Il a pour sujet, la dic­tature mil­i­taire qui s’est achevée 5 ans plus tôt.
La musique qui a été enreg­istrée au stu­dio Ion de Buenos Aires est jouée par un quatuor com­posé de Nestor Mar­coni au ban­donéon, Raul Luzzi à la gui­tare, Car­los Gaivi­ron­sky au vio­lon et Hum­ber­to Ridolfi à la con­tre­basse et chan­tée par Rober­to Goyeneche. Plusieurs notice indiquent que la musique est de Piaz­zol­la, vous aurez com­pris que c’est une erreur et on voit par­faite­ment dans le film qu’il ne joue pas le ban­donéon dans cette inter­pré­ta­tion et s’il a éventuelle­ment arrangé la musique, il n’en est ni l’au­teur ni l’in­ter­prête.
Je vous pro­pose donc cet extrait du film qui sera égale­ment la fin du chapitre sur les enreg­istrements de Sur…

Au début du film Sur, on voit les musi­ciens arriv­er et s’installer, puis arrive Goyeneche.
Les musi­ciens sont : Nestor Mar­coni au ban­donéon, Raul Luzzi à la gui­tare, Car­los Gaivi­ron­sky au vio­lon et Hum­ber­to Ridolfi à la con­tre­basse.
Le café Sur qui accueille le quatuor au début du film existe tou­jours. C’est l’Al­ma­cen Sur, à l’an­gle de Juan Dar­quier y Vil­lar­i­no, juste en face de la sta­tion Hipól­i­to Yrigoyen de la ligne fer­rovi­aire Roca.

Autres titres enregistrés un 23 février

Il y avait beau­coup de per­les à piocher pour le 23 févri­er. En voici quelques-unes qui pour­ront faire l’objet d’articles dans les années à venir…

El rebelde 1932-02-23 — Osval­do Frese­do C Rober­to Ray. On a évo­qué cet orchestre hier avec le mer­veilleux Sol­lo­zos. Ce titre de 5 ans exacte­ment antérieur n’a pas la même matu­rité.
De todo te olvi­das (Cabeza de novia) 1948-02-23 — Ani­bal Troi­lo C Flo­re­al Ruiz. Le même jour, Troi­lo a aus­si enreg­istré avec un autre chanteur, Flo­re­al Ruiz. Ce titre est entré dans le lan­gage com­mun, cabeza de novia), pour par­ler d’étourderies, d’oublis.
El jagüel 1956-02-23 — Orques­ta Car­los Di Sar­li. Comme DJ, j’aurais sans doute dû choisir ce titre ou Rodriguez Peña (prési­dent argentin), qui sont deux titres éminem­ment dans­ables par le seigneur du tan­go, Car­los Di Sar­li. Ce sera pour une prochaine année 😉
Rodriguez Peña 1956-02-23 — Orques­ta Car­los Di Sar­li. Enreg­istré le même jour que El Jagüel, un best of du tan­go dan­sé.
Home­ro Manzi dans Pom­peya, entre le sou­venir lumineux de l’enfance et la dés­espéra­tion de l’avenir. Inspiré du style de Ben­i­to Quin­quela Martín, le voisin de la Boca. Manzi sem­ble marcher dans l’eau, sou­venir des inon­da­tions qui l’ont accueil­li à son arrivée à Buenos Aires en 1912.

Sollozos 1937-02-22 (Tango) — Orquesta Osvaldo Fresedo con Roberto Ray

Osvaldo Fresedo (Osvaldo Nicolás Fresedo)  Letra : Emilio Augusto Oscar Fresedo

Le 22 févri­er 1937, Osval­do Frese­do enreg­istre Sol­lo­zos (soupirs) avec Rober­to Ray et le même jour Siem­pre es car­naval. Frese­do en a com­posé la musique et son frère Emilio, les paroles. Le pre­mier enreg­istrement par Frese­do date de 1922, année de l’écriture de ce titre qui fut rapi­de­ment un suc­cès et fût repris par divers orchestre. Frese­do le réen­reg­istr­era en 1937, la ver­sion qui nous occupe aujourd’hui, puis en 1952 et 1957.

SOS femme triste

Sol­lo­zos = san­glots. Les san­glots d’une jeune femme triste, qui se cache au milieu d’une foule de gens qui font la fête. Un homme (ou une femme) vient séch­er ses pleurs provo­qués par l’homme qui l’a trompée.
Pour la con­sol­er, il (elle) lui dit : « Olvide su pasa­do, olvide todo lo de ayer. No llore si él no ha llo­rado, ni pen­só que sufre una mujer » (Oublie votre passé, oublie tout ce qui est d’hier. Ne pleure pas s’il n’a pas pleuré ni pen­sé qu’une femme souf­fre).

Extrait musical

La par­ti­tion peut être vue dans le groupe Tan­go Argenti­no de Face­book, un partage de Car­los Cun­ha Nasci­men­to.

Sol­lo­zos 1937-02-22 — Orques­ta Osval­do Frese­do con Rober­to Ray

Les paroles

Osval­do Frese­do a donc enreg­istré qua­tre fois ce titre, dont trois ver­sions chan­tées. Les trois n’utilisent que la moitié des paroles écrites par son frère, Emilio.
En revanche, en 1923, Rosi­ta Quiroga chante l’intégralité des paroles. C’est bien sûr un tan­go à écouter, dans cette ver­sion.
On apprend dans les paroles inté­grales, celles chan­tées par Rosi­ta Quiroga, que l’infidèle est présent, car elle porte son por­trait dans un médail­lon.
Le fait qu’un femme chante la chan­son ne gêne pas, car con­sol­er peut aus­si bien être le fait d’un homme que d’une femme. Pour l’image en fin d’article, j’ai représen­té un homme con­so­la­teur, car la ver­sion de Frese­do et Ray m’a tou­jours fait penser à un homme. J’imag­ine que je me voy­ais en con­so­la­teur…

Vous trou­verez tous les enreg­istrements à écouter, en fin d’article.

En un mun­do de ale­grías,
entre el humo y copas de cham­pagne,
hay una almi­ta afligi­da
que se esconde por llo­rar.
Atraí­do por su pena
mi pañue­lo lágri­mas secó,
mien­tras dijó: “Estoy enfer­ma,
sufro y lloro por mi amor”.
 
Volvió su cara hacia mi lado,
acari­cian­do su dolor.
Oí sol­lo­zos y cor­ta­dos,
bajo habló: “Un hom­bre me engañó”.
Le dije : « Olvide su pasa­do,
olvide todo lo de ayer.
No llore si él no ha llo­rado,
ni pen­só que sufre una mujer ».
Algo habría en su mira­da
que no fue pre­ciso adiv­inar,
ilu­siones apa­gadas,
odio y ganas de ven­gar.
Dijo entonces que su vida
de pasión en pena se tornó.
Recordó felices días
a su vie­ja y su hon­or.
 
Pobre, su que­bran­to mi alma hir­ió,
que sin fuerzas me sen­tí,
cuan­do vi su reli­cario
y enseñó que el fal­so esta­ba allí.
Pobre, con cuan­ta tris­teza vio
que por ella yo sufrí.
El pin­tar de sus labios,
la son­risa para mí.
Osval­do Frese­do – Osval­do Nicolás Frese­do Letra: Emilio Augus­to Oscar Frese­do

Les enregistrements de Sollozos

Les quatre enregistrements de Fresedo

Sol­lo­zos 1922-08-28 — Orques­ta Osval­do Frese­do. Cet enreg­istrement acous­tique est d’une qual­ité musi­cale incroy­able. Tout Frese­do est déjà dans cette musique. Un des rares titres antérieurs à 1926 que je pour­rais, un jour de folie, pass­er en milon­ga.
Sol­lo­zos 1937-02-22 — Orques­ta Osval­do Frese­do con Rober­to Ray. C’est celui dont on par­le aujourd’hui.
Sol­lo­zos 1952-09-18 — Orques­ta Osval­do Frese­do con Héc­tor Pacheco. Cette ver­sion est claire­ment moins dansante, mais est jolie.
Sol­lo­zos 1957-09-10 — Orques­ta Osval­do Frese­do con Car­los Bar­rios. Frese­do a claire­ment aban­don­né les danseurs dans cette ver­sion. Je la trou­ve trop maniérée. À vouloir la ren­dre plus expres­sive, Frese­do et Bar­rios sont, pour moi aller un peu trop loin. Si la par­tie instru­men­tale peut à la lim­ite pass­er en milon­ga, la par­tie chan­tée fait que ce titre devrait être réservé à l’écoute.

Autres enregistrements de Sollozos

Je com­mence par la pre­mière ver­sion enreg­istrée avec les paroles com­plètes d’Emilio Frese­do, celle de Rosi­ta Quiroga accom­pa­g­née par une gui­tare et un har­mo­ni­um [armo­nio]. La présence d’un har­mo­ni­um n’est pas si éton­nante que cela pour l’époque qui a vu de nom­breux instru­ments plus ou moins hétéro­clites rejoin­dre les orchestres de tan­go, comme la scie musi­cale ou les Ondes Martenot [assez proches comme sonorité et par­fois indiqué l’un pour l’autre dans les années 30]. Il faudrait plusieurs arti­cles pour traiter de l’évolution des instru­ments de musique, de la gui­tare et la flûte aux instru­ments du tan­go actuels. Ce sera pour une autre fois ; —)

Sol­lo­zos 1923 — Rosi­ta Quiroga accom­pa­g­née par une gui­tare et un har­mo­ni­um (armo­nio). Elle chante les paroles en entier.
Sol­lo­zos 1928-04-30 — Orques­ta Julio De Caro. De Caro a choisi de per­son­nalis­er son inter­pré­ta­tion avec des change­ments de rythmes un peu sur­prenants qui con­fir­ment qu’il ne tra­vaille pas pour les danseurs.
Sol­lo­zos 1944-03-16 — Orques­ta Ricar­do Maler­ba. Cette ver­sión instru­men­tale est dans l’esprit de Frese­do. Le rythme est plus mar­qué, ce qui pour­rait en faire un bon titre de danse, si la ver­sion de Frese­do n’avait pas tant de présence. Cer­tains danseurs pour­raient reprocher le choix au DJ de les priv­er de la ver­sion de 1937 par Frese­do et Ray.
Sol­lo­zos 1967-08-21 — Orques­ta Juan D’Arienzo. D’Arienzo, fidèle à lui-même pro­pose une ver­sion énergique avec des élé­ments d’orchestration orig­i­nales, rap­pelant un peu la ver­sion de De Caro. Pour moi, c’est plus du domaine du con­cert que de la danse, mais si un DJ le passe en milon­ga, il ne se fera sans doute pas écharp­er.

Autres titres enregistrés un 22 février

Il y avait beau­coup de choix. Par­mi les titres qui auraient pu être les tan­gos du jour, voici quelques exem­ples :

Si supieras 1927-02-22 — Orques­ta Osval­do Frese­do. On retrou­ve Frese­do et un titre asso­cié à la Cumpar­si­ta. En effet, des paroles ont été accolées à l’air le plus célèbre du tan­go « Si supieras, que aún den­tro de mi alma, conser­vo aquel car­iño que tuve para ti… » (Si tu savais que même au creux de mon âme, je con­serve cette affec­tion que j’avais pour toi… ». Cet enreg­istrement étant instru­men­tal, dif­fi­cile de dire s’il y a un lien, cet air com­posé par José María Riz­zu­ti n’a pas d’enregistrement avec paroles.
Recuer­do male­vo 1933-02-22 — Car­los Gardel accom­pa­g­né par Guiller­mo Bar­bi­eri, Domin­go Riverol et Domin­go Julio Vivas. Pas de danse, mais l’inoubliable Gardel dans un de ses grands suc­cès. En atten­dant un tan­go du jour sur un de ses titres, vous pou­vez tou­jours con­sul­ter « Gardel enfant de France ».
Siem­pre es car­naval 1937-02-22 — Orques­ta Osval­do Frese­do con Rober­to Ray, l’autre titre enreg­istré le même jour par Frese­do et Ray.
Sen­da Flori­da 1945-02-22 — Orques­ta Domin­go Fed­eri­co con Car­los Vidal. C’est un tan­go de danse, mal­gré son intro­duc­tion chan­tée. Toute­fois, ce n’est pas ce qui est le plus agréable à danser. Dis­ons que c’est un tan­go qui hésite entre la danse et l’écoute.

On voit que ces quelques titres pour­raient don­ner lieu à d’autres arti­cles. Peut-être qu’ils auront leur chance un autre 22 févri­er.

Atraí­do por su pena mi pañue­lo lágri­mas secó, mien­tras dijó: “Estoy enfer­ma, sufro y lloro por mi amor”.

Diez años 1934-02-21 (Tango) — Orquesta Francisco Canaro con Ernesto Famá

Cayetano Puglisi; Pascual De Gregorio Letra: Manuel Enrique Ferradás Campos

Le 21 févri­er 1934, il y a 90 ans, Fran­cis­co Canaro enreg­is­trait Diez años avec Ernesto Famá, seule­ment 4 jours après l’avoir enreg­istré avec Ada Fal­cón. Je sai­sis cette occa­sion pour par­ler des chanteurs d’estribillo et rap­pel­er la dif­férence entre le tan­go chan­son et le tan­go chan­té.

Les deux enregistrements de Diez años par Canaro

Tout d’abord, nous n’avons aujourd’hui la trace sonore que des ver­sions enreg­istrées. Il ne faut pas oubli­er que les orchestres se pro­dui­saient plusieurs fois par semaine et que seuls leurs « tubes » avaient les hon­neurs de la gravure. Nous avons ain­si per­du la grande majorité du réper­toire de l’époque. Ce n’est pas l’absence d’enregistrement qui peut prou­ver que l’orchestre ne jouait pas tel ou tel air.
Comme je l’indiquais en intro­duc­tion, Canaro a enreg­istré deux fois ce thème en 1934. Le 17 févri­er avec sa « chérie » Ada Fal­cón, et le 21 févri­er avec Ernesto Famá.
On pour­rait penser qu’avec un si court inter­valle, les enreg­istrements sont proches. Que nen­ni. Ils appar­ti­en­nent en fait à deux gen­res dif­férents. Le tan­go chan­son et le tan­go chan­té.
Mais avant d’écouter les dif­férences, faisons le point.

Il y a tango et tango…

Le tan­go fait par­tie d’un ensem­ble cul­turel qui est tout autant lit­téraire que musi­cal, audio­phile que danseur. Ces direc­tions peu­vent être répar­ties de façon dif­férente chez cha­cune des per­son­nes qui entre en con­tact avec un tan­go.
S’il est danseur, il va souhaiter une musique qui porte à l’improvisation, sans sur­pris­es indéce­lables (vari­a­tions de rythme arbi­traires, par exem­ple) et avec un sup­port ryth­mique suff­isant pour que les deux parte­naires du cou­ple puis­sent se syn­chro­nis­er.
S’il est audio­phile, il va se con­cen­tr­er sur l’orchestration, les répons­es des instru­ments, la vir­tu­osité de tel ou tel trait et ain­si de suite. Il pour­ra le faire en restant dans son fau­teuil, sans que la musique l’oblige à se mou­voir. Il va com­par­er les ver­sions, pinailler sur des dif­férences de tonal­ité d’un enreg­istrement à l’autre, sur l’accord du ban­donéon et ain­si de suite.
S’il est lit­téraire, il va savour­er les paroles. Cepen­dant, comme en cui­sine, tous les plats ne se valent pas et il lui fau­dra des mets déli­cieux, écrits par de grands auteurs. Par chance, cela ne manque pas dans la cul­ture tan­go.

Le danseur de tango « idéal »

Le danseur, celui qui m’intéresse, vu que je suis DJ peut et doit, avoir un peu des autres aspects pour mieux danser.
Un danseur qui ne danserait que le rythme, sans écouter les phras­es musi­cales, les répons­es d’instruments et tous les développe­ments qui font la richesse du tan­go serait bien à plain­dre. Ce manque de sen­si­bil­ité lui per­me­t­trait de danser sur Gotan Project et autres orchestres répéti­tifs, mais ce sera au détri­ment de l’improvisation et de la richesse de la danse. Cer­tains débu­tants se con­tentent de repro­duire des choré­gra­phies appris­es en cours, sans chercher à les insér­er dans le flux musi­cal, ou mieux, à les décon­stru­ire pour n’utiliser que les briques, au ser­vice de l’interprétation dan­sée de la musique.
Sur l’aspect lit­téraire, la chose est moins claire. En effet, d’excellents DJ et d’excellents danseurs dis­ent prêter peu d’attention aux paroles. Il est clair que pour un danseur qui impro­vise, les paroles sont de peu d’utilité. Il ne va pas se met­tre à pleur­er, se met­tre à genoux ou autre fan­taisie qui seraient dites dans le texte.
Cela était bien clair à l’âge d’or du tan­go. Les orchestres pro­po­saient des musiques adap­tées à la danse. Qu’elles soient instru­men­tales ou avec chanteurs, mais il est temps de revenir à la dis­tinc­tion entre tan­go chan­son et tan­go chan­té.

Tango chanson et tango chanté

Un tan­go chan­son est un tan­go des­tiné à l’écoute. Il est des­tiné à sat­is­faire les audio­philes et les lit­téraires. C’est un genre qui va se dévelop­per plus rapi­de­ment à par­tir des années 50, à cause de l’arrivée du microsil­lon (33 tours) et surtout du rock qui va rem­plac­er le tan­go dans les activ­ités des danseurs de l’époque. Les orchestres de tan­go se recon­ver­tis­sent alors vers le con­cert, la télévi­sion et la radio pour pou­voir con­tin­uer à jouer et vivre de leur art.
Mais il ne faut pas lim­iter le phénomène aux années 50 et suiv­antes. En effet, même à l’âge d’or, il y a les deux types de musique.
Pour faciliter le choix, les dis­ques indiquent claire­ment si c’est des­tiné à danser ou à écouter.
Il suf­fit de regarder l’étiquette…

Ada Fal­cón, avec accom­pa­g­ne­ment de l’orchestre Fran­cis­co Canaro
Fran­cis­co Canaro et son orchestre typ­ique (Estri­bil­lo par Ernesto Famá)

Vous avez com­pris. Si le chanteur est indiqué en pre­mier, c’est pour écouter. S’il est indiqué en sec­ond, c’est pour danser. C’est plutôt sim­ple, non ?
On trou­ve aujourd’hui des DJ et danseurs qui ne tien­nent pas compte de cette dif­férence et qui con­sid­èrent que l’on peut tout danser.
Dans le cas d’Ada Fal­cón, c’est plutôt envis­age­able. En général, les voix de femmes, même pour des chan­sons, lais­sent plus de place à l’orchestre, notam­ment dans le reg­istre grave, là où se trou­ve la ryth­mique. Ain­si, elles ne la masquent pas et il est pos­si­ble de con­tin­uer à la suiv­re.
Pour les chanteurs, surtout pour ceux qui en font des tonnes, c’est impos­si­ble. On pour­rait men­tion­ner la dis­tinc­tion que font cer­tain entre can­tor et can­tante. Le pre­mier chan­tant au ser­vice de la musique et le sec­ond se met­tant en valeur, en jouant de tous les arti­fices pos­si­bles pour mas­quer l’orchestre qui de fait n’est qu’un accom­pa­g­ne­ment.
Pro­gres­sive­ment à par­tir des années 50, le can­tante (avec une jolie voix de chanteur d’opéra) prend le dessus et on ne compte plus le nom­bre de chan­sons plus ou moins mièvres et dés­espérées qui en a résulté. Atten­tion, je ne dis pas que ce n’est pas bien, pas beau. Je dis juste que très peu de danseurs vont à la milon­ga pour se tranch­er les veines.

Comment distinguer les tangos chansons à l’écoute ?

Ernesto Famá chante une petite par­tie des paroles écrites par Manuel Enrique Fer­radás Cam­pos. En gros, c’est le refrain (estri­bil­lo).
C’est une autre par­tic­u­lar­ité qui divise les tan­gos de danse des tan­gos à écouter. Lorsqu’il s’agit de chan­sons, le chanteur com­mence dès le début. Quand c’est pour danser, le danseur n’intervient qu’un court moment, le refrain, refrain qui a déjà été présen­té aux danseurs par l’orchestre et que donc, ils vont pou­voir danser en con­fi­ance.
Lorsque le tan­go est instru­men­tal, la pre­mière fois que le refrain est pro­posé, il est en général plus sim­ple à danser et lors de la reprise, il est joué par un instru­ment dif­férent, avec plus de richesse. Le chanteur est dans ce cas un instru­ment sup­plé­men­taire qui per­met d’éviter la monot­o­nie en ne jouant pas deux fois la même chose.
Dans les années 50, sous l’impulsion de chefs d’orchestre comme Troi­lo, la par­tie chan­tée va pren­dre de l’ampleur, même pour le tan­go de danse. Ain­si, le même titre chan­té par Valdez avec l’orchestre de Juan d’Arienzo est présen­té comme un tan­go de danse, mais Valdez chante plus que le seul refrain. Voir ci-dessous, le chapitre sur les paroles.

Même si Valdez chante plus que les chanteurs de la généra­tion précé­dente, il est encore présen­té comme chanteur d’estribillo.

C’est une autre par­tic­u­lar­ité qui divise les tan­gos de danse des tan­gos à écouter. Lorsqu’il s’agit de chan­sons, le chanteur com­mence dès le début. Quand c’est pour danser, le danseur n’intervient qu’un court moment, le refrain, refrain qui a déjà été présen­té aux danseurs par l’orchestre et que donc, ils vont pou­voir danser en con­fi­ance.
Lorsque le tan­go est instru­men­tal, la pre­mière fois que le refrain est pro­posé, il est en général plus sim­ple à danser et lors de la reprise, il est joué par un instru­ment dif­férent, avec plus de richesse. Le chanteur est pareille­ment un instru­ment sup­plé­men­taire qui per­met d’éviter la monot­o­nie en ne jouant pas deux fois la même chose.
Je ter­mine ‑là ce sujet. Comme DJ, je mets du tan­go de danse, sauf si on me demande gen­ti­ment de met­tre une tan­da chan­son. Après tout, il faut bien que le bar fasse son chiffre d’affaires.

Les paroles

Le refrain (estribillo)

Ernesto Famá chante une petite par­tie des paroles écrites par Manuel Enrique Fer­radás Cam­pos, le refrain (estri­bil­lo).

Diez años tran­scur­rieron des­de entonces
cuan­do tem­b­lan­do llegué has­ta ti,
diez años que sirvieron para hundirme
y quitarme has­ta las ganas de vivir…
Entonces, bue­na­mente yo soña­ba
un mun­do nue­vo, para los dos.
Y Dios, allá en el cielo solo sabe,
has­ta dónde yo he lle­ga­do por tu amor.

Estri­bil­lo (refrain) Manuel Enrique Fer­radás Cam­pos. C’est la seule par­tie que chante Fama

Les différentes parties chantées, selon les versions

Seule Ada Fal­cón chante tout. Elle ter­mine en reprenant le refrain (Cuán­tas veces en mi pecho […] por tu cru­el ingrat­i­tud.)

Ernesto Famá ne chante que l’estri­bil­lo, ce qui est en rouge.
Jorge Valdez chante le pre­mier cou­plet, le refrain et reprend la fin du refrain (Otra boca […] por tu cru­el ingrat­i­tud.)
Le dernier cou­plet, chan­té unique­ment par Ada Fal­con
Ici, une ver­sion pour homme du dernier cou­plet. Elle n’est pas util­isée dans les trois enreg­istrements présen­tés.

Autres enregistrements de Diez años

Je vous pro­pose trois enreg­istrements de ce titre. Les deux avec Canaro et une ver­sion de 1958 par Juan d’Arienzo avec Jorge Valdez au chant.
Vous avez vu les éti­quettes, deux sont pour la danse (Fama et Valdez) et un pour l’écoute (Fal­con).

Diez años 1934-02-17 Ada Fal­cón con acomp. de Fran­cis­co Canaro
Diez años 1934-02-21 — Fran­cis­co Canaro C Ernesto Famá
Diez años 1958-12-17 — Orques­ta Juan D’Arien­zo con Jorge Valdez

Autres titres enregistrés un 21 février

Unión Civi­ca 1933-02-21 — Juan Maglio (Pacho) y su orques­ta de la guardia vie­ja
Te quiero mucho más 1934-02-21 – Fran­cis­co Canaro C Ernesto Famá (Anto­nio Sure­da Letra: Gerón­i­mo Sure­da). Il a été enreg­istré le même jour que Diez años.
Murió la vecini­ta 1935-02-21 — Típi­ca Vic­tor C Alber­to Gómez Dir Adol­fo Cara­bel­li (Guiller­mo Rivero; Juan Car­los Ghio Letra: Nolo López)
Jalis­co nun­ca pierde 1938-02-21 (Mar­cha) — Enrique Rodríguez C El « Cha­to » Rober­to Flo­res (Loren­zo Barce­la­ta ; T. Guizar). C’est une marche en l’honneur du ter­ri­toire de Jalis­co, au Mex­ique (le film Jalis­co nun­ca pierde est sor­ti en 1937). Le fait que ce soit une marche rap­pelle qu’à l’époque, les bals n’étaient pas que tan­go, mais toutes dans­es, avec en général deux orchestres.
Mi noche triste 1949-02-21 — Fran­cis­co Rotun­do C Flo­re­al Ruíz
Diez años que sirvieron para hundirme y quitarme has­ta las ganas de vivir…

El Ingeniero 1945-02-20 – Carlos di Sarli (Tango)

Orquesta Carlos Di Sarli

Ale­jan­dro Jun­nis­si (1930) Letra: Juan Manuel Guer­rera (2020)

Le tan­go du jour, El Inge­niero, est indu­bitable­ment asso­cié à Car­los Di Sar­li. C’est assez logique, car il est le seul à l’avoir enreg­istré à la belle époque du tan­go. Il a enreg­istré le titre à trois repris­es. En 1945, le 20 févri­er, le 22 juil­let 1952 et le 31 jan­vi­er 1955.
Le titre est assez clair et pour une fois, il ne s’agit pas d’un surnom, d’un mot d’argot (lun­far­do), mais bien de la fonc­tion, du méti­er d’ingénieur.
L’auteur de la musique, Ale­jan­dro Jun­nis­si, dédi­cace sa com­po­si­tion « a todos los inge­nieros egre­sa­dos de las uni­ver­si­dades argenti­nas » (À tous les ingénieurs diplômés des uni­ver­sités argen­tines). On retrou­ve dans cette dédi­cace, la fierté d’un âge d’or de l’Argentine, le début du vingtième siè­cle.
Cet âge d’or se dévoile dans l’architecture, mais aus­si par les créa­tions indus­trielles. À la fin des années 20, l’Argentine était con­sid­érée comme un impor­tant pays indus­triel.

L’ingénieur

Un des héros dis­crets de ce suc­cès est l’ingénieur que l’Argentine célèbre deux fois en juin, le 6 juin avec el Día del Inge­niero et indi­recte­ment le 16 juin avec el Día de la Inge­niería Argenti­na.
La pre­mière date est en sou­venir du pre­mier ingénieur civ­il d’Argentine, Luis Augus­to Huer­go, diplômé le 6 juin 1870.
Rien ne prou­ve que celui qui a inspiré Jun­nis­si soit Huer­go. Dis­ons que c’est le méti­er qui est illus­tré ici.

Un pays à bonne école

Les efforts con­sen­tis en matière d’éducation par l’Argentine qui devait accueil­lir et « argen­tinis­er » des mil­lions de migrants don­naient leurs fruits et bien­tôt l’Argentine dis­po­sait de nom­breuses uni­ver­sités, qui aujourd’hui encore restent pres­tigieuses.

Citons les Inge­nierías de Cór­do­ba y de La Pla­ta ou l’Escuela de Inge­nieros de Minas de San Juan.

Les pays étrangers, notam­ment européens, ont égale­ment investi en Argen­tine. Par exem­ple, lÉcole Cen­trale des Arts et Man­u­fac­tures de Paris qui a ouvert une école d’ingénieurs à Buenos Aires.

Ces nou­veaux ingénieurs ont per­mis le développe­ment du pays, des ponts, du chemin de fer, de l’architecture et la décou­verte de pét­role a accen­tué le développe­ment indus­triel du pays.

Les montagnes russes

L’essor indus­triel a été soutenu par une immi­gra­tion extrême­ment forte. La main‑d’œuvre était abon­dante et déjà con­cen­trée dans les villes, car les cam­pagnes apparte­naient à quelques pro­prié­taires ter­riens et n’offraient que peu de débouchés aux nou­veaux arrivants.
Cette con­cen­tra­tion explique aus­si les prob­lèmes poli­tiques récur­rents de l’Argentine, prob­lèmes don­nant lieu à des crises graves et des émeutes.
À peine écrit ce tan­go, en 1930 que, la même année, en sep­tem­bre, les mil­i­taires pre­naient le pou­voir en des­ti­tu­ant Hipól­i­to Yrigoyen. Ce prési­dent au dou­ble vis­age a assumé deux fois la prési­dence. Dou­ble vis­age, car il prône une Argen­tine aux mains des ouvri­ers, mais com­man­dite une répres­sion sanglante con­tre des grévistes, réal­isant par la même le pre­mier pogrom d’Amérique du Sud (Semaine trag­ique, du 7 au 14 jan­vi­er 1919).
Ceux qui suiv­ent l’actualité de l’Argentine con­stateront que les événe­ments actuels rap­pel­lent ceux des années passées, 2001, 1976, 1930, et autres.
Bon, j’ai un peu oublié mon ingénieur dans tout cela. Revenons donc à la musique.
Lorsqu’Alejandro Jun­nis­si écrit sa musique, l’Argentine est encore dans une péri­ode rel­a­tive­ment opti­miste, mal­gré les con­tre­coups de la crise de 1929.

L’ingénieur mérite son tan­go ; le voici.

Extrait musical

El Inge­niero 1945-02-20 — Car­los di Sar­li

La ver­sion est plus sèche, les vio­lons moins lyriques que dans les ver­sions des années 50. Même si Di Sar­li a con­tin­ué dans les années 50 à pro­pos­er du tan­go de danse, on sent dans cette évo­lu­tion la tran­si­tion que d’autres orchestres ont opéré de façon plus dras­tique.
Le Di Sar­li des années 50 est sou­vent le plus util­isé dans les milon­gas, car il tranche plus avec les autres orchestres de référence, les qua­tre piliers par son aspect plus roman­tique. Cela per­met de don­ner du con­traste à la milon­ga.
Vous pour­rez les enten­dre en fin d’ar­ti­cle.

Les paroles

Vous m’attendiez au tour­nant. Toutes les ver­sions enreg­istrées par de grands orchestres de tan­go sont instru­men­tales. Cepen­dant, il existe au moins une ver­sion des paroles que je repro­duis ici. Je n’imagine pas très bien le résul­tat, tant on est habitué à l’entendre avec les vio­lons de Di Sar­li.
D’une façon plus générale, de nom­breux tan­gos sont sans paroles, d’autres ont changé de paroles au cours du temps et cer­tains textes de tan­go n’ont pas encore trou­vé leurs musiques. Il reste du pain sur la planche pour les auteurs et com­pos­i­teurs…
Celui qui a écrit les paroles est Juan Manuel Guer­rera. Sa créa­tion est récente, 2020, soit 90 ans après la musique. Si vous enreg­istrez une ver­sion d’El Inge­niero avec les paroles, je vous promets de la plac­er ici et si elle est dans­able, je la dif­fuserai en milon­ga…

Y allá va el inge­niero
Por las calles del dolor
Cam­i­na solo
Llo­ran­do
Se va der­rum­ban­do
Es pura des­o­lación
Tan­to quiere
Olvi­dar
Que ha vivi­do sin quer­erlo para los demás
Que ha deja­do sus pasiones demasi­a­do atrás
Que ha olvi­da­do entre sus cuen­tas ani­marse a más
Tan­to quiere
Aban­donar
Un des­ti­no que sabe a nada
El que eligió
Y no cam­bió
Y allá va el inge­niero
Hun­di­do en la frus­tración
Su penar sue­na a nos­tal­gia
Con dejos de ban­doneón
Y allá va el inge­niero
Con su arte en un cajón
Aho­ra no jue­ga, no apues­ta
Sus miedos no enfrenta
Y gana su perdi­ción
“Soy un cobarde”
Se dice tarde
Y vuelve a reflex­ionar:
“No es bue­na elec­ción, la res­i­gnación
Renun­ciar a un sueño, es como morir
Sin res­olu­ción, no hay real­ización,
Sin un ide­al, tan triste es vivir”
Y encuen­tra en lo que siente
Respues­tas que su mente
Bus­ca­ba des­de siem­pre
Con cien­tí­fi­ca obsesión
Y allá va el inge­niero
Se le muere el corazón
Acom­pañan los vio­lines
Su dramáti­ca can­ción
Y allá va el inge­niero
Se desan­gra en su razón
Pierde su tiem­po, pen­san­do
En vez de arries­gan­do
Y entier­ra su vocación
Tan­to quiere
Regre­sar
A un pasa­do irre­me­di­a­ble que ha queda­do atrás
A un pre­sente esper­an­za­do que no volverá
A un futuro imag­i­na­do que ya no será
Tan­to quiere
Escapar
De su vida equiv­o­ca­da
La que él mis­mo eligió
Y, sin val­or, jamás cam­bió

Ale­jan­dro Jun­nis­si (1930) Letra: Juan Manuel Guer­rera (2020)

Autres enregistrements

Sig­nalons que le même jour, le 20 févri­er 1945, Di Sar­li enreg­istr­era avec Jorge Durán, Porteño y bailarín, un tan­go com­posé par Car­los Di Sar­li avec des paroles d’Héctor Mar­có. Ce titre enreg­istré sur la matrice 80553–1 sera pub­lié sur le même disque 60–0639, sur la face A et el Inge­niero, sur la face B. Ce dernier a été enreg­istré sur la matrice 80554–1.

Porteño y bailarín 1945-02-20 Car­los Di Sar­li con Jorge Durán (Car­los Di Sar­li Letra: Héc­tor Mar­có)

Les prin­ci­paux enreg­istrements d’El Inge­niero sont ceux de Di Sar­li. Il faut dire qu’il a mis la barre très haute et qu’il était dif­fi­cile de pro­pos­er des ver­sions sur­pas­sant les trois enreg­istrements du maître de Bahia Blan­ca.

El Inge­niero, 1945-02-20 — Car­los Di Sar­li
El Inge­niero 1952-07-22 — Car­los Di Sar­li
El Inge­niero 1955-01-31 — Car­los Di Sar­li

Pour ter­min­er, un enreg­istrement du 21e siè­cle. J’aime bien. Cepen­dant, il est peu prob­a­ble que je le pro­pose en milon­ga, car le manque de fran­chise dans la mar­ca­cion fait que les ver­sions orig­i­nales sont à mon avis préférables pour danser.

El Inge­nier­ro — Orques­ta Típi­ca de la Guardia Vie­ja 2002

Sources

José María Otero ; Ale­jan­dro Jun­nis­si ; Tan­gos al bar­do
https://tangosalbardo.blogspot.com/2016/08/alejandro-junnissi.html

Juan Manuel Guer­rera ; Letra para el tan­go ‘El inge­niero’
https://jmguerrera.medium.com/letra-para-el-tango-el-ingeniero-b8beb02152b8

Les autres sources con­sultées con­cer­nent surtout le développe­ment indus­triel de l’Argentine et son his­toire.

D’après les doc­u­ments de Chris­t­ian de Pescara ; Pio­nnier de l’aviation > Les Héli­cop­tères du mar­quis Pat­eras-Pescara (1890–1966) ; lat­i­tud-argenti­na
https://www.latitud-argentina.com/blog/pionnier-aviation-helicopteres-marquis-pateras-pescara

Bernar­do Kosacoff y Daniel Azpi­azu; La indus­tria argenti­na, desar­rol­lo y cam­bios estruc­turales
https://repositorio.cepal.org/server/api/core/bitstreams/fc7cb237-a9cd-4627–8634-b1e2d8d5502c/content#:~:text=La%20industrialización%20de%20la%20Argentina,industrial%20en%20ei%20escenario%20latinoamericano.

Peyrú Pablo y Ver­na Etcheber Rober­to;  La indus­tria y la Argenti­na; Mono­grafias
https://www.monografias.com/trabajos14/industarg/industarg

Juan Pablo Pekarek ; Engi­neers, between being archi­tects and entre­pre­neurs Con­struc­teurs from the École Cen­trale de Paris in Buenos Aires, 1890–1920
http://portal.amelica.org/ameli/journal/219/2193563002/

Sylvie Sure­da-Cagliani ; Chapitre II. Panora­ma de l’histoire de l’Argentine de 1930 à 1974 in Vic­times et bour­reaux dans le théâtre de Grisel­da Gam­baro ; Press­es uni­ver­si­taires de Per­pig­nan
http://books.openedition.org/pupvd/32217

Felipe Pigna ; Argen­tine — La Semaine trag­ique (7–14 jan­vi­er 1919) ; Alter­in­fos
https://www.alterinfos.org/spip.php?article6016

Décen­nie infâme ; Wikipedia
https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9cennie_inf%C3%A2me

Andrés H. Reg­giani, Hernán González Bol­lo ; Déna­tal­ité, «crise de la race» et poli­tiques démo­graphiques en Argen­tine (1920–1940) ; Vingtième Siè­cle. Revue d’histoire 2007/3 (n° 95), pages 29 à 44

El Ingien­ero

Mozo guapo 1941-02-19 (Milonga) — Orquesta Ricardo Tanturi con Alberto Castillo

Ricardo Tanturi Letra : Eusebio Francisco López — RCA Victor  39228B, matrice 39813–1

Le tan­go du jour est une milon­ga, Mozo guapo, que l’on pour­rait traduire par beau gosse, mais ce serait enlever la note de frime et de matu­vu du com­padri­to, querelleur et armé de son couteau qu’il est prompt à sor­tir lorsque l’honneur est en jeu. Aujourd’hui, nous allons donc par­ler lun­far­do, l’argot des faubourgs de Buenos Aires.

Même s’il n’a pas les cheveux en bataille et sales, Gardel, dans Melodía de arra­bal (film du réal­isa­teur Français Louis J. Gas­nier, sor­ti le 4 avril 1933) est représen­tatif des mozos gua­pos

Les habitués de Buenos Aires savent qu’on y appelle les serveurs « mozo », de la même façon que se dit « garçon » en France. Il ne faut cepen­dant pas penser que cette milon­ga chante les mérites d’un serveur de bar ou de restau­rant…

En lun­far­do (argot de Buenos Aires), mozo peut aus­si sig­ni­fi­er l’amant ou celui qui fait le beau, et guapo, le beau, le vail­lant, le querelleur, mais avec un bon fond. Le célèbre tan­go « Don Juan » est par­fois sous-titré « Don Juan (Mozos gua­pos) », ce qui con­firme que notre héros du jour en est un.
Voici dressé le tableau de notre mozo et si une mina vous dit : « sos buen mozo, que chur­ro que sos », c’est prob­a­ble­ment que vous avez une touche.

Extrait musical

Mozo guapo 1941-02-19 — Ricar­do Tan­turi con Alber­to Castil­lo

Paroles

Un com­padri­to, con su mina. Un Don Juan avec sa poule.

Le lun­far­do peut provo­quer de nom­breuses erreurs d’interprétation. Je vous pro­pose donc, non pas une tra­duc­tion, mais plutôt une expli­ca­tion des ter­mes employés par Euse­bio Fran­cis­co López. Ne regardez pas la qual­ité lit­téraire de la colonne de droite, ce ne sont pas des paroles en français ; pour cela il faudrait un poète, que je ne suis pas.

Beau­coup de ter­mes de lun­far­do sont sibyllins. C’est une car­ac­téris­tique de tous les argots, dont le but est de par­ler de façon dis­crète pour ne pas être enten­dus des caves et des flics. J’ai donc fait des choix qui me sem­blaient cor­re­spon­dre aux ter­mes de la chan­son, mais il aurait été pos­si­ble de pren­dre des voies légère­ment dif­férentes, pour noir­cir plus le per­son­nage, ou le ren­dre roman­tique. Je vous laisse vous créer votre image.

Avec une cibiche (cig­a­rette) arro­gante
cares­sant ses lèvres,
le feu­tre taupé aux bor­ds lev­és (cha­peau mou, type Gardel)
Avec une démarche très portègne ;
Le regard suff­isant,
La crinière noire et ébou­rif­fée,
beau gosse des faubourgs
avec sa touche (son allure), sans pareille.

Cham­pi­on entouré de filles
pour son verbe tant fleuri,
ter­reur par­mi les mau­vais garçons
pour son couteau vibrant ; (il doit le tenir de manière fébrile pour intimider)
homme du pavé
con­nu des bal­cons
Droit dans ses bottes (sans dis­cus­sion, n’acceptant pas le com­pro­mis)
avec une âme de payador (chanteur impro­visa­teur)

Quand la nuit enrobe (entoure)
les ruelles du quarti­er
passe l’estampe du bel­lâtre,
pareil à un roi de la ban­lieue ;
bien­tôt une ombre s’approche,
il y a un frémisse­ment des lèvres
et un bais­er vibre dans l’âme
du Don Juan (guapo) du lieu.

La vie est courte

Le même jour, Castil­lo et Tan­turi ont enreg­istré un tan­go, La vida es cor­ta 1941-02-19. C’est égale­ment Ricar­do Tan­turi qui en a com­posé la musique, mais les paroles sont de Fran­cis­co Gor­rindo.
Mal­gré cette petite dif­férence, les deux titres vont bien ensem­ble (pas dans une tan­da, bien sûr), mais car le tan­go pour­rait être le dit du Mozo, du Don Juan, du Tai­ta, ce Shusheta (El aristócra­ta de Di Sar­li). Il dévoile à ses con­frères de fies­ta, sa philoso­phie de la vie, philoso­phie que de nom­breux tangueros dans le monde ont adop­tée…

La vida es cor­ta 1941-02-19 — Ricar­do Tan­turi con Alber­to Castil­lo

A ver mucha­chos, quiero ale­gría,
quiero atur­dirme, para no pen­sar.
La vida es cor­ta y hay que vivir­la,
dejan­do a un lado la real­i­dad.
Hay que olvi­darse del sac­ri­fi­cio,
que tan­to cues­ta ser, ten­er el pan.
Y en estas noches de far­ra y risa,
pon­er­le al alma nue­vo dis­fraz.

La vida es cor­ta y hay que vivir­la,
en el mañana no hay que con­fi­ar.
Si hoy la men­ti­ra se lla­ma sueño,
tal vez mañana sea la ver­dad.
La vida es cor­ta y hay que vivir­la,
feliz al lado de una mujer,
que, aunque nos mien­ta, frente a sus ojos,
razón de sobra hay para quer­er.

Ricar­do Tan­turi Letra : Fran­cis­co Gor­rindo

Traduction libre

Voyez les gars, je veux de la joie,
je veux être étour­di pour ne pas penser.
La vie est courte et il faut la vivre,
en lais­sant la réal­ité de côté.
Il faut oubli­er le sac­ri­fice,
Que c’est si dur d’avoir du pain.
Et dans ces nuits de réjouis­sance (danse, musique) et de rires,
se déguis­er l’âme.

La vie est courte et il faut la vivre,
il ne faut pas faire con­fi­ance à demain.
Si aujourd’hui le men­songe s’appelle rêve,
peut-être que demain ce sera la vérité.
La vie est courte et il faut la vivre,
heureux aux côtés d’une femme,
qui même si elle nous ment à la face (sous les yeux),
il y a plein de raisons d’aimer.

Autres enregistrements

Le 19 février, une date fétiche pour Tanturi ?

À la même date, une milon­ga et un tan­go, ce que nous venons de voir, mais l’année suiv­ante, peut-être à la même date (19 févri­er 1942) ou le 20 juil­let 1942 (la doc­u­men­ta­tion varie sur la date de cette ses­sion), deux autres titres enreg­istrés par Tan­turi et Castil­lo

Tan­go (Voz de tan­go) 1942-02-19 ou 1942-07-20 avec Castil­lo

Tan­go (Voz de tan­go) 1942-02-19 ou 1942-07-20 — Orques­ta Ricar­do Tan­turi con Alber­to Castil­lo

La copa del olvi­do 1942-02-19 ou 1942-07-20 avec Castil­lo)

La copa del olvi­do 1942–02-19- ‑Orques­ta Ricar­do Tan­turi con Alber­to Castil­lo

Pour ren­forcer cette idée de date fétiche, il a encore enreg­istré un 19 févri­er, mais cette fois en 1945 et avec le chanteur Enrique Cam­pos :

Me besó y se fue 1945-02-19 (valse), avec Enrique Cam­pos 

Me besó y se fué 1945-02-19 — Ricar­do Tan­turi con Enrique Cam­pos

Qué será de ti 1945-02-19 avec Enrique Cam­pos

Qué será de ti 1945-02-19 — Ricar­do Tan­turi con Enrique Cam­pos

Pour ce qui est de mozo guapo, on en trou­ve une ver­sion plus lente, dans le style lim­ite canyengue-milon­ga de Vil­la­soboas.
En effet, Miguel Vil­las­boas a enreg­istré en 1959 ce titre dans son style si par­ti­c­uli­er. J’aime l’interprétation au piano par Vil­las­boas, pleine de petites sur­pris­es.
Cette ver­sion est intéres­sante, car elle présente le dia­logue des deux faces du mozo décrite dans les paroles, le roman­tique (vio­lons) et le com­padri­to (piano), util­i­sa­tion de l’alternance de milon­ga lisa et traspie pour servir l’histoire.

La voici, pour ter­min­er mon ser­vice. Soy tu mozo (servi­teur). No te olvides de la propina (n’oublie pas le pour­boire, un com­men­taire fera l’affaire).

Mozo guapo 1959 — Miguel Vil­las­boas
DJ BYC, d’après la gravure sur bois, Los Com­padri­tos de Juan Anto­nio Spo­torno

Hotel Victoria (Gran Hotel Victoria) 1948-02-18 (Tango)- Orquesta Juan D’Arienzo

Feliciano Latasa ? Luis Negrón ? H.D. ? Alfredo Barone ? Midori Tagami ? Un compositeur anonyme en Andalousie ? Letra : Carlos Pesce

Vieil hôtel de mes rêves et de mes joies qui berçait l’idylle d’un amour fou.

Le tan­go du jour, Gran Hotel Vic­to­ria a été enreg­istré le 18 févri­er 1948 par Juan D’Arienzo. Mais de plusieurs mys­tères tour­nent autour de cet hôtel ; sur l’hôtel lui-même, sur l’auteur ou plutôt les auteurs sup­posés, pas moins de sept.
Pour en savoir plus, je dois vous con­vi­er à une véri­ta­ble enquête poli­cière.

Extrait musical

Mais aupar­a­vant, met­tons-nous dans l’oreille ce titre, dans la ver­sion enreg­istré par Juan D’Arienzo le 18 févri­er 1948, il y a exacte­ment 76 ans.

Gran Hotel Vic­to­ria (Hotel Vic­to­ria) 1948-02-18 – Juan D’Arienzo

Il y a plusieurs autres ver­sions à écouter dans l’enquête, après les paroles. N’hésitez pas à y jeter une oreille.

Les paroles

Encore une ver­sion instru­men­tale, mais il existe quelques ver­sions chan­tées, notam­ment la mag­nifique ver­sion par D’Agostino et Var­gas de 1945. En voici donc les paroles qui peu­vent égale­ment aider à mieux com­pren­dre la musique.

Par­ti­tion de Gran Hotel Vic­to­ria — Par­tie du sec­ond Ban­doneón

En bleu le refrain, seule par­tie chan­tée par Var­gas
En vert, les cou­plets chan­tés par Tita Mere­lo. Elle chante aus­si le refrain en bleu avec une petite vari­ante, el ingra­to (l’ingrat) au lieu de mi amor (mon amour).

Viejo hotel de mis ensueños y ale­grías
que acunó el idilio de un loco amar,
hoy recuer­do aque­l­los días que vos eras
el fiel tes­ti­go de mi can­tar.

Hotel Vic­to­ria, vos que supiste
lo que he llo­rado en mi soledad,
verás mañana, cuan­do te olv­i­den,
que sólo el tan­go te recor­dará.
Hotel Vic­to­ria, fue el año veinte,
que de tus puer­tas par­tió mi amor
(el ingra­to)
Y des­de entonces lle­vo una pena
que va matan­do a mi pobre corazón.

Hoy que a golpes de pique­ta te vol­tearon,
como aque­l­la ingra­ta mi amor tronchó.
Los recuer­dos son aho­ra muy amar­gos,
ilusión que el tiem­po se la llevó.

Feli­ciano Latasa ? Luis Negrón ? H.D. ? Alfre­do Barone ? Midori Taga­mi ? Un com­pos­i­teur anonyme en Andalousie ? Letra : Car­los Pesce

Mais où est l’Hôtel Victoria ?

Même sans les paroles, on peut être cer­tain que la chan­son évoque un hôtel. De nom­breux hôtels dans le Monde s’appellent Vic­to­ria. Mais plusieurs indices per­me­t­tent de remon­ter la piste.

  • Le plus ancien enreg­istrement de ce titre en ma pos­ses­sion est de 1908, un enreg­istrement par la Ban­da de la Poli­cia de Buenos Aires. La musique est donc antérieure.
  • L’auteur sup­posé de la musique Feli­ciano Latasa est mort le 18 sep­tem­bre 1906, à un peu moins de 36 ans. Il faut donc trou­ver un hôtel plus ancien si c’est lui le com­pos­i­teur. Voir le para­graphe suiv­ant pour le quilom­bo des com­pos­i­teurs…
  • Dans les paroles chan­tées par Tita Mere­lo en 1968, il est indiqué que l’hôtel a été détru­it. Il faut donc se tourn­er vers la date d’écriture des paroles pour en savoir plus.
  • L’auteur des paroles est Car­los Pesce. Selon les sources, on trou­ve trois dates pour le texte, 1931, 1932 et 1935. Le tan­go était donc prob­a­ble­ment chan­té dès cette époque. La référence à la destruc­tion de l’hôtel est plus dis­crète : « Hotel Vic­to­ria, vos que supiste
    lo que he llo­rado en mi soledad, verás mañana, cuan­do te olv­i­den, que sólo el tan­go te recor­dará.
     » (Hôtel Vic­to­ria, toi qui savais ce que j’ai pleuré dans ma soli­tude, tu ver­ras demain, quand ils t’auront oublié, que seule­ment le tan­go se sou­vien­dra de toi).
    Si on con­sid­ère que le tan­go, ce tan­go est celui-ci, on peut donc penser que l’hôtel a dis­paru, ce qui con­firme que les paroles ne con­cer­nent pas le Gran Hotel Vic­to­ria de Cór­do­ba.

Pour gér­er ces infor­ma­tions et en tir­er, sinon des cer­ti­tudes, mais des pos­si­bil­ités, il con­vient de manier quelques hypothès­es.

Le Gran Hotel Vic­to­ria au début du 20e siè­cle. 1906 ou 1914, mys­tère.

L’auteur le plus couram­ment cité est Feli­ciano Latasa. Ce jeune homme est mort à Cór­do­ba en 1906, était musi­cien et a été con­trac­té par un hôtel de Cór­do­ba appar­tenant à un cer­tain Pas­cual Andruet. Ce dernier avait appelé son hôtel, Hotel Vic­to­ria (con­stru­it en 1893) et il a décidé d’en créer un nou­veau qu’il a appelé Gran Hotel Vic­to­ria. En 1906 (le 4 jan­vi­er), il inau­gu­rait un nou­v­el étab­lisse­ment. On peut donc penser que, comme l’affirme, Efraín Bischoff dans His­to­ria de los Bar­rios de Cór­do­ba, sus leyen­das, insti­tu­ciones y gentes (1986), Feli­ciano Latasa aurait pro­posé cette œuvre pour l’inauguration.

Cepen­dant, sur le site de l’hôtel, on indique qu’il a été inau­guré le 24 jan­vi­er 1914. Cela exclut donc totale­ment Feli­ciano Latasa de l’histoire, mais nous y revien­drons dans le prochain chapitre.

Plaque com­mé­mora­tive du pre­mier pas­sage de Car­los Gardel et José Raz­zano à Cór­do­ba . Elle est fixée au Stu­dio The­atre, sur l’emplacement du théâtre de l’époque

Ce qui va dans le sens de cette inter­pré­ta­tion est que la musique est vive, sans la nos­tal­gie des ver­sions ultérieures et chan­tées, de D’Agostino et Var­gas, ou de Tita Merel­lo. Elle est tout à fait adap­tée à une fête d’inauguration. Que ce soit par Latasa ou un autre, l’hôtel de Cór­do­ba reste plau­si­ble, d’autant plus que cet étab­lisse­ment s’enorgueillit de la vis­ite de Gardel et Lib­er­tad Lamar­que.
Gardel y a en effet séjourné pour la pre­mière fois pour un réc­i­tal don­né avec José Raz­zano le same­di 11 juil­let 1914.

L’hôtel était alors le plus mod­erne de la ville avec l’eau courante, des salles de bain privées et des ascenseurs. Son pro­prié­taire, le fameux Andruet, avait passé des annonces dans les jour­naux de la ville.
Comme il sub­siste des doutes, on peut essay­er de chercher du côté de l’auteur des paroles.
Elles sont claire­ment attribuées à Car­los Pesce et datent prob­a­ble­ment des années 30. Elles peu­vent faire référence à des sou­venirs. L’hôtel démoli peut être l’ancien étab­lisse­ment de Pas­cual Andruet, celui de 1893.
On peut tout à fait imag­in­er que si l’hôtel de la musique est celui de Cór­do­ba, celui des paroles est un autre hôtel ou une sim­ple inven­tion de Pesce. Ce qui est sûr, c’est que l’hôtel de 1906 (ou 1914) existe tou­jours et que donc ce texte ne peut pas par­ler de cet hôtel.
Pour trou­ver un autre hôtel can­di­dat, je pro­pose de nous ren­dre à Buenos Aires ou un hôtel Vic­to­ria a été démoli dans les années 30.

L’hôtel Vic­to­ria de Buenos Aires vers 1930 et ce qui a été con­stru­it à la place, à l’angle des rues Cer­ri­to et Lavalle. On voit claire­ment sur la pho­to de l’hôtel Vic­to­ria les travaux en cours. Démo­li­tion ou restruc­tura­tion. Pas sûr, mais suff­isant pour faire écrire le texte de ce tan­go à Pesce.

Deux hôtels pour le prix d’un

Je pense que vous avez com­pris où je voulais en venir. Le tan­go orig­i­nal peut très bien avoir été util­isé pour l’inauguration de l’hôtel de Cór­do­ba, puis Pesce lui adjoint des paroles pour par­ler de l’hôtel Vic­to­ria de Buenos Aires qui était en cours de démo­li­tion.
Un indice me con­forte dans cette idée, le fait que le tan­go s’appelle par­fois « Hotel Vic­to­ria » ou « Gran Hotel Vic­to­ria ». Il est peu prob­a­ble que cela fasse référence au pre­mier, puis au sec­ond étab­lisse­ment d’Andruet. Pesce n’avait aucune rai­son d’être nos­tal­gique d’un petit hôtel de Cór­do­ba.
En revanche, l’Hotel Vic­to­ria, sans « gran » de Buenos Aires, est un par­fait can­di­dat, même s’il peut y en avoir d’autres.

Voici donc ma proposition

Une musique allè­gre a été util­isée pour fêter l’inauguration de l’hôtel de Cór­do­ba. Les ver­sions de D’Arienzo qui sont énergique s’inscrivent dans la même veine.

C1908 Ban­da De La Poli­cia De Buenos Aires. Véri­ta­ble musique avec flon­flons pour une inau­gu­ra­tion

Dans les années 30, Pesce écrit des paroles pour ce tan­go, des paroles nos­tal­giques où il ajoute une his­toire d’amour qui se ter­mine et peut-être la démo­li­tion de l’hôtel, prob­a­ble­ment celui de Buenos Aires puisque celui de Cór­do­ba est tou­jours debout. Ceci explique que les ver­sions chan­tées soient plus tristes. Par exem­ple, celle de D’Agostino et Var­gas.

1945-05-21 Orchestre Ángel D’Agosti­no, con Ángel Var­gas. Nos­tal­gique et superbe

Mais cette his­toire rocam­bo­lesque ne se ter­mine pas si rapi­de­ment. Je vous invite à un autre rebondisse­ment…

Le quilombo des compositeurs

Cou­ver­ture des par­ti­tions. À gauche, une signée Feli­ciano Latasa et à droite une signée Luis Negrón (c1932).

J’ai évo­qué Feli­ciano Latasa comme étant le com­pos­i­teur « offi­ciel », mais rien n’est moins sûr. En effet, si l’inauguration a eu lieu en 1914, il était mort depuis 8 ans. Ceci pour­rait expli­quer les divers­es reven­di­ca­tions, notam­ment par Alfre­do Barone (un vio­loniste de Cór­do­ba) et Luis Negrón.

Coup de théâtre

Pour rajouter à l’énigme, dans une œuvre théâ­trale nom­mée « La bor­rachera del tan­go » (l’ivresse du tan­go), il y a une chan­son nom­mée la « La payasa » (qui n’est pas le féminin du clown [paya­so], mais la drogue en lun­far­do) et dont l’air est celui d’Hotel Vic­to­ria). Le curieux, c’est que la musique est attribuée à un cer­tain « H.D. ». Les paroles sont celles des auteurs de la pièce de théâtre et n’ont donc rien à voir avec un quel­conque hôtel comme on peut l’entendre dans cette ver­sion chan­tée par Igna­cio Corsi­ni en 1922.

La Payasa — Igna­cio Corsi­ni — Tan­go (C1922)

On se retrou­ve donc avec plusieurs com­pos­i­teurs poten­tiels ; Feli­ciano Latasa, Luis Negrón, H.D., et Alfre­do Barone.

L’excellent site Todo Tan­go rajoute des com­pos­i­teurs japon­ais, mais c’est juste une his­toire de récupéra­tion de droits d’auteur et d’arrangements musi­caux. En effet, la chan­son de Mari Amachi, « Mizuiro no Koi » est enreg­istrée, de la façon suiv­ante :

  • Mizuiro no Koi 水色の恋
  • Year: 1971
  • singer Amachi Mari
  • lyrics Pesce Car­los
  • lyrics Taga­mi Eri
  • com­pos­er Latasa Feli­ciano
  • com­pos­er Taga­mi Midori

On retrou­ve donc les clas­siques Pesce pour les paroles et Latasa pour la musique. Les Japon­ais (oncle et nièce) ne sont que les arrangeurs et auteurs des paroles japon­ais­es.

Je vous pro­pose cette vidéo sous-titrée en espag­nol. Elle est hon­nête­ment, dif­fi­cile­ment sup­port­able, mais elle a fait un tabac immense au Japon, pays regorgeant de fana­tiques du tan­go.

Mari Amachi — « Mizuiro no Koi » 1971 — Avec sous-titres en espag­nol.

On se retrou­ve donc avec beau­coup de com­pos­i­teurs, même si on peut bien sûr enlever les Japon­ais et prob­a­ble­ment H.D. de l’affaire.

Inutile de tir­er au sort pour savoir qui est le gag­nant, car Todo Tan­go fait une hypothèse que je trou­ve excel­lente. Si vous avez déjà suivi le lien ci-dessus, vous êtes au courant. En effet, dans son arti­cle, «Gran Hotel Vic­to­ria», un tan­go anón­i­mo, Rober­to Sell­es cite une anec­dote où la chanteuse andalouse, Lola Hisa­do indique que cet air est un air espag­nol.

C’est loin d’être impos­si­ble dans la mesure où Latasa est né en Espagne et que si cette œuvre est tra­di­tion­nelle, il peut l’avoir con­nue dans son pays d’origine.

Todo Tan­go s’arrête là. Pour ma part, je laisse la porte ouverte en me dis­ant qu’il se peut que Lola Hisa­do ait enten­du cet air en Espagne, mais, car il avait entre-temps cir­culé en Espagne, peut-être véhiculé par les orchestres argentins dans les années 20.

Existe-t-il un com­pos­i­teur anonyme en Andalousie, Latasa a‑t-il copié ou réelle­ment inven­té ?

N’hésitez pas à don­ner votre opin­ion dans les com­men­taires…

Autres enregistrements

La ver­sion que je pro­pose a été enreg­istrée le 18 févri­er 1948 par l’orchestre de Juan D’Arienzo qui l’a enreg­istré égale­ment en 1935, 1966 et après sa mort, en 1987. Non, ce n’est pas le fan­tôme de D’Arienzo, c’est juste que de nom­breux DJ utilisent des enreg­istrements des solistes de D’Arienzo, sous la direc­tion du ban­donéiste et arrangeur des dernières années de D’Arienzo, Car­los Laz­zari.

Comme indiqué précédem­ment, il y a deux branch­es pour ce tan­go. Une plutôt gaie et une autre, celle des tan­gos chan­tés par Var­gas et Merel­lo, plutôt nos­tal­gique, voire triste.

Tous ces tan­gos ne sont pas pour la danse, mais en ce qui con­cerne D’Arienzo, ce sont tous des valeurs sûres qui per­me­t­tent de s’adapter au pub­lic présent.

Voici quelques ver­sions par­mi une cen­taine, au moins, car le 21e siè­cle l’a beau­coup enreg­istré). En rouge, les ver­sions plutôt gaies et en bleu, les ver­sions plutôt nos­tal­giques.

C1908 Ban­da De La Poli­cia De Buenos Aires. (Gai. Véri­ta­ble musique avec flon­flons pour une inau­gu­ra­tion)

C1910 Estu­di­anti­na Cen­te­nario Direc­tion : Vicente Abad (Gai un peu plus lent, mais avec jolie man­do­line).
C1911 Orchestre Vicente Gre­co (Gai, mais con­fuse)

C1922 Igna­cio Corsi­ni (Nos­tal­gique, mais avec des paroles et sous un autre nom (Payasa).

C 1925 Orchestre Rober­to Fir­po (Nos­tal­gique, bien qu’instrumentale). Il peut s’a­gir d’une référence à la ver­sion de Corsi­ni.
1929 Trío Odeón avec les gui­taristes Iri­arte-Pesoa-Pages (Gai)
1935-06-18 Orchestre Fran­cis­co Canaro (Ver­sion très lente, plutôt canyengue, dis­ons nos­tal­gique, mais en fait, plutôt neu­tre).
1935-07-02 Orchestre Juan D’Arien­zo (Gai, le D’Arien­zo d’a­vant Bia­gi)
1945-05-21 Orchestre Ángel D’Agosti­no, con Ángel Var­gas (Nos­tal­gique et superbe).
1948-02-18 Orchestre Juan D’Arienzo (Gai, mais avec des pas­sages plus doux (con­traste)
1948-08-13 Rober­to Fir­po y su Nue­vo Cuar­te­to (Gai, con­traire­ment à la ver­sion de 1925)
1949-10 Juan Cam­bareri y su Gran Cuar­te­to Típi­co « Ayer y hoy » (Gai et même énervée. Si l’idée est de rap­pel­er le départ, celui s’effectue avec une loco­mo­tive à vapeur à plein régime. Pas ques­tion de pro­pos­er ce titre à danser).

1951-10-30 Orchestre Joaquín Do Reyes (Nos­tal­gique, mais pas très intéres­sant)
1959 Miguel Vil­las­boas y su Quin­te­to Típi­co (Gai, qui rap­pelle les airs des pre­miers flon­flons ou de la man­do­line, mais en pizzi­cati)
1959-04-09 Quin­te­to Pir­in­cho dir. Fran­cis­co Canaro (Gai, avec des pas­sages un peu plus nos­tal­giques. La flûte rap­pelle les flon­flons des pre­mières ver­sions.

1959-10-08 Orchestre Florindo Sas­sone (Nos­tal­gique et bien dans l’esprit de Sas­sone, pas pour tous les danseurs…)
1963-07-11 Quin­te­to Real (Gai, avec beau­coup de trilles. Suff­isam­ment décousu pour ne pas être dans­able)
1966-08-03 Orchestre Juan D’Arienzo (Gai, et puis­sant comme un D’Arienzo des années 60, logique, c’en est un, avec ses fameux breaks)

1968 Con­jun­to Car­los Figari, con Tita Merel­lo (Nos­tal­gique, mais à la façon de Tita Merel­lo, pas pour la danse de toute façon)
1970, 1976 et 1981-03-07 (En vivo) Hora­cio Sal­gán y Ubal­do De Lio (Gai, mais très décousu, absol­u­ment pas pour la danse, le piano est très présent. La ver­sion de 1976 est en pub­lic à l’Hôtel Sher­a­ton de Buenos Aires et celle de 1981 au Japon).
1976-12-08 (En vivo) Los Reyes Del Com­pás. Enreg­istré en pub­lic au Japon (Tokyo at the Shi­ba Yuu­bin­chokkin hall) en mémoire de Juan D’Arienzo. La ver­sion est plutôt gaie mal­gré la mort de leur mod­èle.

1977 Sex­te­to May­or Une ver­sion nos­tal­gique, absol­u­ment pas pour la danse.
1990-02-09 Yasushi Oza­wa y su Orques­ta Típi­ca Cor­ri­entes Plutôt nos­tal­gique, mais en fait assez moyenne. Sans doute pas le titre à retenir pour une milon­ga réussie.

2007—08 (En vivo) La Tubatan­go (Gai, retour des flon­flons, la boucle est bouclée avec la Ban­da de la Poli­cia de Buenos Aires, un siè­cle plus tôt. Même si dan­sée dans la vidéo, ce n’est sans doute pas la ver­sion la plus dansante.

Il y a bien sûr des dizaines d’autres ver­sions. J’en ai plus de cinquante dans ma dis­cothèque, même si seule­ment deux ou trois passeront spon­tané­ment dans les milon­gas que j’anime.

La Tubatan­go, un orchestre atyp­ique, faisant revivre des modes musi­caux des pre­miers temps. Ici, Gran Hotel Vic­to­ria, un enreg­istrement pub­lic à Sao Paulo, Brasil, en août 2007.

Sources

Plusieurs sources m’ont servi pour écrire cet arti­cle. En dehors des sources écrites, des musiques de ma dis­cothèque, j’ai util­isé les sites suiv­ants :

The life of a frus­trat­ed Milonguero (en): Gran Hotel Vic­to­ria
https://tangogales.wordpress.com/2020/11/30/gran-hotel-victoria/

Hôtel Vic­to­ria, toi qui savais ce que j’ai pleuré dans ma soli­tude.

Tus besos fueron míos 1927-02-17 (Tango) — Orquesta Típica Victor (Direction Adolfo Carabelli)

Anselmo Alfredo Aieta Letra : Francisco García Jiménez

Tus besos fueron míos

Le tan­go du jour a 97 ans. Son titre est explicite, Tus besos fueron míos (Tes bais­ers furent miens) et son sujet, tou­jours d’actualité.
Même s’il s’agit ici d’une ver­sion instru­men­tale, on imag­ine qu’il s’agit de la chan­son de la perte d’un amour. Les paroles que l’on con­naît dans la plu­part des autres ver­sions le con­fir­ment.
J’ai choisi ce tan­go pour pou­voir par­ler de son édi­teur, la firme RCA Vic­tor. En effet, l’orchestre Típi­ca Vic­tor ne jouait pas en pub­lic, seule­ment en stu­dio, c’est l’o­rig­i­nal­ité de cer­tains de ces orchestres de maisons d’édi­tion.

Victor ou Victors ?

La par­tic­u­lar­ité de ces orchestres de maisons d’édition de dis­ques était qu’ils n’étaient pas asso­ciés à un Directeur d’orchestre. Les musi­ciens pou­vaient rester les mêmes et le chef chang­er, con­traire­ment aux orchestres dirigés par des chefs ayant don­né leur nom à l’orchestre. Le pre­mier chef d’orchestre à avoir été con­trac­té par la Vic­tor a été un jeune pianiste, Adol­fo Cara­bel­li, qui a eu par la suite son pro­pre orchestre. Ce tan­go date de cette péri­ode.

Les musi­ciens de la orques­ta Típi­ca Vic­tor vers 1927 De gauche à droite : Con­tre­basse : Hum­ber­to Costan­zo — Vio­lons : Euge­nio Romano, Age­si­lao Fer­raz­zano et Man­lio Fran­cia — Ban­donéons : Luis Petru­cel­li, Ciri­a­co Ortiz et Nicolás Prim­i­ani — Piano : Vicente Gor­rese. Adol­fo Cara­bel­li (le chef d’orchestre et le vio­loniste Elvi­no Var­daro qui tra­vail­lait aus­si à l’époque pour la RCA Vic­tor, ne sont pas sur la pho­to.

Qui dit pas Victor a parfois tort

Sou­vent, des danseurs me deman­dent la Típi­ca Vic­tor. Soucieux de leur faire plaisir, je leur demande quel orchestre, quelle péri­ode, quel titre et je n’obtiens jamais de réponse.
Cer­tains DJ, sous le pré­texte qu’il y a écrit Vic­tor passent n’importe quels titres sans tenir compte des styles assez dif­férents selon les orchestres et les directeurs qui se sont suc­cédé.

Les différents orchestres Victor

  • Orques­ta Vic­tor Pop­u­lar
  • Orques­ta Típi­ca Los Provin­cianos (Ciri­a­co Ortiz)
  • Orques­ta Radio Vic­tor Argenti­na (Mario Mau­ra­no)
  • Orques­ta Argenti­na Vic­tor
  • Orques­ta Vic­tor Inter­na­cional
  • Cuar­te­to Vic­tor [Cayetano Puglisi et Anto­nio Rossi (vio­lons), Ciri­a­co Ortiz et Fran­cis­co Pracáni­co (ban­donéons)]
  • Trío Vic­tor [Elvi­no Var­daro (vio­lon), Oscar Alemán et Gastón Buen (gui­tares)]

En revanche, il est sou­vent pos­si­ble de mélanger un titre de la Vic­tor avec un titre enreg­istré par le même chef avec son pro­pre orchestre.
On remar­quera, en effet, qu’avec les mêmes musi­ciens, les chefs ont mis leur empreinte. C’est d’ailleurs un phénomène bien con­nu pour les orchestres de musique clas­sique.

Le nom ne fait pas la tanda

Beau­coup de DJ débu­tants l’apprennent à leur dépens (ou à celui de leurs danseurs), le nom d’un orchestre ne suf­fit pas pour fab­ri­quer une belle tan­da. Dans le cas des orchestres Vic­tor, c’est assez clair, mais si on prend l’exemple de Canaro, de ces dif­férents orchestres (tan­go et jazz), de ses dif­férentes for­ma­tions, quin­tettes, Típi­cas et de sa très longue péri­ode d’enregistrement, on se retrou­ve face au même prob­lème.
Recon­nais­sons toute­fois que c’est un peu moins gênant main­tenant, car ces DJ s’appuient désor­mais sur des playlists qui cir­cu­lent et que donc, le tra­vail de tri a déjà été fait. C’était par­ti­c­ulière­ment sen­si­ble au début des années 2000. Voir à ce sujet, cet arti­cle.

Écoute

Tus besos fueron míos 1927-02–17Orques­ta Típi­ca Vic­tor (Direc­tion Adol­fo Cara­bel­li)

L’archive sonore présen­tée ici, l’est à titre d’ex­em­ple didac­tique. La qual­ité sonore est réduite à cause de la plate­forme de dif­fu­sion qui n’ac­cepte pas les fichiers que j’u­tilise en milon­ga et qui sont env­i­ron 50 fois plus gros et de bien meilleure qual­ité. Je pense toute­fois que cet extrait vous per­me­t­tra de décou­vrir le titre en atten­dant que vous le trou­viez dans une qual­ité audio­phile.

Les paroles

Tus besos fueron míos.
Dique Vic­tor 79334‑A

Hoy pasas a mi lado con fría indifer­en­cia
Tus ojos ni siquiera detienes sobre mí
Y sin embar­go, vives uni­da a mi exis­ten­cia
Y tuyas son las horas mejores que viví
Fui dueño de tu encan­to, tus besos fueron míos
Soñé y can­té mis penas jun­to a tu corazón
Tus manos en mis locos y ardi­entes desvaríos
Pasaron por mi frente como una ben­di­ción

Y yo he per­di­do por tor­pe incon­stan­cia
La dulce dicha que tú me tra­jiste
Y no respiro la suave fra­gan­cia
De tus pal­abras, ¡y estoy tan triste!
Nada del mun­do mi due­lo con­suela
Estoy a solas con mi ingrat­i­tud
Se fue con­ti­go, de mi nov­ela
La últi­ma risa de la juven­tud

Después te irás bor­ran­do, per­di­da en los refle­jos
Con­fu­sos que el olvi­do pon­drá a mi alrede­dor
Tu ima­gen se hará pál­i­da, tu amor estará lejos
Y yo erraré por todas las playas del dolor
Pero hoy que tu recuer­do con encen­di­dos bríos
Ocu­pa entera­mente mi pobre corazón
Mur­muro amarga­mente: “tus besos fueron míos
Tus besos de con­sue­lo, tus besos de pasión”

Y yo he per­di­do por tor­pe incon­stan­cia
La dulce dicha que tú me tra­jiste
Y no respiro la suave fra­gan­cia
De tus pal­abras, ¡y estoy tan triste!
Nada del mun­do mi due­lo con­suela
Estoy a solas con mi ingrat­i­tud
Se fue con­ti­go, de mi nov­ela
La últi­ma risa de la juven­tud

Ansel­mo Alfre­do Aieta Letra : Fran­cis­co Gar­cía Jiménez

Autres enregistrements

Ce titre a été enreg­istré à plusieurs repris­es, dans un bal­ance­ment entre ver­sions instru­men­tales, ver­sions chan­tées et ver­sions chan­sons (seule­ment pour l’écoute et pas pour la danse).

  • 1926, Car­los Gardel accom­pa­g­né par les gui­tares de Guiller­mo Bar­bi­eri et José Ricar­do enreg­is­trait ce titre avec les paroles.
  • 1926, Enreg­istrement par Canaro
  • 1927-02-17, la ver­sion que je vous pro­pose aujourd’hui et qui a donc 97 ans, est celle enreg­istrée le 17 févri­er 1927 par l’orchestre Típi­ca Vic­tor. Il a été édité sur disque 78 tours sous la référence Vic­tor 79334 A. Sa matrice por­tait le numéro 1102–2. C’était le deux­ième enreg­istrement de la journée et il est devenu la face A du disque.
    Le même jour, la Típi­ca Vic­tor enreg­is­tra Tra­go amar­go de Rafael Iri­arte Letra : Julio Plá­ci­do Navar­rine (matrice 1101–1).
    À cette époque, les maisons d’édition regravent les titres avec les nou­veaux procédés d’enregistrement élec­trique. Cela provoque une activ­ité intense, comme en témoignent d’autres enreg­istrements du du même jour, comme l’enregistrement de la com­par­si­ta par Canaro, chez Odéon.
  • 1927-02-21, Rosi­ta Quiroga pro­pose une ver­sion chan­tée, accom­pa­g­née par des gui­taristes.
  • 1927-05-30, Canaro l’enregistre de nou­veau, tou­jours en ver­sion instru­men­tale.
  • 1930-12-13, encore Canaro, mais en accom­pa­g­nant de sa chère Ada Fal­con. Voir cet arti­cle pour des infos sur leur « cou­ple ».
  • 1946-11-29, Ricar­do Tan­turi sort le titre de l’oubli avec le chanteur Rober­to Videla. Mal­gré le mode mineur (tristesse), la par­tie instru­men­tale est assez allè­gre. En revanche, Videla met beau­coup (trop ?) d’émotion. On peut aimer et ça reste comme Tan­turi en général, dans­able.
  • 1952-08-14, Alfre­do Attadía et le chanteur Enzo Valenti­no en donne une ver­sion chan­tée. C’est claire­ment une chan­son qui n’était pas des­tinée à la danse. Atta­dia, n’a pas con­trôlé le chanteur comme l’avait fait Tan­turi.
  • 1952-11-14, Alfre­do de Ange­lis et Car­los Dante en don­nent une ver­sion chan­tée bien équili­brée et qui per­met une danse de qual­ité. Elle rejoint donc la ver­sion de Tan­turi dans la dis­cothèque du DJ de tan­go.
Pero hoy que tu recuer­do con encen­di­dos bríos
Ocu­pa entera­mente mi pobre corazón
Mur­muro amarga­mente: “tus besos fueron míos
Tus besos de con­sue­lo, tus besos de pasión”

La naranja nació verde 1944-02-16 (Milonga) — Orquesta Francisco Canaro con Carlos Roldán y Héctor Castel

Rafael Rossi; Luis Mario (María Luisa Carnelli) Letra: Luis Mario (María Luisa Carnelli)

La naran­ja nació verde Y el tiem­po la maduró, Cuan­do me quer­rás, negri­ta Es lo que pre­gun­to yo.

Sous ce titre un peu curieux se cache une milon­ga éton­nante pour le tan­go du jour.
La chan­son fait le par­al­lèle entre le fruit vert, amer et le fruit mûr, doux, avec la femme qui n’est pas prête à aimer et qui le peut devenir en devenant douce.
L’air allè­gre et joueur de la milon­ga dévoile donc une demande d’amour en retour, un peu comme le déclarait Pierre de Ron­sard, âgé de 20 ans en 1545, après sa ren­con­tre avec Cas­san­dre Salviati :

Mignonne, allons voir si la rose Qui ce matin avoit desclose Sa robe de pour­pre au Soleil, A point per­du ces­te vesprée Les plis de sa robe pour­prée, Et son teint au vostre pareil…

Bon, le par­al­lèle n’est pas totale­ment exact, Ron­sard jouait avec la peur de la mort et María Luisa Car­nel­li invite plutôt à mûrir plus rapi­de­ment, mais dans les deux cas, je pense qu’on peut par­ler d’une envie pres­sante de con­som­mer.
Je viens de citer María Luisa Car­nel­li, cette auteure argen­tine se présen­tait sous un nom de plume d’homme, Luis Mario. María Luisa d’o­rig­ine bour­geoise et de for­ma­tion lit­téraire clas­sique, a prob­a­ble­ment pris ce pseu­do­nyme de façon à ce que sa famille ne se rende pas compte qu’elle écrivait des paroles de tan­go en argot (lun­far­do).
Si vous souhaitez en con­naître plus sur sa tra­jec­toire par­ti­c­ulière, vous pou­vez con­sul­ter une biogra­phie écrite par Nél­i­da Beat­riz Cirigliano dans Buenos Aires His­to­ria.
Sur la milon­ga pro­pre­ment dite, le rythme est assez intéres­sant, assez proche de l’ha­banera (mais moins que dans la ver­sion de Feli­ciano Brunel­li). La par­tie chan­tée rend toute­fois un peu com­pliquée la danse. Cette milon­ga peut être dif­fusée en milon­ga, sans être un must have.

Extrait musical

La naran­ja nació verde 1944-02-16 (Milon­ga) — Fran­cis­co Canaro con Car­los Roldán y Héc­tor Cas­tel

L’archive sonore présen­tée ici, l’est à titre d’ex­em­ple didac­tique. La qual­ité sonore est réduite à cause de la plate­forme de dif­fu­sion qui n’ac­cepte pas les fichiers que j’u­tilise en milon­ga et qui sont env­i­ron 50 fois plus gros et de bien meilleure qual­ité. Je pense toute­fois que cet extrait vous per­me­t­tra de décou­vrir le titre en atten­dant que vous le trou­viez dans une qual­ité audio­phile.

Paroles

La naran­ja nació verde
Y el tiem­po la maduró,
Cuan­do me quer­rás, negri­ta
Es lo que pre­gun­to yo.
Me dijiste ayer: mañana
Y hoy me dijiste que no,
Qué naran­ja más amar­ga
Es la que a mí me tocó.

La naran­ja cuan­do nace… nace verde
La esper­an­za tam­bién tiene ese col­or,
La naran­ja se hace dulce
La esper­an­za… ilusión.
El baile… el bailecito está de fies­ta
Como sue­na res­o­nan­do el acordeón,
¡Ay, mi negra!, Con tus ojos
Me has nubla­do el corazón.

Me dijiste ayer: mañana
Y hoy respondiste que no,
Estás jugan­do a las pren­das
Pero el pren­da­do soy yo.
La naran­ja nació verde
Y al final se maduró,
Cuan­do me dirás, negri­ta
Que la espera ter­minó.

Rafael Rossi; Luis Mario (María Luisa Car­nel­li) Letra: Luis Mario (María Luisa Car­nel­li)

Autres enregistrements

Ce titre plutôt orig­i­nal n’a pas don­né lieu à beau­coup d’en­reg­istrements. Cela ne veut pas dire qu’il n’a pas été beau­coup joué, seule­ment qu’il n’a pas été enreg­istré. Voici quelques enreg­istrements :

  • 1943-08-02 Feli­ciano Brunel­li con Oscar Vale­ta. Ver­sion proche de l’ha­banera, assez joyeuse. Brunel­li est un musi­cien général­iste, qui n’a pas don­né que dans le tan­go. Il était né en France (à Mar­seille), de par­ents ital­iens et nat­u­ral­isé Argentin. Quant à Oscar Vale­ta, le chanteur, il ne sem­ble avoir enreg­istré qu’avec Brunel­li.
  • 1949 Trío Rafael Rossi con Dúo Rol­sales-Casadei, l’au­teur de la musique a enreg­istré sa com­po­si­tion. C’est assez joli, mais un peu mou en faire une milon­ga inou­bli­able.

Sur la col­lab­o­ra­tion de Canaro avec ces chanteurs, on compte près d’une cen­taine d’en­reg­istrements avec Car­los Roldán dont un bon nom­bre de milon­gas (can­dombe et “nor­males”). Par con­tre, il sem­blerait qu’il n’a pas enreg­istré d’autre titre avec Héc­tor Cas­tel.

La naran­ja nació verde Y al final se maduró, Cuan­do me dirás, negri­ta Que la espera ter­minó.
L’o­r­ange naît verte et au final mûrit. Quand me diras-tu, petite noire, que l’at­tente est ter­minée ?

Alma mía 1940-02-15 (Valse) — Orquesta Carlos Di Sarli con Roberto Rufino

Diego J. Centeno Letra: Héctor Marcó

Alma mía, ¿con quién soñás?
He venido a tur­bar tu paz. […]
Abre niña tu ven­tanal
que con rayos de luna risueña
la noche porteña te quiere besar.

Clin d’oeil, j’ai util­isé la sil­hou­ette de Gardel pour le chanteur der­rière les volets.

Le tan­go du jour est une superbe valse, Alma mía qui témoigne des pre­miers enreg­istrements de l’orchestre de Car­los Di Sar­li qui aupar­a­vant avait seule­ment gravé des titres avec son Sex­te­to.
On retrou­ve dès les pre­miers enreg­istrements la sub­til­ité har­monique au ser­vice d’une cadence rigoureuse qui fera sa gloire. Pour être juste, on trou­vait déjà dans les derniers enreg­istrements du sex­te­to, quelques élé­ments de cette har­monie, mais qui étaient étouf­fés par une ryth­mique un peu pesante, héri­tière du canyengue.
Pour se ren­dre compte de la qual­ité de la musique de Di Sar­li sur des tan­gos, on pour­ra écouter La tril­la, enreg­istrée le même jour qu’Alma mía, ou son pre­mier enreg­istrement avec Rufi­no, le 11 décem­bre 1939, Corazón.
Ceux qui me con­nais­sent, savent que j’adore les valses, mais si je l’ai préférée à La tril­la, enreg­istrée le même jour et qui aurait donc par­faite­ment con­venu comme tan­go du jour, c’est que je suis retourné et j’ai tou­jours envie de chanter à tue-tête en même temps que Rufi­no « Aaaal­maaaaa míííííííaaaaaa, ¿ con quién soñás ? » (Mon âme, à qui rêves-tu ?).
C’est égale­ment une superbe déc­la­ra­tion d’amour, à la Cyra­no de Berg­er­ac, il y a même le bal­con.
J’arrête de me jus­ti­fi­er, cette valse est une mer­veille absolue et si Rufi­no est moins sou­vent choisi par cer­tains col­lègues DJ que Jorge Durán ou Alber­to Podestá, voire Car­los Acuña ou Oscar Ser­pa, c’est à mon sens très dom­mage. Il y a quelques jours, une organ­isatrice de Buenos Aires m’a remer­cié d’avoir passé une tan­da avec Rober­to Rufi­no.

Extrait musical

Alma mía 1940-02–15 (Valse) — Car­los Di Sar­li con Rober­to Rufi­no

L’archive sonore présen­tée ici, l’est à titre d’ex­em­ple didac­tique. La qual­ité sonore est réduite à cause de la plate­forme de dif­fu­sion qui n’ac­cepte pas les fichiers que j’u­tilise en milon­ga et qui sont env­i­ron 50 fois plus gros et de bien meilleure qual­ité. Je pense toute­fois que cet extrait vous per­me­t­tra de décou­vrir le titre en atten­dant que vous le trou­viez dans une qual­ité audio­phile.

Paroles

Alma mía, ¿con quién soñás?
He venido a tur­bar tu paz.
No me culpes, soy un can­tor
que ha queri­do mezclar a tu sueño
un ver­so porteño bor­ra­cho de amor.

Si despier­tas, no maldigas
llego aquí porque te adoro,
porque sufro, porque imploro,
porque quiero que me digas,
si es ver­dad que cuan­do sueñas
me acari­cian tus amores.
Mari­posa, tus col­ores
me han roba­do el corazón.

Deja el lecho cán­di­da flor
que en tu reja ron­da el amor.
Abre niña tu ven­tanal
que con rayos de luna risueña
la noche porteña te quiere besar.

Duerme el ave, allá en su nido,
solo ron­do yo en la cal­ma
por saber si tienes alma,
oh mujer, que me has ven­ci­do.
Despier­ta si estás dormi­da
que por ti, mi dulce dueña,
mien­tras Buenos Aires sueña,
yo ago­ni­zo en tu bal­cón.

Diego J. Cen­teno Letra: Héc­tor Mar­có

Traduction des paroles

Mon âme, à qui rêves-tu ?
Je suis venu trou­bler ta tran­quil­lité.
Ne m’accuse pas, je suis un chanteur qui a voulu mélanger à ton rêve un vers porteño, ivre d’amour.
Si tu te réveilles, ne me maud­is pas, je viens ici parce que je t’adore, parce que je souf­fre, parce que j’im­plore, parce que je veux que tu me le dis­es, si c’est vrai que, quand tu rêves, tes amours me caressent.
Papil­lon, tes couleurs m’ont volé le cœur.
Sors du lit, fleur can­dide, car l’amour hante ta clô­ture.
Ouvre ta fenêtre, jeune femme, qu’avec les rayons d’une lune rieuse, la nuit portègne veut t’embrasser.
L’oiseau dort, là, dans son nid.
Seul, je me promène dans le calme pour savoir si tu as une âme,
ô femme, qui m’a vain­cu.
Réveille-toi si tu dors, car, pour toi, ma douce maîtresse, pen­dant que Buenos Aires rêve, j’ag­o­nise à ton bal­con.

Autres enregistrements

Curieuse­ment, cette mag­nifique valse a été peu enreg­istrée. Il faut dire qu’il est dif­fi­cile de sur­pass­er la ver­sion de Di Sar­li et Rufi­no. Les quelques exem­ples que je cite ici le prou­vent.

  • 1936-07-15 Agustín Mag­a­l­di accom­pa­g­né de gui­tares. Hon­nête­ment, cette ver­sion est un peu criée et pas très intéres­sante. Ce qu’en a fait 4 ans plus tard Di Sar­li est heureux pour cette valse.
  • 1969-10-21 Le Sex­te­to Tan­go avec Jorge Maciel. Absol­u­ment pas pour la danse et pour ceux qui sup­por­t­ent Maciel dans ses moins bons moments.
  • 1996 Enzo Valenti­no pro­pose une ver­sion maniérée guère plus intéres­sante que la ver­sion de Maciel. Pas de risque que je pro­pose cela en milon­ga.

Sous le même titre, on trou­ve un tan­go com­posé par San­do Panizzi. Il est inter­prété par Marek Weber et son orchestre. Cet orchestre alle­mand est attachant, il témoigne de la folie du tan­go dans les années 20 et 30 en Europe. Son inter­pré­ta­tion n’est pas si vilaine mal­gré ses airs mil­i­taires et ses flon­flons de tromblons.
J’ai men­tion­né ci-dessus La tril­la, un tan­go écrit par Eduar­do Aro­las avec des paroles d’Héctor Poli­to. Rien à voir avec Alma mía, si ce n’est que ce tan­go a été enreg­istré par les mêmes, le même jour, le 15 févri­er 1940.

Le chanteur s’in­ter­roge sur le rêve de sa bien-aimée. Peut-être que cette image représente le rêve des deux, quand elle aura ouvert ses volets pour accueil­lir la lune et l’amour. C’est mon inter­pré­ta­tion…

Pourquoi le tango doit-il être dansé avec les orchestres des années 40 ?

Au creux de la polémique remise à jour en février 2024

En févri­er 2024, Guiller­mo Rever­beri (Guille de SMTan­go) a dif­fusé un texte “Pourquoi le tan­go doit-il se danser avec les orchestres des années 40 ?” Ce texte a beau­coup de suc­cès en ce moment et je pense qu’il est intéres­sant de ren­dre à César ce qui lui appar­tient.

Une fusée avec de multiples étages

En effet, cette resti­tu­tion se fait en plusieurs étapes:

  • Le tan­gomètre, édi­to­r­i­al de Ricar­do Schoua, pub­lié le 13 décem­bre 2009, dans le numéro 110 de la revue rosa­ri­na, Tan­go y Cul­tura Pop­u­lar (voir ici…)
  • Le “No-Tan­go”, édi­to­r­i­al du même Ricar­do Schoua, dans le numéro 134 de la même revue de mars 2012 (voir ici...)
  • Cour­ri­er du lecteur du mag­a­zine Tan­go y Cul­tura Pop­u­lar n° 135, un texte écrit par José Car­cione en réponse à l’édi­to­r­i­al du numéro 134. (repro­duit ci-dessous en rouge)
  • Más sobre el tan­go baila­do (Plus sur le tan­go dan­sé) édi­to­r­i­al du n°136 de la revue Tan­go y Cul­tura Pop­u­lar, tou­jours par Ricar­do Schoua en réponse au texte de José Car­cione.
  • ¿Por qué el tan­go se debe bailar con las orques­tas del 40? (Pourquoi le tan­go doit-il être dan­sé avec les orchestres des années 40 ?) pub­lié vers 2015 par José, Él de la quimera (Celui de la chimère), en fait José Car­cione, en ital­ien et en espag­nol. Pour la ver­sion française, c’est bien sûr ici
  • Porque al tan­go se lo baila con las orques­tas de los años 40 pub­lié en févri­er 2024 par Guiller­mo Rever­beri (Guille de SMTan­go) et qui est la reprise tu texte de 2015 de José el de la quimera avec un para­graphe sup­plé­men­taire.

Voilà un résumé de l’af­faire. C’est une grande fusée qui dure depuis décem­bre 2009, soit plus de 14 ans au moment où j’écris ces lignes.

On se reportera pour les pre­miers étages aux textes que j’ai déjà cités, Le tan­gomètre et Le “No-Tan­go”. La suite, est ci-dessous…

La version de février 2024 et ses différentes sources

Introduction de 2015 par José el de la quimera

Pourquoi le tan­go doit-il être dan­sé avec les orchestres des années 40 ?
Heureuse­ment, les 20 dernières années ont vu la résur­gence du tan­go dan­sé, car il existe des milon­gas dans presque tous les pays du monde, où les danseurs et les DJ « con­som­ment » con­tin­uelle­ment la cul­ture du tan­go et revivent le bon vieux temps avec des orchestres de tan­go. « Ils dansent sur la musique des morts », comme Piaz­zol­la l’a dit un jour à Troi­lo avec mépris, parce qu’en réal­ité la musique d’au­jour­d’hui n’est pas dansante ; ils voient des ten­ta­tives ratées comme le « Tan­go Nue­vo » ou la pré­ten­tion de tel ou tel DJ à « innover » en pro­posant des chan­sons soi-dis­ant mod­ernes de qual­ité musi­cale dou­teuse. Con­crète­ment, ce n’est pas le danseur qui doit s’adapter à la musique, mais la musique doit être dans­able. Dans une let­tre envoyée aux lecteurs du mag­a­zine numérique « Tan­go y Cul­tura Pop­u­lar », que je retran­scris ci-dessous, j’ai essayé d’ex­pli­quer pourquoi la « musique de tan­go » n’est pas pop­u­laire (ou n’ex­iste pas) comme elle l’é­tait dans la pre­mière moitié du XXe siè­cle, la décen­nie des années 40 étant la dernière et la plus représen­ta­tive :

Courrier du lecteur du magazine Tango y Cultura Popular n° 135, un texte écrit par José Carcione en réponse à l’éditorial du numéro 134

J’aimerais apporter quelque chose à l’ar­ti­cle de Ricar­do Schoua, « El No-Tan­go », du point de vue d’un milonguero (sim­ple­ment un danseur de tan­go social, je ne suis pas pro­fesseur), qui apparem­ment dit le con­traire, mais vous ver­rez que ce n’est pas comme ça. Je sym­pa­thise avec la « colère » de Ricar­do, mais d’un point de vue dif­férent. Le tan­go (dansant) est mort depuis longtemps. Aujour­d’hui, il n’y a pas de paroliers et de musi­ciens créat­ifs qui font de la musique pour danser. La musique post­mod­erne, post-âge d’or, est faite pour être écoutée. Piaz­zol­la lui-même a dit qu’il ne fal­lait pas danser sur sa musique. Cela s’est pro­duit dans les années 1950 pour divers­es raisons. À Buenos Aires, l’héri­ti­er du tan­go – en tant que musique et paroles qui inter­pré­taient la réal­ité du porteño – était le rock urbain, chan­té en « argentin », et cette musique n’a rien à voir avec les milon­gas. « Avel­lane­da Blues » de Javier Martínez, par exem­ple, a des paroles de tan­go, mais c’est un blues. Beau­coup de paroles de Fla­co Spinet­ta sont du tan­go. Peut-être que Piaz­zol­la et Fer­rer y ont con­tribué, mais comme je l’ai déjà dit, ce n’est pas du tan­go que de danser. Oui, vous pou­vez nom­mer Ela­dia Blasquez, Chico Novar­ro, Cacho Cas­taña et arrê­tons de compter, mais ce sont les cas qui con­fir­ment la règle, et ils n’ont pas fait de musique pour danser non plus. La scène musi­cale (dansante) qui va de 900 à 50 est infin­i­ment riche, heureuse­ment et les milongueros n’ont pas à s’in­quiéter. Le prob­lème réside dans le fait que peu de DJs étu­di­ent vrai­ment cela, car en général ils pro­posent peu d’orchestres et sou­vent la milon­ga n’a pas la bonne struc­ture, c’est-à-dire l’assem­blage cor­rect des tan­das et la suc­ces­sion appro­priée des orchestres. Ensuite, nous avons le « Tan­go Nue­vo » (en tant que phénomène de danse, je com­prends). C’est douloureux de voir des danseurs danser le nou­veau tan­go, ce n’est pas du tan­go social, c’est très dif­fi­cile, comme si on dan­sait de la danse clas­sique sans le savoir. Seuls quelques-uns, Frúm­boli, Arce, Naveira, qui pra­tiquent des heures par jour, peu­vent le danser avec une cer­taine décence, mais dans les milon­gas, ces milon­gas tra­di­tion­nelles, ils dansent le tan­go social comme nous tous. Ce n’est pas facile non plus, il y a la musi­cal­ité diverse de chaque orchestre qu’il faut respecter. Ceux qui ne savent pas danser appel­lent les extra­or­di­naires musiques de Bia­gi des « mar­chas » et sont ceux qui deman­dent un « nou­veau tan­go », avec des chan­sons de « Otros Aires », « Gotan project », Grace Jones, etc. Nous pour­rons danser sur de la musique con­tem­po­raine alors qu’il sera courant de danser le tan­go social, mais pour cela les Bia­gi, Lomu­to, Dona­to, Di Sar­li doivent revenir avec des paroliers tels que Cadí­camo, Romero, etc., car le tan­go dansant n’ex­iste plus. De plus, le « nou­veau » est de mau­vaise qual­ité. Si vous voulez le danser, vous devez d’abord appren­dre le tan­go social, avec sa musi­cal­ité var­iée. Comme il s’ag­it d’un proces­sus sans fin, où l’on décou­vre tou­jours quelque chose, vous ver­rez que c’est très grat­i­fi­ant et qu’il n’est pas néces­saire de danser le « Gotán » ou de le pro­pos­er dans une milon­ga pour se sen­tir à l’a­vant-garde et pré­ten­dre que l’on est « dedans » ou quelque chose de super créatif. Je dis plus, après avoir appris cela, vous n’allez pas aimer le « nou­veau ». Alors, qui est le DJ créatif ? celui qui joue du Tanghet­to, du Nar­cotan­go, (j’ai même enten­du Mozart), dans la milon­ga ? Où la plu­part des danseurs ressem­blent à des zom­bies et pensent qu’ils dansent de manière phénomé­nale sur la dernière mode du tan­go ? Celui qui pro­pose de la musique tra­di­tion­nelle n’est-il pas créatif ? DJs : étudiez et vous ver­rez que chaque orchestre a sa pro­pre musi­cal­ité, avec des pos­si­bil­ités infinies, où le chanteur n’est qu’un instru­ment comme les autres, ce qui n’é­tait plus le cas après les années 50, quand le chanteur est devenu la star. Nous, les danseurs, avons besoin de ténors, comme Rober­to Ray, Raúl Berón, Fran­cis­co Fiorenti­no, je peux même dire Goyeneche à ses débuts, et Nina Miran­da est par­faite­ment dansante, et pas de voix qui « dis­ent » ou « cri­ent » le tan­go. C’est bien, mais ils sont faits pour être écoutés. Enseignants : apprenez aux danseurs à marcher d’abord, les fig­ures seront décou­vertes par eux plus tard. Heureuse­ment, le tan­go revient dans les années 80 comme danse (milon­ga). Aujour­d’hui, « la musique des morts », comme l’ap­pelait autre­fois Piaz­zol­la, est dan­sée sur toute la planète. Il n’y a pas de grande ville où il n’y a pas de milon­gas. Des inno­va­teurs sérieux aujour­d’hui ? Mal­heureuse­ment il n’y en a pas, et s’ils vien­nent, ils iront dans une direc­tion, sinon la même, par­al­lèle à celle des anciens maîtres.

(NDT : un mae­stro en Argen­tine, est un pro­fesseur d’é­cole pri­maire. Je pro­pose donc la tra­duc­tion “maîtres”, mais vous pou­vez penser “mae­stros” si vous préférez.)

Más sobre el tango bailado (En savoir plus sur le tango dansé) éditorial du n°136 de la revue Tango y Cultura Popular, toujours par Ricardo Schoua en réponse au texte de José Carcione

Le texte de José de la quimera reprend seule­ment des par­ties de la réponse de Ricar­do Schoua. Je préfère vous don­ner la ver­sion com­plète. J’ai indiqué en gras et en bleu les pas­sages cités par José de la quimera et en italique les ajouts de José de la quimera dans sa ver­sion de 2015…

Le lecteur José Car­cione répond, dans le numéro précé­dent, à mon édi­to­r­i­al El No-Tan­go, du point de vue d’un milonguero, un danseur social. Cette réponse et d’autres choses qui me sont arrivées m’ont don­né l’occasion d’approfondir la ques­tion des préjugés, les miens et ceux des autres, autour de cette ques­tion.

Le lecteur dit que le tan­go dansant est mort depuis longtemps, se référant au fait que les nou­veaux com­pos­i­teurs n’écrivent pas de tan­gos pour danser. Ce n’est pas le cas, on ne peut pas le généralis­er.

Bien sûr, cela dépend de ce que vous con­sid­érez comme dansant. Pour le lecteur, le par­a­digme sem­ble être Rodol­fo Bia­gi, qu’il oppose à des mon­stres comme Gotan Project, mais ne men­tionne pas Pugliese ou Troi­lo…

Bia­gi n’est pas mon par­a­digme, c’est l’un de mes orchestres préférés, mais Pugliese et Troi­lo sont aus­si des années 40 ! Mes argu­ments ne sont donc pas con­tred­its.

Réponse de José de la quimera à Ricar­do Schoua

Il s’avère que dans de nom­breuses milon­gas, ils ne jouent pas de chan­sons de ces deux derniers orchestres — et de beau­coup d’autres — parce qu’ils pré­ten­dent que leur phrasé est inadéquat pour danser. À l’autre extrême, il y a ceux qui ne se soucient de rien, même si ce n’est pas le tan­go, parce qu’ils con­sid­èrent la musique comme un com­plé­ment à leurs expo­si­tions.

Le lecteur men­tionne que ceux qui ne savent pas danser trait­ent la musique de Bia­gi comme des « march­es ». La com­para­i­son ne m’était pas venue à l’esprit. Dans les défilés, les march­es sont util­isées, avec un rythme bien mar­qué, pour que tout le monde marche en même temps et se déplace comme un tout com­pact. Et les con­traintes d’espace des milon­gas, la néces­sité de se con­former har­monieuse­ment au mou­ve­ment en cer­cle, exi­gent quelque chose de sim­i­laire : un rythme sans « chocs ».

Mais il s’avère que ces lim­i­ta­tions d’espace finis­sent par lim­iter les danseurs eux-mêmes, généreuse­ment aidés par les règle­ments milonguero (« codes ») et par ceux qui, par com­mod­ité, ont élevé cette forme de danse à la caté­gorie de « style ». Et la vérité, c’est qu’il n’y a pas de « styles » dans le tan­go, c’est une inven­tion mar­ket­ing. Je n’aime pas danser sur une petite piste de danse, pleine comme un bus aux heures de pointe, mais tout le monde a le droit de faire ce qu’il veut.

Ce à quoi je réponds que ceux qui savent danser sur une petite piste de danse ou avec une piste de danse com­plète (par exem­ple, Salón Can­ning dans les milon­gas « pico »), savent danser sur n’im­porte quelle piste de danse, égale­ment dans Aeropar­que :>)

Réponse de José de la quimera à Ricar­do Schoua

Sans tomber dans les extrêmes, dans les milon­gas plus déten­dues, où l’on peut aus­si écouter Pugliese, Troi­lo ou Sal­gán, on danse sur leurs chan­sons avec plaisir et sans incon­vénient, et on danse aus­si sur Piaz­zol­la, bien sûr que quelques-unes des com­po­si­tions les plus con­nues. Mais il est très, très dif­fi­cile pour les œuvres de la nou­velle généra­tion d’être trans­mis­es. Il est vrai que, même avec un critère large, il y a des titres qui ne se prê­tent pas à la danse, mais ici l’habitude et l’ignorance jouent beau­coup.

Moi-même, qui ai par­fois l’habitude de met­tre en musique des milon­gas et d’inclure de nou­veaux orchestres et de nou­velles com­po­si­tions, je me suis retrou­vé à dire à un com­pos­i­teur qui a récem­ment sor­ti un CD avec de nou­veaux tan­gos de son auteur, que ses chan­sons devaient être plus dansantes. Et ce n’était pas vrai, ils sont très dansants. Ce qui se passe, c’est que j’ai aus­si des préjugés, parce que, étant don­né qu’ils ne sont pas très répan­dus, j’ai peur du rejet que je pour­rais recevoir si je les inclus dans un lot. (Et il y en a tou­jours un qui crie, vous voyez ?)

Pour éviter les prob­lèmes, seul ce qui est con­nu est mis en musique. Mais un danseur social ne devrait pas avoir de mal à danser un tan­go jamais enten­du aupar­a­vant. Après tout, dans les années 40, les tan­gos étaient créés en con­tinu.

Oui, mais avec les éti­quettes : « dansant ».

Réponse de José de la quimera à Ricar­do Schoua

Main­tenant, j’ai remar­qué que, lorsqu’un orchestre live est présen­té, ces lim­ites sont diluées et les gens dansent tout ce qu’on leur pro­pose, même si c’est nou­veau.

Il sem­ble que le secret pour par­venir à l’acceptation soit de com­bin­er, dans une présen­ta­tion, des thèmes tra­di­tion­nels, arrangés dans le style de l’orchestre, avec de nou­velles com­po­si­tions. Et pour ceux — nom­breux — lecteurs qui ani­ment des émis­sions de radio, je ne pense pas qu’il soit néces­saire d’insister sur l’importance de dif­fuser durable­ment la nou­veauté. Si vous avez besoin de matériel, comptez sur nous pour le gér­er.

En ter­mi­nant, je tiens à vous dire que je suis heureux de con­stater un intérêt gran­dis­sant pour notre mag­a­zine et nos espaces de médias soci­aux. Mer­ci beau­coup et ren­dez-vous dans le prochain numéro !

Ricar­do Schoua

La suite de la publication de 2015 par José de la quimera

Là, José n’est plus en réponse directe à Ricar­do Schoua, mais ses ajouts sont intéres­sants :

Mais si je le dis-le, ça n’en vaut pas la peine. Voyons ce que dit Maître Alfre­do de Ange­lis. Je viens de ter­min­er la lec­ture de sa biogra­phie, écrite par sa fille. Dans ce livre, De Ange­lis fait claire­ment référence au prob­lème de 1981, et ses mots sont actuels :

L’une des raisons est que les orchestres ne font plus de rythme, cela ressem­ble à de la musique espag­nole, qui n’a rien à voir avec le tan­go. La plu­part d’en­tre eux jouent de la même manière, les ban­donéons font tous la même chose. En dehors du rythme, ils n’ont pas la ligne mélodique du tan­go, le pub­lic n’aime pas ça et même s’ils veu­lent le leur impos­er, ils n’y arriveront pas.

Ce cas ne sera pas inver­sé jusqu’à ce qu’un orchestre sorte comme en 1935, lorsque D’Arien­zo est par­ti et a rompu avec toutes les nou­veautés de l’époque, la même chose se pro­duit aujour­d’hui. Le tan­go c’est pour danser, aujour­d’hui ils ont même changé le style de danse, les chanteurs cri­ent, je dis tou­jours que les dis­ques de Gardel durent, ils peu­vent obtenir le style de lui. Gardel n’a jamais crié et le temps le prou­ve. D’autres exem­ples sont Fiorenti­no, Dante et Var­gas.

À l’époque de Canaro, De Caro est sor­ti, mais il a fait du rythme, c’est ain­si que Troi­lo, D’Arien­zo et d’autres ont joué du « cuadra­do », c’est-à-dire que pour danser, Hora­cio Sal­gán est sor­ti avec un style très agréable, mod­ernisé, bien arrangé, et que s’est-il passé ? Après, plus rien d’autre n’est sor­ti, ils veu­lent nous impos­er un nou­veau style, mais tant qu’ils ne font pas de tan­go-tan­go, il ne se passe rien.

(Diario La Pren­sa, 11/1981, « Alfre­do de Ange­lis : Les orchestres ne font pas de rythme », note de Rober­to Per­tossi).

C’est on ne peut plus clair.

Pourquoi insis­tent-ils encore, dans de nom­breuses milon­gas, pour faire écouter des orchestres qui com­posent de la musique ? Parce que les danseurs ne savent pas danser, et ils pensent qu’ils savent. Les orchestres de tan­go ne dansent pas bien et font sem­blant de danser le tan­go « mod­erne ». Quelqu’un qui dis­tingue la musi­cal­ité de chaque orchestre, qui sait danser des syn­copes, des cadences et des silences, et qui ne danse pas « tout de la même manière », ne va pas à ces milon­gas, parce qu’il sait que ce ne sont pas vrai­ment des milon­gas, mais « un spec­ta­cle de danse de mau­vaise qual­ité ».
Per­son­nelle­ment, si je veux écouter un orchestre, je vais au théâtre où l’a­cous­tique est meilleure et où leur fonc­tion est pré­cisé­ment d’é­couter et d’ap­préci­er la musique.
Dans la milon­ga, je veux de la musique de danse et ne pas atten­dre pas­sive­ment la fin du « spec­ta­cle » pour pou­voir danser et pay­er plus. Les orchestres des années 1940 con­vo­quaient jusqu’à 6 000 per­son­nes aux milon­gas du car­naval parce qu’ils jouaient pour danser et que les danseurs avaient une fonc­tion active et non pas­sive, inter­pré­tant cor­recte­ment la musique, avec du rythme et de la mélodie comme le dit De Ange­lis. C’est le secret du suc­cès. Où sont les milon­gas de ces car­navals main­tenant ? Quelqu’un s’est-il demandé quelle en était la cause ? L’ab­sence de danseurs ou d’orchestres appro­priés ?
Fonte
De Ange­lis, Isabel, 2004, Alfre­do De Ange­lis. Le phénomène social. Le Tan­go Club. Ed. Cor­regi­dor.
Tan­go y Cul­tura Pop­u­lar, avril 2012, n° 135 ; www.tycp.com.ar.

José de la quimera en com­plé­ment de son arti­cle de 2015

Le paragraphe supplémentaire publié en février 2024 par Guillermo Reverberi (Guille de SMTango)

Haaaa, et enfin. Un danseur ou une danseuse de tan­go va à une Milon­ga pour danser TANGOOOOOOOOO, pas pour regarder des spec­ta­cles, des expo­si­tions et/ou danser d’autres rythmes. Cela ne fait que dis­paraître l’en­vie de con­tin­uer à danser, stress­er, déprimer sans le savoir et la Milon­ga finit dans un fias­co.

Les éléments originaux à télécharger

El tan­gometro (édi­to­r­i­al de TYCP 110 de décem­bre 2009). Voir l’ar­ti­cle sur le sujet sur ce blog.

El tan­gometro “No-Tan­go” (édi­to­r­i­al de TYCP 134 de mars 2012) . Voir l’ar­ti­cle sur le sujet sur ce blog.

Cour­ri­er du lecteur en réponse à Ricar­do Schoua par José Car­cione dans TYCP n°135 (Avril 2012)

Más sobre el tan­go baila­do (édi­to­r­i­al de TYCP 136, mai 2012)

Texte de José Car­cione, sous le pseu­do­nyme José de la quimera pub­lié en 2015

Texte dif­fusé par Guiller­mo Rever­beri (Guille de SMTan­go) en févri­er 2024

Le « No-Tango »

J’ai repro­duit dans le post le « Tan­gomètre », un édi­to­r­i­al de Ricar­do Schoua de décem­bre 2009. Ce nou­v­el édi­to­r­i­al du même auteur date de mars 2012, reprend le fil. Il l’a nom­mé No-Tan­go. Il me restera un texte à repro­duire, lui aus­si de 2012, texte qui cir­cule beau­coup en ce début de 2024, mais chut, revenons à mars 2012, dans le numéro 134 de la revue Tan­go y Cul­ture Pop­u­lar.

L’édi­to­r­i­al du n°134 de Tan­go y Cul­tura Pop­u­lar, inti­t­ulé Le “No-Tan­go”

Éditorial : Le “No-tango” par Ricardo Schoua

J’avais déjà fait remar­quer, dans des notes précé­dentes, qu’en ce qui con­cerne le tan­go et son développe­ment, il y a autant d’opinions que de per­son­nes. Je vais me référ­er à cer­taines de ces opin­ions d’une manière générale, sans iden­ti­fi­er les expédi­teurs, car ce qui m’intéresse, c’est de polémi­quer avec des idées, pas avec des per­son­nes.
Dans un édi­to­r­i­al précé­dent (*), j’ai souligné quels étaient, à mon avis, les aspects négat­ifs qui sur­gis­sent dans l’activité, et qui entra­vent son développe­ment. Je ne vais pas les répéter ici, mais j’aimerais dévelop­per cer­tains con­cepts.
Au sein de la nou­velle généra­tion d’auteurs, de com­pos­i­teurs et de musi­ciens, il y a ceux qui affir­ment que le tan­go est mort. La pre­mière chose qui me vient à l’esprit est « alors que font-ils ici, pourquoi con­tin­u­ent-ils à apporter des con­tri­bu­tions au genre ? » À tout le moins, on s’attend à un peu de cohérence, une ver­tu qui sem­ble égale­ment dépassée.

J’aime le tan­go, mais je ne con­sid­ère pas une cer­taine péri­ode comme lim­i­ta­tive. Il y a des tan­gos que je trou­ve très ennuyeux par­mi les anciens et aus­si par­mi les actuels. Les clas­siques le sont par leur pro­pre mérite, et non parce qu’ils appar­ti­en­nent à une cer­taine époque. Dans un rap­port que nous avons repro­duit, le tan­go Uno a été inter­rogé parce que « c’était déjà le cas ». Sur quelle base dis­ent-ils « c’est déjà le cas » ? Les paroles ont-elles per­du de leur per­ti­nence ?
Aujourd’hui, l’adage selon lequel « la lutte est cru­elle et il y en a beau­coup » est tout à fait val­able… Ou, l’est-il vrai­ment ?
Si le renou­veau du tan­go va se baser sur l’interdiction de l’exécution des clas­siques, nous allons très mal, avec une ori­en­ta­tion désas­treuse, qui sem­ble cacher l’idée que ceux qui le promeu­vent ne se sen­tent pas capa­bles de sur­pass­er les réal­i­sa­tions de ceux qui les ont précédés.
Et il faut regarder les atti­tudes de ceux qu’ils pré­ten­dent admir­er (admi­ra­tion qui n’est pas cohérente non plus). Ou, peut-on imag­in­er une posi­tion sim­i­laire chez Osval­do Pugliese ?
Ou Piaz­zol­la a‑t-il renié Troi­lo, Pugliese, Sal­gán, Di Sar­li …?
Il y a aus­si ceux qui pos­tu­lent que la mélodie et l’accompagnement ne sont « plus ». Dans quel manuel l’avez-vous lu ? Tout le monde a le droit d’expérimenter, mais pas de dis­qual­i­fi­er gra­tu­ite­ment. Et de ne pas se fâch­er si le résul­tat de leur expéri­ence ne les mène pas au som­met de la gloire.
J’ai écouté de « nou­veaux tan­gos » qui, musi­cale­ment, peu­vent faire preuve d’un haut niveau de vir­tu­osité, mais, comme je ne trou­ve pas la mélodie, je ne peux pas les fre­donner ou les sif­fler et, par con­séquent, je ne peux pas m’en sou­venir. La musique pop­u­laire, pas seule­ment le tan­go, est sim­ple et s’adresse à tout le monde, pas seule­ment aux musi­ciens pro­fes­sion­nels. Il n’est pas facile d’atteindre cette sim­plic­ité et cette accep­ta­tion.
George Mar­tin, surnom­mé « le cinquième Bea­t­les », dis­ait que la musique doit danser pour vous, ce qui ne veut pas dire qu’elle est dans­able, mais qu’elle fait bouger quelque chose en nous, qui nous trans­porte. Ce n’est pas que je ne com­prenne pas cer­taines « querelles » de ceux qui ten­tent de renou­vel­er le genre. Con­stituer un réper­toire d’une ving­taine de numéros con­nus, tou­jours les mêmes, sans en incor­por­er de nou­veaux, c’est aus­si une façon de com­bat­tre le tan­go de l’intérieur, quand on dit qu’il le défend. Cela con­tribue à la même chose de ne pas chercher à mod­i­fi­er les for­mats de dif­fu­sion et de pro­gram­ma­tion. Et l’attitude de cer­tains DJ qui n’osent pas pro­pos­er quelque chose de dif­férent, de peur de « per­dre la clien­tèle ».
Main­tenant, cette chose de décrire le tan­go comme mort ou péri et d’essayer de le trans­former en quoi que ce soit m’amène à sug­gér­er que, pour être cohérent, au lieu d’ajouter des qual­i­fi­cat­ifs tels que « de rup­tura » ou « alter­na­ti­vo », ils enca­drent leurs créa­tions dans un nou­veau genre : le No-Tan­go.

Mer­ci beau­coup,

Ricar­do Schoua

Éditorial de la revue Tango y Cultural Popular n°134

Lire la revue en entier…

Las margaritas 1933-02-14 (Ranchera) — Ada Falcón accompagnée par Francisco Canaro

Domingo Pelle Letra : Alfredo Angel Pelaia

Las mar­gar­i­tas. Les mar­guerites.

Le tan­go du jour n’est pas un tan­go, pas même une valse mal­gré son rythme ter­naire (Pou-chi-chi), mais une ranchera.
Cer­tains DJ pro­posent des rancheras pour des tan­das de valses. C’est assez com­pliqué à danser et désta­bil­isant, je ne recom­man­derais donc pas l’exercice. La ranchera s’apparente en fait à la mazur­ka ou à la java.
Cette danse tra­di­tion­nelle d’Argentine n’est plus dan­sée aujourd’hui, mais il y a de nom­breux enreg­istrements qui mon­trent le suc­cès de ce rythme au siè­cle passé.
Si j’ai tenu à plac­er ce thème, c’est, car il me parais­sait bien adap­té au jour, le 14 févri­er, la Saint-Valentin, fête des amoureux.
Sur la dizaine de titres enreg­istrés un 14 févri­er, très peu avaient un thème pou­vant évo­quer l’amour (si on excepte la Limona de Amor (aumône d’amour) qui invoque l’amour divin et dont une ver­sion a été enreg­istrée un 14 févri­er (1957) par Miguel Calo avec Rodol­fo Galé.
Je reviens à Las Mar­gar­i­tas enreg­istré par Ada Fal­cón avec son grand amour (pas totale­ment réciproque), Fran­cis­co Canaro.
Las mar­gar­i­tas présente les espoirs d’un jeune homme amoureux d’une serveuse et qui ceuille des mar­guerites. Il les offre à la vierge du vil­lage. J’avoue ne pas savoir si cette vierge est la serveuse qui peut ain­si le guérir de son amour en le ren­dant effec­tif, ou bien la Sainte Vierge qui lui fera oubli­er un amour impos­si­ble à con­cré­tis­er.
L’histoire d’Ada et Fran­cis­co est égale­ment un thème roman­tique. Je n’entrerai pas dans les détails, mais dis­ons que Canaro ne ressort pas for­cé­ment gran­di de l’affaire.
Une his­toire d’amour un peu trag­ique, donc, mais une his­toire d’amour.
Je pro­pose donc ce titre pour fêter la Saint-Valentin à tous les amoureux du monde, en espérant qu’ils seront plus heureux au final qu’Ada qui est entrée dans les ordres comme… fran­cis­caine et que la France­sa, la red­outable épouse de Canaro…

Extrait musical

Las Mar­gar­i­tas 1933-02–14 — Ada Fal­con accom­pa­g­née par Fran­cis­co Canaro.

L’archive sonore présen­tée ici, l’est à titre d’ex­em­ple didac­tique. La qual­ité sonore est réduite à cause de la plate­forme de dif­fu­sion qui n’ac­cepte pas les fichiers que j’u­tilise en milon­ga et qui sont env­i­ron 50 fois plus gros et de bien meilleure qual­ité. Je pense toute­fois que cet extrait vous per­me­t­tra de décou­vrir le titre en atten­dant que vous le trou­viez dans une qual­ité audio­phile.

Paroles

En las lomas de mi pago yo corté
las más lin­das mar­gar­i­tas, con pri­mor
y a la Vir­gen del puebli­to las llevé,
para que ella me curara del amor.
Porque sabes, yo ando triste y ha de ser
por la moza del pues­tero Nicanor,
la vi en la tran­quera, una tarde muy her­mosa
y como un guali­cho, me ha deja­do el corazón.

En mi alazán,
bajan­do voy todas las tardes
con el afán
de este amor, lleno de alardes
y al recor­tar
flo­res de amor para lle­var,
can­dorosa mar­gari­ta, sobre la lomi­ta
yo sue­lo encon­trar pa’ mi ilusión,
has­ta el alma vendería
y lejos me iría a morir por vos.

Mar­gar­i­tas de mis pagos, que corté,
para aque­l­la lin­da moza de mi amor,
han san­gra­do como san­gra mi quer­er
y hoy quisiera darte todo mi fer­vor;
porque todo lo que nun­ca has de saber
hoy se llena de nos­tal­gia en mi dolor,
mi amor y mis flo­res, mar­gari­ta pri­morosa,
me han llena­do el alma como mi líri­ca can­ción.

Domin­go Pelle Letra : Alfre­do Angel Pela­ia
Dans les collines de mon domaine, j’ai coupé les plus belles mar­guerites.

Pour ter­min­er sur une note opti­miste, je vous pro­pose une autre illus­tra­tion des­tinée à faire men­tir Les Rita Mit­souko avec une his­toire d’amour qui se ter­mine bien…

Une his­toire d’amour qui se ter­mine bien.

Le Tangomètre (éditorial de Tango y Cultura Popular n°110)

Cet édi­to­r­i­al a été pub­lié le 13 décem­bre 2009, dans le numéro 110 de la revue rosa­ri­na, Tan­go y Cul­tura Pop­u­lar.
J’ai choisi de le repro­duire ici, car en ce moment cir­cu­lent des textes qui ne repren­nent pas les sources et je pense utile de ren­dre à César ce qui lui appar­tient (même si dans le cas présent il s’ap­pelle Ricar­do Schoua).
Ce sera le pre­mier d’une série de textes polémiques sur le tan­go et son évo­lu­tion.
Bonne lec­ture.

Vous trou­verez le texte orig­i­nal, en espag­nol, en fin d’ar­ti­cle

Le Tan­gomètre (édi­to­r­i­al)

Logo de Tan­go y Cul­tura Pop­u­lar, la revue de tan­go de Rosario (Argen­tine)

L’inscription au pat­ri­moine mon­di­al, la mul­ti­pli­ca­tion des fes­ti­vals, l’ouverture de nou­velles milon­gas, le fait que de nom­breux jeunes musi­ciens soient enclins à ce genre indiquent un essor du tan­go. Mais, comme toute man­i­fes­ta­tion de la cul­ture pop­u­laire, cet essor con­tient beau­coup d’impuretés et s’inscrit dans une lutte per­ma­nente con­tre les con­cep­tions qui ten­dent à la lim­iter ou à la vider de son con­tenu.

La ques­tion est de savoir dans quelle mesure nous com­prenons ce que sig­ni­fie la cul­ture pop­u­laire. Ce n’est pas un sujet facile à com­pren­dre, c’est pourquoi beau­coup se réfugient dans des con­cep­tions dog­ma­tiques. Je pense que c’est une tâche quo­ti­di­enne d’apprendre, avec un esprit ouvert, de quoi il s’agit. Et c’est un proces­sus d’apprentissage sans fin.

Je vais essay­er d’énumérer les élé­ments qui, à mon avis, sont, en ce moment, un obsta­cle à un développe­ment authen­tique du tan­go en tant qu’expression pop­u­laire.

1.— Les opin­iono­logues qui n’admettent pas de change­ments au-delà de ce que furent les années 40, oubliant que cette époque se dis­tingue pré­cisé­ment par le boom de l’innovation et du renou­veau. Sou­vent, cette pos­ture de « défenseurs à tout prix » du tan­go cache la médi­ocrité con­sciente de ceux qui l’adoptent comme éten­dard. L’attitude est com­pa­ra­ble à celle d’un patron, dans n’importe quel tra­vail, qui s’entoure de gens médiocres pour s’assurer qu’ils ne « bougent pas le sol », parce qu’il sait qu’il est lui-même médiocre.

La résis­tance au change­ment est exploitée, et ce n’est pas nou­veau. Hora­cio Fer­rer racon­te dans son livre El gran Troi­lo que, lorsque Pichu­co a créé Respon­so à Mon­te­v­ideo, l’un des spec­ta­teurs lui a crié : « Gor­do, arrête de jouer des pasodobles ! »

2.— Ceux qui, au nom d’un sup­posé « nou­veau tan­go », se pla­cent à l’extrême opposé des précé­dents, c’est-à-dire qu’ils nient les antécé­dents. Par­mi eux, ceux qui ont l’intention de fusion­ner le tan­go (qui est le pro­duit d’une fusion naturelle et évo­lu­tive) avec d’autres gen­res, en par­ti­c­uli­er le jazz. Pugliese a défi­ni : « Le tan­go est un mélange de la cam­pagne avec l’expression pop­u­laire de la ville. Beau­coup de choses peu­vent être soulevées, dans dif­férentes direc­tions. Vous pou­vez venir de Gardel, Bar­di, Cobián, Maf­fia, Lau­renz, mais vous ne pou­vez jamais arrêter les étapes ni per­dre de vue les sources. Ceux qui veu­lent s’exprimer dans le tan­go doivent se référ­er à la con­ti­nu­ité, sans s’en détach­er. Le reste n’est pas du tan­go. C’est de la musique, d’autres musiques.

Et Atahual­pa Yupan­qui a dit : « Pour que les enfants vivent, il n’est pas néces­saire de tuer leurs par­ents. »

Des musi­ciens qui écrivent pour des musi­ciens, qui sem­blent croire que plus la par­ti­tion a de notes, mieux c’est. Ils ont pour cor­rélat les danseurs « de scène », pour qui l’important sem­ble être le nom­bre de fig­ures par sec­onde et non la danse elle-même.

Encore une fois, je cite Yupan­qui : « Il y a des gens qui éblouis­sent et d’autres qui illu­mi­nent, je préfère illu­min­er. »

4.— Le soi-dis­ant « tan­go élec­tron­ique », un pro­duit dérivé d’une étude de marché, l’une des nom­breuses pier­res que la con­tre-cul­ture médi­a­tique met sur le chemin.

5.— Les méth­odes de danse égale­ment qual­i­fiées de « neo tan­go » qui, au nom de la tech­nique et de la pro­preté sup­posée, décon­nectent totale­ment le danseur de la musique et de l’émotion.

6.— L’arrogance avec laque­lle beau­coup de ceux qui défend­ent l’une ou l’autre des posi­tions décrites sont traités.

Eh bien, avec cela, j’ai déjà gag­né la haine de tout le monde. Si j’en ai man­qué, faites-le-moi savoir…

Sérieuse­ment, même si nous n’aimons pas les résul­tats, toute pour­suite sincère est saine et devrait être encour­agée et cri­tiquée en même temps.

Les goûts de cha­cun sont respecta­bles, mais ce n’est pas une ques­tion de goût ici.

Et il n’existe pas de «tan­gomètre», bien que si un lecteur veut en con­cevoir un pour nous, nous le fer­ons volon­tiers savoir.

La pire chose qui puisse nous arriv­er, c’est que notre cerveau s’atrophie. De nou­velles propo­si­tions con­tribuent à la péren­nité. […]

Le Directeur (Ricar­do Schoua)

Mañanitas de Montmartre 1928-02-13 (Tango) — Orquesta Francisco Canaro

Lucio Demare (Letra : Agustín Irusta; Roberto Fugazot)

Mis mañan­i­tas de Mont­martre tan queri­das
son para mí un delirio y una gran pasión.

Le tan­go du jour par­le des aubes de Mont­martre (Paris, France).
Le tan­go est né à Paris…
Par­don, sans Paris, le tan­go ne serait pas ce qu’il a été/est. C’est dans cette ville qu’il a acquis ses let­tres de noblesse et qu’il a pu revenir en Argen­tine et devenir ce que l’on sait. Si vous ne le savez pas, regardez mon arti­cle sur l’âge d’or du tan­go.

Plusieurs cen­taines de tan­gos font référence à la France et à Paris, mais aus­si aux grisettes, ces jeunes Français­es qui à l’in­star de Madame Yvonne quit­taient la France pour le “rêve” argentin (voir par exem­ple Bajo el cono azul).
Canaro qui a fait à divers­es repris­es le voy­age à Paris a sans doute été sen­si­ble à cette com­po­si­tion de Demare qui devait égale­ment lui évo­quer les paysages de la Butte Mont­martre.

Extrait musical

Mañan­i­tas de Mont­martre 1928-02-13 — Fran­cis­co Canaro

L’archive sonore présen­tée ici, l’est à titre d’ex­em­ple didac­tique. La qual­ité sonore est réduite à cause de la plate­forme de dif­fu­sion qui n’ac­cepte pas les fichiers que j’u­tilise en milon­ga et qui sont env­i­ron 50 fois plus gros et de bien meilleure qual­ité. Je pense toute­fois que cet extrait vous per­me­t­tra de décou­vrir le titre en atten­dant que vous le trou­viez dans une qual­ité audio­phile.

Paroles

Las gris­es mañan­i­tas de Mont­martre,
donde ilu­so der­roché mi juven­tud,
serán eter­nas en mi triste vida,
porque las recuer­do para mi inqui­etud.
Al igual que un amor cica­triza­do
e imborrable en un tier­no corazón,
mis mañan­i­tas de Mont­martre tan queri­das
son para mí un delirio y una gran pasión.

Pero sos, mujer,
pobre insen­sa­ta que en el mun­do tri­un­fás;
la frágil bar­ca de tu vida quizás
naufra­gará porque el timón de tu esper­an­za
se que­brará en la mar,
y humil­la­da ya,
mis mañan­i­tas de Mont­martre verán
la fría nieve del des­ti­no caer
sobre tu almi­ta acon­go­ja­da
destruyen­do aque­l­los sueños
que for­jaste con afán.

Nue­va­mente volverás a ser aque­l­la
que pasea­ba exen­ta de pudor
por esas calles en que todas las mujeres
pecado­ras, guard­a­ban su dolor.
Y en las tinieblas de tu pobre vida,
por ingra­ta nun­ca más encon­trarás
quien te devuel­va con un beso de car­iño
la luz de tu esper­an­za, que se apa­ga ya.

Lucio Demare Letra : Agustín Irus­ta; Rober­to Fuga­zot

Traduction des paroles

Les petits matins gris de Mont­martre, où j’ai insou­ci­amment gaspillé ma jeunesse, seront éter­nels dans ma triste vie, parce que je m’en sou­viens par mon inquié­tude.
Comme un amour cica­trisé et indélé­bile dans un cœur ten­dre, mes petits matins de Mont­martre tant chéris sont pour moi un délire et une grande pas­sion.
Mais tu es, femme, une pau­vre insen­sée, qui tri­om­phe dans le monde ;
La frêle bar­que de ta vie fera peut-être naufrage parce que le gou­ver­nail de ton espoir se bris­era en mer, et, déjà humil­iée, mes petits matins de Mont­martre ver­ront la neige froide du des­tin tomber sur ta petite âme angois­sée, détru­isant ces rêves que tu t’es forgés avec empresse­ment.
Une fois de plus, tu rede­vien­dras celle qui a marché sans honte dans ces rues où toutes les femmes pécher­ess­es gar­daient leur douleur.
Et dans les ténèbres de ta pau­vre vie, pour être ingrate, plus jamais tu ne trou­veras quelqu’un pour te ren­dre avec un bais­er d’af­fec­tion la lumière de l’espoir qui s’est déjà éteinte.

Mañan­i­tas De Mont­martre — Cou­ver­ture de la revue La Can­ción Mod­er­na du 16 juil­let 1928.

Autres enregistrements

Ce titre n’a pas été beau­coup enreg­istré, mais on trou­ve quelques ver­sions intéres­santes :

Mañan­i­tas de Mont­martre (Mañani­ta de Mont­martre) 1928 – Lucio Demare y su Orques­ta Típi­ca Argenti­na.

Superbe ver­sion. Elle est générale­ment attribuée au Trío Argenti­no, Agustín Irus­ta (ténor), Rober­to Fuga­zot (ténor) et Lucio Demare (pianiste), mais comme vous pou­vez l’entendre, c’est une ver­sion instru­men­tale et il me sem­ble qu’il faut donc l’attribuer à l’Orquesta Típi­ca Argenti­na, celui qui a tra­vail­lé en Espagne (Notam­ment à Barcelone de 1928 à 1935) et dont le noy­au était effec­tive­ment le trio des deux chanteurs et du pianiste envoyé par Canaro pour dif­fuser la musique argen­tine en Espagne.

Mañan­i­tas de Mont­martre 1928-02-13 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro. C’est notre tan­go du jour.
Mañan­i­tas de Mont­martre 1930 — Lucio Demare (piano).

Ver­sion instru­men­tale par le com­pos­i­teur.

Mañan­i­tas de Mont­martre 1930 — Agustín Irus­ta accomp. Lucio Demare (piano).

Agustín Irus­ta est accom­pa­g­né au piano par Lucio Demare pour cet autre enreg­istrement. C’est le dernier de la série enreg­istrée par Demare en Espagne. On dirait une ver­sion enreg­istrée de façon ama­teur.

No nos ver­e­mos más – Mañan­i­tas de Mont­martre 1952-06-18 — Lucio Demare (piano).

Lucio Demare encore au piano avec « No nos ver­e­mos más » la valse que nous avons présen­tée le 11 févri­er dans le cadre des Anec­do­tas de Tan­go

Mañan­i­tas de Mont­martre 1968-07-30 — Lucio Demare (piano).

Tou­jours Lucio Demare et encore au piano.

Mañan­i­tas de Mont­martre 1970-04-14 — Orques­ta Aníbal Troi­lo.
Mañan­i­tas de Mont­martre 1972-08-18 — Orques­ta Aníbal Troi­lo arr. de Raúl Garel­lo.

Cet enreg­istrement a été effec­tué lors d’un con­cert organ­isé par la SADAIC (la SACEM argen­tine). On recon­naî­tra l’ orches­tra­tion et les arrange­ments effec­tués par Raúl Garel­lo qui ont assez pro­fondé­ment mod­i­fié le car­ac­tère de l’œuvre.

La ver­sion de Canaro est rel­a­tive­ment archaïque, de style canyengue, mais c’est la seule qui peut se prêter à la danse.

Lucio Demare est un pianiste et un des rares com­pos­i­teurs à avoir enreg­istré beau­coup de tan­gos au piano. Ce pianiste égaré dans les rues sous l’aube pâle de Mont­martre est sans aucun doute Lucio Demare. Il joue du piano debout…

Le tango est international, alors, le site est désormais multilingue

Un des mir­a­cles du tan­go est que l’on peut danser avec des per­son­nes ayant appris à danser à plus de 10 ou 20 000 km de dis­tance et que l’on peut s’entendre par­faite­ment en quelques sec­on­des.

Yo no entender

Mal­heureuse­ment, il n’est pas de même pour l’expression orale ni même écrite, alors j’ai décidé de pro­pos­er une cinquan­taine de langues pour le site.
Nor­male­ment, lorsque vous l’ouvrez, c’est la langue par défaut de votre nav­i­ga­teur qui est affichée.
Si vous souhaitez affich­er une langue dif­férente, il vous suf­fit de cli­quer sur le globe bleu situé en haut à droite.

En cli­quant sur le globe situé en haut à droite, vous faites appa­raître une cinquan­taine de dra­peaux per­me­t­tant de choisir les langues cor­re­spon­dantes.

Il y a une cinquan­taine de langues et je peux en ajouter en fonc­tion des deman­des.

Le site est écrit en français et les paroles de tango en espagnol

Si vous avez un doute sur la tra­duc­tion, pensez à revenir au français pour véri­fi­er ce qui pour­rait avoir été mal traduit, en par­ti­c­uli­er les par­ties en espag­nol.
Choisir le dra­peau français vous restituera les textes dans d’autres langues dans la langue d’o­rig­ine.

Errare humanum est, perseverare diabolicum

Errare humanum est, per­se­ver­are dia­bolicum

Comme dis­ait le vieux Sénèque, à moins que je me trompe, les œuvres humaines ne sont pas par­faites. Les tra­duc­tions peu­vent donc être sujettes à cau­tion et je vous con­seille de véri­fi­er les pas­sages dou­teux en affichant la langue d’o­rig­ine (majori­taire­ment le français, l’es­pag­nol ou l’anglais).

Qui a peur de poser des questions a honte d’apprendre

Den, der er bange for at stille spørgsmål, skam­mer sig over at lære.

(Proverbe danois)

Vous pou­vez me pos­er les ques­tions, deman­der des ren­seigne­ments ou écrire des com­men­taires dans votre langue préférée.
La musique est un lan­gage uni­versel, même si nous n’avons pas tous les mêmes goûts, cela per­met d’adoucir les mœurs dans ce monde en folie.
Au plaisir de vous lire, les amis !

Au plaisir de te lire, cher ami.

Gato 1937-02-12 (Tango) — Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos

Edgardo Donato Letra: Homero Manzi

¡Gato! Este bicho es tu retra­to
¡ Gato ! Dibu­ja­do con car­bón
¡Gato! Del som­brero a los zap­atos
¡ Gato ! Se denun­cia tu ambi­ción

Les danseurs qui ne con­nais­sent pas ce tan­go sont éton­nés par les cris et miaule­ments de chat. S’ils en con­nais­sent le titre, Gato, qui sig­ni­fie “chat”, cela leur sem­ble plus clair.
Cepen­dant, ce chat n’est pas un quadrupède, mais un bipède comme le chante Lagos :
Dans le bois de la vie vit un bipède sans plumes.
Lagos utilise bípe­do au lieu de para­jo (oiseau) dans le texte de Manzi. On peut imag­in­er que ce choix a été fait, car en bon chanteur d’estri­bil­lo, Lagos ne chante qu’une par­tie du texte. La fin est beau­coup plus explicite. Je l’ai repro­duite en bleu dans les paroles ci-dessous.
Pour insis­ter sur le fait que l’on par­le bien d’un homme élé­gant, à l’époque, Gato pou­vait sig­ni­fi­er Madrilène ou homme essayant de sor­tir avec de jolies femmes en por­tant un cos­tume aus­si beau que pos­si­ble et en payant ce qu’il faut…
Par exten­sion, le terme s’est éten­du aux femmes qui accep­taient de l’ar­gent pour être avec ces hommes, devenant un syn­onyme de pute.
Aujour­d’hui, un gato est une insulte pour qual­i­fi­er quelqu’un d’in­férieur et que l’on méprise. Ce terme se retrou­ve beau­coup sur les murs de Buenos Aires pour qual­i­fi­er des per­son­nages poli­tiques que les auteurs con­sid­èrent comme véreux. Macri Gato est un clas­sique du genre.
Mais le gato de l’époque de ce tan­go est sim­ple­ment un homme qui aime la sape pour s’at­tir­er les faveurs des plus belles. Beau à l’ex­térieur, mais vide à l’in­térieur, comme le dit le cou­plet omis par Lagos.

Extrait musical

Gato 1937-02–12 — Edgar­do Dona­to con Hora­cio Lagos

L’archive sonore présen­tée ici, l’est à titre d’ex­em­ple didac­tique. La qual­ité sonore est réduite à cause de la plate­forme de dif­fu­sion qui n’ac­cepte pas les fichiers que j’u­tilise en milon­ga et qui sont env­i­ron 50 fois plus gros et de bien meilleure qual­ité. Je pense toute­fois que cet extrait vous per­me­t­tra de décou­vrir le titre en atten­dant que vous le trou­viez dans une qual­ité audio­phile.

Paroles

En el bosque de la vida, vive un bípe­do sin plumas,
Que cam­i­na entre la gente en favor de su dis­fraz.
Que se mues­tra cuan­do hay bue­nas, pero en las malas se esfu­ma,
Que se esti­ra en l´aliviada y s´encoge en el cin­char.
Que se apropia de lo ajeno, que se viste con espuma,
Que aparenta estar sobran­do y no tiene pa´ empezar.

¡Gato! Este bicho es tu retra­to
¡Gato! Dibu­ja­do con car­bón
¡Gato! Del som­brero a los zap­atos
¡Gato! Se denun­cia tu ambi­ción

Expo­nente de este siglo, expre­sión de este momen­to,
Su chatu­ra es el ‘stan­dard’ que cir­cu­la en la babel.
Por aden­tro es un vacío, por afuera un mon­u­men­to
Reto­ca­do por la moda con un golpe de pin­cel.
Pro­totipo de mediocre, sin amor ni sen­timien­to,
Y arrastra­do por los vien­tos como un tro­zo de papel.

Edgar­do Dona­to Letra: Home­ro Manzi

Traduction des paroles

Dans la forêt de la vie, vit un bipède sans plumes, qui se promène par­mi les gens sous son déguise­ment.
Qui se mon­tre quand il y en a de bonnes choses, mais qui dis­paraît dans les mau­vais moments, qui s’étire dans les activ­ités faciles et se recro­queville face aux travaux dif­fi­ciles.
Qui s’ap­pro­prie ce qui est étranger, qui s’ha­bille d’éc­ume, qui sem­ble super­flu et ne pas savoir par où com­mencer.
Gato (Chat, mais c’est aus­si quelqu’un de faux trompeur, comme le décrit ce tan­go) ! Cette bête c’est ton por­trait
Gato! Dess­iné au fusain
Gato! Du cha­peau aux chaus­sures
Gato! Ton ambi­tion est dénon­cée
Représen­tant de ce siè­cle, expres­sion de ce moment, sa plat­i­tude est la « norme » qui cir­cule dans la Babel.
À l’in­térieur c’est un vide, à l’ex­térieur un mon­u­ment retouché par la mode d’un coup de pinceau.
Pro­to­type du médiocre, sans amour ni sen­ti­ment, et traîné par les vents comme un bout de papi­er.

Autres versions

Il existe quelques tan­gos sous ce titre, mais aucun autre n’a été enreg­istré (à ma con­nais­sance) avec la musique de Dona­to et les paroles de Manzi.
La créa­tion de Dona­to avec ses miaule­ments est iné­galée par les autres tan­gos ayant le même titre, comme le Gato de César Petrone inter­prété par Car­los Cobián con Genaro Veiga de févri­er 1928.
Le gato est aus­si une danse tra­di­tion­nelle, sem­blable à la chacar­era. On trou­ve donc beau­coup de musiques de Gato sous ce titre.

Gato 1928-02 — Car­los Cobián y su Orques­ta Argenti­na con Genaro Veiga.

Et ter­mi­nons avec notre tan­go du jour :

Gato 1937-02-12 (Tan­go) – Orques­ta Edgar­do Dona­to con Hora­cio Lagos. C’est notre tan­go du jour.
¡Gato! Del som­brero a los zap­atos ¡Gato! Se denun­cia tu ambi­ción

No nos veremos más 1943-02-11 (Valse) — Orquesta Lucio Demare con Raúl Berón

Lucio Demare Letra: Julio Plácido Navarrine

Bésame otra vez Sien­to que después No nos ver­e­mos más.

Le tan­go du jour est une valse, nos­tal­gique, mais entraî­nante dans cette ver­sion réal­isée par Lucio Demare et Raúl Berón.
Elle a été enreg­istrée il y a 81 ans, le 11 févri­er 1943.
Lucio Demare était pianiste et com­pos­i­teur. On lui doit beau­coup de titres qu’il a lui-même inter­prétés, comme cette valse, mais aus­si d’autres tan­gos à suc­cès, comme Telón, Male­na, Mañana zarpa un bar­co, Sola­mente ella et autres titres nos­tal­giques.

Extrait musical

No nos ver­e­mos más 1943-02–11 — Lucio Demare con Raúl Berón

L’archive sonore présen­tée ici, l’est à titre d’ex­em­ple didac­tique. La qual­ité sonore est réduite à cause de la plate­forme de dif­fu­sion qui n’ac­cepte pas les fichiers que j’u­tilise en milon­ga et qui sont env­i­ron 50 fois plus gros et de bien meilleure qual­ité. Je pense toute­fois que cet extrait vous per­me­t­tra de décou­vrir le titre en atten­dant que vous le trou­viez dans une qual­ité audio­phile.

Paroles

Saber par­tir
Con la son­risa flo­re­ci­da.
Y ver morir
El sueño de toda la vida.
Ahog­ar la voz
Morder la angus­tia que nos hiere.
Después, adiós
Y el alma de un ros­al que muere.

Bésame otra vez
Sien­to que después
No nos ver­e­mos más.
Se irá la cer­razón
Pero la ilusión
No ven­drá jamás.
Som­bra entre los dos
Que un dolor atroz
No tor­na clar­i­dad.
Amor que se abre en cruz
Al puñal de luz
De todas las estrel­las.

Hoy por dis­tin­ta huel­la
Nos echa la vida,
Amor que nun­ca olvi­da
No sabe llo­rar.
Bésame otra vez
Sien­to que después
No nos ver­e­mos más.
Se irá la cer­razón
Pero la ilusión
No ven­drá jamás.

Lucio Demare Letra: Julio Plá­ci­do Navar­rine

Traduction

Savoir par­tir avec un sourire fleuri et voir mourir le rêve de toute une vie.
Étouf­fer la voix, mor­dre l’an­goisse qui nous blesse.
Puis, au revoir et l’âme d’un rosier se meure.
Embrasse-moi à nou­veau, je sens que nous ne nous rever­rons plus.
Les ténèbres dis­paraîtront, mais l’il­lu­sion ne vien­dra jamais.
Une ombre entre les deux qu’une douleur atroce ne trans­formera pas en clarté.
L’amour qui s’ou­vre en croix au poignard de lumière de toutes les étoiles.
Aujour­d’hui, la vie s’échappe par une empreinte dif­férente, l’amour qui n’ou­blie jamais, ne sait pas pleur­er.
Embrasse-moi à nou­veau, je sens que nous ne nous rever­rons plus.
Les ténèbres dis­paraîtront, mais l’il­lu­sion ne vien­dra jamais.

Autres enregistrements

Il existe une autre ver­sion, par Fran­cis­co Canaro et Rober­to Mai­da (1935–12-03), dans un rythme beau­coup plus lent et majestueux, très dif­férent de cette inter­pré­ta­tion par Demare et Berón.
Sig­nalons aus­si l’enregistrement (1952–06-18) par Lucio Demare, au piano, solo de cette valse, dans le rythme lent de Canaro. Il enchaîne sur Mañan­i­tas de Mont­martre, une autre de ses com­po­si­tions, dans cet enreg­istrement de 1952.
Comme Lucio Demare est le com­pos­i­teur, il est pos­si­ble qu’il l’ait conçue dans le rythme lent de 1935 et 1952 et que cette ver­sion de 1943 soit une adap­ta­tion au goût de l’époque, l’âge d’or du tan­go de danse.

No nos ver­e­mos más 1935-12-02 — Fran­cis­co Canaro et Rober­to Mai­da.

C’est la pre­mière ver­sion. Cette ver­sion est empreinte de sonorité européenne. Ce que la présence de l’accordéon dans la par­tie B (à 19 s) souligne. Cette même par­tie B sera reprise par la trompette bouchée à 45 s. À 54 s, Rober­to Mai­da chante la par­tie A, puis la B, puis de nou­veau la A et la B. On remar­quera les sonorités très par­ti­c­ulières du vio­lon et de la trompette à 1:50, cet assem­blage rare et éton­nant donne une dimen­sion intéres­sante à cette inter­pré­ta­tion. À 2:16 on remar­quera le piano solo qui donne une res­pi­ra­tion par­ti­c­ulière à ce pas­sage après les sonorités de la trompette asso­ciée au vio­lon. Comme pour s’excuser de l’audace précé­dente. À 2:27 l’orchestre reprend briève­ment la main pour pro­pos­er une fin de film de ciné­ma…

Cela n’est sans doute pas si éton­nant si on con­sid­ère que Demare à cette époque, fai­sait de la musique pour le ciné­ma en Espagne avec son trio et j’émets l’hypothèse que ce titre fai­sait par­tie du film, mal­heureuse­ment per­du “Boliche” de Fran­cis­co Elías (1933). Comme on le sait, Canaro a repris de nom­breuses musiques de film, pourquoi pas celle-ci ?

Affich­es du film Boliche de Fran­cis­co Elias.
No nos ver­e­mos más 1943-02-11 — Lucio Demare con Raúl Berón. C’est notre valse du jour.
No nos ver­e­mos más 1946 — Trío Argenti­no (Irus­ta, Fuga­zot, Demare) y su Orques­ta Típi­ca Argenti­na.

Si mon hypothèse est exacte, ce serait une reprise, 13 ans plus tard, de la musique du film Boliche.

No nos ver­e­mos más – Mañan­i­tas de Mont­martre 1952-06-18 — Lucio Demare (piano).

Demare est un des rares chefs d’orchestre a avoir fait des enreg­istrements de son seul instru­ment. Il faut dire que le piano se prête assez bien à cet exer­ci­ce.

No nos ver­e­mos más 2015 – Roulotte Tan­go con Gas­par Pocai.

Pour ter­min­er avec cette ver­sion en valse créée par Lucio Demare, la propo­si­tion d’un orchestre français, Roulotte Tan­go avec la voix de Garpar Pocai.

Sous le même titre, on trou­ve une chan­son de tan­go de Luis Sta­zo avec des paroles de Fed­eri­co Sil­va qui a eu son petit suc­cès en 1963, notam­ment par la ver­sion de Rober­to Goyeneche avec l’accompagnement de Luis Sta­zo, Arman­do Cupo y Mario Mon­teleone.
On pour­rait citer aus­si celle de Mau­re, de la même année, ou celle de d’Arienzo avec Jorge Valdez. Avec mon célèbre esprit de con­tra­dic­tion, je vous pro­pose d’écouter la ver­sion de De Ange­lis et Godoy…

No nos ver­e­mos más 1964-04 — Orques­ta Alfre­do De Ange­lis con Juan Car­los Godoy.

Comme les autres inter­pré­ta­tions de ce titre, il s’agit d’une ver­sion de con­cert, pas de bal.

Amor que se abre en cruz al puñal de luz de todas las estrel­las.

Mi vida fue una milonga (Así es la vida) 1943-02-10 (Milonga) — Orquesta Manuel Buzón con Osvaldo Moreno

Benjamín García (Benjamín Garcilazo) et Mario Soto Letra : Mario Soto

Mi vida fue una milon­ga

Manuel Buzón est un musi­cien un peu tombé dans l’oubli.
Il a débuté comme pro­fesseur de piano et de solfège et a tra­vail­lé à la sta­tion de radio LOY Radio Nacional Flo­res, comme secré­taire de la Direc­tion artis­tique, pianiste, chanteur et directeur d’orchestre. Il inter­vien­dra dans dif­férentes radios durant sa vie, notam­ment à Radio Paris…
Il a très peu enreg­istré avec son orchestre. Seule­ment une ving­taine de titres en 1942–1943 et les titres chan­tés sont tous avec Osval­do Moreno.

Il a réal­isé quelques enreg­istrements comme pianiste avec dif­férents orchestres ou comme accom­pa­g­na­teur de chanteurs.
Pour son activ­ité de com­pos­i­teur, on pour­rait men­tion­ner que son tan­go “Después hablam­os” a gag­né le troisième prix en 1933 à un con­cours organ­isé par le jour­nal “Crit­i­ca” et qui a eu lieu au Luna Park, la célèbre salle événe­men­tielle de Buenos Aires.
Ce tan­go ne sem­ble pas avoir été enreg­istré, mais on le con­naît par sa par­ti­tion.
Il ne faut en effet pas réduire le tan­go au seul pat­ri­moine enreg­istré qui nous est par­venu. Les orchestres jouaient plusieurs fois par semaine, avec des vari­a­tions et des titres qu’ils n’ont jamais enreg­istrés.
La com­po­si­tion la plus célèbre de Buzon reste sans doute la milon­ga Mano bra­va (paroles d’En­rique Cadí­camo) qu’il a enreg­istrée avec Osval­do Moreno le 11 févri­er 1942, soit un an après Ani­bal Troi­lo et Fran­cis­co Fiorenti­no (1941–03-04).

Extrait musical

Mi vida fue una milon­ga (Así es la vida) 1943-02-10 – Manuel Buzón con Osval­do Moreno.

Cette milon­ga est assez orig­i­nale et pas désagréable à l’écoute. On pour­ra sans doute regret­ter pour la danse qu’elle manque de struc­ture et qu’elle est dif­fi­cile, voire impos­si­ble à danser sans con­nais­sance préal­able du titre. Comme cette milon­ga est rare, elle n’est pas con­nue et donc, elle ne peut pas être bien dan­sée et par con­séquent, on ne peut pas la pro­pos­er en milon­ga et donc la faire con­naître. C’est donc prob­a­ble­ment un titre qui ne restera dans l’ombre une fois lu cet arti­cle…

L’archive sonore présen­tée ici, l’est à titre d’ex­em­ple didac­tique. La qual­ité sonore est réduite à cause de la plate­forme de dif­fu­sion qui n’ac­cepte pas les fichiers que j’u­tilise en milon­ga et qui sont env­i­ron 50 fois plus gros et de bien meilleure qual­ité. Je pense toute­fois que cet extrait vous per­me­t­tra de décou­vrir le titre en atten­dant que vous le trou­viez dans une qual­ité audio­phile.

Paroles

Mi vida fue una milon­ga
Que bailé sin dar resuel­lo,
Con lengue de seda al cuel­lo
Y una flor en el ojal.
Humilde como el per­cal
Que usó la piba fab­ri­quera,
Me pasé la vida entera,
En la cal­ma calle­jera
Que res­pi­ra mi arra­bal.
Milon­ga mía, tus notas
Traen del ayer
Recuer­dos de tan­tas cosas.
Nos­tal­gia de las mujeres
Que más amé,
Y del calor de su boca.
Oigo tu com­pás y en el corazón
Reviv­en mis años mozos,
Cuan­do mar­ca­ba en el piso
De algún salón,
La flor de un corte com­padrón.

Ben­jamín Gar­cía (Ben­jamín Gar­cila­zo) et Mario Soto Letra : Mario Soto

Traduction

Ma vie fut une milon­ga que je dan­sais sans repren­dre un souf­fle, avec un foulard de soie autour du cou et une fleur à la bou­ton­nière.
Hum­ble comme le cal­i­cot (per­cal) util­isé par la fille d’u­sine, j’ai passé ma vie entière, dans le calme de rue que respire mon faubourg.
Ma milon­ga, tes notes m’apportent de l’autrefois tant de choses.
Nos­tal­gie des femmes que j’aimais le plus, et de la chaleur de leurs bouch­es.
J’en­tends ton rythme et dans mon cœur revivent mes jeunes années, quand je mar­quais sur le planch­er d’un salon, la fleur d’un corte com­padrón (pas de tan­go).

Autres enregistrements

Pas d’autres ver­sions. C’est dom­mage, car celle de Buzón est loin d’être géniale…
Sous le même titre sec­ondaire (Así es la vida), on trou­ve cepen­dant deux com­po­si­tions. Une de Edgar­do Dona­to qui fut enreg­istrée le 30 avril1929 par Fran­cis­co Canaro et une autre de Men­vielle enreg­istrée par Cayetano Puglisi le 26 sep­tem­bre de la même année.
Ces deux com­po­si­tions ne com­por­tent pas de paroles. On ne peut donc faire des com­para­isons que sur la musique, elle-même.

Así es la vida 1929-04-30 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro (Edgar­do Dona­to).

Le rythme appuyé et mar­qué est assez rapi­de. Peut-être un peu trop pour les ama­teurs de canyengue. On notera l’utilisation de la gui­tare hawaïenne (1:03) qui rap­pelle peut-être à Canaro qu’il fab­ri­qua son pre­mier vio­lon avec des boites de con­serve. Canaro fut tou­jours ama­teur de sonorités nou­velles et il employa une mul­ti­tude d’instruments qui ne sont jamais apparus dans les autres orchestres. On pense bien sûr aux instru­ments à vent en cuiv­re, mais aus­si aux per­cus­sions, per­cus­sions que l’on retrou­ve dans le descen­dant loin­tain du tan­go de Canaro, le tan­go musette français. S’il existe des cen­taines de titres que l’on passera en pri­or­ité, celui-ci pour­ra tout de même franchir la barre de la sélec­tion d’un DJ exigeant et être dif­fusé dans une milon­ga si les cir­con­stances s’y prê­tent. La semaine dernière à Buenos Aires, l’organisateur de la milon­ga m’a demandé de com­mencer par une tan­da de canyengue en liai­son avec le cours don­né aupar­a­vant. J’ai mis la Typ­i­ca Vic­tor, mais un Canaro aurait pu faire l’affaire, avec ce titre en fin de tan­da, pour retrou­ver un rythme plus rapi­de pour « chauf­fer » les danseurs qui ne sont pas fana­tiques de canyengue.

Así es la vida 1929-09-26 — Orques­ta Cayetano Puglisi (N.C. Men­vielle).

Ce titre au pas lourd du canyengue et un peu lar­moy­ant laisse à penser que cette vie a con­nu quelques peines. Ce n’est pas vilain, loin de là et cela devrait pou­voir être pro­posé aux ama­teurs du genre.

Mi vida fue una milon­ga (Así es la vida) 1943-02-10 — Orques­ta Manuel Buzón con Osval­do Moreno. C’est notre tan­go du jour.

Illustrations de l’édition de 2024

Mi vida fue una milon­ga, elle était en fin d’article en 2024.
Mi vida fue una milon­ga (cou­ver­ture de l’édition de 2024)

Milonga sentimental 1933-02-09 (Canyengue — Milonga) — Orquesta Francisco Canaro con Ernesto Famá y Ángel Ramos

Sebastián Piana Letra : Homero Manzi (Homero Nicolás Manzione Prestera)

Otros se que­jan llo­ran­do, yo can­to por no llo­rar. Tu amor se secó de golpe, nun­ca dijiste por qué. Yo me con­sue­lo pen­san­do que fue traición de mujer.

À not­er que mal­gré son titre de “milon­ga” et que beau­coup de DJ pro­pose ce titre comme une milon­ga, il s’ag­it plutôt d’un rythme de canyengue ou pour le moins d’un rythme bâtard entre le tan­go et la milon­ga que des orchestres comme celui de Miguel Vil­las­boas adoreront utilis­er plus tard.
Canaro le décrivait comme un milon­gon, une de ses inven­tions ryth­miques qui n’ont pas eu de suc­cès.

Extrait musical

Milon­ga sen­ti­men­tal 1933-02-09 — Fran­cis­co Canaro con Ernesto Famá y Ángel Ramos

L’archive sonore présen­tée ici, l’est à titre d’ex­em­ple didac­tique. La qual­ité sonore est réduite à cause de la plate­forme de dif­fu­sion qui n’ac­cepte pas les fichiers que j’u­tilise en milon­ga et qui sont env­i­ron 50 fois plus gros et de bien meilleure qual­ité. Je pense toute­fois que cet extrait vous per­me­t­tra de décou­vrir le titre en atten­dant que vous le trou­viez dans une qual­ité audio­phile.

Paroles

Milon­ga pa’ recor­darte,
milon­ga sen­ti­men­tal.
Otros se que­jan llo­ran­do,
yo can­to por no llo­rar.
Tu amor se secó de golpe,
nun­ca dijiste por qué.
Yo me con­sue­lo pen­san­do
que fue traición de mujer.

Varón, pa’ quer­erte mucho,
varón, pa’ desearte el bien,
varón, pa’ olvi­dar agravios
porque ya te per­doné.
Tal vez no lo sepas nun­ca,
tal vez no lo puedas creer,
¡tal vez te provoque risa
verme tirao a tus pies!

Es fácil pegar un tajo
pa’ cobrar una traición,
o jugar en una daga
la suerte de una pasión.
Pero no es fácil cor­tarse
los tien­tos de un mete­jón,
cuan­do están bien amar­ra­dos
al palo del corazón.

Milon­ga que hizo tu ausen­cia.
Milon­ga de evo­cación.
Milon­ga para que nun­ca
la can­ten en tu bal­cón.
Pa’ que vuel­vas con la noche
y te vayas con el sol.
Pa’ decirte que sí a veces
o pa’ gri­tarte que no.

Sebastián Piana Letra : Home­ro Manzi (Home­ro Nicolás Manzione Prestera)

Traduction

Milon­ga pour me sou­venir de toi, milon­ga sen­ti­men­tale.
D’au­cuns se plaig­nent en pleu­rant, moi, je chante pour ne pas pleur­er.
Ton amour s’est soudaine­ment tari, tu n’as jamais dit pourquoi.
Je me con­sole en pen­sant que ce fut trahi­son de femme.

Varón (mec, homme, mâle), pour t’aimer beau­coup, Varón, pour te souhaiter le bien, Varón, pour oubli­er les griefs, parce que je t’ai déjà par­don­née.
Peut-être que tu ne le sauras jamais, peut-être que tu ne le pour­ras pas croire, peut-être que cela te fera rire de me voir jeté à tes pieds !

Il est facile de faire une entaille pour faire pay­er une trahi­son, ou de jouer avec un poignard la chance d’une pas­sion.
Mais il n’est pas facile de couper les liens d’un amour pas­sion­né, lorsqu’ils sont bien attachés au bâton du cœur
(tien­to, palo peu­vent se référ­er au mem­bre vir­il et tajo à son pen­dant féminin).

Milon­ga qui a fait ton absence.
Milon­ga d’évo­ca­tion.
Milon­ga pour que nul ne la chante jamais à ton bal­con.
Pour que tu revi­ennes avec la nuit et que tu partes avec le soleil.
Pour te dire oui par­fois ou pour te crier non.

Autres enregistrements

Je ne dresserai pas la liste des enreg­istrements de Milon­ga sen­ti­men­tale, il y a en a des dizaines. Cer­tains, comme la ver­sion de Canaro, sont proches du canyengue et d’autres sont de véri­ta­bles milon­gas.
Voici juste quelques per­les :

Milon­ga sen­ti­men­tal 1932-10-04 — Mer­cedes Simone con orques­ta.

Une belle ver­sion assez rapi­de par Mer­cedes Simone. Mal­gré la sim­plic­ité de l’accompagnement avec flute ban­donéon et gui­tare, cette ver­sion pour­rait être pro­posée en milon­ga pour « laver les oreilles » des danseurs qui ne se con­tenteraient pas de la ver­sion du jour.

Milon­ga sen­ti­men­tal 1932-12-12 (Milon­ga Tanguea­da) — Ada Fal­cón con acomp. de Fran­cis­co Canaro.

Après la ver­sion de Mer­cedes Simone, Ada Fal­cón, nous pro­pose une jolie ver­sion, plus canyengue, mais un peu molle pour la danse à mon goût, ce qui n’est pas éton­nant, car c’est une chan­son et pas un enreg­istrement de danse.

Milon­ga sen­ti­men­tal 1932-12-30 — Orques­ta Adol­fo Cara­bel­li con Car­los Lafuente.

Une ver­sion bien canyengue, mais qui peut chang­er de notre ver­sion du jour, même si la voix plus acide de Lafuente peut ne pas plaire à tous.

Milon­ga sen­ti­men­tal 1933-01-23 — Car­los Gardel accom­pa­g­né à la gui­tare par Guiller­mo Bar­bi­eri, Domin­go Riverol, Domin­go Julio Vivas et Hora­cio Pet­torossi.

Pas pour la danse, mais des pas­sages avec la voix de Gardel se retrou­vent dans cer­taines ver­sions de Otros Aires au vingt unième siè­cle…

Milon­ga sen­ti­men­tal 1933-01-25 — Alber­to Gómez y Augus­to “Tito” Vila con acomp. de gui­tar­ras.

C’est la pre­mière ver­sion enreg­istrée en duo. Même si on est dans le domaine de la chan­son, c’est presque dans­able et finale­ment assez agréable à écouter.

Milon­ga sen­ti­men­tal 1933-02-09 — Fran­cis­co Canaro con Ernesto Famá y Ángel Ramos. C’est notre titre du jour.
Milon­ga sen­ti­men­tal 1958-09-18 — Orques­ta Ful­vio Sala­man­ca con Arman­do Guer­ri­co y Mario Luna.

On doit recon­naître à Sala­man­ca d’avoir été un des pre­miers à pro­pos­er une ver­sion rapi­de. En plus le duo qui reprend le principe de notre enreg­istrement du jour par Canaro est plutôt sym­pa­thique. Cette ver­sion qui peut être atti­rante à la pre­mière écoute, n’est cepen­dant pas totale­ment sat­is­faisante pour la danse.

Milon­ga sen­ti­men­tal 1987C — Miguel Vil­las­boas y su Orques­ta Típi­ca.

Le style sautil­lant et allè­gre de Vil­las­boas est très typ­ique de cer­tains orchestres uruguayens. Ce n’est sans doute pas la meilleure ver­sion, mais ce n’est pas désagréable à écouter, voire à danser.

Les orchestres con­tem­po­rains jouent sys­té­ma­tique­ment ce titre et nous avons donc une pléthore d’enregistrements qui hési­tent entre les ver­sions en chan­son, les ver­sions en canyengue et celles en milon­ga. Je vous pro­pose juste pour le vingt-unième siè­cle une ver­sion très dif­férente…

Milon­ga sen­ti­men­tal 2005 — Otros Aires Con Car­los Gardel.

J’indique Car­los Gardel, mais bien sûr, c’est juste sa voix qui est citée dans cet enreg­istrement de Otros Aires, un orchestre qui a eu son heure de gloire en appor­tant un style éton­nant, mais qui n’a pas sût se renou­vel­er.

Voilà, À bien­tôt, les amis !

Yo can­to por no llo­rar / Je chante pour ne pas pleur­er.

Serpentinas de esperanza 1946-02-08 (Tango) — Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas

José Canet Letra: Afner Gatti

Les ser­pentins de l’e­spérance racon­te les espoirs d’un homme qui a des sen­ti­ments pour une femme lors d’un car­naval (févri­er, c’est juste­ment l’époque du car­naval). Il espère qu’une fois l’ivresse du car­naval dis­paru, le lien avec sa com­pagne ne s’é­vanouira pas.
D’Agosti­no et Var­gas, tous les deux prénom­més Ángel (ange), ont for­mé un cou­ple artis­tique au point qu’ils ont été surnom­més les petits anges (Angeli­tos).
En 5 ans, ils ont enreg­istré 93 tan­gos comme celui-ci (Tres esquinas, A las siete en el café, Ave de paso, Madre­sel­va, Yo soy de Par­que Patri­cios…).
Aupar­a­vant, D’Agosti­no a enreg­istré avec Raúl Aldao et par la suite avec un autre Raúl, Raúl Lav­ié, Tino Gar­cía, Ricar­do Ruiz, Rober­to Alvar et Rubén Cané.
Mais la pro­duc­tion idéale de d’Agosti­no est bien dans les années 40 et avec Var­gas. On notera toute­fois un “OVNI”, Cafe Dominguez (avec glosas de Julián Centeya), mais qui date de 1955 et qu’il est dif­fi­cile d’ap­pari­er tant la pro­duc­tion de d’Agosti­na est dif­férente et moins intéres­sante à cette époque. Ce qui fait que beau­coup de DJ met­tent après Café Dominguez des titres de la décen­nie précé­dente avec Var­gas.

Extrait musical

Ser­penti­nas de esper­an­za 1946-02–08 — Orques­ta Ángel D’Agosti­no con Ángel Var­gas

L’archive sonore présen­tée ici, l’est à titre d’ex­em­ple didac­tique. La qual­ité sonore est réduite à cause de la plate­forme de dif­fu­sion qui n’ac­cepte pas les fichiers que j’u­tilise en milon­ga et qui sont env­i­ron 50 fois plus gros et de bien meilleure qual­ité. Je pense toute­fois que cet extrait vous per­me­t­tra de décou­vrir le titre en atten­dant que vous le trou­viez dans une qual­ité audio­phile.

Paroles

Con su luz y piedras fal­sas, pasa, bel­la y sug­es­ti­va, la ilusión, enredan­do ser­penti­nas de esper­an­za.

Esta noche bajo el arco de la vida,
va pase­an­do su locu­ra el car­naval,
sue­na el mun­do la cor­ne­ta de su risa
y se ha puesto una care­ta de bon­dad.
Atavi­a­da con su luz y piedras fal­sas,
pasa, bel­la y sug­es­ti­va, la ilusión,
enredan­do ser­penti­nas de esper­an­za
en la tier­na man­dolina de un pier­rot.

Esta noche estás lin­da como nun­ca,
mi román­ti­ca prince­sa de papel
y en el bril­lo de tus ojos va la luna,
cuan­do pasas en tu raro car­rusel.
Yo tenía el corazón un poco enfer­mo
pero aho­ra me ha vuel­to a son­reír
y bail­am­os embria­ga­dos de con­tento,
bajo un tra­je alquila­do de Arle­quín.

Ya se va la car­a­vana bul­languera
y me ape­na, saber que tú te vas
y si llevas la flor de mi Quimera,
yo me que­do con la rosa que me das.
Con mis ver­sos tiraré papel pic­a­do,
porque se haga menos triste nue­stro adiós,
porque aún el car­naval no ha ter­mi­na­do
y prosigue en las almas de los dos.

José Canet Letra: Afn­er Gat­ti

Traduction

Ce soir, sous l’arc de la vie, le car­naval promène sa folie, le monde sonne le cla­iron de ses rires et s’est affublé d’un masque de bon­té.
Vêtu de sa lumière et de fauss­es pier­res, l’illusion passe, belle et sug­ges­tive, enchevê­trant des ser­pentins d’e­spoir sur la ten­dre man­do­line d’un pier­rot.

Ce soir, tu es belle comme jamais, ma roman­tique princesse de papi­er et, dans l’é­clat de tes yeux va la lune, quand tu pass­es dans ton étrange car­rousel.
J’avais le cœur un peu malade, mais main­tenant, je souris à nou­veau et nous dan­sons, ivres de joie, sous un cos­tume d’Ar­le­quin loué.

La car­a­vane tumultueuse s’en va et cela m’at­triste de savoir que tu pars et si tu emportes la fleur de ma Chimère, je reste avec la rose que tu m’as don­née.
Avec mes vers, je lancerai des con­fet­tis, pour que nos adieux soient moins tristes, car le car­naval n’est pas encore ter­miné et con­tin­ue dans nos deux âmes.

Autres versions

Ce titre a égale­ment été enreg­istré 11 ans plus tôt par Miguel Caló avec la voix de Car­los Dante.

Ser­penti­nas de esper­an­za 1935-04-05 — Orques­ta Miguel Caló con Car­los Dante

Cet arti­cle a été mis à jour le 8 févri­er 2025 (ajout de la tra­duc­tion des paroles et de la ver­sion de Caló et Dante).

Ce soir sous l’arche de la vie, le car­naval vit sa folie, le monde sonne le cla­iron de son rire et a mis un masque de gen­til­lesse. Habil­lé de ses pier­res légères et fauss­es, l’il­lu­sion passe, belle et sug­ges­tive, des ser­pentins d’e­spoir enchevêtrés sur la ten­dre man­do­line d’un Pier­rot.

La vida es un tango 1939-02-08 (Film)

Réalisation Manuel Romero. Musique Alberto Soifer

Sabi­na Olmos et Hugo del Car­ril

La vida es un tan­go est un film argentin en noir et blanc de Manuel Romero. La musique est d’Alber­to Soifer (com­pos­i­teur de nom­breux titres de la vie­ja guardia comme la mer­veilleuse valse Estrel­li­ta mía enreg­istrée, entre autre par Dona­to).

Il est sor­ti le 8 févri­er 1939.

Les rôles sont tenus par Flo­ren­cio Par­ravici­ni, Tito Lusiar­do, Hugo del Car­ril et Sabi­na Olmos.

Le film d’un cou­ple (Hugo del Car­ril et Sabi­na Olmos) autour du tan­go au début du vingtième siè­cle.
Con­sul­tez le site de la mai­son de pro­duc­tion, Lumi­ton pour obtenir du matériel autour du film.
La vida es un tan­go (1939)

Intrigue du film

Ce film est sans doute un chef d’œu­vre pour tous ceux qui s’in­téresse à l’his­toire du tan­go. Il faut bien sûr révis­er quelques élé­ments qui ne sont pas par­faite­ment com­pat­i­bles avec la vérité, mais à l’aide des voix mer­veilleuses de Hugo Del Car­ril et de Sabi­na Olmos, ce film vous fera voy­ager, rêver et je suis sûr, vous enchantera.
L’in­trigue est assez sim­ple.
Un jeune homme (Raul Con­tr­eras, joué par Hugo Del Car­ril), fils d’un chef d’orchestre pianiste (Con­tr­eras père, joué par Flo­ren­cio Par­ravici­ni).
Un soir, Raul se rend dans le cabaret où son père joue du piano avec son orchestre. Il joue de façon automa­tique, un bock de bière pour chaque titre, ce qui donne lieu à un gag répéti­tif. À chaque morceau joué, il boit entière­ment son boc (j’espère que c’est un verre truqué) et à peine l’a‑t-il reposé que la serveuse l’échange con­tre un bock plein.
Raul con­te à son père qui tra­vail­lait de façon dis­simulée à son fils dans ce cabaret, qu’il souhaite devenir chanteur de tan­go, annonçant que cette musique sera un phénomène mon­di­al. Cela pour­rait être une pré­mo­ni­tion géniale puisque la scène est sen­sée se pass­er au tout début du vingtième siè­cle, mais il faut tem­pér­er, car le film date de 1939…
Lors de cette soirée, il fait con­nais­sance de Elisa Quin­tana, jouée par Sabi­na Olmos et de son père, joué par Tito Lusiar­do.
Il se retrou­ve à chanter avec Elisa sur scène pour sa pre­mière presta­tion publique. C’est un suc­cès.
Les par­ents déci­dent de lancer le cou­ple d’artiste et imag­i­nent d’aller à Paris, pen­sant qu’à la fin de la pre­mière guerre mon­di­ale, la France aurait envie de se diver­tir.
C’est bien sûr un immense suc­cès, mais Raul fait con­nais­sance d’une riche héri­tière. Le père Con­tr­eras voit d’un bon œil que son fils l’épouse. Cela blesse Elisa qui est amoureuse de Raul et finale­ment, Elisa et son père retour­nent à Buenos Aires où elle a un grand suc­cès.
Elle finit par se mari­er à un riche héri­ti­er et arrête sa car­rière musi­cale. Raul qui n’avait pas pu l’oublier décide de ren­tr­er en Argen­tine dans l’espoir de la recon­quérir, sans savoir qu’elle vient de se mari­er. Il assiste au dernier con­cert d’Elisa qui, jeune mar­iée d’une grande famille, ne peut plus se com­pro­met­tre sur les planch­es.
Pour noy­er sa tristesse, Raul part à New-York, accom­pa­g­né par son père et dégringole, sous les coups des whiskies qu’il ingur­gite trop facile­ment.
Au bout du rouleau, ayant per­du sa voix après une pneu­monie, il accepte de ren­tr­er à Buenos Aires.
Je vous laisse décou­vrir la suite dans le film.

Les chansons du film musical

Ce film est égale­ment un pré­texte pour pass­er des chan­sons inter­prétées de façon fab­uleuse par Hugo Del Car­ril et Sabi­na Olmos.
Par­mi les titres inter­prétés sous la direc­tion de Alber­to Soifer :
• Viens Poupoule de Félix May­ol (mon­trant que la musique de France était présente à Buenos Aires au tout début du vingtième siè­cle).
• La morocha
• El porteñi­to
• La payan­ca
• Gabi­no el may­oral
• Bel­gi­ca (en l’honneur de la Bel­gique qui venait d’être envahie par l’Allemagne)
• Mi noche triste
• El tai­ta del arra­bal
• Patoter­ro sen­ti­men­tal (une sub­lime ver­sion)

Sub­mergé d’é­mo­tion Raul (Hugo Del Car­ril) chante Patotero sen­ti­men­tal quand il com­prend qu’il va per­dre elisa.

• Milon­gui­ta
• La copa del olvi­do
• Nubes de humo
• Mano a mano (une inter­pré­ta­tion extra­or­di­naire)

Superbe inter­pré­ta­tion de Hugo Del Car­ril qui décide de chang­er pour chanter Mano a Mano quand il voit Elisa avec son mari. Ce dernier ne com­prend pas com­plète­ment que Raul (Hugo Del Car­ril) chante pour elle, ce qui explique l’ex­tra­or­di­naire émo­tion que provoque cette inter­pré­ta­tion.

• Yira-yira
• ban­doneón arra­balero
• Aquel tapa­do de armiñó.
Les chan­sons sont choisies en fonc­tion de l’intrigue et ser­vent aux deux pro­tag­o­nistes prin­ci­paux pour exprimer leurs sen­ti­ments.
En cela, le film est d’une grande justesse et je le con­sid­ère comme un véri­ta­ble chef‑d’œuvre. J’espère que vous partagerez mon ent­hou­si­asme.

Quelles sont les dates de l’âge d’or en tango de danse ?

What are the dates of the golden age of dance tango?

Pour un DJ, l’âge d’or, c’est prin­ci­pale­ment l’époque ou le tan­go de danse était à la mode. Mais pour qu’un âge d’or arrive, il faut dif­férents élé­ments précurseurs et pour qu’il se ter­mine, il faut que l’élan s’épuise. Nous allons voir l’évolution de ce phénomène.

For a DJ, the gold­en age is main­ly the time when dance tan­go was in fash­ion. But for a gold­en age to come, there must be dif­fer­ent pre­cur­sors, and for it to end, the momen­tum must be exhaust­ed. We will see how this phe­nom­e­non evolves.

L’âge d’or du tan­go

Le prototango, le tango d’avant le tango

Dans l’article sur les styles du tan­go, vous trou­verez des traces de l’histoire musi­cale, mais la musique n’est qu’un des aspects. Pour que l’âge d’or se man­i­feste, il faut égale­ment que la pra­tique de cette cul­ture sorte des cer­cles restreints où elle est née.
L’Europe et par­ti­c­ulière­ment la France ont joué un rôle cer­tain dans cette nais­sance. L’exposition uni­verselle de 1900 a été l’occasion pour de nom­breux Argentins argen­tés, de faire de Paris, leur point de chute, ou de plaisir.
Un cer­tain nom­bre d’entre eux qui avaient goûté aux charmes du tan­go à la fin du 19e siè­cle l’ont encour­agé à Paris. Un des exem­ples les plus con­nus est celui de Beni­no Macias, auquel on attribue le lance­ment de la furie du tan­go à Paris. Que ce soit cette his­toire ou d’autres, il est cer­tain que dès 1911, le tan­go était entré dans les mœurs à Paris. On pou­vait le danser tous les jours dans plusieurs lieux, ce qui a attiré les orchestres argentins, même s’ils devaient se pro­duire déguisés en gau­chos, car les orchestres étrangers n’étaient autorisés qu’à la con­di­tion d’être «folk­loriques». Le cos­tume était réservé aux orchestres européens.

Prototango, the tango before the tango

In the arti­cle on tan­go styles, you will find traces of musi­cal his­to­ry, but music is only one aspect. In order for the gold­en age to man­i­fest itself, the prac­tice of this cul­ture must also come out of the restrict­ed cir­cles in which it was born.

Europe and par­tic­u­lar­ly France played a cer­tain role in this birth. The Uni­ver­sal Exhi­bi­tion of 1900 was an oppor­tu­ni­ty for many sil­ver-lov­ing Argen­tini­ans to make Paris their place of stay, or of plea­sure. A num­ber of them who had tast­ed the charms of tan­go at the end of the 19th cen­tu­ry encour­aged him in Paris. One of the best-known exam­ples is that of Beni­no Macias, who is cred­it­ed with launch­ing the Tan­go Fury in Paris. Whether it is this sto­ry or oth­ers, it is cer­tain that by 1911, tan­go had become part of the cus­toms in Paris. It could be danced every day in sev­er­al venues, which attract­ed Argen­tine orches­tras, even if they had to per­form dis­guised as gau­chos, as for­eign orches­tras were only allowed on the con­di­tion that they were “folk­loric”. The cos­tume was reserved for Euro­pean bands.

Pourquoi Pas, revue wal­lonne de Louis Dumont-Wilden, George Gar­nir et Léon Souguenet (les « trois mous­ti­quaires ») du 4 octo­bre 1929.

La nais­sance du tan­go

Le chan­son­nier Fursv affirme, dans ses mémoires, avoir assisté, vers 1900, à la nais­sance du tan­go, l’Abbaye Albert », à Mont­martre.
— Par­mi les Argentins qui venaient là, con­te-t-i1, il y avait un cer­tain Beni­no Macias, for­mi­da­ble­ment riche, très nos­tal­gique.
» Un soir, ayant payé l’orchestre pour le sec­on­der dans son pro­jet, il se mit à danser, pour la galerie, une sorte de pas lent, et traîné, coupé de repos ryth­més, et accom­pa­g­né par une mélodie en mineur, d’une infinie mélan­col­ie.
~ Ce fut, sur le moment, de l’étonnement, mieux, de la stu­peur.
» Mais on applau­dit Beni­no Macias, qui dan­sait avec une cer­taine Loulou Christy, fort jolie.
» Huit jours après, il y avait vingt cou­ples qui fai­saient comme eux.» C’est ain­si que le tan­go a fait sa toute pre­mière appari­tion à Paris. »

Pourquoi Pas, revue wal­lonne de Louis Dumont-Wilden, George Gar­nir et Léon Souguenet (les « trois mous­ti­quaires ») du 4 octo­bre 1929.

The birth of tan­go

In his mem­oirs, the chan­son­nier Fursv claims to have wit­nessed, around 1900, the birth of the tan­go, the “Abbaye Albert” in Mont­martre.
“Among the Argen­tini­ans who came there,” he said, “was a cer­tain Beni­no Macias, tremen­dous­ly rich, very nos­tal­gic.
One evening, hav­ing paid the orches­tra to assist him in his project, he began to dance, for the gallery, a sort of slow, drawn-out step, inter­rupt­ed by rhyth­mic rests, and accom­pa­nied by a melody in minor, of infi­nite melan­choly.
~ It was, at the time, aston­ish­ment, or rather, amaze­ment.
But we applaud Beni­no Macias, who danced with a cer­tain Loulou Christy, who was very pret­ty.
Eight days lat­er, there were twen­ty cou­ples doing the same.This is how tan­go made its very first appear­ance in Paris. »

Pourquoi Pas, Wal­loon mag­a­zine by Louis Dumont-Wilden, George Gar­nir and Léon Souguenet (the “three mos­qui­to nets”) of 4 Octo­ber 1929.

Lorsque ces orchestres sont retournés en Argen­tine, auréolés de leurs suc­cès européens, cela a aidé à sor­tir le tan­go de ses lieux mal famés en Argen­tine.
Dans l’article « Une enquête sur le tan­go », vous trou­verez des élé­ments intéres­sants si vous vous intéressez à la ques­tion des débuts du tan­go en France. Vous pou­vez aus­si con­sul­ter le site milon­gaophe­lia, riche en doc­u­ments icono­graphiques.
Donc, pour la France, l’âge d’or se situe dans les années 1910–1935. Cepen­dant, ce tan­go s’y est figé dans le temps et s’est abâ­tar­di pour devenir le tan­go musette qui est une loin­taine réminis­cence du tan­go de style canyengue. Il con­vient donc de retra­vers­er l’Atlantique pour décou­vrir le véri­ta­ble âge d’or.

When these orches­tras returned to Argenti­na, bask­ing in the glo­ry of their Euro­pean suc­cess­es, it helped to bring tan­go out of its dis­rep­utable places in Argenti­na.
In the arti­cle “A sur­vey on tan­go “, you will find inter­est­ing ele­ments if you are inter­est­ed in the ques­tion of the begin­nings of tan­go in France. You can also con­sult the milon­gaophe­lia web­site, rich in icono­graph­ic doc­u­ments.
So, for France, the gold­en age is in the years 1910–1935. How­ev­er, this tan­go has been frozen in time and has bas­tardized to become the tan­go musette which is a dis­tant rem­i­nis­cence of the tan­go of the Canyengue style. It is there­fore appro­pri­ate to cross the Atlantic again to dis­cov­er the true gold­en age.

Les premiers orchestres dorés

Pas de musique sans orchestre.
Le phénomène tan­go se développe donc à Buenos Aires et dans sa jumelle rio­platense.
De nom­breux orchestres se créent, se ren­for­cent et pour accom­pa­g­n­er cette vague, les enreg­istrements se mul­ti­plient. Mal­heureuse­ment, les tech­niques rudi­men­taires de l’époque oblig­ent à jouer d’une façon mar­tiale, de crier plus que de chanter et la musique qui en résulte a du mal à sor­tir du bruit du disque pour don­ner de l’émotion.
On peut con­sid­ér­er que ces pre­miers enreg­istrements ne ren­dent pas jus­tice à ce que jouaient réelle­ment les orchestres devant le pub­lic. On se reportera à l’article sur les pro­grès de l’enregistrement pour en savoir plus.
Ce n’est qu’en 1926 que la qual­ité des enreg­istrements rend enfin jus­tice aux presta­tions des orchestres. Ce biais fait que l’on peut nég­liger le phénomène tan­go antérieur et que par con­séquent, on peut « louper » la détec­tion d’un âge d’or, faute d’enregistrements de qual­ité.
Cepen­dant, lorsque la qual­ité devient sat­is­faisante, la musique est pour sa part assez dif­férente de celle qui sera déployée dans les décen­nies suiv­antes. Des orchestres anciens, comme ceux de Cara­bel­li, Frese­do, Canaro font de fort belles choses, mais l’arrivée d’une nou­velle vague va révo­lu­tion­ner la musique.
Les orchestres devi­en­nent plus vir­tu­os­es à force de pra­ti­quer tous les jours et de se con­cur­rencer dans une vive ému­la­tion.

The First Golden Orchestras

There is no music with­out an orches­tra. The tan­go phe­nom­e­non is there­fore devel­op­ing in Buenos Aires and its Rio­platen­sian twin.
Many orches­tras were cre­at­ed, strength­ened, and to accom­pa­ny this wave, record­ings mul­ti­plied. Unfor­tu­nate­ly, the rudi­men­ta­ry tech­niques of the time forced you to play in a mar­tial way, to shout more than to sing and the result­ing music had dif­fi­cul­ty get­ting out of the noise of the record to give emo­tion.
It can be argued that these ear­ly record­ings do not do jus­tice to what the orches­tras actu­al­ly played in front of the audi­ence. Refer to the arti­cle on the progress of reg­is­tra­tion for more infor­ma­tion.
It was not until 1926 that the qual­i­ty of the record­ings final­ly did jus­tice to the orches­tras’ per­for­mances. This bias means that the pre­vi­ous tan­go phe­nom­e­non can be neglect­ed and that con­se­quent­ly, the detec­tion of a gold­en age can be “missed” due to a lack of qual­i­ty record­ings.
How­ev­er, when the qual­i­ty becomes sat­is­fac­to­ry, the music is quite dif­fer­ent from the one that will be deployed in the fol­low­ing decades. Old orches­tras, such as those of Cara­bel­li, Frese­do, Canaro did very beau­ti­ful things, but the arrival of a new wave rev­o­lu­tion­ized music. Orches­tras become more vir­tu­oso by dint of prac­tic­ing every day and com­pet­ing with each oth­er in live­ly emu­la­tion.

El Mun­do du dimanche 1er octo­bre de 1944.

Les quatre piliers

Le pre­mier orchestre à décoller est sans con­teste celui de Juan D’Arienzo, grâce à l’apport prov­i­den­tiel de Rodol­fo Bia­gi (arrangeur et pianiste) à par­tir de décem­bre 1935. Le départ rapi­de de Bia­gi de l’orchestre en 1938 ne rompt pas le nou­veau style de l’orchestre de D’Arienzo qui évoluera dans cette direc­tion jusqu’à la mort de son directeur en 1976.

The Four Pillars

The first orches­tra to take off was undoubt­ed­ly that of Juan D’Arien­zo, thanks to the prov­i­den­tial con­tri­bu­tion of Rodol­fo Bia­gi (arranger and pianist) from Decem­ber 1935. Biag­i’s rapid depar­ture from the orches­tra in 1938 did not break the new style of D’Arien­zo’s orches­tra, which would evolve in this direc­tion until the death of its con­duc­tor in 1976.

Juan d’Arien­zo — Gran Hotel Vic­to­ria (Hotel Vic­to­ria) 1935-07-02, avant Bia­gi.
Juan d’Arien­zo — El flete 1936-04-03, après Bia­gi. On entend les ding ding du piano de Bia­gi.

Peu après, Car­los Di Sar­li qui était à la tête d’un sex­te­to jusqu’au début des années 30 se lance avec un orchestre qui prend sa dimen­sion dans les décades des années 40 et 50.

Short­ly after­wards, Car­los Di Sar­li, who was at the head of a sex­tet until the ear­ly 1930s, launched him­self with an orches­tra that took on its dimen­sion in the 1940s and 1950s.

Car­los Di Sar­li (Sex­te­to) — T.B.C. 1928-11-26
Car­los Di Sar­li — El amanecer 1942-06-23
Car­los Di Sar­li — El amanecer 1951-09-26 — La ver­sion de 1954-08-31 aurait égale­ment pu être prise comme exam­ple.

Troi­lo arrive au début des années 40, suivi de près par Pugliese.

L’âge d’or peut être défi­ni comme la péri­ode d’activité max­i­male de ces qua­tre orchestres. Celle où l’on pou­vait danser chaque semaine avec des orchestres épous­tou­flants.

Troi­lo arrived in the ear­ly 1940s, close­ly fol­lowed by Pugliese.

The Gold­en Age can be defined as the peri­od of max­i­mum activ­i­ty of these four orches­tras. The one where you could dance every week with breath­tak­ing orches­tras.

La fin de l’âge d’or

The End of the Golden Age

Le rock et d’autres musiques vont chang­er les habi­tudes des danseurs et amorcer le déclin du tan­go.

Les années 40 voient les qua­tre piliers dans leur péri­ode de gloire. Dans les années 50, ils con­tin­u­ent leur évo­lu­tion, mais en par­al­lèle, l’arrivée de nou­veaux goûts chez les danseurs, notam­ment le rock, fait que la pra­tique com­mence à baiss­er est que les orchestres se tour­nent vers des formes plus con­cer­tantes.
Troi­lo et Pugliese pro­duisent dans leurs dernières années des titres nova­teurs et nos­tal­giques, à la recherche d’un sec­ond souf­fle, plus ori­en­té vers le con­cert que la danse.
Car­los Di Sar­li, peut-être plus dans l’air du temps qui demandait une musique plus roman­tique a con­tin­ué dans son style jusqu’à la fin des années 50, sans sac­ri­fi­er à la danse.
Quant à d’Arienzo, son style énergique en a fait une bête de scène qui lui per­me­t­tait d’animer des con­certs eupho­risants jusqu’à sa mort en 1976. Ses musi­ciens (sous la direc­tion de Car­los Laz­zari, ban­donéiste et arrangeur de D’Arienzo) puis de nom­breux orchestres con­tem­po­rains per­pétuent ce style fes­tif et énergique jusqu’à nos jours qui con­tin­u­ent d’enchanter les danseurs, comme les audi­teurs.
Cepen­dant, il est cer­tain que le rock et d’autres modes ayant éloigné les danseurs du tan­go, il est dif­fi­cile de faire con­tin­uer l’âge d’or après les années 50.

The 1940s saw the four pil­lars in their hey­day. In the 1950s, they con­tin­ued to evolve, but at the same time, the arrival of new tastes among dancers, espe­cial­ly rock, meant that the prac­tice began to decline and that orches­tras turned to more con­cer­tante forms.
In their last years, Troi­lo and Pugliese pro­duced inno­v­a­tive and nos­tal­gic tracks that were more ori­ent­ed towards con­cert than dance in search of a sec­ond wind.
Car­los Di Sar­li, per­haps more in tune with the times who demand­ed more roman­tic music, con­tin­ued in his style until the end of the 50s, with­out sac­ri­fic­ing dance.
As for d’Arien­zo, his ener­getic style made him a beast of the stage, allow­ing him to host euphor­ic con­certs until his death in 1976. Its musi­cians (under the direc­tion of Car­los Laz­zari, D’Arien­zo’s ban­doneist and arranger) and many con­tem­po­rary orches­tras per­pet­u­ate this fes­tive and ener­getic style to this day, which con­tin­ues to enchant dancers and lis­ten­ers alike. How­ev­er, rock and oth­er fash­ions have cer­tain­ly kept dancers away from tan­go, mak­ing it dif­fi­cult to con­tin­ue the gold­en age after the 1950s.

Le lancement du disque, ou la seconde mort du tango de danse

The launch of the LP, or the second death of dance tango

Le disque LP et la stéréo­phonie ont changé la musique de tan­go.

Un autre phénomène se développe dans les années 50, le microsil­lon et en 1958, le son stéréo. Cette inven­tion avec l’augmentation de la qual­ité de la musique, la plus grande durée de musique par disque (env­i­ron 8 fois plus par disque), fait que l’on peut pos­séder beau­coup plus de musique sans que cela devi­enne trop envahissant, d’autant plus que les dis­ques microsil­lons sont plus légers et fins que les anciens 78 tours en shel­lac.
Le son stéréo a rapi­de­ment for­mé les oreilles des audi­teurs, reléguant les anciens enreg­istrements au ray­on des antiq­ui­tés. Pour essay­er de con­tr­er ce mou­ve­ment et « mod­erniser » leur fond ancien, les édi­teurs de musique ont réédité les tan­gos des années 30 et 40 en vinyle (microsil­lon) en rajoutant de la réver­béra­tion. Cela donne une impres­sion d’espace et per­met de faire du « stéréo like » à peu de frais. Aujourd’hui ces vinyles sont très mal vus, car la réver­béra­tion nuit au mes­sage sonore.

Anoth­er phe­nom­e­non devel­oped in the 1950s, the LP, and in 1958, stereo sound. This inven­tion with the increase in the qual­i­ty of music, and the longer dura­tion of music per record (about 8 times more per record), means that one can own much more music with­out it becom­ing too intru­sive, espe­cial­ly since LP records are lighter and thin­ner than the old shel­lac 78s.
The stereo sound quick­ly trained lis­ten­ers’ ears, rel­e­gat­ing old record­ings to the antique shelf. To try to counter this move­ment and “mod­ern­ize” their old back­ground, music pub­lish­ers have reis­sued tan­gos from the 30s and 40s on vinyl (LP) by adding reverb. This gives the impres­sion of space and allows you to “stereo like” at lit­tle cost. Today, these vinyls are very frowned upon, because the reverb detracts from the sound mes­sage.

La valse de Juan D’Arien­zo — No llores madre de 1936-07-03 a été dif­fusée dans un pre­mier temps sur disque shel­lac. Lors de la réédi­tion en microsil­lon (LP), pour lui don­ner un air de “stéréo”, les ingénieurs du son ont rajouté de la réver­béra­tion, ce qui a pol­lué la musique orig­i­nale.

Ces deux don­nées expliquent aus­si le déclin des orchestres de bal. En effet, il deve­nait pos­si­ble de jouer de la musique de tan­go pen­dant une demi-heure, sans aucune manip­u­la­tion et sans avoir à pay­er un orchestre.

These two fac­tors also explain the decline of ball­room bands. Indeed, it became pos­si­ble to play tan­go music for half an hour, with­out any manip­u­la­tion and with­out hav­ing to pay for an orches­tra.

Le petit âge d’or, le moyen âge d’or et le grand âge d’or

The Little Golden Age, the Golden Age and the Great Golden Age

L’âge d’or du tan­go. Illus­tra­tion libre, ne pas y chercher une vérité his­torique… / The gold­en age of tan­go. Free illus­tra­tion, do not look for his­tor­i­cal truth…

Une déf­i­ni­tion très stricte de l’âge d’or est par­fois don­née et qui est bornée par la péri­ode où les 4 piliers jouaient, donc de 1943 (arrivée sur le marché du disque de Pugliese), jusqu’à l’arrivée du microsil­lon, aux alen­tours de 1955.
Comme on aime bien arrondir, on définit cette péri­ode comme courant de 1940 à 1955.
Cepen­dant, cela enlève les mer­veilleux enreg­istrements de D’Arienzo de la sec­onde moitié des années 30. Il est donc plus courant de définir un « moyen âge d’or » de 1935 à 1955. Les comptes sont ronds, vingt ans tout juste. En Europe, la nos­tal­gie et la famil­iar­ité avec le tan­go musette et ital­ien, font que la vieille garde est égale­ment appré­ciée. Cela per­met d’inclure des orchestres qui ont beau­coup de suc­cès dans les « encuen­tros milongueros », comme Canaro, Dona­to, Cara­bel­li ou Frese­do. Tou­jours pour favoris­er les comptes justes, on étend par­fois l’âge d’or de 1930 à 1955.

A very strict def­i­n­i­tion of the gold­en age is some­times giv­en which is lim­it­ed by the peri­od when the 4 pil­lars were play­ing, i.e. from 1943 (arrival on the mar­ket of the Pugliese record), until the arrival of the LP, around 1955.
Since we like to round up, we define this peri­od as cur­rent from 1940 to 1955.
How­ev­er, this takes away from the won­der­ful D’Arien­zo record­ings from the sec­ond half of the 1930s. It is there­fore more com­mon to define a “gold­en mid­dle” from 1935 to 1955. The accounts are round, just twen­ty years. In Europe, nos­tal­gia and famil­iar­i­ty with musette and Ital­ian tan­go mean that the old guard is also appre­ci­at­ed. This makes it pos­si­ble to include orches­tras that are very suc­cess­ful in the “encuen­tros milongueros”, such as Canaro, Dona­to, Cara­bel­li, or Frese­do. Also in order to pro­mote fair accounts, the gold­en age is some­times extend­ed from 1930 to 1955.

Le support de l’âge d’or

The support of the Golden Age

Un disque 78 tours en shel­lac. Ici, une valse de D’Arien­zo, En tu corazón. / A 78 rpm shel­lac record. Here, a waltz from D’Arien­zo, En tu corazón.

C’est le réper­toire qu’utilisent les DJ les plus « tra­di­tion­nels ».
Sig­nalons que dans ce mou­ve­ment « tra­di­tion­nel » cer­tains DJ revendiquent la dif­fu­sion en milon­ga à par­tir de dis­ques vinyle, un sup­port anachronique. Mais les modes ont-elles à se jus­ti­fi­er ? Quelques DJ utilisent des dis­ques shel­lac par souci de vérité his­torique. Mais là, c’est jouer avec le pat­ri­moine et cette pra­tique me sem­ble non recom­mand­able, car nuis­i­ble avec notre héritage, sans aucune valeur ajoutée en ter­mes de musique. Les véri­ta­bles col­lec­tion­neurs respectent ces tré­sors et ne les exposent pas à la ruine.

This is the reper­toire used by the most “tra­di­tion­al” DJs.
It should be not­ed that in this “tra­di­tion­al” move­ment, some DJs claim to broad­cast in milon­ga from vinyl records, an anachro­nis­tic medi­um. But do fash­ions have to be jus­ti­fied? Some DJs use shel­lac records for the sake of his­tor­i­cal truth. But in this case, it’s play­ing with her­itage and this prac­tice seems to me to be rec­om­mend­able, because it is harm­ful to our her­itage, with­out any added val­ue in terms of music. True col­lec­tors respect these trea­sures and do not expose them to ruin.

Vers un nouvel âge d’or ?

Towards a new golden age?

Vers un nou­v­el âge d’or du tan­go ? / Towards a new gold­en age?

Le tan­go est né et est ressus­cité à dif­férentes repris­es, sous des aspects légère­ment dif­férents à chaque fois.
Peut-être sommes-nous à l’aube d’un nou­v­el âge d’or du tan­go de danse ? Les avions n’ont jamais trans­porté autant de tangueros à Buenos Aires. En Europe, il n’y a pas une ville de quelque impor­tance sans une com­mu­nauté tanguera.
Cette com­mu­nauté est inter­na­tionale. Il est pos­si­ble de danser avec des parte­naires venus du monde entier et de s’entendre dès la pre­mière tan­da com­mune. C’est un des mir­a­cles du tan­go. Cepen­dant, ce pat­ri­moine est frag­ile, comme les dis­ques shel­lac. Il con­vient de le préserv­er et de ne pas le déna­tur­er en s’éloignant de ce qui fait la par­tic­u­lar­ité de la danse.

Tan­go was born and res­ur­rect­ed on dif­fer­ent occa­sions, in slight­ly dif­fer­ent aspects each time.
Maybe we are at the dawn of a new gold­en age of dance tan­go? Planes have nev­er car­ried so many tangueros to Buenos Aires. In Europe, there is not a city of any impor­tance with­out a tanguera com­mu­ni­ty.
This com­mu­ni­ty is inter­na­tion­al. It is pos­si­ble to dance with part­ners from all over the world and to hear each oth­er from the first tan­da togeth­er. This is one of the mir­a­cles of tan­go. How­ev­er, this her­itage is frag­ile, like shel­lac records. It should be pre­served and not dis­tort­ed by dis­tanc­ing one­self from what makes dance so spe­cial.

Épilogue

Epilogue

Dif­fi­cile d’imag­in­er ce que sera le tan­go dans un siè­cle. Espérons qu’il sera dans un nou­v­el âge d’or. / It’s hard to imag­ine what tan­go will be like in a cen­tu­ry. Hope­ful­ly it will be in a new gold­en age.

Un DJ actuel a le choix de qua­si­ment un siè­cle de musique pour ani­mer ses milon­gas. Il con­vient cepen­dant qu’il ne sépare pas les danseurs de ce qui est le plus pré­cieux, le tan­go de l’âge d’or. Il devra donc veiller à tou­jours don­ner à écouter et danser cette référence, les grands tan­gos de bals des années 35–55, ou 30–55, ou 40–55.
Charge aux danseurs et à leurs pro­fesseurs, de com­pren­dre ce qui fait du tan­go une danse si par­ti­c­ulière et pourquoi il est impor­tant de la reli­er à une musique par­faite pour lui. Pour ter­min­er, je souhaite rap­pel­er que le tan­go de danse n’est qu’une par­tie de la cul­ture tan­go et que je n’ai par­lé d’âge d’or que pour le DJ. Des ama­teurs de tan­go à écouter pour­raient plac­er leur âge d’or dans les années Piaz­zol­la. En effet, celui-ci crée son octe­to en 1955 et ses propo­si­tions musi­cales débuteront le cli­vage entre tra­di­tion et moder­nité. On pour­rait donc par­ler d’un âge d’or du tan­go d’écoute de 1955 à 1990…

A today DJ has the choice of almost a cen­tu­ry of music to liv­en up his milon­gas. How­ev­er, he should not sep­a­rate the dancers from what is most pre­cious, the tan­go of the gold­en age. He will there­fore have to make sure that he always gives to lis­ten to and dance to this ref­er­ence, the great balls of the years 35–55, or 30–55, or 40–55.
It is up to the dancers and their teach­ers to under­stand what makes tan­go such a spe­cial dance and why it is impor­tant to con­nect it to music that is per­fect for them. To con­clude, I would like to remind you that dance tan­go is only one part of the tan­go cul­ture and that I have only spo­ken of a gold­en age for the DJ. Tan­go lovers to lis­ten to could place their gold­en age in the Piaz­zol­la years. Indeed, he cre­at­ed his octe­to in 1955 and his musi­cal pro­pos­als began the divide between tra­di­tion and moder­ni­ty. We could there­fore speak of a gold­en age of lis­ten­ing tan­go from 1955 to 1990…

Tete Rusconi, cartas abiertas

Tete Rusconi

Tete Rus­coni avait l’habi­tude de dépos­er des let­tres ouvertes sur les tables des milon­gas pour expos­er sa vision du tan­go.
J’avais traduit deux de ces textes que je repro­duits ici :
- Une let­tre ouverte de Tete aux danseurs et aux pro­fesseurs en 2006.
- « Les Dits de Tete » à l’occasion de sa mort en 2010.

Apprenons à danser le tango — Aprendamos a bailar el tango

En 2006, j’avais traduit cette let­tre con­fiée par une amie, Régine C qui l’avait récupérée sur une table de Buenos Aires.
J’avais repro­duit ce texte sur le site de Tan­go Pas­sion, dont j’é­tais le créa­teur et le seul auteur à l’époque.

Let­tre de Tete dis­tribuée en 2006 à Buenos Aires. Mer­ci à Régine C qui l’avait rap­portée de Baires !
Apprenons à danser le tan­go
Aujourd’hui, 9 jan­vi­er 2006, avec toute l’affection et le respect que j’ai pour vous, j’aimerais vous deman­der quelque chose. Ce n’est pas un reproche, pour qui que ce soit. Ce que j’aimerais, c’est que les jeunes et tous ceux qui dansent le tan­go com­pren­nent mon point de vue : Il n’est point besoin de trav­e­s­tir le tan­go, en aucune manière, car cette musique, si pas­sion­née, nous donne vie, énergie, plaisir et ain­si nous nous sen­tons meilleurs. Depuis le temps que je vois des danseurs et des pro­fesseurs, je pense qu’il ne faut pas qu’il per­siste avec autant d’erreurs dans l’enseignement et les démon­stra­tions. Mon sen­ti­ment est que la musique est la base prin­ci­pale du Tan­go. Il faut ensuite appren­dre à marcher avec elle, en con­ser­vant l’équilibre et le rythme (caden­cia / cadence). Je ne peux pas affirmer que la tech­nique n’existe pas quand on danse, mais je crois qu’il serait prof­itable que l’on enseigne à danser plus libre­ment, pour soi-même… Là est le plaisir. Per­son­ne ne nous méjuge en nous regar­dant danser pour nous.
En cela, je dis que beau­coup trav­es­tis­sent le tan­go en ce qu’il n’est pas réelle­ment. Il est avant tout musi­cal­ité et ne se préoc­cupe pas ini­tiale­ment des pas. Nous ne devons pas com­met­tre l’erreur d’oublier d’enseigner com­ment marcher sur dif­férents rythmes en har­monie avec chaque orchestre. Trop de per­son­nes qui enseignent le tan­go devraient d’abord appren­dre à le danser pour ensuite pou­voir enseign­er en don­nant tout de soi. Ain­si, ils ne tromperaient pas leurs élèves, ni ne nuiraient à leur répu­ta­tion de pro­fesseur.
Le tan­go n’est pas un com­merce, con­traire­ment à ce qu’en font beau­coup. Le tan­go fait par­tie de notre vie, par­tie de nos ancêtres, pères, mères, frères et amis. Il est notre vie. Nous ne devons pas per­sis­ter dans l’erreur. Il faut le recon­quérir, lui que nous per­dons, faute de le respecter.
Chers amis, danseuses, danseurs, l’enseignement du tan­go est un tra­vail sup­plé­men­taire dans votre vie. Par respect pour vous-même, vous feriez mieux dans vos démon­stra­tions de danser plus de tan­go et faire moins d’acrobaties, de bal­let et de ces choses qui ne sont pas du tan­go. Je ne puis croire qu’avec les démon­stra­tions vous entriez en com­péti­tion en sachant que chaque cou­ple devrait créer son style. De plus, on ne devrait pas danser sur de la musique qui n’est pas du tan­go. Ain­si, on ne trompe per­son­ne, pas même soi. Voici un con­seil pour la com­mu­nauté tan­go d’Europe et du reste du Monde : Il me plairait que vous ouvriez les yeux sur la péd­a­gogie de la danse, en par­ti­c­uli­er les organ­isa­teurs de stages et les pro­fesseurs. De tout mon cœur, j’aimerais qu’ils sachent que quand ils organ­isent quelque chose, ils se doivent d’inviter les meilleurs danseuses et pro­fesseurs pour pou­voir enseign­er comme il se doit. Sans la musique, le rythme, la pos­ture et l’équilibre, les pas ne ser­vent à rien. Pour cela, il faut des danseurs et pro­fesseurs authen­tiques. Alors, enfin, du fond de mon cœur, avec un soupçon de tristesse, je voudrais que vous y pen­siez. Si vous avez quelque chose à me dire, j’aimerais que vous le fassiez, à tra­vers une revue ou ailleurs, où que ce soit. Si vous souhaitez vous plain­dre, par­lez-moi, je vais au bal, voyez-moi, par­lez-moi, inter­ro­gez-moi. Je répondrai à tous, n’ayez crainte. Je ne lais­serai per­son­ne sans réponse, mais s’il vous plait, changez de pra­tique, met­tons en place un sys­tème où nous seri­ons tous heureux, où nous pour­rions danser le tan­go, où nous seri­ons heureux en étant beau­coup plus nom­breux, sans plus ven­dre de men­songe à qui que ce soit. Main­tenant, j’envoie un bais­er et un abra­zo à vous tous en espérant que cette année qui com­mence sera la plus heureuse pour tous. Mer­ci,
Tete
Tra­duc­tion libre en 2006
(révisée en 2016)
par DJ Bernar­do BYC,
avec un grand Mer­ci à Françoise S.
Apren­damos a bailar el Tan­go
“Hoy 9 de enero del 2006 quisiera pasar a pedirles algo con el car­iño y respeto que sien­to por todos ust­edes. Esto no es un reproche para nadie, yo lo que quiero es que toda la juven­tud y todo aquel que baila tan­go entien­da mi moti­vo: No hay que dis­frazar al tan­go bajo ningún pun­to de vista, porque esta músi­ca tan apa­sio­n­ante nos da vida, energía, plac­er y así nos sen­ti­mos mejor. Después de muchos años de ver bailar­ines y mae­stros, pien­so que no puede haber tan­tos errores en la enseñan­za ni en las exhibi­ciones. Paso a con­tar­les cuál es mi idea. Siem­pre supe que la músi­ca es la base prin­ci­pal del tan­go. Tam­bién es apren­der a cam­i­nar con ella, tenien­do equi­lib­rio y caden­cia. No podría decir­les que no hay una téc­ni­ca cuan­do se baila, pero sí que sería mejor que se enseñara a bailar más libre­mente, para uno mis­mo… ahí está la diver­sión. Nadie nos com­pro­m­ete mirán­donos, porque bail­am­os para nosotros. En esto que digo pien­so que muchos están dis­frazan­do al tan­go de algo que no es ver­dad, porque el tan­go es músi­ca y no se empieza por los pasos, ni ten­emos que come­ter el error de no enseñar cómo cam­i­nar difer­entes com­pas­es musi­cales para recono­cer cada orques­ta. Mucha gente que está enseñan­do ten­dría que apren­der primero a bailar tan­go, para poder enseñar dan­do todo de sí mis­mo, para no defrau­dar a sus alum­nos ni dañar su ima­gen como pro­fe­sor. El tan­go no es un nego­cio, aunque muchos lo vean así. El tan­go es parte de nues­tra vida, parte de nue­stros abue­los, padres, madres, her­manos y ami­gos. Es nues­tra vida. No deberíamos equiv­o­carnos tan­to y ten­dríamos que volver a con­quis­tar­lo, ya que lo esta­mos per­di­en­do por no respetar­lo. Queri­dos ami­gos, bailar­i­nas y bailar­ines, como esto que hacen es un tra­ba­jo más en la vida de uno, por respeto a ust­edes mis­mos, en sus exhibi­ciones sería bueno que baila­ran más tan­go y menos acroba­cia, bal­let o cualquier cosa que no sea tan­go. No quiero creer que tam­bién con las exhibi­ciones com­piten; sabe­mos que cada pare­ja debería crear su esti­lo, y además no se debería bailar músi­ca que no es tan­go. En eso no se mien­tan a ust­edes mis­mos ni a la gente. Y para la comu­nidad tanguera de Europa y del resto del mun­do les doy un con­se­jo: me gus­taría que abri­er­an los ojos acer­ca de cómo apren­der a bailar, prin­ci­pal­mente a los orga­ni­zadores de stages y a los pro­fe­sores, de todo corazón, quiero que sep­an que, cuan­do se orga­ni­za algo, se tra­ta de lle­var los mejores bailar­ines y mae­stros, para poder enseñar como es debido. Sin la músi­ca, la caden­cia, la pos­tu­ra, el equi­lib­rio, de nada sir­ven los pasos y para eso nece­si­ta­mos mae­stros y pro­fe­sores autén­ti­cos. Así que bueno des­de el fon­do de mi corazón, con un poco de tris­teza, me gus­taría que ust­edes lo piensen y, si hay algo para decirme, me gus­taría que lo hicier­an ya sea por medio de revista o por donde sea, si quieren que­jarse háblen­me, yo voy al baile; me ven, me dicen, me pre­gun­tan y yo con­testo… les voy a con­tes­tar a todos, no ten­gan miedo, que no voy a dejar a nadie sin con­tes­tar, pero por favor cam­bi­en el sis­tema, pon­gan un sis­tema donde todos seamos ale­gres, donde podamos bailar el tan­go, donde seamos felices y donde podamos ten­er mucha más gente, sin vender­le ningu­na men­ti­ra más, yo des­de ya les man­do un beso y un abra­zo a todos ust­edes y espero que este año que ha empeza­do sea el más feliz para todos. Gra­cias,
Tete. 

Dits de Tete — Habla Tete

Dits de Tete
Pedro « Tete » Rus­coni
Je dis la vérité. Ne trav­es­tis­sons pas le tan­go car sinon nous l’envoyons à sa ruine. Sans vouloir offenser qui que ce soit, j’aime le tan­go. Je ne cri­tique per­son­ne mais ne déguisez pas le tan­go. Le tan­go se danse de mille façons, mais avant tout, on prend appui dans le sol, parce que dans le sol se trou­ve l’énergie et que c’est sur lui que l’on danse la musique. Ne per­dons pas le plaisir et l’amour pour la danse s’encrant au sol. Les jeunes d’aujourd’hui dansent dans les airs : vous pou­vez faire des choses très jolies, mais faîtes-les au sol, tout comme les grands maîtres. Le com­pas et la mélodie du tan­go sont très par­ti­c­uliers, c’est une souf­france de les per­dre. Que ce soit sur ou au pied de la scène, tou­jours le danseur doit vivre la musique. S’il vous plaît réveillez-vous et com­prenez ce qu’ils font avec la musique ou il vien­dra un temps où les Européens vont nous ven­dre le tan­go. Je par­le du cœur, je suis un mec qui danse. J’ai don­né des ate­liers pour les enseignants à l’étranger, je pen­sais qu’ils n’allaient jamais sur­pass­er nos danseurs… Là-bas, il y a des gens qui peu­vent danser furieuse­ment bien. Restons sur notre axe et n’allons pas en regar­dant le sol. Ne dan­sons pas pour le pub­lic, seule­ment pour nous. Quand on danse sur scène, il faut danser d’abord pour soi pour que ce soit plus lumineux. Ce n’est pas car je m’exhibe que je dois oubli­er qui je suis ou la musique. Le tan­go est une affaire à deux. Sans la femme, il n’y a pas de cav­a­lier qui puisse danser. La femme, de son côté, peut met­tre en valeur son parte­naire quand elle le com­prend vrai­ment. Même si l’enseignement du tan­go devient un tra­vail, on ne peut pas enseign­er un pas sans musique, On n’apprend pas un pas pour un pas. Sans musique, il y a ni danseur, ni tan­go, ni enseignant, ni élève. Le véri­ta­ble mae­stro ne peut trans­met­tre que ce que la musique lui a enseigné.
Tra­duc­tion DJ Bernar­do BYC 2010
Habla Tete
Pedro « Tete » Rus­coni
Yo digo la ver­dad. No dis­frace­mos el tan­go porque lo vamos a arru­inar. Sin quer­er ofend­er a nadie, yo amo el tan­go. No cas­ti­go a nadie, pero no dis­frace­mos el tan­go. El tan­go tiene mil for­mas de bailarse, pero primero pise­mos el sue­lo porque en el piso está la energía y es donde bail­am­os la músi­ca. No per­damos el plac­er y el amor por bailar pisan­do el sue­lo. Los chicos de hoy andan por el aire: todos ust­edes son capaces de hac­er cosas muy lin­das, hágan­las en el piso, como los grandes Mae­stros lo hicieron. Los com­pas­es y la melodía del tan­go son muy espe­ciales, es una lás­ti­ma perder­los. Sea arri­ba o aba­jo del esce­nario siem­pre que el bailarín baile debe vivir esa músi­ca. Por favor despiértense y com­pren­dan qué hacen con la músi­ca porque si no va a lle­gar un momen­to en que los europeos nos van a vender el tan­go a nosotros. Yo hablo de corazón, soy un tipo más que baila. Yo he dado talleres para mae­stros en el extran­jero, pen­sé que no iban a super­ar a nue­stros bailarines…Acá hay gente que puede bailar fer­oz­mente. Paré­monos en nue­stro eje y no vayamos miran­do el piso. No baile­mos para el públi­co sino para nosotros. Cuan­do se baila en el esce­nario hay que bailar primero para uno porque tam­bién luce mucho más. No por mostrarme me olvi­do de quién soy ni de la músi­ca. El tan­go es de a dos. Sin la mujer no hay bailarín que pue­da bailar. La mujer tam­bién luce al bailarín cuan­do lo com­prende. Aunque la enseñan­za del tan­go sea un tra­ba­jo, no se enseña el paso sin la músi­ca; no se enseña el paso por el paso. Sin la músi­ca no hay bailarín, ni tan­go, ni mae­stro, ni alum­no. Mae­stro es el que tiene una enseñan­za para dar, es la que le dejó la músi­ca.

Qui était Tete Rusconi ?

Tete Rus­coni était un danseur portègne, appré­cié dans les milon­gas. Il avait dévelop­pé un style per­son­nel, notam­ment pour les valses et avait un sens aigu de la musique.

Arti­cle de Silv­ina Dami­ani sur Tete Rus­coni dans l’ex­cel­lent site Todotango.com (Espag­nol ou anglais).

Une vidéo de 2000 (env­i­ron), prise à Mar­seille au théâtre Bom­pard. .Organ­isa­teur Michel Raous.
Teté Rus­coni, le danseur qui s’est envolé sur les pistes pour danser la valse. Chaîne Youtube du Canal de la Ciu­dad

Principe de la restauration de la musique de tango de l’âge d’or

La restau­ra­tion et la sauve­g­arde de la musique his­torique est un devoir.

Lorsque l’on est DJ de tan­go, on a en général à cœur d’utiliser la meilleure qual­ité de musique pos­si­ble. Cepen­dant, cela ne suf­fit pas à la réus­site d’une presta­tion de DJ. Il vaut mieux une excel­lente ani­ma­tion avec de la musique de qual­ité moyenne, qu’une dif­fu­sion mal­adroite de morceaux « par­faits ».

Ces con­seils sont donc pour ceux qui veu­lent, comme moi, essay­er d’avoir la meilleure musique au meilleur moment dans les milon­gas.

Utiliser un original de la meilleure qualité possible

Les sup­ports à utilis­er sont dans cet ordre de la meilleure qual­ité à la pire. En rouge, ce qui est déjà numérisé.

  1. Matrice orig­i­nale (il en reste très peu). C’est ce qui sert à press­er les dis­ques, c’est une forme d’original.
  2. Bande mag­né­tique orig­i­nale d’époque (si elle est de bonne qual­ité).
  3. Disque d’époque (78 tours en shel­lac). Mal­heureuse­ment, beau­coup sont en mau­vais état et les DJ qui passent ces dis­ques en milon­ga détru­isent un pat­ri­moine.
  4. CD ou FLAC d’après un disque d’époque (shel­lac) — ATTENTION, toutes les édi­tions ne se valent pas. Ces dernières années, plusieurs édi­teurs se sont lancés dans ce marché avec des for­tunes var­iées. C’est une façon économique de se con­stituer une base musi­cale.
  5. Disque vinyle, 33 ou 45 tours (si l’enregistrement n’a pas de réver­béra­tion ajoutée, car c’est presque impos­si­ble à sup­primer de façon cor­recte).
  6. CD ou FLAC d’après une copie d’un vinyle (33 tours)
  7. Cas­sette ou car­touche audio depuis un disque d’époque
  8. Ser­vice de musique en ligne, type Spo­ti­fy. C’est en général une très mau­vaise source, car les musiques sont mal éti­quetées. En revanche, ça peut servir pour trou­ver le meilleur disque à acheter.
  9. Musique numérique en MP3
  10. Tomas radi­ales (enreg­istré depuis la radio ou la télévi­sion). Elles sont rarement exploita­bles en milon­ga, car de qual­ité générale­ment médiocre, mais ce sont sou­vent des doc­u­ments intéres­sants d’un point de vue his­torique. Ces doc­u­ments sont en général sur ban­des, mais on en trou­ve des copies numériques.

Précaution pour utiliser la copie avant traitement

Copie de disque

  1. Net­toy­er la matrice ou le disque. C’est extrême­ment impor­tant et sou­vent nég­ligé par ceux qui numérisent des dis­ques. Il ne suf­fit pas de pass­er un coup de brosse anti­s­ta­tique…
    Voir cet arti­cle pour un net­toy­age effi­cace et non destruc­tif du disque orig­i­nal.
  2. Utilis­er un dia­mant adap­té et une pres­sion de bras adap­tée au disque util­isé. Pour ne pas endom­mager le disque, le dia­mant doit être en excel­lent état.
  3. Réglez la vitesse de la pla­tine avec son stro­bo­scope. Cepen­dant, cer­taines mar­ques n’étaient pas tout à fait à la bonne vitesse, notam­ment pour les dis­ques les plus anciens. Si la tonal­ité exacte du morceau vous intéresse, il vous fau­dra la chercher en vari­ant la vitesse, ou procéder à un traite­ment ultérieur après numéri­sa­tion. Pour un DJ, cela a peu d’importance, il est pos­si­ble de mod­i­fi­er ces paramètres à la volée lors de la dif­fu­sion et aucun danseur ne va remar­quer même un demi-ton d’écart.
  4. Réglez de façon opti­male la courbe d’égalisation. Pour la plu­part des dis­ques Odeon et les vinyles après 1955, c’est la courbe RIAA. Pour des dis­ques plus anciens, il vous fau­dra creuser en fonc­tion de la mar­que et de la date.
  5. Numéris­er dans un for­mat non destruc­tif (Loss­less), en 44 kHz ou 48 kHz. Il est inutile d’utiliser un taux d’échantillonnage supérieur, car les dis­ques ne trans­met­tent pas de fréquences supérieures à 20 000 Hz. Pour ma part, j’enregistre en stéréo, même si le disque est mono. Cela per­met d’avoir le choix entre deux ver­sions très légère­ment dif­férentes. C’est utile pour le traite­ment des scratchs ou de cer­tains défauts du sig­nal.
  6. Enreg­istr­er le bruit du disque ou du sup­port mag­né­tique avant la musique et après la musique).
  7. Ranger pré­cieuse­ment le disque et ne plus y touch­er (le stock­er ver­ti­cale­ment et légère­ment pressé à l’abri de l’humidité exces­sive et de la forte chaleur).

Voir l’ar­ti­cle sur le net­toy­age des dis­ques Shel­lac 78 tours.

Exem­ple de courbe de pré-égal­i­sa­tion (RIAA)

En bleu, lors de l’enregistrement, les bass­es sont dimin­uées, pour éviter que le stylet ne fasse de trop gross­es vibra­tions et les aigus sont aug­men­tés pour mar­quer plus les sil­lons afin que les mou­ve­ments soient plus faciles à provo­quer lors de la lec­ture. En rouge, les réglages opposés dimin­u­ent les aigus et ren­for­cent les graves qui avaient été forte­ment atténués lors de l’enregistrement. Sans la resti­tu­tion de la courbe d’origine, les aigus seraient cri­ards et les bass­es absentes.

Exem­ple de tables de cor­rec­tion

Jusqu’en 1955, chaque com­pag­nie util­i­sait ses pro­pres réglages. Cela con­duit, si on ne respecte pas le rétab­lisse­ment de la pré-égal­i­sa­tion à des sons infidèles. Une bonne resti­tu­tion d’un disque ancien com­mence par la recherche des paramètres util­isés par le fab­ri­cant pour rétablir le son d’origine.

Extrait min­i­mal de tableaux de car­ac­téris­tiques des réglages d’en­reg­istrement de dif­férentes firmes.

Copie de support analogique (cassette ou bande)

Les ban­des mag­né­tiques ont plusieurs défauts. Il peut y avoir une dupli­ca­tion de la spire antérieure, qui fait que l’on a une musique « fan­tôme », car la mag­néti­sa­tion d’une spire a « bavé » sur une autre. C’est surtout audi­ble avant un for­tis­si­mo, on l’entend quelques instants avant, de façon réduite.

Si les ban­des ou cas­settes ont été mal con­servées, le sup­port et/ou le liant qui main­tient les oxy­des métalliques se déli­tent, ce qui provoque des défauts dans le mag­nétisme de la bande aux endroits con­sid­érés et donc un son défectueux.

Si la bande est en bon état, il faut aus­si veiller à ce que le mag­né­to­phone le soit égale­ment.

Préparation du magnétophone

Pour les cas­settes, en général un bon mag­né­to­phone est suff­isant et ne demande pas de réglage par­ti­c­uli­er.

Il est cepen­dant recom­mandé d’utiliser un démag­né­tiseur de têtes de lec­ture pour enlever une mag­néti­sa­tion résidu­elle qui pour­rait don­ner du souf­fle et/ou endom­mager le sig­nal mag­né­tique de la bande mag­né­tique.

J’ai ce mag­né­tiseur depuis plus de quar­ante ans. Il est tou­jours en vente. Je l’utilisais surtout pour les mag­né­to­phones à bande, mais il est util­is­able pour les appareils à cas­settes.

Pour utilis­er un démag­né­tiseur, c’est assez sim­ple, mais il faut bien suiv­re la procé­dure.

  1. Débranch­er le mag­né­to­phone (s’il est à pile, enlever les piles).
  2. Branch­er le mag­né­tiseur, mais laiss­er le bou­ton en posi­tion OFF.
  3. Approcher le démag­né­tiseur aus­si près que pos­si­ble de la tête de lec­ture.
  4. Gliss­er le bou­ton en posi­tion ON.
  5. Effectuer des petits cer­cles autour de la tête de lec­ture, aus­si près que pos­si­ble, mais sans touch­er la tête de lec­ture. Pour un mag­né­to­phone à bande, il y a plusieurs têtes…
  6. Éloign­er lente­ment le démag­né­tiseur, le plus loin pos­si­ble, SANS l’ÉTEINDRE.
  7. Une fois qu’il est le plus loin pos­si­ble (le câble d’alimentation est un peu court, prévoir de l’organiser de façon à pou­voir éloign­er le démag­né­tiseur des têtes facile­ment), met­tre le bou­ton curseur sur OFF.

C’est tout pour la démag­néti­sa­tion. Il reste une autre étape pour net­toy­er le mag­né­to­phone, net­toy­er les têtes. Pour cela, utilisez un Coton-Tige imbibé d’alcool (iso­propy­lique ou à défaut 90°). Si cela fait un moment que vous ne l’avez pas fait, vous retir­erez un dépôt brun ou noirâtre. Ce sont des par­tic­ules arrachées aux ban­des et/ou de la saleté 😉

Atten­tion à ne pas faire couler d’alcool dans le mag­né­to­phone ou ailleurs que sur le coton tige humide.

Pour les lecteurs de cas­settes, il existe des cas­settes de net­toy­age.

  • Humid­i­fi­er la bande à tra­vers de la fenêtre (elle ne com­porte pas de vit­re, con­traire­ment aux cas­settes nor­males). Faire défil­er la bande. Cer­taines cas­settes con­ti­en­nent une zone plus abra­sive pour net­toy­er. Ne pas en abuser.
  • Ces cas­settes sont désor­mais assez chères (il faut les chang­er tous les qua­tre ou cinq util­i­sa­tions). Si les têtes de lec­ture sont acces­si­bles, il est plus économique d’utiliser des Cotons-Tiges et la procé­dure pour les mag­né­to­phones à bande. Lorsque les têtes sont sèch­es, vous pou­vez utilis­er le mag­né­to­phone (c’est instan­ta­né si vous avez util­isé de l’alcool iso­propy­lique).

La vitesse et l’enroulement des bandes magnétiques

Con­traire­ment aux cas­settes qui sont rel­a­tive­ment stan­dard­is­ées, les mag­né­to­phones à bande utilisent des vitesses dif­férentes et même des types d’enroulement dif­férent.

Il faut donc un mag­né­to­phone dis­posant des mêmes vitesses que l’appareil d’origine. Tous les mag­né­to­phones actuels n’ont pas ces vitesses. On pour­ra copi­er ces ban­des, mais il fau­dra restituer la vitesse orig­i­nale sur le sig­nal numérisé.

Sur les matériels anciens, la bande était par­fois enroulée avec l’oxyde mag­né­tique à l’extérieur de la bande. Sur d’autres matériels et sur les plus récents, l’oxyde est sur la par­tie intérieure de l’enroulement. Il peut donc être com­pliqué de lire une bande anci­enne sur un appareil plus mod­erne.

Une autre dif­fi­culté est l’utilisation d’alignements dif­férents des têtes de lec­ture. Les ban­des anci­ennes étaient nor­male­ment mono. Elles étaient enreg­istrées dans la par­tie inférieure de la bande, puis retournées pour lire l’autre côté. Il y a donc deux pistes, une dans chaque sens. Sur un matériel stéréo, il y a deux pistes. La lec­ture avec une tête mono fait qu’on lit égale­ment l’espace entre deux pistes, c’est-à-dire que l’on a un sig­nal moins bon.

Avec un mag­né­to­phone stéréo, on peut lire une piste mono à con­di­tion que les têtes soient en face de la piste. Au pire, on utilise qu’une seule des pistes.

Si le mag­né­to­phone dis­po­sait de plus que deux pistes dans chaque sens, il faut un mag­né­to­phone mul­ti­p­iste, ce qui est un matériel pro­fes­sion­nel. Dans ce cas, les pistes sont toutes dans le même sens. La bande ne se retourne pas quand on arrive au bout.

Un autre piège, ce sont les réglages du mag­né­to­phone en fonc­tion du type de bande. Si on dis­pose des boîtes orig­i­nales des ban­des, on trou­ve les indi­ca­tions. Sinon, il faut y aller par tâton­nement.

Un tout dernier point, cer­tains mag­né­to­phones util­i­saient un sys­tème de réduc­tion de bruit, type Dol­by. Il faut donc en tenir compte et utilis­er le décodeur adéquat. Avec les cas­settes, c’est assez sim­ple, avec les mag­né­to­phones à bande, il fau­dra peut-être acquérir un décodeur séparé.

Il a existé aus­si des car­touch­es, sortes de gross­es cas­settes. Pour ces ban­des, la dif­fi­culté sera de trou­ver un lecteur en bon état de marche.

En gros, récupér­er des ban­des anci­ennes, c’est com­pliqué, sauf pour les cas­settes.

Utilisation d’une copie déjà numérique

Vous avez acheté une copie numérique, ou vous avez procédé vous-même à l’enregistrement. Si la musique est par­faite, n’y touchez pas. Mais c’est rarement le cas.

Il ne faut pas oubli­er que vous allez créer des tan­das et que ces dernières doivent être homogènes. Pas ques­tion d’avoir un titre cri­ard, suivi d’un titre sourd, puis un titre très fort et à la lim­ite de la dis­tor­sion et ter­min­er sur un titre presque inaudi­ble.

Un autre point con­siste à nor­malis­er les débuts et les fins de morceaux. Pour ma part, j’ai 0,7 sec­onde au début de tous mes morceaux et 3 sec­on­des à la fin de tous mes morceaux. Cela évite que deux morceaux se choquent, ou qu’il faille atten­dre 10 sec­on­des entre deux titres.

Ordre des opérations pour le traitement des musiques numériques

  1. Faire une sauve­g­arde du sup­port numérique pour revenir à l’état ini­tial en cas d’erreur.
  2. Sélec­tion­ner une par­tie sans musique et avec le bruit de fond du disque. S’il y a des scratchs, les net­toy­er aupar­a­vant, un par un, ou mieux, sélec­tion­ner une zone entre deux scratchs.
  3. Faire une empreinte du bruit de fond, de préférence à la fin du disque et la sous­traire de l’enregistrement. ATTENTION à ne pas sous­traire uni­for­mé­ment, mais seule­ment dans les fréquences du bruit afin de ne pas touch­er la musique (on peut activ­er 100 % pour les fréquences très bass­es ou très hautes et dos­er les autres fréquences en fonc­tion de la musique). Cela demande un logi­ciel évolué, pas du type Audac­i­ty qui applique l’empreinte de façon égale sur toutes les fréquences). Il y a d’autres options à pren­dre en compte, ce tuto­riel est sim­pli­fié…
  4. Faire la même chose avec une empreinte au début du disque. Cepen­dant, atten­tion à bien choisir le lieu, car sou­vent le début du disque est abîmé par l’impact de la pointe de lec­ture lors des écoutes. L’empreinte ne sera pas représen­ta­tive de l’état du disque sur son inté­gral­ité. Si le début du disque n’est pas abîmé (ou si l’original était une matrice). Si la copie numérique ne com­porte pas des bouts d’amorce au début ou à la fin, essay­er d’utiliser un moment de silence. Atten­tion à ne pas pren­dre une par­tie avec un peu de son. Si c’est impos­si­ble, met­tre à zéro la déduc­tion d’empreinte sur les fréquences de la musique présente dans cette sélec­tion.
  5. Net­toy­er les scratchs sur la musique. C’est un tra­vail de patience. Sélec­tion­ner le scratch et appli­quer l’outil de cor­rec­tion sur les quelques mil­lisec­on­des néces­saires. Il existe des plu­g­ins de sup­pres­sion automa­tique de scratchs, mais ils sont sou­vent néfastes au mes­sage sonore. Il con­vient donc de ne pas en abuser.
    Ne pas utilis­er la sup­pres­sion de fréquence pour lim­iter le bruit (méth­ode la plus courante), car cela se fait égale­ment au détri­ment de la musique). C’est en revanche la seule méth­ode pos­si­ble lors de la dif­fu­sion en direct, par exem­ple si le morceau « orig­i­nal » fourni pour une démo est vrai­ment trop bruité.
  6. Revoir l’équilibre sonore du morceau. Cela con­siste à restituer la vitesse ini­tiale (au cas où l’original serait un disque 33 tours ou une copie numérique d’origine dou­teuse). On peut aus­si jouer sur les fréquences pour réhar­monis­er le morceau. Ce tra­vail se fait de préférence au casque. On véri­fie que les instru­ments se dis­tinguent bien. Je con­seille de véri­fi­er le résul­tat égale­ment sur une sono… Plus le morceau sera pro­pre et bien équili­bré et le moins il y aura besoin d’intervenir en milon­ga pour adapter le vol­ume et les fréquences.
  7. Enreg­istr­er le résul­tat dans un for­mat numérique sans perte (Loss­less).
  8. Éventuelle­ment, faire une copie pour l’utilisation en milon­ga, au min­i­mum MP3 à 320 kb/s si on n’a pas la place de con­serv­er l’original en HD. Pour ma part, je dif­fuse de l’ALAC, Loss­less, mais chaque fichi­er fait au moins 30 Mo…

Exem­ple de morceau avec restau­ra­tion :

Cet extrait est tiré de « Vio­lines gitanos » Musique : Enrique Maciel Orches­tra Rober­to Fir­po Enreg­istrement Odeon 8949 5611, enreg­istré à Buenos Aires le 21 mai 1930. On peut enten­dre l’enregistrement depuis le disque 78 tours orig­i­nal, avant et après retouche des scratchs. https://youtu.be/ZZWpox_lGbg

Ce qu’il ne faudrait pas faire

Acheter de la musique dite « Remasterized ».

C’est dans presque tous les cas très, très médiocre, y com­pris dans les CD du com­merce. Ces morceaux don­nent l’impression que la musique est jouée dans une salle de bain. Les sons sont étouf­fés. En un mot, c’est moche à écouter.

Cet extrait est tiré de « Vio­lines gitanos » Musique : Enrique Maciel Orches­tra Rober­to Fir­po Enreg­istrement Odeon 8949 5611, enreg­istré à Buenos Aires le 21 mai 1930. On peut enten­dre l’enregistrement depuis le disque 78 tours orig­i­nal, avant et après retouche des scratchs.

Mais c’est aus­si moche à voir…

À gauche, le morceau brut. Il y a des détails fins (qui peu­vent être des bruits de disque, mais on voit que les fréquences sont représen­tées. À droite, le traite­ment « Remas­ter­ized » qui est tant à la mode main­tenant et que l’on a pu écouter dans l’extrait ci-dessus. On dirait que la musique est érodée, comme de la neige qui aurait fon­du. Les cristaux de la musique sont désor­mais de la soupe.

Espérer qu’un morceau en MP3 va donner un excellent FLAC.

Si je con­seille d’enregistrer tout ce qu’on mod­i­fie dans un for­mat Loss­less, c’est juste pour ne pas per­dre en qual­ité à chaque enreg­istrement. Le morceau passé de MP3 à FLAC ne sera pas meilleur… C’est juste qu’il ne se dégradera pas si on l’enregistre plusieurs fois.

Conclusion

Avoir la meilleure musique est un respect pour les danseurs et con­traire­ment à ce que cer­tains dis­ent, ils s’en ren­dent compte, même de façon incon­sciente.

Les sonorisa­teurs s’en ren­dent égale­ment compte et cela per­met d’instaurer une rela­tion de con­fi­ance avec eux et ain­si, ils don­nent un peu plus de lib­erté au DJ pour inter­venir sur la sonori­sa­tion. Ils appré­cient d’avoir une presta­tion de niveau sonore tou­jours adap­té et de ne pas avoir à revoir sans cesse le vol­ume, voire l’égalisation quand le DJ a des musiques d’origines dif­férentes et incom­pat­i­bles.

Le nettoyage des disques Shellac 78 tours

Les dis­ques Shel­lac (gomme-laque), sont les dis­ques 78 tours. Ceux qui ont accueil­li la musique de l’âge d’or du tan­go. Ce sont des témoins pré­cieux qu’il con­vient de préserv­er.

Sur la diffusion de disques historiques en milonga

Cer­tains DJ ont choisi de pass­er des dis­ques 78 tours en milon­ga, ce qui est une pra­tique que je ne cau­tionne pas, car elle est dan­gereuse pour les dis­ques et n’apporte absol­u­ment rien à la qual­ité sonore de la presta­tion.
Elle est dan­gereuse, car les dis­ques se cassent facile­ment et le pas­sage répété de la pointe de lec­ture abîme le sil­lon et donc dégrade le sig­nal sonore.
De plus, l’usage de dis­ques hétérogènes et avec un choix réduit (on ne peut pas trans­porter 600 dis­ques à une milon­ga) lim­ite les pos­si­bil­ités d’animation de la milon­ga.
Sans une pointe de sno­bisme de la part des danseurs, cette pra­tique n’existerait pas.

Je ne par­le pas des DJ qui passent des vinyles, ces sup­ports ont peu d’in­térêt en ce qui con­cerne la musique de l’âge d’or, car ce sont des copies de copies et qu’il existe des enreg­istrements de bien meilleure qual­ité réal­isés à par­tir des orig­in­aux.
Là, au sno­bisme, se rajoute la dif­fu­sion d’une musique de qual­ité médiocre, sou­vent noyée dans de la réver­béra­tion out­rée.

Prendre soin de ses disques

Le pre­mier soin est de ne pas utilis­er inutile­ment le disque. Il con­vient d’en faire une copie de sauve­g­arde, celle qui gardera l’état opti­mal de la copie à dis­po­si­tion.
On gardera le disque pour un usage ultérieur, par exem­ple si la tech­nique de numéri­sa­tion a pro­gressé, mais en dehors de cela, on le lais­sera tran­quille.
Je partage ici quelques con­seils pour vous per­me­t­tre de tir­er le meilleur par­ti de ces dis­ques, si vous avez la chance d’en trou­ver en bon état. Cepen­dant, cela devient de plus en plus dif­fi­cile.

Rien n’est éternel, les disques 78 tours non plus

Les dis­ques 78 tous en gomme laque sont frag­iles. Ils se cassent facile­ment en tombant. Il con­vient donc de les manip­uler avec soin.
La matière, elle-même peut se dégrad­er au con­tact de l’air, de l’humidité, de solvants, par usure, abra­sion ou en se cou­vrant de pous­sière ou autres matières.
Un autre enne­mi per­ni­cieux est le scotch que l’on utilise par­fois pour répar­er les pochettes.
Il y a aus­si les éventuels débris ali­men­taires et autres déchets organiques, les moi­sis­sures.

Bien conserver les disques

L’idéal serait de plac­er les dis­ques dans des pochettes non acides en polypropy­lène sans acide ou en papi­er Perma/Dur, sans acide, sans lig­nine et avec réserve alca­line (pour lut­ter con­tre l’acidité présente).
En effet, l’acidité du papi­er orig­i­nal fait que les pochettes peu­vent endom­mager la sur­face du disque et donc le son qu’il porte.
Des pochettes sans acides sont donc essen­tielles. Les pochettes orig­i­nales sont par ailleurs sou­vent dégradées, cas­santes et les con­serv­er n’est pas aus­si indis­pens­able dans la mesure où la majorité est sans aucune indi­ca­tion, les infor­ma­tions étant sur l’étiquette du disque, vis­i­ble par le trou cen­tral de la pochette. Celles qui sont décorées ont un intérêt, mais elles sont les mêmes pour tous les dis­ques d’une même époque et du même édi­teur. On peut donc con­serv­er celles dans le meilleur état, séparé­ment ou les con­serv­er pour si on souhaite reven­dre un jour sa col­lec­tion.
Il existe égale­ment des albums ou des boîtes per­me­t­tant de ranger quelques dizaines de dis­ques. C’est une bonne solu­tion pour l’archivage.

Pochettes et boîtes d’archivages non acides et avec réserve alca­line. L’idéal pour préserv­er les dis­ques his­toriques.

Les dis­ques se rangent de toute façon de façon ver­ti­cale. Légère­ment ser­rés, mais pas com­pressés.
L’humidité doit être mod­érée (inférieure à 50 %), la lumière doit être atténuée et le lieu suff­isam­ment ven­tilé. En fait, ce sont les con­di­tions de con­ser­va­tion idéale de beau­coup de choses…
Faites atten­tion au mobili­er qui con­tient les dis­ques. Ce serait dom­mage de leur offrir des pochettes spé­ciales et de les met­tre dans une armoire dégageant du formaldéhyde à gross­es dos­es.

Procédure de numérisation des disques Shellac

Avant de ranger les dis­ques dans les nou­velles pochettes, il con­vient de les net­toy­er.
Je con­seille donc d’opérer de la façon suiv­ante :

  1. Iden­ti­fi­ca­tion et saisie du disque dans la base de don­nées
  2. Pho­togra­phie rec­to ver­so de l’étiquette
  3. Net­toy­age du disque (voir ci-dessous)
  4. Numéri­sa­tion du disque For­mat sans perte (WAV, AIFF, FLAC ou ALAC) 44 ou 48kHz 32 bits. Des valeurs supérieures n’ont aucun intérêt car il n’y a pas de sig­nal supérieur à 20 kHz (voire 15kHz) sur les dis­ques de pâte.
  5. Range­ment du disque dans les pochettes et boîtes
  6. Com­plé­ment de la base de don­nées (référence de la boîte).
  7. Édi­tion des tags de l’enregistrement numérique

Nettoyer le disque

L’étape 3 du proces­sus annon­cé ci-dessus con­siste à met­tre le disque en con­di­tion pour sa numéri­sa­tion et son archivage ultérieur.

Examen du disque à nettoyer

La pre­mière chose à faire est de véri­fi­er que le disque n’est pas fendu et qu’il n’y a pas des endroits où la gomme-laque s’est dégradée. Si c’est le cas, il va fal­loir être très pré­cau­tion­neux. Pour ma part, il m’est arrivé de sac­ri­fi­er une des faces du disque pour sauver l’autre face. Par exem­ple, si le disque est cassé et que les sil­lons d’un des côtés sont trop endom­magés.
J’utilise la face sac­ri­fiée pour ren­forcer le disque, afin que le sil­lon de la face choisie soit par­faite­ment con­tinu et que le disque soit aus­si plat que pos­si­ble. L’armature créée pour ren­forcer le disque est idéale­ment démontable, mais ce n’est pas tou­jours le cas. J’ai ain­si pu numéris­er des dis­ques qui étaient en plusieurs morceaux.

Mais revenons au processus le plus courant.

  1. Iden­ti­fi­er la matière du disque. Si on a déjà restau­ré des dis­ques de la même époque et du même édi­teur, les procédés précédem­ment util­isés devraient être effi­caces.
  2. Dépous­siér­er le disque avec un aspi­ra­teur muni d’une brosse adap­tée (poils anti­s­ta­tiques, idéale­ment en fibre de car­bone). Évidem­ment, ne pas utilis­er cette brosse pour d’autres usages. Atten­tion, ne surtout pas frot­ter. Si vous touchez la sur­face, faites-le dans le sens des sil­lons.
Pour aspir­er la pous­sière d’un disque, on peut utilis­er un aspi­ra­teur avec une brosse adap­tée (poils en fibre de car­bone, par exem­ple).
  1. Véri­fi­er que la sur­face du disque est en bon état.
  2. Si après aspi­ra­tion et net­toy­age, le disque sem­ble pro­pre, essay­er de l’écouter.
  3. Réglez l’égalisation dans votre sys­tème si vous avez d’autres courbes disponibles que la RIAA sur votre préam­pli phono. Si ce n’est pas le cas, vous gér­erez cela sur le fichi­er numérisé.
  4. Véri­fi­er la pro­preté du dia­mant (utilis­er une brosse adap­tée).
  5. Plac­er le disque sur la pla­tine
  6. Don­ner un coup de brosse anti­s­ta­tique en faisant tourn­er le disque
La brosse avec des poils en fibre de car­bone per­met d’en­lever la pous­sière. L’idéal est de faire tourn­er le disque en main­tenant la brosse en appui très léger sur le disque.
  1. Essayez de faire une pre­mière copie du disque.
  2. Si la copie est bonne et ne sem­ble pas devoir être améliorée, c’est ter­miné.
  3. Si vous pensez qu’il va fal­loir pouss­er le net­toy­age, gardez la copie en sécu­rité et passez aux étapes de net­toy­age, suiv­antes.
  4. Placez le disque sur une vieille pla­tine qui ne sert pas à la repro­duc­tion des dis­ques et qui ne craint pas des acci­dents éventuels avec les liq­uides.
  5. Procédez au net­toy­age humide du disque Shel­lac.
    Le net­toy­age humide est très effi­cace, mais il y a deux points très impor­tants à pren­dre en compte :
  • Il ne faut surtout pas utilis­er d’alcool qui dégrade la laque et donc choisir un liq­uide adap­té.
    • Il ne faut pas mouiller l’étiquette.

Il existe dans le com­merce des liq­uides pour le net­toy­age des dis­ques. Le plus inof­fen­sif est l’eau dis­til­lée. Bien sûr, on ne plonge pas le disque directe­ment dans le liq­uide, mais on dépose un film uni­forme sur la sur­face du disque en évi­tant de mouiller l’étiquette. À l’aide d’une brosse ou tam­pon en microfi­bre, on répar­tit le liq­uide sur le disque en faisant tourn­er la pla­tine à la main en prenant garde de ne pas sor­tir de la direc­tion du sil­lon avec la brosse.
Lorsque toute la sur­face est recou­verte d’un fin film de liq­uide, met­tez la pla­tine en rota­tion (16 ou 33 tours/minute) en appli­quant légère­ment la brosse en microfi­bre.
La brosse crée un petit bour­relet en amont de son pas­sage, ce qui aide à déloger la saleté.
Si l’eau dis­til­lée ne vient pas à bout des résidus sur le disque, utilisez un pro­duit adap­té. Par exem­ple : Clea­r­au­dio Pure Groove Shel­lac.

Véri­fiez que le pro­duit porte bien la men­tion Shel­lac, car la plu­part des mag­a­sins vendent du pro­duit pour vinyle qui con­tient de l’alcool et qui détru­irait votre disque 78 tours.
En revanche, le pro­duit spé­cial pour Shel­lac peut être util­isé sans incon­vénient pour les dis­ques vinyle.

Le pro­duit s’applique comme décrit pour l’eau dis­til­lée.

Solu­tion pour disque Shel­lac (véri­fi­er la men­tion sur la bouteille) et une brosse avec tam­pons en microfi­bre).
  1. Le séchage du disque est une étape impor­tante. Pas ques­tion de le laiss­er humide plus longtemps que néces­saire.
    Utilisez un chif­fon non pelucheux et, là encore, tou­jours agir dans le sens du sil­lon. Le but est d’enlever le plus pos­si­ble de pro­duit de net­toy­age.
  2. Rincez le disque à l’eau dis­til­lée pro­pre. Il faut donc la chang­er très sou­vent (ne pas traiter 50 dis­ques avec la même eau).
    Si vous dis­posez d’une cuve à ultra­son assez pro­fonde, vous pou­vez posi­tion­ner le disque de façon qu’il trempe dans la cuve en met­tant un axe en tra­vers de la cuve.
    Met­tez les ultra­sons en fonc­tion­nement et faites tourn­er très lente­ment le disque.
    Atten­tion à ce que l’eau dis­til­lée ne coule pas sur l’étiquette (essuyez le disque au fur et à mesure) qu’il sort de l’eau dis­til­lée).
Le disque est plongé dans la cuve à ultra­son, mais atten­tion, l’étiquette ne doit pas être immergée. Il con­vient donc de ne pas trop pouss­er la puis­sance des ultra­sons pour éviter les éclabous­sures. Comme les cuves sont très grandes, il faut de gross­es quan­tités d’eau dis­til­lée. Ce n’est pas réelle­ment un incon­vénient, cela per­met d’espacer les rem­place­ments de l’eau.
  1. Essuyez le disque à l’aide de chif­fons non pelucheux (dif­férents de celui util­isé pour éponger le liq­uide de net­toy­age…). Veillez à ne pas mouiller l’étiquette dans la manip­u­la­tion.
  2. Laiss­er le disque ter­min­er de séch­er en le posi­tion­nant ver­ti­cale­ment. (veiller à ce que les sup­ports ne touchent que les bor­ds du disque et l’étiquette).
  3. Si vous avez un aspi­ra­teur avec une brosse en fibre de car­bone dédiée à cet usage, vous pou­vez accélér­er le séchage en pas­sant la brosse dans le sens du sil­lon.
  4. Lorsque le disque est par­faite­ment sec, vous pou­vez repren­dre la numéri­sa­tion du disque après avoir véri­fié que la pointe de lec­ture était pro­pre. Vous devez bien sûr utilis­er une autre pla­tine que celle util­isée pour le net­toy­age…

Voilà, votre pré­cieux disque est désor­mais sauve­g­ardé. Il peut atten­dre sage­ment dans sa pochette et son boiti­er sécurisés que vous en ayez besoin. Mais en atten­dant, utilisez la mer­veilleuse copie numérique que vous avez réal­isée.

La restau­ra­tion et la sauve­g­arde de la musique his­torique est un devoir.