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La rosarina 1937-07-02 — Orquesta Juan D’Arienzo

Ricardo González Alfiletegaray Letra: Antonio Polito (A. Timarni)

Les femmes de Rosario ont la répu­ta­tion d’être jolies. Plusieurs tan­gos vont dans ce sens, mais les Rosari­nas ne sont pas les seules dont la beauté est van­tée. Dans le cas présent, Ricar­do González a com­posé son titre en pen­sant à une per­son­ne en par­ti­c­uli­er, une femme de Rosario, bien sûr. Je vous don­nerai son nom en fin d’article.

Ricar­do González était ban­donéon­iste et il fut le pro­fesseur du Tigre du ban­donéon, Eduar­do Aro­las.

Extrait musical

La rosa­ri­na 1937-07-02 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

Paroles

Je n’ai pas trou­vé d’enregistrement chan­té de ce tan­go, mais il existe bien des paroles asso­ciées et qui sont par­faite­ment en accord avec le thème. Alors, les voici.

Mujeres de tradi­ción
Naci­das en la Argenti­na,
Ningu­na de corazón
Como era ‘la rosa­ri­na’.
La bar­ra, feliz con su amor
No supo nun­ca de sins­a­bores,
Fue siem­pre gen­til y brindó
Ter­nu­ra suave, como una flor.
 
Cuan­do iba a los bai­lon­gos
Se desta­ca­ba por su pin­ta,
En el tan­go demostró, ser sin rival
Nadie la pudo igualar.
Rosa­ri­na de mi vida
Dulce recuer­do vos dejaste,
Es por eso que jamás
Te olvi­darán, has­ta morir.
 
Negri­to
Querés café.
No, mama
Que me hace mal.
Entonces
Lo qué querés
Care­ta pa’ car­naval…

Ricar­do González Alfilete­garay Letra : Anto­nio Poli­to (A. Timarni)

Traduction libre et indications

Des femmes de tra­di­tion nées en Argen­tine, aucune n’est de cœur comme l’était « la Rosa­ri­na».
La bande, heureuse de son amour, n’a jamais con­nu les ennuis, elle était tou­jours gen­tille et offrait une ten­dresse douce, comme une fleur.
Quand elle allait au bal, elle se dis­tin­guait par son allure, dans le tan­go, elle démon­trait être sans rivale, per­son­ne ne pou­vait l’égaler.
Rosa­ri­na de ma vie, tu as lais­sé de doux sou­venirs, c’est pour cela qu’ils ne t’oublieront jamais, jusqu’à la mort.

Negri­to, veux-tu du café ?
Non, maman, ça me fait mal.
Alors, que veux-tu
 ?
Un masque pour car­naval…

Le texte qui n’est pas en gras est assez étrange. Il rap­pelle cer­taines apos­tro­phes que lançaient les orchestres, voire les clients de la salle. On se sou­vient d’avoir évo­qué cela au sujet de El Moni­to avec un dia­logue sem­blable dans les ver­sions de Julio De Caro.
Negri­to, petit noir, n’est pas for­cé­ment l’expression d’un racisme, le terme s’adressant à des per­son­nes mates de peau, pas néces­saire­ment à des per­son­nes noires. On con­naît Mer­cedes Sos­sa qui était surnom­mée La Negra.
Quand au masque de Car­naval, c’est encore une occa­sion d’évoquer com­ment les car­navals ryth­maient la car­rière des musi­ciens.
Ce texte addi­tion­nel sem­ble assez curieux pour un tan­go dédié à une femme.

Autres versions

Le tan­go aurait été écrit en 1912 et le pre­mier enreg­istrement serait de 1915, mais il sem­ble introu­vable. Je sig­nale donc que Félix Cam­er­a­no l’aurait enreg­istré en 1915 avec son orchestre. Ce n’est pas du tout impos­si­ble, vu qu’il était ami avec l’auteur de la musique depuis 1898, époque où il fai­sait avec lui un duo gui­tare et ban­donéon. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas ce disque dans mon gre­nier.

La rosa­ri­na 1928-12-15 — Alber­to Diana Lavalle.

La rosa­ri­na 1928-12-15 — Alber­to Diana Lavalle. Alber­to Diana Lavalle, nous donne une ver­sion à la gui­tare, sans chan­son. En fait, je n’ai pas trou­vé d’enregistrement avec les paroles de Anto­nio Poli­to. Peut-être que cette chan­son était inter­prétée sous cette forme lors de sa créa­tion.

Plaque en hom­mage à Alber­to Diana Lavalle offerte par les « Martes Bohemios » un an après la mort de Lavalle. La plaque est donc au cimetière de Chacari­ta.
C’est une réal­i­sa­tion du sculp­teur Orlan­do Stag­naro, qui est le frère du musi­cien et poète San­ti­a­go Stag­naro.
La rosa­ri­na 1929-11-20 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor. Dir. Adol­fo Cara­bel­li.

C’est la pre­mière ver­sion orches­trale dont on a une trace sonore.

La rosa­ri­na 1936-12-19 — Rober­to Fir­po y su Cuar­te­to Típi­co.

La rosa­ri­na 1936-12-19 — Rober­to Fir­po y su Cuar­te­to Típi­co. Rober­to Fir­po enreg­istr­era trois fois le titre, dans des ver­sions somme toute assez proches. Était-ce un intérêt pour le thème ou pour la dame ? Je n’en sais rien… Cette ver­sion est assez rapi­de et tonique, peut-être un peu brouil­lonne.

La rosa­ri­na 1937-07-02 — Orques­ta Juan D’Arienzo. C’est notre tan­go du jour.

Les petits silences et les orne­men­ta­tions de Bia­gi sont bien présents dans ce titre typ­ique de cette époque de D’Arienzo. La musique est assez joueuse, voire un peu sautil­lante. Bien dans­able, avec quelques petites sur­pris­es et un joli con­traste entre les lignes ondu­lantes des vio­lons et le reste de l’orchestre plus per­cusif.

La rosa­ri­na 1943-12-30 — Quin­te­to Pir­in­cho dir. Fran­cis­co Canaro.

Pour une fois, Canaro n’arrive pas rapi­de­ment sur le titre. Canaro était pour­tant proche de Ricar­do González, puisque ce dernier lui avait dédi­cacé son pre­mier tan­go El fulero et qu’il avait tra­vail­lé comme ban­donéon­iste dans son orchestre en France.
Il donne cet enreg­istrement avec son quin­tette. Après la ver­sion de D’Arienzo, cela peut sem­bler un peu trop calme. Il y a cepen­dant de beaux traits musi­caux, mais peut-être que les danseurs peu­vent se dis­penser de cette inter­pré­ta­tion.

La rosa­ri­na 1944-03-31 — Rober­to Fir­po y su Nue­vo Cuar­te­to.

Le retour de Fir­po sur ce titre. Huit ans plus tard, il y a beau­coup de simil­i­tudes entre les ver­sions. Le rythme est très légère­ment plus lent. L’orchestre est un peu mieux syn­chro­nisé, ce qui facilit­era la tâche des danseurs qui devront gér­er ce titre qui hésite entre la milon­ga et le tan­go, mais qui a pour lui d’être joueur.

La rosa­ri­na 1949-10-21 — Rober­to Fir­po y su Nue­vo Cuar­te­to.

Encore Fir­po, cinq ans plus tard. Cette ver­sion dif­fère des pre­mières par un tem­po beau­coup plus lent. La dédi­cataire s’est peut-être assagie avec l’âge. Le tan­go de Fir­po, c’est cer­tain.

La rosa­ri­na 1975-01-06 — Miguel Vil­las­boas, Wash­ing­ton Quin­tas Moreno.

Une ver­sion sym­pa­thique à deux pianos. Vil­las­boas hésite aus­si sou­vent entre les rythmes de milon­ga et de tan­go. Dis­ons que cette ver­sion est pour le con­cert, mais qu’elle est sym­pa­thique à écouter.

Miguel Vil­las­boas et Wish­ing­ton Quin­tas Moreno ont pro­duit plusieurs dis­ques. Le titre que vous écoutez vient de celui de gauche, mais sur celui de droite “Antolo­gia”, on peut voir les deux pianistes à l’oeu­vre.
La Rosa­ri­na 1980c — Miguel Vil­las­boas y su Orques­ta Típi­ca.

Comme Fir­po, Vil­las­boas retourne au titre, cette fois avec son orchestre. Le tem­po est un plus lent que dans la ver­sion à deux pianos. Les simil­i­tudes avec Fir­po sont tou­jours mar­quées. Ce ne sera sans doute pas le titre le plus appré­cié de la milon­ga, mais une fois de temps en temps, avec des danseurs moyen­nement portés sur la milon­ga, cela peut faire l’affaire.

Mais qui était La rosarina ?

Il est assez facile de décou­vrir que la dédi­cataire, ou pour le moins l’inspiratrice s’appelait Zule­ma Díaz. Venue voir sa sœur, selon les ver­sions dans un spec­ta­cle à Acayu­cho (env­i­ron 300 km de Buenos Aires), dans un club nom­mé Ale­gria, par suite d’une soi-dis­ant erreur d’un cocher. Quoi qu’il en soit, elle est tombée sous le regard de Ricar­do González qui dirigeait le spec­ta­cle et qui a décidé de lui écrire un tan­go. Selon le jour­nal­iste Julián Porteño, cela se serait passé en 1912. Porteño indique que la femme était très belle et qu’en plus elle dan­sait, ce qui fait que Ricar­do González (surnom­mé Mochi­la) l’a inté­grée à la revue où elle était arrivée, par erreur, ou pour voir sa sœur.

Ce qu’on ne vous dit pas, c’est que sa sœur, la danseuse de la revue menée par González s’appelait María E. Díaz et que les deux sœurs devaient être un peu déver­gondées, car le 29 juil­let 1947, elles se sont fait exclure du Club Social et Sportif Vil­la Mal­colm, pour y avoir dan­sé de façon non con­forme à ce qui était atten­du dans l’établissement.
En fait, la façon jugée incon­venante de danser était d’avoir le vis­age trop près de celui du parte­naire. Ce club Vil­la Mal­com était donc assez peu libéral et même Ani­bal Troi­lo en avait fait les frais. Il avait été ren­voyé le 25 juil­let 1942, car le 17 juil­let, cer­tains de ses musi­ciens ne se seraient pas pliés totale­ment à l’étiquette de l’établissement et qu’il aurait fait venir des gens qui n’étaient pas dans le style de l’établissement. Lucio Demare l’avait rem­placé, comme quoi le mal­heur des uns fait le bon­heur des autres.

Ricar­do González est par­ti pour la France dans les années 20. Il y a tra­vail­lé notam­ment pour Fran­cis­co Canaro qui avait insisté pour le faire revenir en France dont il était par­ti peu de temps aupar­a­vant. Si Ricar­do González avait fait une autre con­quête, une danseuse prénom­mée Bernadette, lors de son séjour en France, on ne sait pas s’il a con­tin­ué à rêver de la belle Rosa­ri­na. Tout ce qu’on sait, c’est qu’à son retour de France, il s’est retiré du tan­go et qu’on en n’a plus enten­du par­ler. J’aime à imag­in­er que c’est pour fil­er l’amour par­fait avec Zule­ma.

Voilà, j’arrive au terme de ce petit par­cours au sujet d’un tan­go dédié à une appari­tion qui a enflam­mé l’imagination d’un ban­donéon­iste qui en a fait un tan­go.

En effet, je ne crois pas que les paroles tristes de notre tan­go du jour soient reliées à cette his­toire, puisque les sœurs ont été exclues en 1947, soit 35 ans après la ren­con­tre et donc bien longtemps après que les paroles ont été écrites.

À demain, les amis.

En lo de Laura 1943-03-12 — Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas

Antonio Polito Letra Enrique Cadícamo (Domingo Enrique Cadícamo)

Cette milon­ga, enreg­istrée il y a exacte­ment 81 ans par D’Agostino et Var­gas évoque l’un des lieux de tan­go semi-clan­des­tin les plus fameux des débuts du tan­go. Celui qui était tenu par Lau­renti­na Mon­ser­rat, Lau­ra. Nous sommes à la fin du XIXe, début du XXe siè­cle. Je vous pro­pose de suiv­re le tan­go dans ses berceaux inter­lopes, à la recherche de ses heures de gloire.

Au sujet de Sacale pun­ta, j’ai évo­qué les « maisons » de tan­go. Je pro­longe ici l’enquête, plus au cœur de ces pre­miers sites, qui n’étaient pas que des lieux de danse…

Extrait musical

En lo de Lau­ra 1943-03-12 — Orques­ta Ángel D’Agostino con Ángel Var­gas

Les paroles

Milon­ga de aquel entonces
que trae un pasa­do envuel­to…
De aquel 911
ya no te que­da ni un vuel­to…
Milon­ga que en lo de Lau­ra
bailé con la Par­da Flo­ra
Milon­ga provo­cado­ra
que me dio car­tel de tau­ra…
Ah… milon­ga ‘e lo de Lau­ra

Milon­ga de mil recuer­dos
milon­ga del tiem­po viejo.
Qué triste cuan­do me acuer­do
si todo ha queda­do lejos…
Milon­ga vie­ja y sen­ti­da
¿quién sabe qué se ha hecho de todo?
En la pista de la vida
ya esta­mos dob­lan­do el codo.
Ah… milon­ga ‘e lo de Lau­ra

Ami­gos de antes, cuan­do chiquilín,
fui bailarín com­padri­to…
Saco negro, tren­sil­lao, y bien afrance­sao
el pan­talón a cuadri­tos…
¡Que baile solo el Moro­cho
! — me solía gri­tar
la bar­ra «
e los Bal­mace­da…
Viejos tan­gos que empezó a can­tar
la Pepi­ta Avel­lane­da
¡Eso ya no vuelve más!

Anto­nio Poli­to Letra Enrique Cadí­camo (Domin­go Enrique Cadí­camo).

Traduction

Milon­ga de cette époque qui apporte un passé révolu…
De ce 911, il ne te reste, pas même une pièce (mon­naie ren­due)…
Milon­ga que j’ai dan­sée que j’ai dan­sée chez Lau­ra (en lo de Lau­ra) avec la Par­da Flo­ra…
Milon­ga provo­ca­trice qui m’a don­né une répu­ta­tion de brave…
Ah… la milon­ga chez Lau­ra…

Milon­ga aux mille sou­venirs, milon­ga d’an­tan.
Quelle tristesse quand je me sou­viens que tout est si loin !
Milon­ga vieille et sincère, qui sait ce qu’il est devenu de tout ?
Sur la piste de la vie, nous avons atteint un âge vénérable (doblar el codo = pass­er un cap où il reste moins de temps à vivre que ce qu’on a vécu).
Ah… la milon­ga chez Lau­ra…

Amis d’an­tan, quand, enfant, j’é­tais un danseur com­padri­to…
Veste noire, galon, et le pan­talon bien français, à car­reaux…
Q’uil danse seul, le Moro­cho ! (homme à la peau som­bre) — avaient l’habitude de me crier la bande et les Bal­mace­da…
Wieux tan­gos qu’avait com­mencé à chanter la Pepi­ta Avel­lane­da… (peut-être la Par­da Flo­ra)
Cela ne revien­dra plus !

Une brève et caricaturale histoire du tango

On lit beau­coup de bêtis­es sur les prémices du tan­go, le mieux est donc de faire court pour lim­iter la liste de ces âner­ies. Ce que l’on peut en dire de façon à peu près cer­taine est qu’il n’est pas né dans les salons hup­pés de la bour­geoisie. Cepen­dant, les jeunes hommes de la bonne société, les niños biens, allaient par­fois s’encanailler dans les moins trou­bles des lieux de « diver­tisse­ment » de l’époque.
Comme bien sûr, les filles de bonne famille ne pou­vaient pas décem­ment se ren­dre dans les mêmes lieux, la danse se fai­sait avec les femmes du lieu, des ban­lieusardes, des soubrettes, des grisettes et des pros­ti­tuées, plus ou moins raf­finées. On n’y dan­sait donc pas entre hommes, en tout cas pas de façon général­isée et souhaitée…
Lorsque le tan­go est revenu cou­vert de gloire d’Europe et notam­ment de Paris, le tan­go s’est dif­fusé dans les hautes sphères. Il n’était plus néces­saire de fréquenter ce type de lieu pour le pra­ti­quer, les femmes de la bonne société pou­vaient alors s’adonner à cette danse qui s’est alors assagie. Les paroles out­ran­cières comme celles de Vil­lo­do ont été réécrites, la danse s’est raf­finée en adop­tant une atti­tude plus droite, plus élé­gante, le tan­go était prêt à entr­er dans son âge d’or. Par chance pour nous, c’est aus­si plus ou moins l’époque où l’enregistrement élec­trique est apparu, ce qui nous per­met de con­serv­er des sou­venirs sonores de bien meilleure qual­ité de cette époque. Enreg­istrement.

Allons au bordel

La mai­son que cer­tains appel­lent pudique­ment « école de danse » ou tout sim­ple­ment Lo de Lau­ra (ou du nom d’une autre ten­an­cière) est tout sim­ple­ment une mai­son de plaisirs. Cepen­dant, il ne faut pas y voir néces­saire­ment un lieu sor­dide, digne d’un roman de Zola.
En effet, la pros­ti­tu­tion au XIXe siè­cle avait dif­férents étages.

Les courtisanes

Tout en haut, la Cour­tisane. À Paris, la Pai­va en était sans doute le meilleur exem­ple. C’était une pros­ti­tuée, plus ou moins occa­sion­nelle qui a réus­si à se faire remar­quer et qui est devenu une femme entretenue, par un ou plusieurs rich­es hommes.
Avoir une maîtresse pour un homme très riche n’était pas mal vu à l’époque, au con­traire, c’est le con­traire qui aurait été choquant. On aurait pen­sé qu’il était pin­gre ou ruiné, ce qui n’aurait pas été bon pour les affaires.

L’hôtel de la Paï­va, 25 avenue des Champs-Élysées à Paris, France,

L’hôtel de la Paï­va est le seul hôtel par­ti­c­uli­er restant de l’époque où on affir­mait que c’étaient les Champs-Élysées qui étaient la plus belle avenue du Monde. En effet, l’horrible avenue actuelle n’a plus rien à voir avec le charme de tous ces hôtels qui rival­i­saient sur les « Champs ». Même ce sur­vivant est mis à mal, car désor­mais masqué par la devan­ture d’un bistrot.

Cliquez ce lien pour en savoir un peu plus sur ce lieu et sa pro­prié­taire.

Les cocottes

La cocotte (cocote en espag­nol) n’arrive pas au statut social des cour­tisanes. Elle est entretenue par divers « réguliers », mais aucun n’est suff­isam­ment riche ou généreux pour lui per­me­t­tre de s’établir dans un somptueux hôtel par­ti­c­uli­er.
Notons que les économies qu’arrivent à faire cer­taines leur per­me­t­tent d’ouvrir des maisons, que ce soient des pen­sions (loge­ments) ou des bor­dels. Elles con­tin­u­ent donc de tra­vailler, elles-mêmes ou font tra­vailler d’autres femmes, con­traire­ment aux Cour­tisanes, qui ne tra­vail­lent plus que pour le plaisir ou leur mécène.

Les occasionnelles

L’occasionnelle est celle qui ayant du mal à boucler son bud­get, se livre à l’exercice moyen­nant finance. Elle peut être une lingère, une fille de salle, une artiste de cabaret, ou toute autre pro­fes­sion qui ne garan­tit pas un revenu suff­isam­ment réguli­er et impor­tant pour vivre. Cer­taines auront un peu de chance dans leurs ren­con­tres et iront rejoin­dre les cocotes, voire les cour­tisanes, mais d’autres fer­ont cela à temps plein et entreront alors dans les maisons clos­es.

Les maisons closes (prostibulos)

Là encore il y a dif­férents étages. Je ne ren­tr­erai pas dans les détails, car cela n’aurait pas trop d’intérêt pour notre pro­pos. Ce qu’il suf­fit de savoir est que pour pra­ti­quer le tan­go dans les pre­miers temps, c’étaient des lieux où on pou­vait facile­ment trou­ver une parte­naire, pour danser, ou plus si affinité (et finances). En général, cela com­mençait avec un café, café qui reste tou­jours de mise dans la bouche des dragueurs des milon­gas portègnes…
Ces étab­lisse­ments étaient con­trôlés, notam­ment pour lim­iter la syphilis et gérés par une anci­enne pros­ti­tuée, un souteneur ou quelque entre­pre­neur entre­prenant. D’ailleurs, de très nom­breuses filles pau­vres, notam­ment des Français­es, sont venues à Buenos Aires avec les promess­es d’un bel Argentin et se sont retrou­vées dans ces étab­lisse­ments avec des for­tunes très divers­es. Par­mi elles, on pour­rait citer de nom­breuses « grisettes » comme Grise­ta, Male­na, Manón, Mar­got, María, Mimí, Mireya Ninón et Made­moi­selle Ivonne qui devient Madame Ivonne. Cette dernière toute­fois était une admin­is­tra­trice de pen­sion, pas de bor­del, elle a employé dif­férem­ment ses économies.
Les dif­férentes « écoles de danse » étaient donc des lieux où la danse n’était pas la seule activ­ité.

Les « Lo »

Par­mi les lieux les plus réputés pour la danse, on pour­rait citer Lo de Lau­ra, qui fait l’objet de ce tan­go et que nous avons déjà décrit à pro­pos de Sacale pun­ta, Lo de Maria la Vas­ca (la Basque). On cite sou­vent Lo de Hansen qui était un bar-restau­rant créé par un Alle­mand, Juan Hansen, en 1877, mais il est à la fois dou­teux que ce fût un lieu de danse et un bor­del. En revanche, Lo de Tan­cre­li revendique les deux fonc­tions.

Lo de Hansen

Cet étab­lisse­ment était situé dans le parc 3 de febrero (Paler­mo) qui a été inau­guré en 1875.
Pour ceux que ça intéresse, le nom vient du 3 févri­er 1852, date de la bataille de Caseros entre les armées de Rosas et Urquiza et qui mar­que le début de la péri­ode nom­mée « orga­ni­zación nacional » (organ­i­sa­tion nationale…) de l’histoire poli­tique mou­ve­men­tée de l’Argentine.
Le 4 mai 1877, Juan Hansen sol­licite auprès de la com­mis­sion du parc d’ouvrir un café-restau­rant dans une con­struc­tion du parc (prob­a­ble­ment antérieure à la créa­tion du parc en 1875, car elle était en mau­vais état. Il avait déjà un étab­lisse­ment depuis 1869, égale­ment à Paler­mo (en face de la gare). La com­mis­sion accepte et Juan Hansen effectuera dif­férents travaux comme l’ajout d’une ter­rasse sur le toit, le rem­place­ment du planch­er par un car­relage, l’agrandissement des fenêtres exis­tantes et la con­struc­tion d’un salon sup­plé­men­taire.

Le café de Hansen, ici nom­mé « Restau­rant del Par­que 3 de Febrero » et la men­tion J Hansen sur la droite de la façade. À droite, une vue « intérieure ». On voit sur ces deux pho­tos les amé­nage­ments pro­posés à la com­mis­sion : Le car­relage et la ter­rasse panoramique.

Le café restau­rant ouvre donc, mais se livr­erait à d’autres activ­ités, comme l’avancent « José Sebas­t­ian Tal­lón dans El tan­go en su eta­pa de músi­ca pro­hibi­da. Buenos Aires, Insti­tu­to Ami­gos del Libro Argenti­no, 1959 et repris par Enrique Hora­cio Puc­cia dans “el Buenos Aires de Ángel Vil­lol­do”. »
« Hansen à Paler­mo, était un mélange de bor­del somptueux et de restau­rant. Un com­merce de précurseurs, pour­rait-on dire, avec en prime les bagar­res fréquentes, le cabaret tumultueux qui a précédé les actuels. Ce fut la cour de récréa­tion de bacanci­tos (petits chefs) et com­padri­tos comme ils se définis­sent eux-mêmes. Et des bagar­reurs et des gens ayant divers prob­lèmes. »
Cepen­dant, plus qu’un bor­del, c’était une « Chup­ping house » comme dis­ent élégam­ment les Argentins qui ne veu­lent pas par­ler de la chose et la déguisent par une expres­sion anglaise qui pour­rait se traduire par mas­tur­ba­tion. Il sem­blerait que les bosquets avoisi­nants aient été prop­ices à ces activ­ités, notam­ment la nuit.
En effet, le café de Hansen avait deux vis­ages. Il était ouvert en per­ma­nence. De jour, il accueil­lait les promeneurs qui venaient se rafraîchir et manger et de nuit, les fêtards et fau­teurs de trou­ble s’y retrou­vaient.
Par­mi eux, les ama­teurs de tan­go. Ceux-ci venaient écouter, car il était inter­dit de le danser, comme l’affirment notam­ment Amadeo Las­tra et Miguel Angel Scen­na.
Cepen­dant, plusieurs témoignages indiquent que l’on dan­sait tout de même au son de la musique dans les alen­tours de l’établissement. Dans ce sens, je vous pro­pose le témoignage de Félix Lima :

« Se bail­a­ba? Esta­ba pro­hibido el bai­lon­go, pero a reta­guardia del caserón de Hansen, en la zona de las glo­ri­etas tanguea base liso, tan­gos dormilones, de con­tra­ban­do. Los mozos hacían la vista gor­da. El tan­go esta­ba en pañales. A un no había inva­di­do los salones de la “haute”. Sola­mente lo bail­a­ban las mujeres ale­gres »

« Est-ce qu’on y dan­sait ? Il était inter­dit de faire du bai­lon­go, mais à l’arrière de l’établissement d’Hansen, dans la zone des glo­ri­ettes, il se dan­sait des tan­gos tran­quilles, des tan­gos las­cifs (endormis), de con­tre­bande. Les serveurs fai­saient sem­blant de ne pas voir (vista gor­da). Le tan­go avait encore des couch­es (était bébé). Il n’avait pas encore investi les salons de la « haute ». Seules les femmes légères (ale­gres) le dan­saient.

El Esquina­zo, un suc­cès à tout rompre

C’est dans cet étab­lisse­ment qu’a eu lieu l’incroyable suc­cès de El Esquina­zo d’Ángel Gre­go­rio Vil­lol­do. Voici com­ment le racon­te Pintin Castel­lanos dans Entre cartes y que­bradas, can­dombes, milon­gas y tan­gos en su his­to­ria y comen­tar­ios. Mon­te­v­ideo, 1948.
Pintin par­le du Café Tarana qui était le nom de l’époque du Café de Hansen (qui était mort le 3 avril 1891). Ansel­mo R. Tarana avait lorsqu’il en devint le pro­prié­taire le 8 mai 1903, adop­té le nom « Restau­rante Recreo Paler­mo. Antiguo Hansen ». Mais pour les clients, c’était Lo de Hansen ou Lo de Tarana. Sig­nalons que Tarana avait cinq voitures, pour rac­com­pa­g­n­er les clients à domi­cile, ce qui témoigne bien du suc­cès.
La com­po­si­tion de Vil­lol­do a été un tri­om­phe […]. L’accueil du pub­lic fut tel que, soir après soir, il se ren­dit au et le rythme dia­bolique du tan­go sus­men­tion­né com­mença à ren­dre peu à peu tout le monde fou. Pour avoir une idée de com­ment c’était joué à l’époque, un enreg­istrement de 1909 sor­ti le 5 mars 1910.

El esquina­zo 1910-03 05 — Estu­di­anti­na Cen­te­nario dirige par Vicente Abad (Ángel Gre­go­rio Vil­lol­do Letra Car­los Pesce ; A. Timarni [Anto­nio Poli­to])

Tout d’abord, et avec une cer­taine pru­dence, les clients ont accom­pa­g­né la musique de « El Esquina­zo » en tapant légère­ment avec leurs mains sur les tables.
Mais les jours pas­saient et l’engouement pour le tan­go dia­bolique ne ces­sait de croître.
Les clients du Café Tarana ne se con­tentaient plus d’accompagner avec le talon et leurs mains. Les coups, en gar­dant le rythme, aug­men­tèrent peu à peu et furent rejoints par des tass­es, des ver­res, des chais­es, etc.
Mais cela ne s’est pas arrêté là […] Et il arri­va une nuit, une nuit fatale, où se pro­duisit ce que le pro­prié­taire de l’établissement floris­sant ressen­tait depuis des jours. À l’annonce de l’exécution du tan­go déjà con­sacré de Vil­lol­do, une cer­taine ner­vosité était per­cep­ti­ble dans le pub­lic nom­breux […] l’orchestre a com­mencé le rythme ryth­mique de « El Esquina­zo » et tous les assis­tants ont con­tin­ué à suiv­re leur rythme avec tout ce qu’ils avaient sous la main : chais­es, tables, ver­res, bouteilles, talons, etc. […]. Patiem­ment, le pro­prié­taire (Ansel­mo R Tarana) a atten­du la fin du tan­go du démon, mais le dernier accord a reçu une stand­ing ova­tion de la part du pub­lic. La répéti­tion ne se fit pas atten­dre ; et c’est ain­si qu’il a été exé­cuté un, deux, trois, cinq, sept… Finale­ment, de nom­breuses fois et à chaque inter­pré­ta­tion, une salve d’applaudissements ; et d’autres choses cassées […] Cette nuit inou­bli­able a coûté au pro­prié­taire plusieurs cen­taines de pesos, irré­cou­vrables. Mais le prob­lème le plus grave […] n’était pas ce qui s’était passé, mais ce qui allait con­tin­uer à se pro­duire dans les nuits suiv­antes.
Après mûre réflex­ion, le mal­heureux « Pagani­ni » des « assi­ettes brisées » prit une réso­lu­tion héroïque. Le lende­main, les clients du café Tarana ont eu la désagréable sur­prise de lire une pan­car­te qui, près de l’orchestre, dis­ait : « Est stricte­ment inter­dite l’exécution du tan­go el esquina­zo ; La pru­dence est de mise à cet égard. »

Lo de María la Vasca

Cette mai­son était située en la calle Europa, aujourd’hui, Car­los Cal­vo au n° 2721. Elle apparte­nait à Car­los Kern (El Ingles) et sa femme, María Ran­gol­la, une basque française) et une anci­enne pros­ti­tuée, dev­enue Cour­tisane la gérait.
C’est là que Rosendo Men­dizábal a lancé « El Entr­erri­ano », voir cela dans l’article sur Sacale pun­ta.

El entr­erri­ano 1910-03-05 Estu­di­anti­na Cen­te­nario dir. Vicente Abad (enreg­istré en 1909, sor­tie du disque le 5 mars 1910). Une sym­pa­thique ver­sion avec une jolie man­do­line.
Extérieur et patio de la casa de Maria la Vas­ca.

Le mari de la Vas­ca, Car­los Kern dont l’autre surnom était Matasi­ete (tue sept en référence à son imposante stature) veil­lait à ce que les dames de la mai­son soient respec­tées.

Un mur­al réal­isé par Eduar­do Saba­do, Ernesto Mar­t­inchuk en décem­bre 2024, représente Lo de María la Vas­ca.

Un film un peu par­ti­c­uli­er sur cette mai­son : Orig­ines pro­hibidos y prostibu­lar­ios del tan­go — María Aldaz. Il y a beau­coup à lire, plus qu’à regarder, c’est comme un immense générique, ou un livre à défile­ment automa­tique, mais ce tra­vail est intéres­sant si vous avez le courage de vous y plonger.

Orig­ines pro­hibidos y prostibu­lar­ios del tan­go par María Aldaz

La Parda Loreto

Le mari de la Vas­ca pos­sé­dait un autre lieu, plus mod­este qui était situé à Chile au 1567 à la Soci­etad Patria e Lavoro. Cet immeu­ble n’existe plus. Sa danseuse la plus réputée était « La Par­da » Lore­to.
Avec le paiement d’un sup­plé­ment, il était pos­si­ble de prof­iter d’une cham­bre avec une des belles du bal.
Cette « annexe » de Lo de la Vas­ca, n’était pas for­cé­ment bien vue par Maria, qui était à juste titre jalouse de ce qui s’y pas­sait avec son mari.

Lo de Laura

Lo de Lau­ra est l’établissement en l’honneur duquel a été écrite la milon­ga du jour.
Elle était située en Paraguay 2512. J’en ai par­lé à pro­pos de Sacale pun­ta.
Cette mai­son était beau­coup plus grande que celle de María la Vas­ca.

Lo de Lau­ra (Lau­renti­na Mon­ser­rat). Cette « mai­son » était située en Paraguay 2512. C’est main­tenant une mai­son de retraite…

Sa fréquen­ta­tion était plus éli­tiste que celles des toutes les autres maisons.

Les maisons de tango dans les paroles de tangos

Voici quelques tan­gos qui par­lent de ces maisons, comme Lo de Lau­ra.

En lo de Laura 1943-03-12 — Antonio Polito Letra Enrique Cadícamo

Lo de Lau­ra

C’est le tan­go du jour, voir donc ci-dessus, mais ne boudons pas le plaisir d’écouter de nou­veau nos deux anges. Var­gas et D’Agostino.

En lo de Lau­ra 1943-03-12 — Orques­ta Ángel D’Agostino con Ángel Var­gas

No aflojés (Pedro Maffia et Sebastián Piana Letra : Mario Battistella)

Lo de Lau­ra et Lo de María la Vas­ca

 « Vos fuiste el rey del bai­lon­go en lo de Lau­ra y la Vas­ca… »

No aflo­jés 1940-11-13 – Orques­ta Ángel D’Agostino con Ángel Var­gas (Pedro Maf­fia ; Sebastián Piana Letra: Mario Bat­tis­tel­la)

Tiempos viejos (Francisco Canaro Letra:  Manuel Romero)

Lo de Lau­ra et lo de Hansen

En 1926, Car­los Gardel enreg­is­trait le bon vieux temps, celui des « maisons » de danse, ces bor­dels de luxe où on dan­sait le tan­go et cher­chait la com­pag­nie des femmes. La musique est de Fran­cis­co Canaro et les paroles de Manuel Romero.

Tiem­pos viejos (Te acordás her­mano) 1926 — Car­los Gardel avec les gui­tares de Guiller­mo Bar­bi­eri et José Ricar­do (Fran­cis­co Canaro Letra: Manuel Romero)

Canaro l’a enreg­istré à de mul­ti­ples repris­es, mais seule­ment à par­tir de 1927, notam­ment avec sa com­pagne offi­cieuse, Ada Fal­cón.

Tiem­pos viejos (Te acordás her­mano) 1931-12-17 — Ada Fal­cón con acomp. de Fran­cis­co Canaro. C’est une autre ver­sion « chan­son ».

Je reviendrai à l’occasion du tan­go du jour sur une ver­sion de danse de ce titre, notam­ment le 28 sep­tem­bre avec la ver­sion enreg­istrée en 1937 par Fran­cis­co Canaro et Rober­to Mai­da.

¿Te acordás, her­mano ? ¡Qué tiem­pos aquél­los!
Eran otros hom­bres más hom­bres los nue­stros.
No se conocían cocó ni mor­fi­na,
los mucha­chos de antes no usa­ban gom­i­na.

¿Te acordás, her­mano? ¡Qué tiem­pos aquél­los!
¡Vein­ticin­co abriles que no volverán!
Vein­ticin­co abriles, volver a ten­er­los,
si cuan­do me acuer­do me pon­go a llo­rar.

¿Dónde están los mucha­chos de entonces?
Bar­ra antigua de ayer ¿dónde está?
Yo y vos solos quedamos, her­mano,
yo y vos solos para recor­dar…
¿Dónde están las mujeres aquél­las,
minas fieles, de gran corazón,
que en los bailes de Lau­ra pelea­ban
cada cual defen­di­en­do su amor?

¿Te acordás, her­mano, la rubia Mireya,
que quité en lo de Hansen al loco Cepe­da?

Casi me sui­ci­do una noche por ella
y hoy es una pobre mendi­ga hara­pi­en­ta.
¿Te acordás, her­mano, lo lin­da que era?
Se forma­ba rue­da pa’ ver­la bailar…
Cuan­do por la calle la veo tan vie­ja
doy vuelta la cara y me pon­go a llo­rar.

Fran­cis­co Canaro Letra: Manuel Romero

On note plusieurs élé­ments dans le texte, que j’ai mis en gras et que je traduis ici :
On ne con­nais­sait pas la cocaïne ni la mor­phine (pas de drogue autre que le tabac).
Les gars d’avant n’utilisaient pas de gom­i­na (le film argentin d’Enrique Car­reras ; Los mucha­chos de antes no usa­ban gom­i­na sor­ti le 13 mars 1969 pré­tend représen­ter cette époque et a choisi cette phrase de la chan­son comme titre.
Tu te sou­viens, frérot, de la blonde Mireya, que j’ai piqué à Lo de Hansen au fou Cepe­da ? Il a piqué la copine française, Mireille, à Cepe­da, le poète Andrés Cepe­da [surnom­mé le Loco ou le mau­vais, il était de plus anar­chiste] et il a fail­li se sui­cider pour elle et aujourd’hui, elle est une men­di­ante.

La Vasca [Juan Calos Bazán]

Lo de María la Vas­ca

Cou­ver­ture de la par­ti­tion pour piano de la Vas­ca de Juan Car­los Bazan.

On a la par­ti­tion, mais pas d’enregistrement de ce tan­go.

El fueye de Arolas [Pedro Laurenz Letra : Héctor Marcó]

Lo de Hansen

Lo de Hansen est cité dans « El fueye de Aro­las » [Le ban­donéon d’Arolas] écrit à la mémoire d’Arolas par Héc­tor Marcó en 1951, à l’occasion du retour des restes d’Arolas de Paris à Buenos Aires :
No ron­da en las noches de Hansen al muelle [Il s’agit du quai de la Marne, Aro­las étant mort à Paris]. La men­tion de Lo de Hansen est donc très som­maire, mais ça prou­ve qu’en 1924, l’établissement rasé en 1912 restait dans les mémoires).
Pedro Lau­renz le met­tra en musique, mais il n’a prob­a­ble­ment pas été enreg­istré.

La Pishuca — El baile en lo de Tranqueli

Noté par Eduar­do Bar­beris le 25 avril 1905 (com­pos­i­teur anonyme).

Lo de Tran­queli, cet étab­lisse­ment de bas étage était situé à l’angle sud-est des rues Suárez y Necochea (La Boca). L’immeuble n’en a plus pour très longtemps, il est désaf­fec­té. À droite, la par­ti­tion avec la retran­scrip­tion des paroles qui sont assez dif­fi­ciles à com­pren­dre.

Eduar­do Bar­beris (qui a fait un tra­vail ethno­graphique en récoltant ce tan­go) a essayé de repro­duire la façon de chanter ce qu’il entendait. Cela rend la par­ti­tion moins com­préhen­si­ble. Je vous pro­pose une ver­sion prob­a­ble et une tra­duc­tion approx­i­ma­tive à la suite…

Anoche en lo de Tran­queli
Bailé con la Bolado­ra
Y esta­ba la par­da Flo­ra
Que en cuan­to me vio estriló,
Que una vez en los Cor­rales
En un cafetín que esta­ba,
Le tuve que dar la bia­ba
Porque se me rever­só.

Pre­mier cou­plet du tan­go qui en compte cinq, de la même eau…

Hier soir à lo de Tran­queli, j’ai dan­sé avec la Bolado­ra. Il y avait la Par­da Flo­ra (Uruguayenne mulâtresse ayant tra­vail­lé à Lo de Lau­ra et danseuse réputée). Quand elle m’a vu elle s’est mise en colère, car aux Cor­rales dans un café où elle était, j’avais dû lui don­ner une bran­lée, car j’étais à l’en­vers (retourné, pas dans mon assi­ette).
Je pro­pose de rap­procher la Par­da Flo­ra de Pepi­ta Avel­lane­da, qui si elle n’est pas la même a un par­cours très sim­i­laire : Uruguay, Lo de Lau­ra, Flo­res et la Boca.
Aux Cor­rales viejos a eu lieu le 22 juin 1880, le dernier com­bat des guer­res civiles argen­tines. Les forces nationales y ont rem­porté la dernière manche con­tre les rebelles de la Province de Buenos Aires.

Los Cor­rales Viejos (situé à Par­que Patri­cios). On voit qu’on n’est pas dans l’am­biance feu­trée des salons parisiens, ni même dans celle de Lo de Lau­ra…

Selon le poète Miguel A.Camino, le tan­go est né aux Cor­rales Viejos dans les années 80, les duels au couteau leur ont appris à danser, le 8 (ocho) et la sen­ta­da, la media luna et le pas en arrière.
Lo de Tran­queli fait par­tie des piringundines, les bor­dels où on danse, mais de bas étages. Rien à voir avec les étab­lisse­ments de plus haute tenue comme Lo de Lau­ra.
Fer­nan­do Assun­cao, dans « El tan­go y sus cir­cun­stan­cias » men­tionne cette uruguayenne fameuse qui gérait un bor­del en Mon­te­v­ideo où il y avait régulière­ment (pour ne pas dire tout le temps du grabuge). On lui attribue la phrase « ¡Que haiga rela­jo pero con orden! », que ce soit déten­du, mais avec de l’ordre !

En guise de conclusion, provisoire…

Il est éton­nant et intéres­sant de voir com­ment le tan­go s’est frayé un chemin des faubourgs et de la pros­ti­tu­tion de bas étage, jusqu’aux plus hautes class­es de la société. Nous avons dévelop­pé aujourd’hui la pre­mière étape, celle où le tan­go est inter­dit de danse dans les lieux publics et doit donc se cacher dans des étab­lisse­ments déguisés sous le nom d’école de danse ou de bor­dels.
J’ai passé sous silence la danse dans les con­ven­til­los (habi­tats pop­u­laires), mais on imag­ine que les fana­tiques du tan­go devaient saisir toutes les occa­sions pos­si­bles, dans les glo­ri­ettes où on pou­vait enten­dre la musique de chez Hansen, jusqu’à la musique des manèges pour enfants (les calecitas).
Pro­gres­sive­ment, il se trou­ve un chemin et va être dan­sé dans de nou­veaux lieux, comme ici au Théâtre de la rue de la rue Vic­to­ria.

El Teatro de la Vic­to­ria. On trou­ve en général la pho­to de droite asso­ciée à Lo de Lau­ra. Il s’agit en fait d’une pho­togra­phie réal­isée en 1905 au Teatro de la Vic­to­ria qui était situé au 954 de la calle Vic­to­ria (actuelle Hipoli­to Irigoyen).

L’étape suiv­ante se passe en Europe, nous aurons l’occasion d’y revenir.
À suiv­re…

Danseurs en Lo de Lau­ra — Recon­sti­tu­tion fan­tai­siste à tous points de vue.

Sacale punta 1938-03-09 (Milonga tangueada) — Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos y Randona (Armando Julio Piovani)

Osvaldo Donato Letra Sandalio Gómez

Cette milon­ga du jour a été enreg­istrée le 9 mars 1939, il y a 85 ans. Elle a été enreg­istrée par Dona­to et est tou­jours un suc­cès dans les milon­gas. Cepen­dant, son titre prête à inter­pré­ta­tions et je choi­sis ce pré­texte pour vous faire entr­er dans le monde du tan­go du début du 20e siè­cle.

Edgar­do Dona­to inter­prète ici une milon­ga écrite par son frère, pianiste, Osval­do. Deux chanteurs inter­vi­en­nent, Hora­cio Lagos et Ran­dona (Arman­do Julio Pio­vani). Ils ne chantent que deux cou­plets, comme il est d’usage pour le tan­go de danse.

Le disque

Sacale pun­ta est la face B et la valse Que sera ?, la face A du disque Vic­tor 38397.

Sur l’étiquette on trou­ve plusieurs men­tions. Le nom de l’orchestre, Edgar­do Dona­to y sus Mucha­chos et le nom d’un des chanteurs de l’estribillo, Hora­cio Lagos. Ran­dona n’est pas men­tion­né.
On trou­ve le nom des auteurs et com­pos­i­teurs. L’auteur des paroles est en pre­mier. Pour la valse, il n’y a qu’un nom, car Pepe Guízar est l’auteur de la musique et des paroles. Vous pour­rez écouter cette valse en fin d’article.
Sur le disque, on peut remar­quer sur l’étiquette l’encadré suiv­ant…

Exé­cu­tion publique et radio-trans­mis­sion réservées à RCA Vic­tor Argenti­na INC. Ce disque n’est donc pas autorisé pour être joué en milon­ga 😉

Extrait musical

Sacale pun­ta 1938-03-09 — Orques­ta Edgar­do Dona­to con Hora­cio Lagos y Ran­dona (Arman­do Julio Pio­vani)

Les paroles

Sacale pun­ta a esta milon­ga
Que ya empezó.
Sen­tí que esos fueyes que rezon­gan
De corazón.
Y las pebe­tas se han venido
De « true Vuit­ton ». (De tru­co y flor)
El tan­go requiebra la vida (El tan­go es rey que da la vida)
Y en su nota despar­ra­ma,
Su amor.

Tan­go lin­do de arra­bal
Que yo,
No lo he vis­to des­ma­yar
¡ Tri­un­fó!.
Tan­go lin­do que al can­tar
Vol­có,
Su fe, su amor
Varón tenés que ser.

Nada hay que hac­er cuan­do rezon­gan
El ban­doneón
Ore­ja a ore­ja las pare­jas
Bailan al son,
De un tan­go lleno de recuer­dos
Que no cayó.
Si des­de los tiem­pos de Lau­ra
Se ha sen­ti­do primera agua
y bril­ló.

Osval­do Dona­to Letra San­dalio Gómez. Seuls les deux pre­miers cou­plets sont chan­tés dans cette ver­sion.

Pourquoi un crayon à la milonga ?

Les paroles de cette chan­son par­lent donc de la milon­ga, du point de vue de l’homme qui se pré­pare à danser joue con­tre joue (oreille con­tre oreille) avec des jeunes femmes.
« Saca pun­ta » se dit pour tailler les crayons, faire sor­tir, la pointe, la mine. Cela se dit couram­ment dans les écoles.

Sacale pun­ta. J’ai représen­té le cray­on bien tail­lé sur cette image, mais ce n’est qu’une petite par­tie de l’énigme.

Ici, San­dalio a écrit « Sacale pun­ta a esta milon­ga », sors-lui la pointe à cette milon­ga…
Pour ceux qui pour­raient s’interroger, sur l’intérêt d’apporter un cray­on à la milon­ga. Une petite inves­ti­ga­tion qui je l’espère ne sera pas trop déce­vante :

Les autres textes de Sandalio Gómez

Si on cherche une piste dans les autres textes écrits par San­dalio Gómez on trou­ve :
Deux tan­gos : « Cum­br­era » et « El mun­do está loco ». Le pre­mier est un hom­mage à Car­los Gardel et le sec­ond s’inscrit dans la tra­di­tion de « Cam­bal­ache » ou de « Al mun­do le fal­ta un tornil­lo », ces tan­gos qui par­lent de la dégénéres­cence du Monde.
Deux milon­gas : « De pun­ta a pun­ta » et « Mis pier­nas » qui est une milon­ga qui incite à se repos­er, car les paroles com­men­cent ain­si : « Sen­tate, cuer­po sen­tate, que las pier­nas no te dan más » assois-toi corps, car les jambes n’en peu­vent plus.
Un paso doble : « Embru­jo » par­le d’un « envoute­ment » amoureux.
Du grand clas­sique et si ce n’était ce « Sacale pun­ta », les paroles ne prêteraient pas à inter­pré­ta­tion. On n’est pas en présence de textes de Vil­lol­do qu’il a sou­vent fal­lu remanier pour respecter les bonnes mœurs.

D’autres musiques utilisant « Sacale punta »

Il y a d’autres musiques qui utilisent l’expression « Sacale pun­ta ». Par exem­ple, la milon­ga écrite par José Bas­so : « Sacale pun­ta al lápiz » 1955-09-16 écrite par José Bas­so, mais qui n’a pas de paroles.

Sacale pun­ta al lápiz 1955-09-16 — José Bas­so (Musique José Bas­so)

Si on reste en Argen­tine, on trou­ve plus récem­ment l’expression dans des textes de cumbias. Les cumbias ont sou­vent des textes scabreux, c’est le cas de celle qui s’appelle comme la milon­ga de Bas­so et qui est inter­prétée par Neni y su ban­da. Mon blog se voulant de haute tenue, je ne vous don­nerai pas les paroles, mais sachez que le pos­sesseur du lápiz (cray­on) se vante de pou­voir en faire quelque chose au lit.
Le groupe cubain Vie­ja Tro­va San­ti­a­guera chante égale­ment « Sacale pun­ta al lápiz ». Ce son est avec des paroles rel­a­tive­ment explicites, la muñe­qua (poupée) faisant référence au même cray­on que la cumbia sus­men­tion­née.

Sácale la pun­ta al lápiz — Vie­ja Tro­va San­ti­a­guera

Le chanteur por­tor­i­cain de Sal­sa, Adal­ber­to San­ti­a­go, chante dans une sal­sa du même titre, « Sacale pun­ta ». Il s’agit dans ce cas de faire les comptes avec sa com­pagne qui l’a trompée. Comme la liste des reproches est longue, elle doit pré­par­er la mine de son cray­on pour pou­voir tout not­er. On est donc ici, dans la lignée sco­laire, du cray­on dont on doit affuter la mine.

Sácale pun­ta 1982-12-31 — Adal­ber­to San­ti­a­go

Dans l’esprit du cray­on pour écrire, on pour­rait penser au car­net de bal pour inscrire les parte­naires avec qui nous allons danser. Je n’y crois pas dans ce cas. Tout au plus le car­net et le cray­on seront pour not­er les coor­don­nées de la belle…

Et donc, pourquoi « Sacale punta » ?

Comme vous l’imaginez, les pistes précé­dentes ne me sat­is­font pas. Je vais vous don­ner ma ver­sion, ou plutôt mes ver­sions, mais qui se rejoignent. Pour cela, inter­ro­geons le lun­far­do, l’argot portègne.
En lun­far­do se dit : « de pun­ta en blan­co » qui sig­ni­fie élé­gant. Il est donc logique de penser que le nar­ra­teur souhaite sor­tir ses meilleurs vête­ments pour aller à la milon­ga.
Tou­jours en lun­far­do, « hac­er pun­ta » est aller de l’avant. On peut donc imag­in­er qu’il faut aller de l’avant pour aller à la milon­ga.
Con­tin­uons avec le lun­far­do : La pun­ta est aus­si un couteau, une arme blanche. Quand on con­naît la répu­ta­tion des com­padri­tos, on se dit qu’ils peu­vent être prêts à sor­tir le couteau à la moin­dre occa­sion à la milon­ga.
Pour résumer, il se pré­pare avec ses beaux habits, éventuelle­ment avec un couteau dans la poche pour les coups durs. Il est donc prêt pour aller à la milon­ga qui a déjà com­mencé, pour danser joue con­tre joue et dis­cuter ce qui se doit avec ceux qui se met­tent en tra­vers de sa route. On ne peut pas tout à fait exclure un dou­ble sens à la Vil­lol­do, surtout si on se réfère au fait que cette milon­ga se réfère au début du XXe siè­cle, époque où les paroles étaient beau­coup plus « libres ».

Lo de Laura

En effet, le dernier cou­plet, qui n’est pas chan­té ici, par­le du temps de Lau­ra. Il s’agit de la casa de Lau­ra (Lau­renti­na Mon­ser­rat). Elle était située en Paraguay 2512. Cette milon­ga était de bonne fréquen­ta­tion au début du vingtième siè­cle.

Lo de Lau­ra (Lau­renti­na Mon­ser­rat). Cette « mai­son » était située en Paraguay 2512. C’est main­tenant une mai­son de retraite…

Les danseurs pou­vaient danser avec les « femmes » de la mai­son moyen­nant le paiement de quelques pesos. Je ne con­nais pas le prix pour cette mai­son, mais dans une mai­son com­pa­ra­ble, Lo de Maria (La Vas­ca), le prix était de 3 pesos de l’heure. Le mari de la pro­prié­taire, « El Ingles » (Car­los Kern) veil­lait à ce que les pro­tégées soient respec­tées. On est tou­jours à l’époque du tan­go de prostibu­lo, mais avec classe.
Il indique que dès l’époque de Lau­ra, il était de Primer agua c’est-à-dire qu’il était déjà très bon. Un peu comme dans la milon­ga « En lo de Lau­ra » (musique d’Antonio Poli­to et paroles d’Enrique Cadí­camo). En effet, dans cette milon­ga, Cadí­camo a écrit : « Milon­ga provo­cado­ra que me dio car­tel de tau­ra… », Milon­ga provo­cante qui me don­na le titre de cham­pi­on (en fait, plutôt dans le sens de cador, caïd, com­padri­to, courageux, qui se mon­tre…).

En lo de Lau­ra 1943-03-12 — Orques­ta Ángel D’Agosti­no con Ángel Var­gas — Anto­nio Poli­to Letra Enrique Cadí­camo (Domin­go Enrique Cadí­camo)

Pour vous don­ner une idée de l’ambiance de Lo de Lau­ra, vous pou­vez regarder cet extrait du film argentin « La Par­da Flo­ra » de León Klimovsky et qui est sor­ti le 11 juil­let 1952. C’est bien sûr une recon­sti­tu­tion, avec les lim­ites que ce genre impose.

Recon­sti­tu­tion de l’am­biance en Lo de Lau­ra. Extrait du film argentin « La Par­da Flo­ra » de León Klimovsky sor­ti le 11 juil­let 1952

Dans cette par­tie du film se joue “El Entr­erri­ano” d’Ansel­mo Rosendo Men­dizábal. En effet, une tra­di­tion veut que Men­dizábal ait écrit ce tan­go en Lo de Lau­ra. Il était en effet pianiste dans cet étab­lisse­ment et c’est donc fort pos­si­ble. Il inter­ve­nait aus­si à Lo de Maria la Vas­ca et cer­tains affir­ment que cet dans ce dernier étab­lisse­ment qu’il a inau­guré le tan­go.
Notons que les deux affir­ma­tions ne sont pas con­tra­dic­toires, mais je préfère lever le doute en prenant le témoignage de José Guidobono, témoin et acteur de la chose.
Il décrit cela dans une let­tre envoyée en 1934 à Héc­tor et Luis Bates et qui la pub­lièrent en 1936 dans « Las his­to­rias del tan­go: sus autores » :

“Existía una casa de baile que era cono­ci­da por “María la Vas­ca”. Allí se bail­a­ba todas y toda la noche, a tres pesos hora por per­sona. Encon­tra­ba en esos bailes a estu­di­antes, cuidadores y jock­eys y en gen­er­al, gente bien. El pianista ofi­cial era Rosendo y allí fue donde por primera vez se tocó “El entr­erri­ano”. […] así se bailó has­ta las 6 a.m. Al reti­rarnos lo saludé a Rosendo, de quien era ami­go, y lo felic­ité por su tan­go inédi­to y sin nom­bre, y me dijo: “se lo voy a dedicar a ust­ed, pón­gale nom­bre”. Le agradecí pero no acep­té, y debo decir la ver­dad, no lo acep­té porque eso me iba a costar por lo menos cien pesos, al ten­er que ret­ribuir la aten­ción. Pero le sug­erí la idea que se lo ded­i­case a Segovia, un mucha­cho que pasea­ba con nosotros, ami­go tam­bién de Rosendo y admi­rador; así fue; Segovia acep­tó el ofrec­imien­to de Rosendo. Y se le puso “El entr­erri­ano” porque Segovia era ori­un­do de Entre Ríos.”.

José Guidobono

Tra­duc­tion :

Il y avait une mai­son de danse con­nue sous le nom de « María la Vas­ca ». On y dan­sait toute la nuit pour trois pesos de l’heure et par per­son­ne. À ces bals, j’ai croisé des étu­di­ants, des médecins et des jock­eys [c’était une soirée spé­ciale du Z Club, club auquel Rosendo Men­dizábal a d’ailleurs dédié un tan­go (Z Club)] et en général, de bonnes per­son­nes.
Le pianiste offi­ciel était Rosendo et c’est là que « El entr­erri­ano » a été joué pour la pre­mière fois. […] c’est ain­si qu’on a dan­sé jusqu’à 6 heures du matin.
En par­tant, j’ai salué Rosendo, dont j’étais ami, et je l’ai félic­ité pour son tan­go inédit et sans nom, et il m’a dit : « Je vais te le dédi­cac­er, donne-lui un nom ». Je l’ai remer­cié, mais je n’ai pas accep­té, et je dois dire la vérité, je ne l’ai pas accep­té parce que cela allait me coûter au moins cent pesos, pour le remerci­er de l’attention. Mais j’ai sug­géré l’idée qu’il le dédi­cace à Segovia, un garçon qui mar­chait avec nous, égale­ment ami et admi­ra­teur de Rosendo ; C’est comme ça que ça s’est passé ; Segovia a accep­té l’offre de Rosendo. Et il l’a inti­t­ulé « El Entr­erri­ano » parce que Segovia était orig­i­naire d’Entre Ríos. […] Rosendo a ain­si gag­né cent man­gos (pesos en lun­far­do). »

La face A du disque Victor 38397

Sur la face A du même disque Vic­tor a gravé une valse. Elle a été enreg­istrée le même jour par Dona­to et Lagos, comme c’est sou­vent le cas.
Cette valse est sub­lime, je vous la pro­pose donc ici :

Qué será ? 1938-03-09 — Orques­ta Edgar­do Dona­to con Hora­cio Lagos — Pepe Guízar (MyL)

Ne pas con­fon­dre cette valse avec une au titre qui ne dif­fère que par deux let­tres…

Quién será ? 1941-10-13 — Orques­ta Edgar­do Dona­to con Hora­cio Lagos — Luis Rubis­tein (MyL)

Un clin d’œil pour les DJ

Felix Pich­er­na, un célèbre DJ de l’époque des cas­settes Philips, util­i­sait un cray­on pour rem­bobin­er ses cas­settes. Il devait donc sacar la pun­ta antes de la milon­ga.
J’en par­le dans mon arti­cle sur les tan­das.
Main­tenant, vous êtes prêts à danser à Lo de Lau­ra ou dans votre milon­ga favorite.

Felix Pinch­er­na util­isant un cray­on pour rem­bobin­er sa cas­sette de corti­na. http://www.molo7photoagency.com/blog/felix-picherna-el-muzicalizador-de-buenos-aires/04–9/