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El día que me quieras 1930-02-07 – Orquesta Cayetano Puglisi con Roberto Díaz

Raúl Brujis Letra: Ramón C. Acevedo

J’espère que vous me pardonnerez cette petite facétie. « El día que me quieras » (Le jour où tu m’aimeras) ; vous connaissez tous ce titre pour l’avoir entendu par Gardel, que ce soit sur disque, ou dans le film du même nom. La version que je vous propose est bien plus rare et antérieure de cinq ans à celle de Gardel. En fait, j’ai saisi l’occasion de l’anniversaire de l’enregistrement de ce titre, il y a exactement 95 ans, pour évoquer cet orchestre un peu moins connu. Mais rassurez-vous, vous aurez droit au titre de Gardel et Le Pera, également, ainsi qu’à d’autres tangos du même titre…

Extrait musical

El día que me quieras 1930-02-07 – Orquesta Cayetano Puglisi con Roberto Díaz.

L’introduction est plutôt jolie et élégante. Le violon de Cayetano Puglisi domine en chantant les autres instruments plus percussifs et qui marquent le rythme, puis il cède la place à Roberto Díaz qui chante à son tour un court passage. Comme nous le verrons, ce titre est assez différent de celui de Gardel qui est bien plus connu. Le thème est cependant le même.
On notera quelques passages agités des bandonéons de Federico Scorticati et Pascual Storti en double-croche qui font le contrepoint avec les violons de Cayetano Puglisi et Mauricio Mise plus suaves. Pour une musique de 1930, c’est assez bien orchestré. Cayetano Puglisi, cet excellent violoniste qui a intégré les plus fameux orchestres, comme ceux de Firpo, Canaro D’Arienzo et Maffia a également eu son propre sexteto avec lequel il a enregistré une quinzaine de titres en 1929 et 1930. Je n’ai pas cité son frère José, à la contrebasse, ni Armando Federico au piano.
J’aime bien et dans une milonga où les danseurs seraient amateurs de thèmes un peu vieillots, cet enregistrement pourrait intégrer une tanda.

Paroles de Ramón C. Acevedo

Yo quisiera tenerte entre mis brazos
Y besarte en tu boca sin igual,
Yo quisiera prodigarte mil abrazos
Mujer esquiva de rostro angelical.

Tu sonrisa altanera y orgullosa
Tu mirada quisiera doblegar,
Y que aun, negándome besara
Con un beso, sublime y sin final.
Raúl Brujis L : Ramón C. Acevedo

Traduction des paroles de Ramón C. Acevedo

J’aimerais te tenir dans mes bras et t’embrasser sur ta bouche sans pareille,
Je voudrais te prodiguer mille abrazos, femme insaisissable au visage angélique.

Ton regard souhaiterait faire céder ton sourire hautain et fier, et aussi, même si tu me le niais, m’embrasser, avec un baiser sublime et sans fin.

Autres versions

Il n’y a pas d’autre enregistrement de ce titre, alors je vous propose d’écouter quelques enregistrements du tango de même titre, mais écrit 4 ans plus tard par Carlos Gardel et Alfredo le Pera pour le film de la Paramount… El día que me quieras. Nous écouterons aussi d’autres thèmes ayant le même titre.
Tout d’abord, réécoutons le tango du jour, qui est le plus ancien titre…

El día que me quieras 1930-02-07 – Orquesta Cayetano Puglisi con Roberto Díaz.

C’est notre tango du jour et le seul enregistrement de la composition de Raúl Brujis.

Version 2, de Víctor Pedro Donato et Miguel Gómez Bao

El día que me quieras 1930-11-05 Orquesta Ricardo Luis Brignolo con Luis Díaz.

Quelques mois après, Brignolo enregistre un tango composé par Víctor Pedro Donato avec des paroles de Miguel Gómez Bao. Ce titre est bien moins moderne que notre tango du jour. Il ressort encore d’un style canyengue très marqué.

Paroles de la version de Víctor Pedro Donato et Miguel Gómez Bao

El boliche del Turco no tendrá ni un cohete,
el piberío del hueco los hará estallar,
la cantina del “Beppo” abrirá los espiches
y todo el “Grevanaje” en curda dormirá.
La farra, el capuchino tomará el chocolate,
ese día yo banco con mi felicidad
y la orquesta de Chicho, pelandruna y mistonga
hará un tango canyengue con la marcha nupcial.

A tu hermano el tarasca compraremos botines,
al zambullo una faja de esas pa’ adelgazar,
y al menor, al checato, dos docenas de anteojos
y una jaula con trampa pa’ que vaya a cazar,
a tu vieja diez cajas de pastillas de menta,
a tu viejo toscanos para reventar,
y el globo luminoso que tiene la botica
a tu hermana la tuerta como ojo de cristal.

El bañao de la esquina será un lago encantado
y las ranas cantantes en la noche un jazz-band,
el buzón de la esquina el Pasaje Barolo,
la cancel‘e tu casa, la escala celestial.
El día que me quieras, pebeta de mi barrio,
toditas mis ternuras pa’vos sólo serán,
aunque llore a escondidas mi viejecita santa
que al extrañar mis besos tendrá unas canas más.
Víctor Pedro Donato et Miguel Gómez Bao

Traduction de la version de Víctor Pedro Donato et Miguel Gómez Bao

Le bazar (les pulperias faisaient office de bar, vendaient de tout et pourvoyaient des distractions, comme les jeux de boules, ou la danse) du Turc n’aura plus de fusées (feux d’artificee, les Argentins sont des fanatiques des activités pyrotechniques), les gamins du terrain vague les auront fait exploser,
la cantine du« Beppo » (Beppo est un prénom d’origine italienne dérivé de Joseph) ouvrira les robinets (des tonneaux de vin, bien sûr) et tous les « Grevanaje » (je pense qu’il faut rapprocher cela de Grebano qui signifie idiot, rustre), ivres, dormiront.
La fête, le cappuccino boira le chocolat, ce jour-là, je reste avec mon bonheur et l’orchestre de Chicho (je ne l’ai pas identifié), paresseux et triste jouera un tango canyengue avec la marche nuptiale.

Pour ton frère, El Tarasca , nous achèterons les bottes, au gros (zambulo, à la panse proéminente) une de ces ceintures pour perdre du poids (la faja est la ceinture qu’utilisent les gauchos. Elles sont souvent décorées de pièces de monnaie. Dans le cas présent, il peut s’agir de ceintures de toiles, également utilisées par les gauchos), et au plus jeune, le vérificateur, deux douzaines de paires de lunettes et une cage avec un piège pour qu’il puisse aller à la chasse. À ta vieille (mère), dix boîtes de bonbons à la menthe, à ton vieux (père) des cigares à éclater (faut-il y voir des cigares de farces et attrapes qui explosent quand on les fume ?), et le globe lumineux qu’a l’apothicaire pour ta sœur borgne, comme œil de verre.

Le marécage du coin sera un lac enchanté et les grenouilles chanteuses de la nuit, un groupe de jazz. La boîte aux lettres de l’angle sera le passage Barolo (plus que passage, on dirait aujourd’hui le Palais, un des hauts bâtiments luxueux du centre-ville de Buenos Aires), la porte d’entrée de ta maison (porte intérieure séparant l’entrée de la maison, sorte de sas), l’échelle céleste.
Le jour où tu m’aimeras, petite (terme affectueux) de mon quartier, toutes mes tendresses seront pour toi seule, même si, de façon cachée, je verserai quelques larmes pour ma sainte petite mère qui, manquant de mes baisers, aura encore quelques cheveux blancs de plus.

Version 3, la plus célèbre, celle de Carlos Gardel et Alfredo Le Pera

El día que me quieras 1935-03-19 – Carlos Gardel con acomp. de la orquesta dir. por Terig Tucci.

Paroles de la version de Carlos Gardel et Alfredo Le Pera

Acaricia mi ensueño
el suave murmullo de tu suspirar,
¡como ríe la vida
si tus ojos negros me quieren mirar!
Y si es mío el amparo
de tu risa leve que es como un cantar,
ella aquieta mi herida,
¡todo, todo se olvida!

El día que me quieras
la rosa que engalana
se vestirá de fiesta
con su mejor color.
Al viento las campanas
dirán que ya eres mía
y locas las fontanas
me contarán tu amor.
La noche que me quieras
desde el azul del cielo,
las estrellas celosas
nos mirarán pasar
y un rayo misterioso
hará nido en tu pelo,
luciérnaga curiosa
que verá…¡que eres mi consuelo!

Recitado:
El día que me quieras
no habrá más que armonías,
será clara la aurora
y alegre el manantial.
Traerá quieta la brisa
rumor de melodías
y nos darán las fuentes
su canto de cristal.
El día que me quieras
endulzará sus cuerdas
el pájaro cantor,
florecerá la vida,
no existirá el dolor…

La noche que me quieras
desde el azul del cielo,
las estrellas celosas
nos mirarán pasar
y un rayo misterioso
hará nido en tu pelo,
luciérnaga curiosa
que verá… ¡que eres mi consuelo!

Carlos Gardel Letra: Alfredo Le Pera

Traduction de la version de Carlos Gardel et Alfredo Le Pera

Ma rêverie caresse le doux murmure de ton soupir,
Comme la vie rirait si tes yeux noirs voulaient me regarder !
Comme si était mien l’abri de ton rire léger qui est comme une chanson,
Elle calme ma blessure, tout, tout est oublié !

Le jour où tu m’aimeras, la rose qui orne s’habillera de fête, avec sa plus belle couleur.
Au vent, les cloches diront que tu es déjà à moi, et folles, les fontaines me conteront ton amour.
La nuit où tu m’aimeras depuis le bleu du ciel,
Les étoiles jalouses nous regarderont passer et un mystérieux éclair se nichera dans tes cheveux,
curieuse luciole qui verra… que tu es ma consolation !

Récité :
Le jour où tu m’aimeras, il n’y aura plus que des harmonies,
L’aube sera claire et la source joyeuse.
La brise apportera le calme, le murmure des mélodies, et les fontaines nous donneront leur chant de cristal.
Le jour où tu m’aimeras, l’oiseau chanteur adoucira ses cordes,
La vie fleurira, la douleur n’existera pas…

La nuit où tu m’aimeras depuis le bleu du ciel,
Les étoiles jalouses nous regarderont passer et un mystérieux éclair se nichera dans tes cheveux,
curieuse luciole qui verra… que tu es ma consolation !

Extrait du film El día que me quieras de John Reinhardt (1934)

« El día que me quieras », dúo final Carlos Gardel y Rosita Moreno du film du même nom de 1934 dirigé par John Reinhardt. Dans ce film, Carlos Gardel chante également Sol tropical, Sus ojos se cerraron, Guitarra, guitarra mía, Volver et Suerte negra avec Lusiardo et Peluffo.

Autres versions du thème composé par Gardel

Il existe des dizaines d’enregistrements, y compris en musique classique ou de variété. Je vous propose donc une courte sélection, principalement pour l’écoute.

El día que me quieras 1948-05-11 – Orquesta Florindo Sassone con Jorge Casal.

Une version chantée par Jorge Casal qui ne démérite pas face aux interprétations de Gardel.

El día que me quieras 1955-06-30 – Orquesta Francisco Canaro con Juan Carlos Rolón.

Une version pour faire pleurer les ménagères nées après 1905…

El día que me quieras 1968 – Orquesta Típica Atilio Stampone.

Stampone, bien qu’il s’agisse d’une version instrumentale, n’a pas destiné cet enregistrement aux danseurs.

El día que me quieras 1972 – Trio Hugo Díaz.

Encore une version instrumentale, mais fort intéressant à défaut d’être pour la danse par le trio Hugo Diaz… Si vous n’entendez pas l’harmonica, c’est que ce trio est celui du bandonéoniste uruguayen, Hugo Díaz, à ne pas confondre avec Victor Hugo Díaz qui est le magicien de l’harmonica, qui lui est argentin (Santiago del Estero) et sans doute bien plus connu…

El día que me quieras 1977-06-14 – Orquesta Osvaldo Pugliese.

Une version sans doute surprenante, essentiellement construite autour de solos de violon et piano.

El día que me quieras 1978 – María Amelia Baltar.

Une version expressive par la compagne de Piazzolla.

El día que me quieras 1979 – Alberto Di Paulo y su Orquesta Especial para Baile.

Bien que l’orchestre affirme être de danse, je ne suis pas convaincu que cela plaira aux danseurs de tango, mais peut-être aux amateurs de slow et boléros (dans le sens argentin qui qualifie des musiques romantiques au rythme flou et pas nécessairement de vrais boléros).

El día que me quieras 1997 – Enrique Chia con Libertad Lamarque.

Une introduction à la Mozart (Flûte enchantée) et s’élève la magnifique voix de Libertad Lamarque. C’est bien sûr une chanson et pas un tango de danse, mais c’est joli, n’est-ce pas ?

Avec cette belle version, je propose d’arrêter là, et je vous dis, à bientôt, les amis !

La Shunca 1941-01-21 – Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos, Lita Morales y Romeo Gavio

Lorenzo Barcelata Letra: Ernesto Cortázar

La Shunca est la cadette d’une famille. C’est également une parole affectueuse pour la fiancée. Cette valse enjouée, avec des paroles de Ernesto Cortázar, laisse planer un petit sous-entendu. Entrons dans la valse et laissons-nous bercer par les vagues de la musique qui vont nous mener assez loin des rives de l’Argentine.

Qui est la Shunca ?

Comme nous l’avons vu, la Shunca est la cadette de la famille. Ce terme est d’origine zapotèque, c’est-à-dire d’un peuple d’Amérique centrale et plus précisément du Mexique (région de Mexico), bien loin de l’Argentine. Cela pourrait paraître étonnant, mais vous vous souviendrez que nous avons souvent mis en valeur les liens entre le Mexique et l’Argentine dans d’autres anecdotes et que les musiciens voyageaient beaucoup, pour enregistrer dans des pays mieux équipés, ou pour assoir leur carrière.
Les deux auteurs, Lorenzo Barcelata et Ernesto Cortázar, sont mexicains. Par ailleurs, on connaît l’engouement des Mexicains pour la valse jouée par les mariachis et que même Luis Mariano chanta avec son titre, « La valse mexicaine ». Vous avez donc l’origine de l’arrivée de la Shunca dans le répertoire du tango argentin. Nous avons d’autres exemples, comme la Zandunga. Nous verrons que ce n’est pas un hasard…

Extrait musical

La Shunca 1941-01-21 – Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos, Lita Morales y Romeo Gavio.

La valse est instaurée dès le début avec un rythme soutenu, alternant des passages légatos et staccatos. À 42s arrivent l’air principal. À 1:05 Romeo Gavioli commence à chanter. À 1 :41, c’est le tour de Lita Morales, puis Horacio Lagos se lance à son tour pour former un trio avec les deux autres chanteurs. Comme souvent, la fin tonique est constituée de doubles-croches qui donnent une impression de vitesse, même si le rythme est le même qu’au début.

Des duos et trios à gogo

Donato a aimé utiliser des duos et trios de chanteurs, sans doute plus que d’autres orchestres. J’ai indiqué duo+ et trio+ quand il y avait deux ou trois chanteurs identifiés et un chœur. Le (+) est car il y a plus que le duo ou le trio.
Trios Horacio Lagos, Lita Morales, Romeo Gavioli :
Estrellita mía, La Shunca, Luna, Volverás….pero cuándo (valses)
Sinfonía de arrabal (tango).
Trios+ Horacio Lagos, Lita Morales avec chœur :
Mañana será la mía (valse).
No se haga mala sangre (polka).
Trio+ Félix Gutiérrez, Luis Díaz avec chœur :
La Novena (tango)
Duos Horacio Lagos, Lita Morales :
Carnaval de mi barrio, Chapaleando barro, Sinsabor, Sombra gaucha (tangos)
Duos Romeo Gavioli, Lita Morales :
Mi serenata, Yo te amo (tangos).
Duos Gavioli, Horacio Lagos :
Amando en silencio, Lonjazos (tangos)
Noches correntinas (valse)
Repique del corazón, Sentir del corazón (milongas).
Duos Antonio Maida, Randona (Armando Julio Piovani) :
Amores viejos, Quien más… quien menos…, Riachuelo, Ruego, Una luz en tus ojos (tangos).
Duos Horacio Lagos, Randona (Armando Julio Piovani) :
Si tú supieras, Te gané de mano (tangos).
Cara negra, Sacale punta (milongas)
Duos Hugo del Carril et Randona (Armando Julio Piovani) :
Rosa, poneme una ventosa (tango)
Mi morena (paso doble)
Duo Daniel Adamo et Jorge Denis :
El lecherito (milonga)
Duo avec Teófilo Ibáñez :
Madre Patria (paso doble)
Duo Roberto Morel y Raúl Ángeló :
T.B.C. (tango)
Duo+ Antonio Maida avec chœur :
Sandía calada (ranchera)
Duo+ Carlos Viván avec chœur :
Mamá (tango)
Duos+ Félix Gutiérrez avec chœur :
La novena, Que Haces! Que Haces! (tango)
Duos+ Horacio Lagos avec chœur :
Hacete cartel, Hay que acomodarse (tangos)
Virgencita (valse)
Pierrot apasionado (marche brésilienne)
Duo+ Juan Alessio avec chœur :
Hola!… Qué tal?… (tango)
Duo+ Lita Morales avec chœur :
Triqui-trá (tango)
Duos Luis Díaz avec chœur :
Chau chau, Severino, El once glorioso, Felicitame hermano (tangos)
Candombiando (maxixe)
Ma qui fu (tarentelle)
Ño Agenor (ranchera)

C’est un beau record.

Paroles

La luna se ve de noche,
El sol al amanecer,
Hay quienes por ver la luna
Otra cosita no quieren ver.

Me dicen que soy bonita,
Quién sabe porque será,
Si alguno tiene la culpa
Que le pregunten a mi papá.

Shunca para acá, Shunca para allá,
¡Ay!, las olas que vienen y van,
Shunca para acá, Shunca para allá,
¡Ay!, cariño me vas a matar.
Lorenzo Barcelata Letra: Ernesto Cortázar

Traduction libre et indications

La lune se voit la nuit,
Le soleil à l’aube,
Il y a certains qui voient la lune
Une autre petite chose, ils ne veulent pas la voir.

Ils me disent que je suis jolie
Qui sait pourquoi c’est le cas,
Si quelqu’un en a la faute
Demandez-le à mon papa. (J’imagine que le père n’est pas si beau et qu’il faut chercher ailleurs les gènes de beauté de la Shunca)

Shunca par ci, Shunca par-là,
Oh, les vagues qui vont et viennent,
Shunca par ici, Shunca par-là,
Oh, chéri, tu vas me tuer.

Autres versions

Il n’y a pas d’autre enregistrement argentin de ce titre, je vous propose donc de compléter avec des versions mexicaines…

La Shunca 1941-01-21 – Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos, Lita Morales y Romeo Gavio. C’est notre valse du jour.
La Shunca 1938 – Las Hermanas Padilla con Los Costeños.
Disque Vocalion 9101 de La Shunca par Las Hermanas Padilla avec Los Costeños. On notera la mention “Canción Tehuana” et le nom de Lorenzo Barcelata.
La Shunca 1998 – Marimba Hermanos Moreno García. C’est une version récente, mexicaine.

Shunca et Zandunga, hasard ?

Ben, non. La Zandunga est un air espagnol originaire d’Andalousie (jaleo andaluz) qui est devenu l’hymne de l’Isthme de Tehuantepec que nous avons déjà évoqué à propos de Tehuana.

En 1937, le réalisateur Fernando de Fuentes réalisa un film de ce titre avec Lupe Vélez dans le rôle principal. Elle y chante La Shunca.
La Zandunga a été arrangée par divers auteurs comme Lorenzo Barcelata et Max Urban (pour le film), Andres Gutierrez, A. Del Valle, Guillermo Posadas ou Máximo Ramó Ortiz.
La Shunca attribuée à Lorenzo Barcelata et les autres titres sont indiqués au générique du film comme « inspirés » d’airs de la région.

La zandunga 1939-03-30 – Orquesta Francisco Canaro con Francisco Amor.

Dans ces extraits du film La Zandunga, vous pourrez entendre premièrement, La Shunca, puis voir danser la Zandunga. J’ai ajouté le générique du début où vous pourrez de nouveau entendre la Zandunga.

3 extraits de la Zandunga 1937 du réalisateur Fernando de Fuentes avec Lupe Vélez dans le rôle principal. Elle y chante la Shunca.

Je pense que vous avez découvert le chemin emprunté par ce titre. Lorenzo Barcelata a arrangé des airs de son pays pour un film et avec la diffusion du film et des disques, l’air est arrivé en Argentine où Donato a décidé de l’enregistrer. Voici donc, un autre exemple de pont, ici entre le Mexique et l’Argentine.

À bientôt les amis !

Maestrita de mis pagos 1955-05-31 – Orquesta Juan Sánchez Gorio con Osvaldo Bazán

Miguel Roberto Abrodos Letra: Eugenio Majul

La valse du jour a été écrite par deux auteurs dont vous connaissez au moins une autre valse, Hermana par De Angelis et Godoy. Maestrita de mis pagos est une autre valse, sans doute très rare, mais joliment interprétée par Gorio et Bazán. Elle mérite donc qu’on s’y arrête, d’autant plus que le texte s’adresse à un personnage peu évoqué dans le tango, la maîtresse… d’école.
En effet, maestrita de mis pagos signifie, la petite maîtresse (petite marque l’affection) de mon village (l’expression « mis pagos » est surtout utilisé à la campagne).

Extrait musical

Maestrita de mis pagos 1955-05-31 – Orquesta Juan Sánchez Gorio con Osvaldo Bazán.

La valse démarre tout de suite, l’alternance entre le piano et l’orchestre est ravissante. À 1 :30 Osvaldo Bazán commence à chanter et à dire le récitatif. On notera qu’il ne dit pas le premier récitatif.

Paroles

Recitado:
Ya ves… no te olvido, maestrita lejana
Estás en mis versos y estás en mi voz…
Como cuando el lirio de tus blancas canas
Perfumó mi beso, que te dijo adiós…

Tus manos queridas, cercadas ahora
Por ese recuerdo tan tibio y fugaz,
Mi pelo acaricia, venciendo las horas
Maestrita sufrida que no he de ver más.

Qué lejos quedose tu beso más tierno
Y esa lagrimita qué lejos también,
Esa que llorabas, nerviosa en invierno
Porque mis ropitas no abrigaban bien.

Hoy te evoco, maestrita de mis pagos
Madrecita encanecida, estás en mí,
Quién pudiera revivir viejos halagos
Balbuceando una lección muy junto a ti.
O siguiendo con su trazo un lápiz rojo
Con un sol de un “visto bueno” junto a él,
Encontrar tu mano blanca ante mis ojos
En un sueño de alboradas y de miel.

Recitado:
Qué distinto el mundo que soñé a tu lado
Sobre el fondo blanco de tu delantal,
Rondita del patio, pizarrón amado
Cuánta nieve el tiempo, derramó en mi mal.

Volver un instante a los días risueños
Sería sin duda, volverte a escuchar,
Cerrando los ojos, maestrita, entre sueños
Quizá hasta te oyera, feliz, deletrear.

Vería a la humilde y cordial campanita
Llamando a recreo, quebrada su voz,
Los campos linderos, sus mil margaritas
Y todo un paisaje, mirando hacia Dios.

Miguel Roberto Abrodos Letra: Eugenio Majul
Il y a deux récitatifs (indiqués en bleu) et 5 couplets.

Miguel Roberto Abrodos Letra: Eugenio Majul

Miguel Roberto Abrodos Letra: Eugenio Majul
Il y a deux récitatifs (indiqués en bleu) et 5 couplets.
Il y a deux récitatifs (indiqués en bleu) et 5 couplets.
Osvaldo Bazán chante ou dit tout ce qui est en gras.
Dante Ressia chante ou dit, tout et termine en reprenant ce qui est en rouge.

Traduction libre et indications

Eugenio Majul est avant tout un poète. Cela se remarque déjà par la construction de son texte, en dodécasyllabes avec coupe à l’hémistiche pour certains vers, ce qui en fait quasiment des alexandrins. Les rimes sont en bonne partie riches. C’est donc un texte très travaillé, mais aussi très long. Ce qui fait que la partie chantée de ces deux versions est très importante en proportion. Même si on sort de la période de l’âge d’or de la danse de tango, cette valse, notamment dans la version de Gorio, reste dansable. Intéressons-nous maintenant au texte que malheureusement, je ne saurais pas transmettre dans son essence poétique.

Petite maîtresse d’école de mon village

Récitatif
Là, tu vois… Je ne t’oublie pas, lointaine maîtresse, tu es dans mes vers et tu es dans ma voix…
Comme quand le lys de tes cheveux blancs a parfumé mon baiser, qui t’a dit au revoir…
Vos chères mains, fermées maintenant, de ce souvenir si chaud et fugace, caressaient mes cheveux, gagnant les heures, maîtresse souffrante que je ne verrai plus.
Comme est loin ton baiser le plus tendre et cette petite larme si lointaine aussi, celle que tu as pleurée, nerveuse en hiver parce que mes vêtements ne m’abritaient pas bien.
Aujourd’hui je t’évoque, maîtresse de mon village, petite mère aux cheveux gris, tu es en moi, qui pourrais raviver de vieux encouragements, moi, balbutiant une leçon tout contre toi.
Ou suivant avec son tracé, un crayon rouge, avec un soleil d’approbation à côté, découvrir ta main blanche devant mes yeux dans un rêve d’aube et de miel.
Récitatif
Comme le monde est différent de ce que je rêvais à ton côté, sur le fond blanc de ton tablier, une ronde dans la cour, un tableau noir bien-aimé, combien de neige le temps a déversé sur mon mal.
Revenir un instant aux jours souriants serait sans doute, t’écouter de nouveau, en fermant les yeux, petite maîtresse, dans mes rêves peut-être même irais-je jusqu’à t’entendre, heureux, épeler.
Je verrais la petite cloche humble et cordiale appeler à la récréation, sa voix brisée, les champs voisins, leurs mille marguerites et tout un paysage, regardant vers Dieu.
Ce texte est donc une ode funèbre à son enseignante de primaire. Le rythme de la valse fait passer le message sans tristesse particulière.

Autres versions

Cela va aller vite, il n’y a que deux enregistrements Notre valse du jour et une version par un chanteur plus rare, Dante Ressia. Les deux enregistrements se sont faits à 12 jours d’écart.

Maestrita de mis pagos 1955-05-19 – Dante Ressia.

Cette valse en chanson renoue avec la tradition des payadores, ces chanteurs improvisateurs qui s’accompagnaient à la guitare. Pas d’improvisation dans ce cas, puisque le texte est écrit par le poète Eugenio Majul.

Maestrita de mis pagos 1955-05-31 – Orquesta Juan Sánchez Gorio con Osvaldo Bazán. C’est notre valse du jour.

Osvaldo Bazán, chante beaucoup, mais cela va bien dans la musique et cette valse est tout à fait dansante. Peut-être à passer le 11 septembre, jour des Maestros et des Maestras en Argentine. À ce sujet, le terme de maestro indique un enseignant d’école primaire…

Un petit cadeau pour mieux connaître les auteurs

Je vous propose deux valses écrites par la même équipe, Miguel Roberto Abrodos et Eugenio Majul ; Feliz cumpleaños mamá et Hermana.

Feliz cumpleaños mamá 1954-11-05 – Orquesta Juan Sánchez Gorio con Osvaldo Bazán.

Même compositeur, même parolier, même orchestre et même chanteur. Cela ne suffit pas pour faire une tanda, mais pour compléter, on pourra piocher dans une des dix autres valses de Gorio avec Bazán, avec Luis Mendoza, avec le duo Mendoza- Bazán ou dans les valses instrumentales. Par exemple, avec A mi madre (à ma mère) pour compléter la valse d’anniversaire…

Pour continuer avec la famille, voici l’autre valse écrite par l’équipe et que vous connaissez forcément. Il s’agit d’Hermana (sœur) :

Hermana 1958-09-26 – Orquesta Alfredo De Angelis con Juan Carlos Godoy.

Et pour terminer une petite information. Roberto Abrotos avait 8 frères et avec deux d’entre eux (Manuel et José), il a enregistré 600 titres de folklore, vous les trouvez sur leurs nombreux disques (78 tours) sous le nom de Los hermanos Abrodos.

Si vous voulez en savoir plus sur ces pionniers du folklore, je vous conseille cet article réalisé à partir de reproduction d’articles tirés de la revue Revista folklore.

Et pour les écouter, leur canal YouTube ou une bonne partie de leur discographie est proposée…

Molina Campos, escuelita criolla (petite école de champagne en Argentine). Probablement le type de celle dont parle la valse, mais avec une maîtresse plus avenante…
Intérprétation de Molina Campos, escuelita criolla. J’ai essayé de donner une tête plus humaine à la maîtresse…

Rodríguez Peña 1952-04-08 — Orquesta Carlos Di Sarli

Vicente Greco Letra : Ernesto Temes (Julián Porteño) ; Juan Miguel Velich ; Rafael (Ralph) Velich; Chamfleury & Liogar…

Il s’agit de la deuxième version du thème Rodríguez Peña, enregistrée par Di Sarli, celle du 8 avril 1952. Comme il l’a enregistré trois fois en 1945, 1952 et 1956, nous allons voir comment il a évolué durant ces onze années… Ce thème a eu beaucoup de succès et les paroliers se sont battus pour apporter leurs propres paroles. Mais là, on s’en moque, car c’est une version instrumentale…

Extrait musical

Rodríguez Peña 1952-04-08 — Orquesta Carlos Di Sarli

Les trois versions de Di Sarli

Rodríguez Peña 1945-01-03 — Orquesta Carlos Di Sarli
Rodríguez Peña 1952-04-08 — Orquesta Carlos Di Sarli
Rodríguez Peña 1956-02-23 — Orquesta Carlos Di Sarli

On remarque, dans la partie verte, que les répartitions des fortissimi et des piani sont égales. Dans la quatrième vignette, en bas à droite, c’est la version de 1956, en MP3. Alors que, dans la vignette en bas à gauche, on a des fréquences supérieures à 15 kHz, à droite, en MP3, c’est à peine si on atteint les 10 kHz. C’est la raison pour laquelle je préfère utiliser la musique que je numérise moi-même à partir des disques 78 tours.

Les trois débuts

Je vous laisse comparer les trois versions, si possible dans des versions de bonne qualité, mais dès le début, les différences sont énormes entre les versions. C’est d’ailleurs étonnant de voir les erreurs dans les partages de certains « DJ » qui confondent les trois versions, voire des éditeurs qui indiquer 2e version, tantôt pour celle de 1952 ou celle de 1953.
Voici visuellement les trois débuts :

On voit facilement que la version de 1956 dure plus longtemps que celle de 1952, qui dure plus longtemps que celle de 1945. En effet, entre les trois versions, le tempo se ralentit et c’est très net à l’écoute. Carlos Di Sarli baisse énormément la vitesse entre 1945 et 1956.
On voit aussi que les attaques de 1952 et 1953 sont plus fortes que celle de 1945. Celle de 1956 est forte, mais démarre de façon moins abrupte que celle de 1952, par un ZOOOOM qui monte en force progressivement et qui est typique de Di Sarli de la seconde partie des années 50.
On n’a presque pas besoin d’écouter la musique, tout est dans l’audiogramme 😉
Si, si, il faut écouter. Je vous propose donc ici les trois débuts enchaînés et par ordre chronologique.

Rodríguez Peña, mixage des trois introductions. 1945, puis 1952, puis 1956

Paroles

Il s’agit d’une version instrumentale, mais il y a des paroles qui permettent de lever le doute. Ce tango ne parle pas du président argentin, mais d’un établissement où se jouait le tango et qui était dans la rue Rodríguez Peña au 344. Son véritable nom était Salón San Martín. Nous l’avons évoqué récemment à propos du tango Pasado-florido-1945-04-04.
Les paroliers se sont mis à trois, mais ce ne sont pas des textes inoubliables…

Julián Porteño (Ernesto Temes)Juan Miguel VelichJuan Miguel Velich et Rafael (Ralph) Velich
Noches del salón Rodriguez Peña,
donde bailé
llevando en brazos un buen querer
que hoy añora mi corazón,
recuerdos…nostalgias
de volver a aquellos tiempos bravos
de juventud
y entreverarme en el vaivén
del tango aquel.
 
Fue en Rodriguez Peña
que por ella me jugué
la vida, y conquisté
feliz su corazón.
 
Fue en Rodriguez Peña
que una noche la dejé
arrullado por otra pasión.
 
Llegan tus compases
viejo tango,a reprocharme,
ahora que estoy solo
añorando su querer,
ella fue mi dicha
y mi ilusión,
Rodriguez Peña,
en noches porteñas
que ya nunca olvidaré.
Llora mi corazón
en el silencio del arrabal
al ver que todo cambiado está.
Honda recordación
del romancesco pasado aquel
que tanto amé.

Adiós, Rodríguez Peña de mi alegre juventud.
Rincón que al evocar me acerca al tierno bien
que fuera como un astro del hermoso ensueño azul
que en mi rodar incierto no olvidé
y mi tango que se hermana con mi gran sentir
suspira al comprender que ya no volverán
las tardes y las noches que contento compartí
con los muchachos de ese tiempo ideal.

Tango de mis glorias,
que repito con mi fiel canción,
tango que sonriendo
con mi diosa lo bailé.
Quiero, tango lindo,
que me arrulles con tu dulce voz,
como aquellos días
venturosos del ayer.
Suelta hasta el zorzal
su honda centinela, y su canción
es tétrico gemido que al corazón
oprime de pena.
Música dos compases.
Viendo cómo se fue
el tiempo tan florido que ayer vivió
el arrabal.

El Rodríguez Peña, templo bravo, espiritual,
en la transmutación del lindo tiempo aquel
ha perdido de las paicas el tanguear sensual
y al taitaje que brilló en él.
Hoy sólo queda el recuerdo que cantando va
el sin igual valor de nuestra tradición,
y jamás del alma el progreso borrará
aquel pasado de empuje y de acción.

Te hirió el progreso,
mi Rodríguez Peña divinal,
pero es triste orgullo
el querer prevalecer,
si su alma es tuya,
que es el tango himno de arrabal,
que con sus notas canta
las purezas del ayer.

Traduction libre de la version de Julián Porteño (Ernesto Temes)
Les nuits du salon Rodríguez Peña, où j’ai dansé tenant un bon amour dans les bras
Que mon cœur désire ardemment aujourd’hui, souvenirs… Nostalgies de revenir à ces temps de la jeunesse et me laisser emporter par le balancement
de ce tango.

Ce fut au Rodríguez Peña que, pour elle j’ai joué ma vie, et conquis, heureux, son cœur.

Ce fut au Rodríguez Peña qu’une nuit je l’ai quittée bercé par une autre passion.

Tes compas arrivent, vieux tango, pour me faire des reproches, maintenant que je suis seul, désirant ardemment son amour. Elle était mon bonheur et mon illusion, Rodríguez Peña, dans les nuits portègnes que jamais j’oublierai.