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Un bus de la ligne 23 en 2021. Colectivos, bondis de Buenos Aires

Colectivos, bondis de Buenos Aires

Les Portègnes appel­lent leurs bus, des colec­tivos et plus affectueuse­ment encore, des bondis.

Nos tan­gos du jour sont de sim­ples évo­ca­tions à l’occasion de la fer­me­ture d’une ligne que j’aimais bien. Voici donc quelques anec­dotes qui peu­vent intéress­er ou amuser les touristes qui décou­vrent cette mer­veilleuse ville de Buenos Aires.

Nous serons accom­pa­g­nés par deux tan­gos chan­sons dont vous trou­verez les paroles et leurs tra­duc­tions en fin d’article.

Pour commencer en musique

Ce ne sont pas des tan­gos de danse, mais ils évo­quent le colec­ti­vo. Je donne les paroles et leurs tra­duc­tions en fin d’article.

Tan­go del colec­ti­vo 1968-12-04 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Rober­to Goyeneche. Musique de Arman­do Pon­tier et paroles de Fed­eri­co Sil­va.
Se rechi­flo el colec­ti­vo 2013 — Hora­cio Fer­rer Acc. piano por Juan Trepi­ana. Musique de Osval­do Taran­ti­no et paroles de Hora­cio Fer­rer.

Un tout petit peu d’histoire

Si el tran­via (tramway) a don­né lieu à plus de paroles de tan­go que le colec­ti­vo, ce moyen de trans­port fait égale­ment par­tie de l’histoire de la ville. Les pre­miers trans­ports étaient tirés par des chevaux, ce qu’on appelle ici, « à moteur de sang », que ce soient les tramways ou les bus.

Si les tramways sont lente­ment passés à l’électricité, l’apparition du moteur saluée par les défenseurs des ani­maux a apporté son lot de bruit et de pol­lu­tion à la ville.

Aujourd’hui, à toute heure du jour et de la nuit, des bus cir­cu­lent. Cer­tains com­men­cent à expéri­menter l’énergie élec­trique, mais d’autres dis­parais­sent.

Payer son billet, une aventure

Une machine distributrice de tickets. Le chauffeur donnait le ticket correspondant à la distance à parcourir.
Une machine dis­trib­utrice de tick­ets. Le chauf­feur don­nait le tick­et cor­re­spon­dant à la dis­tance à par­courir.

Jusque dans les années 90, le chauf­feur fai­sait pay­er chaque pas­sager. Il lui remet­tait un tick­et en échange. Cette façon de procéder avait plusieurs incon­vénients :

  • C’était rel­a­tive­ment lent. Le chauf­feur devait ren­dre le change et comme il ten­tait de faire cela en roulant, c’était donc égale­ment dan­gereux et il y avait régulière­ment des acci­dents pour cette rai­son.
  • Il était ten­tant pour les malan­drins d’attaquer les chauf­feurs pour récupér­er les pièces.
En 1967, Elena Konovaluk a été la première conductrice de colectivo. (ligne 310 puis 9) On imagine la difficulté de distribuer les tickets et de conduire en même temps.
En 1967, Ele­na Kono­valuk a été la pre­mière con­duc­trice de colec­ti­vo. (ligne 310 puis 9) On imag­ine la dif­fi­culté de dis­tribuer les tick­ets et de con­duire en même temps.

Le 2 mai 1994, un nou­veau sys­tème est apparu. Un sys­tème semi-automa­tique. Il fal­lait don­ner sa des­ti­na­tion au chauf­feur. Celui-ci paramé­trait sur son pupitre le prix à pay­er et l’usager devait gliss­er les pièces cor­re­spon­dantes dans la machine.

Le type de machine apparu à partir de 1994. On indiquait la destination au chauffeur. Il programmait le prix et on devait verser les pièces correspondantes dans l'entonnoir du haut de la machine, puis récupérer le billet et sa monnaie.
Le type de machine apparu à par­tir de 1994. On indi­quait la des­ti­na­tion au chauf­feur. Il pro­gram­mait le prix et on devait vers­er les pièces cor­re­spon­dantes dans l’en­ton­noir du haut de la machine, puis récupér­er le bil­let et sa mon­naie.

Ce sys­tème n’était pas par­fait et, pour tout dire un peu com­pliqué dans la mesure où les pièces étaient rares et dif­fi­ciles à obtenir. Dans les com­merces, per­son­ne ne voulait se sépar­er de ses pré­cieuses pièces au point qu’ils fai­saient cadeau de quelques cen­times plutôt que de devoir ren­dre le change et se trou­ver dému­ni de pièces. Mon truc était d’aller au dépôt (ter­mi­nus) où ils échangeaient volon­tiers les bil­lets con­tre des pièces. Cer­tains essayaient d’attendrir le chauf­feur en ten­dant un bil­let, ce qui se ter­mi­nait soit par un pas­sage gra­tu­it, soit par une expul­sion du bus.

À par­tir de 2009, la SUBE a fait pro­gres­sive­ment son appari­tion. Sur les pre­mières lignes équipées, il suff­i­sait d’annoncer sa des­ti­na­tion au chauf­feur et de présen­ter la carte devant la machine, sans avoir à sor­tir de pièces. La SUBE fonc­tionne égale­ment pour le métro et pour le train de ban­lieue et dans cer­taines provinces d’Argentine. On peut aus­si emprunter avec une bicy­clette, c’est donc une carte très utile et une inno­va­tion intel­li­gente.

Une machine de validation de la carte SUBE (il en existe de nombreux modèles). Il suffit de la plaquer sur la zone dédiée pour que son solde soit débité du montant du trajet. On peut lire sur l’afficheur le tarif, le prix réellement débité et le solde de la carte.
Une machine de val­i­da­tion de la carte SUBE (il en existe de nom­breux mod­èles). Il suf­fit de la pla­quer sur la zone dédiée pour que son sol­de soit débité du mon­tant du tra­jet. On peut lire sur l’afficheur le tarif, le prix réelle­ment débité et le sol­de de la carte.

Pour le chauf­feur, cela ne change rien au sys­tème de 1994, il doit tou­jours sélec­tion­ner le prix sur son pupitre (en fait la dis­tance, mais on en repar­lera). Pour l’usager ce sys­tème sem­ble par­fait.

Cepen­dant, il y a un petit point qu’il faut tenir en mémoire. Il faut charg­er sa carte SUBE et c’est là que le bât blesse. Pen­dant longtemps, cela pou­vait se faire dans les kiosques, qui sont nom­breux, puis les kiosques n’ont plus eu le droit de le faire et ce sont désor­mais les lieux de loterie qui per­me­t­tent de recharg­er la carte et ils sont moins nom­breux. On peut se faire avoir, car de nom­breux kiosques ont con­servé l’affichette SUBE et cer­tains con­tin­u­ent de ven­dre la carte vierge, mais pas la recharge…

Mais, trou­ver un point de recharge ne suf­fit pas, car il faut avoir la somme exacte que l’on souhaite dépos­er sur la carte. Si vous avez un gros bil­let, il fau­dra tout met­tre. Ah, non, ce n’est pas si sim­ple (je sais, je l’ai déjà écrit). Si le bil­let est trop gros, on va vous le refuser.

En effet, les lieux de vente ont des quo­tas. Ils ne peu­vent pas ven­dre plus que ce qui leur est autorisé. Les verse­ments max­i­mums sont donc lim­ités et, même avec cette pré­cau­tion, il arrive que le lieu ait atteint son quo­ta de la journée. Si c’est le cas, il fau­dra revenir le lende­main en espérant que ce ne soit pas le début d’un long week-end, une autre spé­cial­ité argen­tine qui fait que, si un jour férié tombe un dimanche, on le reporte au lun­di.

Il reste alors la pos­si­bil­ité d’aller dans une sta­tion de métro (Subte à ne pas con­fon­dre avec SUBE) ou de train. Là, deux pos­si­bil­ités s’offrent au voyageur, une machine ou un pré­posé, mais ce dernier est assez rarement dis­posé à recharg­er la carte.

Il y a une autre pos­si­bil­ité pour ceux qui ont un compte ban­caire argentin, la recharge en ligne. Il faut ensuite valid­er son sol­de sur une machine, par exem­ple dans une banque…

Pour en ter­min­er avec la SUBE sous forme de carte, sig­nalons la dif­fi­culté de l’obtenir, car il y a par­fois une pénurie. Mieux vaut ne pas la per­dre à ce moment.

Mais voyons main­tenant une autre inno­va­tion qui va dans le bon sens.

Depuis 2024, on peut payer à partir de son téléphone et de l'application SUBE. C'est sans doute un autre progrès.
Depuis 2024, on peut pay­er à par­tir de son télé­phone et de l’ap­pli­ca­tion SUBE. C’est sans doute un autre pro­grès.

Depuis 2024, on peut charg­er sa carte et la faire valid­er auprès du chauf­feur et même pay­er directe­ment depuis l’application SUBE sur son télé­phone. Cette dernière est une option un peu risquée dans la mesure où les vols sont tout de même assez fréquents, surtout aux abor­ds des portes, le mal­fai­teur sautant du bus et s’enfuyant à toutes jambes, à moins qu’il repère sim­ple­ment votre télé­phone pour le sub­tilis­er dis­crète­ment lors d’une petite bous­cu­lade en arrivant à un arrêt. Dans tous les cas, si vous tenez à votre télé­phone, évitez de l’utiliser près des portes.

Un pas en avant et deux pas en arrière ?

L’arrivée de la machine à pièces, puis de la SUBE et main­tenant de l’application facilite la vie des usagers. Cepen­dant, un autre dan­ger les guette ; la hausse des prix.

Le ser­vice de trans­port est assuré par des entre­pris­es privées, mais, comme c’est le gou­verne­ment de gauche de Cristi­na Fer­nan­dez qui l’a mis en place, les prix sont unifiés entre les com­pag­nies et les bil­lets sont sub­ven­tion­nés.

Le résul­tat a été un prix des trans­ports publics de voyageurs très raisonnable, même pour ceux, très nom­breux, qui vien­nent de province pour tra­vailler à la cap­i­tale fédérale et qui doivent pren­dre deux ou trois trans­ports (bus, métro, train).

Un petit rap­pel, Buenos Aires est une très grande province dont la cap­i­tale est La Pla­ta et la ville de Buenos Aires est une ville autonome, entourée par cette province sans en faire par­tie…

Ceux qu’on appellerait les ban­lieusards à Paris font sou­vent une à deux heures de tra­jet pour aller tra­vailler, ce qui est aggravé par le fait que nom­bre d’entre eux ont deux activ­ités pour join­dre les deux bouts.

Évo­quons main­tenant le pas en arrière. Fin 2023, un prési­dent d’extrême droite et lib­er­taire a été élu, Milei et sa tronçon­neuse. Pour lui, les sub­ven­tions sont un vol. Cha­cun doit pay­er ce qu’il utilise. Donc, les trans­ports, l’éducation, la médecine, les travaux publics ; le gaz, l’électricité et même les retraites sont con­sid­érés comme des domaines qui ne doivent plus être sub­ven­tion­nés, abondés.

Les prix de ces ser­vices explosent donc. On remar­quera toute­fois que, si Milei ne veut pas enten­dre par­ler de sub­ven­tion, il pro­pose tout de même aux plus rich­es qui ont leurs enfants dans les écoles privées des aides (ver­sées directe­ment aux écoles).

Pour les hôpi­taux publics, c’est une cat­a­stro­phe. Même les médecins doivent avoir deux métiers. Par exem­ple, hier, la télé présen­tait l’un deux qui com­plète ses revenus en tra­vail­lant pour Uber (un ser­vice de trans­port de per­son­nes assuré par des par­ti­c­uliers qui utilisent leur voiture per­son­nelle).

Pour revenir pro­gres­sive­ment à nos bus, les chauf­feurs assurent des ser­vices très longs pour gag­n­er plus, ce qui provoque des acci­dents. Si vous avez essayé de con­duire à Buenos Aires, imag­inez que vous le faites 12 heures de rang (suiv­ies de 12 heures de pause et avec un repos heb­do­madaire de 35 heures), avec une pause toi­lette en bout de ligne si vous n’êtes pas arrivé en retard, le tout au volant d’un gros machin d’apparence antédilu­vi­enne qui tourne qua­si­ment en per­ma­nence et dont beau­coup mérit­eraient une sérieuse révi­sion.

La semaine dernière, un ado­les­cent est tombé du bus, car la fenêtre a cédé. Et je ne vous par­le pas des bruits de freins, des portes qui fonc­tion­nent quand elles le déci­dent et des panach­es de fumées qu’émettent cer­tains des bondis. Alors, si un chauf­feur est un peu moins souri­ant, prenez sur vous et met­tez-vous à sa place (pas sur son siège, je par­le au fig­uré).

La fin des subventions aux transports en commun

Puisque les sub­ven­tions sont un vol fait aux rich­es qui n’utilisent pas les trans­ports publics au prof­it de ceux qui les utilisent, ces sub­ven­tions ont été très forte­ment dimin­uées et, par con­séquent, le prix du bil­let a explosé, comme d’ailleurs celui de la nour­ri­t­ure, mais sans doute pour d’autres raisons… La hausse des prix sur les pro­duits de base ignore les chiffres de l’inflation don­nés par le gou­verne­ment (moins de 2 % en mai). Seuls les pro­duits de luxe (voitures, télé­phones et autres biens de con­fort) voient effec­tive­ment leurs prix baiss­er, pas les légumes, la viande, les trans­ports, les médica­ments…

Voici donc un tableau reprenant le prix du tra­jet en bus, au moment de la prise de fonc­tion de Milei et à la date d’aujourd’hui.

Entre fin 2023, date d'arrivée du président Milei au pouvoir et aujourd'hui (fin juin 2025), le prix du billet a été multiplié par 8.
Entre fin 2023, date d’ar­rivée du prési­dent Milei au pou­voir et aujour­d’hui (fin juin 2025), le prix du bil­let a été mul­ti­plié par 8.

Ce tableau demande quelques expli­ca­tions. La colonne de gauche indique des dis­tances. Par exem­ple, 0 à 3 km, ce qui est en fait 1 à 30 pâtés de maisons (man­zana en espag­nol, bloc en anglais…). Un voy­age d’un kilo­mètre en décem­bre 2023 coû­tait donc 52,96 pesos, soit 0,06 euro (voir dans la par­tie droite du tableau, entourée de bleu). Le prix était donc très réduit, du moins pour un Européen ou un Améri­cain du Nord. Pour un Argentin qui avait moins de 200 € de revenus, c’était tout de même une somme, surtout pour ceux qui devaient pren­dre deux ou trois trans­ports pour aller tra­vailler. Les tar­ifs sont toute­fois un peu dégres­sifs si on utilise plusieurs bus dans une péri­ode de deux heures.

La diminu­tion dras­tique des sub­ven­tions aux entre­pris­es de trans­port imposée par le nou­veau gou­verne­ment fait que les prix ont énor­mé­ment aug­men­té. C’est le résul­tat de la logique qui veut que ceux qui utilisent les trans­ports en com­mun doivent en pay­er le coût, pas ceux qui roulent en taxi ou dans des voitures par­ti­c­ulières.

Pour revenir à l’étude du tableau, on observe deux nou­velles caté­gories « util­isa­teurs enreg­istrés » et « util­isa­teurs non enreg­istrés ». Cette dis­tinc­tion per­met deux choses :

  • Suiv­re les déplace­ments des util­isa­teurs. Chaque carte enreg­istrée est asso­ciée au doc­u­ment d’identité du pos­sesseur. Cela per­met de con­naître mieux les déplace­ments de cha­cun.
  • Les sub­ven­tions ont été forte­ment dimin­uées, ce qui explique en grande par­tie la hausse des prix. Les sub­ven­tions sont totale­ment sup­primées pour les util­isa­teurs qui ne sont pas enreg­istrés selon la logique ; s’ils ne sont pas enreg­istrés, c’est qu’ils veu­lent cacher leurs déplace­ments ou qu’ils sont étrangers et que, par con­séquent, les Argentins « de bien » n’ont pas à pay­er pour eux.

Nous avons évo­qué à pro­pos de l’anecdote Bailarín de con­traseña, le fait que cer­taines milon­gas fai­saient pay­er moins chers les autochtones, cela peut donc se com­pren­dre. D’ailleurs, en Europe, on fait pay­er une taxe par nuitée aux gens de pas­sage.

L’augmentation en un an et demi est donc d’environ 800 % pour un Argentin enreg­istré. Pour ceux qui ne le sont pas, c’est une aug­men­ta­tion de presque 13 fois. Cela com­mence à faire. Cer­tains ban­lieusards ont aban­don­né leur tra­vail, pass­er la moitié de la journée à tra­vailler pour gag­n­er à peine le prix du tra­jet aller-retour n’était plus rentable.

Cepen­dant, pour un Européen qui utilise l’Euro, la baisse de valeur du Peso argentin fait qu’au final, l’augmentation est un peu inférieure à 9 fois et pour un étranger qui a une carte SUBE enreg­istrée ou tout sim­ple­ment anci­enne, c’est seule­ment 5,5 fois. Quand on con­naît le prix des trans­ports à Paris, cela reste très, très mod­este, alors, ne râlez pas…

Un adieu à la ligne 23 ?

Le AD 706 SU qui a assuré le service de la ligne 23 jusqu'en… 2023. C’est aussi la vedette de l’image de couverture de cet article.
Le AD 706 SU qui a assuré le ser­vice de la ligne 23 jusqu’en… 2023. C’est aus­si la vedette de l’image de cou­ver­ture de cet arti­cle.

Pour aller à Nue­vo Chique, j’étais habitué à pren­dre la ligne 23 qui était assurée par la société Trans­porte Rio Grande SA.C.I.F.

Cette ligne au moment de sa fer­me­ture (annon­cée ?), dimanche dernier, com­por­tait encore neuf véhicules.

Cinq bus de 25 places assis­es datant de 2019 AD 672 OW/AD 672 PF/AD 672 PD/AD 672 PG et AD 882 PX.

Un bus de 35 places datant de 2023 AF 957 UO.

Et trois bus de 35 places datant de 2024 AG 708 WP/AG 835 IX et AG 946 ZZ.

Dimanche dernier cette ligne a cessé son activ­ité :

Vidéo réal­isée par un des derniers util­isa­teurs de la ligne.

La ligne, tout au moins le ser­vice qu’elle assur­ait, va-t-il com­plète­ment dis­paraître ? Il est dif­fi­cile de le dire. Lors de la sup­pres­sion de la ligne 5, la ligne 8 a pris le relai en créant un « ramal » (branche) sup­plé­men­taire. Ces branch­es sont un autre piège pour ceux qui ne sont pas habitués. Il faut regarder le numéro du bus, mais aus­si la pan­car­te qui indique la branche qui va être pra­tiquée. Si vous ne le faites pas, vous risquez de vous retrou­ver bien loin de la des­ti­na­tion espérée, notam­ment si vous vous ren­dez dans la province. De même, si vous prenez un omnibus au lieu d’un semi-rapi­de, vous risquez de pass­er beau­coup plus de temps dans le bus que néces­saire lorsque vous faites une longue dis­tance en ban­lieue.

Hier, pour aller à Nuevo Chique, j'ai pris ce bus. Un numéro 115, mais avec une étiquette indiquant qu'il assurait en fait le service de la ligne 23. Encore un piège pour ceux qui sont peu attentifs… J’ai juste eu le temps de prendre une photo en en descendant, au moment où il redémarrait.
Hier, pour aller à Nue­vo Chique, j’ai pris ce bus. Un numéro 115, mais avec une éti­quette indi­quant qu’il assur­ait en fait le ser­vice de la ligne 23. Encore un piège pour ceux qui sont peu atten­tifs… J’ai juste eu le temps de pren­dre une pho­to en en descen­dant, au moment où il redé­mar­rait.

Donc, en atten­dant, il sem­blerait qu’il faille pren­dre le 115 qui porte une pan­car­te indi­quant qu’il fait le ser­vice du 23. Cepen­dant, s’il y avait 9 bus en cir­cu­la­tion pour la ligne 23, il sem­blerait que ce soit bien plus réduit pour cette nou­velle ligne, déjà que le 115 n’est pas un des plus four­nis (c’est un des bus que je prends pour aller à El Beso…).

Une actualisation sur la ligne 23

Il con­tin­ue de pass­er des bus verts 23. Selon les chauf­feurs inter­rogés, la com­pag­nie est en fail­lite (quiebra) et con­tin­ue sur son rythme de tan­go hési­tant et lent, un pas en avant et un pas en arrière.

Petit problème mathématique

Voici le trajet qui était effectué par la ligne 23 entre Villa Soldati (en bas) et Retiro (en haut). Environ 12 km.
Voici le tra­jet qui était effec­tué par la ligne 23 entre Vil­la Sol­dati (en bas) et Retiro (en haut). Env­i­ron 12 km.

Il y avait 9 bus en cir­cu­la­tion pour effectuer les 12 kilo­mètres de la ligne. Les horaires indi­quant un temps de par­cours de 50 min­utes et les chauf­feurs avaient 10 min­utes de repos aux deux extrémités. Ce n’était plus tout à fait vrai pour Sol­dati, le ter­mi­nus y était tou­jours, mais les chauf­feurs, depuis le 5 mai (2025) pre­naient leur ser­vice à Lugano (tiens, c’est juste­ment à côté du départ de la ligne 115…).

  • Pre­mière ques­tion : Quelle est la vitesse de cir­cu­la­tion moyenne ?
  • Deux­ième ques­tion : Quel est le temps moyen d’attente entre chaque bus si on con­sid­ère que les 9 étaient en ser­vice et qu’ils étaient espacés régulière­ment.

Pour la réponse, retournez l’ordinateur…

Non, par­don, je plaisante, voici les répons­es :

  • 12 km en 50 min­utes, cela donne 14,4 km/h de moyenne. Ce n’est pas énorme, mais il passe par moment dans des dédales un peu com­pliqués.
  • Pour la sec­onde réponse, je cherche la réponse tout en l’écrivant. Un bus part de Sol­dati et arrive 50 min­utes plus tard à Retiro. Il attend 10 min­utes et arrive donc de nou­veau à Sol­dati 100 min­utes après son départ où le chauf­feur prend de nou­veau 10 min­utes de pause. Ces 120 min­utes sont donc à divis­er par le nom­bre de bus, ce qui donne 120/9 = 13,33 min­utes, ce qui cor­re­spond assez bien au quart d’heure véri­fié à l’arrêt. Sur des lignes mieux rem­plies, on peut voir des bus cir­culer à bien plus grande fréquence et sou­vent des « trains » de deux ou trois bus qui se « suiv­ent », enfin, à la mode portègne, c’est-à-dire qu’ils se dépassent, se klax­on­nent, se redé­passent, se côtoient et dis­cu­tent aux feux rouges. Oui, désor­mais, la plu­part des bus s’arrêtent aux feux rouges, ce qui peut sur­pren­dre ceux qui étaient habitués à con­sid­ér­er qu’il s’agissait d’accessoires de déco­ra­tion. Ras­surez-vous, il reste les pan­neaux STOP (PARE) qui ne sont pas du tout respec­tés, ni par les bus, ni par les autres, d’ailleurs. C’est le plus incon­scient qui passe le pre­mier et ce n’est pas tou­jours le bus qui gagne.

Se repérer pour prendre le bon bus

Avant l’arrivée des appli­ca­tions sur télé­phone, il y avait dans les annu­aires télé­phoniques des plans de Buenos Aires quadrillés, avec le nord en bas (donc à l’inverse des cartes habituelles). Dans chaque case numérotée, comme pour la bataille navale, il y avait des arrêts de bus. Ces derniers n’étaient pas indiqués sur le plan, mais listés dans la légende. Par exem­ple, dans la case B5,il y avait un arrêt des bus 12, 8, 48, 96. Avec cette indi­ca­tion approx­i­ma­tive, il fal­lait faire preuve de logique. Les rues étant générale­ment à sens unique, si on voulait aller vers le sud (le haut de la carte), il con­ve­nait d’identifier une rue qui avait le sens de cir­cu­la­tion vers le sud.

Ce n’était pas for­cé­ment sim­ple et la dif­fi­culté était ren­for­cé par le fait que le point d’arrêt n’était mar­qué que par un numéro sur la façade d’un immeu­ble, un petit auto­col­lant sur un poteau, voire, par rien du tout. Il fal­lait donc sou­vent deman­der où était l’emplacement de l’arrêt quand on s’aventurait dans un quarti­er moins con­nu.

L’autre jeu qui com­plique les choses est que les chauf­feurs font preuve de créa­tiv­ité et il est fréquent de voir des bus en maraude. Par­fois, c’est jus­ti­fié par une route coupée, mais à d’autres moments, c’est pour gag­n­er du temps. Par exem­ple le 115 évite sou­vent de s’engager dans Bar­tolomé Mitre (la rue encom­brée par des étals, des véhicules mal garés et des bou­tiques de tis­sus) pour rejoin­dre directe­ment Cor­ri­entes par Pueyrredón. Ce n’est pas trop grave pour ceux qui sont dans le bus, mais peut-être moins drôle pour ceux qui atten­dent le bus dans cette zone où il ne passera pas.

Faut-il rajouter des trucs ?

Ce court arti­cle, très impar­fait, ne donne qu’un mai­gre aperçu de toutes les sub­til­ités qu’il faut con­naître pour bien voy­ager en bus. Il vous fau­dra faire votre expéri­ence, en vous repérant dans la ville, ce qui est bien plus facile que dans une ville Européenne pour savoir où deman­der l’arrêt en appuyant sur le bou­ton con­cerné, cepen­dant, la plu­part des chauf­feurs sont prêts à vous aider et peu­vent même vous rap­pel­er le moment de descen­dre.

En atten­dant, voici quelques trucs, en vrac.

Si vous n’avez pas une for­ma­tion d’alpiniste chevron­né, évitez de descen­dre par la porte arrière de cer­tains bus dont la marche inférieure est à une hau­teur encore ver­tig­ineuse. Cepen­dant, la plu­part de bus ont un accès et des places pour les fau­teuils roulants.

Pensez à regarder vers l’arrière du bus au moment d’en descen­dre, car ils s’arrêtent rarement au bord du trot­toir, notam­ment car les arrêts de bus sont sou­vent con­sid­érés comme des places de sta­tion­nement par les auto­mo­bilistes. Il se peut donc qu’au moment de descen­dre, une moto décide de pass­er à toute vitesse par la droite du bus. C’est mieux de la voir venir et de retarder de quelques frac­tions de sec­onde le saut depuis le bus. Aus­si, pour cette rai­son, des per­son­nes ren­con­trant des dif­fi­cultés à marcher deman­dent au chauf­feur de sor­tir par l’avant, ils se sen­tent plus en sécu­rité. Cette habi­tude va sans doute s’atténuer, car désor­mais, les bus s’arrêtent com­plète­ment pour pren­dre et dépos­er les pas­sagers. Ils ne doivent plus ouvrir les portes lorsque le bus est en mou­ve­ment. Je sais, le folk­lore perd de sa saveur, c’était bien amu­sant de se fau­fil­er entre les voitures en sta­tion­nement pour sauter dans un bus qui ne fai­sait que ralen­tir et de descen­dre en essayant de ne pas atter­rir dans une poubelle, un véhicule en sta­tion­nement (voire en marche) ou con­tre un de ces dia­boliques câbles en diag­o­nale qui sont ancrés au sol pour tenir je ne sais quel poteau et qui sont peu vis­i­bles de nuit, même quand ils sont recou­verts d’une gaine jaune.

Voici une autre curiosité. Il y a désor­mais de nom­breux arrêts qui dis­posent d’un abribus. N’imaginez pas qu’il est là pour vous per­me­t­tre d’attendre le bus. En effet, la queue se fait par rap­port au poteau et donc, les gens sont à la file, face à l’arrivée poten­tielle du bus et donc tous, hors de l’édicule… Cepen­dant, les Argentins sont très respectueux. Si vous êtes arrivés le pre­mier (ce qui veut dire que vous venez de rater le bus précé­dent), vous pou­vez prof­iter du banc de l’arrêt de bus. Le pre­mier au poteau vous lais­sera pass­er sans dis­cuter. D’ailleurs, il n’y a pas de lutte à l’entrée, très sou­vent un pas­sager plus avant dans la file vous laisse pass­er.

Atten­tion, utilis­er le banc est aus­si un piège, car, si le bus qui arrive n’a pas à s’arrêter pour dépos­er un pas­sager, il passera sans vous pren­dre en compte. Dans la pra­tique, il faut donc s’assurer qu’il y a quelqu’un qui veut pren­dre le même bus afin de prof­iter en toute tran­quil­lité de ce siège. Cela peut sem­bler éton­nant, car on peut imag­in­er voir le bus arriv­er de loin. Hélas, non, car les véhicules en sta­tion­nement coupent toute vis­i­bil­ité à ceux qui sont assis et même sou­vent à ceux qui sont debout et à tous les arrêts, vous ver­rez des intrépi­des se lancer au milieu de la rue pour voir si le bus arrive au loin.

Pour être effi­cace à ce jeu, il faut avoir une bonne vue et s’aider du code de couleurs (le bus 23 était vert, le 115 est rouge, d’autres sont bleus ou jaunes).

Vous devez lever de façon très vis­i­ble le bras pour inciter le con­duc­teur à s’arrêter. Si le feu est au vert, il arrive qu’il ne s’arrête pas pour en prof­iter. Il s’arrêtera de l’autre côté du car­refour pour dépos­er les pas­sagers qui voulaient descen­dre et vous, vous devrez atten­dre le prochain. Le prochain peut être une autre ligne qui passe aus­si par votre point d’arrivée. Cepen­dant, l’arrêt de cette autre ligne peut-être à une dizaine de mètres. Si le chauf­feur de l’autre ligne se rend compte que vous venez de l’arrêt du con­cur­rent, il y a fort à pari­er qu’il ne s’arrêtera pas. Vous devez être à l’arrêt quand il vous voit. Quand l’arrêt est situé à un feu rouge, il arrive qu’on arrive à atten­drir le chauf­feur, qui prend toute­fois le temps de ter­min­er un truc impor­tant sur son télé­phone portable avant de vous ouvrir la porte. Cela ne lui coûte rien, puisque le feu l’a juste empêché de repar­tir, mais c’est le prix à pay­er pour la faveur qu’il vous fait.

Une fois dans le bus, il peut être agréable de trou­ver une place assise. Il y a des places réservées aux per­son­nes qui en ont besoin et c’est plutôt bien respec­té. En revanche, pour les autres places, c’est le pre­mier qui la prend. Celles près des portes sont exposées au vol à la tire. Cer­taines sont dos à la route, ce qui est désagréable pour les per­son­nes sujettes au mal de mer. Rap­pelez-vous que le bus se déplace comme un esquif pris dans une tem­pête. Il faut donc avoir le cœur bien accroché et être très bien accroché quand on est debout.

Il y a des cein­tures de sécu­rité pour les places situées totale­ment à l’arrière, face au couloir. Même si presque per­son­ne ne les utilise, elles peu­vent vous éviter de tra­vers­er à plat ven­tre tout le bus lors d’un freinage bru­tal ou d’un acci­dent.

On notera que, pour agré­menter la chute, la plu­part des bus ont un escalier dans la par­tie arrière, ce qui ajoute au plaisir de l’expérience.

Voilà, j’espère que je vous ai don­né envie de pren­dre le colec­ti­vo de Buenos Aires, que je ne vous ai pas trop refroidis, je laisse cela aux soins de la clim à fond ou un coup de chaleur, ce que je laisse aux soins de la clim en panne ou absente.

Cer­taines lignes ont des décors sur­prenants avec des ten­tures, des filetea­d­os, d’autres sont plus sobres. Les sièges des con­duc­teurs sont sou­vent faits de fil ten­du entre deux bar­res de métal, je n’envie pas du tout ces valeureux chauf­feurs et leurs con­di­tions de tra­vail effroy­ables. Je plains égale­ment les ban­lieusards qui restent sou­vent une heure debout dans des bus bondés après avoir atten­du dans une queue de 50 mètres de long.

Pour toutes ces raisons, les rich­es pren­nent leur voiture, un Uber, et à la lim­ite, un taxi et ne s’aventurent jamais dans les bus ni dans le métro. Pour cette rai­son, ils ne com­pren­nent sans doute pas pourquoi on sub­ven­tion­nerait ces moyens de trans­port alors qu’eux, ils payent leur ser­vice.

Il y aurait sans doute à dire sur l’esclavage des taxis et des chauf­feurs Uber, mais ce sera pour une autre fois si vous le voulez bien.

À bien­tôt les amis, mais en guise de cadeau, voici les paroles des deux tan­gos évo­qués et leur tra­duc­tion.

Paroles de Tango del colectivo

Aho­ra es ‘Cin­ta Scotch’
En vez de cua­tro chinch­es
Porque la vida pasa…
El tiem­po cam­bia.
Pero siem­pre Gardel,
Son­risa, esmo­quin
Gardel y los mucha­chos…
Esos mucha­chos…
Que son de algu­na for­ma
Iguales a la rubia,
De los tex­tos abier­tos
Y los ojos cer­ra­dos.

Se sube en la primera
Cor­rién­dose hacia el fon­do,
Y empu­ja cuan­do baja
Como toda la gente.
Las manos
Ya cansadas de apre­tar
La bron­ca…
De pedir sin que te den,
Y al fin perder las cosas
Que te impor­tan.

Las cosas de ver­dad que tan­to impor­tan,
El sol sobre los ojos me hace mal,
Por eso es que me has vis­to lagrimear
No ves la ciu­dad viene y se va,
Y las veredas son de todos
Como el pan.
Arman­do Pon­tier (Arman­do Fran­cis­co Pun­turero) Letra: Fed­eri­co Sil­va (René Fed­eri­co Sil­va Iraluz)

Traduction de Tango del colectivo

Main­tenant, c’est du « ruban adhésif scotch » au lieu de qua­tre punais­es (les chinch­es sont les punais­es de lit et on con­sid­érait que s’il y en avait 4 par mètre car­ré, il fal­lait pren­dre des mesures. Mais en lun­far­do, les chinch­es sont des per­son­nes qui dérangent, voire qui ont une mal­adie vénéri­enne, j’avoue ne pas savoir quelle sig­ni­fi­ca­tion don­ner à ces 4 punais­es), parce que la vie passe…
Les temps changent.
Mais tou­jours Gardel, a le sourire, le smok­ing Gardel et les garçons (mucha­chos, peut-être ceux à qui il a dit adieu dans sa chan­son adios mucha­chos, un titre de Julio César Sanders avec des paroles de César Felipe Vedani qu’ont enreg­istré Agustín Mag­a­l­di, Igna­cio Corsi­ni et finale­ment Car­los Gardel à París, ce qui a con­sacré le titre).
Ces gars-là…
Qui sont d’une cer­taine façon comme la blonde, avec les textes ouverts et les yeux fer­més (ici, c’est un jeu de mot entre les textes ouverts qui sont des textes ouverts à plusieurs inter­pré­ta­tions, à dou­ble sens, ces textes qui pul­lu­lent aux épo­ques de cen­sure, dans la tra­di­tion d’Ésope ou de Jean de la Fontaine. Dans le cas con­traire, on par­le de textes fer­més, mais là, ce sont les yeux qui sont fer­més).
Il grimpe le pre­mier (dans le bus) en courant vers le fond, et pousse quand il descend comme tout le monde. (Cette par­tie du texte évoque donc le colec­ti­vo et jus­ti­fie le titre, mais c’est bien sûr, une allé­gorie des pra­tiques de cer­tains…).
Les mains déjà fatiguées de ser­rer la colère…
De deman­der sans qu’on vous le donne, et à la fin de per­dre les choses qui comptent pour vous (sans doute une évo­ca­tion du poing fer­mé, geste des humil­iés qui récla­ment de quoi vivre, un sym­bole tant d’actualité en Argen­tine aujourd’hui au moment où y renait la dic­tature).
Les vraies choses qui comptent tant, le soleil me fait mal aux yeux, c’est pour cela que vous m’avez vu pleur­er, tu ne vois pas la ville aller et venir, et les trot­toirs appar­ti­en­nent à tout le monde comme le pain.

Paroles de Se rechiflo el colectivo

Se rechi­fló el colec­ti­vo que tomé para tu casa
yo vi que el colec­tivero, por San­di­a­blo, bocin­a­ba
raros tan­gos que Alfon­si­na con Ray Brad­bury bail­a­ba
sobre el capó entre un tumul­to de camelias y galax­i­as
y perdió, de tum­bo en tum­bo, la vergüen­za y las fre­nadas.
Y voló al din­tel del sueño donde está mi noche bra­va.
Se rechi­fló, pero a muerte, porque al ir para tu casa,
supo que vos me querías con reloj, suel­do y cor­ba­ta

¡Qué ton­ta… pero qué ton­ta!

¡A mí, que un lás­er de ver­sos me calien­ta has­ta la bar­ba!
y car­go al hom­bro mi tum­ba para morir de amor
¡Mañana!…
y Chopín y Alfre­do Gob­bi pobres como las arañas,
en mi bulín la for­tu­na de sus penas, me regala.

Se negó a lle­varme a vos, colec­ti­vo de mi alma,
en las tor­res de Retiro se embaló por las fachadas
y de un puente de alboro­to cayó al Río de la Pla­ta,
cuan­do mi río es mis tri­pas y es mi vino y es mi magia.

Se rechi­fló el colec­ti­vo que tomé para tu casa:
y en el techo yo reía y en la glo­ria te gri­ta­ba:
¡Se rechi­fló… pobre de vos!
¡Se rechi­fló… gra­cias a Dios!
Osval­do Taran­ti­no Letra: Hora­cio Fer­rer

Traduction de Se rechiflo el colectivo

Il serait très pré­ten­tieux de ma part d’essayer de retran­scrire la poésie de Fer­rer. Cette tra­duc­tion est donc plus un guide pour aigu­iller dans la direc­tion, mais vous devrez faire le par­cours poé­tique vous-même.

Le bus que j’ai pris pour ren­tr­er chez toi s’est moqué. J’ai vu que le chauf­feur, par San­di­a­blo (Saint Dia­ble est un oxy­more inven­té par Fer­rer pour exprimer la folie), klax­on­nait d’é­tranges tan­gos qu’Al­fon­si­na (Alfon­si­na Storni qui s’est sui­cidée en se jetant à la mer à Mar de Pla­ta, comme dans un de ses poèmes, et qui a don­né lieu à la mer­veilleuse zam­ba, Alfon­si­na y el mar immor­tal­isée par Mer­cedes Sosa) avec Ray Brad­bury (c’est bien sûr l’auteur de Fahrein­heit 451, qui évoque la destruc­tion des livres, dans la droite lignée de ce que font les régimes fas­cistes comme la dic­tature mil­i­taire argen­tine de l’époque, ou l’actuelle ou les par­ti­sans de Milei brû­lent des livres qu’ils croient per­ni­cieux faute de les avoir lus) dan­sait sur le capot (une est morte noyée et l’autre par­le d’un pom­pi­er et de feu, le sym­bole de Fer­rer est fort) au milieu d’un tumulte de camélias et de galax­ies et per­dait, de cul­bute en cul­bute, la honte et les freins.
Et il s’en­vola vers le lin­teau du som­meil où se trou­ve ma folle nuit.
Il s’est moqué, mais à mort, parce que, lorsqu’il s’est arrêté chez toi, il savait que tu m’aimais avec une mon­tre, un salaire et une cra­vate.
Quelle idiote, mais quelle idiote !
Pour moi, qu’un laser de vers me réchauffe jusqu’à la barbe !
Et je charge sur mes épaules ma tombe pour mourir d’amour
Demain !…
Et Chopin et Alfre­do Gob­bi, pau­vres comme les araignées, dans ma cham­brette m’offrent la for­tune de leurs cha­grins.
Il a refusé de me con­duire à toi, le colec­ti­vo de mon âme, dans les tours de Retiro (sta­tion de train, où allait juste­ment le bus 23…), il a chargé à tra­vers les façades et d’un pont de tumulte (émeute) il est tombé dans le Río de la Pla­ta, quand mon fleuve est mes tripes et qu’il est mon vin et qu’il est ma magie.
Le bus que j’ai pris pour aller chez toi s’est moqué :
Et sur le toit, je riais et, dans la gloire, je te cri­ais :
Il s’est moqué… Pau­vre de toi !
Il s’est moqué… Dieu mer­ci !

Sonorisation d'une milonga

Sonorisation d’une milonga

Comme DJ, on ren­con­tre une grande var­iété dans la qual­ité des sys­tèmes de sonori­sa­tion pro­posés par les organ­isa­teurs. Il me sem­ble que rap­pel­er quelques points peut être utile pour opti­miser l’équipement et amélior­er le con­fort des danseurs.

La sonori­sa­tion fait par­tie d’une chaîne qui va de la musique à dif­fuser, jusqu’à l’oreille de l’auditeur, danseur dans notre cas. Il con­vient donc de traiter cha­cun des points, car le plus faible mail­lon lim­ite la qual­ité de la chaîne en entier.

La musique

Si on ren­con­tre encore des musiques effroy­ables, notam­ment sur des ser­vices comme Spo­ti­fy ou YouTube, dans l’ensemble, la qual­ité a bien aug­men­té ces dernières années. Il est donc très impor­tant d’avoir de la bonne musique, mais je pars du principe que les organ­isa­teurs vont faire venir un bon DJ et que, donc, ce point est traité de façon sat­is­faisante. Voir l’article sur la musique trichée pour plus d’informations sur ce point.

L’ordinateur ou le matériel du DJ

Même si un phénomène de mode peut faire utilis­er des platines tourne-dis­ques, des lecteurs de CD ou de cas­settes, l’ordinateur est devenu la norme et, comme ses capac­ités sur­passent en tous points celles des autres sys­tèmes, il ne con­vient pas de faire de dif­férence à ce niveau de la chaîne. Ce qui sera bon pour l’ordinateur le sera égale­ment pour tous les autres matériels.

La carte son (DAC)

Cer­tains DJ, notam­ment ceux qui font des playlists à l’avance, utilisent le jack pour rac­corder leur ordi­na­teur à la sono. Cette organ­i­sa­tion est forte­ment décon­seil­lée, car elle ne per­met pas la préé­coute et donc, le DJ ne peut que suiv­re sa playlist en faisant d’éventuelles mod­i­fi­ca­tions dans l’ordre de ses tan­das ou en choi­sis­sant des tan­das toutes prêtes au lieu de les con­stru­ire sur mesure.

Il faut donc une carte son qui per­met d’avoir deux sources de dif­fu­sion. Une dirigée vers le casque (générale­ment la sor­tie jack de l’ordi) et une via la carte son qui ira vers la con­sole de mix­age.

Pour exploiter ce sys­tème, il faut un logi­ciel spé­ci­fique pour DJ qui per­met d’assigner des sor­ties dif­férentes pour la préé­coute et pour la dif­fu­sion, ou à la rigueur, deux logi­ciels con­fig­urés de façon dif­férente, mais c’est se com­pli­quer la vie.

Cer­tains dis­cu­tent de la qual­ité des dif­férents DAC, mais ce n’est pas si essen­tiel si on con­sid­ère les lim­ites de la musique que l’on passe en milon­ga. Bien sûr, le DJ qui veut le top pour­ra acquérir un équipement plus per­for­mant et il y aura de petites dif­férences, mais je pense que d’autres points sont à pren­dre en compte.

  1. La présence d’un bou­ton de réglage du vol­ume. Cela sem­ble tout bête, mais c’est plus sim­ple à faire sur le DAC que dans le logi­ciel. Tous les DAC n’en sont pas pourvus.
  2. Une sor­tie via deux XLR, deux jacks 6,35 ou à la rigueur au for­mat RCA (Cinch).
  3. Une entrée USB, prob­a­ble­ment USB‑C si on achète un matériel récent.
  4. Pren­dre un sys­tème qui se rac­corde par câble, plutôt qu’un sys­tème qui se branche, comme une clef USB, un faux mou­ve­ment pour­rait bris­er ce dis­posi­tif. En revanche, il est impor­tant de scotch­er tous les câbles au gaffeur pour éviter une coupure du son en cas de manip­u­la­tion mal­adroite pen­dant la milon­ga.
  5. Une entrée micro­phone peut être pra­tique, avec son réglage de vol­ume et une bal­ance entre le micro­phone et la musique.
Quatre DAC que j’utilise.
Qua­tre DAC que j’utilise.

J’utilise dif­férents sys­tèmes, mais le plus sou­vent un DAC Audi­ent iD4 qui est léger et de bonne qual­ité. Son gros bou­ton de vol­ume est pra­tique. J’ai enlevé le cabo­chon du bou­ton de mute pour éviter d’appuyer dessus par erreur durant la milon­ga. En cas de besoin, il suf­fit d’appuyer sur la par­tie qui reste avec le gras du doigt, mais je n’ai jamais eu à le faire.

Acheté à Buenos Aires, j’ai un MidiPlus Stu­dio M qui est plus léger que le Audi­ent, mais le bou­ton de vol­ume est petit et trop proche du bou­ton du vol­ume casque. Je le trou­ve donc moins pra­tique. Cepen­dant son poids peut être un élé­ment de choix et de plus, et il est disponible en Argen­tine à bon prix…

J’utilise aus­si un DAC Trak­tor Z1 qui a l’avantage d’avoir des bou­tons de réglage aigus, médi­ums et bass­es. Cela peut dépan­ner en l’absence de con­sole de mix­age. En revanche, il n’a pas d’entrée micro.

Même s’il est prévu pour le logi­ciel Trak­tor, on peut le con­fig­ur­er dans MIXXX, pour que le déplace­ment du curseur en butée change de morceau. C’est pra­tique pour ter­min­er la corti­na et enchaîn­er à l’intervalle souhaité les morceaux d’une tan­da. Cepen­dant, il est assez lourd et encom­brant et moins utile si on a une con­sole.

En sécu­rité, j’ai tou­jours de petits DAC, dans l’étui des casques audio, dans ceux des cartes sons) qui peu­vent me per­me­t­tre d’avoir un dépan­nage sans me sur­charg­er en avion avec un sec­ond DAC Adap­ta­teur de Prise de Casque USB C à 3,5 mm. https://amzn.to/4k7fRJb Je n’ai jamais eu à utilis­er en milon­ga, mais peut-être qu’un jour, en cas de panne du DAC prin­ci­pal, l’un d’eux me ren­dra ser­vice…

La console de mixage

Jusqu’à présent, on était dans le domaine du DJ. Ici, on est dans la tran­si­tion entre le DJ et le sonorisa­teur. Pour ma part, quand je le peux, j’apporte ma pro­pre con­sole (table de mix­age) et cela pour deux raisons. Celles qui sont pro­posées par les organ­isa­teurs ne sont pas tou­jours ter­ri­bles et j’aime tra­vailler avec une con­sole numérique, ce qui est rarement disponible en dehors des gros fes­ti­vals, et encore…

On trou­ve assez sou­vent ce type de con­sole analogique.

Cette petite console semble disposer de tout ce qui faut pour un DJ, entrée ligne, microphones, voire instruments complémentaires. Les trois réglages de tonalité permettent une intervention correcte sur le rendu.
Cette petite con­sole sem­ble dis­pos­er de tout ce qui faut pour un DJ, entrée ligne, micro­phones, voire instru­ments com­plé­men­taires. Les trois réglages de tonal­ité per­me­t­tent une inter­ven­tion cor­recte sur le ren­du.

La con­sole Behringer Qx1204Usb pour­rait être par­faite, si les ingénieurs de Behringer avaient prévu son util­i­sa­tion en carte son…

Les points forts :

  • Réglages tonal­ité 3 ban­des (aigus, médi­ums et bass­es). Cela ne vaut pas un semi-paramétrique ou un paramétrique, mais c’est mieux que rien. Pour le même prix, Yama­ha ne pro­pose que deux ban­des de con­trôle de tonal­ité.
  • Réglage du gain d’entrée.
  • Panoramique per­me­t­tant de dif­fuser le sig­nal en mono, ce qui est intéres­sant pour le bal.

Le point faible

  • Elle ne peut pas servir de carte son avec réglage de tonal­ité, car l’entrée USB ne sert que pour envoy­er le son directe­ment à la sor­tie. Il est donc impos­si­ble de régler le vol­ume ou la tonal­ité de l’entrée USB, ce qui la rend inutile pour un DJ de tan­go.
    Il y aurait peut-être une astuce con­sis­tant à ren­voy­er le sig­nal USB vers les con­necteurs 2‑track et, de là, branch­er une con­nex­ion vers les entrées des tranch­es nor­males, mais je n’ai pas testé. Si ça marche, cela évit­erait d’avoir à se trim­baler une carte son tout en ayant un con­trôle de vol­ume et de tonal­ité.
    Ce point faible reste à rel­a­tivis­er, il oblige seule­ment à avoir une carte son en plus. C’est juste dom­mage de ne pas avoir tout inté­gré…

Ce que devrait avoir une console a minima

  • Une entrée stéréo avec réglage vol­ume, con­trôle de tonal­ité et bal­ance gauche-droite.
  • Une entrée micro­phone

Ce que pourrait avoir une console de préférence

  • Une entrée USB per­me­t­tant de régler la tonal­ité, le vol­ume et la bal­ance. Cela per­met de se pass­er d’une carte son. C’est ce qui manque à la petite Behringer.

Ce que devrait avoir une console dans l’idéal

En plus des points précé­dents, la con­sole pour­rait dis­pos­er d’un égaliseur graphique, paramétrique ou semi-paramétrique. Toute­fois, si la con­sole dis­pose d’une sor­tie et entrée pour une boucle aux­il­i­aire, il est pos­si­ble d’avoir cet élé­ment séparé­ment.

  • L’égaliseur graphique est intéres­sant pour le réglage de la salle en per­me­t­tant de sup­primer les fréquences de réso­nance (modes pro­pres de la salle).
En général on utilise l’égaliseur graphique pour compenser les résonances propres du local. Par exemple, si la structure vibre à 300 Hz, on baissera en conséquence le curseur correspondant. En stéréo, il faut le faire sur les deux canaux.
En général on utilise l’égaliseur graphique pour com­penser les réso­nances pro­pres du local. Par exem­ple, si la struc­ture vibre à 300 Hz, on bais­sera en con­séquence le curseur cor­re­spon­dant. En stéréo, il faut le faire sur les deux canaux.
  • L’égaliseur paramétrique est lui plus util­isé pour cor­riger une musique à un moment don­né. Par exem­ple, un De Ange­lis dont les vio­lons sif­flent. On sélec­tionne la fréquence, par exem­ple, 4500 Hz et on dimin­ue le vol­ume de cette fréquence. Un égaliseur dis­posant du réglage de la fréquence d’action et du vol­ume de réglage de cette fréquence est dit semi-paramétrique.
  • Un égaliseur paramétrique dis­pose en plus du réglage de la pente de la courbe (fac­teur Q comme Qual­ité). Quand on baisse le vol­ume d’une fréquence, cela agit sur les fréquences voisines. En réglant le fac­teur Q, on peut choisir de baiss­er unique­ment cette fréquence ou une bande plus large. C’est très com­mode. On peut l’utiliser pour lim­iter le bruit de sur­face d’un disque avec une pente très ser­rée, pour ne pas détru­ire les fréquences voisines de la musique ou de façon plus large, pour enrichir, par exem­ple, les bass­es d’un morceau qui en manque.
Un égaliseur paramétrique permet de choisir une fréquence pour augmenter son volume ou le baisser. Un paramètre supplémentaire est la pente du filtre (Facteur Q). Une valeur élevée fait agir le volume sur une bande de fréquence très resserrée autour de celle réglée. Une valeur faible permet de moduler une zone de fréquence plus large. À gauche, il n’y a que deux réglages du facteur Q, étroit ou large). À droite, on peut le faire varier en continu.
Un égaliseur paramétrique per­met de choisir une fréquence pour aug­menter son vol­ume ou le baiss­er. Un paramètre sup­plé­men­taire est la pente du fil­tre (Fac­teur Q). Une valeur élevée fait agir le vol­ume sur une bande de fréquence très resser­rée autour de celle réglée. Une valeur faible per­met de mod­uler une zone de fréquence plus large. À gauche, il n’y a que deux réglages du fac­teur Q, étroit ou large). À droite, on peut le faire vari­er en con­tinu.

Les con­soles de moyenne gamme ont en général une seule fréquence en semi-paramétrique. D’autres en ont trois ou qua­tre, mais c’est moins intéres­sant pour nous, DJ de tan­go, car on a rarement besoin de régler plusieurs fréquences en même temps.

Toute­fois, une con­sole numérique apporte un grand con­fort d’utilisation, notam­ment avec l’affichage des fréquences de la musique qui est jouée.

Chaque cercle de couleur est un point de contrôle. On peut le placer vers le haut (augmenter le volume de sa fréquence) ou vers le bas. On peut choisir la pente, par exemple, pour modifier une fréquence très précise ou une plus grande partie du spectre sonore. On voit en gris sous la courbe, le spectrogramme (RTA) en temps réel de la musique.
Chaque cer­cle de couleur est un point de con­trôle. On peut le plac­er vers le haut (aug­menter le vol­ume de sa fréquence) ou vers le bas. On peut choisir la pente, par exem­ple, pour mod­i­fi­er une fréquence très pré­cise ou une plus grande par­tie du spec­tre sonore. On voit en gris sous la courbe, le spec­tro­gramme (RTA) en temps réel de la musique.

La con­sole SOUNDCRAFT UI12 est celle que j’utilise depuis plusieurs années qui me per­met à la fois de sonoris­er un petit orchestre ou plusieurs DJ (8 entrées) et de musi­calis­er de façon pré­cise en ajus­tant de façon visuelle les élé­ments de l’égaliseur paramétrique.

J’aime beaucoup ma console numérique SOUNDCRAFT UI12. Je l’associe parfois à un petit contrôleur midi Korg pour avoir un contrôle rapide sur le volume lors de mixages (en plus des contrôles par écran tactile).
J’aime beau­coup ma con­sole numérique SOUNDCRAFT UI12. Je l’associe par­fois à un petit con­trôleur midi Korg pour avoir un con­trôle rapi­de sur le vol­ume lors de mix­ages (en plus des con­trôles par écran tac­tile).

Les points forts :

  • Pos­si­bil­ité de régler les paramètres à dis­tance (Wi-Fi) afin de véri­fi­er que, sur la piste on a bien le son par­fait, car sou­vent l’emplacement du DJ ne per­met pas de pren­dre com­plète­ment con­science du son qu’ont les danseurs.
  • Présence de l’analyseur de spec­tre en temps réel. Un pic dans une fréquence est vis­i­ble et on peut le « tuer » en appli­quant un coup de son excel­lent égaliseur paramétrique, tout en voy­ant le résul­tat. Si on branche un micro de mesure, on peut aus­si analyser le ren­du dans la salle (il ne faut bien sûr pas rerouter ce micro vers la sor­tie prin­ci­pale…).

Les points faibles :

  • La con­sole ne dis­pose pas d’écran. Il faut donc utilis­er celui d’une tablette, d’un télé­phone (Wi-Fi) ou un ordi­na­teur. Le réglage sur un écran tac­tile est assez pra­tique, moins si on doit utilis­er une souris.
    J’utilise par­fois un con­trôleur midi Korg KOH Nanokon­trol2-WH, ce qui me per­met de régler facile­ment les dif­férents poten­tiomètres, comme sur une con­sole tra­di­tion­nelle.
  • C’est un peu lourd (ali­men­ta­tion séparée, éventuel con­trôleur midi, il faut un écran pour l’utiliser, donc a min­i­ma un télé­phone, mieux une tablette ou, dans l’idéal un ordi avec un grand écran tac­tile).

Amplification et diffusion

La sor­tie de l’ordinateur, de la carte son ou de la con­sole de mix­age est trop faible pour atta­quer directe­ment des haut-par­leurs. Il faut donc ampli­fi­er le sig­nal.

Il existe deux sys­tèmes (pour sim­pli­fi­er). Un avec des amplis et des enceintes pas­sives et un avec des enceintes ampli­fiées (qui peu­vent être actives ou pas­sives).

Pour un DJ ou un organ­isa­teur qui trans­porte son matériel, ce sont assuré­ment des enceintes ampli­fiées qui sont à prévoir. Je ne vais donc évo­quer que ce type de matériel, car un organ­isa­teur qui veut équiper sa salle aura tout intérêt à deman­der les con­seils d’un pro­fes­sion­nel s’il souhaite utilis­er un ampli séparé (ce qui est plus pra­tique pour une instal­la­tion fixe), car l’appariement des HP et des amplis est un domaine com­pliqué.

On trou­ve des matériels d’un poids raisonnable 10 à 25 kg et qui ont une bande pas­sante suff­isante pour la musique de tan­go.

Au besoin, un cais­son de basse peut amélior­er les choses en déchargeant les enceintes prin­ci­pales des bass­es fréquences. Cela améliore la pureté du son. Un seul cais­son de basse est néces­saire, les enceintes étant direc­tives.

Un bon équipement, constitué de deux enceintes pour les aigus et médiums, placés en hauteur (au-dessus de la tête des danseurs) et un caisson de basse.
Un bon équipement, con­sti­tué de deux enceintes pour les aigus et médi­ums, placés en hau­teur (au-dessus de la tête des danseurs) et un cais­son de basse.

Les points à pren­dre en compte :

  • En pre­mier, l’idéal est d’écouter les enceintes avant de les acheter…
  • En général, ces enceintes ont deux voies. Une pour les aigus et une pour les médi­ums, voire les bass­es pour les plus gros mod­èles.
  • En général, un haut-par­leur de 10 ou 12 pouces peut con­venir pour la musique de tan­go qui n’a pas de bass­es très pro­fondes. Si vous utilisez des haut-par­leurs plus petits, il sera préférable d’ajouter un cais­son de bass­es avec des HP de 12 pouces.

Atten­tion toute­fois à avoir un ensem­ble cohérent. La musique de tan­go est plus à traiter comme de la musique clas­sique que comme de la musique de var­iété. Il faut un ren­du rel­a­tive­ment plat et homogène. Les enceintes pour la musique de var­iété ont sou­vent des aigus stri­dents et des bass­es qui man­gent tout. On veut enten­dre le boum boum.

Le résul­tat en tan­go est minable et très dif­fi­cile à rat­trap­er, car on a un trou dans les fréquences prin­ci­pales du tan­go et des chanteurs.

Exemple d’enceintes que je déteste, les aigus sont stridents et les basses pesantes. C’est à mon avis peu adapté à la musique de tango traditionnelle, même si c’est génial pour les cortinas…
Exem­ple d’enceintes que je déteste, les aigus sont stri­dents et les bass­es pesantes. C’est à mon avis peu adap­té à la musique de tan­go tra­di­tion­nelle, même si c’est génial pour les corti­nas…

Conseils supplémentaires pour la sonorisation

La salle est un acteur de la sonori­sa­tion. S’il y a beau­coup de réver­béra­tion (écho), le son risque d’être con­fus. Pour lim­iter ce prob­lème, il y a plusieurs pistes :

Meubler la pièce

Avec des ten­tures non-feu, bien sûr, fer­mer les rideaux, plac­er des meubles absorbants ou beau­coup de danseurs…

Choisir des enceintes relativement directives

Il faut éviter de pro­jeter le son vers les parois ou le pla­fond. Une enceinte direc­tive per­met de cibler la zone de la piste de danse en lim­i­tant les réflex­ions par­a­sites. Cela con­cerne surtout les aigus, les bass­es ne sont pas direc­tives et ray­on­nent dans toutes les direc­tions.

Positionner les enceintes à la bonne hauteur

Tout d’abord, éviter les enceintes à hau­teur d’oreilles des danseurs. C’est mau­vais pour la dif­fu­sion du son, absorbé par les danseurs et désagréable pour les oreilles. Si on a une grande hau­teur sous pla­fond, on place les enceintes le plus haut pos­si­ble et a min­i­ma à 2 m. Si les pieds ne sont pas assez hauts, on peut les pos­er sur la scène.
L’idéal est une instal­la­tion en hau­teur, plongeante, mais cela n’est pas facile à réalis­er pour une instal­la­tion tem­po­raire. On adoptera en revanche ce type d’installation pour les salles per­ma­nentes.

Le caisson de basse doit être posé au sol. Les autres enceintes doivent être plus hautes que les têtes des danseurs. L’idéal, pour une installation fixe, est une installation plongeante.
Le cais­son de basse doit être posé au sol. Les autres enceintes doivent être plus hautes que les têtes des danseurs. L’idéal, pour une instal­la­tion fixe, est une instal­la­tion plongeante.

Le cais­son de basse est tou­jours posé au sol pour favoris­er le ray­on­nement des bass­es. On évite de le pos­er sur la scène, car il risque de la faire vibr­er. Si on a plusieurs cais­sons de basse, il est préférable de les regrouper plutôt que de les plac­er sous chaque haut-par­leur de médi­ums et aigus. Si la salle est très grande, on peut les plac­er de part et d’autre de la salle.

Orientation des enceintes

S’il con­vient de diriger les enceintes vers les danseurs depuis une posi­tion haute, il est égale­ment impor­tant de bien les ori­en­ter hor­i­zon­tale­ment.

Plac­er les enceintes dans les angles peut ren­forcer leur puis­sance, mais c’est rarement la meilleure solu­tion. Pour les mêmes raisons, on évite de les plac­er trop près des murs. Dans beau­coup de milon­gas, la piste de danse est entourée de tables et donc le meilleur endroit est au bord de la piste, ori­en­té vers la piste. Cela dimin­ue un peu le vol­ume sonore aux tables, ce qui facilite les dis­cus­sions.

La forme idéale de la salle est presque carrée. On dirige les deux haut-parleurs à 2/3 de la distance du fond de la salle. Il faut veiller que les HP soient branchés de la même façon (en phase).
La forme idéale de la salle est presque car­rée. On dirige les deux haut-par­leurs à 2/3 de la dis­tance du fond de la salle. Il faut veiller que les HP soient branchés de la même façon (en phase).

Les salles très en longueur

Chaque fois que c’est pos­si­ble, on plac­era seule­ment deux haut-par­leurs, du même côté de la salle. Pour les très grandes salles, on peut con­serv­er ce principe à con­di­tion de pou­voir plac­er les haut-par­leurs suff­isam­ment haut. D’ailleurs, pour les très gros con­certs de var­iété, les sys­tèmes d’enceintes sont regroupés et pas dis­per­sés dans tout le stade.

Cepen­dant, si la salle est très en longueur, on est dans la plus mau­vaise con­fig­u­ra­tion pos­si­ble. Il fau­dra prob­a­ble­ment utilis­er plus d’enceintes.

Pour une salle très en longueur, il faudra probablement multiplier les haut-parleurs pour éviter d’avoir une différence de volume trop importante d’un bout à l’autre. Si on a que deux HP, on peut en mettre un à une extrémité et un autre au milieu, orienté vers le fond de la pièce.
Pour une salle très en longueur, il fau­dra prob­a­ble­ment mul­ti­pli­er les haut-par­leurs pour éviter d’avoir une dif­férence de vol­ume trop impor­tante d’un bout à l’autre. Si on a que deux HP, on peut en met­tre un à une extrémité et un autre au milieu, ori­en­té vers le fond de la pièce.

Ici, une pos­si­bil­ité avec deux enceintes prin­ci­pales et d’autres, plus faibles, pour équili­br­er le vol­ume. Les enceintes sec­ondaires devraient être réglées à un vol­ume plus faible pour garder la cohérence de la venue du son depuis les enceintes prin­ci­pales. Pour ma part, je les ori­ente dans la même direc­tion afin d’éviter les ven­tres et les nœuds acous­tiques (zones où le son s’additionne ou s’annule).

Pour une grande taille, il faut ménag­er des délais dif­férents selon les enceintes afin que l’auditeur ait l’impression que toutes les enceintes, proches ou éloignées, réson­nent en même temps. Mal­heureuse­ment, ce type de réglage n’est pos­si­ble que sur des équipements pro­fes­sion­nels et ils seront donc réservés aux événe­ments dis­posant d’un sonorisa­teur com­pé­tent. Dans les autres cas, réduire le vol­ume des aux­il­i­aires per­met de faire pass­er le mon­tage comme sup­port­able.

Une autre possibilité consiste à poser les enceintes face à face, à chaque extrémité de la pièce. Dans ce cas, il est important de mettre les enceintes en opposition de phase pour éviter un nœud au centre de la pièce.
Une autre pos­si­bil­ité con­siste à pos­er les enceintes face à face, à chaque extrémité de la pièce. Dans ce cas, il est impor­tant de met­tre les enceintes en oppo­si­tion de phase pour éviter un nœud au cen­tre de la pièce.
Mise en phase des haut-parleurs.
Mise en phase des haut-par­leurs.

En haut, les HP sont branchés de la même façon. Les ondes sont syn­chro­nisées. Un audi­teur situé à égale dis­tance des deux HP aura une écoute opti­male. Lorsqu’il est à une dis­tance dif­férente des deux HP, il entend le sig­nal d’un côté un peu décalé. Cela peut pos­er un manque de clarté, mais cela donne aus­si une impres­sion de vol­ume et, si c’est dans des pro­por­tions raisonnables, ce n’est pas un prob­lème. Dans une salle très pro­fonde avec des haut-par­leurs très dis­tants, l’effet peut être désagréable si on n’ajuste pas les délais.

Lorsque les HP sont en oppo­si­tion de phase, les ondes sonores qu’ils émet­tent ten­dent à s’annuler, ce qui crée un nœud. Comme l’effet est vari­able selon les fréquences, le résul­tat peut être très désagréable, notam­ment pour les danseurs qui vont se déplac­er dans la salle et pass­er par des suc­ces­sions de nœuds et ven­tres.

Il existe plusieurs façons d’inverser la phase. La plus simple est de sélectionner la commande correspondante sur l’enceinte. Sur des systèmes grand public, on peut inverser le fil rouge et le noir sur le bornier. Pour des connexions en XLR ou Speakon, il faut utiliser un adaptateur spécifique (ce dernier tend à disparaître au profit du réglage sur les enceintes).
Il existe plusieurs façons d’inverser la phase. La plus sim­ple est de sélec­tion­ner la com­mande cor­re­spon­dante sur l’enceinte. Sur des sys­tèmes grand pub­lic, on peut invers­er le fil rouge et le noir sur le bornier. Pour des con­nex­ions en XLR ou Speakon, il faut utilis­er un adap­ta­teur spé­ci­fique (ce dernier tend à dis­paraître au prof­it du réglage sur les enceintes).

Connexion entre la console et les enceintes amplifiées

Les principales sorties d’une console de mixage. RCA (connecteur blanc pour la gauche et rouge pour la droite). Connecteurs jacks 6,35 avec moins de risque d’arrachement accidentel et XLR, le seul système vraiment professionnel et qui, idéalement, est symétrique lorsque l’on a besoin d’une grande longueur de câble entre la console et les enceintes.
Les prin­ci­pales sor­ties d’une con­sole de mix­age. RCA (con­necteur blanc pour la gauche et rouge pour la droite). Con­necteurs jacks 6,35 avec moins de risque d’arrachement acci­den­tel et XLR, le seul sys­tème vrai­ment pro­fes­sion­nel et qui, idéale­ment, est symétrique lorsque l’on a besoin d’une grande longueur de câble entre la con­sole et les enceintes.
Dans une liaison symétrique, le signal passe dans deux des conducteurs du câble en opposition de phase. À l’arrivée, les deux signaux sont remis en phase et combinés. Si un bruit causé par une interférence sur le câble apparait, il est automatiquement supprimé, car il est en opposition de phase sur les deux fils. Cela permet de grandes longueurs de câble et c’est donc la liaison idéale entre la console de mixage et des haut-parleurs amplifiés qui peuvent être assez loin dans la salle.
Dans une liai­son symétrique, le sig­nal passe dans deux des con­duc­teurs du câble en oppo­si­tion de phase. À l’arrivée, les deux sig­naux sont remis en phase et com­binés. Si un bruit causé par une inter­férence sur le câble appa­rait, il est automa­tique­ment sup­primé, car il est en oppo­si­tion de phase sur les deux fils. Cela per­met de grandes longueurs de câble et c’est donc la liai­son idéale entre la con­sole de mix­age et des haut-par­leurs ampli­fiés qui peu­vent être assez loin dans la salle.

La puissance des enceintes

Une règle empirique pour­rait être de mul­ti­pli­er les W par 10 par le nom­bre de danseurs. Ain­si, 100 danseurs 1000W ; 300 danseurs 3000W et 10 danseurs… 100W 😉 On musi­calise générale­ment le tan­go à moins de 85 dB et il n’y a pas de graves puis­sants, deman­deurs de puis­sance. Cette base empirique peut donc suf­fire.

2 enceintes de 1000 à 2000 W peu­vent donc être l’équipement de base d’un organ­isa­teur ou d’un DJ itinérant.

Pour une instal­la­tion en fixe, il est préférable d’optimiser les paramètres en fonc­tion de la salle. C’est un tout autre domaine qui demande d’étudier beau­coup de paramètres et qui ne peut se résoudre sim­ple­ment par la seule sonori­sa­tion.

Tester le son dans la salle

Pour véri­fi­er que le posi­tion­nement des enceintes est cor­rect, que l’égalisation est bien effec­tuée (com­pen­sa­tion des modes pro­pres de la salle), il y a plusieurs étapes, plutôt sim­ples.

Vérifier le signal gauche droite.

  • En tan­go, comme on dif­fuse générale­ment en qua­si-mono, ce n’est pas déter­mi­nant, sauf si on a plus que deux haut-par­leurs pour véri­fi­er que les groupes sont cohérents. Cela per­met aus­si de véri­fi­er qu’un côté n’est pas plus fort que l’autre. Pour cela, on peut envoy­er un sig­nal alter­na­tive­ment à gauche et à droite. Par exem­ple, un sig­nal de 1000 kHz. Si on souhaite que la gauche soit réelle­ment la gauche et la droite, la droite, on peut enreg­istr­er une piste qui annonce gauche/droite, mais encore une fois, en tan­go et pour la danse où on se déplace, ce n’est pas pri­mor­dial.

Vérifier l’absence de ventres et de nœuds à toutes les fréquences

  • Là, en revanche, c’est absol­u­ment essen­tiel si on est face à une sonori­sa­tion impro­visée. Les organ­isa­teurs n’aiment pas tou­jours que le DJ déplace les enceintes et bal­ance du bruit rose dans la salle, mais c’est le prix à pay­er pour une sonori­sa­tion de qual­ité. Dans une salle pro­fes­sion­nelle avec un sonorisa­teur, ces pré­cau­tions peu­vent être super­flues. Tous ces réglages ont été effec­tués en amont au mieux des capac­ités de la salle.
  • Pour effectuer cela, on envoie un bruit rose à un vol­ume per­ti­nent par rap­port à l’utilisation finale (par exem­ple 80 dB).
 Bruits rose et blanc, très utiles pour vérifier la qualité d’une installation de sonorisation.
Bruits rose et blanc, très utiles pour véri­fi­er la qual­ité d’une instal­la­tion de sonori­sa­tion.

On par­le dans le pub­lic, plus sou­vent de bruit blanc qui est un bruit de puis­sance équiv­a­lente à toutes les fréquences. Cepen­dant, pour la mesure d’une salle, il est préférable d’envoyer un bruit rose, car il pos­sède une énergie con­stante par octave. C’est-à-dire qu’il a 50 % d’énergie (3 dB) en moins à chaque dou­ble­ment de la fréquence.

L’utilisation du bruit rose a deux avan­tages :

  • Il suf­fit de véri­fi­er que le sig­nal est hor­i­zon­tal, sans pics ou creux pour véri­fi­er que toutes les fréquences sont bien représen­tées dans la salle.
  • Du fait des pro­priétés de l’oreille, il donne à l’écoute la sen­sa­tion d’une inten­sité sem­blable à toutes les fréquences.
Même sans équipement sophistiqué, on peut, avec une simple application sur un téléphone, avoir une représentation du profil de la musique en cours. Même si le téléphone n’est pas hyper précis, il est suffisant pour la musique de tango qui se trouve dans la plage de fréquence où le microphone du téléphone donne de bons résultats.
Même sans équipement sophis­tiqué, on peut, avec une sim­ple appli­ca­tion sur un télé­phone, avoir une représen­ta­tion du pro­fil de la musique en cours. Même si le télé­phone n’est pas hyper pré­cis, il est suff­isant pour la musique de tan­go qui se trou­ve dans la plage de fréquence où le micro­phone du télé­phone donne de bons résul­tats.
  • En blanc, les fréquences émis­es à un instant T. Cette ligne évolue donc rapi­de­ment.
  • En jaune, le canal gauche et en vert, le droit avec une iner­tie. C’est-à-dire que, si le son s’arrête, les lignes jaune et verte descen­dent pro­gres­sive­ment vers le bas.
  • Le fond bleu cor­re­spond aux max­i­ma ren­con­trés. Par exem­ple, on remar­que qu’il y a eu un pic à 800 Hz ici.

Si on utilise cette appli­ca­tion pour mesur­er le bruit rose, on doit avoir un résul­tat aus­si plat que pos­si­ble. Pour y arriv­er, il fau­dra éventuelle­ment chang­er la place des haut-par­leurs et agir sur l’égaliseur graphique en mon­tant ou bais­sant les curseurs des fréquences défectueuses. Par exem­ple, dans cette illus­tra­tion (qui n’est pas une mesure de bruit rose), on bais­serait le curseur des 800 Hz sur l’égaliseur graphique.

On se déplace dans la salle pour véri­fi­er que la courbe est bien plate dans tous les emplace­ments. On véri­fie aus­si que le niveau sonore est homogène. Une dif­férence de 12 dB est à mon avis accept­able entre les zones les plus fortes et les plus faibles de la piste de danse. L’idéal est bien sûr de rester dans la lim­ite de 3 dB, mais c’est presque impos­si­ble à réalis­er. Je ne m’occupe pas du vol­ume sonore hors de la piste, pour deux raisons. La pre­mière est qu’il est générale­ment plus faible que sur la piste et que les danseurs sont a pri­ori sur la piste. Si on cherche à aug­menter le vol­ume près des murs pour les per­son­nes aux tables, on va aug­menter la réver­béra­tion et nuire à la qual­ité de la musique sur la piste.

Une autre mesure que j’adore faire est de dif­fuser un sig­nal pas­sant de 10 Hz à 20 kHz, voire d’un dou­ble sig­nal avec un son en sens con­traire. Quand la salle est par­faite­ment réglée, la courbe résul­tante est par­faite­ment hor­i­zon­tale.

Bien sûr, ces mesures sont dif­fi­ciles à faire quand il y a du pub­lic dans la salle, car ces « bruits » peu­vent déranger. C’est pour cela que les organ­isa­teurs sont bien avisés quand ils respectent les pos­si­bil­ités de bal­ance pour les DJ égale­ment. Sou­vent, seuls les orchestres peu­vent en béné­fici­er et ceux-ci font plutôt des répéti­tions que des bal­ances, ce qui fait que le DJ n’a que rarement 5 min­utes pour faire ses réglages.

Faut-il une conclusion ?

J’ai bien con­science que c’est grotesque d’évoquer l’acoustique et la sonori­sa­tion d’une façon aus­si sim­pliste. C’est un méti­er à part entière et il n’est pas ques­tion que les organ­isa­teurs et les DJ se for­ment à cette dis­ci­pline. Cepen­dant, ces quelques con­seils pour­raient amélior­er les choses en don­nant aux danseurs une expéri­ence plus agréable pour leurs oreilles et pour con­clure, je rap­pellerai qu’il est ques­tion d’une chaîne et que, donc, tous les mail­lons doivent être à la hau­teur.

Il y a aus­si l’ambiance qui joue. Je prendrai l’exemple de la cig­a­rette. Comme non-fumeur, je suis très dérangé par la moin­dre odeur de cig­a­rette, même à plusieurs mètres dans la rue. Pour­tant, quand il s’agit d’une activ­ité pas­sion, comme le DJing ou la danse, on est beau­coup moins dérangé. C’était en ren­trant à la mai­son ou l’hôtel que l’on se rendait compte que les vête­ments empes­taient le tabac. Cepen­dant, à Buenos Aires, l’interdiction de fumer en milon­ga, qui date de 2006 n’expose plus à cet incon­vénient et c’est un exem­ple à suiv­re.

Peut-on éviter que meure le tango ?

Peut-on éviter que meure le tango ?

Le paradoxe du tango à Buenos Aires ; héritage mondial et abandon local

Le point de départ de mon arti­cle est une pub­li­ca­tion de Chris­t­ian Mar­tinez, qui est un organ­isa­teur de tan­go con­tem­po­rain. Le para­doxe du tan­go à Buenos Aires ; héritage mon­di­al et aban­don local.

Je ne pro­pose pas une lec­ture ou une analyse détail­lée de cet arti­cle. Je l’utilise juste comme pré­texte pour don­ner quelques pistes pour que ne meure pas notre tan­go.

Faut-il évoluer pour être un patrimoine de l’humanité ?

Chris­t­ian Martínez regrette que la poli­tique cul­turelle argen­tine n’appuie pas la créa­tion dans le domaine du tan­go. Il par­le d’absence de finance­ment et on ne peut que le suiv­re quand on con­state qu’avec le gou­verne­ment actuel, tout ce qui est cul­turel ne va plus être sub­ven­tion­né. Rap­pelons tout de même que cer­taines milon­gas sont aidées par la Ville de Buenos Aires, notam­ment pour financer des presta­tions d’orchestres.

Il émet la thèse que les finance­ments per­me­t­tent de soutenir la créa­tion artis­tique, indis­pens­able à la survie du tan­go, tout du moins, de son tan­go, un tan­go con­tem­po­rain et en recherche d’un autre souf­fle.

Dans son arti­cle, il prend l’exemple du chamamé, une musique et une danse cen­trées sur la province de Cor­ri­entes et que les Européens dansent en milon­ga… Il rap­pelle que le chamamé vient de sor­tir du champ du pat­ri­moine cul­turel immatériel de l’Unesco, pour n’être pas suff­isam­ment nova­teur, pas assez var­ié.

Qui a fait même un très court séjour dans la Province de Cor­ri­entes aura enten­du du chamamé à longueur de journée. Le fait qu’il ne soit pas devenu un élé­ment pour touriste et au con­traire, qu’il rem­plisse l’âme des Cor­renti­nos devrait, à mon avis, ren­forcer son titre de pat­ri­moine.

Cela est inquié­tant pour le tan­go, car, si ce critère pré­domine, ce sera une accéléra­tion de la dénat­u­ra­tion de ce pat­ri­moine, la recherche d’originalité et de nou­veauté au détri­ment de la nature pro­fonde du tan­go.

Ce titre serait alors plutôt une pierre tombale, tout comme le sont en France les appel­la­tions con­trôlées de fro­mages où on oblige à indus­tri­alis­er les procédés de fab­ri­ca­tion pour uni­formiser le goût d’un pro­duc­teur à l’autre. C’est le principe de Mac Don­ald ; un ham­burg­er doit avoir le même goût à New York, Paris, Rome ou Tokyo. Le chamamé et bien­tôt le tan­go doivent se fon­dre dans cette cul­ture de masse mon­di­ale pour être recon­nus comme pat­ri­moine cul­turel.

Éléments sur la situation du tango à Buenos Aires et ailleurs

Pour par­ler d’argent, À Buenos Aires, chaque musi­cien d’un orchestre de tan­go est payé autour de 50 000 pesos (moins de 50 €/$) par presta­tion, tout comme le DJ, mais ce dernier assure plus d’heures…

Pour les danseurs, le prob­lème est surtout l’inflation qui fait que les prix explosent. Les milon­gas coû­tent désor­mais entre 5 000 et 10 000 pesos plus 3 000 pesos pour une bois­son, qua­si oblig­a­toire, ce qui rejoint les prix européens. Mal­heureuse­ment, les revenus men­su­els, notam­ment chez les retraités qui sont une part impor­tante des milongueros portègnes, tour­nent autour de 600 000 pesos, voire la moitié dans bien des cas.
Le résul­tat est que les Portègnes ne dansent plus qu’une ou deux fois par semaine là où ils dan­saient tous les jours.

Les organ­isa­teurs cherchent à bouch­er les trous en atti­rant les touristes, tan­das de trois, orchestres qui n’étaient pas joués aupar­a­vant comme Sas­sone. Ces manœu­vres éloignent encore plus les milongueros. Les étrangers en vien­nent à danser entre eux ou avec des taxis dancers (sans le savoir dans la plu­part des cas, car il y a 2 à 10 % de taxis dancers payés par les organ­isa­teurs). Rap­pelons que leur « paye » peut être l’entrée gra­tu­ite et une bois­son. Comme l’évoquent les paroles écrites par Car­los Lucero pour Bailarín de con­traseña inter­prété par Ángel D’Agostino et Ángel Var­gas, on trou­ve des expé­di­ents pour pou­voir danser…

Curieuse­ment, les entrées gra­tu­ites ou à prix réduit pour les habitués (lire les Autochtones) sont décriées par les touristes comme étant de la dis­crim­i­na­tion. Mais c’est pour­tant une mesure qui peut sauver les milon­gas en y con­ser­vant quelques véri­ta­bles danseurs portègnes et éviter que les milon­gas soient toutes des Dis­ney­lands où des touristes vien­nent voir bouger en savourant un café, une coupe de « cham­pagne » et des médi­alu­nas, des sim­u­lacres de tan­go pra­tiqués par des débu­tants et des touristes.

Le tan­go de danse est un art pop­u­laire, qui a ses sources dans l’âme du peu­ple. Il a été forgé essen­tielle­ment en Argen­tine. Les intel­lectuels qui théorisent ce diver­tisse­ment le ren­dent sou­vent insipi­de.

Reste à par­ler du rôle du DJ (et des organ­isa­teurs). Le partage entre faire du vul­gaire pour attir­er les mass­es et faire de la qual­ité pour con­serv­er les danseurs qui s’intéressent à la musique n’est pas si facile, du moins en apparence.

En effet, on se rend rapi­de­ment compte que les bons tan­gos de danse de l’âge d’or sont suff­isants pour don­ner du plaisir aux danseurs étrangers et qu’ils n’ont pas besoin de retrou­ver les titres médiocres (ou mal agencés) qu’ils peu­vent avoir chez eux. Sinon, pourquoi faire plusieurs mil­liers de kilo­mètres pour retrou­ver la même bouil­lie qu’à la mai­son ?

Il est donc essen­tiel que le DJ et l’organisateur fassent fonc­tion­ner un bon pat­ri­moine. Cela n’exclut pas les orchestres con­tem­po­rains, même si la majorité d’entre eux sont des clones des orchestres de l’âge d’or. Un bon orchestre en vivo fait venir du monde, de même qu’un bon DJ rem­plit les milon­gas portègnes.

Les milon­gas qui sont rem­plies au for­ceps (accords avec des voy­ag­istes, par exem­ple), sont à moyen terme con­damnées. Les danseurs ne trou­vent pas de table libre et la piste est encom­brée par des touristes, sac à main en ban­doulière, qui ges­tic­u­lent comme des déments. Les bons danseurs ne vien­nent plus ou alors ne s’intéressent qu’aux belles étrangères qui peu­vent leur apporter un espoir d’émigration. Du coup, les danseuses portègnes ne vien­nent plus et seule la per­fu­sion des entrées des touristes per­met de faire fonc­tion­ner ce mécan­isme à vide.

Le raison­nement pour­rait être le même pour les milon­gas hors de Buenos Aires, mais peut-être avec la rai­son sup­plé­men­taire que pour cer­tains organ­isa­teurs, le but unique est de gag­n­er de l’argent. Cela n’est pas un mal en soi, c’est un méti­er comme un autre. En revanche, cela devient néfaste quand la volon­té de lucre en vient à dimin­uer la qual­ité de l’événement en offrant des presta­tions médiocres, voire franche­ment nulles.

Par­fois, c’est une ques­tion de choix. On dépense beau­coup pour un orchestre de 10 musi­ciens et on met des DJ locaux avec des playlists médiocres pour occu­per la majorité des créneaux de danse. Si l’orchestre est excep­tion­nel, cela peut pass­er, mais sou­vent, les économies se font aus­si sur l’orchestre et là, c’est au DJ de sauver l’événement. S’il ne peut pas le faire, cela fait d’autres danseurs qui vont s’éloigner de cet événe­ment, puis, à force de retrou­ver le prob­lème, même en se déplaçant par­fois très loin, c’est le tan­go qu’ils aban­don­nent.

Pour éviter cela, il reste (ou restait ?), Buenos Aires. Il est donc impor­tant que la com­mu­nauté portègne prenne en charge son héritage et le val­orise et arrête de som­br­er dans des con­ces­sions au tourisme pour rede­venir un généra­teur, un régénéra­teur du tan­go à l’échelle mon­di­ale.

Il y a ici d’immenses pro­fes­sion­nels et c’est désolant de voir comme ils peu­vent être noyés dans une médi­ocrité crois­sante qui tend à devenir la norme.

Le tan­go se mérite. Il demande beau­coup d’efforts pour le com­pren­dre, l’aimer, le servir, l’adorer. Je crois qu’il faudrait donc veiller à soutenir la flamme de ceux qui veu­lent décou­vrir cet univers. Mal­heureuse­ment, on leur pro­pose surtout des douch­es froides, des événe­ments tristes, com­passés, asep­tisés, ennuyeux et par-dessus tout pré­ten­tieux, comme ces grands fes­ti­vals financés par une col­lec­tiv­ité com­plaisante et qui peu­vent sur­vivre par ce moyen, même sans jamais avoir en pri­or­ité le plaisir des danseurs.

Heureuse­ment, il y a des événe­ments qui redonnent du bon­heur et de l’envie et, bien sûr, plusieurs milon­gas portègnes, même si les pro­por­tions bais­sent.

Alors, tous ensem­ble, dans ce monde dés­espérant sur bien trop de plans, essayons de nous forg­er un petit par­adis de tan­go.

Que les danseurs appren­nent à écouter la musique pour ne plus se con­tenter de bruits médiocres, pro­posés dans n’importe quel ordre ou tou­jours dans la même organ­i­sa­tion, celle de la playlist récupérée.

Que les DJ appren­nent à étudi­er la piste de danse, à mar­quer de l’empathie pour les danseurs et qu’ils enrichissent leurs con­nais­sances pour sauve­g­arder l’héritage, mais en le gar­dant vivant.

Il serait bien aus­si que tous les pro­fesseurs enseignent le tan­go comme une danse sociale, appuyée sur une musique dédiée et dans le respect de l’harmonie du bal.

Enfin, le som­met serait que les organ­isa­teurs veil­lent au con­fort des danseurs avec, notam­ment de bons inter­venants, une sonori­sa­tion de qual­ité, un planch­er sat­is­faisant et un accueil chaleureux, voire ami­cal, pour que chaque danseur se sente comme mem­bre de la grande famille du tan­go.

Nous avons du boulot, mais le tan­go le mérite…

Vous aurez sans doute reconnu dans la photo de couverture, une évocation du merveilleux film de Fritz Lang, Metropolis. Mais peut-être ne savez-vous pas que, si on peut voir aujourd'hui ce film en entier, c'est grâce à l'Argentine qui avait conservé une version complète (au format 16 mm) contenant les 25 minutes que l’on croyait perdues. Aujourd'hui, on peut voir ce chef-d'œuvre absolu du cinéma en entier.

Informations sur la musique numérique

Comme annon­cé dans l’article sur la musique trichée, voici quelques élé­ments d’explication pour aider ceux qui ne sont pas au fait de la musique sous forme numérique.
Nous abor­derons la chaîne musi­cale analogique et com­ment on la con­ver­tit en musique numérique. Des élé­ments sur les for­mats de com­pres­sion et les capac­ités réelles des for­mats numériques seront égale­ment don­nés. C’est un peu tech­nique, mais il y a quelques idées reçues qu’il me sem­blait utile de revoir.

La musique est un phénomène analogique

La musique est une forme par­ti­c­ulière de sons qui se dis­tingue du bruit par une cer­taine forme d’organisation. J’en par­le dans mes cours de musi­cal­ité et je ne souhaite pas radot­er.
Ces sons sont donc des vibra­tions, plus ou moins har­monieuses, qui parvi­en­nent à nos oreilles, voire au corps, en entier, notam­ment pour les bass­es fréquences.

Fréquence d’un son

On représente l’onde sonore par une courbe sinu­soïde pour un son réguli­er (une fréquence pure). Si la courbe s’alterne 2000 fois par sec­onde, on par­le de fréquence de 2000 Hz.

Le Hertz est l’unité de mesure de la fréquence.

À gauche, les infrasons et à droite, les ultrasons sont les fréquences que ne capte pas l'oreille humaine.
À gauche, les infra­sons et à droite, les ultra­sons sont les fréquences que ne capte pas l’or­eille humaine.

Une bonne oreille humaine est réputée pou­voir enten­dre des fréquences com­pris­es entre 20 Hz (20 vibra­tions par sec­onde) et 20 kHz (20 000 vibra­tions par sec­onde).
Pour les fréquences plus graves, les infra­sons, le corps peut les ressen­tir (trem­ble­ments de terre, par exem­ple). Pour les plus aigus, les ultra­sons, pas de chance, c’est le domaine des chauves-souris et des chiens.
On notera qu’au fur et à mesure que les cils de la cochlée dis­parais­sent, la sen­si­bil­ité de l’oreille baisse, notam­ment pour les plus hautes fréquences.

Volume d’un son

L’autre élé­ment impor­tant pour décrire un son, c’est son vol­ume. C’est-à-dire l’amplitude des ondes qui parvi­en­nent à nos sens.

L'onde sonore parvient à l'oreille comme une succession de vibrations. Plus elles sont amples et plus le son est fort.
L’onde sonore parvient à l’or­eille comme une suc­ces­sion de vibra­tions. Plus elles sont amples et plus le son est fort.

Si les ampli­tudes sont trop faibles, l’oreille n’est pas capa­ble de les détecter. Si elles sont trop fortes, des dom­mages irréversibles aux oreilles peu­vent advenir.
Le déci­bel (dB) est l’unité de mesure du vol­ume sonore. On par­le de pres­sion acous­tique.
Pour évo­quer le niveau sonore pour la dif­fu­sion de la musique, il y a plusieurs paramètres à pren­dre en compte et notam­ment la durée du son fort. J’y con­sacr­erai un autre arti­cle… Pour l’instant, il importe de se sou­venir qu’un son supérieur à 120 dB (seuil de la douleur) provoque des dom­mages irréversibles et qu’au-dessus de 85 dB, il con­vient de lim­iter le temps d’exposition.
Un dernier point, la pres­sion sonore dou­ble tous les 3 dB. Ain­si, un son de 85 dB est deux fois plus fort qu’un son de 82 dB.

Principe d’une chaîne musicale analogique

Je ne par­ti­rai pas de l’enregistrement que nous avons déjà évo­qué, seule­ment de la repro­duc­tion.
Les sup­ports prin­ci­paux de l’enregistrement analogique pour la musique sont le disque et la bande mag­né­tique. Pour le disque, ce sont les ondu­la­tions du sil­lon qui sont trans­for­mées en onde sonore.

Pointe de lecture (en saphir ou diamant industriel) dans un sillon de microsillon. À droite, l'image représente environ 0,3 mm de large. Les aspérités du bord du disque sont les bords du chemin. Les différences de profondeur servent à coder un second canal (stéréo).
Pointe de lec­ture (en saphir ou dia­mant indus­triel) dans un sil­lon de microsil­lon. À droite, l’im­age représente env­i­ron 0,3 mm de large. Les aspérités du bord du disque sont les bor­ds du chemin. Les dif­férences de pro­fondeur ser­vent à coder un sec­ond canal (stéréo).

Dans les pre­miers sys­tèmes, un grand pavil­lon ten­tait de dif­fuser le bruit de l’aiguille dans les sil­lons du disque. Les sys­tèmes élec­triques, en ampli­fi­ant ce sig­nal, ont per­mis de sonoris­er plus con­fort­able­ment n’importe quel espace.
La pointe de lec­ture, une aigu­ille pour les dis­ques 78 tours, puis un dia­mant pour les microsil­lons subit les ondu­la­tions du sil­lon et les trans­met à un dis­posi­tif élec­tro­mag­né­tique qui détecte les vibra­tions pour mod­uler un courant élec­trique.

Un schéma simplifié du principe de fonctionnement d'une cellule platine disque vinyle (stéréo). La pointe de lecture (diamant) fait se déplacer le cantilever relié à un pivot. Ce pivot porte deux aimants dont les déplacements sont détectés par 4 entrefers reliés chacun à une bobine. Le courant circulant dans les bobines est modulé en fonction des mouvements des aimants. Ce signal électrique est transmis par 4 fils au système de décodage et préamplification afin de restituer le signal sonore stéréo.
Un sché­ma sim­pli­fié du principe de fonc­tion­nement d’une cel­lule pla­tine disque vinyle (stéréo). La pointe de lec­ture (dia­mant) fait se déplac­er le can­tilever relié à un piv­ot. Ce piv­ot porte deux aimants dont les déplace­ments sont détec­tés par 4 entre­fers reliés cha­cun à une bobine. Le courant cir­cu­lant dans les bobines est mod­ulé en fonc­tion des mou­ve­ments des aimants. Ce sig­nal élec­trique est trans­mis par 4 fils au sys­tème de décodage et préam­pli­fi­ca­tion afin de restituer le sig­nal sonore stéréo.

Il existe des sys­tèmes dif­férents (bobine mobile, par exem­ple) dont vous trou­verez une ver­sion très sim­pli­fiée ici… Sim­pli­fiée, car il y a une seule bobine au lieu des dif­férentes bobines de détec­tion des mou­ve­ments hor­i­zon­taux et ver­ti­caux, indis­pens­ables pour la stéréo. Le mou­ve­ment hor­i­zon­tal donne le sig­nal du canal gauche et le change­ment de pro­fondeur per­met de déduire le canal de droite (gauche [H] moins ver­ti­cal).

Ce qui est impor­tant à tenir en compte, c’est que le sig­nal dans les sys­tèmes analogiques est tou­jours sous forme de vari­a­tion d’onde. C’est un phénomène con­tinu. La pointe de lec­ture de la pla­tine tourne-dis­ques se déplace par vibra­tions. Ces vibra­tions sont trans­mis­es sous forme de vari­a­tion de poten­tiel élec­trique par la cel­lule. Ces vari­a­tions sont ampli­fiées par l’amplificateur analogique, qui envoie un sig­nal élec­trique plus fort aux enceintes dont les bobines des haut-par­leurs vont se déplac­er en fonc­tion de ce qu’elles reçoivent. Par exem­ple, quand l’onde est à son max­i­mum, la bobine va pouss­er la mem­brane du haut-par­leur vers l’avant et quand l’onde est à son max­i­mum, la bobine va vers l’arrière. Le mou­ve­ment de la mem­brane du haut-par­leur, sol­idaire de la bobine, va pouss­er l’air pour le met­tre en mou­ve­ment, ce qui va pro­duire dans notre oreille une sen­sa­tion de son.

Schéma d'un haut-parleur (découpé). Lorsque la bobine se déplace, elle entraîne avec elle la membrane (cône et dôme anti-poussière). Le mouvement est transmis à l'air ambiant et le son peut se propager jusqu’aux oreilles des auditeurs.
Sché­ma d’un haut-par­leur (découpé). Lorsque la bobine se déplace, elle entraîne avec elle la mem­brane (cône et dôme anti-pous­sière). Le mou­ve­ment est trans­mis à l’air ambiant et le son peut se propager jusqu’aux oreilles des audi­teurs.

Une petite mise en garde. Si on utilise deux haut-par­leurs, il faut veiller à les branch­er dans le même sens pour éviter qu’un aille vers l’avant pen­dant que l’autre va vers l’arrière. Les ondes pro­duites par les haut-par­leurs tendraient à s’annuler, le max­i­mum de l’un cor­re­spon­dant au min­i­mum de l’autre. Voir un court topo sur la ques­tion. On utilise d’ailleurs ce phénomène pour les casques à réduc­tion dynamique de bruit, mais c’est une autre his­toire…

Le cas du magnétique

En plus des procédés pure­ment mécaniques ou élec­tromé­caniques, des procédés de stock­age mag­né­tiques ont été inven­tés. Dans les ban­des mag­né­tiques analogiques, la mag­néti­sa­tion de la bande est plus ou moins forte. Ces vari­a­tions, comme celle de la pointe de lec­ture, peu­vent être ampli­fiées et envoyées dans le sys­tème de dif­fu­sion sonore. Nous ver­rons, toute­fois, que la bande mag­né­tique a survécu à l’ère analogique pour rejoin­dre l’ère numérique que nous allons évo­quer main­tenant.

L’arrivée du numérique

Le sig­nal analogique est très sim­ple à gér­er. Il suf­fit de respecter les car­ac­téris­tiques du sig­nal élec­trique, le plus fidèle­ment pos­si­ble, de la pointe de lec­ture de la pla­tine, jusqu’à la bobine du haut-par­leur.
Le numérique exploite un autre principe. On mesure les car­ac­téris­tiques d’un son à un moment don­né. On mesure notam­ment son ampli­tude et ses fréquences (j’écris « ses » fréquences, car les sons musi­caux sont des mélanges var­iés de fréquences et pas une onde sinu­soï­dale pure).

La courbe de fréquence est ici le résultat de la superposition de toutes les fréquences de la musique.
La courbe de fréquence est ici le résul­tat de la super­po­si­tion de toutes les fréquences de la musique.

Cette mesure s’effectue à un moment don­né. Les infor­ma­tions peu­vent être retran­scrites sous forme numérique, puisqu’on les a mesurées. On recom­mence une frac­tion de sec­onde plus tard et ain­si de suite pour toute la durée de la musique. 
Cette opéra­tion qui con­siste à divis­er la musique en tranch­es s’appelle la quan­tifi­ca­tion.

En gris, la courbe de la musique. La ligne brisée en escaliers représente le signal numérique.
En gris, la courbe de la musique. La ligne brisée en escaliers représente le sig­nal numérique.

Pour bien com­pren­dre, regardez l’espace entre les deux lignes rouges ver­ti­cales. C’est un instant de la musique. La ligne verte hor­i­zon­tale dans la colonne rose indique la fréquence iden­ti­fiée par la numéri­sa­tion. On se rend compte, toute­fois, que la courbe analogique (en gris) est ascen­dante durant le temps de cette quan­tifi­ca­tion.
Il y aura donc une moyenne et pas une valeur exacte.
Lors de la resti­tu­tion, on effectue l’opération inverse. On repro­duit la fréquence enreg­istrée et on extra­pole l’évolution jusqu’à la valeur suiv­ante (ici, le palier vert à droite de la zone rose).

L'aspect d'une "courbe" numérisée à différents niveaux d'échelle. On se rend compte que, dans la capture d'écran du bas, on voit les « points », les valeurs mesurées.
L’aspect d’une “courbe” numérisée à dif­férents niveaux d’échelle. On se rend compte que, dans la cap­ture d’écran du bas, on voit les « points », les valeurs mesurées.

On pour­rait penser que ces escaliers déna­tureront la musique. Cela peut être le cas, mais pour éviter cela, on mul­ti­plie les mesures. Pour les CD, c’est 44 100 fois par sec­onde. Pour les DVD 48 000 fois par sec­onde. C’est la fréquence d’échantillonnage.
Ces échan­til­lons rap­prochés per­me­t­tent de repro­duire des sons jusqu’à une fréquence sen­si­ble­ment égale à la moitié de cette fréquence d’échantillonnage, soit 22 kHz et 24 kHz, des valeurs supérieures aux capac­ités des oreilles humaines.

Le stockage de l’information de volume

La quan­tifi­ca­tion, ce qui n’apparaît pas dans mon graphique précé­dent, mesure aus­si le vol­ume de la musique. C’est essen­tiel, car les nuances sont un élé­ment majeur de la musique, enfin, de la plu­part des musiques…

Le volume de l’information à stocker

On a donc dans chaque case, pour chaque mesure, de nom­breuses infor­ma­tions. Pour les stock­er, il fal­lait de nou­veaux types de sup­ports. Le CD est le sup­port qui a per­mis la général­i­sa­tion de la musique numérique. Les stu­dios d’enregistrement numériques util­i­saient eux des mag­né­to­phones mul­ti­p­istes à bande, mais c’est un autre domaine.
Ce sup­port reçoit de la musique échan­til­lon­née à 44,1 kHz et sur 16 bits. C’est-à-dire que chaque mesure peut être codée avec 65,536 valeurs dif­férentes.
Cela per­met de stock­er des fréquences de 20 à 20 kHz et des écarts de dynamique de 90 dB.
Ces valeurs sont suff­isantes pour attein­dre les per­for­mances des meilleures oreilles humaines, tout en offrant un rap­port signal/bruit incroy­able pour l’époque (même si dans le domaine de l’enregistrement numérique, le Dol­by fai­sait des mir­a­cles en étant dans la même gamme de rap­port signal/bruit…).
Il y avait tout de même un point noir pour les util­isa­teurs lamb­das. Il n’y avait pas de sys­tème d’enregistrement grand pub­lic per­me­t­tant de manip­uler facile­ment ces énormes quan­tités d’informations.
Des enreg­istreurs de CD sont bien apparus, mais ils étaient lents et moyen­nement fiables. Les enreg­istreurs DAT étaient vrai­ment chers. Ils util­i­saient des ban­des mag­né­tiques, ce qui per­me­t­tait de faciliter les opéra­tions d’enregistrements, mais en lec­ture et avec un accès séquen­tiel (il faut faire défil­er la bande jusqu’au point qui nous intéresse, comme avec les cas­settes Philips).
Peu de temps après, le Mini­Disc résolvait ces deux prob­lèmes. Il avait la facil­ité d’usage pour l’enregistrement d’un mag­né­to­phone à cas­settes, mais son accès aléa­toire per­me­t­tait un accès instan­ta­né et indexé à la musique présente sur le Mini­Disc.
Dans mon cas, cela a été mon sup­port favori pour numéris­er les dis­ques Shel­lac. Augus­to, un DJ parisien orig­i­naire de Bar­iloche, l’utilisait égale­ment en milon­ga.

L’informatique musicale

Aujourd’hui, la qua­si-total­ité des DJ utilisent un ordi­na­teur. J’ai, je pense, été un des pre­miers à le faire, tout d’abord avec un ordi­na­teur tour qu’il fal­lait trib­aller avec son écran, écran qui, même en 15 pouces, était lourd et encom­brant.
Je rêvais donc d’un ordi­na­teur portable, mais dans les années 90, c’était coû­teux et les dis­ques durs étaient très petits. Un disque dur de 40 Mo per­me­t­tait de stock­er un seul tan­go au for­mat WAV… J’avais un disque dur SCSI de 160 Mo (un mon­stre pour l’époque), mais cela était bien sûr trop lim­ité. C’est alors que je suis passé au MP3 à 128 ou 192 kbit/s, ce qui per­me­t­tait de stock­er 10 fois plus de musique. J’ai alors investi dans un lecteur Syquest et une flopée de dis­ques de 88 Mo et dans mon pre­mier ordi­na­teur portable. Un truc avec un écran mono­chrome, mais offert avec une souris « Colani » et une cal­cu­la­trice du même design­er…

Mon premier ordinateur portable et un lecteur Syquest avec des cartouches de 88 Mo. L’ordinateur avait un processeur 486DX2 à 66 MHz, 8 Mo de RAM et 540 Mo de disque dur. Je ne sais pas où est passé cet ordinateur, mais il me reste encore des Syquests avec des cartouches de 88 Mo et de 200 Mo. En recherchant une photo de l’ordinateur sur Internet, j’ai même retrouvé ses caractéristiques.
Mon pre­mier ordi­na­teur portable et un lecteur Syquest avec des car­touch­es de 88 Mo. L’ordinateur avait un processeur 486DX2 à 66 MHz, 8 Mo de RAM et 540 Mo de disque dur. Je ne sais pas où est passé cet ordi­na­teur, mais il me reste encore des Syquests avec des car­touch­es de 88 Mo et de 200 Mo. En recher­chant une pho­to de l’ordinateur sur Inter­net, j’ai même retrou­vé ses car­ac­téris­tiques.

Le sys­tème deve­nait viable et, vers 2000, j’ai inau­guré ce portable et les Syquests avec Winamp, un logi­ciel qui per­me­t­tait égale­ment de chang­er la vitesse de la musique. Roy­al, non ? Un disque de 1 Go en interne quelques années plus tard m’a per­mis d’avoir plus de musique avec moi. Aujourd’hui, je suis passé à 4 To…
Tout cela pour dire que le MP3, qui est un retrait par rap­port aux capac­ités du CD a été sal­va­teur pour utilis­er l’informatique en milon­ga.
Le MP3 devait égale­ment se dévelop­per à cause des faibles per­for­mances d’Internet de l’époque, même si j’avais Numéris, un sys­tème qui per­me­t­tait d’atteindre 64, voire 128 kbit/s en agrégeant deux canaux, mais en dou­blant aus­si le prix de la com­mu­ni­ca­tion…
Aujourd’hui, avec l’ADSL ou la fibre, on a oublié ce temps où il fal­lait des heures pour les trans­ferts et qu’ils étaient fac­turés à la minute…

Comment le MP3 a permis de réduire la taille des fichiers

Un tan­go au for­mat WAV, qual­ité CD, occupe env­i­ron 30 Mo. Un fichi­er MP3 à 128 kbit/s occupe env­i­ron 3 Mo, soit 10 fois moins que le fichi­er sans com­pres­sion.

Ce tableau présente la quantité d’information à stocker en fonction de ses caractéristiques (Fréquence d'échantillonnage et résolution). Encadré en rouge, le CD (piste mono). Il faut multiplier par deux pour un fichier stéréo (1411 kbit/s).
Ce tableau présente la quan­tité d’information à stock­er en fonc­tion de ses car­ac­téris­tiques (Fréquence d’échan­til­lon­nage et réso­lu­tion). Encadré en rouge, le CD (piste mono). Il faut mul­ti­pli­er par deux pour un fichi­er stéréo (1411 kbit/s).

Un fichi­er MP3 stéréo en qual­ité « CD », 44,1 kHz et 16 bits devrait faire égale­ment 30 Mo s’il n’avait pas de com­pres­sion. Un fichi­er audio stéréo au for­mat CD demande un débit de 1411 kbit/s. Le meilleur MP3 est lim­ité à 320 kbit/s. Il faut donc com­primer env­i­ron 4 fois le fichi­er pour le faire entr­er dans son for­mat.
Cela se fait en sup­p­ri­mant des don­nées estimées inutiles ou pas utiles. Sur une musique rel­a­tive­ment sim­ple, c’est réal­is­able, mais plus com­plexe pour de la musique plus riche.
Si on choisit un débit plus faible, par exem­ple 128 kbit/s, et que l’on a con­servé les valeurs ini­tiales de 44,1 kHz et 16 bits, il faut donc aug­menter très sen­si­ble­ment la com­pres­sion et là, les pertes com­men­cent à s’entendre, comme vous avez pu l’écouter dans mon arti­cle « Détecter la musique trichée ». https://dj-byc.com/detecter-la-musique-trichee/

Taille relative des boîtes à musique

Les "boîtes" bleues montre les capacités d'enregistrement, sans compression. À gauche, trois formats. le 78 tours, le 33 tours et le MP3 à 320 kbit/s.
Les “boîtes” bleues mon­tre les capac­ités d’en­reg­istrement, sans com­pres­sion. À gauche, trois for­mats. le 78 tours, le 33 tours et le MP3 à 320 kbit/s.

En haut à droite, le for­mat CD (44,1 kHz/16 bits). En dessous, le for­mat DVD et les for­mats Haute réso­lu­tion. Ces deux derniers for­mats per­me­t­tent d’enregistrer des gammes de fréquences bien au-delà du néces­saire et des dif­férences de niveaux sonores supérieures à ceux qui pour­raient se ren­con­tr­er sur terre. Ce sont donc des for­mats des­tinés à l’enregistrement pro­fes­sion­nel. Par exem­ple, si le vol­ume d’enregistrement a été trop faible, on pour­ra l’augmenter sans rajouter de bruit de fond, ce qui serait impos­si­ble avec un for­mat CD ou DVD.
On restera donc prob­a­ble­ment à des valeurs raisonnables pour ce qui est de la dif­fu­sion de la musique en con­ser­vant les valeurs du CD ou du DVD.
Pour vous enlever toute hési­ta­tion, je vous présente ce qu’occupent les for­mats tra­di­tion­nels (LP 33 tours et shel­lac 78 tours) en com­para­i­son de la boîte du CD.

Les trois contenants au format 44,1 kHz et 16 bits) et comment s'y logent trois formats. Le 78 tours, le 33 tours et le MP3 à sa plus haute qualité.
Les trois con­tenants au for­mat 44,1 kHz et 16 bits) et com­ment s’y logent trois for­mats. Le 78 tours, le 33 tours et le MP3 à sa plus haute qual­ité.

Je com­mencerai par le cas du MP3. La par­tie cen­trale est la taille du fichi­er. La par­tie qui l’entoure, en rose, c’est l’espace que va retrou­ver la musique après la décom­pres­sion. En théorie, on retrou­ve dans la musique décom­pressée, la même gamme de fréquences et la même dynamique que le CD. La dif­férence que l’on peut éventuelle­ment not­er dans de bonnes con­di­tions vient des arte­facts de com­pres­sion qui ont resti­tué des détails un peu dif­férents de ceux d’origine.
Dans les deux boîtes supérieures, j’ai placé le 78 tours et le 33 tours. On voit qu’il y a beau­coup de marge de manœu­vre. Les capac­ités du CD sont net­te­ment supérieures à celles de ces deux sup­ports.
Cer­tains pour­raient affirmer que le ren­du analogique est plus doux, meilleur ou je ne sais quoi, mais il s’agit plus d’un fan­tasme, notam­ment pour la musique his­torique du tan­go, qui n’a pas béné­fi­cié des tout derniers pro­grès du disque noir.
Le test est facile à faire. Placez un « mélo­mane » en écoute aveu­gle et deman­dez-lui s’il écoute la ver­sion CD ou la ver­sion shel­lac. Bien sûr, vous lui aurez offert le meilleur casque, ou une chaîne hi-fi haut de gamme pour être beau joueur.
S’il trou­ve à chaque fois sans se tromper, renou­velez le test dans une milon­ga avec une bonne sono. Si ce phénomène con­tin­ue de tou­jours dif­férenci­er le disque noir de sa copie numérique en qual­ité CD, c’est assuré­ment que votre trans­fert est de très mau­vaise qual­ité.
Dans ce cas j’ai un arti­cle pour vous aider, et éventuelle­ment un autre sur le net­toy­age des dis­ques

Vous aurez sans doute reconnu dans la photo de couverture, une évocation du merveilleux film de Fritz Lang, Metropolis. Mais peut-être ne savez-vous pas que, si on peut voir aujourd'hui ce film en entier, c'est grâce à l'Argentine qui avait conservé une version complète (au format 16 mm) contenant les 25 minutes que l’on croyait perdues. Aujourd'hui, on peut voir ce chef-d'œuvre absolu du cinéma en entier.
Vous aurez sans doute recon­nu dans la pho­to de cou­ver­ture, une évo­ca­tion du mer­veilleux film de Fritz Lang, Metrop­o­lis. Mais peut-être ne savez-vous pas que, si on peut voir aujour­d’hui ce film en entier, c’est grâce à l’Ar­gen­tine qui avait con­servé une ver­sion com­plète (au for­mat 16 mm) con­tenant les 25 min­utes que l’on croy­ait per­dues. Aujour­d’hui, on peut voir ce chef-d’œu­vre absolu du ciné­ma en entier.

Détecter la musique trichée

Pour les DJ de tango qui ne veulent pas se faire arnaquer

Nous avons déjà par­lé des tech­niques d’enregistrement depuis les orig­ines, mais aujourd’hui, je souhaite répon­dre à un ami DJ, Fred, qui m’a demandé com­ment recon­naître de la musique trichée. C’est-à-dire de la musique qui est ven­due comme étant de haute qual­ité, mais qui est de la musique ordi­naire dont on a changé l’étiquette.

Les pièces du procès

Fred m’a soumis trois fichiers qu’il a acquis auprès d’un édi­teur que je ne cit­erai pas, mais qui pré­tend fournir de la qual­ité 16 bits/44,1 kHz. Il est déçu de ses acqui­si­tions qui ne lui sem­blent pas cor­re­spon­dre à ce que devraient être ces fichiers.

Voici les trois fichiers qu’il m’a envoyés :

  • 14 No Te Aguan­to Mas (Instrumental).m4a
  • 06 — Orques­ta Típi­ca Osval­do Frese­do – Divagando.aif
  • 23 — Ricar­do Tan­turi — Recuerdo.aif

Pre­mière remar­que, les noms de fichiers ne sont pas stan­dard­is­és. Si on ouvre ces fichiers dans iTunes, on remar­que que les méta­don­nées ne sont pas toutes rem­plies.

On peut voir que les don­nées ne sont pas au top. Musiques du Monde au mieux de tan­go, une seule date d’enregistrement cor­recte. On remar­quera toute­fois que le débit indiqué est de 514 ou 1411 kbit/s, ce qui cor­re­spond à des for­mats haute déf­i­ni­tion.

Échantillon pas gratuit

Le principe de la musique numérique est de découper le sig­nal sonore analogique en tranch­es tem­porelles. À un moment don­né, on va quan­ti­fi­er le sig­nal et enreg­istr­er cela sous forme numérique. Puis, un peu plus tard, on va faire de même et ain­si de suite. On con­sid­ère pour que ce soit de bonne qual­ité, il faut le faire au moins 40 000 fois par sec­onde… Plus ont le fait sou­vent et plus on aura de pré­ci­sion en cap­tant les plus petits détails de change­ment de la musique. On con­sid­ère que l’oreille humaine pou­vant enten­dre des sons de 20 kHz (pas tout le monde…), il faut une fréquence d’échantillonnage du dou­ble pour restituer des aigus extrêmes qui, même si on ne les entend pas, influ­en­cent, ou influ­encerait, sur le tim­bre des instru­ments. Voyons ce qu’en dit l’éditeur dou­teux, repéré par Fred.

Le site de vente de musique épinglé par Fred se vante de fournir de la musique de bonne qual­ité, comme en témoigne ce dessin sur leur page. Le for­mat MP3 présente des escaliers, car le taux d’échan­til­lon­nage y serait faible.

Ce dessin fait par­tie de la tromperie de cet édi­teur. En effet, il est en par­tie faux.
En effet, il présente le MP3 à 320 kbit/s comme ayant des march­es d’escalier supérieures à celles du for­mat CD. C’est un men­songe. En effet, le MP3 per­met un échan­til­lon­nage à 44 kHz et donc, l’effet d’escalier sera exacte­ment le même. D’ailleurs, ils n’indiquent pas la fréquence d’échantillonnage en face du MP3, seule­ment en face du for­mat CD ou Hi-Res Audio.
Bien sûr, on peut échan­til­lon­ner du MP3 à des valeurs inférieures. Par exem­ple, à 22 kHz, les fichiers seront deux fois plus petits et la fréquence max­i­male repro­ductible sera 11 kHz.
On peut donc par­tir du principe que les MP3 à 320 kbit/s sont échan­til­lon­nés à 44 kHz et que la dif­férence de qual­ité vient d’ailleurs.
Il vient du fait que la com­pres­sion, qui per­met de réduire forte­ment la taille des fichiers, est destruc­tive. Le pro­gramme de com­pres­sion décide que cer­tains élé­ments sont peu impor­tants et les sup­prime. C’est exacte­ment comme pour les pho­tos en JPG. Si elles sont trop com­pressées, on obtient des arte­facts à la décom­pres­sion.

Les effets de la com­pres­sion exces­sive sur une image sont de même ordre que ceux sur un fichi­er de musique. La musique devient floue, pâteuse, sans détail, sans sub­til­ité.

Compression, décompression, ne vous mettez pas la pression

Les trois fichiers en ques­tion sont sous deux for­mats dif­férents, comme en témoignent les exten­sions de fichi­er. Mais cela ne suf­fit pas pour être sûr de ce que l’on a et pour deux raisons :

  • Le fichi­er peut avoir été enreg­istré à ce for­mat, mais à par­tir d’un for­mat de moin­dre qual­ité. Cela n’augmente pas la qual­ité de la musique. C’est donc une « arnaque ». Cepen­dant, si vous souhaitez retouch­er votre musique, vous devrez adopter un for­mat sans perte pour éviter qu’à chaque enreg­istrement la qual­ité du fichi­er baisse à cause d’une nou­velle com­pres­sion.
  • Cer­tains for­mats sont en fait des con­teneurs qui peu­vent recueil­lir dif­férents types de fichiers. Par exem­ple, le for­mat m4a de No te aguan­to más est un con­teneur qui peut con­tenir de la musique à un for­mat com­pressé (type mp3) ou haute qual­ité (type ALAC). L’extension m4a seule ne suf­fit donc pas à assur­er que l’on a un fichi­er de haute qual­ité, sans perte (Los­less). Dans iTunes, on remar­que un débit de 514 kbit/s et dans la colonne « Type », la men­tion Fichiers audio Apple Loss­less (ALAC), ce qui cor­re­spond bien à un for­mat de haute qual­ité.

La com­pres­sion con­siste à sup­primer des infor­ma­tions jugées peu utiles afin de réduire la taille du fichi­er. Cette dis­po­si­tion a fait le suc­cès du for­mat MP3 qui per­me­t­tait de ne pas sat­ur­er trop vite les petits dis­ques durs d’il y a quelques décen­nies et qui pou­vait s’adapter aux débits disponibles sur Inter­net.
Avec l’augmentation du débit Inter­net et l’augmentation de taille des dis­ques, le for­mat MP3 ne se jus­ti­fie plus vrai­ment, car il abime trop sen­si­ble­ment la musique.
On attend ENCODE qui serait un for­mat avec com­pres­sion de meilleure qual­ité grâce à l’intelligence arti­fi­cielle, mais, pour l’instant, il faut regarder du côté des for­mats sans com­pres­sion destruc­trice (WAV, AIFF, ALAC, FLAC…).

Il n’y a pas de petits profits

Les édi­teurs l’ont bien com­pris et pou­voir ressor­tir leurs vieux fichiers au for­mat MP3 en les « gon­flant » est une astuce qui per­met de ven­dre plus cher la même chose, sans que la qual­ité finale soit meilleure.
Si on veut être juste, pass­er un disque vinyle en CD ne fai­sait pas non plus aug­menter la qual­ité de la musique, n’en déplaise aux nos­tal­giques, un enreg­istrement numérique (DDD) est poten­tielle­ment meilleur qu’un (ADD) ou un (AAD). Le D pour Dig­i­tal (numérique) et le A pour Analogique).

  • AAD = Enreg­istrement analogique/Mixage, mas­téri­sa­tion analogique/Diffusion numérique
  • ADD = Enreg­istrement analogique/Mixage, mas­téri­sa­tion numérique/Diffusion numérique
  • DDD = Enreg­istrement numérique, mix­age et mas­téri­sa­tion numérique et dif­fu­sion numérique

Les dis­ques de tan­go de l’âge d’or sont tous en enreg­istrement analogique (A).
Les sup­ports numériques d’aujourd’hui peu­vent donc être AAD ou ADD.
On pour­rait penser que ADD est meilleur, mais c’est aus­si le domaine de tous les abus qui nuisent à l’authenticité de la musique. Pour ma part, je préfère un bon AAD quand je ne peux pas par­tir d’un disque noir orig­i­nal.
Il y a cepen­dant des ADD qui béné­fi­cient d’un excel­lent tra­vail de restau­ra­tion. Ce serait dom­mage de s’en priv­er.
Les édi­teurs de tan­go font plutôt du AAD, ce qui donne sou­vent des musiques avec beau­coup de bruit disque. Ce bruit est maîtris­able, mais encore faut-il bien le faire et d’autres édi­teurs sont vrai­ment minables dans ce tra­vail. La plu­part du temps, quand vous voyez “Remas­ter­i­za­do” ou “Remas­tered”, le mieux est de fuir.

La démonstration par l’image…

Fred a détec­té le prob­lème en écoutant la musique. C’est une excel­lente démarche. Mais, il peut être intéres­sant de voir le prob­lème.
Je vous pro­pose ici d’étudier le prob­lème à par­tir de 6 fichiers représen­tat­ifs de cer­taines dérives. Les trois de Fred, plus trois autres que je rajoute à titre d’exemples com­plé­men­taires.

Divagando – Osvaldo Fresedo – Format AIFF – « Éditeur de Fred »

Tout d’abord, le fichi­er livré est bien, comme annon­cé, dans un for­mat CD (16 bits/44,1 kHz).

Diva­gan­do de Frese­do au for­mat AIF. C’est nor­male­ment un fichi­er de haute qual­ité, mais il y a un gros prob­lème.

On remar­que quelque chose d’étrange dans le spec­tro­gramme de ce fichi­er. Il y a une baisse de vol­ume à par­tir de 4000 Hz.
Pour com­pren­dre, regardez l’échelle de gauche. Elle indique les fréquences. On con­sid­ère qu’une bonne oreille humaine (celle d’un jeune) est capa­ble d’entendre de 20 Hz à 20 000 Hz.
On voit qu’à par­tir de 4000 Hz, la couleur passe de l’orange au bleu.
La couleur s’analyse en regar­dant l’échelle de droite. Le jaune indique un fort niveau et le bleu, un niveau plus faible.
Ce résul­tat est très éton­nant et j’ai véri­fié dans un autre logi­ciel.

Tous les mod­ules du logi­ciel con­fir­ment le prob­lème. À gauche, on voit que la par­tie orange est arasée à 4000 Hz. Dans l’é­galiseur paramétrique, la chute à 4000 Hz est égale­ment évi­dente, tout comme dans l’analy­seur de fréquence.

La rai­son de cette chute est assez sim­ple. Un fil­tre de coupure a été placé avec une bas­cule à 4000 Hz et une pente très forte. Toutes les fréquences supérieures à la fréquence de coupure ont été sup­primées. C’est une façon effi­cace de sup­primer le bruit de sur­face d’un disque, mais c’est une destruc­tion de la musique. Avec l’égaliseur paramétrique, on peut récupér­er un peu des aigus détru­its, mais il vaut mieux ne pas per­dre son temps avec une musique de si mau­vaise qualité.L’analyse du fichi­er révèle que son débit est de 1411 kbit/s et est réelle­ment à 1411 kbit/s en natif. Donc, l’éditeur n’a pas triché dans le cas présent, la destruc­tion des aigus par l’application d’un fil­tre passe-bas à forte pente (-40 dB à 4000 Hz) rend la musique peu util­is­able. Ce traite­ment exagéré était prob­a­ble­ment des­tiné à sup­primer le bruit du disque.
Je vous pro­pose d’écouter le début du fichi­er.

Impos­si­ble de le laiss­er en entier en bonne qual­ité à cause des restric­tions du serveur. C’est du MP3 à 320 kbit/s, mais même dans ce for­mat dégradé, les défauts de la musique sont évi­dents.

06 — Orques­ta Tipi­ca Osval­do Frese­do – Diva­gan­do (EXTRAIT)
06 — Orques­ta Tipi­ca Osval­do Frese­do – Diva­gan­do (en entier, mais adap­té pour être accep­té par mon site).

Con­clu­sion pour ce fichi­er. Même s’il n’y a pas de triche sur le for­mat, les traite­ments appliqués ren­dent le fichi­er aus­si mau­vais que du MP3… C’est dom­mage d’acheter ce fichi­er sans obtenir l’augmentation de qual­ité espérée.

No te aguanto más – Carlos Di Sarli – Format M4a – « Éditeur de Fred »

Le fichi­er est bien dans un for­mat CD (16 bits/44,1 kHz), mais on est bien devant une énorme arnaque.

On se rend compte qu’il n’y a absol­u­ment rien au-dessus de 11 kHz. Il manque qua­si­ment la moitié des fréquences de la musique pos­si­bles.

L’analyse révèle qu’en fait, le fichi­er source est à 96 kbit/s, le débit des plus mau­vais MP3…
Le fichi­er fait donc appa­raître un spec­tro­gramme con­forme, ce for­mat ne per­me­t­tant pas d’afficher les hautes fréquences. On remar­que ici la coupure très nette à 11 kHz qui con­traire­ment à l’exemple précé­dent n’est pas causée par un fil­tre passe-bas agres­sif, mais par le fait que le sup­port orig­i­nal ne per­me­t­tait pas de con­serv­er les hautes fréquences.
Le fichi­er est ven­du comme ayant un débit de 4116 kbit/s. Le fichi­er ven­du est donc le fruit d’un gon­fle­ment de 42 fois du doc­u­ment orig­i­nal… C’est donc une tromperie.

No te aguan­to más – Car­los Di Sar­li (EXTRAIT)
No te aguan­to más – Car­los Di Sar­li (en entier, mais adap­té pour être accep­té par mon site).

Le résul­tat est logique­ment sourd et étouf­fé, comme l’a remar­qué notre ami, Fred.

Recuerdo – Ricardo Tanturi – Format AIF – « Éditeur de Fred »

Une fois de plus, il n’y a pas de tromperie sur le con­tenant. C’est bien au for­mat CD. C’est en fait l’astuce de ces vendeurs. On prend une boite de grande taille, nor­male­ment des­tinée à con­tenir un gros objet (une musique en haute réso­lu­tion dans notre cas). Dans cette boîte, il peut y avoir un gros objet, mais aus­si un objet plus petit (le fichi­er arti­fi­cielle­ment gon­flé). Mais, ce que le DJ achète, ce n’est pas la boite, mais l’objet, la musique. Il me sem­ble donc impor­tant de lui éviter de tomber dans la tromperie qu’on ne peut sans doute pas traiter de fraude, car les vendeurs ne par­lent que de for­mat de fichi­er et que, donc, il n’y a pas tromperie. La boîte est bien une grosse boite…

La boîte fait bien 1411 kbit/s, mais le fichi­er qui est dedans est du 320 kbit/s. Il y a donc une triche x4, mais il y a une sec­onde arnaque.

Si le fait de gon­fler par qua­tre la musique est une triche, l’original étant en 320 kbit/s, la musique résul­tante pour­rait être cor­recte. Cepen­dant, on se retrou­ve dans le même cas que les précé­dents fichiers. Les fréquences utiles sont lim­itées à env­i­ron 7500 Hz, ce qui donne en théorie un son sourd, man­quant de bril­lance. Cepen­dant, ici, un autre traite­ment est venu s’ajouter. Il s’agit de la réver­béra­tion. Cela per­met de don­ner une impres­sion de spa­tial­ité, voire de bril­lance. Ce procédé est a été très util­isé lors du pas­sage au microsil­lon stéréo. Le trans­fert des anciens dis­ques mono était soumis à ce traite­ment pour don­ner l’impression d’un effet pseu­dostéréo­phonique.

Recuer­do – Ricar­do Tan­turi (EXTRAIT)
Recuer­do – Ricar­do Tan­turi (en entier, mais adap­té pour être accep­té par mon site).

Le résul­tat est désagréable et le présent exem­ple en témoigne. Pour moi, ce fichi­er est inutil­is­able en milon­ga.
On notera, toute­fois, qu’une réver­béra­tion bien appliquée donne une pro­fondeur agréable à la musique qui, sinon, pour­rait paraitre trop sèche. C’est d’ailleurs une stratégie qu’emploient la qua­si-total­ité des enreg­istrements mod­ernes.

Le bilan des acquisitions de Fred

Comme Fred l’a détec­té, ces musiques sont fre­latées. Elles ne sont pas d’une qual­ité jus­ti­fi­ant un prix supérieur à celui des édi­tions d’entrée de gamme, ou de la musique de YouTube ou Spo­ti­fy.
Si toutes les musiques de cette plate­forme sont de ce niveau, l’abonnement n’est pas jus­ti­fié pour les enreg­istrements his­toriques du tan­go.
Pour la musique con­tem­po­raine, il se peut que la valeur ajoutée soit intéres­sante, car les sources sont effec­tive­ment de bonne qual­ité.
Les enreg­istrements actuels sont faits au moins en 24 bits (ou mieux 32 bits en vir­gule flot­tante) et 96, voire 192 kHz, ce qui per­met d’avoir un rap­port signal/bruit de 140 dB (en 24 bits et 1528 dB en 32 bits v.f.). Et de pou­voir restituer des fréquences jusqu’à 90 kHz (presque 5 fois plus aigus que ce que l’humain peut enten­dre). Ces enreg­istrements peu­vent intéress­er votre chien qui entend les ultra­sons…
Cette énorme marge de rap­port signal/bruit et de fréquences per­met en fait de tra­vailler plus con­fort­able­ment en stu­dio par la suite, pour le mix­age et la mas­téri­sa­tion. En revanche, cela n’a pas grand intérêt pour l’auditeur.
Dif­fuser des fréquences inaudi­bles pour­ra tout au plus détru­ire les tweet­ers des enceintes si elles ne dis­posent pas de bons fil­tres de coupure.
Avoir une plage dynamique de 140 dB sig­ni­fie que l’on pour­rait repro­duire le silence absolu et attein­dre le seuil de la douleur, de quoi don­ner des sen­sa­tions, mais pas de con­fort d’écoute, car, par moment, on n’entendrait rien et à d’autres on devrait se bouch­er les oreilles. Le plus fort écart de pres­sion sonore exis­tant sur terre est de 210 dB, les 1528 dB 32 bits à vir­gule flot­tante per­me­t­tent à un ingénieur du son d’enregistrer sans se souci­er du réglage du vol­ume (tolérance de plus de 700 dB en plus ou en moins…).
Pour les enreg­istrements his­toriques de tan­go qui ont une faible dynamique à cause du bruit de sur­face du disque et les lim­ites imposées par l’inertie de l’aiguille, un codage en 16 bits est très large­ment suff­isant.
D’ailleurs, la plu­part des musiques éditées actuelle­ment n’utilisent qu’une toute petite par­tie de la gamme dynamique autorisée par la tech­nique. En effet, elles sont com­pressées (ATTENTION, CE N’EST PAS LA COMPRESSION DU FICHIER), c’est-à-dire que la dynamique est écrasée. On relève le niveau des pas­sages pianos et on dimin­ue les for­tis­si­mos. Ain­si, on gagne en con­fort d’écoute en n’étant pas obligé de tout le temps manip­uler le bou­ton de vol­ume.
Pour la musique actuelle, tonique, on com­presse telle­ment la musique qu’elle est en fait qua­si­ment d’un bout à l’autre du titre au même vol­ume sonore. C’est l’autre extrême…

Trois autres exemples avec d’autres éditeurs

J’ai décidé de com­pléter ce petit panora­ma avec trois autres titres, dif­fusés par deux édi­teurs spé­cial­isés dans le tan­go. Je ne don­nerai pas non plus leur nom, même s’ils font plutôt de l’excellent tra­vail, on ver­ra qu’il y a quelques points à dis­cuter…

Quiero verte una vez más 1950-03-07 — Orquesta Osvaldo Pugliese con Alberto Morán – Format AIF – Éditeur spécialisé tango A

Ce fichi­er tient ses promess­es. C’est un for­mat numérique sans perte (AIF) et son débit est bien celui de la source, à savoir 705 kbit/s, ce qui cor­re­spond à un débit sat­is­faisant pour une source mono. Voyons son spec­tro­gramme.
On notera que le fichi­er est échan­til­lon­né à 64 kHz et 32 bits (vir­gule flot­tante), ce qui est une boîte net­te­ment supérieure à ce qui est néces­saire.

Ce fichi­er tient ses promess­es. C’est un fichi­er qui cor­re­spond à ce qui est annon­cé. On le voit tout de suite avec des fréquences qui mon­tent jusqu’à 17 kHz de façon exploitable et une lim­ite égale à la lim­ite théorique de 22 kHz.

On voit que les fréquences élevées con­tin­u­ent d’exister au-delà des 7500 des fichiers précé­dents. Toute l’amplitude de la musique est respec­tée, cette ver­sion a donc sa place dans une milon­ga de qual­ité.
Pour en juger, voici un exem­ple peu com­pressé, mais de courte durée et une ver­sion inté­grale dans une qual­ité réduite pour pou­voir être dif­fusée sur mon site.

Quiero verte una vez más 1950-03-07 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Alber­to Morán (EXTRAIT)
Quiero verte una vez más 1950-03-07 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Alber­to Morán (en entier, mais adap­té pour être accep­té par mon site).

Ce titre acheté chez cet édi­teur vaut donc la peine, dans la mesure où on a un fichi­er de bonne qual­ité. Le trans­fert depuis le disque orig­i­nal a été fait avec un disque en bon état avec rel­a­tive­ment peu de bruit de sur­face.
Cet édi­teur que j’ai appelé A est réputé sur le marché et c’est jus­ti­fié.

La noche que me esperes 1952-01-28 — Orquesta Osvaldo Pugliese con Alberto Morán – Format m4a (ALAC) – Éditeur spécialisé tango B

Ce que l’on remar­que chez cet édi­teur est que les fréquences hautes mon­tent à plus de 30 kHz. Cela indique que, même si le for­mat d’origine était à 320 kbit/s, le taux d’échantillonnage devait être élevé. En effet, le fichi­er est en 96 kHz et 32 bits vir­gule flot­tante.
On pour­rait penser à une triche, puisque le for­mat final a un débit 33 fois supérieur à celui de la source, mais je ne le dirai pas ain­si, car il s’agit plutôt d’un choix tech­nique. Je pense que le for­mat 320 kbit/s n’a été util­isé que pour les dernières étapes, une fois que les fichiers ont été opti­misés.
À ce stade, les 320 kbit/s sont large­ment suff­isants pour « con­tenir » toutes les infor­ma­tions musi­cales orig­i­nales. La petite menterie serait donc de gon­fler sans néces­sité, le fichi­er ven­du, plutôt que de livr­er directe­ment l’original qui était prob­a­ble­ment dans ce for­mat.
Cela étant, on peut juger de la qual­ité du trans­fert à l’écoute, même avec les lim­ites imposées par mon site.

La présence de fréquences supérieures à 30 kHz s’ex­plique par le choix d’une fréquence de 96 kHz qui per­met d’avoir des sons de plus de 40 kHz.

On ne jugera que de la gamme de fréquences inférieure à 20 kHz. On voit tout de suite qu’il y a de l’orange et donc un vol­ume suff­isant pour être bien enten­du. Cela se ressen­ti­ra à l’écoute.

La noche que me esperes 1952-01-28 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Alber­to Morán (EXTRAIT)
La noche que me esperes 1952-01-28 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Alber­to Morán (en entier, mais adap­té pour être accep­té par mon site).

En résumé, une musique de par­faite qual­ité qui don­nera (ou pas) sat­is­fac­tion en milon­ga. Je vous réserve une petite sur­prise en fin d’article sur le sujet.

Desvelo (De flor en flor) 1953-08-16 — Orquesta Osvaldo Pugliese con Alberto Morán – Format FLAC – Éditeur spécialisé tango B

Un autre exem­ple, chez le même édi­teur, au for­mat FLAC. Un for­mat libre des plus util­isés.
Les com­men­taires pour­raient être les mêmes que pour le titre précé­dent. Le change­ment de fla­con (ALAC, FLAC), ne change pas le goût du liq­uide (la musique).

Comme pour le titre précé­dent, une lim­ite des aigus très haute et des fréquences aiguës au-dessus des 15 kHz, gage d’un bon ren­du des tim­bres des instru­ments et de la voix.
Desvelo (De flor en flor) 1953-08-16 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Alber­to Morán (EXTRAIT)
Desvelo (De flor en flor) 1953-08-16 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Alber­to Morán (en entier, mais adap­té pour être accep­té par mon site).

Comme on peut en juger à l’écoute, on est devant une très belle ver­sion. Le pas­sage par une étape en 320 kbit/s n’a pas dénaturé la musique et ce titre est excel­lent.

Faut-il acheter de la musique Hi-Res pour le tango ?

Le principe d’une chaîne (comme la chaîne hi-fi) est que la qual­ité finale dépend du moins bon élé­ment.
Si vous avez une source for­mi­da­ble, un ampli de qual­ité et des haut-par­leurs minables, vous aurez un son minable.
Dans le cas du tan­go, les enreg­istrements his­toriques sont très en deçà des capac­ités des matériels mod­ernes.

Fréquences sonores et rapport signal/bruit :

Dynamique et vol­ume d’en­reg­istrement des dis­ques phonos selon Novotone.be. https://www.novotone.be/_site/projets/Projet06/Doc02.pdf (page 9).

Ces valeurs sig­ni­fient que toute la musique de l’âge d’or du tan­go béné­fi­cie au mieux d’un ren­du en fréquence com­pris entre 10 et 15 kHz et d’un rap­port sig­nal bruit de l’ordre de 60 dB.
Le for­mat Hi-Res peut attein­dre des valeurs de 32 bits (vir­gule flot­tante) et 192 kHz de fréquence d’échantillonnage. Cela sig­ni­fie que l’on est capa­ble d’enregistrer des musiques de 0 à 96 kHz et d’avoir un rap­port sig­nal bruit de 1528 dB.
Dit autrement, on peut enreg­istr­er une gamme de fréquences cinq fois plus large que celle du meilleur disque noir avec une gamme dynamique des mil­liards de fois plus grande (chaque 3 dB, la pres­sion sonore dou­ble).

Qualité de la musique en fonction du format

Si les for­mats CD et encore plus Hi-Res sur­passent énor­mé­ment les car­ac­téris­tiques des musiques de l’âge d’or, les for­mats com­pressés, comme le MP3 (ou le AAC) posent ques­tion.
En MP3 de nom­breux paramètres sont ajusta­bles. Voici quelques valeurs de resti­tu­tion pos­si­ble en fonc­tion de ces paramètres.
Pour mémoire, le fichi­er util­isé est Desvelo au for­mat FLAC qui fait 35 906 Ko.

On se rend compte que sur le papi­er, le for­mat MP3, jusqu’à 32 kHz et 16 bits con­vient pour repro­duire de la musique de tan­go de l’âge d’or. On notera que la taille de fichi­er ne change pas pour les grandes valeurs.

On remar­quera que les for­mats les plus per­for­mants ne pro­duisent pas de fichiers plus grands. C’est un résul­tat de la com­pres­sion. En effet, lorsque le fichi­er est com­pressé, on enlève toutes les infor­ma­tions jugées inutiles. La musique de tan­go com­por­tant peu d’aigus, peu d’amplitude de dynamique, la com­pres­sion est effi­cace.
La vue de ce tableau pour­rait donc laiss­er penser que les fichiers MP3 con­vi­en­nent par­faite­ment, mais est-ce le cas ?

Desvelo en image et son…

Comme je ne peux pas vous partager les fichiers en haute qual­ité sur ce site, je vous pro­pose de télécharg­er l’archive des fichiers dans les dif­férents for­mats.

Télécharg­er l’archive ZIP des fichiers audio. Vous devrez décom­press­er le fichi­er pour pou­voir écouter les morceaux. Ras­surez-vous, cette com­pres­sion n’abîme pas la musique. Vous aurez exacte­ment le son que j’ai sur mon ordi­na­teur…

Pour une meilleure com­para­i­son, utilisez un casque.

Fichi­er orig­i­nal au for­mat FLAC (96kHz-32 bits vir­gule flot­tante)
Fichi­er MP3 (48kHz-32 bits vir­gule flot­tante). On remar­que que la lim­ite est désor­mais à 20 kHz, ce qui est nor­mal, puisqu’on est passé à une fréquence d’échantillonnage de 48 kHz.
Fichi­er MP3 (48kHz-16 bits). Le pas­sage à 16 bits ne change absol­u­ment rien, car la musique orig­i­nale n’avait pas une dynamique supérieure à 90 dB.
Fichi­er MP3 (44kHz-24 bits) L’u­til­i­sa­tion d’une fréquence d’échantillonnage plus basse ne change qua­si­ment rien, car la musique ne com­porte pas de fréquences supérieures à 20 kHz.
Fichi­er MP3 (44kHz-16 bits) Comme pour la fréquence d’échan­til­lon­nage de 48 kHz, la dynamique réduite de ce morceau n’est pas impactée par la baisse de réso­lu­tion (débit).
Fichi­er MP3 (44kHz‑8 bits) Le pas­sage à 8 bits, en dimin­u­ant la dynamique rend la musique moins claire. Le spec­tro­gramme mon­tre que les hautes fréquences sont moins nettes. Le fond bleu est moins pro­fond.
Fichi­er MP3 (32000–16) On retrou­ve le fond bleu avec le rétab­lisse­ment d’une réso­lu­tion de 16 bits. La coupure à 15 kHz est très nette. C’est le résul­tat du pas­sage à une fréquence d’échan­til­lon­nage de 32 kHz. Ce n’est pas for­cé­ment trag­ique, car la plu­part des audi­teurs n’entendent pas les fréquences supérieures à 15 kHz.
Fichi­er MP3 (22000–16 bits) Le pas­sage à une fréquence d’échantillonnage à 22 kHz, lim­ite la bande pas­sante à 10 000 Hz. C’est tout à fait logique et là, la musique com­mence à être vrai­ment dénaturée. On réservera cette qual­ité à l’enregistrement de la parole.
Fichi­er MP3 (8000–8 bits) C’est le pire for­mat MP3 pos­si­ble. La fréquence d’échan­til­lon­nage à 8 kHz lim­ite la bande pas­sante à moins de 4 kHz. La lim­i­ta­tion de la réso­lu­tion écrase la dynamique. On voit l’aspect de la musique sur cette image et à l’é­coute, c’est tout aus­si hor­ri­fi­ant.

Pour ceux qui auront la flemme d’ouvrir tous les fichiers du fichi­er ZIP, je pro­pose le fichi­er mon­strueuse­ment dimin­ué, celui à 8kHz et 8 bits… Atten­tion, oreilles frag­iles, bien s’accrocher.

09 — Desvelo 8kHz et 8 bits. Red­outable, non ?

Alors, MP3 ou Hi-Res ?

Au vu de la plu­part des instal­la­tions de dif­fu­sion sonore dans les milon­gas, du MP3 à 44 kHz et 16 bits est suff­isant. Cela peut être le for­mat final. En revanche, ce for­mat n’est pas pos­si­ble si on doit inter­venir sur la musique (retouche). Car chaque fois qu’on enreg­istre un for­mat MP3, on refait une com­pres­sion destruc­tive, c’est-à-dire que l’on sup­prime à chaque fois des infor­ma­tions, c’est-à-dire des sons…
Il est donc préférable dans ce cas de par­tir de fichiers dans un for­mat sans perte, ce qui per­me­t­tra de le réen­reg­istr­er sans dimin­uer la qual­ité sonore du fichi­er. Le tout dernier enreg­istrement peut être en MP3 44kHz-16 bits (320 kbit/s). Je suis con­va­in­cu qu’aucun danseur s’en ren­dra compte, même si je n’utilise que de la musique Hi-Res, car il y a tout de même une légère dif­férence.
Le plus impor­tant est d’avoir une source de bonne qual­ité, sans réver­béra­tion, avec une dynamique et une plage de fréquence com­plètes. Ces sources sont très rares, mais on en trou­ve de plus en plus. Pour ma part, j’ai eu la chance de numéris­er énor­mé­ment de musique à par­tir des dis­ques, ce qui est bien sûr la meilleure solu­tion. Pour le reste, c’est un long tra­vail de sélec­tion, de restau­ra­tion pour obtenir un enreg­istrement meilleur que celui que j’avais avant.
C’est un peu déce­vant de faire tout ce tra­vail et de voir que des pseu­do­DJ utilisent des musiques venant de YouTube, Spo­ti­fy ou autres. Ces musiques médiocres trans­for­ment les oreilles des danseurs.

Pourquoi certains danseurs se plaignent-ils des musiques de qualité ?

Lors de la restau­ra­tion de la chapelle Six­tine, à Rome, ter­minée en 1994, il y a eu une lev­ée de boucliers pour dénon­cer ce qui était un « mas­sacre ».

Á gauche, la Chapelle Six­tine avant restau­ra­tion. À droite, après.

On remar­que facile­ment la dif­férence, comme on remar­que la dif­férence sonore entre un mau­vais MP3 et un bon fichi­er audio.
Lorsque la chapelle Six­tine a été dévoilée après la restau­ra­tion, il y a eu un tol­lé pour dénon­cer un mas­sacre. Les vis­i­teurs étaient habitués à un pla­fond noir­ci par des siè­cles de fumée de cierges et la pol­lu­tion urbaine. Retrou­ver les couleurs franch­es choquait cer­tains regards.
Pour être com­plet, la restau­ra­tion de la Six­tine a reçu des inter­ven­tions de divers­es qual­ités. En musique, les restau­ra­tions pro­duisent aus­si des dégâts qui ren­dent la musique désagréable à l’écoute.
Le net­toy­age du bruit du disque a fait dis­paraître cer­tains élé­ments de la musique, voire don­né un effet de baig­noire. Tout comme on ne s’improvise pas restau­ra­teur de fresques, on ne s’improvise pas restau­ra­teur de musique. Cela demande du temps, de la réflex­ion et des con­nais­sances, ce dont sem­blent man­quer cer­tains édi­teurs et, en par­ti­c­uli­er, ceux qui affichent fière­ment « Remas­tered » ou « Remas­ter­i­za­do ».
Mais revenons à la polémique sur la musique dans les milon­gas. La plu­part des DJ impro­visés, et qui sont mal­heureuse­ment les plus nom­breux, ont des musiques effroy­ables, sans con­traste, sans aigu. Comme les audi­teurs ont l’ouïe qui baisse avec l’âge et que la com­mu­nauté tanguera n’est pas de la pre­mière jeunesse, on finit par s’habituer à cette musique plate, sourde et sans con­traste, comme le pla­fond sale de la Six­tine.
Lorsqu’une musique riche en aigus et en bass­es arrive, cer­tains se sen­tent agressés, car ils n’y sont pas habitués. Les plus jeunes adorent, ain­si que les mélo­manes qui peu­vent retrou­ver la sub­til­ité de la musique.
Comme DJ, il faut savoir sac­ri­fi­er la qual­ité de sa musique, notam­ment lorsque le sys­tème de dif­fu­sion de la salle est médiocre. De plus en plus de sys­tèmes sont des­tinés à la musique de boite de nuit avec un ren­force­ment des graves et des aigus, avec des médi­ums peu présents. Cela ne se marie pas tou­jours bien avec la musique de tan­go, qui demande plutôt des instal­la­tions com­pa­ra­bles à celles de la musique clas­sique. Les vio­lons sur ces matériels mal adap­tés devi­en­nent cri­ards, les bass­es peu­vent aus­si gên­er.
Le pre­mier tra­vail du DJ est d’abord de véri­fi­er l’acoustique de la salle. Cela se fait a min­i­ma en dif­fu­sant un bruit rose et en véri­fi­ant dans la salle, à l’aide d’un analy­seur de spec­tre (ou à l’oreille si on n’est pas équipé), qu’il n’y a pas de réso­nance gênante. Si c’est le cas, on procède à une égal­i­sa­tion de base qui con­siste à obtenir un sig­nal aus­si plat que pos­si­ble pour toutes les fréquences.
Trop sou­vent, les organ­isa­teurs ne don­nent pas l’opportunité au DJ de faire ces réglages, notam­ment quand il y a un orchestre, ce dernier ayant ten­dance à trans­former sa bal­ance en répéti­tion et il faut atten­dre par­fois des heures avant d’avoir quelques min­utes pour faire ses réglages. Pour ma part, je souhaite être sur place au moins une heure avant pour avoir le temps de tout régler quand je ne con­nais pas le lieu.

Un cas extrême de sono déséquili­brée. Dans cette salle, il y avait aupar­a­vant un DJ “toutes dans­es”. Il m’a été impos­si­ble de faire les mesures dans la salle avant la milon­ga, car j’ai enchaîné directe­ment. Il m’a donc fal­lu mod­i­fi­er l’égalisation en direct dans des pro­por­tions incroy­ables, en gon­flant énor­mé­ment les bass­es et en bais­sant les aigus. En effet, le son était dif­fusé par des enceintes médi­ums aiguës, sans cais­son de basse. En pous­sant les bass­es, on intro­duit de la dis­tor­sion dans les haut-par­leurs qui ne sont pas adap­tés pour cela. Pour avoir un son cor­rect dans la salle, la seule solu­tion a été de couper les fréquences supérieures, en gros, trans­former de la musique de haute qual­ité, en mau­vais MP3. Un comble. Si j’avais eu la pos­si­bil­ité d’intervenir en amont sur la sono, j’aurais cer­taine­ment trou­vé com­ment régler le prob­lème avant la milon­ga.

Bon, c’était un peu tech­nique et je pense que je vais devoir faire des pages sup­plé­men­taires pour détailler cer­tains points.

À bien­tôt, les amis !

Patotero sentimental 1941-06-06 — Orquesta Carlos Di Sarli con Roberto Rufino

Manuel Jovés Letra: Manuel Romero

Qui n’a pas été ému par la voix de Rober­to Rufi­no chan­tant Patotero sen­ti­men­tal ? Mais savez-vous que cet enreg­istrement suit de presque 20 ans un suc­cès phénomé­nal qui oblig­eait Igna­cio Corsi­ni à rechanter cet air sou­vent plus de cinq fois à la suite. Je vous invite à vous plonger dans l’histoire de ce patotero, émou­vant par ses regrets et par là-même décou­vrir un peu plus cet univers des cabarets, repaire des patoteros.

Je pub­lie cet arti­cle le 26 jan­vi­er qui est la date anniver­saire de la ver­sion de Di Sar­li avec Mario Pomar et pas celle que je mets en avant, avec Rober­to Rufi­no. Je triche donc un petit peu, on pour­ra tou­jours en repar­ler un 6 juin…

Patoteros, apaches, youth gangs…

Un patotero est le mem­bre d’une pato­ta, un groupe de jeunes enclins à la vio­lence et à la délin­quance. Ce phénomène de ban­des de jeunes est sans doute une des con­séquences de la révo­lu­tion indus­trielle qui a jeté des généra­tions de paysans dans les villes. Si les par­ents y tra­vail­laient, les jeunes qui voy­aient les con­di­tions mépris­ables de vie de leurs par­ents trou­vaient refuge dans des activ­ités, plus ou moins lucra­tives à défaut d’être hon­nêtes.
Si à Paris, les Apach­es (ban­des de jeunes délin­quants surnom­mées ain­si par le jour­nal­iste Hen­ri Fouquier en référence à la bru­tal­ité de leurs crimes qui rap­pelaient les romans de Fen­i­more Coop­er col­por­tant des idées colo­nial­istes sur la vio­lence des Indi­ens améri­cains) étaient par­ti­c­ulière­ment vio­lents, à Buenos Aires, les patoteros étaient un peu moins craints par la pop­u­la­tion. Pour juger de la dif­férence, on peut s’intéresser à leurs dans­es, vrai­ment très dif­férentes.
Pour les Argentins, je ne vous pro­pose pas de vidéo, il vous suf­fit d’imaginer un tan­go canyengue accen­tu­ant l’aspect « canaille », les fentes et autres pass­es (fig­ures) inspirées du com­bat au couteau.

Un bal en 1900. Peut-être du tan­go.

Pour le côté parisien, la danse des apach­es est une danse qui alterne des moments vio­lents et des moments plus sen­suels. C’est une drama­ti­sa­tion des rela­tions entre femmes et hommes. Cette danse per­dur­era en France jusque dans les années 60. On retrou­vera ses fig­ures, repris­es dans d’autres dans­es comme le lindy-hop, le rock acro­ba­tique, le tan­go de show, voire le tan­go de danse sportive.

Trois présen­ta­tions de valse chaloupée en 1904, 1910 et 1935. Cette danse présente des choré­gra­phies bru­tales, d’apparence machiste, même si les femmes peu­vent y être égale­ment agres­sives. On con­sid­ère que c’est une mise en scène des rela­tions tumultueuses entre une pros­ti­tuée et son souteneur. Quand on imag­ine le nom­bre de femmes « volées » à Paris et mise au tra­vail comme pros­ti­tuées en Argen­tine, on com­prend mieux ce phénomène, fait d’alternance de moments de ten­sions extrêmes et de moments de pas­sion amoureuse.

Extrait musical

Par­ti­tion de patotero sen­ti­men­tal. Trois cou­ver­tures. Avec Manuel Jovés et Igna­cio Corsi­ni à gauche et sur la cou­ver­ture de droite, Loren­zo Bar­bero qui l’a enreg­istrée en 1950 avec le chanteur Osval­do Brizuela.
Patotero sen­ti­men­tal 1941-06-06 — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Rober­to Rufi­no.

Le patotero s’avance avec des pas bien mar­qués qui alter­nent avec de longs glis­san­dos des vio­lons.
Rufi­no com­mence à chanter, en respec­tant le rythme ini­tial. Sa voix est expres­sive et il ne som­bre pas dans le pathos que peu­vent présen­ter d’autres chanteurs. Cette sen­si­bil­ité asso­ciée à la pres­sion con­stante de l’orchestre fait que les danseurs trou­veront leur compte dans cette ver­sion idéale pour la danse. Le plaisir des oreilles et des jambes.
Nous ver­rons que cet équili­bre qui sem­ble si sim­ple et naturel dans cette ver­sion a du mal à se retrou­ver dans les nom­breux autres enreg­istrements du titre, du moins dans les ver­sions de danse, celles pour l’écoute entre dans une autre caté­gorie. Par exem­ple, le même Di Sar­li, avec l’excellent Mario Pomar fait un autre enreg­istrement en 1954 et il est dif­fi­cile d’y trou­ver la même dans­abil­ité, même si bien sûr de nom­breux danseurs tomberont sous le charme de cette autre ver­sion (qui est la vraie ver­sion du jour, puisqu’enregistrée un 26 jan­vi­er).

Rober­to Rufi­no. À gauche à Mar del Pla­ta en 1970 et à droite à Radio Bel­gra­no en 1944.

Paroles

Patotero, rey del bai­lon­go
Patotero sen­ti­men­tal
Escondés bajo tu risa
Muchas ganas de llo­rar
Ya los años se van pasan­do
Y en mi pecho, no entra un quer­er
En mi vida tuve muchas, muchas minas
Pero nun­ca una mujer
Cuan­do ten­go dos copas de más
En mi pecho comien­za a sur­gir
El recuer­do de aque­l­la fiel mujer
Que me quiso de ver­dad y que ingra­to aban­doné
De su amor, me burlé sin mirar
Que pudiera sen­tir­lo después
Sin pen­sar que los años al cor­rer
Iban cru­eles a amar­gar, a este rey del cabaret
Pobrecita, cómo llora­ba
Cuan­do ciego la eche a rodar
La pato­ta me mira­ba, y
No es de hom­bre el aflo­jar
Patotero, rey del bai­lon­go
Siem­pre de ella te acor­darás
Hoy reís, pero en tu risa
Solo hay ganas de llo­rar
Manuel Jovés Letra: Manuel Romero

Traduction libre des paroles

Patotero, roi du bal
Patotero sen­ti­men­tal
Tu caches sous ton rire beau­coup d’en­vies de pleur­er.
Et les années passent et, dans ma poitrine, aucun amour n’en­tre.
Dans ma vie, j’ai eu beau­coup, beau­coup de poulettes (chéries), mais jamais une femme.
Quand j’ai deux ver­res de trop, dans ma poitrine com­mence à resur­gir le sou­venir de cette femme fidèle qui m’aimait vrai­ment et que j’ai aban­don­née ingrate­ment.
De son amour, je me moquais sans voir que je pour­rais le ressen­tir plus tard, sans penser que les années, à mesure qu’elles s’é­coulaient, étaient cru­elles à aigrir ce roi du cabaret.
Pau­vre petite, comme elle pleu­rait quand aveu­gle j’ai com­mencé à la larguer.
La bande (pato­ta) m’ob­ser­vait, et ce n’est pas à un homme de se relâch­er (se laiss­er atten­drir).
Patotero, roi du bal, tou­jours, tu te sou­vien­dras d’elle.
Aujour­d’hui tu ris, mais, dans ton rire, il n’y a que l’en­vie de pleur­er.

Autres versions

El patotero sen­ti­men­tal 1922-03-29 — Igna­cio Corsi­ni con Orques­ta Rober­to Fir­po.

C’est Corsi­ni qui a créé le titre. Nous ver­rons cela en fin d’article. Ce fut son pre­mier grand suc­cès, ce tan­go a lancé sa car­rière.

Igna­cio Corsi­ni en 1922

La même année, Car­los Gardel décide d’enregistrer le titre. Cette vidéo de Sin­fo­nia Mal­e­va per­met de suiv­re les paroles chan­tées par Car­los Gardel.

El patotero sen­ti­men­tal 1922 — Car­los Gardel con acomp. de Guiller­mo Bar­bi­eri, José Ricar­do (gui­tar­ras)
Sub­mergé d’é­mo­tion Raul (Hugo Del Car­ril) chante Patotero sen­ti­men­tal quand il com­prend qu’il va per­dre elisa. dans le film La vida est une tan­go (1939)
Patotero sen­ti­men­tal 1941-06-06 — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Rober­to Rufi­no. C’est notre (faux) tan­go du jour.
Patotero sen­ti­men­tal 1949-11-25 — Orques­ta José Bas­so con Oscar Fer­rari.

La voix un peu acide de Fer­rari ne sert pas aus­si bien le thème que celle de Rufi­no ou de Corsi­ni. D’un point de vue de la danse, les manières de Fer­rari ren­dent cet enreg­istrement peu prop­ice à la danse. C’est un peu dom­mage, car l’orchestre fait un assez joli tra­vail.

Patotero sen­ti­men­tal 1950-12-28 — Loren­zo Bar­bero y su orques­ta de la argen­tinidad con Osval­do Brizuela.

Une Jolie ver­sion qui ne détrôn­era pas celle de Di Sar­li et Rufi­no, mais qui se laisse écouter et qui a obtenu un cer­tain suc­cès à son époque, comme en témoigne la par­ti­tion présen­tée au début de cet arti­cle.

Patotero sen­ti­men­tal 1952-10-16 — Orques­ta Osval­do Frese­do con Héc­tor Pacheco.

Dans la veine des tan­gos à écouter il y a cette ver­sion. La voix pré­cieuse de Pacheco est-elle réelle­ment adap­tée au rôle d’un patotero, même con­ver­ti ? On a du mal à croire à cette his­toire, d’autant plus que Frese­do mul­ti­plie ses fior­i­t­ures, tout aus­si peu prop­ices à la danse que celles de Florindo Sasonne de la même époque.

Patotero sen­ti­men­tal 1954-01-26 — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Mario Pomar.

J’adore Mario Pomar et son inter­pré­ta­tion ne souf­fre d’aucune cri­tique. C’est juste que le choix un peu moins tonique rend, à mon sens, le titre un peu moins agréable à danser que la ver­sion avec Rufi­no enreg­istrée 13 ans plus tôt. C’est cette ver­sion qui a été enreg­istrée un 26 jan­vi­er et qui devrait donc offi­cielle­ment être le tan­go du jour.

Patotero sen­ti­men­tal 1974 — Orques­ta Florindo Sas­sone con Oscar Macri.

J’ai par­lé des bruitages de Sas­sone à pro­pos de la ver­sion de 1952 de Frese­do, je pense que vous remar­querez que Sas­sone ne les pro­pose pas dans cet enreg­istrement. C’est assez logique, car ces bruitages sont le témoignage d’une époque et qu’ils furent aban­don­nés par la suite. Vous noterez toute­fois les moments où Sas­sone quelques années plus tôt aurait abusé de ces effets. Si Sas­sone n’est pas un pour­voyeur de tan­go de danse, il faut recon­naître qu’avec l’interprétation inspirée de Macri, le résul­tat est plutôt sym­pa, même si à mon avis, il ne devrait pas franchir la porte de la milon­ga (en tous cas pas trop sou­vent 😉

Patotero sen­ti­men­tal 1974 — Hugo Díaz.

L’harmonica d’Hugo Díaz, une voix à lui tout seul. L’ambiance jazzy don­née par le piano et la gui­tare ne sat­is­fera cepen­dant pas les danseurs qui réserveront le titre pour une écoute au coin du feu.

Patotero sen­ti­men­tal 1974c — Leopol­do Fed­eri­co con Car­los Gari.

Le ban­donéon expres­sif de Leopol­do Fed­eri­co nous offre un duo avec Car­los Gari dont la voix puis­sante con­traste avec tous les instru­ments. C’est une belle inter­pré­ta­tion, pleine d’émotion. L’opposition, voix et instru­ments du début s’apaise pro­gres­sive­ment pour nous offrir un paysage sonore par­faite­ment cohérent. Moi, j’aime bien, mais bien sûr, ça reste entre mon ordi­na­teur et moi, cela ne passera pas sur les haut-par­leurs de la milon­ga.

Patotero sen­ti­men­tal 1991-03 — Car­los Gar­cía solo de piano.

Le piano sait sou­vent être expres­sif. Je vous laisse juger si Car­los Gar­cía a su suff­isam­ment faire par­ler son instru­ment…

Patotero sen­ti­men­tal 2005 — Cuar­te­to Guardia Vie­ja con Omar de Luca (ou Dario Paz ou Fabi­an Vidarte…). Je ne suis pas sûr de qui chante.
Patotero sen­ti­men­tal 2006 — Aure­liano Tan­go Club C Aure­liano Marin.

Une ver­sion très dif­férente mais pas inin­téres­sante. Vous pou­vez jeter un œil à leur site, celui d’Aureliano Marin, arrangeur, directeur et con­tre­bassiste du trio en plus d’en être le chanteur.

Patotero sen­ti­men­tal 2011 — Orques­ta Típi­ca Gente de Tan­go con Héc­tor Mora­no.

On ter­mine ici, avec une ver­sion plus tra­di­tion­nelle.

Origine de ce tango

Comme nous l’avons vu à de nom­breuses repris­es, les tan­gos qui ani­ment nos milon­gas ont sou­vent été créés pour des revues musi­cales, des pièces de théâtre ou des films. Celui-ci ne fait pas excep­tion. Il était une des scènes de la pièce “El bailarín del cabaret” (le danseur de cabaret) qui fut lancée le 12 mai 1922 au théâtre Apo­lo par la com­pag­nie de Cesar Rat­ti, et qui eut un suc­cès immense, notam­ment pour l’interprétation par Igna­cio Corsi­ni de notre tan­go du jour.
Les spec­ta­teurs bis­saient de nom­breuses fois ce titre que Corsi­ni chan­tait, appuyé sur le dossier d’une chaise et avec le genou droit sur l’assise. On con­nait ce détail par Osval­do Sosa Cordero dans “His­to­ria de las vari­etés en Buenos Aires 1900–1925” qui nous apprend égale­ment que 800 dis­ques de ce titre ont été gravés en 1922 et comme nous l’avons vu, Gardel s’est aus­si emparé du phénomène, la même année.

Osval­do Sosa Cordero; His­to­ria de las vari­etés en Buenos Aires 1900–1925. À gauche, édi­tion orig­i­nale de 1978 et à droite, la réédi­tion de 1999.

Il me sem­ble intéres­sant de voir com­ment s’articulaient ces var­iétés.

El bailarín del cabaret — Cou­ver­ture de la 4ème édi­tion (19 août 1922 et déjà 319 représen­ta­tions suc­ces­sives)… À droite, l’ex­trait du livret avec les paroles du tan­go chan­té par Igna­cio Corsi­ni.

Dans la pièce de Manuel Romero, El bailarín del cabaret, où se trou­ve cette pièce, il y a 4 tableaux. L’apparition de ce tan­go est dans le troisième.
La scène se passe dans un cabaret lux­ueux et tous dansent un fox­trot joué par l’orchestre dirigé par Félix Sco­lat­ti Almey­da, sauf Maria qui est triste à sa table et une famille qui décou­vre cet univers.
Je vous repro­duis ici un dia­logue savoureux où un jeune homme (Tron­coso) souhaite inviter la fille de la famille de vis­i­teurs (Cayetana) et qui se ter­mine par l’introduction de notre tan­go, Patotero sen­ti­men­tal.

Dialogues liminaires au tango Patotero sentimental

TRONCOSO.- Bue­nas noches. ¿ Me acom­paña ese tan­go señori­ta?
CAYETANA.-Yo no me coman­do sola. Pídale per­miso a me papá.
D. GAETANO.-E iñu­dole, cabayere. Me nena non “bala”.
TRONCOSO.-¿Cómo es eso? ¿Aca­so ust­ed. no sabe que toda mujer que entra aquí está oblig­a­da a bailar?
D. GAETANO.-Ma nun. diga.
TRONCOSO.–Si, señor, sino va a haber tiros.
CAYETANA.-Papá, vamo in casa. (Tron­coso saca un revólver.)
D. GAETANO.-Boeno … boeno .. . que “bale” pero no me lam­prete mucho. (Bailan ridic­u­la­mente.)
CATALINA.-Gaetano; roa mire como le hace co la pier­na.
D. GAETANO.-(Parándolo.) ¡Ah! ¡No covenci­to, eso no, pe la madon­na!
Me hija non he una melunguera cualunque. E osté, non debe hac­er­le cosquiyite inta la gam­ba, Sabe?
TRONCOSO.-¿Dónde le he hecho cosquil­las?
D. GAETANO.-¿E me lo pre­gun­ta todavía? ¡Chan­cho!
TRONCOSO.-¡Salí de ahí otario!(Le da un bife,y lo sacan a bofe­tadas
has­ta la calle, madre e hija van detras, la orques­ta ata­ca un paso doble. Tumul­to, risas y todos bailan.) ¿ Vamos a bailar, Mar­ta?
MARTA.-No: dejame, no quiero bailar hoy.
TRONCOSO.-¿ Qué te pasa?
MARTA.-Nada. Dejame.
TRONCOSO.-¿Pero qué tenés vos esta noche?
MARTA.-Nada. Se van a reir si lo digo.
PANCHITO.-Dejala; algún mete­jón nue­vo.
MARTA.-No, nada de eso, les juro.
MARGOT.-A ver, dec­ime­lo ami. Yo soy tu ami­ga .
M‑ARTA.-¡Es qué! … Pero no, es ridícu­lo.
MARGOT.-Deci … .
MARTA.-Pero no se rían. He deja­do a mi nene en casa con cuarenta
gra­dos de fiebre y se me va a morir y yo no quiero que se me muera. (Llo­ran­do.)
LA BEBA.-¡Já, já, já! Dejate de sen­ti­men­tal­is­mos.
TRONCOSO.-¡Qué des­gra­ci­a­da! (Todos rien.)
LORENA.-¿Por qué se ríen de ella?
TRONCOSO.-A vos que te pasa? De un tiem­po a esta parte el mozo se ha puesto muy sen­ti­men­tal.
LA BEBA.-En cuan­to toma dos copas se pone imposi­ble.
LORENA.-Para ust­edes no hay nada respetable en la vida …
TRONCOSO.-Pero her­mano! Vos, el rey de los patateros, hablan­do asi! …
LORENA.-¿ Y qué? ¿Aca­so un patatero no puede ten­er alma? Si ust­edes supier­an …

Traduction des dialogues

TRONCOSO.- Bon­soir. M’accompagneriez-vous pour ce tan­go, made­moi­selle ?
CAYETANA : Je ne me com­mande pas. Deman­dez la per­mis­sion à mon père.
D. GAETANO.- C’est inutile jeune-homme. Ma fille ne « danse » pas.
(Les guillemets soulig­nent l’opinion que le père a de ces dans­es de cabaret).
TRONCOSO.- Com­ment cela se fait-il ? Vrai­ment? Ne savez-vous pas que chaque femme qui entre ici est oblig­ée de danser ?
D. GAETANO.-Mais nul me l’a dit.
TRONCOSO.–Oui, mon­sieur, sinon il y aura des coups de feu.
CAYETANA.-Papa, ren­trons à la mai­son. (Tron­coso sort un revolver.)
D. GAETANO.-Bien … Bien .. . qu’ils « dansent » cette « danse » mais ne la ser­rez pas trop. (Ils dansent ridicule­ment.)
CATALINA.-Gaetano ; Roa, regarde com­ment il fait avec sa jambe.
D. GAETANO.- (L’ar­rê­tant.) Ah ! Non jeune homme, pas ça, par la Madone !
Ma fille n’est pas une melunguera (milonguera, le père ne con­nait pas bien et déforme le mot) quel­conque. Et il ne faut pas cha­touiller la jambe, vous savez ?
TRONCOSO : Où l’ai-je cha­touil­lée ?
D. GAETANO : Et vous me deman­dez en plus ? Cochon!
TRONCOSO : Sors d’ici, otario !
(Otario, cave, naïf, idiot) (Il le gifle, et ils le sor­tent avec des baffes) jusqu’à la rue. La mère et la fille se glis­sent der­rière, l’orchestre attaque un paso doble. Tumulte, rires et tout le monde danse.) On va danser, Mar­ta ?
MARTHA : Non, laisse-moi, je ne veux pas danser aujour­d’hui.
TRONCOSO : Que t’arrive-t-il ?
MARTA.-Rien, laisse-moi.
TRONCOSO : Mais qu’as-tu ce soir ?
MARTA : Rien, ils vont rire si je le dis.
PANCHITO : Laisse-la ; quelque chose d’une nou­velle amourette.
MARTA : Non, rien de tel, je vous jure.
MARGOT : Eh bien, dis-le-moi. Je suis ton amie.
MARTA.-C’est que ! … Mais non, c’est ridicule.
MARGOT.-Parle… .
MARTA : Mais ne riez pas. J’ai lais­sé mon bébé à la mai­son avec quar­ante degrés de fièvre et il va mourir et je ne veux pas qu’il meure. (En pleurs.)
LA BEBA.-Ah-Ah-Ah Arrête avec la sen­ti­men­tal­ité.
TRONCOSO : Quelle malchance ! (Tout le monde rit.)
LORENA.-Pourquoi vous moquez-vous d’elle ?
TRONCOSO : Qu’est-ce qui ne va pas chez toi ? Depuis quelque temps, le mon­sieur (beau jeune-homme) est devenu très sen­ti­men­tal.
LE BÉBÉ : Dès qu’il boit deux ver­res il devient impos­si­ble.
LORENA.-Pour vous, il n’y a rien de respectable dans la vie…
TRONCOSO : Mais frère ! Toi, le roi des patateros, tu par­les ain­si !…
LORENA : Et alors ? Un patatero ne peut-il pas avoir une âme ? Si vous saviez…

Et là, Igna­cio Corsi­ni retourne une chaise, pose un genou sur l’assise et s’appuie au dossier avant d’entamer cette chan­son qu’il repren­dra de nom­breuses fois à la demande des spec­ta­teurs.
Lors d’une représen­ta­tion, le chef de la troupe, Cesar Rat­ti, a essayé d’interdire les bis mul­ti­ples. Finale­ment, il a dû céder devant la pres­sion du pub­lic et il y a eu cinq bis.
Voilà, vous en savez sans doute un peu plus sur l’histoire de ce tan­go et du lien entre notre musique favorite, les cabarets, théâtres et autres lieux de spec­ta­cle du début du vingtième siè­cle.

À bien­tôt, les amis !