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T.B.C. 1953-08-11 — Orquesta Edgardo Donato con Roberto Morel y Raúl Ángeló

Ascanio Ernesto Donato Letra: Roberto Fontaina; Víctor Soliño

Nous vivons dans un monde de fous et le poids d’un bais­er volé est sans doute telle­ment lourd aujourd’hui que l’on n’oserait plus écrire des paroles com­pa­ra­bles à celles de notre tan­go du jour. Les ini­tiales T.B.C. sig­ni­fient Te bese (je t’ai embrassé). Mais nous ver­rons d’autres sig­ni­fi­ca­tions pos­si­bles pour les pre­mières ver­sions.

Ascanio

Ascanio Ernesto Dona­to

Ascanio Dona­to (14 octo­bre 1903 — 31 décem­bre 1971) est un des 8 frères de Edgar­do Dona­to, l’interprète de notre tan­go du jour. Con­traire­ment à son grand frère, Edgar­do (vio­loniste) ou même son petit frère, Osval­do (pianiste), Ascanio est peu con­nu. Le site TodoTan­go, qui est en général une bonne source, l’indique comme vio­loniste, alors qu’il était vio­lon­cel­liste.
Sa fiche dans le réper­toire des auteurs uruguayens est plus que som­maire : https://autores.uy/autor/4231. Avec seule­ment la date de nais­sance et un seul de ses prénoms et pas de date de décès. En effet, con­traire­ment à son aîné, Edgar­do qui est né à Buenos Aires, Ascanio est né à Mon­te­v­ideo.
L’œuvre a été déposée le 22 jan­vi­er 1929 (n° 40855) sous le nom de A.E. Dona­to (Ascanio Ernesto Dona­to). À l’époque, il était déjà vio­lon­cel­liste avec ses frères, Osval­do au piano et Edgar­do à la direc­tion et au vio­lon. On notera que le dépôt a eu lieu en 1929, mais que le tan­go a été enreg­istré pour la pre­mière fois en 1927.
Un autre dépôt a été effec­tué en Argen­tine le 19 décem­bre 1940 (# 2535 | ISWC T0370028060) et cette fois, le dépôt est au nom d’Edgar­do. Cepen­dant, les pre­miers dis­ques men­tion­nent A. Dona­to.

Dif­férents dis­ques de T.B.C.

Les pre­miers dis­ques indiquent bien A. Dona­to. Celui de Veiga réal­isé à New York indique E Dona­to et pas les auteurs du texte, chan­té. Celui de Rafael Canaro réal­isé en Espagne indique juste Dona­to. Celui de De Ange­lis indique E. Dona­to et celui du quin­tette du pianiste Oscar Sabi­no, de nou­veau, A. Dona­to… On notera que le pre­mier disque, celui de Car­los Di Sar­li à gauche ne men­tionne pas les auteurs des paroles, l’œuvre étant instru­men­tale.

Je pro­pose de con­serv­er l’attribution à Ascanio, d’autant plus que je verse au dossier une par­ti­tion qui lui attribue l’œuvre…

Extrait musical

Par­ti­tion de T.B.C. indi­quant A.E. Dona­to, donc, sans ambiguïté, Ascanio Ernesto Dona­to.
T.B.C. (Te bese) 1953-08-11 — Orques­ta Edgar­do Dona­to con Rober­to Morel y Raúl Ángeló

Paroles

Les paroles sem­blent avoir été ajoutées postérieure­ment. Nous y revien­drons.

Te besé
y te cabri­aste
de tal man­era
que te pusiste
hecha una fiera.
Y has­ta qui­siste,
sin más moti­vo,
darme el oli­vo
por ser audaz.

Total
no es para tan­to,
no ves
que esta­ba “colo”.
Pen­sá
que fue uno sólo
y al fin
te va a gus­tar.
No digas que no,
que cuan­do sepas,
besar
dan­do la vida
serás
tu quien me pida
y sé
qué me dirás.

Bésame,
que no me eno­jo,
bésame,
como en el cine.
Un beso de pasión,
que al no poder res­pi­rar,
me deten­ga el corazón.
Bésame,
Negro queri­do,
el alma
dame en un beso
que me haga estreme­cer
la sen­sación
de ese plac­er.
Ascanio Dona­to Letra: Rober­to Fontaina; Víc­tor Soliño

Traduction libre

Je t’ai embrassée et tu t’es telle­ment fâchée que tu es dev­enue une bête sauvage. Et tu voulais même, sans plus de rai­son, t’enfuir (Dar el oli­vo, c’est par­tir, fuir) pour avoir été auda­cieux.
Quoi qu’il en soit, ce n’est pas si mal, ne vois-tu pas que c’é­tait « colo » (Loco, fou en ver­lan).
J’ai pen­sé que ce serait un seul et qu’au final tu aimerais. Ne dis pas non, que quand tu sais, embrass­er en don­nant la vie, tu seras celle qui me deman­dera et je sais ce que tu me diras :
Embrasse-moi, que je ne me fâche pas, embrasse-moi, comme au ciné­ma. Un bais­er de pas­sion, que de ne plus pou­voir respir­er, mon cœur s’ar­rête.
Embrasse-moi, mon chéri (Negro est un surnom affectueux qui peut être don­né à quelqu’un qui n’est pas noir), donne-moi un bais­er à l’âme qui me fasse sec­ouer la sen­sa­tion de ce plaisir.

Comme pour beau­coup de paroles de tan­go, il con­vient de faire des hypothès­es quant à la sig­ni­fi­ca­tion exacte. Le fait que des femmes et des hommes l’aient chan­té per­met de rel­a­tivis­er l’affaire, ce ne sont pas d’horribles machistes qui vio­len­tent des femmes non con­sen­tantes.
Cer­tains voient dans le tan­go des his­toires de bor­dels, mais dans la grande majorité, les his­toires sont plutôt sen­ti­men­tales, c’est-à-dire qu’elles par­lent de sen­ti­ments. Que ce soit l’illusion, l’amour fou, la détresse de l’abandon, le repen­tir, le regret. En dehors de l’époque des pro­totan­gos et des pre­miers tan­gos qui avaient des paroles assez crues et où les mecs fai­saient les bravach­es, la plu­part des titres est plutôt roman­tique.
Je veux voir dans le texte de ce tan­go une idylle nais­sante, peut-être entre des ado­les­cents, pas le cas d’un tai­ta qui s’impose à une mina désem­parée, d’autant plus que le texte peut être vu des deux points de vue, comme le prou­vent les ver­sions que je vous pro­pose.
Pour la tra­duc­tion, j’ai choisi de faire par­ler un homme, puisque ce sont des hommes qui chantent notre tan­go du jour et le dernier cou­plet pour­rait-être la réponse de la femme qui se rend aux argu­ments, à la sol­lic­i­ta­tion de l’homme. Mais on peut totale­ment invers­er les rôles.
Les pre­miers enreg­istrements sont instru­men­taux. T.B.C. peut dans ce cas sig­ni­fi­er Te Bese, ou TBC (sans les points) qui désigne la tuber­cu­lose… TBC est aus­si un club nau­tique de Tigre (près de Buenos Aires) TBC pour Tigre Boat Club. De nom­breux tan­gos font référence à un étab­lisse­ment, ou un club. Mais le fait qu’il soit à Tigre et pas à Mon­te­v­ideo lim­ite la portée de cette hypothèse.
L’excellent site bibletango.com indique que le titre serait inspiré par un club assez spé­cial de Mon­te­v­ideo, mais sans autre pré­ci­sion. Si on excepte l’acception TBC=Tuberculose, je ne trou­ve pas de club en rela­tion avec T.B.C. à Mon­te­v­ideo.

Avec les paroles de Rober­to Fontaina et Víc­tor Soliño, le doute n’est plus per­mis, c’est bien Te bese qu’il faut com­pren­dre.
Rober­to Fontaina et Víc­tor Soliño tra­vail­laient à Mon­te­v­ideo. Ce qui con­firme l’origine uruguayenne de ce titre.

Autres versions

Ce tan­go a été enreg­istré à divers­es repris­es et en deux vagues, à la fin des années 20 et dans les années 50.
Les enreg­istrements de 1927 et 1928 sont instru­men­taux.

T.B.C. 1927-11-28 — Orques­ta Julio De Caro.

Pre­mier enreg­istrement, instru­men­tal.

T.B.C. 1928-11-26 — Sex­te­to Car­los Di Sar­li. Une ver­sion instru­men­tale.

Une autre ver­sion instru­men­tale.

Rosi­ta Quiroga nous pro­pose la pre­mière ver­sion chan­tée.

T.B.C. 1929-01-22 — Rosi­ta Quiroga con gui­tar­ras y sil­bidos.

Je trou­ve cette ver­sion fraîche et déli­cieuse. Toute sim­ple et qui exprime bien le texte. Remar­quez les sif­fle­ments.

T.B.C. (Te bese) 1929-06-19 — Genaro Veiga — Orques­ta de la Madriguera.

Cette ver­sion a été enreg­istrée à New York, ce qui une fois de plus prou­ve la dif­fu­sion rapi­de des œuvres. On n’est pas obligé d’apprécier la voix un peu traî­nante de Veiga.

T.B.C. (Te bese) 1930 Orques­ta Rafael Canaro con Car­los Dante y Rafael Canaro.

Rafael se joint à Car­los Dante pour le refrain dans un duo sym­pa­thique. Cette ver­sion a été enreg­istrée en Espagne, par le plus français des Canaro.

T.B.C. (Te bese) 1952-12-05 — Florindo Sas­sone con Rober­to Chanel.

Une ver­sion typ­ique de Sas­sone qui remet au goût du jour ce thème. C’est un peu trop grandil­o­quent à mon goût. Rober­to Chanel, sem­ble rire au début, sans doute pour dédrama­tis­er sa demande. En revanche, l’orchestre passe au sec­ond plan et cela per­met de prof­iter de la belle voix de Chanel.

T.B.C. (Te bese) 1953-08-11 — Orques­ta Edgar­do Dona­to con Rober­to Morel y Raúl Ángeló. C’est notre tan­go du jour.

Après l’écoute de Sas­sone, on trou­vera l’interprétation beau­coup plus sèche et nerveuse. Pour le pre­mier disque de ce tan­go de son frère (ou de lui…), c’est un peu tardif, mais c’est plutôt joli. Cela reste dans­able. Comme dans la ver­sion de Rafael Canaro qui ini­tie le pre­mier duo, le refrain est chan­té par Morel et Ángeló.

T.B.C. (Te bese) 1957-07-17 — Diana Durán con orques­ta.

À com­par­er à la ver­sion de Rosi­ta Quiroga de 28 années antérieure. On peut trou­ver que c’est un peu trop dit et pas assez chan­té. Je préfère la ver­sion de Rosi­ta.

T.B.C. (Te bese) 1960-10-19 — Orques­ta Alfre­do De Ange­lis con Lalo Mar­tel.

Lalo Mar­tel, reprend le style décon­trac­té et un peu gouailleur de ses prédécesseurs.

T.B.C. (Te bese) 1990 C — Los Tubatan­go.

Et on ferme la boucle avec une ver­sion instru­men­tale avec un orchestre qui s’inspire des pre­miers orchestres de tan­go…

T.B.C. Inspiré de Psy­ché ran­imée par le bais­er de l’Amour — Anto­nio Cano­va.

J’ai util­isé un des bais­ers les plus célèbres de l’histoire de l’art, celui immor­tal­isé dans le mar­bre par Anto­nio Cano­va et que vous pou­vez admir­er au Musée du Lou­vre (Paris, France) pour l’image de cou­ver­ture.

Sentimiento gaucho 1954-07-30 — Orquesta Donato Racciatti con Nina Miranda

Francisco Canaro; Rafael Canaro Letra: Juan Andrés Caruso

Nous avons vu les liens entre le tan­go et le théâtre, le ciné­ma, la radio. Notre tan­go du jour, Sen­timien­to gau­cho a tous ces liens et en plus, il a gag­né un con­cours… Il n’est donc pas éton­nant qu’il dis­pose de dizaines de ver­sions, voyons donc ce Sen­timien­to gau­cho à par­tir de la ver­sion ori­en­tale, de Dona­to Rac­ciat­ti et Nina Miran­da.

Les concours Max Glücksmann

La firme Max Glücks­mann est celle qui a créé la mai­son de dis­ques Odeón, que vous con­nais­sez bien main­tenant. Cette société a organ­isé à par­tir de 1924 dif­férents con­cours annuels qui se déroulaient dans dif­férents lieux à Buenos Aires et Mon­te­v­ideo.
Trois fois par semaine, durant le con­cours, l’orchestre « offi­ciel » qui était dif­férent chaque année, jouait les tan­gos qui avaient été sélec­tion­nés par l’entreprise pour con­courir.
Les jours con­cernés, l’orchestre jouait deux fois la sélec­tion, une fois pour la séance de ciné­ma de 18 heures et une fois pour la séquence de ciné­ma de 22h30.
Le pub­lic votait grâce à un coupon placé sur le tick­et d’entrée au théâtre/cinéma.
En 1924, la pre­mière année du con­cours, c’est Sen­timien­to Gau­cho qui gagna.
L’orchestre qui a joué les œuvres élec­tion­nées était celui de Rober­to Fir­po, un orchestre gon­flé pour attein­dre 15 musi­ciens, dans le Théâtre Grand Splen­did et la radio LOW, Radio Grand Splen­did retrans­met­tait égale­ment la presta­tion de l’orchestre.
On voit que le dis­posi­tif était par­ti­c­ulière­ment élaboré et que Max Glücks­mann avait mis les moyens.
La ver­sion présen­tée était instru­men­tale, car les trois pre­mières années du con­cours, il n’y avait pas de chanteur, « seule­ment » 15 musi­ciens.
Le pal­marès de cette année a été le suiv­ant :

  • Pre­mier prix : Sen­timien­to Gau­cho (Fran­cis­co et Rafael Canaro)
  • Pa que te acordés (Fran­cis­co Lomu­to)
  • Organ­i­to de la tarde (Cat­u­lo Castil­lo)
  • Con toda el alma (Juan Fari­ni)
  • Amiga­zo (Juan de Dios Fil­ib­er­to)
  • Men­tions : Capa­blan­ca solo (Enrique Delfi­no)
  • El púa (Arturo de Bassi)
  • Soñan­do (Paqui­ta Bernar­do)

Extrait musical

Sen­timien­to gau­cho. Fran­cis­co Canaro; Rafael Canaro Letra: Juan Andrés Caru­so.

À gauche, la par­ti­tion Ricor­di qui cor­re­spond au texte des paroles habituelles. À droite de la par­ti­tion, le pre­mier prix gag­né par Canaro (il n’y avait pas de paroles et c’était donc cohérent de représen­ter un gau­cho). À l’extrême droite, la cou­ver­ture de la par­ti­tion avec les paroles cen­surées.

Sen­timien­to gau­cho 1954-07-30 — Orques­ta Dona­to Rac­ciat­ti con Nina Miran­da

Paroles

En un viejo almacén del Paseo Colón
Donde van los que tienen per­di­da la fe
Todo sucio, hara­pi­en­to, una tarde encon­tré
A un bor­ra­cho sen­ta­do en oscuro rincón
Al mirar­le sen­tí una pro­fun­da emo­ción
Porque en su alma un dolor secre­to adi­v­iné
Y, sen­tán­dome cer­ca, a su lado, le hablé
Y él, entonces, me hizo esta cru­el con­fe­sión
Pon­ga, ami­go, aten­ción

Sabe que es condi­ción de varón el sufrir
La mujer que yo quería con todo mi corazón
Se me ha ido con un hom­bre que la supo seducir
Y, aunque al irse mi ale­gría tras de ella se llevó
No quisiera ver­la nun­ca… Que en la vida sea feliz
Con el hom­bre que la tiene pa’ su bien… O qué sé yo
Porque todo aquel amor que por ella yo sen­tí
Lo cortó de un solo tajo con el filo’e su traición

Pero inútil… No puedo, aunque quiera, olvi­dar
El recuer­do de la que fue mi úni­co amor
Para ella ha de ser como el trébol de olor
Que per­fuma al que la vida le va a arran­car
Y, si aca­so algún día quisiera volver
A mi lado otra vez, yo la he de per­donar
Si por celos a un hom­bre se puede matar
Se per­dona cuan­do habla muy fuerte el quer­er
A cualquiera mujer

Fran­cis­co Canaro; Rafael Canaro Letra: Juan Andrés Caru­so

Traduction libre et indications

Dans un vieux mag­a­sin (El almacén, est à a la fois un mag­a­sin, un bar, un lieu de vie, de musique et danse, etc.) du Paseo Colón (rue du sud de Buenos Aires) où vont ceux qui ont per­du la foi.
Tout sale, en hail­lons, un après-midi, j’ai trou­vé un ivrogne assis dans un coin som­bre.
En le regar­dant, j’éprou­vai une pro­fonde émo­tion parce que dans son âme je dev­inais une douleur secrète.
Et assis près de lui, je lui ai par­lé, et il m’a fait cette cru­elle con­fes­sion.
Fais atten­tion, mon ami.
Sache que c’est la con­di­tion de l’homme que de souf­frir.
La femme que j’ai aimée de tout mon cœur s’en est allée avec un homme qui a su la séduire et, avec son départ, elle a emporté ma joie avec elle.
Je ne voudrais jamais la revoir… Puisse-t-elle être heureuse dans la vie avec l’homme qui l’a pour la sienne…
Ou qu’est-ce que j’en sais pourquoi tout cet amour que je ressen­tais pour elle, elle l’a coupé d’un seul coup avec la lame de sa trahi­son.
Mais inutile… Je ne peux pas, même si je le voulais, oubli­er le sou­venir de celle qui était mon seul amour. Pour elle, il faut être comme le trèfle d’odeur (mélilot) qui par­fume celui que la vie va arracher.
Et si un jour elle veut revenir vers moi, je lui par­don­nerai.
Si un homme peut être tué par jalousie, cela se par­donne quand par­le très fort l’amour à quelque femme que ce soit.

Il existe deux autres ver­sions des paroles, mais le prob­lème sur le site ne m’a pas lais­sé le temps de les retran­scrire.
Une ver­sion cen­surée, ou l’ivrogne dans le bar devient un paysan dans un champ et l’autre une ver­sion humoris­tique de Trio Gedeón. J’y reviendrai un jour, mais pour l’instant, ma pri­or­ité est de rétablir le site.

Autres versions

Pour les mêmes raisons que le gros rac­cour­cisse­ment de l’anecdote du jour, le prob­lème sur le site, je ne pro­pose pas les autres ver­sions de Sen­timien­to Gau­cho.
Là encore, j’essayerai de rat­trap­er, dès que pos­si­ble, lorsque le site sera remis en état.
Je vous présente tout de même cette ver­sion sym­pa où on voit chanter Ada Fal­con. C’est dans le film : Ido­l­os de la radio de Eduar­do Mor­era

Ada Fal­con dans Ido­l­os de la radio de Eduar­do Mor­era chante Sen­timien­to Gau­cho.

j’e­spère à demain, les amis, avec une ver­sion plus com­plète…

Los 33 orientales 1955-07-28 — Orquesta Carlos Di Sarli

José “Natalín” Felipetti ; Rosario Mazzeo Letra: Arturo Juan Rodríguez

Le tan­go du jour est instru­men­tal, et en écoutant la musique sen­suelle de Di Sar­li, je suis sûr que la plu­part de ceux qui ne sont pas uruguayens ont pen­sé que j’étais tombé sur la tête, une fois de plus, en pro­posant cette image de cou­ver­ture. J’ai imag­iné cette illus­tra­tion en me référant à Géri­cault, un pein­tre qui a don­né à la fois dans le mil­i­taire et l’orientalisme. Mais qui sont ces 33 ori­en­tales que Di Sar­li célébr­era trois fois par le disque ?

De l’importance de l’article

Il peut échap­per aux per­son­nes qui ne par­lent pas bien espag­nol, la dif­férence entre las (déter­mi­nant pluriel, féminin) et los (déter­mi­nant pluriel, mas­culin). Las 33 ori­en­tales, ça pour­rait-être ceci,

Los ou las ?

mais los 33 ori­en­tales, c’est plutôt cela :

El jura­men­to de los 33 ori­en­tales Juan Manuel Blanes (1878).

Je vous racon­terai l’histoire de ces 33 mecs en fin d’article, pas­sons tout de suite à l’écoute.

Extrait musical

Les com­pos­i­teurs sont José Felipet­ti (ban­donéon­iste et édi­teur musi­cal) et Alfre­do Rosario Mazzeo, vio­loniste, notam­ment dans l’orchestre de Juan D’Arienzo, puis de Poli­to (qui fut pianiste égale­ment de D’Arienzo). Rosario Mazzeo avait la par­tic­u­lar­ité d’utiliser un archet de vio­lon alto, plus grand pour avoir un son plus lourd.

Los 33 ori­en­tales 1955-07-28 — Orques­ta Car­los Di Sar­li.

Je n’ai pas grand-chose à dire sur cette ver­sion que vous puissiez ne pas con­naître. Je suis sûr que dans les cinq sec­on­des vous aviez repéré que c’était Di Sar­li, avec ses puis­sants accords sur son 88 touch­es (le piano) et les légatos des vio­lons. Comme il est d’usage chez lui, les nuances sont bien exprimées. Les suc­ces­sions de for­tis­si­mos mourant dans des pas­sages pianos (moins forts) et les accords fin­aux où domi­nent le piano font que c’est du 100% Di Sar­li.

Il s’agit du troisième enreg­istrement de Los 33 ori­en­tales par Di Sar­li. Comme d’habitude, vous aurez droit aux autres dans le chapitre dédié, Autres ver­sions

Les trois dis­ques de Los 33 ori­en­tales par Car­los Di Sar­li.

On notera que la ver­sion de 1952 est un 33 tours Long Play, c’est-à-dire qu’il y a deux tan­gos par face, ici La Cachi­la et Los 33 ori­en­tales. Sur la face A, il y a Cua­tro vidas et Sueño de juven­tud. Le pas­sage de 78 à 33 tours per­me­t­tait de plus que dou­bler la durée enreg­is­tra­ble. Mais ce n’est que la général­i­sa­tion du microsil­lon qui per­met d’atteindre des durées plus longues de plus de 20 min­utes par face. Ce disque est donc un disque de « tran­si­tion » entre deux tech­nolo­gies.

Paroles

Bien qu’il soit instru­men­tal dans les ver­sions con­nues, il y a eu des paroles écrites par Arturo Juan Rodriguez.
Au cas où elles seraient per­dues, je vous pro­pose un extrait de celles d’un autre tan­go appelé égale­ment los 33 ori­en­tales, à l’origine et rebap­tisé par la suite La uruguyai­ta Lucia.
Il a été écrit en 1933 par Eduar­do Pereyra avec des paroles de Daniel López Bar­reto.
Je vous le pro­pose à l’é­coute, dans la ver­sion de Ricar­do Tan­turi avec Enrique Cam­pos (1945).

La uruguyai­ta Lucia 1945-04-12 — Ricar­do Tan­turi C Enrique Cam­pos

Y mien­tras en el cer­ro; de los bravos 33 el clarín se oía
y al mun­do una patria nue­va anun­cia­ba
un tier­no sol­lo­zo de mujer, a la glo­ria reclam­a­ba
el amor de su gau­cho, que más fiel a la patria su vida le entregó.
Cabel­los negros, los ojos
azules, muy rojos
los labios tenía.
La Uruguayi­ta Lucía,
la flor del pago ‘e Flori­da.
Has­ta los gau­chos más fieros,
eter­nos matreros,
más man­sos se hacían.
Sus oja­zos parecían
azul del cielo al mirar.

Ningún gau­cho jamás
pudo alcan­zar
el corazón de Lucía.
Has­ta que al pago llegó un día
un gau­cho que nadie conocía.
Buen payador y buen mozo
can­tó con voz las­timera.
El gau­cho le pidió el corazón,
ella le dio su alma entera.

Fueron felices sus amores
jamás los sins­a­bores
inter­rumpió el idilio.
Jun­tas soñaron sus almi­tas
cual tier­nas palomi­tas
en un rincón del nido.
Cuan­do se que­ma el hor­i­zonte
se escucha tras el monte
como un suave mur­mul­lo.
Can­ta la tier­na y fiel pare­ja,
de amores son sus que­jas,
sus­piros de pasión.

Pero la patria lo lla­ma,
su hijo recla­ma
y lo ofrece a la glo­ria.
Jun­to al clarín de Vic­to­ria
tam­bién se escucha una que­ja.
Es que tronchó Lavalle­ja
a la dulce pare­ja
el idilio de un día.
Hoy ya no can­ta Lucía,
su payador no volvió.

Eduar­do Pereyra Letra: Daniel López Bar­reto

Traduction libre et indications

Et pen­dant que tu étais sur la colline ; des braves du 33 le cla­iron a été enten­du et au monde il annonça une nou­velle patrie, un ten­dre san­glot d’une femme, à la gloire il a revendiqué l’amour de son gau­cho, qui le plus fidèle à la patrie lui a don­né sa vie.
Cheveux noirs, yeux bleus, lèvres très rouges, elle avait.
La Uruguayi­ta Lucía, la fleur du bled (pago, coin de cam­pagne et la pop­u­la­tion qui l’habite) Flori­da.
Même les gau­chos les plus féro­ces, éter­nels matreros (bour­rus, sauvages, qui fuient la jus­tice), se fai­saient apprivois­er.
Ses grands yeux sem­blaient bleus de ciel quand elle regar­dait.
Aucun gau­cho ne put jamais attein­dre le cœur de Lucia.
Jusqu’au jour où un gau­cho arri­va dans le coin et que per­son­ne ne con­nais­sait.
Bon payador et bien beau, il chan­tait d’une voix pitoy­able.
Le gau­cho lui deman­da le cœur, elle lui don­na son âme en entier.
Leurs amours étaient heureuses, jamais les ennuis n’in­ter­rom­pirent l’idylle.
Ensem­ble, leurs petites âmes rêvaient comme de ten­dres colombes dans un coin du nid.
Lorsque l’hori­zon brûla, s’entendit der­rière la mon­tagne comme un doux mur­mure.
Le cou­ple ten­dre et fidèle chante, leurs plaintes sont d’amour, leurs soupirs de pas­sion.
Mais la patrie l’ap­pelle, elle réclame son fils et lui offre la gloire.
Jointe au cla­iron de vic­toire, une plainte s’entend égale­ment.
C’est Lavalle­ja (voir en fin d’article) qui a coupé court à l’idylle du cou­ple en une journée.

La ver­sion de José « Natalín » Felipet­ti ; Rosario Mazzeo et Arturo Juan Rodríguez n’a peut-être ou sans doute rien à voir, mais cela per­met tout de même d’évoquer un autre titre faisant référence aux 33 ori­en­tales et même à Lavalle­ja, que je vous présen­terai dans la dernière par­tie de l’article.

Autres versions

Je vous pro­pose 5 ver­sions. Trois par Di Sar­li plus deux dans le style de Di Sar­li

Los 33 ori­en­tales 1948-06-22 — Car­los Di Sar­li.

La musique avance à petits pas fer­mes aux­quels suc­cèdes des envolées de vio­lons, le tout appuyé par les accords de Di Sar­li sur son piano. C’est joli dansant, du Di Sar­li effi­cace pour le bal.

Los 33 ori­en­tales 1952-06-10 — Car­los Di Sar­li.

Cette ver­sion est assez proche de celles de 1948. Le piano est un tout petit plus dis­so­nant, dans cer­tains accords, accen­tu­ant, le con­traste en les aspects doux des vio­lons et les sons plus mar­ti­aux du piano.

Los 33 ori­en­tales 1955-07-28 — Orques­ta Car­los Di Sar­li.

Los 33 ori­en­tales 1955-07-28 — Orques­ta Car­los Di Sar­li. C’est notre tan­go du jour. La musique est plus liée, les vio­lons plus expres­sifs. Le con­traste piano un peu dis­so­nant par moment et les vio­lons, plus lyriques est tou­jours présent. C’est peut-être ma ver­sion préférée, mais les trois con­vi­en­nent par­faite­ment au bal.

Los 33 ori­en­tales 1960 — Los Señores Del Tan­go.

En sep­tem­bre 1955, des chanteurs et musi­ciens quit­tèrent, l’orchestre de Di Sar­li et fondèrent un nou­v­el orchestre, Los Señores Del Tan­go, en gros, le pluriel du surnom de Di Sar­li, El Señor del tan­go… Comme on s’en doute, ils ne se sont pas détachés du style de leur ancien directeur. Vous pou­vez l’entendre avec cet enreg­istrement de 1960 (deux ans après le dernier enreg­istrement de Di Sar­li).

Los 33 ori­en­tales 2003 — Gente De Tan­go (esti­lo Di Sar­li).

Gente De Tan­go annonce jouer ce titre dans le style de Di Sar­li. Mais on notera quand même des dif­férences, qui ne vont pas for­cé­ment toute dans le sens de l’orchestre con­tem­po­rain ? L’impression de fusion et d’organisation de la musique est bien moins réussie. Le ban­donéon sem­ble par­fois un intrus. Le sys­té­ma­tisme de cer­tains procédés fait que le résul­tat est un peu monot­o­ne. N’est pas Di Sar­li qui veut.

Qui sont les 33 orientales ?

Ras­surés-vous, je ne vais pas vous don­ner leur nom et numéro de télé­phone, seule­ment vous par­ler des grandes lignes.

J’ai évo­qué à pro­pos du 9 juil­let, jour de l’indépendance de l’Argentine, que les Espag­nols avaient été mis à la porte. Ces derniers se sont rabat­tus sur Mon­te­v­ideo et ont été délogés par les Por­tu­gais, qui souhaitaient inter­préter en leur faveur le traité de Torde­sil­las.

Un peu d’histoire

On revient au quinz­ième siè­cle, époque des grandes décou­vertes, Christophe Colomb avait débar­qué en 1492, en… Colom­bie, enfin, non, pas tout à fait. Il se croy­ait en Asie et a plutôt atteint Saint-Domingue et Cuba pour employ­er les noms actuels.

Colomb était par­ti en mis­sion pour le compte de la Castille (Espagne), mais selon le traité d’Al­caço­vas, signé en 1479 entre la Castille et le Por­tu­gal, la décou­verte serait plutôt à inclure dans le domaine de dom­i­na­tion por­tu­gais, puisqu’au sud du par­al­lèle des îles Canaries, ce que le roi du Por­tu­gal (Jean II) s’est empressé de remar­quer et de men­tion­ner à Colomb. Le pape est inter­venu et après dif­férents échanges, le Por­tu­gal et la Castille sont arrivés à un accord, celui de Torde­sil­las qui don­nait à la Castille les ter­res situées à plus de 370 lieues à l’ouest des îles du Cap-Vert. Une lieue espag­nole de l’époque valait 4180 m, ce qui fait que tout ce qui est à plus à l’ouest du méri­di­en pas­sant à 1546 km du Cap Vert est Espag­nol, mais cela implique égale­ment, que ce qui moins loin est Por­tu­gais. La décou­verte de ce qui devien­dra le Brésil sera donc une aubaine pour le Por­tu­gal.

À gauche, les délim­i­ta­tions des traités d’Al­caço­vas et de Tordessil­las. À droite, la même chose avec une ori­en­ta­tion plus mod­erne, avec le Nord, au nord…

Je pense que vous avez suivi cette révi­sion de vos cours d’histoire, je passe donc à l’étape suiv­ante…
Les Brésiliens Por­tu­gais et les Espag­nols, tout autour, cher­chaient à éten­dre leur dom­i­na­tion sur la plus grande par­tie de la Terre nou­velle. Les Por­tu­gais ont défon­cé la lim­ite du traité de Tortes­sil­las en creu­sant dans la par­tie ama­zoni­enne du con­ti­nent, mais ils con­voitaient égale­ment les ter­res plus au Sud et qui étaient sous dom­i­nance espag­nole, là où est l’Uruguay actuel. Les Espag­nols, qui avaient un peu nég­ligé cette zone, établirent Mon­te­v­idéo pour met­tre un frein aux pré­ten­tions por­tu­gais­es.
La sit­u­a­tion est restée ain­si jusqu’à la fin du 18e siè­cle, à l’intérieur de ces pos­ses­sions espag­noles et por­tu­gais­es, de grands pro­prié­taires com­mençaient à bien pren­dre leurs ais­es. Aus­si voy­aient-ils d’un mau­vais œil les impôts espag­nols et por­tu­gais et ont donc poussé vers l’indépendance de leur zone géo­graphique.
Les Argentins ont obtenu cela en 1816 (9 juil­let), mais les Espag­nols se sont retranchés dans la par­tie est du Pays, l’actuel Uruguay qui n’a donc pas béné­fi­cié de cette indépen­dance pour­tant signée pour toutes les Provinces-Unies du Rio de la Pla­ta.
Le 12 octo­bre 1822, le Brésil (7 sep­tem­bre) proclame son indépen­dance vis-à-vis du Por­tu­gal par la voix du prince Pedro de Alcân­tara qui se serait écrié ce jour-là, l’indépen­dance ou la mort ! Il est finale­ment mort, mais en 1934 et le brésil était « libre » depuis au moins 1825.
Dans son His­toire du Brésil, Armelle Enders, remet en cause cette déc­la­ra­tion du prince héri­ti­er de la couronne por­tu­gaise qui s’il déclare l’indépendance, il instau­re une monar­chie con­sti­tu­tion­nelle et Pedro de Alcân­tara devient le pre­mier empereur du Brésil sous le nom de Pierre Ier. Révo­lu­tion­naire, oui, mais empereur…
Donc, en Uruguay, ça ne s’est pas bien passé. Arti­gas qui avait fait par­tie des insti­ga­teurs de l’indépendance de l’Argentine a été con­traint de s’exiler au Paraguay à la suite de trahisons, ain­si que des dizaines de mil­liers d’Uruguayens. Par­mi eux, Juan Anto­nio Lavalle­ja et Manuel Oribe.

Juan Anto­nio Lavalle­ja (pho­tos de gauche) et Manuel Oribe, les meneurs des 33 ori­en­tales. Ils seront tous les deux prési­dents de le la république uruguayenne.

Où on en vient, enfin, aux 33 orientales

Après de ter­ri­bles péripéties, notam­ment de Lavalle­ja con­tre les Por­tu­gais-Brésiliens qui avaient finale­ment délogé les Espag­nols de Mon­te­v­ideo en 1816, il fut fait pris­on­nier et exilé jusqu’en 1821. L’année suiv­ante, le Brésil obte­nait son indépen­dance, tout au moins son début d’indépendance. Lavalle­ja se ral­lia du côté de Pierre 1er, voy­ant en lui une meilleure option pour obtenir l’indépendance de son pays.
En 1824, il est déclaré déser­teur pour être allé à Buenos Aires. Son but était de repren­dre le pro­jet d’Artigas et d’unifier les Provinces du Rio de la Pla­ta.
Une équipe de 33 hommes a donc fait la tra­ver­sée du Rio Uruguay. Une fois sur l’autre rive, ils ont prêté ser­ment sur la Playa de la Agra­ci­a­da (ou ailleurs, il y a deux points de débar­que­ment poten­tiel, mais cela ne change rien à l’affaire).

El jura­men­to de los 33 ori­en­tales sur la plage selon le pein­tre Juan Manuel Blanes et l’emplacement du débar­que­ment (dans le cer­cle rouge). La pyra­mide com­mé­more cet événe­ment.

Ce débar­que­ment et ce ser­ment, le jura­men­to de los 33 ori­en­tales mar­quent le début de la guerre d’indépendance qui se pro­longera dans d’autres guer­res surnom­mées Grande et Petite. Les Bri­tan­niques furent mis dans l’affaire, mais ils pen­sèrent plus aux leurs, d’affaires, que d’essayer d’aider, n’est-ce pas Mon­sieur Can­ning (qui a depuis per­du la rue qui por­tait son nom et qui s’appelle désor­mais Scal­abri­ni Ortiz) ? Le salon Can­ning con­nu de tous les danseurs de tan­go est juste­ment situé dans la rue Scal­abri­ni Ortiz (anci­en­nement Can­ning).
Les Argentins, dont le prési­dent Riva­davia espérait uni­fi­er l’ancienne province ori­en­tale à l’Argentine, ils se sont donc embar­qués dans la guerre, mais le coût dépas­sait sen­si­ble­ment les ressources disponibles. Le Brésil rece­vait l’aide directe des Anglais, l’affaire était donc assez mal engagée pour les indépen­dan­tistes uruguayens.
Un pro­jet de traité en 1827 fut rejeté, jugé humiliant par les Argentins et futurs Uruguayens indépen­dants.
La Province de Buenos Aires, dirigée par Dor­rego, le Sénat et l’empereur du Brésil se mirent finale­ment d’accord en 1928. Juan Manuel de Rosas était égale­ment favor­able au traité ren­dant l’Uruguay indépen­dant bien que Dor­rego et Rosas ne fai­saient pas bon ménage. L’exécution de Dor­rego coïn­cide avec l’ascension au pou­voir de De Rosas et ce n’est pas un hasard…
L’histoire ne se ter­mine pas là. Nos deux héros, Juan Anto­nio Lavalle­ja et Manuel Oribe qui avaient fait la tra­ver­sée des 33 sont tous les deux devenus prési­dents de l’Uruguay et de grande guerre à petite guerre, ce sont plusieurs décen­nies de pagaille qui s’en suivirent. L’indépendance et la mise en place de l’Uruguay n’ont pas été sim­ples à met­tre en œuvre. Les paroles du tan­go de Pereyra et Bar­reto nous rap­pel­lent que ces années firent des vic­times.
Les 33 ori­en­tales restent dans le sou­venir des deux peu­ples voisins du Rio de la Pla­ta. À Buenos Aires, une rue porte ce nom, elle va de l’avenue Riva­davia à l’avenue Caseros et sem­ble se con­tin­uer par une des rues les plus cour­tes de Buenos Aires, puisqu’elle mesure 50 m, la rue Trole… Au nord, de l’autre côté de Riva­davia, elle prend le nom de Raw­son, mais, si c’est aus­si un tan­go, c’est aus­si une autre his­toire.

Alors, à demain, les amis !

Los 33 ori­en­tales. La tra­ver­sée par les 33. Ne soyez pas éton­né par le dra­peau bleu-blanc-rouge, c’est effec­tive­ment celui des 33. Vous pou­vez le voir sur le tableau de Juan Manuel Blanes.

Mi vieja linda 1941 — Orquesta Emilio Pellejero con Enalmar De María

Ernesto Céspedes Polanco (Musique et paroles)

En 2012, le thème du fes­ti­val Tan­go­postale de Toulouse était les deux rives. À cette occa­sion, j’ai eu l’idée d’alterner les tan­das argen­tines et uruguayennes. Entre les deux, une corti­na réal­isée pour l’occasion per­me­t­tait de matéri­alis­er le pas­sage d’une rive à l’autre. Je me sou­viens de l’accueil ent­hou­si­aste pour Mi vie­ja lin­da qui était peu con­nue à l’époque, tout comme les ver­sions de nom­breux orchestres uruguayens qui n’étaient alors représen­tés que par Rac­ciat­ti et Vil­las­boas… Dix ans plus tard, le Sex­te­to Cristal a eu l’excellente idée de repren­dre à l’identique Mi vie­ja lin­da, ce qui a per­mis à de nou­velles généra­tions de danseurs de redé­cou­vrir cette milon­ga fes­tive, comme beau­coup de musiques uruguayennes.

Extrait musical

Mi vie­ja lin­da 1941 — Orques­ta Emilio Pelle­jero con Enal­mar De María.
Mi vie­ja lin­da. Par­ti­tion pour qua­tre gui­tares.

Paroles

Mi vie­ja lin­da
Pen­san­do en vos
Se me refres­ca
El corazón
Des­de el día que te vi
Tras de la reja
En mi pecho abrió una flor
Como una luz
Y la pasión
Alum­bró mi corazón
Mi vie­ja lin­da
Pen­san­do en vos
Me sien­to bueno
Como el mejor
Y cuan­do un beso te doy
Boca con boca
Yo paladeo el sabor
De estar en vos
Que estar así
Corazón a corazón

Ernesto Cés­pedes Polan­co

Traduction libre

Ma jolie chérie (vie­ja est la mère, ou la femme chérie. Vu le reste des paroles, c’est la sec­onde option la bonne…), en pen­sant à toi, mon cœur est rafraîchi.
Depuis le jour où je t’ai vu, à tra­vers la grille, une fleur s’est ouverte dans ma poitrine, comme une lumière et la pas­sion a illu­miné mon cœur.
Ma jolie chérie, je pense à toi.
Je me sens bien, comme le meilleur et quand je te donne un bais­er, bouche con­tre bouche, je savoure le goût d’être en toi, d’être ain­si, cœur à cœur.

Autres versions

Mi vie­ja lin­da 1941 — Orques­ta Emilio Pelle­jero con Enal­mar De María. C’est notre milon­ga du jour.
Mi vie­ja lin­da 2022-07-12 – Sex­te­to Cristal con Guiller­mo Rozen­thuler.

Comparaison des deux versions

Vous l’aurez remar­qué, les deux ver­sions sont très sem­blables. Le Sex­te­to Cristal a repro­duit exacte­ment l’interprétation de Emilio Pelle­jero. Pour vous per­me­t­tre de véri­fi­er que le tra­vail est excel­lent, je vous pro­pose d’écouter les deux musiques en même temps.
Vous pour­rez con­stater que la plu­part du temps, la musique est syn­chro­nisée. Cela veut dire que les danseurs pour­ront danser indif­férem­ment sur une ver­sion ou l’autre, sans dif­férence notable.

Le Sex­te­to Crital a eu l’ex­cel­lente idée d’interpréter “Mi vie­ja lin­da” de Ernesto Cés­pedes Polan­co et qui était con­nu prin­ci­pale­ment pour la ver­sion enreg­istrée en 1941 par Emilio Pelle­jero avec la voix d’E­nal­mar De María. Sa repro­duc­tion de la ver­sion orig­i­nale est presque par­faite comme vous le ver­rez dans cette vidéo. Les deux ver­sions jouent en même temps et sont presque tou­jours syn­chro­nisées.

Les deux rives

L’année dernière au fes­ti­val de Tarbes, il y avait le Sex­te­to Cristal qui a bien sûr joué son titre fétiche. J’intervenais le lende­main dans la Halle Mar­cadieu et j’ai pu pass­er la ver­sion orig­i­nale de Pelle­jero afin de ren­dre à César (plutôt Emilio) ce qui était à Emilio Pelle­jero et je pour­rais égale­ment rajouter Ernesto, Ernesto Cés­pedes Polan­co, l’auteur de la musique et des paroles et qui a réal­isé quelques titres prin­ci­pale­ment inter­prétés par Emilio Pelle­jero comme Palo­ma que vue­las et Que­man­do recuer­dos, les deux avec des paroles de Fer­nan­do Sil­va Valdés.
Il est d’usage de dire que le tan­go est un enfant des deux rives du Rio de la Pla­ta, Buenos Aires et sa Jumelle ori­en­tale, Mon­te­v­ideo. Le pas­sage d’un pays à l’autre était courant pour ne pas dire con­stant pour les orchestres. La per­méa­bil­ité entre les deux rives était donc extrême. Cepen­dant, la plu­part des artistes qui ont cher­ché à dévelop­per leur car­rière se sont cen­trés sur Buenos Aires, comme Fran­cis­co Canaro, né Uruguayen et nat­u­ral­isé Argentin.

À Dona­to Rac­ciat­ti et Miguel Vil­las­boas, on peut rajouter quelques orchestres uruguayens moins con­nus :
Nel­son Alber­ti, Julio Arregui, Juan Cao, Anto­nio Cerviño, Rober­to Cuen­ca, Romeo Gavi­o­li, Álvaro Hagopián, Juan Manuel Mouro, Ángel Sica, Julio Sosa.

Durant la pandémie COVID, je dif­fu­sais une milon­ga heb­do­madaire et le fait de pass­er aus­si des orchestres uruguayens m’avait attiré la sym­pa­thie d’auditeurs de ce pays et j’avais reçu de nom­breuses infor­ma­tions via Mes­sen­ger. Mal­heureuse­ment, la fer­me­ture par Face­book de mon compte de l’époque m’a fait per­dre toutes ces infor­ma­tions. Je me sou­viens de con­tacts d’enfants de musi­ciens et de témoignages sur les orchestres de l’époque que je n’avais pas mis au pro­pre, par manque de temps de traiter ces infor­ma­tions très rich­es. Je comp­tais égale­ment enrichir ma dis­cothèque à par­tir de ces sources. Si mes con­tacts de l’époque lisent ce blog, qu’ils n’hésitent pas à repren­dre con­tact…

Cruzan­do el Rio de la Pla­ta – Volver (Chamuyo) et bruitages DJ BYC. Une des corti­nas des deux rives de Tan­go­postale 2012. DJ BYC Bernar­do. Les effets stéréo de la tra­ver­sée sont bien sur per­dus à cause de la néces­sité de pass­er les fichiers en mono pour le blog (lim­ite de taille des fichiers à 1Mo).
Mi vie­ja lin­da 1941. Femme à la fenêtre Antoine Bour­delle.

Pour réalis­er cette image, j’ai util­isé une pein­ture d’An­toine Bour­delle, un sculp­teur génial dont on peut voir les œuvres à Buenos Aires, Toulouse et à Paris où sa mai­son musée est une mer­veille.

Antoine Bour­delle, Femme à la fenêtre, Huile sur toile, Paris, musée Bour­delle

El pollo Ricardo 1946-03-29 – Orquesta Carlos Di Sarli

Luis Alberto Fernández Letra : Gerardo Adroher

Je dédi­cace cet arti­cle à mon ami Ricar­do Salusky, DJ de Buenos Aires, ce tan­go étant une his­toire d’amitié, c’était logique. Pol­lo, le poulet, est un surnom assez courant, les Argentins et Uruguayens sont friands de cet exer­ci­ce qui con­siste à ne jamais dire le véri­ta­ble prénom de per­son­nes…

Reste à savoir qui était le poulet de Luis Alber­to Fer­nán­dez, l’auteur et le paroli­er de ce tan­go qu’il a dédi­cacé à un de ses amis.
Ricar­do est un prénom courant. Il nous faut donc inves­tiguer.
Luis Alber­to Fer­nán­dez (c’est son véri­ta­ble nom) est né à Mon­te­v­ideo le 29 mars 1887. Il était pianiste, com­pos­i­teur et paroli­er d’au moins deux tan­gos, celui dont nous par­lons aujourd’hui et Inter­va­lo. El Pol­lo Ricar­do est indiqué dans les reg­istres de la AGADU (Aso­ciación Gen­er­al de Autores del Uruguay) comme étant de 1911, ce que con­fir­ment d’autres sources, comme les plus anci­ennes exé­cu­tions con­nues par Car­los War­ren, puis Juan Maglio Pacho (mal­heureuse­ment sans enreg­istrement) et un peu plus tar­di­ve­ment (1917), celle de Celesti­no Fer­rer que vous pour­rez écouter à la fin de cet arti­cle.
De Fer­nán­dez, on ne con­naît que deux com­po­si­tions, El pol­lo Ricar­do et Inter­va­lo.
En cher­chant dans les amis de Fer­nán­dez on trou­ve un autre Uruguayen ayant juste­ment écrit un tan­go sur les cartes,

Une par­ti­tion de Ricar­do Scan­droglio du tan­go « En Puer­ta » (l’ouverture) sur le thème des jeux de cartes. On notera que l’auteur se fait appel­er (El Pol­lo Ricar­do).

On retrou­ve ce Ricar­do Scan­droglio sur une pho­to où il est au côté de Luis Alber­to Fer­nán­dez.

Pho­to prise dans les bois de Paler­mo en 1912 (Par­que Tres de Febrero à Buenos Aires).

Assis, de gauche à droite : El pol­lo Ricar­do qui a bien une tête de poulet, non ? Au cen­tre, Luis Alber­to Fer­nán­dez et Curbe­lo. Debouts, Arturo Presti­nari et Fer­nán­dez Castil­la. Cette pho­to a été repro­duite dans la revue La Mañana du 29 sep­tem­bre 1971.
Et pour clore le tout, on a une entre­vue entre Alfre­do Tas­sano et Ricar­do Scan­droglio où ce dernier donne de nom­breuses pré­ci­sions sur leur ami­tié.
Vous pou­vez écouter cette entre­tien (à la fin de la ver­sion de Canaro de El pol­lo Ricar­do) ici:
https://bhl.org.uy/index.php/Audio:_Entrevista_a_Ricardo_Scandroglio_a_sus_81_a%C3%B1os,_1971
Mais je vous con­seille de lire tout le dossier qui est pas­sion­nant :
https://bhl.org.uy/index.php/Scandroglio,_Ricardo_-_El_Pollo_Ricardo

Extrait musical

Il s’agit du deux­ième des trois enreg­istrements de El pol­lo Ricar­do par Car­los Di Sar­li. Nous écouterons les autres dans le chapitre « autres ver­sions ».

El pol­lo Ricar­do 1946-03-29 — Orques­ta Car­los Di Sar­li.
Cou­ver­ture de la deux­ième édi­tion et par­ti­tion pour piano de El pol­lo Ricar­do

Les paroles

Per­son­ne ne con­naît les paroles que Ger­ar­do Adro­her, encore un Uruguayen, a com­posées, mais qu’aucun orchestre n’a enreg­istrées.
Ce tan­go a été récupéré par les danseurs qui ont moins besoin des paroles. Toute­fois, il me sem­ble intéres­sant de les men­tion­ner, car il mon­tre l’atmosphère d’amitié entre Ricar­do Scan­droglio et Luis Alber­to Fer­nán­dez.

Tu pin­ta de bacán
tu estam­pa de varón
tu clase pura para el baile
cuan­do te flo­reás
te han dis­tin­gui­do
entre los buenos gua­pos con razón
porque entran­do a tal­lar
te hiciste respetar.
Pol­lo Ricar­do
vos fuiste ami­go fiel
y yo he queri­do con un tan­go
bra­vo y com­padrón
dar lo mejor de mi amis­tad
a quien me abrió su corazón.
La bar­ra fuerte del café
mucha­chos bravos de ver­dad
forma­ban rue­da cuan­do vos
mar­avil­l­abas al tanguear.
Y siem­pre fue tu juven­tud
el sol que a todos alum­bró
bor­ran­do som­bras con la luz
que tu bon­dad nos dio.
Y cuan­do pasen los años
oirás en el com­pás de este tan­go
un des­fi­lar de recuer­dos
largo… largo.
Puede que entonces
me fui yo a via­jar
con rum­bo por una estrel­la.
Mira hacia el cielo
es ella, la que bril­la más.

Ger­ar­do Adro­her

Traduction libre et indications

Ton élé­gance de noceur, ton allure de mec, ta pure classe pour la danse quand tu brilles t’ont dis­tin­gué par­mi les beaux élé­gants, à juste titre, parce que quand tu entres en taille (fig­ure de tan­go, comme dans le ocho cor­ta­do. Ne pas oubli­er que la forme anci­enne du tan­go de danse avait des atti­tudes pou­vant rap­pel­er le com­bat au couteau) ; tu t’es fait respecter.
Poulet Ricar­do tu étais un ami fidèle et moi j’ai aimé avec un tan­go, courageux, et com­père, don­ner le meilleur de mon ami­tié à qui m’a ouvert son cœur.
La bande du café, des garçons vrai­ment bons (vail­lants, bons danseurs dans le cas présent).
For­mant le cer­cle quand tu émer­veil­lais en dansant le tan­go.
Et ça a tou­jours été ta jeunesse, le soleil qui a illu­miné tout le monde, effaçant les ombres avec la lumière que ta bon­té nous a don­née.
Et quand les années passeront, tu enten­dras au rythme de ce tan­go un défilé de sou­venirs
long… long.
Il se peut qu’ensuite, je sois par­ti en voy­age,
En route vers une étoile. Lève les yeux vers le ciel, c’est celle qui brille le plus.
Fer­nan­dez est décédé en 1947, et il avait trois ans de plus que Ricar­do, ces paroles peu­vent paraître pré­moni­toires, mais avec beau­coup d’a­vance…

Autres versions

Les premières versions

Le pre­mier orchestre à avoir joué El pol­lo Ricar­do en 1912 serait l’orchestre uruguayen de Car­los War­ren, mais il ne sem­ble pas y avoir d’enregistrement. Même chose pour la ver­sion par Juan Maglio Pacho. La par­ti­tion aurait été éditée en 1917, mais si on prend en compte que Fer­nán­dez jouait d’oreille et n’écrivait pas la musique, on peut penser que les pre­mières inter­pré­ta­tions soient passées par un canal dif­férent.

El pol­lo Ricar­do 1917-01-17 — Orques­ta Típi­ca de Celesti­no Fer­rer.

C’est, a pri­ori, la plus anci­enne ver­sion exis­tante en enreg­istrement. Fer­rer était réputé pour sa par­tic­i­pa­tion aux nuits parisi­ennes autour des orchestres comme celui de Pizarro. On lui doit un tan­go comme com­pos­i­teur, El Gar­rón, qui célèbre le salon parisien qui fut un des pre­miers lieux de tan­go à Paris. Il faut atten­dre un peu pour trou­ver des ver­sions dansantes du tan­go.

El pol­lo Ricar­do 1938-05-09 — Quin­te­to Don Pan­cho dir. Fran­cis­co Canaro.

Une ver­sion bien ronde et qui avance avec une cadence régulière qui pour­ra plaire aux danseurs milongueros. J’aime bien les petits « galops » qu’on entend par­ti­c­ulière­ment bien vers 43 sec­on­des et à divers­es repris­es. Cepen­dant, on ne pense pas for­cé­ment à un poulet ou à un danseur de tan­go.

Les trois enregistrements de Di Sarli

J’ai choisi de regrouper les trois enreg­istrements de Di Sar­li pour qu’il soit plus facile à com­par­er. La ver­sion inter­mé­di­aire de D’Arienzo de 1947 sera placée après celle de 1951 de Di Sar­li, ce qui vous per­me­t­tra de com­par­er égale­ment les deux enreg­istrements de D’Arienzo (1947 et 1952).

El pol­lo Ricar­do 1940-09-23 Orques­ta Car­los Di Sar­li.

C’est la pre­mière ver­sion de ce thème par Di Sar­li. À divers­es repris­es le son du ban­donéon peut faire penser au caquète­ment d’un poulet (0 : 26 ou 1 : 26 par exem­ple).

El pol­lo Ricar­do 1946-03-29 — Orques­ta Car­los Di Sar­li. C’est notre tan­go du jour.

Le tem­po est plus mod­éré que dans la ver­sion de 1940 et le caquète­ment de poulet est plus accen­tué, en con­traste avec les vio­lons en lega­to. Comme le tem­po est un peu plus lent, les caquète­ments sont décalés à 0 : 30 et 1 : 30. En six ans on remar­que bien l’évolution de l’orchestre, même si le style reste encore très ryth­mé et les vio­lons s’expriment moins que dans des ver­sions plus tar­dives comme celle de 1951.

El pol­lo Ricar­do 1951-07-16 — Orques­ta Car­los Di Sar­li.

La sonorité de cette ver­sion est plus famil­ière aux afi­ciona­dos de Di Sar­li des années 50. Les vio­lons sont beau­coup plus présents, y com­pris dans les caquète­ments qui toute­fois sont plus dis­crets que dans les deux autres ver­sions. Le piano s’exprime égale­ment plus et rajoute les fior­i­t­ures qui sont une des car­ac­téris­tiques du Di Sar­li des années 50.

Les deux enregistrements de D’Arienzo

Les deux enreg­istrements de D’Arienzo sont à com­par­er aux deux enreg­istrements qua­si con­tem­po­rains de Di Sar­li (46–47 et 51–52).
Comme nous l’avons vu, l’évolution de Di Sar­li est allée en direc­tion des vio­lons. Celles de D’Arienzo serait plutôt de favoris­er les ban­donéons et de les engager dans le mar­quage du tem­po, comme d’ailleurs tous les instru­ments de l’orchestre. Il n’est pas El Rey del Com­pas pour rien… Le piano a tou­jours une grande place chez D’Arienzo qui n’oublie pas que c’est aus­si un instru­ment à per­cus­sion…

El pol­lo Ricar­do 1947-05-20 — Orques­ta Juan D’Arienzo
El pol­lo Ricar­do 1952-11-12 — Orques­ta Juan D’Arienzo

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Le héros, le com­pos­i­teur et le paroli­er de ce tan­go étant uruguayens, il me sem­ble logique de don­ner la parole en dernier à trois orchestres de ce pays.

El pol­lo Ricar­do 1972 — Orques­ta Orques­ta Dona­to Rac­ciat­ti.

Une ver­sion énergique et au tem­po soutenu. Quelques illu­mi­na­tions du piano de Rac­ciat­ti répon­dent aux vio­lons (jouant lega­to mais aus­si en pizzi­cati) . Le style haché et joueur peut être intéres­sant à pro­pos­er aux danseurs.

El pol­lo Ricar­do 1985 – Miguel Vil­las­boas y su Orques­ta Típi­ca.

Un peu moins tonique que la ver­sion de Rac­ciat­ti et avec la sonorité par­ti­c­ulière de cet orchestre, on trou­ve tout de même un air de famille, le son uruguayen 😉 Les vio­lons un peu plus lyriques, le piano plus sourd ren­dent sans doute cette ver­sion moins intéres­sante, mais elle devrait tout de même plaire aux danseurs notam­ment dans la dernière par­tie qui est plutôt très réus­si et entraî­nante.

El pol­lo Ricar­do 2005-10 – Orques­ta Matos Rodríguez.

Bien que l’orchestre se réfère à Matos Rodríguez (le com­pos­i­teur uruguayen de la Cumpar­si­ta), on est plus dans une impres­sion à la Di Sar­li. Cepen­dant, le résul­tat est un peu mièvre et ne se prête pas à une danse de qual­ité, même s’il reprend des idées des orchestres uru­gayens et des trucs à la Sas­sone.

La dédicace à El Pollo Ricardo

Comme Fer­nan­dez a réal­isé un hom­mage à son ami Ricar­do, je fais de même avec Ricar­do, l’excellent DJ de Buenos Aires. J’ai emprun­té la pho­to au tal­entueux pho­tographe (celui qui avait réal­isé la grande fresque du salon