Enrique Mario Francini Letra : Horacio Sanguinetti (Horacio Basterra)
Nous avons découvert, à l’occasion de Porteña lindaRosita, l’amour malheureux d’Horacio Sanguinetti. Dans ce tango interprété par Julio Sosa, Sanguinetti nous parle d’elle et de son amour. Sortez vos mouchoirs.
Rosita
Rosita, telle que la décrit Beba Pugliese était grande, blonde. Elle avait les cheveux coiffés en arrière et elle fumait. C’était le grand amour de Sanguineti. Malheureusement, celle-ci est partie avec un autre, mais on peut trouver son portrait en filigrane dans différentes compositions de Sanguinetti et notamment dans Princesa del fango. En effet, Rosita était une travailleuse de la nuit et elle était donc de la fange, la fange morale qui ternit les âmes.
Rosita, alias : Princesa del fango. Rosita, que j’imagine un peu à la Evita était une femme de la nuit, une princesse de la fange, une femme « moderne ».
Extrait musical
Partition pour piano de Princesa del fango avec en couverture, Francini et Pontier.Princesa del fango 1951-05-11 — Orquesta Francini-Pontier con Julio Sosa
L’orchestre et Julio Sosa sont au service de la nostalgie triste de Sanguinetti. Cette version qui est la seule enregistrée ne sera pas destinée à la danse, mais c’est une belle chanson, émotionnante.
Paroles
(recitado) Se alargan las graves cadencias de un tango, un místico soplo recorre el salón… Y rezan las tristes princesas del fango plegarias que se alzan desde un bandoneón.
Mi copa es tu copa, bebamos, amiga, el bello topacio del mágico alcohol. La sed que yo tengo me quema la vida, bebiendo descansa mi enorme dolor. Tu rubio cabello, tu piel de azucena, tu largo vestido de seda y de tul, me alegran los ojos, me borran las penas, me envuelven el alma en un sueño azul.
Princesa del fango, bailemos un tango… ¿No ves que estoy triste, que llora mi voz? Princesa del fango, hermosa y coqueta… yo soy un poeta que muere de amor.
Me siento esta noche más triste que nunca me ronda un oscuro fantasma de amor por eso es que quiero matar su recuerdo ahogando mi angustia, con tangos y alcohol. Yo sé que si miente tu boca pintada, esconde un amargo cansancio fatal. Tu alma y mi alma están amarradas lloramos el mismo dolor de arrabal.
Enrique Mario Francini Letra: Horacio Sanguinetti (Horacio Basterra)
Princesa del fango (traduction libre)
(Récitatif) Les cadences graves d’un tango s’allongent, un souffle mystique parcourt la pièce… Et les tristes princesses de la boue récitent des prières qui s’élèvent d’un bandonéon. Mon verre est ton verre, buvons, mon amie, la belle topaze de l’alcool magique. La soif que j’ai brûle ma vie, boire repose mon énorme douleur. Tes cheveux blonds, ta peau de lys, ta longue robe de soie et de tulle réjouissent mes yeux, effacent mes peines, enveloppent mon âme dans un rêve bleu. Princesse de la boue, dansons un tango… Ne vois-tu pas que je suis triste, que ma voix pleure ? Princesse de la boue, belle et coquette… Je suis un poète qui se meurt d’amour. Je me sens plus triste que jamais ce soir, un sombre fantôme d’amour me hante, c’est pourquoi je veux tuer son souvenir en noyant mon angoisse avec des tangos et de l’alcool. Je sais que si ta bouche peinte ment, elle cache une fatigue amère et fatale. Ton âme et la mienne sont liées. Nous pleurons la même douleur des faubourgs.
Autres versions
Ce titre n’a pas de frères, mais des cousins. La fange, el fango a inspiré plusieurs compositeurs, paroliers et orchestre. Voici donc un petit bain de boue…
Cuna de tango (Francisco Canaro Musique et paroles)
Cuna de fango 1952-08-11 — Orquesta Francisco Canaro con Alberto Arenas y Coro.
Un titre contemporain de notre tango du jour. Le thème de la fange était à la mode. Ici, c’est le berceau qui fait l’objet de cette chanson à caractère de milonga. Au début, Alberto Arenas, dans son récitatif initial, dit :
A este tango, flor de tango Quieren cambiarlo de rango, Pobre tango, flor de tango Mecido en cuna de fango.
De ce tango, fleur du tango Ils veulent changer le rang, Pauvre tango, fleur du tango Bercé dans le berceau de la fange.
Rango, Fango et Tango sont des rimes riches. Canaro, l’auteur, joue donc avec les mots. Avec cette déclaration liminaire, il affirme une position semblable à celle de Borges qui considère que le tango est affaire de bordel et qu’il aurait dû se cantonner à cet univers « viril »
Flor de tango (Augusto A. Gentile Letra: Pascual Contursi)
Peut-être le Flor de tango évoqué par Cuna de tango…
Flor de fango 1918 — Carlos Gardel con acomp. de José Ricardo (guitare).
On est à l’opposé de la milonga précédente. Carlos Gardel est dans le charme, ce qui avait l’effet d’énerver Borges. Ce sont deux visions opposées du tango qui s’affirment. Gardel et Borges, ennemis à vie. Rien de tango brutal et rugueux dans cette chanson du charmeur Gardel.
Flor de fango 1926-10-25 — Orquesta Típica Victor dir. Carabelli.
Une version vieille garde. Suffisamment marchante et énergique pour ne pas déplaire à Canaro (dont Carabelli n’est pas si loin dans cette version) et à Borges.
Flor de fango 1940-04-25 — Roberto Firpo y su Cuarteto Típico.
Roberto Firpo dans son style sautillant. Sûr que ça va éclabousser. Je ne sais pas comment a réagit Borges à cette version sympathique mais manquant tout de même un peu de charpente.
Flor de fango 1960-02-12 — Miguel Villasboas y su Quinteto Bravo del 900.
Et on continue à éclabousser avec Villasboas qui reprend le style sautillant de Firpo.
Hijo de fango (Francisco Pracánico ; C. Franzino Letra : Carlos Pesce)
Dans la famille Fango, après la fleur, je voudrais le fils.
Hijo del fango 1931-07-08 — Orquesta Típica Los Provincianos con Carlos Lafuente.
Le fils de la fange que chante Lafuente est empreint de tristesse et nostalgie. On est loin de la fleur sautillante de Firpo et Villasboas.
Flor de fango y flor de tango
Revenons pour terminer avec notre orchestre du jour. Francini-Pontier. Voici un titre qui a une lettre près aurait été de la même famille… Fango Tango, Triste flor de tango. La musique est du même Enrique Francini, mais cette fois les paroles sont de Carlos Bahr. Le chanteur n’est plus le Varon del Tango, Julio Sosa, mais le moins connu Pablo Moreno. Ce chanteur né en Italie et établi à Montevideo (Uruguay) était ami de Julio Sosa, ce qui est une autre raison pour que j’associe cet enregistrement à notre tango du jour.
Pablo Moreno, le baryton italo-uruguayen
Triste flor de tango 1953-09-22 — Orquesta Francini-Pontier con Pablo Moreno.
Lorsque Francini et Pontier quittèrent l’orchestre de Miguel Caló, ils formèrent cet orchestre pour exploiter leur style et leurs talents de violoniste (Francini) et bandonéoniste (Pontier). Leur style, comme on peut l’entendre ici, est nettement moins dansant que celui de Caló… Reste que la voix de baryton de Moreno est chaude et pleine et qu’il aurait peut-être fait des merveilles s’il avait eu une carrière plus soutenue et plus portègne. Pour moi sa version de Manos adoradas surpasse les versions de Roberto Rufino et celles de Caló et si la version de Pugliese avec Alberto Morán est peut-être supérieure, elle le doit aussi au génie de San Pugliese et à son rythme plus soutenu et enivrant pour la valse. Nous restons avec Francini, Montier et Moreno pour la valse Manos adoradas, histoire d’utiliser la force centrifuge pour éjecter toute la boue accumulée…
Manos adoradas 1952-12-10 — Orquesta Francini-Pontier con Pablo MorenoPrincesa del fango.
Certains tangos sont « interdits » dans les milongas. On ne passe pas Gardel et surtout pas Volver, mais il y a une liste plus longue, le tango du jour en ferait partie même s’il n’a jamais fait partie des tangos interdits par la loi argentine. Attention, cet article aura du mal à suivre ma devise selon laquelle le tango est une pensée heureuse qui se danse.
Extrait musical
Avant de rentrer sur les causes de l’interdiction, je vous le propose à écouter. Il est interdit dans les milongas, pas à l’écoute. Si vous jugez en lisant l’article que l’interdiction est justifiée, ou pas, vous pourrez voter à la fin de l’article.
Plegaria 1940-04-20 — Orquesta Osvaldo Fresedo con Ricardo Ruiz
On ne peut pas dire que ce soit vilain, non ?
Interdiction officielle du tango
Plusieurs causes ont provoqué des interdictions du ou des tangos.
Interdiction du tango pour des raisons de bienséance
Les débuts interlopes du tango ont provoqué sont interdiction, surtout à cause des paroles, des lieux et des débordements qu’il pouvait susciter. La bonne société voyait d’un mauvais œil cette danse de voyous qui naissait dans les faubourgs, mais ses fils s’y acoquinèrent. Le pouvoir religieux poussait des cris d’orfraie, jusqu’à ce que le danseur Casimiro Ain fasse une démonstration au pape. Le pape ayant donné sa bénédiction et le tango s’étant acheté une conduite en Europe, les interdictions sont levées et la bonne société se lance à son tour sans réserve dans la pratique de cette danse.
Tangos interdits par les dictatures militaires
Cependant, la dictature militaire a repris la question en main et publié une liste de tangos interdits, non pas à cause de la musique, bien sûr, mais à cause des paroles. Les extrêmes droites, sont rarement favorables à la culture et n’aiment pas trop les critiques. A mi país de Roberto Diaz et Reynaldo Martín Acquaforte de C. Marambio Catán et H. Alfredo Perroti Al mundo le falta un tornillo de Enrique Cadicamo Al pie de la Santa Cruz de M. Battistella et E. Delfino Bronca de Mario Battistella et Edmundo Rivero Caballo Criollo de J. Dalevuelta et F. Ramirez de Aguilar Cambalache de Enrique Santos Discépolo Ciruja de T.A. Marino etE.N. de la Cruz Gorriones de Celedonio Flores et Eduardo Pereyra Jornalero de Atilio Carbone Matufias de Ángel G. Villoldo Mentiras criollas de Oscar Arona Pajarito de Dante A. Linyera Pan de Celedonio Flores et Eduardo Pereyra Quevachaché de Enrique Santos Discépolo Sol a sol de Daniel L. Barreto Solo de Fernando Solanas Bien sûr, cette liste n’est plus d’actualité, du moins tant qu’un gouvernement ne juge pas de nouveau que ces paroles peuvent nuire à son prestige. Ceux qui suivent la situation en Argentine voient certainement ce qui avive mes craintes.
Tangos « interdits » sans « interdit ».
Les tangos de Gardel sont réputés comme ne devant pas se danser. L’interdit est le plus fort sur Volver et sur Adios amigos, à cause de la fin tragique du chanteur. Le DJ n’ira pas en prison, mais certains danseurs seront surpris. D’un autre côté, Gardel n’a pas performé pour la piste de danse, c’est donc un moindre mal. Cependant, on trouve plusieurs tangos réalisés par la suite avec la voix de Gardel sur des instrumentations modernes. Ces « prouesses » ont été rendu possibles par les progrès techniques qui permettaient de couper des bandes de fréquences. Le système est assez simple, ce sont des ensembles de résistances et condensateurs qui filtrent certaines fréquences. Des potentiomètres permettent d’ajuster les paramètres. Ainsi on peut renforcer la voix et baisser les fréquences où jouent les instruments. L’orchestre joue ensuite le morceau en appuyant suffisamment pour masquer les restes de guitare des enregistrements originaux…
Par exemple par Canaro, dans les années 50 (1955 à 1959),
Bandoneón arrabalero, Chora, Madame Ivonne, Madre hay una sola, Mi noche triste, Siga el corso, Yira Yira.
Yira… Yira… 1955-11-13 1930-10-16 — Carlos Gardel con acomp. de la orquesta de Francisco Canaro.
Par exemple De Angelis en 1973 et 1974
Alma en pena, Almagro, Ausencia, Cualquier cosa, Duelo criollo, Esta noche me emborracho, Giusepe el zapatero, Íntimas, La cumparsita (Si supieras), Malevaje, Me enamoré una vez (ranchera), Melodía de arrabal, adiós muchachos, Muñeca brava, Nelly (valse), Palermo, Rosas de abril (valse), Si soy así, Tomo y obligo, Viejo jardín (valse), Viejo smoking, Yira Yira.
Yira… Yira… 1973-10-25 1930-10-16 — Orquesta Alfredo De Angelis con Carlos Gardel. La version de Angelis à partir de Yira Yira…
Par exemple Otros Aires en 2004
Aquel muchacho bueno (extraits de Aquel Muchacho Triste par Carlos Gardel en 1929), En dirección a mi casa (extraits de El Carretero par Carlos Gardel en 1922), La Pampa Seca (extraits de El Carretero par Carlos Gardel en 1922), Milonga Sentimental (extraits de Milonga Sentimental par Carlos Gardel en 1929), Percanta (extraits de Mi Noche Triste par Carlos Gardel). Les résultats sont plutôt moyens et si on peut considérer que certains sont dansables, ce n’est pas une urgence de les passer. Pour ma part je n’ai passé des titres de cette liste qu’à une seule reprise en plus de 20 ans de carrière et c’était pour une milonga « spéciale Gardel » dans le cadre du festival Tango postal (Toulouse, France). Heureusement, le thème autorisait de passer des titres composés par Gardel, mais joués par d’autres orchestres…
Interdits par devoir de mémoire
Le tango du jour fait partie de cette catégorie. Il a été composé par Eduardo Bianco qui a également écrit les paroles. Ce tango, dans sa version de 1927 que vous pourrez entendre ci-dessous est triste et ne donne pas du tout envie de danser. On imagine facilement sa diffusion lors d’un enterrement. En 1939, l’auteur qui était associé à Bachicha pour la version de 1927, récidive. Cette version d’une grande émotion et tristesse ne se prête pas non plus à la danse. Il en est autrement de la version de Fresedo qui pourrait s’intégrer dans une tanda. Donc, les versions avec Bianco ne sont pas passables car elles ne se prêtent pas à la milonga, mais celle de Fresedo le pourrait. Alors pourquoi l’interdire ? Eduardo Bianco a dédicacé ce tango au Roi Alfonso XIII d’Espagne (et auparavant dédié Evocación à Benito Mussolini), mais le plus grave est à venir… Ce musicien etait considéré comme ayant des idées antisémites et comme étant sensible aux thèses fascistes. Il fréquentait les milieux pronazis. Pour les nazis allemand, le tango constituait une réponse aux Jazz des Noirs américains qui avait le vent en poupe. Ils ont donc encouragé le tango en Allemagne, comme en témoignent les nombreux tangos allemands de l’époque. Lors d’un concert à l’ambassade d’Argentine à Berlin, Adolf Hitler aurait entendu la musique jouée par Bianco et aurait demandé que cette musique soit jouée par les déportés juifs aux portes des chambres à gaz (Jens-Ingo a attiré mon attention sur le fait que ce point serait de la propagande russe, je mets donc en question ce point, d’autant plus que l’ambassadeur d’Argentine qui est cité dans ces sources, Eduardo Labougle Carranza, a quitté ses fonctions à Berlin an 1939 et donc avant la liste en place de la « solution finale ».
Toutefois, le poète roumain Paul Celan détenu en camp de concentration a évoqué cette horreur dans son poème Todesfuge. Selon Enzo Traverso, ce ne serait pas un témoignage direct, cette pratique n’étant pas forcément généralisée dans tous les camps et Celan n’aurait pas été dans le camp de Lublin — Majdanek, où selon l’Armée rouge ce « rituel » aurait été pratiqué. Si dans les camps la version n’était pas chantée, Aleksander Kulisiewicz a ajouté des paroles et a même enregistré un disque (Songs from the Depths of Hell). Je ne vous le propose pas ici, mais vous pouvez l’écouter sur le site de la Smithsonian et même l’acheter. S’il existe des « tangos de la muerte » (tango de la mort) qui portent réellement ce titre, on a également baptisé ainsi, pour son usage macabre, plegaria. Les SS l’avaient surnommé, « Muerte en fuga » « Todesfuge » (mort en fugue)… Pour cette raison, même s’il y a des doutes sur certains éléments de cette histoire, on ne passe généralement pas plegaria en milonga, même la belle version de Fresedo. Cependant, si un DJ la passe, soyez indulgents, pas comme cet individu qui attrapé une pauvre DJ débutante en la traitant de nazi tout en la secouant, car elle avait passé ce titre.
Addendum : Jens-Ingo a attiré mon attention sur un livre qui remettrait en question ces éléments. https://www.tangodanza.de/Books_Dirk-E-Dietz-Der-Todestango–1726.html?language=en “It still circles over the dancers, the ghost of the ‘death tango’ that the nefarious Eduardo Bianco once brought into the world to give the Nazis a fitting soundtrack for their atrocities. One of the dancers, historian and journalist Dirk E. Dietz, has now studied the phenomenon extensively. In his investigation, he concludes that the fairy tale of the ‘death tango’ is based on an act of deliberate communist propaganda toward the end of World War II. As interest in the tango grew, so did the spread of this legend. It is therefore far from being true, as Dietz proves in detail in his book. A strong book — and an important book for the tango.”.
Pour nous, DJ, même si cette histoire est fausse, il nous faut savoir que l’on peut heurter la sensibilité de certaines personnes et donc prendre les mesures nécessaires avant de passer un titre de ce type. (Fin de l’addendum).
Extrait musical (bis)
Plegaria 1940-04-20 — Orquesta Osvaldo Fresedo con Ricardo Ruiz
. Le rythme est tonique et la voix de Ricardo Ruiz est comme toujours magnifique. Si on ne prête pas attention aux paroles, on peut passer à côté de la tristesse du thème. Ce titre sans l’histoire fumeuse de Bianco pourrait passer en milonga, dans un moment d’émotion, par exemple en souvenir d’un disparu, lors d’un hommage.
Les paroles
Plegaria que llega a mi alma al son de lentas campanadas, plegaria que es consuelo y calma para las almas desamparadas. El órgano de la capilla embarga a todos de emoción mientras que un alma de rodillas ¡pide consuelo, pide perdón!
¡Ay de mí!… ¡Ay señor!… ¡Cuánta amargura y dolor! Cuando el sol se va ocultando una plegaria y se muere lentamente brota de mi alma cruza un alma doliente y elevo un rezo en el atardecer.
Murió la bella penitente, murió, y su alma arrepentida voló muy lejos de esta vida, se fue sin quejas, tímidamente, y di en que noche callada se oye un canto de dolor y su alma triste, perdónala, toda de blanco canta al amor!
Eduardo Bianco
Les paroles sont tristes et peuvent plomber l’ambiance de la milonga, mais rien de répréhensible dans leur contenu.
Prière qui vient à mon âme au son de lentes sonneries de cloches, prière qui est consolation et calme pour les âmes désemparées. L’orgue de la chapelle embarque tout le monde dans l’émotion tandis qu’une âme à genoux demande du réconfort, demande pardon !
Pauvre de moi ! … Oh Seigneur ! … Combien d’amertume et de douleur ! Lorsque le soleil va s’occulter Une prière et se meurt lentement Jaillit de mon âme croise une âme souffrante Et adresse une prière dans le soir.
Elle est morte la belle pénitente, elle est morte, et son âme repentante a volé très loin de cette vie. Elle est partie sans se plaindre, timidement, et fit que dans cette nuit silencieuse s’entend un chant de douleur. Et son âme triste, pardonnez-la, toute de blanc chante l’Amour !
Les parties en gras et italique sont chantées par le choeur. Le couplet en bleu n’est pas chanté par Ricardo Ruiz.
Autres versions
Plegaria 1927-04-22 — Orquesta Bianco-Bachicha con Juan Raggi y coro.
Pas question de passer cette version en milonga, à cause du personnage, mais aussi, car il est loin d’être agréable à écouter et à danser. Le bannir n’est pas du tout un problème. Je vous épargne leurs autres versions de 1928 et 1929.
Plegaria 1939-03-15 — Orquesta Eduardo Bianco con Mario Visconti.
Cette version commence par une cloche lugubre et un chœur chantant comme pour un requiem. Puis Mario Visconti, chante avec beaucoup d’émotion sa prière, en réponse avec le chœur et les instruments. Pour moi, c’est assez joli, mais suffisamment triste pour bannir cette version de toute milonga.
Plegaria 1940-04-20 — Orquesta Osvaldo Fresedo con Ricardo Ruiz. C’est le tango du jour.
Les prières (plegarias)
D’autres tangos portent ce titre. En voici quelques-uns. Il y en a d’autres, comme quoi l’initiative de Bianco n’est pas étonnante. C’est un thème qui se retrouve au moins jusqu’aux années 50.
La plegaria 1926-09-07 — Orquesta Julio De Caro. Ce tango (instrumental) a été composé par Emilio De Caro.Plegaria 1931-08-21 — Orquesta Juan Maglio “Pacho” (Eduardo Antonio De Maio avec des paroles d’Alfredo Allegretto).
Il y a même une prière en valse par Antonio Sureda avec des paroles de son frère Gerónimo Sureda. Je vous en propose deux versions. Les paroles sont une prière à la Vierge de Luján,
Plegaria 1933-07-19 — Orquesta Francisco Canaro con Ernesto Famá.
L’introduction est vraiment sinistre. On peut la passer si on n’est pas sous Prozac.
Plegaria 1933-07-22 — Orquesta Francisco Lomuto con Fernando Díaz.
Cette version assez proche (et enregistrée seulement trois jours plus tard) de celle de Canaro, sans l’introduction déprimante.
Sondage
Pensez-vous que cette version par Fresedo (pas celles de Bianco ou Bianco et Bachicha) pourrait être diffusée en milonga ?
Plegaria. Le fond de l’image représente des musiciens juifs jouant au camp de la mort de Janowska.
Vicente Spina Letra : Roberto Miró (Roberto Daniel Miró)
J’ai toujours adoréLoco turbión et me suis demandé pourquoi seulement Caló l’avait enregistré. C’est sans doute que cette version est parfaite. Je vous invite donc à savourer ce tango du jour, enregistré il y a 78 ans.
Loco turbión, dès le titre, on est en appétit. Loco, fou et turbión, averse violente, mais aussi choses emportées dans un « tourbillon ». Si on ne prête pas attention aux paroles, on peut imaginer le passage de l’averse. Au début, une marche, puis la montée de la tension, des mouvements contradictoires, comme le vent qui agite les arbres à l’approche de la tourmente. L’averse pourrait être le puissant duo d’Iriarte et Arrieta, puis le soleil réapparaît à la toute fin, jusqu’à la chute des deux dernières gouttes d’eau.
Extrait musical
Loco turbión 1946-03-15 — Orquesta Miguel Caló con Raúl Iriarte y Roberto Arrieta
L’exposition semble faire référence à un temps passé, comme quelqu’un qui se souvient. Le passage en mineur aux alentours de 0:30 et qui trouve son apogée dans le solo de violon à partir de 0:40. Roberto Arrieta commence à chanter à 1:00. À 1:30 Raúl Iriarte remplace Arrieta, puis à 1:37 ils chantent en duo, avec une émotion intense, qui se détend, puis Arrieta prend le relais, seul et ainsi de suite, jusqu’au final en duo jusqu’à la fin et les deux gouttes de pluie qui closent le tango. La musique semble effectuer des aller et retour, comme pour marquer les hésitations. Les instruments, puis les chanteurs semblent apporter leur pierre à la construction musicale, jusqu’à ce qu’ils se combinent dans le final en étant sur la « même longueur d’onde ». Les paroles confirment cette impression.
Les paroles
Les paroles renforcent l’idée de tourbillon, de dialogue, d’hésitation. Les chanteurs se répondent avant de s’accorder (à la quinte) et de développer un des magnifiques duos dont nous ravit le tango.
Tengo miedo de encontrarla Y de nuevo recordarla… Y achicar el corazón. Tengo miedo que en sus ojos, Al mirar estos despojos Yo adivine compasión. En mis días fue un dolor, En mis sueños, fue un rencor, Y en mi vida no hizo más que mal… Me tortura este recuerdo Que me acosa y me persigue En mis noches sin final.
En la fragua de espantos del sufrir, Ella puso entre brasas mi ilusión. Me ha enseñado a morir, Porque ya no es vivir, Escuchando en las sombras su reír. Y esa voz que me nombra sin cesar, Que me muerde en las noches con su mal, ¡Es un loco turbión!… Una garra brutal, Que me estruja el corazón.
Yo me hundo en la locura De un turbión, al recordarla Y quererla con pasión. Y el pensar en olvidarla, Es camino que conduce ¡A la desesperación! Es tormento sin final El fracaso de olvidar, ¡Y es plegaria que no escucha Dios! Es tortura interminable El recuerdo de sus ojos Y el arrullo de su voz.
Vicente Spina Letra : Roberto Miró (Roberto Daniel Miró)
Les parties chantées par Roberto Arrieta seul, sont en rouge. Celles qui sont chantées par Raúl Iriarte seul sont en bleu. Lorsque les deux chantent en duo, c’est en gras. Au final, ils reprennent en duo le refrain à partir de Y esa voz que me nombra sin cesar, qui était chanté par Iriarte seul la première fois. Le dernier couplet n’est pas chanté. C’est la partie où il souhaite l’oublier.
La météo du tango
Plusieurs tangos parlent d’averses soudaines et violentes, que ce soit de façon objective, comme el aguacero ou de façon figurée, comme Tormenta. El aguacero de Cátulo Castillo Letra : José González Castillo (Juan de León). Chaparrón 1946-08-26 (Milonga) Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto Echagüe, nous en reparlerons le 26 août à l’occasion de l’anniversaire de cet enregistrement. Lluvia au moins une quarantaine de tangos parlent de pluie (lluvia), toujours au sens propre ou figuré. Pour rester dans les aléas climatiques, le vent a aussi sa voix, par exemple dans les tangos suivants. Cuando bronca el temporal de Gerardo Hernán Matos Rodríguez Letra : Ernesto Marsili, que nous avons évoqué à propos de la version de Di Sarli de 1929. Tormenta d’Enrique Santos Discépolo, mais il y a d’autres tangos incluant tormenta (Antonio Bonavena, P. Montanelli, José De Cicco, José Luis Padula) qui parlent de tormenta, au réel comme au figuré. Huracán, une incroyable composition de Donato d’une puissance titanesque. Ventaval, plusieurs tangos de ce nom, comme Ventaval de Rodolfo Sciammarella par Mercedes Simone dans le film de 1939, qui se passe à Paris (le titre a pour fond d’écran, le Panthéon), mais qui est argentin, ou cruento vendaval de Miguel Martino et Jacinto Alí (MyL).
Les illustrations
Pour les illustrations, je suis parti de deux pistes. L’idée de tourbillon pour la première, tourbillon que m’évoque le mot turbión, et la musique qui semble circuler d’un côté à l’autre, rebondissant d’un instrument à l’autre, d’un chanteur à l’autre et l’idée de la femme perdue, inaccessible, qui s’en va. En résumé, n’arrivant pas à choisir, je vous propose les quatre images. N’hésitez pas à indiquer en commentaire celle qui vous plaît le plus, peut-être que je changerai la photo de couverture en fonction de vos avis.
L’image de couverture
Je souhaitais garder l’ambiguïté entre l’averse, le tourbillon et la belle. J’ai hésité entre deux styles, un abstrait à la Arcimboldo, ou les fleurs et nuages colorés remplacent les légumes et un autre, plus « orageux ». J’ai finalement opté pour la femme fleur tourbillonnante, mais comme j’aime bien les autres aussi, je vous présente le lot.
Cliquez sur les images pour les agrandir.
Tengo miedo de encontrarla y de nuevo recordarla.… J’ai peur de la rencontrer et d’à nouveau me souvenir d’elle.
L’image de fin
En général, je souhaite proposer une image d’un style différent pour l’image de fin. C’est donc la version orageuse qui clôture l’article, mais j’aime bien aussi celle de la belle qui s’évapore dans les nuées tourbillonnantes.
Es tortura interminable el recuerdo de sus ojos y el arrullo de su voz. C’est une torture interminable, le souvenir de ses yeux et le roucoulement de sa voix.
Le regard de la belle qui s’éloigne au milieu des éclairs, semblant tenir dans sa main la foudre, du coup de foudre qu’elle a volé avant de rejoindre l’Olympe. Elle est devenue inaccessible, divine et cruelle.
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