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Canaro 1935-06-18 Orquesta Francisco Canaro

José Martínez

On con­naît tous Fran­cis­co Canaro, le plus pro­lifique des enreg­istreurs de tan­go avec près de 4000 enreg­istrements sur disque, mais aus­si de la musique de film et des enreg­istrements à la radio. Même si son car­ac­tère était un peu fort, il a trou­vé des admi­ra­teurs qui lui ont dédié des tan­gos. On con­naît par­faite­ment «Canaro en Paris» de Ale­jan­dro Scarpino et Juan Cal­darel­la, mais peut-être un peu moins Canaro, juste Canaro de José Martínez. C’est notre tan­go du jour, nous allons pal­li­er cette éventuelle lacune.

José Martínez était un pianiste et com­pos­i­teur qui tra­vail­la avec Canaro à ses débuts. C’était au café Los loros (le loro est une sorte de per­ro­quet très com­mun à Buenos Aires. Il vit en lib­erté, mais aus­si en cage où il sert s’avertisseur en cas d’intrusion dans la mai­son). Canaro rem­plaça tem­po­raire­ment le vio­loniste Julio Doutry d’un trio qu’il for­mait avec Augus­to Berto (ban­donéon). Jusqu’au retour de Doutry, Canaro était donc avec Berto et Martínez.
Martínez res­ta avec cette for­ma­tion, une fois Canaro par­ti.
Ils se retrou­vent peu après dans un quatuor, « MartínezCanaro, au côté de Frese­do (ban­donéon). En 1915, Canaro forme son orchestre et Martínez en assure la par­tie de piano.
C’est prob­a­ble­ment durant cette péri­ode que Martínez écriv­it le tan­go Canaro, car ce dernier l’enregistra en 1915 avec son tout nou­v­el orchestre.
En 1917, Fir­po et Canaro col­la­boreront pour le car­naval de 1917. On voit sur l’affiche la présence de Martínez comme pianiste.

Orchestre Fir­po-Canaro, Teatro Colón de Rosario, Car­naval 1917.

En com­mençant en haut à gauche et dans le sens inverse des aigu­illes d’une mon­tre :

Osval­do Frese­do (Ban­donéon), Age­si­lao Fer­raz­zano (Vio­lon), Pedro Poli­to (Ban­donéon), Ale­jan­dro Michet­ti (Flûte), Julio Doutry (Vio­lon), Leopol­do Thomp­son (Con­tre­basse, Juan Car­los Bazan (Clar­inette, Juan D’Ambrogio “Bachicha” (Ban­donéon), Tito David Rocatagli­a­ta (Vio­lon), José Martínez (Piano). Au cen­tre, Rober­to Fir­po, Fran­cis­co Canaro et Eduar­do Aro­las (Ban­donéon).
C’était à Rosario au Teatro Colón de Rosario, inau­guré en 1904 et démoli en 1958…

Teatro Colón de Rosario, inau­guré en 1904 et démoli en 1958…

Extrait musical

Par­ti­tion de Canaro par José Martínez avec la dédi­cace à son estimé ami et auteur nation­al, Fran­cis­co Canaro.
Canaro 1935-06-18 Orques­ta Fran­cis­co Canaro
Par­ti­tion pour piano de Canaro par José Martínez.

Autres versions

Deux des enreg­istrements de Canaro par Canaro…À gauche une édi­tion espag­nole de 1918 de l’enregistrement de 1915 et à droite, l’édition por­tu­gaise de notre tan­go du jour, la ver­sion de Canaro de 1935…

Canaro et d’autres orchestres enreg­istreront le titre à d’autres moments. Nous allons voir cela.

Canaro 1915 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro.

C’est la pre­mière ver­sion datant de l’époque de la com­po­si­tion. L’air assez vif et joyeux. La flûte est très présente. Bien sûr, l’enregistrement acous­tique et la cou­tume de jouer chaque fois la musique sans réelles vari­a­tions, peut ren­dre le résul­tat monot­o­ne. Cepen­dant, le sec­ond thème est assez joli.

Canaro 1927-07-29 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro.

Canaro enreg­istre à nou­veau son titre avec la nou­velle tech­nolo­gie de l’enregistrement élec­trique. Canaro un rythme, beau­coup plus lent et bien pesant. En 12 ans, il a pris de l’assurance et du poids.

Canaro 1935-06-18 Orques­ta Fran­cis­co Canaro. C’est notre tan­go du jour.

Le rythme est un peu plus rapi­de que dans la ver­sion de 1927, sans attein­dre la vitesse de 1905. Cela suf­fit tout de même pour ren­dre le thème plus joyeux. Les instru­men­tistes sont excel­lents comme peut l’indiquer la liste des artistes qui ont par­ticipé sur la péri­ode :
Fed­eri­co Scor­ti­cati, Angel Ramos, Ciri­a­co Ortiz, Hora­cio Goli­no, Juan Canaro et Ernesto Di Cic­co (ban­donéon­istes) Luis Ric­car­di (pianiste) Cayetano Puglisi, Mauri­cio Mise, Bernar­do Stal­man, Samuel Reznik et Juan Ríos (vio­lonistes) et Olin­do Sini­bal­di (con­tre­bassiste).

Canaro 1941-07-14 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

Un petit clin d’œil à son con­cur­rent. Une ver­sion bien dans l’esprit de D’Arienzo, bien ryth­mée, avec des petites facéties joueuses. Une danse qui devrait plaire à beau­coup de danseurs.

Canaro 1952-10-08 — Quin­te­to Pir­in­cho dir. Fran­cis­co Canaro.

On reste dans le reg­istre joueur, nou­veau pour Canaro. Pour les mêmes raisons que la ver­sion de D’Arienzo, celle-ci devrait plaire aux danseurs.

Juan et Mario avec leur Sex­te­to Juan y Mario Canaro ont égale­ment enreg­istré le titre en 1953. Ce sont aus­si des Canaro après tout. Je ne peux pas vous faire écouter, n’ayant pas le disque avec moi au moment où j’écris et ne l’ayant pas numérisé, mais je m’en occupe en ren­trant à Buenos Aires. Je vous en atten­dant un extrait tiré de l’excellent site de référence, tango-dj.at. Non seule­ment il est très com­plet, mais en plus, quand il y a une impré­ci­sion, il accepte très volon­tiers les remar­ques et en tient compte, ce qui n’est pas le cas d’autres sites plus grand pub­lic qui dis­ent qu’on a tort et qui cor­ri­gent en cati­mi­ni…

Canaro 1953 — Sex­te­to Juan y Mario Canaro (EXTRAIT).

Un extrait, donc de la base de don­nées de Tango-dj.at.

Canaro 1953 — Sex­te­to Ciri­a­co Ortiz.

Après avoir par­ticipé à la ver­sion de 1935 dans l’orchestre de Canaro, Ciri­a­co Ortiz, donne une ver­sion très per­son­nelle.

Canaro 1956-02-29 — Orques­ta Florindo Sas­sone.

Comme sou­vent chez Sas­sone, la recherche de « joliesse » laisse peu de place à la danse. On notera l’utilisation de la harpe et du vibra­phone.

Canaro 1958 — Los Mucha­chos de Antes.

Avec leur flûte et la gui­tare et la gui­tare, les Mucha­chos de Antes, essayent de faire revivre le tan­go du début du vingtième siè­cle. Ce n’est pas du tout vilain et même sym­pa­thique. Peut-être pour une des­pe­di­da déli­rante avec des danseurs prêts à tout.

Canaro 1962 — Orques­ta Rodol­fo Bia­gi.

En 1962, Bia­gi n’est plus que l’ombre de lui-même. Je cite cette ver­sion pour mémoire, mais elle n’apportera pas grand-chose, plusieurs la sur­passent large­ment.

Canaro 1968 — Mar­i­ano Mores.

Mar­i­ano Mores qui est un rigo­lo, nous pro­pose une ver­sion très dif­férente de toutes les autres. Je ne dis pas que c’est pour les danseurs, mais ça peut aider à déclencher des sourires, lors d’un moment d’écoute.

Voilà, les amis. Je ne vous par­le pas aujourd’hui de Canaro à Paris, que Canaro a sou­vent gravé dans les mêmes péri­odes que Canaro. Mais promis, à la pre­mière occa­sion, je le met­trai sur la sel­l­ette, d’autant plus qu’il y a beau­coup à dire.

La payanca 1936-06-09 — Orquesta Juan D’Arienzo

Augusto Pedro Berto Letra: Juan Andrés Caruso (V1) — Jesús Fernández Blanco (V2)

La payan­ca par D’Arienzo dans la ver­sion de 1936 est un des très gros suc­cès des milon­gas. Peut-être vous-êtes-vous demandé d’où venait le nom de ce tan­go ? Si ce n’est pas le cas, lais­sez-moi vous l’indiquer t vous faire décou­vrir une ving­taine de ver­sions et vous présen­ter quelques détails sur ce titre.

Extrait musical

Par­ti­tion pour piano de la Payan­ca. Cou­ver­ture orig­i­nale à gauche et Par­ti­tion de piano à droite avec les paroles de Jesús Fer­nán­dez Blan­co (les plus récentes).
La payan­ca 1936-06-09 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

C’est un des pre­miers enreg­istrements où Bia­gi se lâche. Le con­tre­bassiste, Rodol­fo Duclós mar­que un rythme à la « Yum­ba » qui devien­dra une car­ac­téris­tique de Pugliese. Les vio­lons de Alfre­do Mazzeo, León Zibaico, Domin­go Man­cu­so et Fran­cis­co Manci­ni font des mer­veilles. Une ver­sion énergique, eupho­risante, sans doute la toute pre­mière à utilis­er pour faire plaisir aux danseurs.
On remar­que qu’il est indiqué « Sobre motivos pop­u­lares ». En effet, on recon­naî­tra des thèmes tra­di­tion­nels, notam­ment de gato (une sorte de chacar­era), mais mod­i­fié en tan­go.
On remar­quera égale­ment qu’il est indiqué « Tan­go Milon­ga », ce qui sig­ni­fie que c’est un tan­go pour danser. Cepen­dant, nous ver­rons que ce thème a égale­ment été bas­culé franche­ment du côté de la milon­ga pure et dure dans d’autres enreg­istrements.

Trois ver­sions de cou­ver­ture de la par­ti­tion. À gauche, la plus anci­enne, sans auteur de paroles. Au cen­tre, avec les paroles de Caru­so et à droite, avec les paroles de Blan­co.

Origine du titre

Dans son livre, Así nacieron los tan­gos, Fran­cis­co Gar­cía Jiménez, racon­te que le tan­go est né lors d’une fête à la cam­pagne en l’honneur d’une per­son­nal­ité locale qui venait d’être élue tri­om­phale­ment, des musi­ciens avaient joué des airs de l’intérieur, dont un gato (sorte de charar­era) duquel il restait : “Laraira lar­alaila; laira laraira…”. Il est impos­si­ble de retrou­ver le gato à par­tir de cette sim­ple indi­ca­tion, car laraira… c’est comme tralala. C’est ce que chantent les payadors quand ils cherchent leurs mots (ils chan­taient en inven­tant les paroles à la volée). Cer­tains textes de ces musiques ont été fixés et écrits par la suite et nom­bre d’entre eux com­por­tent Laraira lar­alaila; laira laraira ou équiv­a­lent :

  • La,lara,laira,laira,la dans Pago viejo (chacar­era, mais le rythme est proche du gato),
  • Lara lara laira larai ñarai lá dans Corazón ale­gre (bailecito)
  • Trala lará lar­ala lará lar­ala lará lará dans El pala pala (danse, dan­za)
  • Lará, larará, laraira, Lará, larará, laraira, dans Cabeza col­ora­da
  • La ra lara la ra la la ra la ra la ra la dans La San­lorenci­na (Cuen­ca)
  • La lalara la la la la la la La la lara la la la la la la La la lara la la lara la la dans Dios a la una (chan­son).
  • Tra lara lara lara tra lara lero dans Que se ven­gan los chicos (Bailecito)
  • La lara la la la la La lara la la la la dans La charar­era del adios (chacar­era)
  • Lar­ala lar­ala lara lara lara lara lara dans Amiga­zo pa’ sufrir (huel­la)
  • La lara lara larará… lara lara larará… lara lara larará… dans Can­tar de coya (Car­naval­i­to)
  • Lara lara lara lara dans Muchacha de mayo (Chan­son).

Je n’ai pas trou­vé de gato avec l’indication, mais il est fort prob­a­ble que Berto ait enten­du une impro­vi­sa­tion, le lara lara étant une façon de meubler quand les paroles ne vien­nent pas.
Donc Berto a enten­du ce gato ou gato polquea­do et il eut l’idée de l’adapter en tan­go. Lui à la gui­tare et Durand à la flûte l’ont adap­té et joué. Ce titre a tout de suite été un suc­cès et comme sou­vent à l’époque, il est resté sans être édité pen­dant onze années. Comme la plu­part des orchestres jouaient le titre, il était très con­nu et les danseurs et divers paroliers lui ont don­né des paroles, plus ou moins recom­mand­ables. N’oublions pas où évolu­ait le tan­go à cette époque.
Deux de ces paroles nous sont par­v­enues, celles de Caru­so et celles de Blan­co. Les sec­on­des sont plus osées et cor­re­spon­dent assez bien à cet univers.
Il reste à pré­cis­er pourquoi il s’appelle payan­ca. Selon Jiménez, Berto aurait dit tout de go que ce tan­go s’appelait ain­si quand il fut som­mé de don­ner un titre. Il sem­blerait que Berto ait don­né sa pro­pre ver­sion de l’histoire, en affir­mant que le titre serait venu en voy­ant des gamins jouer avec un las­so à attrap­er des poules. Un adulte leur aurait crié “¡Pialala de payan­ca!”, c’est-à-dire tire la avec un mou­ve­ment de payan­ca. Il indi­quait ain­si la meilleure façon d’attraper la poule avec le las­so.
L’idée du las­so me sem­ble assez bonne dans la mesure où les trois par­ti­tions qui nous sont par­v­enues illus­trent ce thème.
Voici une vidéo qui mon­tre la tech­nique de la Payan­ca qui est une forme par­ti­c­ulière de lancer du las­so pour attrap­er un ani­mal qui court en le faisant choir.

Dans cette vidéo, on voit un pial (lance­ment du las­so) pour attrap­er un bovidé à l’aide de la tech­nique « Payan­ca ». Elle con­siste à lancer le las­so (sans le faire tourn­er) de façon à entraver les antérieurs de l’animal pour le déséquili­br­er et le faire tomber. Âmes sen­si­bles s’abstenir, mais c’est la vie du gau­cho. Ici, un joli coup par le gau­cho Mil­ton Mar­i­ano Pino.

Pour être moins incom­plet, je pour­rai pré­cis­er que la payan­ca ou payana ou payan­ga ou payaya est un jeu qui se joue avec cinq pier­res et qui est très proches au jeu des osse­lets. L’idée de ramass­er les pier­res en quechua se dit pal­lay, ce qui sig­ni­fie col­lec­tion­ner, ramass­er du sol. Que ce soit attrap­er au las­so ou ramass­er, le titre joue sur l’analogie et dans les deux cas, le principe est de cap­tur­er la belle, comme en témoignent les paroles.

Paroles de Juan Andrés Caruso

¡Ay!, una payan­ca io
quiero arro­jar
para enlazar
tu corazón
¡Qué va cha che!
¡Qué va cha che !
Esa payan­ca será
cert­era
y ha de apris­onar
todo tu amor
¡Qué va cha che !
¡Qué va cha che !
Por que yo quiero ten­er
todo entero tu quer­er.

Mira que mi car­iño es un tesoro.
Mira que mi car­iño es un tesoro.
Y que pior que un niño po’ ella « yoro »…
Y que pior que un niño po’ ella « yoro »…

Payan­ca de mi vida, ay, io te imploro.
Payan­ca de mi vida, ay, io te imploro,
que enlaces para siem­pre a la que adoro…
que enlaces para siem­pre a la que adoro…
Augus­to Pedro Berto Letra: Juan Andrés Caru­so

Augus­to Pedro Berto Letra: Juan Andrés Caru­so

Traduction libre des paroles de Juan Andrés Caruso

Yeh ! une payan­ca (payan­ca attrap­er au las­so). Moi, (Io pour yo = je), je veux lancer pour enlac­er (enlac­er du las­so…) ton cœur.
Que vas-tu faire ! (¿Qué va cha ché ? ou Qué vachaché Est aus­si un tan­go écrit par Enrique San­tos Dis­cépo­lo)
Que vas-tu faire !
Cette payan­ca sera par­faite et empris­on­nera tout ton amour.
Que vas-tu faire ?
Que vas-tu faire ?
Parce que je veux avoir tout ton amour.

Regarde, mon affec­tion est un tré­sor.
Regarde, mon affec­tion est un tré­sor.
Et quoi de pire qu’un enfant qui pleure pour elle…
Et quoi de pire qu’un enfant qui pleure pour elle…

Payan­ca de ma vie, oui, je t’en sup­plie (il par­le à son coup de las­so pour attrap­er le cœur de sa belle).
Payan­ca de ma vie, oui, je t’en sup­plie,
que tu enlaces pour tou­jours celle que j’adore…
que tu enlaces pour tou­jours celle que j’adore…
La métaphore rurale et gauch­esque est poussée à son extrémité. Il com­pare la cap­ture du cœur de sa belle à une passe de las­so. Dans le genre galant, c’est moyen, mais cela rap­pelle que la vie du gau­cho est une source d’inspiration pour le tan­go et en cela, je ne partage pas l’avis de Jorges Luis Borges pour quoi le tan­go est unique­ment urbain et vio­lent.

Paroles de Jesús Fernández Blanco

Con mi payan­ca de amor,
siem­pre mimao por la mujer,
pude enlazar su corazón…
¡Su corazón !
Mil bocas como una flor
de juven­tud, supe besar,
has­ta saciar mi sed de amor…
¡Mi sed de amor !

Ningu­na pudo escuchar
los tri­nos de mi can­ción,
sin ofre­cerse a brindar
sus besos por mi pasión…
¡Ay, quién pudiera volver
a ser moc­i­to y can­tar,
y en bra­zos de la mujer
la vida feliz pasar !

Payan­ca, payan­qui­ta
de mis amores,
mi vida la llenaste
de res­p­lan­dores…
¡Payan­ca, payan­qui­ta
ya te he per­di­do
y sólo tu recuer­do
fiel me ha segui­do!

Con mi payan­ca logré
a la mujer que me gustó,
y del rival siem­pre tri­un­fé.
¡Siem­pre tri­un­fé!
El fuego del corazón
en mi can­tar supe pon­er,
por eso fui rey del amor…
¡Rey del amor!

Jesús Fer­nán­dez Blan­co

Traduction, libre des paroles de Jesús Fernández Blanco

Avec ma payan­ca d’amour (je ne sais pas quoi en penser, admet­tons que c’est son coup de las­so, mais il peut s’agir d’un autre attrib­ut du galant), tou­jours choyée par les femmes, j’ai pu enlac­er ton cœur…
Ton cœur !
Mille bouch­es comme une fleur de jou­vence, j’ai su embrass­er, jusqu’à étanch­er ma soif d’amour…
Ma soif d’amour !

Aucune ne pou­vait enten­dre les trilles de ma chan­son, sans offrir ses bais­ers à ma pas­sion…
Yeh, qui pour­rait rede­venir un petit garçon et chanter, et pass­er dans les bras de la femme, la vie heureuse !

Payan­ca, payan­qui­ta de mes amours (Payan­ca, petite payan­ca, on ne sait tou­jours pas ce que c’est…), tu as rem­pli ma vie de bril­lances…
Payan­ca, payan­qui­ta Je t’ai déjà per­due et seul ton sou­venir fidèle m’a suivi !

Avec ma payan­ca, j’ai eu la femme que j’aimais, et du rival, j’ai tou­jours tri­om­phé.
J’ai tou­jours tri­om­phé !
J’ai su met­tre le feu du cœur dans ma chan­son (la payan­ca pour­rait être sa chan­son, sa façon de chanter), c’est pourquoi j’étais le roi de l’amour…
Le roi de l’amour !

Autres versions

La payan­ca 1917-05-15 — Orq. Eduar­do Aro­las con Pan­cho Cuevas (Fran­cis­co Nicolás Bian­co).

Prob­a­ble­ment la plus anci­enne ver­sion enreg­istrée qui nous soit par­v­enue. Il y a un petit doute avec la ver­sion de Celesti­no Fer­rer, mais cela ne change pas grand-chose. Pan­cho Cue­va à la gui­tare et au chant et le tigre du Ban­donéon (Eduar­do Aro­las) avec son instru­ment favori. On notera que si le tan­go fut com­posé vers 1906, sans paroles, il en avait en 1917, celles de Juan Andrés Caru­so.

La payan­ca 1918-03-25 (ou 1917-03-12) — Orques­ta Típi­ca Fer­rer (Orques­ta Típi­ca Argenti­na Celesti­no).

Le plus ancien enreg­istrement ou le sec­ond, car il y a en fait deux dates, 1917-03-12 et 1918-03-25. Je pense cepen­dant que cette sec­onde date cor­re­spond à l’édition réal­isée à New York ou Cam­dem, New Jer­sey. On remar­quera que l’orchestre com­porte une gui­tare, celle de Celesti­no Fer­rer qui est aus­si le chef d’orchestre, une flûte, jouée par E. San­ter­amo et un accordéon par Car­los Güeri­no Fil­ipot­to. Deux vio­lons com­plè­tent l’orchestre, Gary Bus­to et L. San Martín. Le piano est tenu par une femme, Car­la Fer­rara. C’est une ver­sion pure­ment instru­men­tale. Après avoir été un des pio­nniers du tan­go en France, Celesti­no Fer­rer s’est ren­du aux USA où il a enreg­istré de nom­breux titres, dont celui-ci.

La payan­ca 1926-12-13 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor, direc­tion Adol­fo Cara­bel­li.

Une ver­sion un peu plus mod­erne qui béné­fi­cie de l’enregistrement élec­trique. Mais on peut mieux faire, comme on va le voir bien­tôt.

La payan­ca 1936-06-09 — Orques­ta Juan D’Arienzo. C’est notre tan­go du jour.

J’ai déjà dit tout le bien que je pen­sais de cette ver­sion, à mon avis, insur­passée, y com­pris par D’Arienzo lui-même…

Trío de Gui­tar­ras (Iri­arte-Pagés-Pesoa).

Le trio de gui­tares de Iri­arte, Pagés et Pesoa ne joue pas dans la même caté­gorie que D’Arienzo. C’est joli, pas pour la danse, un petit moment de sus­pen­sion.

La payan­ca 1946-10-21 — Rober­to Fir­po y su Nue­vo Cuar­te­to.

Pour revenir au tan­go de danse, après la ver­sion de D’Arienzo, cette ver­sion paraît frag­ile, notam­ment, car c’est un quar­tet­to et que donc il ne fait pas le poids face à la machine de D’Arienzo. On notera tout de même une très belle par­tie de ban­donéon. La tran­si­tion avec le trio de gui­tares a per­mis de lim­iter le choc entre les ver­sions.

La payan­ca 1949-04-06 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

On retrou­ve la grosse machine D’Arienzo, mais cette ver­sion est plus anec­do­tique. Cela peut pass­er en milon­ga, mais si je dois choisir entre la ver­sion de 1936 et 1949, je n’hésite pas une sec­onde.

La payan­ca 1952-10-01 — Enrique Mora y su Cuar­te­to Típi­co.

Encore un quar­tet­to qui passe après D’Arienzo. Si cette ver­sion n’est pas pour la danse, elle n’est pas désagréable à écouter, sans toute­fois provo­quer d’enthousiasme déli­rant… Le final est assez sym­pa.

La payan­ca 1954-11-10 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

Eh oui, encore D’Arienzo qui décidé­ment a appré­cié ce titre. Ce n’est assuré­ment pas un grand D’Arienzo. Je ne sais pas si c’est meilleur que la ver­sion de 49. Par cer­tains côtés, oui, mais par d’autres, non. Dans le doute, je m’abstiendrai de pro­pos­er l’une comme l’autre.

La payan­ca 1957-04-12 — Orques­ta Héc­tor Varela.

On est dans tout autre chose. Mais cela change sans être un titre de danse à ne pas oubli­er. On perd la dimen­sion énergique du gau­cho qui con­quiert sa belle avec son las­so pour plonger dans un roman­tisme plus appuyé. Cepen­dant, cette ver­sion n’est pas niaise, le ban­donéon dans la dernière vari­a­tion vaut à lui seul que l’on s’intéresse à ce titre.

La payan­ca 1958 — Los Mucha­chos de antes.

Avec la gui­tare et la flûte, cette petite com­po­si­tion peut don­ner une idée de ce qu’aurait pu être les ver­sions du début du vingtième siè­cle, si elles n’avaient pas été bridées par les capac­ités de l’enregistrement. On notera que cette ver­sion est la plus proche d’un rythme de milon­ga et qu’elle pour­rait rem­plir son office dans une milon­ga avec des danseurs intimidés par ce rythme.

La payan­ca 1959 — Miguel Vil­las­boas y su Quin­te­to Típi­co.

Les Uruguayens sont restés très fana­tiques du tan­go milon­ga. En voici une jolie preuve avec Miguel Vil­las­boas.

La payan­ca 1959-03-23 — Dona­to Rac­ciat­ti y sus Tangueros del 900.

Oui, ce tan­go inspire les Uruguayens. Rac­ciat­ti en donne égale­ment sa ver­sion la même année.

La payan­ga 1964 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Pas évi­dent de recon­naître notre thème du jour dans la ver­sion de Pugliese. C’est une ver­sion per­due pour les danseurs, mais qu’il con­vient d’apprécier sur un bon sys­tème sonore.

La payan­ca 1964-07-29 — Quin­te­to Pir­in­cho dir. Fran­cis­co Canaro.

De la même année que l’enregistrement de Pugliese, on mesure la diver­gence d’évolution entre Pugliese et Canaro. Cepen­dant, pour les danseurs, la ver­sion du Quin­te­to pir­in­cho, dirigé pour une des toutes dernières fois par Canaro sera la préférée des deux…

La payan­ca 1966-07-25 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

D’Arienzo se situe entre Pugliese et Canaro pour cet enreg­istrement qua­si­ment con­tem­po­rain, mais bien sûr bien plus proche de Canaro. Ce n’est pas vrai­ment un titre de danse, mais il y a des élé­ments intéres­sants. Défini­tive­ment, je l’avoue, je reste avec la ver­sion de 1936.

La payan­ga 1984 — Orques­ta Alber­to Nery con Quique Oje­da y Víc­tor Ren­da.

Alber­to Nery fut pianiste d’Edith Piaf en 1953. Ici, il nous pro­pose une des rares ver­sions chan­tées, avec les paroles de Jesús Fer­nán­dez Blan­co. Vous aurez donc les deux ver­sions à écouter. Hon­nête­ment, ce n’est pas beau­coup plus intéres­sant que l’enregistrement de Eduar­do Aro­las et Pan­cho Cuevas antérieur de près de 70 ans. On notera toute­fois le duo final qui relève un peu l’ensemble.

La payan­ca 2005 — Cuar­te­to Guardia Vie­ja.

Pour ter­min­er en fer­mant la boucle avec une ver­sion à la saveur début du vingtième siè­cle, je vous pro­pose une ver­sion par le Cuar­te­to Guardia Vie­ja.

À demain, les amis !