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Y suma y sigue… 1952-08-13 – Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto Echagüe

Juan D’Arienzo ; Fulvio Salamanca (Fulvio Werfil Salamanca); Carlos Bahr (Carlos Andrés Bahr)

Quand les auteurs de tango se lancent dans la philosophie de la vie, cela donne cela ; des conseils pour naviguer entre les canailles et les giles. Juan D’Arienzo et son pianiste de l’époque, Fulvio Salamanca se sont associés avec Carlos Bahr pour élaborer la musique et les paroles. Pour les , la philosophie est simple, sauter sur la piste aux premières notes et s’éclater à danser ce titre énergique servi par l’orchestre de D’Arienzo et la voix prenante de Echagüe.

La bande des auteurs

Généralement, on attribue à D’Arienzo et Salamanca la musique et à Carlos Bahr les paroles, mais l’ à la SADAIC (Société des auteurs argentins) donne la paternité aux trois pour les deux éléments.

Registre de la SADAIC indiquant l’enregistrement de l’œuvre le 20 avril 1953.

On notera que pour les trois, la mention est auteur et compositeur. Les pourcentages pour chacun des trois ne sont pas déterminés. C’est qu’ils estimaient avoir collaboré de façon comparable et qu’ils devraient donc recevoir à parts égales les droits afférents.
On notera au passage les pseudonymes de Salamanca et Bahr. Tony Cayena pour le premier et Alfas et Luke J Y C pour le second.

Carlos Bahr, Juan D’Arienzo et Fulvio Salamanca, les trois auteurs, compositeurs du .

Ce travail à trois n’est pas étonnant dans la mesure où Salamanca et Bahr étaient des amis proches et que D’Arienzo aimait mettre en musique les textes de Bahr. Ce trio a d’ailleurs réalisé dans les mêmes conditions d’autres titres joués par l’orchestre de D’Arienzo, comme : Ganzúa, La sonrisa de mamá, Sin balurdo, Tomá estas monedas!, Trampa et notre tango du jour,
D’autres titres ont été composés par D’Arienzo et Salamanca avec un texte de Bahr comme : Hoy me vas a escuchar, Necesito tu cariño et Se-Pe-Ño-Po-Ri-Py-Ta-Pa et d’autres, enfin, ont été créé par Bahr (texte) et Salamanca (musique) sans l’apport de D’Arienzo, comme : Amarga sospecha, Aqui he venido a cantar, Dale dale, caballito, Desde aquella noche et Eterna.

De gauche à droite, debout : , Juan D’Arienzo, , Alberto Echagüe et Fulvio Salamanca au piano.

Y suma y sigue

Le titre peut interroger. Ce terme venant des livres comptables invite à tourner la page pour consulter la suite d’un compte, mais il a plusieurs autres significations.

  • Expression indiquant en bas de page, que le calcul va se continuer sur la page suivante.
  • Équivalent de etc. du latín et cetera, pour indiquer que la liste pourrait continuer (et le reste, et les autres choses).
  • Indique que ça va continuer à augmenter.
  • Indique que quelque chose se répète.

Je vous laisse choisir votre interprétation à la présentation des paroles ci-dessous.

Extrait musical

Y suma y sigue… 1952-08-13 – Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto Echagüe.
Partition de Suma y sigue…

Paroles

No me gusta andar con vivos y a los giles les doy pase
a los otros si es preciso los atiendo y se acabó.
Si la mala se encabrita me la aguanto hasta que amanse
y aunque siempre hay un amigo, curo a solas mi dolor.
Me enseñó la mala racha que la suerte es mina ilusa,
Que, al final, se queda siempre con aquel que está grillao.
Y aprendí en los desencantos, que si afloja el de la zurda,
es mejor que te amasijes porque al fin irás palmao.

Aunque seas bien derecho si andas seco te dan pifia.
Trabajando sos cualquiera y afanando sos señor.
Porque, al fin, hasta la grela que comparte tu cobija
cuando ve mangos en fila solo piensa « ¿cuántos son? ».
Además, nadie pregunta de que « lao » llegó la buena,
la importancia está en los mangos aunque salgan de lo peor.
Y aprendes al triste precio de tu credo en esta feria
que ni tiñe la vergüenza, ni la guita tiene honor.

Me enseñaron los amigos que estas firme si hay rebusque,
aprendí de los extraños que hay que abrirse del favor.
Y la vez, que por humano le di cuarta a un gil « cualunque »,
me dejó en la puerca vía sin confianza y sin colchón.
Los demás te ven sacando por la pinta, como al naipe,
y al marcarte « gil en puerta », pregonando que hay amor,
te saquean hasta el alma y después te dan el raje…
¡Pero nadie mira nunca que tenés un corazón!
Juan D’Arienzo ; Fulvio Salamanca (Fulvio Werfil Salamanca); Carlos Bahr (Carlos Andrés Bahr)

Traduction libre

Je n’aime pas aller avec les canailles et aux giles (XXXX voir anecdote sur le sujet) je donne un laissez-passer, quant aux autres si nécessaire, je m’occupe d’eux et c’est tout.
Si le mauvais se déchaîne, je le supporte jusqu’à ce qu’il se lève et bien qu’il y ait toujours un ami, je guéris ma douleur seul.
La mauvaise série m’a appris que la chance est une gamine illusoire, qu’à la fin, elle reste toujours avec celui qui est grillé.
Et j’ai appris dans les déceptions, que si le sincère se détend, cela vaut mieux que de se pétrir (de coups), car à la fin vous finissez dans les pommes (palmao de palmado est endormir en lunfardo).
Même si tu es très droit, si tu es sec, ils se moquent de toi.
En travaillant, tu es quelconque et en trompant (arnaquant, volant), tu es un Monsieur.
Parce qu’en fin de compte, même la gonzesse (femme) qui partage votre couverture (lit) quand elle voit des biffetons (billets de 1 peso) alignés elle pense uniquement à « combien il y en a ? ».
D’ailleurs, personne ne demande de quel côté vient le bon, l’important ce sont les billets même s’ils sortent du pire.
Et tu apprends au triste prix de ton credo dans cette foire qui ni la honte tache, ni le flouze (l’argent) n’a d’honneur.
Les amis m’ont appris à être ferme s’il y a une petite occasion (rebusque est un petit travail supplémentaire, voire un amour passager), j’ai appris d’inconnus qu’il faut s’ouvrir à la faveur (peut aussi signifier profiter sexuellement).
Et la fois, que pour être humain, j’ai porté assistance à un gil quelconque, il m’a laissé des scrofules, sans confiance et sans matelas (je ne suis pas sûr du sens).
Les autres te voient venir pour l’allure, comme aux cartes, et dès qu’ils te marquent « gil à la porte », proclamant qu’il y a de l’amour, ils te pillent jusqu’à l’âme et ensuite ils te jettent dehors…
Mais personne ne voit jamais que tu as un cœur !
Ces conseils de vie, se terminent par Mais personne ne voit jamais que tu as un cœur ! Les conseils cachent en fait un regard critique et désabusé sur le monde contemporain, sur les relations humaines. En cela, ce tango rejoint d’autres tangos comme cambalache, tormenta et tant d’autres qui dénoncent les injustices et les abus.

Autres versions

Il n’y a pas d’autre enregistrement de ce titre, mais D’Arienzo et Echagüe ont enregistré plusieurs tangos faisant appel au lunfardo. En 1964, RCA a édité une sélection de 12 de ces tangos dans un disque 33 tours.

Academia del lunfardo (1964). 12 tangos avec des paroles en lunfardo par D’Arienzo et Echagüe. Notre tango du jour est le premier titre de la face 2.
Joyas del Lunfardo (1996) reprend les 12 titres de 1964 et en rajoute 8.

Voici la liste des 20 titres du CD. Ceux qui sont en gras étaient dans le CD de 1964

1 Cartón junao (Juan D`Arienzo/Héctor Varela/)
2 Chichipía(Juan (D`Arienzo / Héctor Varela / Carlos Waiss)
3 Bien pulenta (Carlos Waiss)
4 El nene del Abasto (Eladio Blanco/Raúl Hormaza)
5 Sarampión (Eladio Blanco/Raúl Hormaza)
6 Cambalache (Enrique Santos Discépolo)
7 Pituca (Enrique Cadícamo/José Ferreyra)

8 El raje (Juan D`Arienzo/Héctor Varela)
9 Amarroto (Miguel Bucino / Juan Cao)
10 Barajando (Eduardo Escaris Mendez)
11 Mondiola ()
12 Farabute (Joaquín Barreiro / Antonio Casciani)
13 Corrientes y Esmeralda (Celedonio Flores / Francisco Pracánico)
14 Y suma y sigue (Carlos Bahr / Juan D`Arienzo / Fulvio Salamanca)
15 Che existencialista (Mario Landi / Rodolfo Martincho)
16 Pan comido ()
17 Las cuarenta (Froilán Gorrindo)
18 Que mufa che (Jorge Sturla (Tito Pueblo) / Luis Zambaldi)
19 Mi querida Sisebuta (Armando Gatti / Carlos Lázzari / Antonio Polito)
20 Peringundín (Pintín Castellanos)

Voilà, les amis, c’est tout pour aujourd’hui.

Je ne vous dis pas à demain, car je vais faire une pause dans les anecdotes, notamment pour essayer de résoudre les problèmes avec Facebook que cela énerve, mais aussi, car le site sature et que mon hébergeur me fait aussi les gros yeux.

Un abrazo énorme, desde Buenos Aires où il fait encore bien froid…

Dos amores 1932-08-12 – Orquesta Francisco Canaro con Ernesto Famá

Antonio Sureda Letra:

Les frères Sureda étaient complémentaires. Antonio, bandonéoniste et compositeur et Gerónimo, poète. Notre tango du jour est un des fruits de leur collaboration. Ceux qui pensent que le tango est une histoire de cocus et de trahison ne s’y retrouveront pas, mais tous les autres adoreront ce très beau thème que les frères Sureda ont peut-être dédié à leur mère…

Parmi leurs collaborations, nous pouvons citer en plus de notre tango du jour Ilusión marina qui est le premier titre de son frère sur lequel Gerónimo a mis des paroles.
Voici d’autres titres que vous connaissez sans doute, car nous en possédons des enregistrements. Ils sont par ordre alphabétique :

  • A oscuras (Gerónimo est aussi crédité de la composition en compagnie de son frère pour ce titre).
  • Adiós juventud
  • Barreras de amor
  • Cacareando
  • Decime adiós
  • Juanillo (pasodoble)
  • Mala suerte
  • Nunca es tarde
  • Parece que fue ayer
  • Ronda del querer
  • Si alguna vez
  • Te quiero mucho más
  • Volvió la princesita
  • Yo quiero que sepas

Finalement Antonio a fait appel à son frère pour la majorité de ses compositions, mais signalons tout de même qu’un petit quart est aussi issu de la collaboration avec , le reste étant anecdotique.

Extrait musical

Dos amores 1932-08-12 – Orquesta con Ernesto Famá.

Un tango appuyé et marchant tout à fait typique de Canaro. Contrairement à ce que faisaient certains orchestres contemporains, l’orchestration de Canaro se démarque par de beaux contrepoints qui sont souvent surprenants, mais qui donnent de l’intérêt et cassent tout risque de monotonie. Le long passage en pizzicati des violons qui commence à 1:45 après l’estribillo de Famá et le recours aux instruments en cuivre donne une sonorité particulière.
On notera également l’intéressante variation finale qui anime les dernières secondes.

Paroles

Escuche viejecita… yo quiero que se entere
Desde hace mucho tiempo, que tengo ya otro amor,
Si viera qué bonita, qué buena es la muchacha
Hay en sus ojazos más fuego que el sol.
Yo quiero que la quiera con su cariño santo
Con fuerza, con vehemencia, de todo corazón,
Ella hace mucho tiempo que quiere conocerla
Para llamarla … como lo llamo yo.

Fue cerquita del barranco
Donde una tarde la vi,
Y en la tranquera ´e su rancho
El primer beso le di,
Desde entonces mi guitarra
Tiene una cinta ´e color,
Que la prendieron sus manos
Como prueba de su amor.

¿Que pasa?…viejita venga, por qué se pone triste
Acaso no se alegra al ver que soy feliz,
O cree que el cariño de la mujer que amo
Me hará olvidar lo mucho que usted sufrió por mí.
Yo quiero que la quiera con su cariño santo
Con fuerza, con vehemencia, de todo corazón,
Ella hace mucho tiempo que quiere conocerla
Para llamarla madre, como la llamo yo.
Letra:

libre et indications

Écoutez, ma petite mère (ma petite vieille est un terme affectueux, le texte est un mélange de familiarité et de vouvoiement respectueux). Je veux que vous sachiez que ça fait longtemps déjà que j’ai un autre amour.
Si vous voyez comme elle est jolie, comme elle est bonne la fille.
Il y a plus de feu dans ses grands yeux que dans le soleil.
Je veux que vous l’aimiez de votre sainte affection, avec force, avec véhémence, de tout votre cœur.
Elle, cela fait longtemps qu’elle veut vous connaître, pour vous appeler mère… comme je vous appelle, moi.
C’est près de la tranchée qu’un après-midi je l’ai vue, et à la porte de son ranch, je lui ai donné le premier baiser, depuis lors ma guitare a un ruban de couleur, que ses mains ont attaché comme preuve de son amour.
Que se passe-t-il ?… Ma petite mère, venez, pourquoi êtes-vous triste ?
Peut-être n’êtes-vous pas heureux de voir que je suis heureux, ou pensez-vous que l’affection de la femme que j’aime me fera oublier combien vous avez souffert pour moi.
Je veux que vous l’aimiez de votre sainte affection, avec force, avec véhémence, de tout votre cœur.
Elle, cela fait longtemps qu’elle veut vous connaître, pour vous appeler mère… comme je vous appelle, moi.

Autres versions

Dos amores. À gauche, Canaro chez Odeón, au centre, D’Arienzo chez RCA Victor et à droite, Pugliese chez Philips (Dos amores est la plage 2 de la face 1 du disque LP 33 tours).
Dos amores 1932-08-12 – Orquesta Francisco Canaro con Ernesto Famá. C’est notre tango du jour.
Dos amores 1932-09-09 – con Trio Antonio Sureda.

Santiago Devin est un chanteur relativement rare, mais il avait du dans les années 30. On le connaît surtout avec le Sexteto de Carlos Di Sarli, où il ne chantait que l’estribillo. Il nous propose ici accompagné par le trio Antonio Sureda pour Odeón, une version en chanson, plus à classer du côté de Gardel, Magaldi ou Corsini que du côté du tango de bal. Vu que Santiago Devin enregistre avec le compositeur, on peut penser que Antonio Sureda cautionne cette jolie version. Le trio était composé, en plus de Antonio Sureda au bandonéon, de Oscar Valpreda au violon et de Alpredi au piano.

Dos amores 1947-05-13 – Orquesta Juan D’Arienzo con Armando Laborde.

Le tempérament fougueux de D’Arienzo pourrait paraître un contre-emploi, mais la voix travaillée de Laborde fait que cela passe, mais si cela peut se danser, c’est un peu un cran en dessous en matière de romantisme.

Dos amores 1961 – Orquesta con Jorge Maciel.

Dos amores 1961 – Orquesta Osvaldo Pugliese con Jorge Maciel. Pugliese sait faire des versions très personnelles et empreintes de romantisme. Nous en avons là, un exemple. Les 55 premières secondes préparent la venue du chanteur, Jorge Maciel qui prendra ensuite l’essentiel de la présence. L’utilisation par Maciel du port de voix (liaison des notes en glissando), de l’arrastre (laisser traîner) fait que ce titre sera un peu moyen pour la danse, même si je sais que certains adorent. Cette version est cependant bien adaptée à l’expression des sentiments d’amour évoqués par le tango.

Sur ces beaux sentiments, je vous dis, à demain, les amis !