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Samaritana 1932-07-27 — Orquesta Típica Los Provincianos Dir. Ciriaco Ortiz con Alberto Gómez

Luis Rubistein (Musique et paroles)

À Buenos Aires, la majorité des milon­gas con­tin­u­ent de faire des tan­das de 4 titres pour les tan­gos, et pour quelques-unes, y com­pris pour les valses, mais unique­ment si tous les danseurs dansent, ce qui est générale­ment le cas. Notre tan­go du jour est donc, vous l’avez dev­iné, une valse, sans doute trop peu con­nue, Samar­i­tana. Elle a été enreg­istrée il y a 92 ans.

Ceux qui me con­nais­sent savent que je ne suis pas avare de valses et que je n’hésite jamais à faire des propo­si­tions un peu plus rares, l’avantage des valses est que la majorité reste dansante grâce à la struc­ture par­ti­c­ulière à trois temps avec le pre­mier temps accen­tué (POUM – tchi — tchi). Il est donc plus facile de pren­dre des risques avec les valses que les tan­gos et encore plus que les milon­gas, qui ont le rythme le plus dif­fi­cile à pro­pos­er en milon­ga.

Los Provincianos

Ciri­a­co Ortiz Direc­tion et ban­donéon, Aníbal Troi­lo et Hora­cio Golli­no (ban­donéons), Orlan­do Cara­bel­li (piano), Elvi­no Var­daro et Manuel Núñez (vio­lons), Man­fre­do Lib­er­a­tore (con­tre­basse) et Alber­to Gómez (dit Nico) au chant sont les artistes qui ont mis en musique et enreg­istré cette valse.

Orques­ta Los Provin­cianos. Vous aurez recon­nu le jeune Aníbal Troi­lo et son ban­donéon qui l’accompagnera durant toute sa car­rière…

On trou­ve par­fois cet enreg­istrement sous le nom d’orchestre OTV – Orches­tra Típi­ca Víc­tor. Ce n’est pas vrai­ment faux, car il s’agit effec­tive­ment d’un orchestre créé par la mai­son de disque Víc­tor et qui était des­tiné à enreg­istr­er des dis­ques.
Le pre­mier orchestre, celui qui était dirigé par Cara­bel­li avec le nom de OTV, mais par la suite, la com­pag­nie Víc­tor déci­da de mul­ti­pli­er les orchestres et pour s’y retrou­ver, elle leur don­na des nos dif­férents…

  • La Orques­ta Típi­ca Los Provin­cianos, dirigée par Ciri­a­co Ortiz et qui a enreg­istré notre valse du jour et qui est en fait la con­tin­u­a­tion de l’orchestre de Cara­bel­li, d’où le fait qu’on le nomme par­fois tout sim­ple­ment Típi­ca Víc­tor, comme le pre­mier orchestre et comme on le fera pour les suiv­ants…
  • La Orques­ta Víc­tor Pop­u­lar,
  • La Orques­ta Radio Víc­tor Argenti­na, dirigée par Mario Mau­ra­no
  • La Orques­ta Argenti­na Víc­tor
  • La Orques­ta Víc­tor Inter­na­cional
  • El Cuar­te­to Víc­tor com­posé de Cayetano Puglisi et Anto­nio Rossi (vio­lons), Ciri­a­co Ortiz et Fran­cis­co Pracáni­co (ban­donéons)
  • El Trío Víc­tor com­posé de Elvi­no Var­daro (vio­lon) et de Oscar Alemán et Gastón Bueno Lobo (gui­tares).

Même si cet orchestre n’était pas des­tiné à jouer en pub­lic, les habitués du Cabaret Casano­va qui était situé en la rue Maipu, juste en face du Salón Marabú (où a débuté Troi­lo avec son orchestre, juste en tra­ver­sant la rue…) et qui existe, lui, tou­jours, ont pu enten­dre l’orchestre sur scène.

Extrait musical

Samar­i­tana 1932-07-27 – Orques­ta Típi­ca Los Provin­cianos con Alber­to Gómez.

Les vio­lons dessi­nent les pre­mières notes sur une base stac­ca­to du reste de l’orchestre et notam­ment des ban­donéons et de la con­tre­basse qui mar­que fer­me­ment les pre­miers temps. Puis s’exprime le sub­lime vio­lon soliste. Les ban­donéons repren­nent la voix avec à 35 sec­on­des un curieux (mais génial) glis­san­do. À 1:12, Alber­to Gómez lance le chant, tou­jours en mode mineur, mais ce n’est pas éton­nant vu les paroles. Sa voix décon­trac­tée enlève la tragédie des paroles, il ter­mine en voix de tête. Il reste ensuite une minute à l’orchestre pour faire oubli­er le triste des paroles, ce qu’il fait par­faite­ment, notam­ment avec la vari­a­tion finale exé­cutée prin­ci­pale­ment par les ban­donéons en dou­ble croche.

Les orchestres Víc­tor sont des­tinés aux dis­ques, mais aux dis­ques pour danseurs et ce n’est donc pas un hasard si les valses de ces orchestres com­por­tent une telle pro­por­tion de mer­veilles.

Paroles

N’ayant pas trou­vé la par­ti­tion, ni les paroles, il s’agit ici unique­ment de ce que chante Alber­to Gómez.

El dolor, cruzó mi corazón
Gol­pe­an­do fuerte,
Dejan­do en su ruti­na
Frío de muerte,
Que me asesina
Sin com­pasión.

Mi can­tar se ahoga con mi voz
Que es una pena,
Y nada me con­suela
De haber per­di­do,
Lo que he queri­do
Con tan­to amor.

Luis Rubis­tein (Musique et paroles)

Traduction libre des paroles

La douleur a transper­cé mon cœur, frap­pant fort, lais­sant dans sa rou­tine, le froid de la mort qui me tue sans com­pas­sion.
Mon chant s’est noyé avec ma voix, qui est un cha­grin, et rien ne me con­sole d’avoir per­du ce que j’ai aimé avec tant d’amour.

Qui est la samaritana ?

Je pose la ques­tion, mais je n’ai pas de réponse.
Le sens le plus com­mun fait référence à la femme de la Bible, la femme au puits.
Par exten­sion, le terme désigne une per­son­ne qui se dévoue pour les autres.
Mais ce n’est pas tout, la samar­i­taine est une pécher­esse, car elle a eu cinq « maris » sans être mar­iée. Cette direc­tion nous rap­pelle que les pros­ti­tuées héri­tent par­fois de cette appel­la­tion, comme le rap­pelle la très belle chan­son du chanteur espag­nol José Luis Perales, Samar­i­tanas del amor.

Samar­i­tanas del amor — José Luis Perales avec sous-titre et tra­duc­tion pos­si­ble…

Comme cette valse est orphe­line et les paroles incom­plètes, on ne peut rester qu’à des sup­po­si­tions. Mais est-ce si grave si on peut se plonger dans l’ivresse de cette valse ?
On notera que quelques années après l’écriture de cette valse (1938), un « Nos­tradamus argentin » a qual­i­fié l’Argen­tine de Samar­i­tana del Mun­do, l’Argen­tine accueil­lant les peu­ples meur­tris.

Solari Par­ravici­ni — Dibu­jos pro­feti­cos

Je ne me pronon­cerai pas sur la valid­ité des prophéties de Solari Par­ravici­ni, mais le fait que Luis Rubis­tein était sen­si­ble au pro­jet sion­iste peut l’avoir influ­encé. Je me garderai de faire tout rap­proche­ment avec l’actualité argen­tine, en lais­sant les coïn­ci­dences non analysées.

Tristesse et joie du tango

Pour moi, le tan­go est une pen­sée joyeuse qui se danse. Si vous écoutez la valse du jour sans faire atten­tion aux paroles, vous ne décou­vrirez pas la tragédie sous-jacente, vous vous lais­serez envelop­per par le rythme implaca­ble de la valse en ne pen­sant à rien d’autre.
Dis­cépo­lo qui a écrit le con­traire de ce que je pense est mort à 50 ans dans une pro­fonde dépres­sion. Un homme mal­heureux au point de se laiss­er mourir de faim est-il un bon témoin pour par­ler du plaisir du tan­go qui a ani­mé, pen­dant plusieurs décen­nies, des mil­liers de danseurs ? Je n’en suis pas sûr. L’auteur de Vachaché, Yira yira ou Cam­bal­ache avait un regard plutôt noir et dés­abusé sur le monde. Nicolás Oli­vari assura que Dis­cépo­lo était la cheville ouvrière de l’hu­mour de Buenos Aires, grais­sée par l’an­goisse. (Oli­vari écrivait El per­no, c’est le boulon, mais aus­si la par­tie qui main­tient la tige dans une charnière. J’ai choisi de traduire par la cheville ouvrière qui est la pièce la plus impor­tante des char­rettes avec roues avant ori­enta­bles. Notons qu’en lun­far­do, el per­no est aus­si le mem­bre vir­il).
Les paroles de Luis Rubis­tein pour­raient paraître de la même veine, mais elles par­lent d’une douleur intime, presque théâ­tral­isée, celle que ressent l’amoureux qui a per­du son objet d’amour, elles ne man­i­fes­tent pas néces­saire­ment un rejet de la société. Par ailleurs, Luis Rubis­tein est à la fois l’auteur de la musique et des paroles, aus­si, il pou­vait par­faite­ment établir l’équilibre entre l’émotion et la tristesse des paroles et l’enthousiasme de la musique.
En Europe, on s’interdit cer­tains tan­gos, car les paroles par­lent de sujets tristes (Juan Porteño, La nove­na), ici, à Buenos Aires, ils sont passés et bien que tout monde puisse en com­pren­dre les paroles, per­son­ne n’y fait atten­tion et tout le monde est sur la piste. C’est peut-être éton­nant quand on entend les danseurs chanter les paroles d’autres titres qu’ils con­nais­sent par cœur. En revanche, je ne passerai pas des titres vul­gaires comme Si soy así (inter­prété par Rodríguez avec Her­rera).
Ceci pour dire que le tan­go de danse se fait à par­tir de la musique et que si la musique donne envie de danser, c’est un tan­go pour la milon­ga, sauf à de très rares excep­tions. On aura remar­qué que même lorsque les paroles fai­saient référence à une his­toire triste, les tan­gos de danse n’en repren­nent que l’estribillo (refrain), voire un ou deux cou­plets en plus, mais que générale­ment, les par­ties les plus sin­istres ne sont pas chan­tées.
Le tan­go triste est le tan­go à écouter, car il dif­fuse la total­ité de l’histoire et que cette his­toire peut effec­tive­ment être très triste. La voix du chanteur étant mise en avant, l’auditeur ne dis­pose pas de l’amortissement de la musique et est con­fron­té à la dureté du texte.
On peut se deman­der pourquoi le tan­go exprime sou­vent des pen­sées tristes. Quand on sait que c’est le pays du Monde où il y a le plus de psys par habi­tant et que Buenos Aires est la ville qui a le plus de théâtres, il me sem­ble facile d’y voir un début d’explication.
La nos­tal­gie de l’émigré, immi­gré, sou­vent issu de pop­u­la­tions défa­vorisées d’Europe, voire d’Afrique, tout cela peut don­ner une cer­taine propen­sion à la tristesse, mais ce sont des gens qui ont su domin­er leurs dif­fi­cultés. Ils pen­saient arriv­er dans un espace vierge à con­quérir pour se lancer dans une nou­velle vie, mais con­traire­ment à ce qui s’est passé dans d’autres pays, l’Argentine était déjà entière­ment pri­vatisée, aux mains de quelques grandes familles et les con­quérants espérant s’établir en vivant de leurs ter­res ont été réduits à devoir tra­vailler pour les pro­prié­taires ou à s’entasser dans les villes, ou plutôt La ville, pour servir de main‑d’œuvre à l’industrie.
Ils ont quit­té une mis­ère pour en trou­ver une autre, loin de leurs racines. Il y avait sans doute de quoi avoir des ten­dances mélan­col­iques. Alors, la danse ne pou­vait pas être autre chose qu’un exu­toire, un sas de décom­pres­sion, ce qui explique les excès des pre­miers temps et la cir­con­scrip­tion à des lieux inter­lopes et pop­u­laires du tan­go. C’est quand la bonne société a jugé bon de s’acoquiner, que l’intellectualisation a façon­né une autre cul­ture.

El tango tiene los pies en el fango y la cabeza en las nubes

Le tan­go a les pieds dans la boue et la tête dans les nuages, c’est ce qui fait sa grandeur et sa richesse.
Tout bon DJ con­naît les dif­férents degrés de la musique qui s’adresse aux sen­ti­ments, au cerveau, au corps et c’est en jouant sur les dif­férents car­ac­tères qu’il ani­me la milon­ga.
Le ludique de D’Arienzo, l’urbain de Troi­lo, l’intellectuel de Pugliese et le sen­ti­men­tal de Di Sar­li for­ment les qua­tre piliers qui ser­vent à con­stru­ire une milon­ga qui don­nera à toutes les sen­si­bil­ités de danseurs, de quoi être heureux. Évidem­ment, cette répar­ti­tion que l’on donne comme indi­ca­tion aux DJ débu­tants est très som­maire et demande à être nuancée.
Il n’est pas ques­tion d’équilibrer ces 4 piliers. Selon l’événement, les danseurs et le moment, on favoris­era plutôt l’un des piliers. On passera générale­ment plus de D’Arienzo que de Pugliese, les piliers n’ont pas tous la même taille.
Par ailleurs, met­tre dans une de ces qua­tre cas­es ces qua­tre orchestres, c’est oubli­er qu’ils ont évolué et ont nav­igué d’une case à l’autre selon les péri­odes. Il faut donc nuancer la déf­i­ni­tion des piliers et le dernier point est que d’autres orchestres ont exprimé ces qua­tre sen­si­bil­ités et qu’ils peu­vent très bien se sub­stituer aux orchestres canon­iques.
Maler­ba et Caló, peu­vent aller dans la case roman­tique, tout comme De Caro et cer­tains Troi­lo qui peu­vent se class­er dans la case intel­lectuelle. Rodriguez ira sans doute dans la case ludique et ain­si de suite.
C’est la rai­son pour laque­lle on alterne les gen­res. On ne passera générale­ment pas deux tan­das romantiques/ludiques/intellectuelles/urbaines à la suite. On passera d’un des qua­tre piliers à l’autre dans le but de ne pas laiss­er sur sa chaise un danseur avec deux tan­das qui sont de types qui ne lui par­lent pas. Com­bi­en de fois avez-vous ressen­ti de l’ennui en ayant l’impression que c’était « tout le temps pareil », notam­ment dans ces milon­gas où le DJ respecte un ordre chronologique, com­mençant par la vieille garde et ter­mi­nant par le tan­go « nue­vo » …
Je me sou­viens d’un danseur, dans une ville française qui fut autre­fois pio­nnière dans le tan­go (et qui n’est pas Paris), qui après une tan­da de Pugliese est venu me dire, ça va être le néotan­go main­tenant ? Ne com­prenant pas le sens de sa ques­tion, je lui ai demandé des pré­ci­sions et il m’a dit qu’ici, les DJ com­mençaient par Canaro et ter­mi­naient par du néotan­go et comme il était rel­a­tive­ment tôt dans la soirée, il s’inquiétait de devoir par­tir, car il ne s’intéressait pas à ce type de musique. Je l’ai ras­suré et il est resté, jusqu’à la fin.

Sur ce, je vous dis à demain, les amis…

La payanca 1936-06-09 — Orquesta Juan D’Arienzo

Augusto Pedro Berto Letra: Juan Andrés Caruso (V1) — Jesús Fernández Blanco (V2)

La payan­ca par D’Arienzo dans la ver­sion de 1936 est un des très gros suc­cès des milon­gas. Peut-être vous-êtes-vous demandé d’où venait le nom de ce tan­go ? Si ce n’est pas le cas, lais­sez-moi vous l’indiquer t vous faire décou­vrir une ving­taine de ver­sions et vous présen­ter quelques détails sur ce titre.

Extrait musical

Par­ti­tion pour piano de la Payan­ca. Cou­ver­ture orig­i­nale à gauche et Par­ti­tion de piano à droite avec les paroles de Jesús Fer­nán­dez Blan­co (les plus récentes).
La payan­ca 1936-06-09 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

C’est un des pre­miers enreg­istrements où Bia­gi se lâche. Le con­tre­bassiste, Rodol­fo Duclós mar­que un rythme à la « Yum­ba » qui devien­dra une car­ac­téris­tique de Pugliese. Les vio­lons de Alfre­do Mazzeo, León Zibaico, Domin­go Man­cu­so et Fran­cis­co Manci­ni font des mer­veilles. Une ver­sion énergique, eupho­risante, sans doute la toute pre­mière à utilis­er pour faire plaisir aux danseurs.
On remar­que qu’il est indiqué « Sobre motivos pop­u­lares ». En effet, on recon­naî­tra des thèmes tra­di­tion­nels, notam­ment de gato (une sorte de chacar­era), mais mod­i­fié en tan­go.
On remar­quera égale­ment qu’il est indiqué « Tan­go Milon­ga », ce qui sig­ni­fie que c’est un tan­go pour danser. Cepen­dant, nous ver­rons que ce thème a égale­ment été bas­culé franche­ment du côté de la milon­ga pure et dure dans d’autres enreg­istrements.

Trois ver­sions de cou­ver­ture de la par­ti­tion. À gauche, la plus anci­enne, sans auteur de paroles. Au cen­tre, avec les paroles de Caru­so et à droite, avec les paroles de Blan­co.

Origine du titre

Dans son livre, Así nacieron los tan­gos, Fran­cis­co Gar­cía Jiménez, racon­te que le tan­go est né lors d’une fête à la cam­pagne en l’honneur d’une per­son­nal­ité locale qui venait d’être élue tri­om­phale­ment, des musi­ciens avaient joué des airs de l’intérieur, dont un gato (sorte de charar­era) duquel il restait : “Laraira lar­alaila; laira laraira…”. Il est impos­si­ble de retrou­ver le gato à par­tir de cette sim­ple indi­ca­tion, car laraira… c’est comme tralala. C’est ce que chantent les payadors quand ils cherchent leurs mots (ils chan­taient en inven­tant les paroles à la volée). Cer­tains textes de ces musiques ont été fixés et écrits par la suite et nom­bre d’entre eux com­por­tent Laraira lar­alaila; laira laraira ou équiv­a­lent :

  • La,lara,laira,laira,la dans Pago viejo (chacar­era, mais le rythme est proche du gato),
  • Lara lara laira larai ñarai lá dans Corazón ale­gre (bailecito)
  • Trala lará lar­ala lará lar­ala lará lará dans El pala pala (danse, dan­za)
  • Lará, larará, laraira, Lará, larará, laraira, dans Cabeza col­ora­da
  • La ra lara la ra la la ra la ra la ra la dans La San­lorenci­na (Cuen­ca)
  • La lalara la la la la la la La la lara la la la la la la La la lara la la lara la la dans Dios a la una (chan­son).
  • Tra lara lara lara tra lara lero dans Que se ven­gan los chicos (Bailecito)
  • La lara la la la la La lara la la la la dans La charar­era del adios (chacar­era)
  • Lar­ala lar­ala lara lara lara lara lara dans Amiga­zo pa’ sufrir (huel­la)
  • La lara lara larará… lara lara larará… lara lara larará… dans Can­tar de coya (Car­naval­i­to)
  • Lara lara lara lara dans Muchacha de mayo (Chan­son).

Je n’ai pas trou­vé de gato avec l’indication, mais il est fort prob­a­ble que Berto ait enten­du une impro­vi­sa­tion, le lara lara étant une façon de meubler quand les paroles ne vien­nent pas.
Donc Berto a enten­du ce gato ou gato polquea­do et il eut l’idée de l’adapter en tan­go. Lui à la gui­tare et Durand à la flûte l’ont adap­té et joué. Ce titre a tout de suite été un suc­cès et comme sou­vent à l’époque, il est resté sans être édité pen­dant onze années. Comme la plu­part des orchestres jouaient le titre, il était très con­nu et les danseurs et divers paroliers lui ont don­né des paroles, plus ou moins recom­mand­ables. N’oublions pas où évolu­ait le tan­go à cette époque.
Deux de ces paroles nous sont par­v­enues, celles de Caru­so et celles de Blan­co. Les sec­on­des sont plus osées et cor­re­spon­dent assez bien à cet univers.
Il reste à pré­cis­er pourquoi il s’appelle payan­ca. Selon Jiménez, Berto aurait dit tout de go que ce tan­go s’appelait ain­si quand il fut som­mé de don­ner un titre. Il sem­blerait que Berto ait don­né sa pro­pre ver­sion de l’histoire, en affir­mant que le titre serait venu en voy­ant des gamins jouer avec un las­so à attrap­er des poules. Un adulte leur aurait crié “¡Pialala de payan­ca!”, c’est-à-dire tire la avec un mou­ve­ment de payan­ca. Il indi­quait ain­si la meilleure façon d’attraper la poule avec le las­so.
L’idée du las­so me sem­ble assez bonne dans la mesure où les trois par­ti­tions qui nous sont par­v­enues illus­trent ce thème.
Voici une vidéo qui mon­tre la tech­nique de la Payan­ca qui est une forme par­ti­c­ulière de lancer du las­so pour attrap­er un ani­mal qui court en le faisant choir.

Dans cette vidéo, on voit un pial (lance­ment du las­so) pour attrap­er un bovidé à l’aide de la tech­nique « Payan­ca ». Elle con­siste à lancer le las­so (sans le faire tourn­er) de façon à entraver les antérieurs de l’animal pour le déséquili­br­er et le faire tomber. Âmes sen­si­bles s’abstenir, mais c’est la vie du gau­cho. Ici, un joli coup par le gau­cho Mil­ton Mar­i­ano Pino.

Pour être moins incom­plet, je pour­rai pré­cis­er que la payan­ca ou payana ou payan­ga ou payaya est un jeu qui se joue avec cinq pier­res et qui est très proches au jeu des osse­lets. L’idée de ramass­er les pier­res en quechua se dit pal­lay, ce qui sig­ni­fie col­lec­tion­ner, ramass­er du sol. Que ce soit attrap­er au las­so ou ramass­er, le titre joue sur l’analogie et dans les deux cas, le principe est de cap­tur­er la belle, comme en témoignent les paroles.

Paroles de Juan Andrés Caruso

¡Ay!, una payan­ca io
quiero arro­jar
para enlazar
tu corazón
¡Qué va cha che!
¡Qué va cha che !
Esa payan­ca será
cert­era
y ha de apris­onar
todo tu amor
¡Qué va cha che !
¡Qué va cha che !
Por que yo quiero ten­er
todo entero tu quer­er.

Mira que mi car­iño es un tesoro.
Mira que mi car­iño es un tesoro.
Y que pior que un niño po’ ella « yoro »…
Y que pior que un niño po’ ella « yoro »…

Payan­ca de mi vida, ay, io te imploro.
Payan­ca de mi vida, ay, io te imploro,
que enlaces para siem­pre a la que adoro…
que enlaces para siem­pre a la que adoro…
Augus­to Pedro Berto Letra: Juan Andrés Caru­so

Augus­to Pedro Berto Letra: Juan Andrés Caru­so

Traduction libre des paroles de Juan Andrés Caruso

Yeh ! une payan­ca (payan­ca attrap­er au las­so). Moi, (Io pour yo = je), je veux lancer pour enlac­er (enlac­er du las­so…) ton cœur.
Que vas-tu faire ! (¿Qué va cha ché ? ou Qué vachaché Est aus­si un tan­go écrit par Enrique San­tos Dis­cépo­lo)
Que vas-tu faire !
Cette payan­ca sera par­faite et empris­on­nera tout ton amour.
Que vas-tu faire ?
Que vas-tu faire ?
Parce que je veux avoir tout ton amour.

Regarde, mon affec­tion est un tré­sor.
Regarde, mon affec­tion est un tré­sor.
Et quoi de pire qu’un enfant qui pleure pour elle…
Et quoi de pire qu’un enfant qui pleure pour elle…

Payan­ca de ma vie, oui, je t’en sup­plie (il par­le à son coup de las­so pour attrap­er le cœur de sa belle).
Payan­ca de ma vie, oui, je t’en sup­plie,
que tu enlaces pour tou­jours celle que j’adore…
que tu enlaces pour tou­jours celle que j’adore…
La métaphore rurale et gauch­esque est poussée à son extrémité. Il com­pare la cap­ture du cœur de sa belle à une passe de las­so. Dans le genre galant, c’est moyen, mais cela rap­pelle que la vie du gau­cho est une source d’inspiration pour le tan­go et en cela, je ne partage pas l’avis de Jorges Luis Borges pour quoi le tan­go est unique­ment urbain et vio­lent.

Paroles de Jesús Fernández Blanco

Con mi payan­ca de amor,
siem­pre mimao por la mujer,
pude enlazar su corazón…
¡Su corazón !
Mil bocas como una flor
de juven­tud, supe besar,
has­ta saciar mi sed de amor…
¡Mi sed de amor !

Ningu­na pudo escuchar
los tri­nos de mi can­ción,
sin ofre­cerse a brindar
sus besos por mi pasión…
¡Ay, quién pudiera volver
a ser moc­i­to y can­tar,
y en bra­zos de la mujer
la vida feliz pasar !

Payan­ca, payan­qui­ta
de mis amores,
mi vida la llenaste
de res­p­lan­dores…
¡Payan­ca, payan­qui­ta
ya te he per­di­do
y sólo tu recuer­do
fiel me ha segui­do!

Con mi payan­ca logré
a la mujer que me gustó,
y del rival siem­pre tri­un­fé.
¡Siem­pre tri­un­fé!
El fuego del corazón
en mi can­tar supe pon­er,
por eso fui rey del amor…
¡Rey del amor!

Jesús Fer­nán­dez Blan­co

Traduction, libre des paroles de Jesús Fernández Blanco

Avec ma payan­ca d’amour (je ne sais pas quoi en penser, admet­tons que c’est son coup de las­so, mais il peut s’agir d’un autre attrib­ut du galant), tou­jours choyée par les femmes, j’ai pu enlac­er ton cœur…
Ton cœur !
Mille bouch­es comme une fleur de jou­vence, j’ai su embrass­er, jusqu’à étanch­er ma soif d’amour…
Ma soif d’amour !

Aucune ne pou­vait enten­dre les trilles de ma chan­son, sans offrir ses bais­ers à ma pas­sion…
Yeh, qui pour­rait rede­venir un petit garçon et chanter, et pass­er dans les bras de la femme, la vie heureuse !

Payan­ca, payan­qui­ta de mes amours (Payan­ca, petite payan­ca, on ne sait tou­jours pas ce que c’est…), tu as rem­pli ma vie de bril­lances…
Payan­ca, payan­qui­ta Je t’ai déjà per­due et seul ton sou­venir fidèle m’a suivi !

Avec ma payan­ca, j’ai eu la femme que j’aimais, et du rival, j’ai tou­jours tri­om­phé.
J’ai tou­jours tri­om­phé !
J’ai su met­tre le feu du cœur dans ma chan­son (la payan­ca pour­rait être sa chan­son, sa façon de chanter), c’est pourquoi j’étais le roi de l’amour…
Le roi de l’amour !

Autres versions

La payan­ca 1917-05-15 — Orq. Eduar­do Aro­las con Pan­cho Cuevas (Fran­cis­co Nicolás Bian­co).

Prob­a­ble­ment la plus anci­enne ver­sion enreg­istrée qui nous soit par­v­enue. Il y a un petit doute avec la ver­sion de Celesti­no Fer­rer, mais cela ne change pas grand-chose. Pan­cho Cue­va à la gui­tare et au chant et le tigre du Ban­donéon (Eduar­do Aro­las) avec son instru­ment favori. On notera que si le tan­go fut com­posé vers 1906, sans paroles, il en avait en 1917, celles de Juan Andrés Caru­so.

La payan­ca 1918-03-25 (ou 1917-03-12) — Orques­ta Típi­ca Fer­rer (Orques­ta Típi­ca Argenti­na Celesti­no).

Le plus ancien enreg­istrement ou le sec­ond, car il y a en fait deux dates, 1917-03-12 et 1918-03-25. Je pense cepen­dant que cette sec­onde date cor­re­spond à l’édition réal­isée à New York ou Cam­dem, New Jer­sey. On remar­quera que l’orchestre com­porte une gui­tare, celle de Celesti­no Fer­rer qui est aus­si le chef d’orchestre, une flûte, jouée par E. San­ter­amo et un accordéon par Car­los Güeri­no Fil­ipot­to. Deux vio­lons com­plè­tent l’orchestre, Gary Bus­to et L. San Martín. Le piano est tenu par une femme, Car­la Fer­rara. C’est une ver­sion pure­ment instru­men­tale. Après avoir été un des pio­nniers du tan­go en France, Celesti­no Fer­rer s’est ren­du aux USA où il a enreg­istré de nom­breux titres, dont celui-ci.

La payan­ca 1926-12-13 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor, direc­tion Adol­fo Cara­bel­li.

Une ver­sion un peu plus mod­erne qui béné­fi­cie de l’enregistrement élec­trique. Mais on peut mieux faire, comme on va le voir bien­tôt.

La payan­ca 1936-06-09 — Orques­ta Juan D’Arienzo. C’est notre tan­go du jour.

J’ai déjà dit tout le bien que je pen­sais de cette ver­sion, à mon avis, insur­passée, y com­pris par D’Arienzo lui-même…

Trío de Gui­tar­ras (Iri­arte-Pagés-Pesoa).

Le trio de gui­tares de Iri­arte, Pagés et Pesoa ne joue pas dans la même caté­gorie que D’Arienzo. C’est joli, pas pour la danse, un petit moment de sus­pen­sion.

La payan­ca 1946-10-21 — Rober­to Fir­po y su Nue­vo Cuar­te­to.

Pour revenir au tan­go de danse, après la ver­sion de D’Arienzo, cette ver­sion paraît frag­ile, notam­ment, car c’est un quar­tet­to et que donc il ne fait pas le poids face à la machine de D’Arienzo. On notera tout de même une très belle par­tie de ban­donéon. La tran­si­tion avec le trio de gui­tares a per­mis de lim­iter le choc entre les ver­sions.

La payan­ca 1949-04-06 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

On retrou­ve la grosse machine D’Arienzo, mais cette ver­sion est plus anec­do­tique. Cela peut pass­er en milon­ga, mais si je dois choisir entre la ver­sion de 1936 et 1949, je n’hésite pas une sec­onde.

La payan­ca 1952-10-01 — Enrique Mora y su Cuar­te­to Típi­co.

Encore un quar­tet­to qui passe après D’Arienzo. Si cette ver­sion n’est pas pour la danse, elle n’est pas désagréable à écouter, sans toute­fois provo­quer d’enthousiasme déli­rant… Le final est assez sym­pa.

La payan­ca 1954-11-10 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

Eh oui, encore D’Arienzo qui décidé­ment a appré­cié ce titre. Ce n’est assuré­ment pas un grand D’Arienzo. Je ne sais pas si c’est meilleur que la ver­sion de 49. Par cer­tains côtés, oui, mais par d’autres, non. Dans le doute, je m’abstiendrai de pro­pos­er l’une comme l’autre.

La payan­ca 1957-04-12 — Orques­ta Héc­tor Varela.

On est dans tout autre chose. Mais cela change sans être un titre de danse à ne pas oubli­er. On perd la dimen­sion énergique du gau­cho qui con­quiert sa belle avec son las­so pour plonger dans un roman­tisme plus appuyé. Cepen­dant, cette ver­sion n’est pas niaise, le ban­donéon dans la dernière vari­a­tion vaut à lui seul que l’on s’intéresse à ce titre.

La payan­ca 1958 — Los Mucha­chos de antes.

Avec la gui­tare et la flûte, cette petite com­po­si­tion peut don­ner une idée de ce qu’aurait pu être les ver­sions du début du vingtième siè­cle, si elles n’avaient pas été bridées par les capac­ités de l’enregistrement. On notera que cette ver­sion est la plus proche d’un rythme de milon­ga et qu’elle pour­rait rem­plir son office dans une milon­ga avec des danseurs intimidés par ce rythme.

La payan­ca 1959 — Miguel Vil­las­boas y su Quin­te­to Típi­co.

Les Uruguayens sont restés très fana­tiques du tan­go milon­ga. En voici une jolie preuve avec Miguel Vil­las­boas.

La payan­ca 1959-03-23 — Dona­to Rac­ciat­ti y sus Tangueros del 900.

Oui, ce tan­go inspire les Uruguayens. Rac­ciat­ti en donne égale­ment sa ver­sion la même année.

La payan­ga 1964 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Pas évi­dent de recon­naître notre thème du jour dans la ver­sion de Pugliese. C’est une ver­sion per­due pour les danseurs, mais qu’il con­vient d’apprécier sur un bon sys­tème sonore.

La payan­ca 1964-07-29 — Quin­te­to Pir­in­cho dir. Fran­cis­co Canaro.

De la même année que l’enregistrement de Pugliese, on mesure la diver­gence d’évolution entre Pugliese et Canaro. Cepen­dant, pour les danseurs, la ver­sion du Quin­te­to pir­in­cho, dirigé pour une des toutes dernières fois par Canaro sera la préférée des deux…

La payan­ca 1966-07-25 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

D’Arienzo se situe entre Pugliese et Canaro pour cet enreg­istrement qua­si­ment con­tem­po­rain, mais bien sûr bien plus proche de Canaro. Ce n’est pas vrai­ment un titre de danse, mais il y a des élé­ments intéres­sants. Défini­tive­ment, je l’avoue, je reste avec la ver­sion de 1936.

La payan­ga 1984 — Orques­ta Alber­to Nery con Quique Oje­da y Víc­tor Ren­da.

Alber­to Nery fut pianiste d’Edith Piaf en 1953. Ici, il nous pro­pose une des rares ver­sions chan­tées, avec les paroles de Jesús Fer­nán­dez Blan­co. Vous aurez donc les deux ver­sions à écouter. Hon­nête­ment, ce n’est pas beau­coup plus intéres­sant que l’enregistrement de Eduar­do Aro­las et Pan­cho Cuevas antérieur de près de 70 ans. On notera toute­fois le duo final qui relève un peu l’ensemble.

La payan­ca 2005 — Cuar­te­to Guardia Vie­ja.

Pour ter­min­er en fer­mant la boucle avec une ver­sion à la saveur début du vingtième siè­cle, je vous pro­pose une ver­sion par le Cuar­te­to Guardia Vie­ja.

À demain, les amis !

Mi cantar 1943-05-21 — Orquesta Miguel Caló con Jorge Ortiz

Héctor Stamponi (Luciano Héctor Stamponi) Letra: Homero Expósito (Homero Aldo Expósito)

On asso­cie sou­vent Raúl Berón à Miguel Caló et on n’a pas tort. Berón com­mence vrai­ment sa car­rière avec Caló et la ter­mine avec lui. Cepen­dant, il y a eu quelques sépa­ra­tions, notam­ment en 1943, date de notre tan­go du jour. Dans cet inter­valle s’est glis­sé le tal­entueux Jorge Ortiz, un ténor alors que Caló priv­ilé­giait des voix plus graves de bary­tons. Je vous pro­pose d’écouter Mi can­tar par l’intérimaire de tal­ent, Jorge Ortiz.

Extrait musical

Mi can­tar 1943-05-21 — Orques­ta Miguel Caló con Jorge Ortiz [Héc­tor Stam­poni (Luciano Héc­tor Stam­poni) Letra: Home­ro Expósi­to (Home­ro Aldo Expósi­to)].

Paroles

Mi can­tar
es un can­to de esper­an­za,
flor de yuyo, rabia mansa,
soledad.

Mi can­tar
lo robé de las estrel­las
en las horas de tris­teza
que tu adiós me dejó.
Calle­jón
de cari­cias y sonidos
que, lle­gan­do del olvi­do
dan moti­vo a mi can­ción.

Mi can­tar
es un can­to de esper­an­za,
es un gri­to de dolor.
Un ayer de per­fumes
y de flor,
y un adiós sin moti­vo,
y el ren­cor de esper­ar
y de esper­ar
escribió con olvi­do.

Mi can­tar
gra­cia ple­na del fra­ca­so,
con mi angus­tia, con tu aca­so,
con tu adiós.

Mi can­tar
cofre azul de lo imposi­ble,
noche siem­pre, noche hor­ri­ble,
noche así, como yo.
Corazón,
tú qué sabes de la angus­tia
de mi voz cansa­da y mus­tia,
no pre­tendas des­per­tar.

Mi can­tar
es la gra­cia del fra­ca­so,
es el no saber llo­rar.

Héc­tor Stam­poni (Luciano Héc­tor Stam­poni) Letra: Home­ro Expósi­to (Home­ro Aldo Expósi­to)

Traduction libre

Ma chan­son est une chan­son d’espoir, une fleur sauvage (fleur de mau­vaise herbe, voir Yuyo verde), une douce rage, une soli­tude.
J’ai volé mon chant aux étoiles dans les heures de tristesse que ton adieu m’a lais­sées.
Une ruelle de caress­es et de sons qui, venus de l’oubli,
don­nent rai­son à ma chan­son.
Ma chan­son est une chan­son d’espoir, c’est un cri de douleur.
Un hier de par­fums et de fleurs, et un adieu sans rai­son, et la rancœur de l’attente et de l’attente écrites dans l’oubli.
Mon chant de toute la grâce de l’échec, avec mon angoisse, avec tes hési­ta­tions, avec tes adieux.
Ma chan­son, cof­fre bleu de l’impossible, nuit de tou­jours, nuit hor­ri­ble, nuit ain­si, comme moi.
Mon cœur, toi qui con­nais l’angoisse de ma voix fatiguée et fanée (se dit aus­si d’une fleur), n’essaye pas de te réveiller.
Mon chant est la grâce de l’échec, celui de ne savoir pas pleur­er.

L’orchestre de Miguel Caló en 1943

Ce n’est pas pour rien que l’orchestre de Miguel Caló était appelé les Étoiles (Las Estrel­las). Il avait mon­té un orchestre excep­tion­nel. Presque chaque exé­cu­tant pour­rait faire l’objet d’une notice.
Ban­donéons : Domin­go Fed­eri­co, Arman­do Pon­tier, José Cam­bareri, Felipe Ric­cia­r­di
Piano : Osmar Mader­na
Vio­lons : Enrique Franci­ni, Aquiles Aguilar, Ari­ol Ghe­saghi, Angel Bodas
Con­tre­basse : Ariel Ped­ern­era
Chanteurs : Jorge Ortiz (ténor, celui de ce titre), Raúl Iri­arte et Alber­to Podestá (bary­tons). Sig­nalons aus­si pour mémoire Raúl Berón, un autre bary­ton qui est indis­so­cia­ble de l’orchestre de Miguel Caló. C’est qu’en 1943, Raúl Berón était avec l’orchestre de Lucio Demare. Il est retourné avec Caló seule­ment en 1944. Il y a donc un trou dans l’association avec Berón qui a duré de 1942 à 1963 (avec quelques trous, dont un grand en ce qui con­cerne les enreg­istrements entre 1950 et 1963…

Jorge Ortiz avec Miguel Caló

Curieuse­ment, ce titre est encore un orphe­lin. Per­son­ne n’a, sem­ble-t-il, eu l’idée de l’enregistrer à la suite de Caló et Ortiz.
Pour ter­min­er en musique, je vous pro­pose donc quelques exem­ples de tan­gos chan­tés par Jorge Ortiz avec l’orchestre de Calo :
La pre­mière ses­sion d’enregistrement, sur deux jours a don­né trois titres par­faits :

Bar­rio de tan­go 1943-01-19 — Orques­ta Miguel Caló con Jorge Ortiz (Aníbal Troi­lo Letra: Home­ro Manzi).
Pa’ qué seguir 1943-01-19 – Orques­ta Miguel Caló con Jorge Ortiz (Fran­cis­co Fiorenti­no Letra: Pedro Lloret).
A las siete en el café 1943-01-20 — Orques­ta Miguel Caló con Jorge Ortiz (Arman­do Baliot­ti Letra: San­ti­a­go Luis D. Adami­ni).

C’est une ver­sion bien plus intéres­sante que celle de Ángel D’agostino et Raúl Aldao, de la même année.
Cela com­mençait bien, non ?
Un mois plus tard, ils enreg­istrent :

Ya sale el tren 1943-02-25 — Orques­ta Miguel Caló con Jorge Ortiz (Luis Rubis­tein, Musique et paroles).

Une des plus impres­sion­nantes intro­duc­tions liées au monde fer­rovi­aire. Je vous laisse décou­vrir si vous ne con­nais­sez pas.

De bar­ro 1943-05-21 — Orques­ta Miguel Caló con Jorge Ortiz (Sebastián Piana Letra: Home­ro Manzi).

Pour moi, c’est un ovni, une soucoupe volante que l’on aura bien du mal à cas­er dans une tan­da de Caló.

Mi can­tar 1943-05-21 — Orques­ta Miguel Caló con Jorge Ortiz [Héc­tor Stam­poni (Luciano Héc­tor Stam­poni) Letra: Home­ro Expósi­to (Home­ro Aldo Expósi­to)].

C’est notre tan­go du jour. Il me ras­sure sur l’association de Caló et Ortiz.
Le dernier titre enreg­istré par ces deux-là, c’est une milon­ga can­dombe :

Pobre negra 1943-06-10 — Enrique Mario Franci­ni; Héc­tor Stam­poni [Héc­tor Luciano Stam­poni) Letra: Home­ro Expósi­to (Home­ro Aldo Expósi­to)]

Le DJ qui veut faire une tan­da Calo Ortiz a 6 titres au choix (la milon­ga est orphe­line). Si on con­sid­ère que De bar­ro est à terre, il reste 5 titres… Pour une tan­da de qua­tre, il faut en élim­in­er un et pour une tan­da de trois, deux. C’est une des raisons où je trou­ve que les tan­das de qua­tre sont plus intéres­santes, car elles per­me­t­tent de faire des par­cours plus sub­tils que des tan­das de trois. Mais c’est un autre débat. Voir mon arti­cle Tan­da 5–4‑3–2‑1.

Mi can­tar