Archives par étiquette : Maximiliano Agüero

Invierno 1937-08-19 — Orquesta Francisco Canaro con Roberto Maida

Horacio Gemignani Pettorossi Letra: Enrique Domingo Cadícamo

Invier­no est sans doute un des tan­gos préférés des danseurs qui aiment Canaro. Avec un nom pareil, on se doute qu’on va par­ler de froid, d’hiver, en somme, mais avez-vous fait atten­tion aux émou­vantes paroles de Cadí­camo ? Je vous offre en prime le texte com­plet de Cadí­camo. Prenez votre man­teau et votre écharpe et entrons au cœur de l’hiver.

Extrait musical

Invier­no 1937-08-19 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Rober­to Mai­da
Disque et par­ti­tion de Invier­no

Il n’est pas sûr, qu’il soit néces­saire de décrire cet enreg­istrement tant il est con­nu. On notera l’in­ter­ven­tion des instru­ments à vent (cuiv­res) typ­iques de Canaro. Le rythme est appuyé, comme un celui d’un homme marchant dans une neige épaisse.
La voix de Mai­da, sur­v­ole l’orchestre qui atténue ses pas lourds pour laiss­er la place au chanteur. C’est du Canaro typ­ique et effi­cace. D’ailleurs, les orchestres con­tem­po­rains qui repren­dront le titre s’in­spireront assez forte­ment de cette ver­sion pour faire leurs pro­pres ver­sions. Nous en ver­rons quelques-unes en fin d’ar­ti­cle.

Paroles

Des­de aquel bal­cón
Baja una can­ción,
Que es como un jirón
De una esper­an­za…
Su inten­ción es la deses­per­an­za cru­el
Que me arrin­cona más
En esta soledad.
Des­de aquel bal­cón
Rue­da una can­ción,
Que en la noche negra
Dice así:

Volvió…
El invier­no con su blan­co ajuar,
Ya la escar­cha comen­zó a bril­lar
En mi vida sin amor.
Pro­fun­do pade­cer
Que me hace com­pren­der,
Que hal­larse solo, es un hor­ror.

Y al ver…
Cómo soplan en mi corazón,
Vien­tos fríos de des­o­lación
Quiero llo­rar.
Porque mi alma lle­va
Bru­mas de un invier­no,
Que hoy no puedo disi­par…

En aquel bal­cón
Cesa la can­ción,
Pero igual la escuchan mis oídos
Y es que por el eco persegui­do estoy.
Y todo su dolor
Embar­ga el corazón.
Para qué quer­ré
Esta vida yo,
Cuan­do no me que­da juven­tud…
Hora­cio Gemignani Pet­torossi Letra: Enrique Domin­go Cadí­camo

Rober­to Mai­da chante unique­ment ce qui est en gras, c’est-à-dire le texte annon­cé comme étant la chan­son écoutée par le nar­ra­teur.

Traduction libre

Depuis ce bal­con, une chan­son descend, qui est comme un lam­beau d’e­spoir…
Son sujet est le dés­espoir cru­el qui m’en­fonce davan­tage dans cette soli­tude.
Depuis ce bal­con roule une chan­son qui, dans la nuit noire, dit ceci :
Il est revenu…
L’hiv­er avec ses atours blancs,
Déjà le givre a com­mencé à briller dans ma vie sans amour.
Une souf­france pro­fonde qui me fait com­pren­dre qu’être seul, c’est une hor­reur.
Et quand je vois…
Comme ils souf­flent dans mon cœur, les vents froids de la déso­la­tion, j’ai envie de pleur­er.
Parce que mon âme porte les brumes d’un hiv­er, qu’au­jour­d’hui je ne peux pas dis­siper…

Sur ce bal­con, la chan­son s’ar­rête, mais mes oreilles l’en­ten­dent encore, car l’é­cho me pour­suit.
Et toute sa douleur paral­yse le cœur.
Pourquoi, moi, voudrais-je cette vie, alors que je n’ai plus de jeunesse…

Autres versions

Je serai ten­té de dire qu’il n’y a pas d’autre ver­sion, mais ce ne serait pas sym­pa­thique pour les orchestres con­tem­po­rains qui ont remis le titre à la mode.
Je sig­nale tout de même qu’il existe au moins deux autres tan­gos qui s’appellent Invier­no, com­posés par Arturo Bet­toni avec des paroles de Ramón Abel­lá (Rafael Jorge Abel­lá) pour le pre­mier et Eduar­do Bian­co avec Arau­jo (paroles et musique) pour le sec­ond.
Je vous pro­pose seule­ment ici, les ver­sions issues de Hora­cio Gemignani Pet­torossi et Enrique Domin­go Cadí­camo.

Invier­no 1937-08-19 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Rober­to Mai­da. C’est notre tan­go du jour.
Invier­no 2013-11-30 — Hype­r­i­on Ensem­ble con Rubén Peloni
Invier­no 2015 — Cuar­te­to Mulen­ga con Max­i­m­il­iano Agüero
Invier­no 2015 — Orques­ta Típi­ca Mis­te­riosa con Car­los Rossi
Invier­no 2015c — Solo Tan­go Orques­ta
Invier­no 2017-10 — Orques­ta Román­ti­ca Milonguera con Marisol Martínez y Rober­to Minon­di.

 Une orches­tra­tion orig­i­nale et un duo, homme femme, com­ment résis­ter à cette ver­sion ?

Invier­no 2018 — Orques­ta Típi­ca Mis­te­riosa con Eliana Sosa

De nou­veau la Mis­te­riosa dans une autre ver­sion, cette fois chan­tée par une femme, Eliana Sosa. Mer­ci à Thier­ry, mon, tal­entueux cor­recteur qui détecte les coquille et a remar­qué que j’avais mis deux fois la même ver­sion de Invier­no par la Típi­ca Mis­te­riosa. Main­tenant, vous avez bien ici Eliana Sosa qui a égale­ment enreg­istré avec Juan Pablo Gal­lar­do et a réal­isé deux dis­ques, Sin­er­gia tanguera et De donde ven­go (dans lequel elle chante égale­ment ses pro­pres com­po­si­tions).

Et pour ter­min­er en vidéo, un enreg­istrement de 2017 du Cuar­te­to Mulen­ga à la milon­ga Parakul­tur­al.

Fueron tres años 1956-05-18 — Orquesta Héctor Varela con Argentino Ledesma

Juan Pablo Marín (musique et paroles)

Lorsque Varela lance les qua­tre notes ini­tiales, tous les danseurs réagis­sent. Elles raison­nent comme le pom pom pom pom de la 5e sym­phonie de Beethoven. Le des­tin des danseurs est fixé, ils doivent danser ce titre. Cette fas­ci­na­tion date des pre­miers temps de ce titre qui a été enreg­istré, il n’y a pas trois ans, mais 68 ans et il nous par­le tou­jours.

Le pom pom pom pom de Varela dans la ver­sion avec Ledes­ma.

Même si la par­ti­tion ne com­porte que les notes en rouge pour les trois pre­mières notes, Varela fait jouer une dou­ble croche à la place de la croche du début de la sec­onde mesure à ses vio­lons. C’est rel­a­tive­ment dis­cret. Je l’ai indiqué en plaçant deux points rouges avec un petit point bleu au cen­tre. Varela fait jouer les deux petits points à la place de la croche qu’ils enca­drent. Cela cor­re­spond aux paroles (me/ha), Ledes­ma chan­tant deux syl­labes sur une seule note ; Varela demande à ses vio­lons de faire pareil, par un très léger accent. On se retrou­ve donc avec env­i­ron trois dou­ble croches (No-me-ha), puis la croche pointée (las). On notera que les vio­lons, comme Ledes­ma, chantent le (las) sur la note supérieure de l’accord (dernière note en rouge).
Cela atténue la syn­cope ini­tiale que devrait provo­quer l’anacrouse avec la dou­ble croche ini­tiale suiv­ie d’une croche. L’interprétation est plus proche de trois dou­bles croches, ce qui est sem­blable aux coups du des­tin dans la cinquième sym­phonie de Beethoven. Trois coups brefs suivi d’un plus long. Varela utilise une mon­tée à la quinte, alors que Beethoven utilise une descente à la tierce. Ce démar­rage est dif­férent suiv­ant les orchestres et si Varela l’utilise pour la ver­sion de 1973, il ne le fait pas pour la ver­sion chan­tée par Mau­ré enreg­istrée la même année (1956).
À la fin de la croche pointée rouge, on trou­ve (te-so-ro-mi) sur trois dou­ble croches et une croche qui fait dur­er le dou­ble de temps le (mi), puis le (o) qui dis­pose de toute une noire et qui dure donc qua­tre fois plus longtemps que les trois pre­mières notes bleues.

Juan Pablo Marín

Juan Pablo Marín était gui­tariste et a écrit trois titres un peu con­nus. Fueron tres años, notre tan­go du jour en 1956, et l’année suiv­ante, Reflex­ionemos qui a été enreg­istré trois fois en 1957, par Mau­ré, Gob­bi et Nina Miran­da et Ser­e­na­ta mía enreg­istré par Car­los Di Sar­li avec le duo de Rober­to Flo­rio et Jorge Durán. Ces deux titres de 1957 ne sont pas com­pa­ra­bles avec Fueron tres años ce qui explique un peu leur oubli. Je les laisse donc tran­quille­ment dormir pour vous offrir notre tan­go du jour.

Extrait musical

Fueron tres años 1956-05-18 — Orques­ta Héc­tor Varela con Argenti­no Ledes­ma.
Par­ti­tion de Fueron tres años

Paroles

No me hablas, tesoro mío,
no me hablas ni me has mira­do.
Fueron tres años, mi vida,
tres años muy lejos de tu corazón.
¡Háblame, rompe el silen­cio!
¿No ves que me estoy murien­do?
Y quí­tame este tor­men­to,
porque tu silen­cio ya me dice adiós.

¡Qué cosas que tiene la vida!
¡Qué cosas ten­er que llo­rar!
¡Qué cosas que tiene el des­ti­no!
Será mi camino sufrir y penar.
Pero deja que bese tus labios,
un solo momen­to, y después me voy;
y quí­tame este tor­men­to,
porque tu silen­cio ya me dice adiós.

Aún ten­go fuego en los labios,
del beso de des­pe­di­da.
¿Cómo pen­sar que men­tías,
sí tus negros ojos llora­ban por mí?
¡Háblame, rompe el silen­cio!
¿No ves que me estoy murien­do?
Y quí­tame este tor­men­to,
porque tu silen­cio ya me dice adiós.

Juan Pablo Marín (musique et paroles)

Traduction libre

Tu ne me par­les pas, mon tré­sor,
Tu ne me par­les pas ni ne m’as regardé.
Ce furent trois ans, ma vie,
trois ans très loin de ton cœur.
Par­le-moi, rompt le silence !
Ne vois-tu pas que je suis en train de mourir ?
Et ôte-moi ce tour­ment,
car ton silence, déjà, me dit adieu.

Que de choses tient la vie !
Que de choses à tenir pour pleur­er !
Que de choses tient le des­tin !
Ce sera mon chemin, souf­frir et être peiné.
Mais laisse-moi bais­er tes lèvres,
un seul instant, et ensuite je m’en vais ;
Et enlève-moi ce tour­ment,
car ton silence, déjà, me dit adieu.

J’ai encore du feu sur les lèvres,
du bais­er d’adieu.
Com­ment penser que tu men­tais,
quand tes yeux noirs pleu­raient pour moi ?
Par­le-moi, rompt le silence !
Ne vois-tu pas que je suis en train de mourir ?
Et ôte-moi ce tour­ment,
car ton silence, déjà, me dit adieu.

Autres versions

Seules les deux ver­sions de Varela avec Ledes­ma et Fal­cón sont courantes, pour­tant d’autres méri­tent d’être écoutées, voire dan­sées.

Fueron tres años 1956 — Héc­tor Mau­ré con acomp. de Orques­ta Héc­tor Varela.

Cette ver­sion n’est pas pré­cisé­ment datée. Elle est peut-être postérieure à celle avec Ledes­ma, mais j’ai souhaité la met­tre en pre­mier pour la met­tre en valeur. Même si ce n’est pas une ver­sion de danse, elle est mag­nifique et je pense que vous aurez plaisir à l’écouter. On notera que le début est dif­férent. On peut l’attribuer au fait que Ledes­ma chante durant tout le titre et que par con­séquent, faire un pre­mier pas­sage instru­men­tal aurait été trop long. Varela l’a donc rac­cour­ci et il n’y a pas le pom pom pom pom ini­tial.

Fueron tres años 1956-05-18 — Orques­ta Héc­tor Varela con Argenti­no Ledes­ma. C’est notre tan­go du jour.
Fueron tres años 1956-06-18 — Orques­ta Gra­ciano Gómez con Nina Miran­da.

Le pom pom pom pom est rem­placée une mon­tée des cordes et ban­donéons. Cela donne un départ assez spec­tac­u­laire et très dif­férent. On con­nait Nina Miran­da, une des grandes chanteuses uruguayennes. C’est vif et enlevé, mais ça manque sans doute de l’émotion que l’on trou­ve dans les ver­sions de Varela.

Fueron tres años 1956-06-25 — Jorge Vidal con gui­tar­ras.

Un mois après la ver­sion enreg­istrée par Varela avec Ledes­ma, Jorge Vidal pro­pose une ver­sion en chan­son accom­pa­g­née par des gui­tares. On est dans un tout autre reg­istre. Je trou­ve que l’on perd, là aus­si un peu d’émotion.

Fueron tres años 1956-07-18 — Orques­ta Sím­bo­lo ‘Osmar Mader­na’ dir. Aquiles Rog­gero con Jorge Hidal­go.

Rog­gero choisit la même option que Gómez, un debut lié, mais plus doux.

Fueron tres años 1956-07-27 — Orques­ta Enrique Mario Franci­ni con Alber­to Podestá.

Des nuances sans doute un peu exagérées démar­rent le thème, avec des vio­lons énervés. Podestá qui fait un peu de même ne me sem­ble pas totale­ment con­va­in­cant. C’est de toute façon une ver­sion d’écoute et j’ai donc une excuse pour ne pas la pass­er en milon­ga…

Fueron tres años 1956-08-06 — Orques­ta Dona­to Rac­ciat­ti con Olga Del­grossi

On trou­ve pour la même année, 1956, une ver­sion de Rodriguez avec Moreno, mais j’ai un gros doute, car je n’y recon­nais ni l’un ni l’autre dans cette inter­pré­ta­tion qui de toute façon n’a rien de génial. Je préfère m’abstenir… Il y a donc au moins huit ver­sions et peut-être plus enreg­istrées sur la seule année 1956.
Il fau­dra atten­dre 1973, pour que Varela relance la machine à tubes (pour les non-fran­coph­o­nes, machine à suc­cès). Cette fois avec Jorge Fal­cón.

Fueron tres años 1973 — Orques­ta Héc­tor Varela con Jorge Fal­cón.

C’est une autre sub­lime ver­sion, bra­vo, Mon­sieur Varela, trois ver­sions mer­veilleuses du même thème, cha­peau bas !

Fueron tres años 1974 — Orques­ta Jorge Drag­one Con Diego Solis.

Ce n’est pas inin­téres­sant. Nous n’aurions pas les ver­sions de Varela, on s’en con­tenterait peut-être. Ces artistes méri­tent cepen­dant une écoute et comme ils ont enreg­istré dans un réper­toire proche, on peut même faire une tan­da pour accom­pa­g­n­er ce titre.

Fueron tres años 2014 — Sex­te­to Milonguero con Javier Di Ciri­a­co.

C’est dom­mage que cet orchestre ne soit plus. Il avait une sym­pa­thique dynamique impul­sée par son chanteur et directeur. On en a peut-être abusé, mais c’était un des orchestres qui avait un style qui n’était pas qu’une copie de ceux du passé. Je les avais fait venir au fes­ti­val Tan­go­postale de Toulouse lorsque j’étais en charge des orchestres de bals et ils furent épous­tou­flants et en plus, ils fai­saient du trop­i­cal génial qu’il est dom­mage de ne pas plus avoir dans leurs dis­ques, tournés sur le tan­go.

Fueron tres años 2016-12 — Orques­ta Román­ti­ca Milonguera con Rober­to Minon­di.

Un autre orchestre qui a cher­ché un style pro­pre et qui l’a trou­vé. La très belle voix de Rober­to Minon­di et la sonorité par­ti­c­ulière de l’orchestre donne une autre teinte au titre.

Fueron tres años 2018 — Cuar­te­to Mulen­ga con Max­i­m­il­iano Agüero.

L’orchestre mar­que son orig­i­nal­ité en déplaçant la syn­cope ini­tiale du désor­mais fameux pom pom pom pom…

Fueron tres años 2023 — Con­junc­to Berretin con Megan Yvonne.

La ver­sion la plus récente en ma pos­ses­sion de ce titre. Si vous aimez, vous pou­vez acquérir une ver­sion en haute qual­ité sur Band­Camp https://tangoberretin.bandcamp.com/album/tangos-del-berretin.

Même si j’ai un faible pour les ver­sions de Varela, je pense que vous avez écouté des choses qui vous plaisent dans ce tan­go tardif, puisque né après l’âge d’or du tan­go de danse. Si vous n’aimez rien de tous ces titres, je vous pro­pose quelque chose de très dif­férent qui prou­ve le suc­cès majeur de ce thème écrit il y a 68 ans…

Fueron tres años — Los Rangers De Venezuela.

Aïe, ne me tapez pas sur la tête ! Vous avez la preuve que ce n’est pas néces­saire… C’est la corti­na…
Je vous pro­pose de retrou­ver tout de suite votre titre préféré dans la liste qui précède.

À demain les amis !

Hablame, rompe silen­cio.