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Sollozo de bandoneón 1943-12-16 – Orquesta Ricardo Tanturi con Enrique Campos

Ricardo Tanturi Letra: Enrique Cadícamo

On disait de Aníbal Troilo qu’il savait faire pleurer son bandonéon, mais ce caractère est souvent attribué à cet instrument, bien qu’il dispose d’un répertoire d’interprétation bien plus vaste qui va de la colère la plus noire à la joie la plus légère. Cette partition de Tanturi avec des paroles de Cadícamo explore le côté triste de l’instrument, ce que sait rendre avec une rare émotion, Enrique Campos au chant. Un magnifique tango, sans doute trop méconnu.
La vedette de cette anecdote sera le bandonéon et ses sentiments.

Extrait musical

Sollozo de bandoneón 1943-12-16 – Orquesta Ricardo Tanturi con Enrique Campos.

Le mode de sol mineur annonce la tristesse du morceau. Il continuera durant toute l’œuvre, sans passage en mode majeur, ce qui donne mieux l’idée de l’oppression subie par le narrateur.
L’orchestre de Tanturi, à l’époque de cet , comportait quatre bandonéonistes : Francisco Ferraro, Raúl Iglesias, Héctor Gondre et Juan Saettone.

Paroles

Ven a bailar, que quiero hablarte,
aparte de tus amigas.
Quiero que escuches mi fracaso
y que en mis brazos el tango sigas.
Después de un año vuelvo a hallarte
y al verte me pongo triste,
porque esta noche he de contarte
que por perderte sufro de amor.

Quien sufre por amor
comprende este dolor,
este dolor que nos embarga.
Quien sufre por amor
comprenderá el dolor
que viene a herir
como una daga.
Te tuve y te perdí
y yo qué soy sin ti.
Quien sufre por amor
comprenderá mejor
por qué solloza el bandoneón.

Con su gemir de corazones
los bandoneones lloran su pena,
igual que yo sollozan ellos,
porque en sus notas hay amores
y por amores hoy sufro yo.
Ricardo Tanturi Letra: Enrique Cadícamo

libre et indications

Viens danser, je veux te parler, à part de tes amis.
Je veux que tu entendes mon échec et que, dans mes bras, tu continues .
Au bout d’un an, je te retrouve, et, quand je te vois, je suis triste, car ce soir, je dois te dire que de t’avoir perdue, je souffre d’amour.
Celui qui souffre par amour comprend cette douleur, cette douleur qui nous submerge.
Celui qui souffre par amour comprendra la douleur qui vient blesser comme un poignard.
Je t’avais et je t’ai perdue et moi, que suis-je sans toi.
Celui qui souffre par amour comprendra mieux pourquoi le bandonéon sanglote.
Avec leurs gémissements de cœur, les bandonéons pleurent leur chagrin, comme moi, ils sanglotent, parce que, dans leurs notes il y a des amours et, pour les amours, aujourd’hui je souffre.

Bandonéons sentimentaux

Il est intéressant de voir que parmi les instruments du tango, c’est le bandonéon qui se partage la vedette en ce qui concerne les titres où il est présent. Voici quelques statistiques pour le tango (pas milonga ou valse).
Le piano, cet instrument majeur, n’est cité que dans une dizaine de titres.
Le violon, cet autre instrument essentiel n’atteint qu’à peine le double du piano.
La guitare, instrument des premiers temps, héritier des payadores, fait à peine mieux que le violon.
Le bandonéon se taille la part du (hommage au Tigre du bandonéon, Eduardo Arolas). J’ai recensé plus de 80 titres mentionnant son nom (bandó, bandoneón, fuelle ou fueye). J’aurais pu rajouter des milongas et des poèmes à sa gloire, mais avec les titres que j’ai oubliés, on pourrait bien atteindre les 100, soit 10 fois plus que pour le piano…
Si on entre dans le détail des paroles, la suprématie du bandonéon est encore plus forte, mais contentons-nous de lister les titres où le bandonéon est mentionné.

  • A la sombra del fueye
  • A mi hermano fueyero
  • A seguirla bandoneón
  • Alegre bandoneón
  • Alma del bandoneón
  • Aníbal Bandoneón (Aníbal Troilo en symbiose avec son instrument)
  • Arrullos de bandoneón
  • Bandó (composé et interprété par Astor Piazzolla au bandonéon)
  • Bandoneón (au moins 4 tangos différents portent ce nom)
  • Bandoneón amigo
  • Bandoneón arrabalero
  • Bandoneón cadenero
  • Bandoneón campañero
  • Bandoneón de fuego
  • Bandoneón de mi ciudad
  • Bandoneón de mis amores
  • Bandoneón fuiste testigo
  • Bandoneón, guitarra y bajo (petite apparition de la contrebasse, dans un trio de Piazzolla, un autre géant du bandonéon)
  • Bandoneón milonguero (composé par le bandonéoniste )
  • Buénas noches che bandonéon (par le bandonéoniste Juan José Mosalini)
  • Bandoneón…para vos
  • Bandoneón, por qué llorás? (une référence explicite aux pleurs du bandonéon)
  • Bandoneón solo (du bandonéoniste Rodolfo Nerone)
  • Bandoneón trasnochado (du bandonéoniste San Miguel)
  • Calla bandoneón (Carlos Lazzari et Oscar Rubens pour les paroles demandent au bandonéon de se taire, à cause de sa tristesse).
  • Candencia de Bandoneón de Astor Piazzolla (c’est un solo de bandonéon exécuté par son auteur, Mauricio Jost, un des bandonéonistes du )
  • Che bandoneón (por el bandoneón mayor de Buenos Aires, Aníbal Troilo)
  • Compañero bandoneón
  • Con letra de bandoneón
  • Concerto para bandoneón y orquesta (Piazzolla)
  • Concierto Para Bandoneón (encore Piazzolla)
  • Cuando llora el bandoneón
  • Cuando talla un bandoneón (un titre d’un fameux bandonéoniste, )
  • La danza del fueye (du bandonéoniste Raúl Miguel Garello, un titre jeu de mot évoquant la composition de Manuel de Falla, La danza del fuego ?)
  • De mi bandoneón (par le bandonéoniste Roberto Pérez Prechi)
  • Este bandoneón (d’Ernesto Rossi, encore un bandonéoniste)
  • Este bandoneón sentimental
  • Firuletear de bandoneón
  • Fuelle azul (par le bandonéoniste Domingo Federico)
  • Fuelle querido
  • Fueye…! (Fuelle)
  • Fueye amigo (Fuelle amigo)
  • Fueye querido
  • El hombre del bandoneón
  • Igual que un bandoneón (interprété par les mêmes que notre et également en mode mineur intégral, ré mineur. On pourrait être tenté d’en faire une tanda. Pour ma part j’évite de composer les tandas avec des titres un peu trop tristes à la suite).
  • Más allá bandoneón (composé par deux bandonéonistes Ernesto Baffa et Raúl Miguel Garello, on n’est jamais si bien servi que par soi-même)
  • Mientras quede un solo fuelle (Mientras quede un solo fueye)
  • Mi bandoneon y yo (Crecimos juntos) (de Rubén Juárez, chanteur et… bandonéoniste)
  • Mi fuelle rezonga
  • Mi loco bandoneón (par Piazzolla…)
  • Mi viejo bandoneón
  • Mientras gime el bandoneón (encore une fois, Enrique Cadícamo, l’auteur des paroles du tango d’aujourd’hui, fait résonner la tristesse du bandonéon. Dans ce tango, il est également le compositeur).
  • No la llores bandoneón (Deux des compositeurs sont bandonéonistes Jorge Caldara et Alberto Caracciolo. Víctor Lamanna est plutôt parolier, mais le titre est signé des trois, que ce soit pour les paroles et la musique).
  • Mientras rezonga un fuelle
  • Mistongo bandoneón (dans les paroles, El fueye revient au début des vers du couplet :
  • Fuelle… que viniste de tan lejos. / Fuelle… que te hiciste tan, tan nuestro. / Fuelle… santo, endiablado y siniestro, / vos que haces dormir al cielo / abrazado del infierno. / Fuelle… vos… mistongo bandoneón.
  • Música de bandoneón
  • Nocturnal bandoneón
  • Notas de bandoneón (avec Cadícamo aux paroles…)
  • Nuestro bandoneón
  • Pa’ que te oigan bandoneón
  • Pamentos del bandoneón
  • Perdoname fuelle querido
  • Perfume de bandoneón (de Luis Stazo, un autre grand du bandonéon)
  • Pichuco le canta a su bandoneón (En hommage, bien sûr à Pichuco, Aníbal Troilo)
  • Quejas de bandoneón (le gros succès de Juan De Dios Filiberto qui reprend le thème de la plainte du bandonéon)
  • Se lo conté al bandoneón
  • Sollozo de bandoneón (notre tango du jour)
  • Solo de bandoneón (musique et paroles de Cadícamo qui a décidément un faible pour cet instrument)
  • Son cosas del bandoneón (Enrique Rodríguez, l’auteur était également bandonéoniste…)
  • Suite Punta del Este for Bandoneón Solo, Instrumental Ensemble and String Orchestra: Coral (encore un truc de Piazzolla mettant en valeur le bandonéon, donc, lui…)
  • Susurro de bandoneón (Carlos Ángel Lázzari, encore un fameux bandonéoniste, associé à D’Arienzo, mais qui parle ici de murmure, chose qu’il ne devait pas souvent avoir l’occasion de faire avec El Rey del compás).
  • Te llamaremos bandoneón
  • Tocá el bandoneón, Pedrito! (encore un titre composé par le bandonéoniste Raúl Miguel Garello)
  • Tres movimientos concertantes para bandoneón y orquesta (Daniel Binelli, le compositeur était également… Oui, vous avez trouvé ! Bandonéoniste).
  • Un sueño bandoneón (une autre composition du bandonéoniste Domingo Federico)
  • Un fueye en París (Leopoldo Federico, cet attachant bandonéoniste et chef d’orchestre a composé ce titre).
  • La voz del bandoneón (La voix du bandonéon) (par José Lucchesi qui était accordéoniste. Un clin d’œil au cousin, donc).
  • Yo soy el bandoneón (De Piazzolla)
  • Yo te adoro bandoneón

Autres versions

Comme il n’était pas question de vous présenter la centaine de titres mentionnant le bandonéon, je vous propose de terminer avec le seul enregistrement de ce titre, notre tango du jour.

Sollozo de bandoneón 1943-12-16 – Orquesta Ricardo Tanturi con Enrique Campos. C’est notre tango du jour.

Bonus

Un groupe Facebook sur le bandonéon. J’ai utilisé leur photo de page pour mon illustration de couverture.
Le livre de Gabriel Merlino, Una Arqueología del bandoneón
La version papier est à commander à charlas.concierto@gmail.com.
Les versions électroniques se trouvent ici.
à Gérard Cardonnet, de m’avoir fait penser à signaler ce livre.
À bientôt les amis !

Un bandoneón (fueye, fuelle).

Adiós, Coco 1972-12-14 – Orquesta Juan D’Arienzo

Carlos Ángel Lázzari

Adiós, Coco est un au revoir, ou plutôt un adieu à Rafael D’Agostino, le neveu de qui était pianiste, compositeur, auteur et journaliste spécialisé dans les spectacles (notamment au journal La Razón à l’Editorial Anahi et à Radio Colonia). Par son oncle et ses activités, il était membre de la grande famille du tango et sa mort tragique dans un accident de la route a secoué la communauté, comme en témoigne ce tango composé par Lázzari, bandonéoniste et arrangeur de l’orchestre de D’Arienzo et l’enregistrement par l’orchestre de ce dernier, un mois seulement, après la mort de Coco. Maintenant, il me reste à vous expliquer pourquoi un dinosaure conduit une voiture…

Extrait musical

Adiós, Coco 1972-12-14 – Orquesta Juan D’Arienzo.

Adiós, Coco s’inscrit dans la lignée des tangos tardifs enregistrés par D’Arienzo. La puissance est énorme. Les violons virtuoses et les longs breaks rendent ce style reconnaissable immédiatement. Le piano de Juan Polito est en ponctuation permanente et bien sûr, les bandonéons (instrument du compositeur, Carlos Ángel Lázzari) et la contrebasse assurent la base rythmique que reprennent les autres instruments.
Dans cette version, quelques solos de violons font taire le martellement du rythme, une pointe de romantisme en l’honneur de Coco.
Cet orchestre tardif de D’Arienzo, le dernier de sa carrière était composé de la façon suivante :
Carlos Lázzari (bandonéoniste et arrangeur de l’orchestre. C’est lui qui reprendra la direction à la mort de D’Arienzo et qui enregistrera des titres du même type de dynamisme avec las solistas de D’Arienzo (les solistes de D’Arienzo, orchestre créé en 1973 avec l’autorisation de D’Arienzo). Voyons donc ces autres solistes :
Enrique Alessio, et Aldo Junnissi (bandonéonistes de D’Arienzo, comme Lázzari de 1950 à 1975).

Juan D’Arienzo dans une attitude typique, anime ses bandonénistes. De gauche à droite, Enrique Alessio, Carlos Lázzari, celui de droite me semble être Aldo Junnissi plus que Felipe Ricciardi, mais je ne garantis rien… Les quatre bandonéonistes de D’Arienzo sont restés les mêmes de 1950 à 1975. Cette photo semble dater de la décennie précédente, probablement les années 60.

Juan Polito (pianiste de l’orchestre de D’Arienzo en 1929, 1938-1939, 1957-1975)
Cayetano Puglisi, Blas Pensato, Jaime Ferrer et (violonistes de D’Arienzo depuis 1940. Cette longévité explique la merveille des violons de D’Arienzo qui était lui-même violoniste).
Victorio Virgilito (contre-bassiste de D’Arienzo depuis 1950).

, mais je pense intéressant de présenter les chanteurs de l’époque :
Osvaldo Ramos (ténor). C’est le père de Pablo Ramos qui dirige l’orchestre Los Herederos del Compás que vous pourrez entendre et voir dans ce titre en fin d’article.
Alberto Echagüe et Armando Laborde (barytons)
(mezzo-soprano).

Rafael D’Agostino (Coco)

Son oncle, Ángel D’Agostino, est bien plus connu et j’ai eu à diverses reprises l’honneur de présenter certaines de ses interprétations. Je vous propose un petit éclairage sur le neveu, Coco, objet de cet hommage.
L’ commence entre Juan D’Arienzo et Ángel D’Agostino, les D’ du tango. D’Arienzo violoniste et D’Agostino pianiste sont amis depuis l’adolescence.
Lorsqu’en 1928 naquit Rafael, ce dernier est entré dans le cercle d’amitié des deux hommes qui l’ont accompagné dans son entrée dans la carrière musicale.
Malgré ses capacités de pianiste, Rafael s’est dirigé vers le journalisme, notamment de spectacle. Il fut utilisateur dans ses chroniques de surnoms pour les artistes. Cette mode a été initiée par Felix Laiño, le sous-directeur du journal La Razón. Coco s’est expliqué sur cette coutume, par exemple en parlant de :

« Nadie puede negar que Tita Merello es lastimera; todos los días se queja de su miseria, sus años y su mala suerte, Estos apodos nacen de sus propios defectos y virtudes. »

(Personne ne peut nier que Tita Merello est pitoyable ; chaque jour elle se plaint de sa misère, de son âge et de sa malchance. Ces surnoms naissent de leurs propres défauts et vertus.)

On attribue un certain nombre d’œuvres à Coco :
Pasión milonguera
Vida bohemia
(avec Ricardo García)
Paica alegre
Mis flores negras
(Pas le passillo colombiano arrangé en que chanta Gardel)
Noches de Cabaret
(pas celui d’Héctor Varela avec Rodolfo Lesica)
Mi covacha

On voit que ces œuvres sont peu connues et celles qui le sont portent le nom d’autres auteurs. Mais j’ai gardé le meilleur pour la fin. On lui attribue également El Plesiosauro. Voyons un peu de ce côté…

El Plesiosauro

Ce sympathique animal marin, un dinosaure, aime faire des farces. En Écosse, il s’appelle Nessi et hante le Loch Ness. En Argentine, on l’appelle par son nom scientifique, El Plesiosauro, mais il porte aussi le nom de El Nahuelito, car il serait apparu au Lac Nahuel Huapi (Bariloche) ou à un autre lac bien plus au sud, el lago Epuyén.
Contrairement à son cousin d’Écosse, ce dernier s’est offert le luxe d’écrire une lettre que publia le journal La Nación, en mars 1922, dont voici les termes :
“El objetivo de mi carta es persuadirlos de que me dejen en paz, ya que soy un monstruo discreto y desinteresado”
« L’objet de ma lettre est de vous persuader de me laisser en paix, car je suis un monstre discret et désintéressé. »
Je pense que vous commencez à penser à un canular, voici l’histoire :
La première mention de cet animal date de 1910 et c’est la publication en 1922 de cette « vision » par George Garret qui donna l’idée à un Nord Américain nommé Martín Sheffield d’annoncer la présence de cet animal.
Cela arriva aux oreilles du Docteur Clemente Onelli, directeur du Zoo de Buenos Aires, qui aurait bien aimé le mettre dans ses collections. Il envoya des fonds à Martín Sheffield et organisa une expédition.
À son arrivée, Martín Sheffield avait disparu avec l’argent et vous vous en doutez, la quête de El Nahuelito s’est avérée vaine, malgré les descriptions qu’en ont faites les prétendus témoins.
La bête aurait un long cou, la taille d’une vache et serait carnivore. Certains scientifiques y voyaient la description d’un plésiosaure, d’où le nom le plus courant à l’époque et d’autres d’un ichtyosaure. Des photos auraient été réalisées, mais où sont-elles ?

L’affaire du Plésiosaure à Bariloche. De gauche à droite. Martin Shieffeld, l’aventurier d’Amérique du Nord. Il a quitté les lieux avec l’argent et n’a pas fait partie de l’expédition. Docteur Clemente Onelli, le directeur du Zoo et organisateur de l’expédition. Sur la photo centrale : Alberto Merkle, un taxidermiste allemand qui aurait pu conserver El Nahuelito si ses collègues l’avaient abattu comme prévu. Emilio Frey, un ingénieur, ami de Clemente Onelli qui est à droite de lui sur la photo centrale Santiago Andueza et José Cinaghi, les chasseurs. La photo de droite représente une reconstitution du Plésiosaure à Bariloche.

Le Plésiosaure a suscité des passions, des rires et plusieurs musiques ont exploité le filon.
Parmi celles-ci, la partition attribuée à Rafael D’Agostino.

La partition attribuée à Rafael D’Agostino du Plesiosauro. Elle serait de 1922. On remarque la dédicace à Clemente Onelli, le Directeur de l’expédition, et à un Manuel Garcia que je n’ai pas identifié. Est-il de la famille de Ricardo García avec qui il a composé Vida Bohémia ?

Tous les auteurs qui parlent de ce tango mentionnent sans hésitation Coco, Rafael D’Agostino comme le compositeur du Plesiosauro.
Le fait qui m’intrigue est que la partition serait datée de 1922, ce qui est logique vu que c’est l’époque des faits. Ce qui est moins logique, c’est que Rafael D’Agostino est né en 1928 (il avait 40 ans en 1968 selon une interview, et 44 à a sa mort en 1972). Un prodige comme Mozart peut écrire une œuvre à six ans, mais pas six ans avant sa naissance…
Il faut donc soit considérer que la partition n’est pas de 1922, soit que c’est d’un autre Rafael D’Agostino.
Le fait que Coco soit un plaisantin pourrait laisser penser qu’il aurait réalisé un faux. Dans le sens de cette hypothèse, je mettrai la réalisation assez sommaire de la couverture de la partition.
Ce qui ne fait pas de doute, c’est l’expédition à Bariloche de Onelli, les documents sont suffisamment précis sur la question et ce scientifique n’aurait pas mis en jeu sa réputation pour un canular.
Le fait qu’il soit cité sur la partition est un peu plus étonnant. En effet, comme il est rentré bredouille, il est peu probable qu’il ait apprécié l’attention. Avoir un tango dédicacé à son nom et qui rappelle un échec n’est sans doute pas des plus réjouissant. Cela me conforte dans l’idée du faux que j’attribuerai à Rafael D’Agostino, un drôle de coco (« drôle de coco » en français peut signifier un farceur, quelqu’un d’un peu original).
Son comparse, l’auteur des paroles, serait , un « poète » dont on n’a pas vraiment de traces. Est-ce aussi un élément de la blague ? Nous verrons que les paroles peuvent renforcer cette impression.
L’orchestre Sciammarella tango a produit la seule version enregistrée de cette œuvre.

El Plesiosauro 2023 – Sciammarella tango.

Sciammarella aurait retrouvé la partition et exécuté l’œuvre. Est-ce une composition originale de cet orchestre ou réellement une œuvre écrite en 1922, ou un canular tardif de Coco ?
Le site très sérieux et extrêmement bien documenté Todo Tango cite l’œuvre, donne Rafael D’Agostino comme compositeur et Amílcar Morbidelli comme auteur des paroles.
https://www.todotango.com/musica/tema/6341/El-plesiosauro/
Cet élément peut faire pencher la balance du côté de l’œuvre authentique, dont voici les paroles.

Paroles de El Plesiosauro

Yo soy un pobre animal buscado
por los ingratos y sin conciencia.
Porque soy raro y también lo soy curioso
(según dice la gente allí).

Dejemen solo aquí, gozando
en la soledad de este lago
¿Qué es lo que haréis con sacarme si es en vano
llevarme vivo de este lugar ?

¿No saben los señores
que esto no es coger flores?
Pretenden aquí cazarme y llevar
como si nada fuera.

¡Maldito! No me nombres.
Nada te debo Onelli.
Deja que yo viva con igual prerrogativas
como tú vives allí.
Rafael D’Agostino Letra: Amílcar Morbidelli

libre et indications

Je suis un pauvre animal recherché par les ingrats et sans conscience.
Parce que je suis bizarre et que je suis aussi curieux (selon ce que disent les gens de là-bas).
Laissez-moi seul ici, profitant de la solitude de ce lac
Que ferez-vous de me sortir, si c’est en vain que vous voulez m’enlever vivant d’ici ? (Les membres de l’expédition sont armés et deux chasseurs y participent. La présence d’une grande seringue dans l’équipement est parfois mentionnée, mais mise en doute. Ils pensaient tuer le « monstre » et l’empailler « d’où la présence d’un empailleur dans l’expédition.
Ces messieurs ne savent-ils pas qu’il ne s’agit pas de cueillir des fleurs ?
Ils ont l’intention de me traquer et de m’emmener comme si de rien n’était.
Maudit ! Ne me nommez pas.
Je ne te dois rien, Onelli.
Laissez-moi, que je vive avec les mêmes prérogatives que vous là-bas.

On voit que l’auteur a pris la parole pour el Nahuelito. À moins que ce soit lui, puisqu’il avait déjà publié une lettre dans le journal La Nación.
On remarquera que, si la couverture dédicace l’œuvre à Onelli, le texte n’est pas du tout à sa gloire. Cela me fait encore hésiter. Un auteur aurait-il dédicacé un tango où il traite de maudit son dédicataire ? Cela me semble bien étrange.
Si on tient compte que le Plésiosaure est un dinosaure qui vit dans l’eau, on pourrait penser à un poisson d’avril, coutume qui consiste à raconter un truc incroyable que l’on retrouve dans quelques pays d’Europe et dans le Monde, mais pas en Argentine.
On pourrait aussi voir dans cette histoire un rappel de la colonisation… Ces Indiens et gauchos que l’on a déplacés et massacrés sans ménagement pour conquérir leur territoire.

Autres versions de Adiós, Coco

Adiós, Coco 1972-12-14 – Orquesta Juan D’Arienzo. C’est notre tango du jour.

Du fait qu’il s’agit d’un tango tardif, il n’a pas eu le temps d’entrer dans le répertoire des orchestres. Une exception toutefois, Los Herederos del Compás, l’orchestre animé par Pablo Ramos, le fils de l’ancien chanteur de D’Arienzo, Osvaldo Ramos, et qui travaille ardemment à entretenir le souvenir de son père et de la Orquesta Del Rey del Compás.
Cet orchestre joue régulièrement le thème, et je l’ai donc écouté par eux à diverses reprises avec des évolutions intéressantes.

Adiós Coco 2021 – Pablo Ramos & Los Herederos del Compás. C’est la version du disque “Que siga el encuentro de 2021”.

Mais je pense que vous serez content de voir l’une de leurs prestations. C’était l’an passé, le 8 avril 2023, à la huitième édition du festival de La Plata.

Adiós Coco 2023-04-08 – Pablo Ramos & Los Herederos del Compás, en La Plata Baila Tango (8va edición).

Avec cette vidéo, je pense que l’on peut dire Adiós Coco, au revoir, les amis. Soyez prudent sur les routes, un dinosaure pourrait traverser sans crier gare !