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Que nadie sepa mi sufrir 1955-06-30 — Orquesta Alfredo Gobbi con Alfredo Del Río y Tito Landó

Ángel Cabral Letra: Enrique Dizeo

Que ce soit dans les bals musettes de France, dans les milongas du Monde entier ou dans des lieux plus étonnants, cette superbe valse a fait tourner des danseurs et des têtes.
Généralement, on dit que c'est une valse péruvienne, mais cela peut faire hurler les Argentins, car les papas de cette merveille sont tous Argentins.

Une valse bien née

La musique est de Ángel Cabral (Ángel Amato). Ce guitariste est né en 1911 à Buenos Aires. Très jeune, il jouait dans des trios de guitares. À l'époque de l'écriture de Que nadie sepa mi sufrir, le trio était composé de Ángel Cabral, Juan José Riverol (né à Buenos Aires et fils du guitariste de Carlos Gardel) et Alfredo Lucero Palacios (né à Rosario, Argentine).
Il était ami de Enrique Dizeo (né à Buenos Aires), l'auteur des paroles, avec José Riverol, trois fanatiques des courses de chevaux et tous les trois nés à Buenos Aires.
L'auteur de la musique et des paroles est Ángel Cabral. Enrique Dizeo aurait joué un rôle secondaire d'améliorations du texte de Cabral.
Ce thème aurait écrit vers 1936 (d'aucuns disent 1927) et interprété en 1936 par (né à Buenos Aires). Certains affirment que Hugo Del Carril aurait enregistré cette valse, mais cela semble faux ou pour le moins il n'existe pas d' déclaré, ni de film dans lequel il aurait interprété ce titre.
Par ailleurs, si la date de 1927 était vraie, ce serait le premier titre de Cabral en solo. Le plus ancien titre enregistré datant de 1930 et était une collaboration, La Brava, une ranchera composée avec Hérmes Romulo Peressini.
Dans les années 1940, il écrit tous les autres titres avec la participation de ses collègues guitaristes du trio. Il s'agit de corridos et de milongas. La première ranchera de 1930 n'est peut-être pas de lui, mais de Martín Valentín Cabral, auteur de nombreuses rancheras.
Le fait que sur la partition de Que nadie sepa mi sufrir, il y ait la photo des trois guitaristes de l'époque, et pas du trio des années 30, me semble devoir confirmé que le titre date plutôt de la fin des années 40 ou du début des années 50. Si quelqu'un pouvait sortir une véritable preuve que Hugo Del Carril a chanté le titre en 1936, ce serait intéressant.

C'est le trio qui est présenté sur la partition, ce qui m'incite à penser que le titre date plutôt de la fin des années 40, début des années 50.

Quoi qu'il en soit, on voit donc que toutes les personnes ayant participé de près ou de loin à ce titre sont Argentines. Alors, pourquoi dire que c'est une valse péruvienne ?
En fait, le terme de valse péruvienne désignait un rythme de valse plutôt lent que d'ailleurs Cabral a utilisé pour la plupart de ses valses des années 50 et 60. Je pense qu'il souhaitait surfer sur le succès de Que nadie sepa mi sufrir qui a connu son véritable succès dans ces années, plus que dans les années 20 ou 30 si les sources plus ou moins fantaisistes faisant remonter la création à cette époque sont exactes.
Cette valse « péruvienne » a donc connu beaucoup de succès, mais en attendant, je vous propose d'écouter une version enregistrée il y a exactement 69 ans. C'est une des meilleures versions, mais plusieurs se battent pour le podium et ça va être une véritable course pour savoir qui sera le premier. Mais comme les auteurs sont turfistes, les courses, ils connaissent.

Extrait musical

Que nadie sepa mi sufrir 1955-06-30 — Orquesta Alfredo Gobbi con y Tito Landó.
Que nadie sepa mi sufrir. Ángel Cabral Letra: Enrique Dizeo. Éditions Julio Korn.

En photo, les membres du trio de guitariste dont était membre Cabral à l'époque de l'écriture de cette valse (dans mon hypothèse qu'elle date des alentours de 1950).

Paroles

No te asombres si te digo lo que fuiste
Una ingrata con mi pobre
Porque el fuego de tus lindos ojos negros
Alumbraron el camino de otro amor
Porque el fuego de tus lindos ojos negros
Alumbraron el camino de otro amor
Amor de mis amores, reina mía, ¿qué me hiciste?
Que no puedo conformarme sin poderte contemplar
Ya que pagaste mal, mi cariño tan sincero
Lo que conseguirás, que no te nombre nunca más
Amor de mis amores, si dejaste de quererme
No hay cuidado, que la gente de eso no se enterará
¿Qué gano con decir que una mujer cambió mi suerte?
Se burlarán de mí, que nadie sepa mi sufrir
Y pensar que te adoraba ciegamente
Que a tu lado como nunca me sentí
Y por esas cosas raras de la vida
Sin el beso de tu boca, yo me vi
Y por esas cosas raras de la vida
Sin el beso de tu boca, yo me vi
Amor de mis amores, reina mía, ¿qué me hiciste?
Que no puedo conformarme sin poderte contemplar
Ya que pagaste mal, mi cariño tan sincero
Lo que conseguirás, que no te nombre nunca más
Amor de mis amores, si dejaste de quererme
No hay cuidado, que la gente de eso no se enterará
¿Qué gano con decir que una mujer cambió mi suerte?
Se burlarán de mí, que nadie sepa mi sufrir

Ángel Cabral Letra : Enrique Dizeo

Traduction libre

Ne t'étonne pas si je te dis combien tu as été ingrate avec mon pauvre cœur.
Parce que le feu de tes beaux yeux noirs a illuminé le chemin d'un autre amour.
Parce que le feu de tes beaux yeux noirs a éclairé le chemin d'un autre amour
Amour de mes amours, ma reine, que m'as-tu fait ?
Que je ne peux pas être satisfait sans pouvoir te contempler puisque tu as mal payé, mon affection si sincère.
Ce que tu obtiendras, c'est que je ne t'appellerai plus jamais amour de mes amours, si tu cesses de m'aimer.
Ne t'inquiète pas, les gens ne s'en rendront pas compte.
Qu'est-ce que je gagne à dire qu'une femme a changé ma chance ?
Ils se moqueront de moi, personne ne connaîtra ma souffrance et ils penseront que je t'ai adoré aveuglément, qu'à tes côtés comme si jamais je ne l'avais ressenti.
Et à cause de ces choses étranges de la vie sans le baiser de ta bouche, je me suis vu.
Et pour ces choses étranges de la vie, sans le baiser de ta bouche, je me suis vu
Amour de mes amours, ma reine, que m'as-tu fait ?
Que je ne puis être satisfait sans pouvoir te contempler puisque tu as mal payé, mon affection si sincère.
Ce que tu obtiendras, c'est que je ne t'appellerai plus jamais amour de mes amours, si tu cesses de m'aimer.
Ne t'inquiète pas, les gens ne s'en rendront pas compte.
Qu'est-ce que je gagne à dire qu'une femme a changé ma chance ?
Ils se moqueront de moi, personne ne connaîtra ma souffrance.

Autres versions

Que nadie sepa mi sufrir 1953-10-28 — Alberto Castillo — Orq Dir Ángel Condercuri.

Que nadie sepa mi sufrir 1953-10-28 — Alberto Castillo — Orq Dir Ángel Condercuri. Certains attribuent à Jorge Dragone la Direction de l'orchestre. C'est à mon avis une erreur, car Dragone dirigeait l'orchestre de Ledesma et les premiers enregistrements sont de 1957.
Castillo, après avoir chanté pour l'orchestre de Tanturi jusqu'en 1943 a monté son orchestre, dirigé par de fin 1943 à août 1944, puis par Enrique Alessio. En 1948, après un bref passage par l'orchestre de Troilo, Castillo confie la direction de son orchestre à Ángel Condercuri et César Zagnoli, puis en 1949 à Eduardo Rovira. En 1951 Ángel Condercuri, revient, seul à la direction de l'orchestre jusqu'en 1959. Signalons toutefois quelques enregistrements par Raúl Bianchi sur la période, donc si on peut avoir un doute sur Condercuri, c'est du côté de Bianchi qu'il faudrait regarder, pas du côté de Dragone. Dans les années 60 et 70, et Condercuri vont diriger à tour de rôle l'orchestre. Aucune mention de Jorge Dragone dans la littérature sérieuse sur la question. J'ai même trouvé un CD où l'orchestre était mentionné comme étant celui de Tanturi…
Mais il reste quelque chose de très important à signaler sur cette interprétation. Ce serait celle qu'aurait entendu Edith Piaf et qui en aurait fait La foule avec les paroles de Michel Rivgauche.

Que nadie sepa mi sufrir 1953-12-18 — con Carlos Dante.

Moins de deux mois après Castillo, Alfredo De Angelis donne sa version avec Carlos Dante. C'est une très belle version qui souffre seulement du mépris de certains pour De Angelis et de ce que ce titre met en avant les sonorités criollas ce qui fait dire avec dédain à certains que c'est du folklore et pas du tango.

Que nadie sepa mi sufrir 1954-11-09 — Alberto Marino.

Si j'étais un DJ taquin, je mettrais cette version dans une (si, au fait, je suis un DJ taquin, je pourrais le faire en Europe…). Le célesta donne le ton, on est dans quelque chose d'original. La guitare joue une très belle partition accompagnée par la contrebasse qui donne la base. Il y aurait un , mais il est tellement discret qu'on ne le remarque pas.

Le célesta, comment ça marche ? Par Catherine Cournot. Pour tout connaître sur le célesta, cet instrument original.
Que nadie sepa mi sufrir 1955-06-30 — Alfredo Gobbi Con Alfredo Del Rio y Tito Lando.

C'est notre valse du jour. Le rythme est plus posé que dans les versions de De Angelis et Castillo, on est ainsi plus proche de ce qu'est censée être une valse péruvienne. Le duo Alfredo Del Rio et Tito Lando fonctionne parfaitement. Même si Gobbi n'est pas en odeur de sainteté dans toutes les milongas, c'est une version qui pourrait faire le bonheur des danseurs. Pour moi, c'est une très belle réalisation.

Que nadie sepa mi sufrir 1956 — .

Une version chanson, sympa, sauf pour la danse. Une introduction originale annonce aussi une orchestration différente.

Voilà la version que vous attendiez, celle d'Edith Piaf… Ici, vous avez en prime les paroles affichées en espagnol.

La foule 1957-02-28 — Edith Piaf (paroles de Michel Rivgauche).

On remarque l'introduction qui diffère un peu des autres versions (en fait, presque toutes les introductions ont des variantes).

Paroles de La foule d'Edith Piaf (écrites par Michel Rivgauche)

Paroles de La foule
Je revois la ville en fête et en délire
Suffoquant sous le soleil et sous la joie
Et j'entends dans la musique les cris, les rires
Qui éclatent et rebondissent autour de moi
Et perdue parmi ces gens qui me bousculent
Étourdie, désemparée, je reste là
Quand soudain, je me retourne, il se recule
Et la foule vient me jeter entre ses bras
Emportés par la foule qui nous traîne
Nous entraîne
Écrasés l'un contre l'autre
Nous ne formons qu'un seul corps
Et le flot sans effort
Nous pousse, enchaînés l'un et l'autre
Et nous laisse tous deux
Épanouis, enivrés et heureux
Entraînés par la foule qui s'élance
Et qui danse
Une folle farandole
Nos deux mains restent soudées
Et parfois soulevés
Nos deux corps enlacés s'envolent
Et retombent tous deux
Épanouis, enivrés et heureux
Et la joie éclaboussée par son sourire
Me transperce et rejaillit au fond de moi
Mais soudain je pousse un cri parmi les rires
Quand la foule vient l'arracher d'entre mes bras
Emportés par la foule qui nous traîne
Nous entraîne
Nous éloigne l'un de l'autre
Je lutte et je me débats
Mais le son de ma voix
S'étouffe dans les rires des autres
Et je crie de douleur, de fureur et de rage
Et je pleure
Entraînée par la foule qui s'élance
Et qui danse
Une folle farandole
Je suis emportée au loin
Et je crispe mes poings, maudissant la foule qui me vole
L'homme qu'elle m'avait donné
Et que je n'ai jamais retrouvé

Paroles de Michel Rivgauche

Je vous propose d'arrêter là. J'avais sélectionné une quarantaine de versions, y compris dans d'autres rythmes, ce sera pour une autre fois et terminer avec Piaf, c'est tout de même une belle envolée, non ?

À demain, les amis !

La payanca 1936-06-09 — Orquesta Juan D’Arienzo

Augusto Pedro Berto Letra: Juan Andrés Caruso (V1) — (V2)

par D'Arienzo dans la version de 1936 est un des très gros succès des milongas. Peut-être vous-êtes-vous demandé d'où venait le nom de ce tango ? Si ce n'est pas le cas, laissez-moi vous l'indiquer t vous faire découvrir une vingtaine de versions et vous présenter quelques détails sur ce titre.

Extrait musical

Partition pour piano de la Payanca. Couverture originale à gauche et Partition de piano à droite avec les paroles de Jesús Fernández Blanco (les plus récentes).
La payanca 1936-06-09 — Orquesta Juan D'Arienzo.

C'est un des premiers enregistrements où Biagi se lâche. Le contrebassiste, Rodolfo Duclós marque un rythme à la « Yumba » qui deviendra une caractéristique de Pugliese. Les violons de Alfredo Mazzeo, León Zibaico, Domingo Mancuso et Francisco Mancini font des merveilles. Une version énergique, euphorisante, sans doute la toute première à utiliser pour faire plaisir aux danseurs.
On remarque qu'il est indiqué « Sobre motivos populares ». En effet, on reconnaîtra des thèmes traditionnels, notamment de gato (une sorte de chacarera), mais modifié en tango.
On remarquera également qu'il est indiqué « Tango Milonga », ce qui signifie que c'est un tango pour danser. Cependant, nous verrons que ce thème a également été basculé franchement du côté de la milonga pure et dure dans d'autres enregistrements.

Trois versions de couverture de la partition. À gauche, la plus ancienne, sans auteur de paroles. Au centre, avec les paroles de Caruso et à droite, avec les paroles de Blanco.

Origine du titre

Dans son livre, Así nacieron los tangos, Francisco García Jiménez, raconte que le tango est né lors d'une fête à la campagne en l'honneur d'une personnalité locale qui venait d'être élue triomphalement, des musiciens avaient joué des airs de l'intérieur, dont un gato (sorte de chararera) duquel il restait : « Laraira laralaila; laira laraira… ». Il est impossible de retrouver le gato à partir de cette simple indication, car laraira… c'est comme tralala. C'est ce que chantent les payadors quand ils cherchent leurs mots (ils chantaient en inventant les paroles à la volée). Certains de ces musiques ont été fixés et écrits par la suite et nombre d'entre eux comportent Laraira laralaila; laira laraira ou équivalent :

  • La,lara,laira,laira,la dans Pago viejo (chacarera, mais le rythme est proche du gato),
  • Lara lara laira larai ñarai lá dans Corazón alegre (bailecito)
  • Trala lará larala lará larala lará lará dans El pala pala (danse, danza)
  • Lará, larará, laraira, Lará, larará, laraira, dans Cabeza colorada
  • La ra lara la ra la la ra la ra la ra la dans La Sanlorencina (Cuenca)
  • La lalara la la la la la la La la lara la la la la la la La la lara la la lara la la dans Dios a la una (chanson).
  • Tra lara lara lara tra lara lero dans Que se vengan los chicos (Bailecito)
  • La lara la la la la La lara la la la la dans La chararera del adios (chacarera)
  • Larala larala lara lara lara lara lara dans Amigazo pa' sufrir (huella)
  • La lara lara larará… lara lara larará… lara lara larará… dans Cantar de coya (Carnavalito)
  • Lara lara lara lara dans Muchacha de mayo (Chanson).

Je n'ai pas trouvé de gato avec l'indication, mais il est fort probable que Berto ait entendu une improvisation, le lara lara étant une façon de meubler quand les paroles ne viennent pas.
Donc Berto a entendu ce gato ou gato polqueado et il eut l'idée de l'adapter en tango. Lui à la guitare et Durand à la flûte l'ont adapté et joué. Ce titre a tout de suite été un succès et comme souvent à l'époque, il est resté sans être édité pendant onze années. Comme la plupart des orchestres jouaient le titre, il était très connu et les danseurs et divers paroliers lui ont donné des paroles, plus ou moins recommandables. N'oublions pas où évoluait le tango à cette époque.
Deux de ces paroles nous sont parvenues, celles de Caruso et celles de Blanco. Les secondes sont plus osées et correspondent assez bien à cet univers.
Il reste à préciser pourquoi il s'appelle payanca. Selon Jiménez, Berto aurait dit tout de go que ce tango s'appelait ainsi quand il fut sommé de donner un titre. Il semblerait que Berto ait donné sa propre version de l'histoire, en affirmant que le titre serait venu en voyant des gamins jouer avec un lasso à attraper des poules. Un adulte leur aurait crié « ¡Pialala de payanca!« , c'est-à-dire tire la avec un mouvement de payanca. Il indiquait ainsi la meilleure façon d'attraper la poule avec le lasso.
L'idée du lasso me semble assez bonne dans la mesure où les trois partitions qui nous sont parvenues illustrent ce thème.
Voici une vidéo qui montre la technique de la Payanca qui est une forme particulière de lancer du lasso pour attraper un animal qui court en le faisant choir.

Dans cette vidéo, on voit un pial (lancement du lasso) pour attraper un bovidé à l'aide de la technique « Payanca ». Elle consiste à lancer le lasso (sans le faire tourner) de façon à entraver les antérieurs de l'animal pour le déséquilibrer et le faire tomber. Âmes sensibles s'abstenir, mais c'est la vie du gaucho. Ici, un joli coup par le gaucho Milton Mariano Pino.

Pour être moins incomplet, je pourrai préciser que la payanca ou payana ou payanga ou payaya est un jeu qui se joue avec cinq pierres et qui est très proches au jeu des osselets. L'idée de ramasser les pierres en quechua se dit pallay, ce qui signifie collectionner, ramasser du sol. Que ce soit attraper au lasso ou ramasser, le titre joue sur l'analogie et dans les deux cas, le principe est de capturer la belle, comme en témoignent les paroles.

Paroles de Juan Andrés Caruso

¡Ay!, una payanca io
quiero arrojar
para enlazar
tu corazón
¡Qué va cha che!
¡Qué va cha che !
Esa payanca será
certera
y ha de aprisonar
todo tu amor
¡Qué va cha che !
¡Qué va cha che !
Por que yo quiero tener
todo entero tu querer.

Mira que mi cariño es un tesoro.
Mira que mi cariño es un tesoro.
Y que pior que un niño po' ella « yoro »…
Y que pior que un niño po' ella « yoro »…

Payanca de mi vida, ay, io te imploro.
Payanca de mi vida, ay, io te imploro,
que enlaces para siempre a la que adoro…
que enlaces para siempre a la que adoro…
Augusto Pedro Berto Letra: Juan Andrés Caruso

Augusto Pedro Berto Letra: Juan Andrés Caruso

Traduction libre des paroles de Juan Andrés Caruso

Yeh ! une payanca (payanca attraper au lasso). Moi, (Io pour yo = je), je veux lancer pour enlacer (enlacer du lasso…) ton cœur.
Que vas-tu faire ! (¿Qué va cha ché ? ou Qué vachaché Est aussi un tango écrit par Enrique Santos Discépolo)
Que vas-tu faire !
Cette payanca sera parfaite et emprisonnera tout ton amour.
Que vas-tu faire ?
Que vas-tu faire ?
Parce que je veux avoir tout ton amour.

Regarde, mon affection est un trésor.
Regarde, mon affection est un trésor.
Et quoi de pire qu'un enfant qui pleure pour elle…
Et quoi de pire qu'un enfant qui pleure pour elle…

Payanca de ma vie, oui, je t'en supplie (il parle à son coup de lasso pour attraper le cœur de sa belle).
Payanca de ma vie, oui, je t'en supplie,
que tu enlaces pour toujours celle que j'adore…
que tu enlaces pour toujours celle que j'adore…
La métaphore rurale et gauchesque est poussée à son extrémité. Il compare la capture du cœur de sa belle à une passe de lasso. Dans le genre galant, c'est moyen, mais cela rappelle que la vie du gaucho est une source d'inspiration pour le tango et en cela, je ne partage pas l'avis de Jorges Luis Borges pour quoi le tango est uniquement urbain et violent.

Paroles de Jesús Fernández Blanco

Con mi payanca de amor,
siempre mimao por la mujer,
pude enlazar su corazón…
¡Su corazón !
Mil bocas como una flor
de juventud, supe besar,
hasta saciar mi sed de amor…
¡Mi sed de amor !

Ninguna pudo escuchar
los trinos de mi canción,
sin ofrecerse a brindar
sus besos por mi pasión…
¡Ay, quién pudiera volver
a ser mocito y cantar,
y en brazos de la mujer
la vida feliz pasar !

Payanca, payanquita
de mis amores,
mi vida la llenaste
de resplandores…
¡Payanca, payanquita
ya te he perdido
y sólo tu recuerdo
fiel me ha seguido!

Con mi payanca logré
a la mujer que me gustó,
y del rival siempre triunfé.
¡Siempre triunfé!
El fuego del corazón
en supe poner,
por eso fui rey del amor…
¡Rey del amor!

Jesús Fernández Blanco

Traduction, libre des paroles de Jesús Fernández Blanco

Avec ma payanca d'amour (je ne sais pas quoi en penser, admettons que c'est son coup de lasso, mais il peut s'agir d'un autre attribut du galant), toujours choyée par les femmes, j'ai pu enlacer ton cœur…
Ton cœur !
Mille bouches comme une fleur de jouvence, j'ai su embrasser, jusqu'à étancher ma soif d'amour…
Ma soif d'amour !

Aucune ne pouvait entendre les trilles de ma chanson, sans offrir ses baisers à ma passion…
Yeh, qui pourrait redevenir un petit garçon et chanter, et passer dans les bras de la femme, la vie heureuse !

Payanca, payanquita de mes amours (Payanca, petite payanca, on ne sait toujours pas ce que c'est…), tu as rempli ma vie de brillances…
Payanca, payanquita Je t'ai déjà perdue et seul ton souvenir fidèle m'a suivi !

Avec ma payanca, j'ai eu la femme que j'aimais, et du rival, j'ai toujours triomphé.
J'ai toujours triomphé !
J'ai su mettre le feu du cœur dans ma chanson (la payanca pourrait être sa chanson, sa façon de chanter), c'est pourquoi j'étais le roi de l'amour…
Le roi de l'amour !

Autres versions

La payanca 1917-05-15 — Orq. con Pancho Cuevas (Francisco Nicolás Bianco).

Probablement la plus ancienne version enregistrée qui nous soit parvenue. Il y a un petit doute avec la version de Celestino Ferrer, mais cela ne change pas grand-chose. Pancho Cueva à la guitare et au chant et le tigre du Bandonéon (Eduardo Arolas) avec son instrument favori. On notera que si le tango fut composé vers 1906, sans paroles, il en avait en 1917, celles de Juan Andrés Caruso.

La payanca 1918-03-25 (ou 1917-03-12) — Orquesta Típica Ferrer ( Celestino).

Le plus ancien enregistrement ou le second, car il y a en fait deux dates, 1917-03-12 et 1918-03-25. Je pense cependant que cette seconde date correspond à l'édition réalisée à New York ou Camdem, New Jersey. On remarquera que l'orchestre comporte une guitare, celle de Celestino Ferrer qui est aussi le chef d'orchestre, une flûte, jouée par E. Santeramo et un accordéon par Carlos Güerino Filipotto. Deux violons complètent l'orchestre, Gary Busto et L. San Martín. Le piano est tenu par une femme, Carla Ferrara. C'est une version purement instrumentale. Après avoir été un des pionniers du tango en France, Celestino Ferrer s'est rendu aux USA où il a enregistré de nombreux titres, dont celui-ci.

La payanca 1926-12-13 — Orquesta Típica Victor, direction Adolfo Carabelli.

Une version un peu plus moderne qui bénéficie de l'enregistrement électrique. Mais on peut mieux faire, comme on va le voir bientôt.

La payanca 1936-06-09 — Orquesta Juan D'Arienzo. C'est notre tango du jour.

J'ai déjà dit tout le bien que je pensais de cette version, à mon avis, insurpassée, y compris par D'Arienzo lui-même…

Trío de Guitarras ().

Le trio de guitares de Iriarte, Pagés et Pesoa ne joue pas dans la même catégorie que D'Arienzo. C'est joli, pas pour la danse, un petit moment de suspension.

La payanca 1946-10-21 — Roberto Firpo y su Nuevo Cuarteto.

Pour revenir au tango de danse, après la version de D'Arienzo, cette version paraît fragile, notamment, car c'est un quartetto et que donc il ne fait pas le poids face à la machine de D'Arienzo. On notera tout de même une très belle partie de bandonéon. La transition avec le trio de guitares a permis de limiter le choc entre les versions.

La payanca 1949-04-06 — Orquesta Juan D'Arienzo.

On retrouve la grosse machine D'Arienzo, mais cette version est plus anecdotique. Cela peut passer en milonga, mais si je dois choisir entre la version de 1936 et 1949, je n'hésite pas une seconde.

La payanca 1952-10-01 — Enrique Mora y su Cuarteto Típico.

Encore un quartetto qui passe après D'Arienzo. Si cette version n'est pas pour la danse, elle n'est pas désagréable à écouter, sans toutefois provoquer d'enthousiasme délirant… Le final est assez sympa.

La payanca 1954-11-10 — Orquesta Juan D'Arienzo.

Eh oui, encore D'Arienzo qui décidément a apprécié ce titre. Ce n'est assurément pas un grand D'Arienzo. Je ne sais pas si c'est meilleur que la version de 49. Par certains côtés, oui, mais par d'autres, non. Dans le doute, je m'abstiendrai de proposer l'une comme l'autre.

La payanca 1957-04-12 — Orquesta Héctor Varela.

On est dans tout autre chose. Mais cela change sans être un titre de danse à ne pas oublier. On perd la dimension énergique du gaucho qui conquiert sa belle avec son lasso pour plonger dans un romantisme plus appuyé. Cependant, cette version n'est pas niaise, le bandonéon dans la dernière variation vaut à lui seul que l'on s'intéresse à ce titre.

La payanca 1958 — Los Muchachos de antes.

Avec la guitare et la flûte, cette petite composition peut donner une idée de ce qu'aurait pu être les versions du début du vingtième siècle, si elles n'avaient pas été bridées par les capacités de l'enregistrement. On notera que cette version est la plus proche d'un rythme de milonga et qu'elle pourrait remplir son office dans une milonga avec des danseurs intimidés par ce rythme.

La payanca 1959 — Miguel Villasboas y su Quinteto Típico.

Les Uruguayens sont restés très fanatiques du tango milonga. En voici une jolie preuve avec Miguel Villasboas.

La payanca 1959-03-23 — Donato Racciatti y sus Tangueros del 900.

Oui, ce tango inspire les Uruguayens. Racciatti en donne également sa version la même année.

La payanga 1964 — Orquesta Osvaldo Pugliese.

Pas évident de reconnaître notre thème du jour dans la version de Pugliese. C'est une version perdue pour les danseurs, mais qu'il convient d'apprécier sur un bon système sonore.

La payanca 1964-07-29 — dir. Francisco Canaro.

De la même année que l'enregistrement de Pugliese, on mesure la divergence d'évolution entre Pugliese et Canaro. Cependant, pour les danseurs, la version du Quinteto pirincho, dirigé pour une des toutes dernières fois par Canaro sera la préférée des deux…

La payanca 1966-07-25 — Orquesta Juan D'Arienzo.

D'Arienzo se situe entre Pugliese et Canaro pour cet enregistrement quasiment contemporain, mais bien sûr bien plus proche de Canaro. Ce n'est pas vraiment un titre de danse, mais il y a des éléments intéressants. Définitivement, je l'avoue, je reste avec la version de 1936.

La payanga 1984 — Orquesta Nery con y Víctor Renda.

Alberto Nery fut pianiste d'Edith Piaf en 1953. Ici, il nous propose une des rares versions chantées, avec les paroles de Jesús Fernández Blanco. Vous aurez donc les deux versions à écouter. Honnêtement, ce n'est pas beaucoup plus intéressant que l'enregistrement de Eduardo Arolas et Pancho Cuevas antérieur de près de 70 ans. On notera toutefois le duo final qui relève un peu l'ensemble.

La payanca 2005 — Cuarteto Guardia Vieja.

Pour terminer en fermant la boucle avec une version à la saveur début du vingtième siècle, je vous propose une version par le Cuarteto Guardia Vieja.

À demain, les amis !