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Fantasma 1939-12-28 — Orquesta Roberto Firpo con Alberto Diale

Mario Maurano Letra: José Roberto De Prisco

En Ital­ie, il y a une dizaine d’années, il y a eu un intérêt mar­qué pour notre tan­go du jour, Fan­tas­ma (fan­tôme) par Rober­to Fir­po. Comme vous allez l’entendre, cette œuvre mérite en effet l’écoute par son orig­i­nal­ité. Mais atten­tion, il y a fan­tôme et fan­tôme et un fan­tôme peut en cacher un autre.

Extrait musical

Fan­tas­ma 1939-12-28 — Orques­ta Rober­to Fir­po con Alber­to Diale.

Dès les pre­mières notes, mal­gré le mode mineur employé, on note l’énergie dans la musique.
On peut donc s’imaginer que l’on par­le d’un fan­tôme au sens de per­son­ne van­i­teuse et pré­somptueuse, d’un fan­faron.
Écoutez donc le début avec cette idée. La par­tie A est tonique, en stac­ca­to. J’imagine tout à fait un fan­faron gam­bad­er dans les rues de Buenos Aires. À 28″ com­mence la par­tie B qui dévoile régulière­ment un mode majeur, le fan­faron épanoui sem­ble se réjouir, prof­iter de sa suff­i­sance.
Lorsque la par­tie A revient, elle est jouée en lega­to mais tou­jours avec le rythme pres­sant et bien mar­qué qui pousse à danser de façon tonique. On notera la vir­tu­osité de Juan Cam­bareri, le mage du ban­donéon qui réalise un solo épous­tou­flant.

Les musi­ciens du cuar­te­to “Los de Antes” de Rober­to Fir­po. De gauche à droite, Juan Cam­bareri (ban­donéon), Fer­nan­do Por­cel­li (con­tre­basse), Rober­to Fir­po (piano) et José Fer­nán­dez (vio­lon).

Le ténor, Alber­to Diale, inter­vient à 1:25 pour une inter­ven­tion de moins de 30 sec­on­des, ce qui n’est pas gênant, car il me sem­ble qu’il n’apporte pas une plus-val­ue extra­or­di­naire à l’interprétation. Cepen­dant, comme il énonce les paroles écrites par José Rober­to De Prisco, on est bien obligé de com­pren­dre que l’on ne par­le plus d’un fan­faron, même si la dernière par­tie avec ses envolées ven­teuses peut faire penser à une bau­druche qui se dégon­fle.
Avec le sens des paroles, on peut imag­in­er que ce sont les fan­tômes que l’on chas­se avec son allé­gresse, allé­gresse exprimée par les pas­sages en mode majeur qui s’intercalent entre les pas­sages en mode mineur.
Je suis sûr que vous imag­inez les fan­tômes qui volè­tent dans tous les sens à l’écoute de la dernière par­tie. On se sou­vient que Fir­po a écrit plusieurs titres avec des sons réal­istes, comme El amanecer et ses oiseaux mer­veilleux, El rápi­do (le train rapi­de), Fue­gos arti­fi­ciales (feu d’artifice) ou La car­ca­ja­da (l’éclat de rire). Cette com­po­si­tion l’a donc cer­taine­ment intéressé pour la pos­si­bil­ité d’imiter les fan­tômes volants. N’oublions pas que les musi­ciens avant les années 30 inter­ve­naient beau­coup pour faire la musique dans les ciné­mas, les films étant muets, ils étaient vir­tu­os­es pour faire les bruitages.

Paroles de Fantasma de Mario Maurano et José Roberto De Prisco

Y si al verme, tú lo vieras,
Que te muerde la con­cien­cia,
No los temas.
Los fan­tas­mas de tu pena están en ti.

Yo soy vida, vida entera.
Que can­tan­do su ale­gría,
Va sigu­ien­do su camino,
De ven­turas. Que no dejan,
Que se acerquen los fan­tas­mas ter­ro­rosos de otro ayer.
Mario Mau­ra­no Letra: José Rober­to De Prisco

Traduction libre de Fantasma de Mario Maurano et José Roberto De Prisco

Et si, quand tu me vois, tu le voy­ais qui te mord la con­science, ne les crains pas, les fan­tômes de ton cha­grin sont en toi.
Je suis une vie, une vie entière.
Que chan­tant sa joie, il pour­suit son chemin d’aven­tures. Qu’ils ne lais­sent pas s’approcher les fan­tômes ter­ri­fi­ants d’un autre hier.

Mario Maurano et José Roberto De Prisco

Quelques mots sur les auteurs, qui sont peu, voire très peu con­nus.

Mario Maurano (1905 à Rio de Janeiro, Brésil ‑1974)

Mario Mau­ra­no était pianiste, arrangeur, directeur d’orchestre et com­pos­i­teur.

Il sem­ble abon­né aux fan­tômes, car il a écrit la musique du film Fan­tas­mas en Buenos Aires dirigé par Enrique San­tos Dis­cépo­lo et qui est sor­ti le 8 juil­let 1942. Peut-être qu’on lui a con­fié la com­po­si­tion de la musique du film à cause de notre tan­go du jour.
Cepen­dant, l’histoire n’a rien à voir avec le tan­go et la musique du film, non plus. La présence de Dis­cépo­lo, n’implique pas for­cé­ment que ce soit un film de tan­go… Vous pou­vez voir le film ici… https://youtu.be/xtFdlXh4Vpc

L’af­fiche du film Fan­tas­mas en Buenos Aires, dirigé par Enrique Dis­ce­po­lo et qui est sor­ti en 1942. Zul­li Moreno est l’héroïne et pré­ten­due fan­tôme. Pepa Arias, la vic­time d’une arnaque.

Par­mi ses com­po­si­tions, en plus de la musique de ce film, on peut citer :

  • • Can­ción de navi­dad (Chan­son) (Mario Mau­ra­no Letra: Luis César Amadori)
  • • Cua­tro cam­panadas (Mario Mau­ra­no Letra: Lito Bayardo — Manuel Juan Gar­cía Fer­rari)
  • • El embru­jo de tu vio­lín (Mario Mau­ra­no Letra: Arman­do Tagi­ni — Arman­do José María Tagi­ni)
  • • Fan­tas­ma (Mario Mau­ra­no Letra: José Rober­to De Prisco)
  • • Por la señal de la cruz (Mario Mau­ra­no; Pedro Vesci­na Letra:Antonio Pom­ponio)
  • • Rien­do (Alfre­do Maler­ba; Mario Mau­ra­no; Rodol­fo Sci­ammarel­la, musique et paroles)
  • • Un amor (Mario Mau­ra­no; Alfre­do Anto­nio Maler­ba Letra: Luis Rubis­tein)
  • • Una vez en la vida (Valse) (Ricar­do Maler­ba; Mario Mau­ra­no Letra: Home­ro Manzi (Home­ro Nicolás Manzione Prestera)

José Roberto De Prisco

Je n’ai pas grand-chose à dire de l’auteur des paroles, si ce n’est qu’il a écrit les paroles ou com­posé la musique de quelques titres en plus de Fan­tas­ma.

  • • Che, no hay dere­cho (Arturo César Senez Letra: José de Prisco) – Enreg­istré par Fir­po.
  • • Desamor (Alber­to Gam­bi­no y Jose De Prisco)
  • • Fan­tas­ma (Mario Mau­ra­no Letra: José Rober­to De Prisco)
  • • Negri­to (Milon­ga) (Alber­to Soifer Letra: José De Prisco)
  • • Vac­ilación (Anto­nio Moli­na, José Rober­to De Prisco Letra: Rafael Iri­arte)
Deux cou­ver­tures de par­ti­tion d’œu­vres de José De Prisco.

Autres versions

Notre tan­go du jour sem­ble orphe­lin en ce qui con­cerne les enreg­istrements, mais il y a un autre fan­tôme qui rôde, com­posé par Enrique Delfi­no (Enrique Pedro Delfi­no — Delfy) avec des paroles de Cátu­lo Castil­lo (Ovidio Cátu­lo González Castil­lo).

Fan­tas­ma 1939-12-28 — Orques­ta Rober­to Fir­po con Alber­to Diale. C’est notre tan­go du jour.

Intéres­sons-nous main­tenant au fan­tôme de Delfy et Cátu­lo Castil­lo.

Paroles de Fantasma de Cátulo Castillo

Regre­sa tu fan­tas­ma cada noche,
Tus ojos son los mis­mos y tu voz,
Tu voz que va rodan­do entre sus goznes
La vie­ja can­ti­nela del adiós.
Qué pál­i­da y qué triste resuci­ta
Vesti­da de recuer­dos, tu can­ción,
Se afer­ra a esta tris­teza con que gri­tas
Lla­man­do, en la dis­tan­cia, al corazón.

Fan­tas­ma… de mi vida ya vacía
Por la gris melan­colía…
Fan­tas­ma… de tu ausen­cia, sin reme­dio
En la copa de mis­te­rio…
Fan­tas­ma… de tu voz que es una som­bra
Regre­san­do sin cesar,
¡Cada noche, cada hora!
Tan­ta sed abrasado­ra…
A esta sed abrasado­ra… de olvi­dar.

Ya no tienes las pupi­las boni­tas
Se apa­garon como una oración,
Tus manos, tam­bién ya mar­chi­tas
No guardaron mi can­ción.
Som­bras que acom­pañan tu reproche
Me nublan, para siem­pre, el corazón…
Olvi­dos que se encien­den en la noche
Agotan en alco­hol, mi deses­peración.

Enrique Delfi­no (Enrique Pedro Delfi­no — Delfy) avec des paroles de Cátu­lo Castil­lo – (Ovidio Cátu­lo González Castil­lo)

Traduction libre de la version de Cátulo Castillo

Ton fan­tôme revient chaque nuit, tes yeux sont les mêmes et ta voix, ta voix qui roule entre ses gonds (Les goznes sont les charnières, gonds… mais aus­si des propo­si­tions énon­cées sans jus­ti­fi­ca­tion, ce qui sem­ble être l’acception à con­sid­ér­er ici), le vieux refrain d’au revoir.
Que de pâleur et tristesse ton chant ressus­cite, vêtu de sou­venirs, s’ac­crochant à cette tristesse avec laque­lle tu cries, appelant au loin, le cœur.
Fan­tôme… de ma vie déjà vide par une mélan­col­ie grise…
Fan­tôme… de ton absence, dés­espéré dans la coupe du mys­tère…
Fan­tôme… de ta voix, qui est une ombre qui revient sans cesse,
chaque soir, chaque heure !
Tant de soif brûlante…
À cette soif brûlante… d’oublier.
Déjà, tu n’as plus les pupilles jolies, elles se sont éteintes comme une prière.
Tes mains, égale­ment déjà desséchées, n’ont pas gardé ma chan­son.
Les ombres qui accom­pa­g­nent ton reproche embru­ment pour tou­jours le cœur…
Les oub­lis qui s’al­lu­ment dans la nuit s’épuisent dans l’al­cool, mon dés­espoir.

Ce thème de Delfy et Cátu­lo Castil­lo a été enreg­istré plusieurs fois et notam­ment dans les ver­sions suiv­antes.

Fan­tas­ma 1944-10-24 — Orques­ta Miguel Caló con Raúl Iri­arte.

L’interprétation sem­ble en phase avec les paroles. Si c’est cohérent d’un point de vue styl­is­tique, le résul­tat me sem­ble moins adap­té au bal que notre tan­go du jour.

Fan­tas­ma 1944-12-28 — Orques­ta Osval­do Frese­do con Oscar Ser­pa.

Oscar Ser­pa n’est pas un chanteur pour la danse et il le con­firme dans cet enreg­istrement.

Fan­tas­ma 2013 — Orques­ta Típi­ca Sans Souci con Wal­ter Chi­no Labor­de.

L’orchestre Sans Souci s’est don­né comme mis­sion de per­pétuer le style de Miguel Calo. Ce n’est donc pas un hasard si vous trou­vez un air de famille entre les deux enreg­istrements.

Arthur le fan­tôme par Cezard

Malena 1942-01-08 – Orquesta Aníbal Troilo con Francisco Fiorentino

Lucio Demare Letra : Homero Manzi

Male­na chante le tan­go comme per­son­ne et cela se sait depuis au moins 1941, date à laque­lle Lucio Demare a com­posé ce tan­go qui sera inséré dans le film de son frère, Lucas, El Viejo Hucha. Ce mag­nifique tan­go qui a béné­fi­cié du tal­ent de Lucio Demare pour la musique et de Home­ro Manzi pour les paroles a eu, a et sans doute aura longtemps un gros suc­cès.

Lucio Demare, à gauche, Home­ro Manzi, à droite. Manzi a écrit le texte, l’a don­né à Demare qui a com­posé hyper rapi­de­ment la musique. C’est l’effet Male­na.

Extrait musical

Male­na, Lucio Demare et Home­ro Manzi. Par­ti­tion de Jules Korn. Au cen­tre, une par­ti­tion que j’ai créée pour expli­quer dans mes cours le fonc­tion­nement des par­ties au tan­go et comme c’est juste­ment à pro­pos de Male­na…
Male­na 1942-01-08 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Fran­cis­co Fiorenti­no

Paroles

Male­na can­ta el tan­go como ningu­na
y en cada ver­so pone su corazón.
A yuyo del sub­ur­bio su voz per­fuma,
Male­na tiene pena de ban­doneón.
Tal vez allá en la infan­cia su voz de alon­dra
tomó ese tono oscuro de calle­jón,
o aca­so aquel romance que sólo nom­bra
cuan­do se pone triste con el alco­hol.
Male­na can­ta el tan­go con voz de som­bra,
Male­na tiene pena de ban­doneón.

Tu can­ción
tiene el frío del últi­mo encuen­tro.
Tu can­ción
se hace amar­ga en la sal del recuer­do.
Yo no sé
si tu voz es la flor de una pena,
só1o sé que al rumor de tus tan­gos, Male­na,
te sien­to más bue­na,
más bue­na que yo.

Tus ojos son oscuros como el olvi­do,
tus labios apre­ta­dos como el ren­cor,
tus manos dos palo­mas que sien­ten frío,
tus venas tienen san­gre de ban­doneón.
Tus tan­gos son criat­uras aban­don­adas
que cruzan sobre el bar­ro del calle­jón,
cuan­do todas las puer­tas están cer­radas
y lad­ran los fan­tas­mas de la can­ción.
Male­na can­ta el tan­go con voz que­bra­da,
Male­na tiene pena de ban­doneón.

Lucio Demare Letra: Home­ro Manzi

Traduction libre

Les paroles sub­limes de Manzi se suff­isent à elles-mêmes. Je vous en laisse savour­er la poésie à tra­vers ma tra­duc­tion (ou celle de Google, pour ceux qui lisent dans une autre langue que l’espagnol ou le français).

Male­na chante le tan­go comme per­son­ne et dans chaque cou­plet, met son cœur.
À l’herbe des ban­lieues, sa voix par­fume, Male­na a une peine de ban­donéon.
Peut-être que dans son enfance, sa voix d’alou­ette a pris ce ton obscur de ruelle, ou peut-être cette romance qu’elle ne nomme que lorsqu’elle est triste avec l’al­cool.
Male­na chante le tan­go d’une voix d’om­bre, Male­na a une peine de ban­donéon.
Ta chan­son a le froid de la dernière ren­con­tre.
Ta chan­son devient amère dans le sel de la mémoire.
Je ne sais pas si ta voix est la fleur d’un cha­grin, je sais seule­ment qu’à la rumeur de tes tan­gos, Male­na, je te sens meilleure, meilleure que moi.
Tes yeux sont som­bres comme l’ou­bli, tes lèvres sont ser­rées comme le ressen­ti­ment, tes mains sont deux colombes qui ont froid, tes veines ont du sang de ban­donéon.
Tes tan­gos sont des créa­tures aban­don­nées qui tra­versent la boue de la ruelle, lorsque toutes les portes sont fer­mées et que les fan­tômes de la chan­son aboient.
Male­na chante le tan­go d’une voix cassée, Male­na a une peine de ban­donéon.

Autres versions

On con­sid­ère générale­ment que c’est Troi­lo qui a lancé le titre. Ce n’est pas faux, mais en fait Demare l’interprétait avec Juan Car­los Miran­da, dès 1941 au Cabaret Nov­el­ty.

Le cabaret Nov­el­ty où jouait Lucio Demare et où il inau­gu­ra Male­na avec Juan Car­los Miran­da. Pho­to de 1938 (3 ans plus tôt).

D’accord, il le jouait, mais il ne l’a pas enreg­istré alors c’est bien Troi­lo le pre­mier. Que non, mon ami. Lucio Demare l’a enreg­istré avec Juan Car­los Miran­da à la fin de 1941, mais cette ver­sion est restée « secrète » jusqu’au 29 avril 1942.
Il s’agit de la ver­sion enreg­istrée pour le film El Viejo Hucha, réal­isé par Lucas Demare, son frère et avec Osval­do Miran­da faisant le phonomimétisme (play-back) sur la voix enreg­istrée de Juan Car­los Miran­da.
Et voici donc la pre­mière ver­sion enreg­istrée qui est bien de Lucio Demare avec Juan Car­los Miran­da. Juan Car­los Miran­da qui chante dans l’enregistrement est rem­placé dans le film par Osval­doMiran­da, mais rien à voir avec l’autre Miran­da, car Juan Car­los s’appelait en fait Rafael Miguel Scior­raOsval­do a égale­ment chan­té, mais pas dans ce film, à ses débuts avant de devenir acteur. Il était ami avec Manzi (que le monde est petit…).

Osval­do Miran­da faisant le phonomimétisme (play-back) sur la voix enreg­istrée de Juan Car­los Miran­da qui chante Male­na dans le film El Viejo Hucha.
Male­na 1942-01-08 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Fran­cis­co Fiorenti­no. C’est notre tan­go du jour.

C’est le vrai faux pre­mier enreg­istrement et le pre­mier sor­ti en disque.

Male­na 1942-01-23 — Orques­ta Lucio Demare con Juan Car­los Miran­da.

Une autre ver­sion de Demare et Miran­da (le vrai), en disque, 15 jours après Troi­lo.

Male­na 1950-12-12 — Quintin Ver­du et son Orchestre con Lucio Lam­ber­to.

Cet attachant orchestre français pro­pose sa ver­sion de Male­na.

Male­na 1951-09-20 — Orques­ta Lucio Demare con Héc­tor Alvara­do.

Le com­pos­i­teur enreg­istre sa troisième ver­sion du titre. Le chanteur, Alvara­do âgé alors de 25 ans, est le seul chanteur de l’orchestre à l’époque. Demare l’a engagé l’année précé­dente. Sa voix cor­re­spond bien au style de l’orchestre, on com­prend donc le choix de Lucio.

Male­na 1951 – Orques­ta José Puglia – Edgar­do Pedroza con Fran­cis­co Fiorenti­no.

L’orchestre Puglia-Pedroza est assez rare, mais ils ont recruté un bon chanteur pour cet enreg­istrement. La par­tie orches­trale de l’introduction est un peu trop appuyée, avec des nuances exagérées. Si la voix de Fiorenti­no crée rapi­de­ment son cocon, la tran­si­tion avec l’introduction est un peu rude. Par la suite, l’orchestre sera plus raisonnable et plus en accom­pa­g­ne­ment. Une ver­sion qui aurait pu être meilleure, mais qui vaut d’être écouté tout de même.

Male­na 1952 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Raúl Berón arr. de Héc­tor Arto­la.

Aníbal remet sur disque le titre, cette fois avec des arrange­ments de Arto­la, un arrangeur très réputé, qui après avoir été pianiste et ban­donéon­iste s’est con­cen­tré sur la direc­tion d’orchestre et les arrange­ments. Il com­posa aus­si quelques titres.

Male­na 1955-08-02 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Juan Car­los Rolón.

Cela fai­sait un petit moment que Canaro n’avait pas pointé son nez. Le voici, avec une ver­sion assez dif­férente, avec un rythme bien mar­qué. Dis­ons que c’est une ten­ta­tive de replac­er le titre du côté de la danse. L’interprétation de Rolón, s’accommode toute­fois de la rigueur de l’orchestre, mais je trou­ve qu’il reste quelques aspérités qui font que l’œuvre ne coule pas de façon par­faite­ment flu­ide.

Male­na 1961 — Edmun­do Rivero con orques­ta.

Une ver­sion puis­sante par Rivero.

Male­na 1963c — Astor Piaz­zol­la con Héc­tor de Rosas.

Un Piaz­zol­la, à écouter, mais il vous réserve une autre ver­sion 4 ans plus tard qui décoiffe plus.

Male­na 1965 — Orques­ta Miguel Caló con Rober­to Luque.

J’ai un peu de mal à accrocher avec cette ver­sion. Je ne la pro­poserai pas en milon­ga.

Male­na 1965 — Orques­ta Miguel Caló con Raúl del Mar y glosas de Héc­tor Gagliar­di.

Le fait que Gagliar­di par­le assez longtemps rend le titre peu prop­ice à la danse. Mais de toute façon, Caló ne sera vrai­ment pas mon choix pour faire danser avec Male­na.

Male­na 1967 — Astor Piaz­zol­la y su Orques­ta con voz de mujer.

Une autre inter­pré­ta­tion, plus inno­vante. Avec Astor, on est à peu près sûr de ne pas être dans le champ de la danse, alors, on écoute, tran­quille­ment ou anx­ieuse­ment cette ver­sion foi­son­nante ou de temps à autre le thème de Male­na vient dis­tiller sa sérénité rel­a­tive. La voix de femme « céleste » qui ter­mine comme une sirène mourante et les claque­ments ter­mi­nent le titre de façon inquié­tante.

Male­na 1974-12-11 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Pour beau­coup, c’est la Male­na de l’île déserte, la ver­sion qu’il faut emporter. Il faut dire que Pugliese nous livre ici un tanga­zo excep­tion­nel. Mal­gré sa grande puis­sance expres­sive, il pour­ra être con­sid­éré comme dans­able par les danseurs les moins farouch­es. Si on a enten­du ci-dessus, des ver­sions décousues, man­quant d’harmonie ou de cohérence, ici, c’est une sur­prise, chaque mesure sus­cite l’étonnement, tout en lais­sant suff­isam­ment de repères pour que ce soit rel­a­tive­ment dans­able. Ceux qui trou­vent que c’est dif­fi­cile, vu que c’est le tan­go de l’île déserte, ils auront tout le temps de s’approprier la musique pour la danser par­faite­ment.

Qui est Malena ?

Il y a six pré­ten­dantes sérieuses au titre et sans doute bien d’autres.

6 des Male­na poten­tielles. Si vous lisez les arti­cles ci-dessous, vous pour­rez savoir qui elles sont et élire celle qui vous parait la plus vraisem­blable…

Ceux qui veu­lent savoir qui était Male­na peu­vent jeter un œil sur l’article de TodoTan­go
https://www.todotango.com/historias/cronica/89/Malena-Quien-es-Malena
Ou sur celui de la Nacion avec des pho­tos de pré­ten­dantes
https://www.lanacion.com.ar/lifestyle/quien-fue-malena-mitos-y-verdades-sobre-la-leyenda-del-tango-que-inspiro-a-homero-manzi-y-cantaba-nid26042022
Ou encore : https://rauldeloshoyos.com/el-dia-de-malena-manzi-demare/
mais j’ai plein d’autres propo­si­tions et je trou­ve qu’au fond, ce n’est pas si impor­tant. C’est à cha­cun de met­tre l’image de sa Male­na sur ce tan­go.

À demain, les amis !

Después 1944-07-07 — Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto Echagüe

Hugo Gutiérrez Letra : Homero Manzi

Hugo Gutiér­rez et Home­ro Manzi ont réal­isé avec ce tan­go le dif­fi­cile exer­ci­ce de par­ler de la mort avec une émo­tion rarement atteinte dans le tan­go, sans être oppres­sants. La ver­sion de D’Arienzo et Echagüe qui est notre tan­go du jour est peut-être une des moins réussies, mais je tenais à met­tre en avant ce titre qui a à son ser­vice quelques-unes de plus belles inter­pré­ta­tions du réper­toire, de plus avec une grande var­iété. Entrons dans cette pen­sée triste qui se danse.

Extrait musical

Después 1944-07-07 — Orques­ta Juan D’Arienzo con Alber­to Echagüe
À gauche, cou­ver­ture de par­ti­tion Casa Amar­il­la avec un chanteur, Jorge Novoa, oublié ? Par­ti­tion Julio Korn de Después avec en cou­ver­ture Ani­bal Troi­lo.

Paroles

Después …
La luna en san­gre y tu emo­ción,
y el anticipo del final
en un oscuro nubar­rón.
Luego …
irre­me­di­a­ble­mente,
tus ojos tan ausentes
llo­ran­do sin dolor.
Y después…
La noche enorme en el cristal,
y tu fati­ga de vivir
y mi deseo de luchar.
Luego…
tu piel como de nieve,
y en una ausen­cia leve
tu páli­do final.

Todo retor­na del recuer­do:
tu pena y tu silen­cio,
tu angus­tia y tu mis­te­rio.
Todo se abis­ma en el pasa­do:
tu nom­bre repeti­do…
tu duda y tu can­san­cio.
Som­bra más fuerte que la muerte,
gri­to per­di­do en el olvi­do,
paso que vuelve del fra­ca­so
can­ción hecha peda­zos
que aún es can­ción.

Después …
ven­drá el olvi­do o no ven­drá
y men­tiré para reír
y men­tiré para llo­rar.
Tor­pe
fan­tas­ma del pasa­do
bai­lan­do en el tinglado
tal vez para olvi­dar.
Y después,
en el silen­cio de tu voz,
se hará un dolor de soledad
y gri­taré para vivir…
como si huy­era del recuer­do
en arrepen­timien­to
para poder morir.

Hugo Gutiér­rez Letra: Home­ro Manzi

Traduction libre

Après…
La lune en sang et ton émo­tion, et l’anticipation de la fin dans un nuage som­bre.
Plus tard… irrémé­di­a­ble­ment, tes yeux si absents pleu­rant sans douleur.
Et après…
L’immense nuit dans le verre, et ta fatigue de vivre et mon envie de me bat­tre.
Plus tard… ta peau comme de la neige, et une absence légère, ta pâleur finale.
Tout me revient de mémoire :
ton cha­grin et ton silence, ton angoisse et ton mys­tère.
Tout s’abîme dans le passé : ton nom répété… ton doute et ta fatigue.
Une ombre plus forte que la mort, un cri per­du dans l’oubli, un pas qui revient de l’échec, une chan­son en miettes qui est encore une chan­son.
Après…
L’oubli vien­dra ou il ne vien­dra pas et je men­ti­rai pour rire
Et je men­ti­rai pour pleur­er.
Un fan­tôme mal­adroit du passé dansant dans le hangar (tinglado a plusieurs sens, allant d’abri, auvent, plus ou moins som­maire à hangar), peut-être pour oubli­er.
Et puis, dans le silence de ta voix, il y aura une douleur de soli­tude et je crierai pour vivre… Comme si je fuyais le sou­venir en repen­tirs pour pou­voir mourir.

Autres versions

Después 1943–1944 — Nel­ly Omar accomp. Gui­tare de José Canet.

Je com­mence par cet enreg­istrement, car Manzi a écrit Después pour elle. Il est daté de 1944, mais curieuse­ment, il est très rarement indiqué, y com­pris dans des sites générale­ment assez com­plets comme tango-dj.at ou El Reco­do. Je l’indique comme étant de 1943–1944, mais sans garantie réelle qu’il soit antérieur à celui de Miguel Caló qui est du tout début de 1944. La voix mer­veilleuse­ment chaude de Nil­da Elvi­ra Vat­tuone alias Nel­ly Omar accom­pa­g­née par la gui­tare de José Canet nous pro­pose une ver­sion fan­tas­tique, mais bien sûr à écouter et pas à danser.

Después 1944-01-10 Orques­ta Miguel Caló con Raúl Iri­arte.

Dès les pre­mières notes, l’ambiance est impres­sion­nante. On pour­rait penser à un film de sus­pens. La mag­nifique voix de Iri­arte, plus rare que celle de Berón, con­vient par­faite­ment au titre. Si vous n’aimez pas avoir des fris­sons et les poils qui se dressent, évitez cette ver­sion pro­posée par Miguel Caló et Raúl Iri­arte très émou­vante.

Después 1944-03-03 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Alber­to Mari­no.

Avec Troi­lo, on reste avec une très belle ver­sion musi­cale. Le gron­de­ment des ban­donéons me sem­ble moins émou­vant. Il y a une recherche de joliesse dans ce titre qui me sem­ble aller un peu au détri­ment de la danse. Ce ne sera donc pas ma ver­sion préférée pour la milon­ga.

Después 1944-03-15 — Lib­er­tad Lamar­que con orques­ta dirigi­da por Mario Mau­ra­no.

Después 1944-03-15 — Lib­er­tad Lamar­que con orques­ta dirigi­da por Mario Mau­ra­no. La voix de Lib­er­tad Lamar­que est très dif­férente de celle de Nel­ly Omar, mais tout aus­si cap­ti­vante. Elle béné­fi­cie en plus d’un orchestre dirigé par Mario Mau­ra­no dont le piano ressort avec beau­coup de justesse (je pré­cise que je par­le de la finesse, de la justesse de l’expression, de l’arrangement et pas du fait que le piano soit bien accordé. Celui que je vise saura que je par­le de lui…).

Después 1944-07-07 — Orques­ta Juan D’Arienzo con Alber­to Echagüe. C’est notre tan­go du jour.

Después 1944-07-07 — Orques­ta Juan D’Arienzo con Alber­to Echagüe. C’est notre tan­go du jour. Comme tou­jours, la ver­sion de D’Arienzo est bien marchante et dansante. C’est la cinquième ver­sion de l’année 1944, une année qui nous apporte une incroy­able diver­sité pour ce titre. Pour une œuvre de D’Arienzo, on peut la trou­ver un peu bavarde. Echagüe, met beau­coup de pres­sion. Le résul­tat est dans­able, mais il me sem­ble que d’autres titres inter­prétés par D’Arienzo le rem­placeront avan­tageuse­ment dans une tan­da de D’Arienzo et Echagüe, notam­ment ceux de la pre­mière péri­ode. Después est le pre­mier titre enreg­istré par cette com­po­si­tion après cinq années sans enreg­istrement et il me sem­ble que cette asso­ci­a­tion met­tra un peu de temps avant de retrou­ver une har­monie, l’année 1944 n’est pas la meilleure.

Después 1951-03-22 — L’orchestre Argentin Manuel Pizarro.

Después 1951-03-22 — L’orchestre Argentin Manuel Pizarro. Arrivé en France en 1920 et s’en étant absen­té de 1941 à 1950, Manuel Pizarro y revient et recom­mence à enreg­istr­er. Son Después fait par­tie de ces enreg­istrements français qui prou­vent que la dis­tance entre les deux mon­des n’est pas si grande. Notons que c’est une des rares ver­sions pure­ment instru­men­tales.

Después 1974-05-03 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Rubén Juárez (Pro­gra­ma En Hom­e­na­je a Home­ro Manzi — Con­duc­ción Anto­nio Car­ri­zo).

Cette ver­sion a été enreg­istrée lors d’une émis­sion en pub­lic en hom­mage à Home­ro Manzi décédé exacte­ment 23 ans plus tôt. Il me sem­ble que cette ver­sion Troi­lo - Juárez est plus aboutie que celle de 1944. On aurait aimé l’avoir dans une belle qual­ité sonore.

Después 1974 — Rubén Juárez Accomp. Arman­do Pon­tier.

Le même Rubén Juárez avec l’orchestre du ban­donéon­iste Arman­do Pon­tier. La prise de son est meilleure que dans l’enregistrement précé­dent et elle met donc plus en valeur la voix de Rubén Juárez. On notera qu’il est, tout comme Arman­do Pon­tier, égale­ment ban­donéon­iste. Cepen­dant, dans cette ver­sion, il se « con­tente » de chanter.

Después 1977-05-13 — Rober­to Goyeneche con la Orques­ta Típi­ca Porteña dirigi­da por Raúl Garel­lo.

Le ban­donéon de Raúl Garel­lo annonce la couleur et l’émotion qui va se dégager de cette ver­sion. El Pola­co (Rober­to Goyeneche) donne une ver­sion extrême­ment émou­vante et l’orchestre l’accompagne par­faite­ment dans les ondu­la­tions de la musique. Cette ver­sion fait ressor­tir toute la poésie de Manzi qui fut un grand poète qui déci­da de con­sacr­er sa vie à l’art pop­u­laire et nation­al du tan­go plutôt que de rechercher les hon­neurs qui aurait pu s’attacher à la car­rière de poète qu’il aurait méritée.

Je vous pro­pose d’arrêter avec ce titre très émou­vant et donc de pass­er sous silence les ver­sions de Pugliese avec Abel Cór­do­ba qui sor­tent, à mon avis, du champ du tan­go pour entr­er dans autre chose, sans doute une forme de musique clas­sique mod­erne, mais sans l’émotion que sus­cite générale­ment le tan­go.

Avant de recevoir des coups de bâtons sur la tête pour avoir osé écrire cela, je vous dis au revoir et à demain, les amis.

La vi llegar 1944-04-19 — Orquesta Miguel Caló con Raúl Iriarte

Enrique Mario Francini Letra Julián Centeya

«La vi lle­gar», je l’ai vue venir, ne racon­te pas l’arrivée espérée d’une femme, même si j’ai choisi dans mes illus­tra­tions de pren­dre le texte au pied de la let­tre, je vais ici don­ner le véri­ta­ble sens aux paroles de ce mag­nifique tan­go dont les paroles de Julián Centeya sont ici toute en finesse, je dirai même que tout le thème est un jeu de mots.

Extrait musical

La vi lle­gar 1944-04-19 — Orques­ta Miguel Caló con Raúl Iri­arte.

Paroles

La vi lle­gar…
¡Cari­cia de su mano breve!
La vi lle­gar…
¡Alon­dra que azotó la nieve
 !
Tu amor ‑pude decir­le- se funde en el mis­te­rio
de un tan­go acari­ciante que gime por los dos.

Y el ban­doneón
-¡rezon­go amar­go en el olvi­do!-
lloró su voz,
que se que­bró en la den­sa bru­ma.
Y en la deses­per­an­za,
tan cru­el como ningu­na,
la vi par­tir sin la pal­abra del adiós.

Era mi mun­do de ilusión…
Lo supo el corazón,
que aún recuer­da siem­pre su extravío?.
Era mi mun­do de ilusión
y se perdió de mí,
sumán­dome en la som­bra del dolor.
Hay un fan­tas­ma en la noche inter­minable.
Hay un fan­tas­ma que ron­da en mi silen­cio.
Es el recuer­do de su voz,
latir de su can­ción,
la noche de su olvi­do y su ren­cor.

La vi lle­gar…
¡Mur­mul­lo de su paso leve
 !
La vi lle­gar…
¡Auro­ra que bor­ró la nieve!
Per­di­do en la tiniebla, mi paso vac­ilante
la bus­ca en mi ter­ri­ble carni­no de dolor.

Y el ban­doneón
dice su nom­bre en su gemi­do,
con esa voz
que la llamó des­de el olvi­do.
Y en este des­en­can­to bru­tal que me con­de­na
la vi par­tir, sin la pal­abra del adiós…

Enrique Mario Franci­ni Letra: Julián Centeya

Traduction libre et indications

Je l’ai vue venir… (À pren­dre comme « je t’ai vu venir avec tes gros sabots ». Il a dev­iné que quelque chose clochait)
Caresse de sa main furtive ! (Elle l’effleure avec sa main, mais elle n’ose pas le touch­er franche­ment).
Je l’ai vue venir…
Alou­ette qui fou­et­tait la neige ! (La tra­duc­tion est dif­fi­cile. Dis­ons qu’il com­pare la main à une alou­ette qui jet­terait de la neige, du froid sur le cœur de l’homme).
Ton amour, pour­rais-je lui dire, se fond dans le mys­tère d’un tan­go cares­sant qui gémit pour nous deux. (La femme cherche ses mots pour annon­cer la mau­vaise nou­velle).

Et le ban­donéon
— grog­nait amère­ment dans le désamour ! — (Olvi­do est à pren­dre ici dans son sens sec­ond, plus rare, comme la fin de l’affection et pas comme l’oubli).
Sa voix pleu­rait, en se brisant dans la brume épaisse.
Et dans un dés­espoir, plus cru­el qu’aucun autre, ce fut sans un mot d’adieu…

C’était mon monde d’illusions…
Le cœur le savait, lui qui se sou­vient tou­jours de sa perte.
C’était mon monde d’illusion qui fut per­du pour moi, me plongeant dans l’ombre de la douleur.
Il y a un fan­tôme dans la nuit inter­minable.
Il y a un fan­tôme qui rôde dans mon silence.
C’est le sou­venir de sa voix, le bat­te­ment de sa chan­son, la nuit de son désamour et de son ressen­ti­ment.

Je l’ai vue venir…
Le mur­mure de son pas léger !
Je l’ai vue venir…
Aurore qui a envoyé la neige !
Per­du dans les ténèbres, mon pas vac­il­lant la cherche sur mon ter­ri­ble chemin de douleur.

Et le ban­donéon prononce son nom dans son gémisse­ment, de cette voix qui l’appelait depuis le désamour.
Et dans ce désen­chante­ment bru­tal qui me con­damne, je l’ai vue par­tir, sans un mot d’adieu…
Et le ban­donéon prononce son nom dans son gémisse­ment, de cette voix qui invo­quait le désamour.
Et dans ce désen­chante­ment bru­tal qui me con­damne, je l’ai vue par­tir, sans un mot d’adieu…

Je l’ai vue venir

On emploie sou­vent cette expres­sion quand dire que la per­son­ne qui nous par­le ne va pas directe­ment au but, mais que l’on a dev­iné bien avant qu’il le dise où il voulait aller.
Les paroles de ce tan­go alter­nent donc avec « je l’ai vue venir » en prenant la métaphore de l’arrivée avec la neige pour mon­tr­er qu’elle lance un froid et « je l’ai vue par­tir », sans un mot d’adieu. Là, on n’est pas dans le fig­uré, elle est vrai­ment par­tie.

Autres versions

La vi lle­gar 1944-04-19 — Orques­ta Miguel Caló con Raúl Iri­arte. C’est notre tan­go du jour
La vi lle­gar 1944-06-27 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Alber­to Mari­no.

Con­traire­ment à Caló, Troi­lo ne donne pas la vedette aux vio­lons et dès le début, les ban­donéons les accom­pa­g­nent et les dif­férents solos sont courts et avec un accom­pa­g­ne­ment très présent. Franci­ni est vio­loniste, mais Troi­lo est ban­donéon­iste…

Une ver­sion au ciné­ma extraite du film Los Pérez Gar­cía (1950). Orques­ta Franci­ni-Pon­tier con Alber­to Podestá.

La vi lle­gar 1949–50 — Orques­ta Enrique Mario Franci­ni y Arman­do Pon­tier Con Alber­to Podestá. Extrait du film Los Pérez Gar­cía sor­ti le pre­mier févri­er 1950.

Extrait du film Los Pérez Gar­cía sor­ti le pre­mier févri­er 1950. Comme il n’y a pas de véri­ta­ble enreg­istrement de ce titre par son com­pos­i­teur, on est con­tent de l’avoir dans ce film. Petit gag, Arman­do Pon­tier sem­ble avoir un prob­lème avec son ban­donéon au début de l’in­ter­pré­ta­tion. On peut aus­si voir Enrique Mario Franci­ni au vio­lon, jouant sa com­po­si­tion. On peut juste regret­ter de ne pas avoir un disque de cette presta­tion. Peut-être qu’un jour on retrou­vera les enreg­istrements de stu­dio qui ont été exploités pour le film. Tout est pos­si­ble en Argen­tine. C’est même là que l’on a retrou­vé les par­ties per­dues du chef d’œu­vre de Fritz Lang, Metrop­o­lis.
Met­teur en scène ; Fer­nan­do Bolín y Don Napy, scé­nario Oscar Luis Mas­sa, Anto­nio Cor­ma y Don Napy. Le film est tiré du feuil­leton radio­phonique du même nom et met en scène plus ou moins les mêmes acteurs.

A los ami­gos, La vi lle­gar 1958 — Franci­ni-Pon­tier, Orques­ta Típi­ca — Direc­ción Argenti­no Galván.

C’est le 28e morceau du disque. Bien qu’il y ait deux titres enchaînés, la pièce est courte (1:50). La vi lle­gar qui est le thème le plus intéres­sant notam­ment grâce au vio­lon solo de Franci­ni com­mence à 45 s. Julio Ahu­ma­da (ban­donéon et Jaime Gosis (piano) com­plè­tent l’orchestre. Ci-dessous, la cou­ver­ture du disque.

C’est un 33 tours (long play) qui com­porte 34 titres qui ont la par­tic­u­lar­ité (sauf un), d’être joués par dif­férents orchestres, mais tous dirigés par le même chef, Argenti­no Galván. J’ai pro­posé sur Face­book un jeu sur cette cou­ver­ture, de décou­vrir tous les lieux, et clins d’œil au tan­go qu’elle men­tionne.

La vi lle­gar 1961 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Jorge Maciel.

Pour ceux qui aiment la voix pleu­rante de Maciel dans les années 60, ça devrait plaire. J’imagine même que cer­tains le danseraient.

La vi lle­gar 1966 — Octe­to Tibid­abo dir. Atilio Stam­pone.

Seule ver­sion instru­men­tale de ma sélec­tion. Le piano de Stam­pone en fait une ver­sion intéres­sante. J’ai aus­si mis cette ver­sion, car Tibida­do est présent sur la cou­ver­ture du disque de 1960 dirigé par Argenti­no Galván. Le Tibid­abo était un cabaret situé sur Cor­ri­entes au 1244. Il a fonc­tion­né de 1942 à 1955. Aníbal Troi­lo en était un des piliers.

La vi lle­gar 1970-05-07 — Rober­to Goyeneche Orques­ta Típi­ca Porteña dir. y arreg­los Raúl Garel­lo y Osval­do Berlingieri.

Une ver­sion émou­vante et impres­sion­nante. Bien sûr, pas pour la danse, mais elle vaut l’écoute, assuré­ment.

À propos des illustrations

On aura bien com­pris que la neige que j’ai représen­té dans les deux images était « virtuelle ». C’est le froid qu’a lais­sé le désamour.
La pre­mière image est « Je l’ai vue venir ». Ici, au sens pro­pre alors que c’est plutôt fig­uré dans la chan­son.

Elle arrive pour rompre, elle est triste.

Puis, elle est par­tie. Sans parole d’adieu. Là, elle n’a pas de valise. Je trou­vais que cela aurait alour­di cette image que je voulais toute légère. Elle part vers la lumière et lui reste dans l’ombre et le froid. J’avais fait au départ une ombre plus mar­quée en bas qui par­tait de celle de la femme qui part, mais je n’arrivai pas à cadr­er ça dans un for­mat 16/9e. Alors, il n’y a plus d’ombre.
À demain les amis, pour un thème, beau­coup plus glaçant. En effet, la neige d’aujourd’hui était virtuelle, mais demain, je vais jeter un froid.