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Año nuevo 1956-01-31 (Marcha) — Alberto Castillo y su Orquesta Típica dir. por Ángel Condercuri

A. Riobal (Alberto Castillo) ; Trío Los Halcones (Alberto Losavio ; Héctor Serrao ; Rodolfo Genaro Serrao)

¡Feliz año nue­vo! Il est minu­it à Buenos Aires, c’est l’année nou­velle qui com­mence. Les fusées de feu d’artifice péta­radent et illu­mi­nent le ciel de Buenos Aires. Ici, pas de majestueux feux d’artifice élaborés par des arti­ficiers pro­fes­sion­nels. Ce sont les Argentins qui se char­gent du spec­ta­cle en fonc­tion de leurs moyens financiers et de leurs capac­ités. Notre musique du jour n’est pas un tan­go, mais est chan­tée par un de ses chanteurs, Alber­to Castil­lo, qui en est égale­ment un des auteurs.

Riobal y los Halcones

Quelques mots sur les auteurs de ce titre.

Riobal

Riobal, alias Alber­to Castil­lo, alias…, alias…, alias…, alias…

Riobal est un des pseu­do­nymes de Alber­to Castil­lo, ou plutôt de Alber­to Sal­vador De Luc­ca, puisque que Castil­lo est égale­ment un pseu­do­nyme des­tiné à faire plus espag­nol, ce qui était courant pour les chanteurs de tan­go.
Les orchestres avaient besoin d’un chanteur ital­ien et d’un chanteur espag­nol pour sat­is­faire les deux prin­ci­pales com­mu­nautés portègnes. Peu importe qu’ils soient réelle­ment orig­i­naires de ces pays. D’ailleurs ses pre­miers pseu­do­nymes ont été Alber­to Dual et Car­los Duval
Cette foi­son de pseu­do­nymes était égale­ment des­tinée à tromper la vig­i­lance pater­nelle.
Pour son père, il était étu­di­ant en médecine et, effec­tive­ment, il devait être médecin gyné­co­logue.
Un jour, en écoutant son fils à la radio, il s’exclama, « il chante très bien, il a une voix sem­blable à celle de Alber­ti­to », et pour cause…
Cepen­dant, le tan­go a pris le dessus et Alber­to a rejoint l’orchestre d’un den­tiste, celui de Ricar­do Tan­turi, avant de ter­min­er sa dernière année… Il n’était donc pas à pro­pre­ment par­ler gyné­co­logue, comme on le lit en général dans ses biogra­phies.

Trío Los Halcones

Ce trio a chan­té avec Miguel Caló, mais leur spé­cial­ité était plutôt le boléro et autres musiques tra­di­tion­nelles ou folk­loriques. Ils ont col­laboré avec Castil­lo pour l’écriture de la musique et des paroles de ce titre. Il ne sem­ble pas y avoir d’enregistrement de Año nue­vo par ce trio.

Trío Los Hal­cones.

Extrait musical

Año nue­vo 1956-01-31 (Mar­cha) — Alber­to Castil­lo y su Orques­ta Típi­ca dir. por Ángel Con­der­curi.
Par­ti­tion de sax­o­phone ténor de Año nue­vo.

Ángel Condercuri ou Jorge Dragone ?

Año nue­vo a été enreg­istré le 31 jan­vi­er 1956. Je n’ai pas respec­té le choix d’un thème enreg­istré le jour de l’anecdote, pour vous pro­pos­er un air gai et de cir­con­stance. Nous sommes donc en 1956 et Alber­to Castil­lo a son orchestre dirigé par un chef. Selon les sources, il y a un doute sur le chef qui tenait la baguette le jour de l’enregistrement.

  • Gabriel Valiente dans son Enci­clo­pe­dia del Tan­go indique que l’orchestre de Castil­lo est dirigé par Ángel Con­der­curi de 1951 à 1954 puis de nou­veau à par­tir de 1959 et par Jorge Drag­one de 1955 à 1958. Ce tra­vail est une somme, mais il y a de nom­breuses impré­ci­sions et un cer­tain nom­bre d’erreurs. C’est une bonne source, mais qui demande à être véri­fiée.
  • Tango.info indique que Con­der­curi dirige l’orchestre de Castil­lo pour l’enregistrement de Año nue­vo. https://tango.info/fra/track/T0370371359
  • Todo Tan­go, qui est le site de référence incon­tourn­able pro­pose une entre­vue avec Jorge Drag­one dans laque­lle celui-ci indique qu’il était dans l’orchestre de Con­der­curi à cette époque. https://www.todotango.com/historias/cronica/238/Dragone-Un-eterno-viajero/ Par con­séquent, s’il est le pianiste de l’orchestre, il n’en est pas le directeur. En 1957, donc l’année suiv­ante, il indique avoir son pro­pre orchestre en alter­nance pour lequel il recourt à la voix de Argenti­no Ledes­ma. Même s’il est envis­age­able que, pour une séance d’enregistrement par­ti­c­ulière, Con­der­curi ait lais­sé la direc­tion à son pianiste, cela mérit­erait d’être doc­u­men­té.
  • Tango-DJ.AT, qui est en général bien ren­seigné et qui cor­rige les erreurs quand on les sig­nale, ce qui n’est pas le cas de tous (référence à d’autres sites qui ne pren­nent même pas la peine de véri­fi­er, ou qui te dis­ent que c’est ain­si et qui cor­ri­gent ensuite, en douce…), indique que c’est Con­der­curi.
    https://tango-dj.at/database/index.htm
    https://tango-dj.at/database/index.htm?titlesearch=ano+nuevo&genresearch=marcha (pour ceux qui sont abon­nés).

La solu­tion serait d’avoir le cat­a­logue ou le disque d’origine, mal­heureuse­ment, je n’ai pas trou­vé le cat­a­logue de Odeón cor­re­spon­dant et les CD ne sont pas pré­cis sur la ques­tion (soit ils n’indiquent rien, soit ils met­tent les deux noms, sans pré­cis­er à quels titres, cela se rap­porte). Quant aux dis­ques d’origine, ils indiquent juste Alber­to Castil­lo y su Orques­ta.
Bern­hard Gehberg­er, le créa­teur du site Tango-DJ.AT, con­firme avec les mêmes argu­ments. Il m’a même rap­pelé que cer­tains enreg­istrements étaient don­nés avec Raúl Bianchi à la direc­tion. Cepen­dant, cela ne sem­ble con­cern­er que la péri­ode 1953–1955. En 1956, Bianchi était à Rosario. On notera toute­fois, que Bianchi était pianiste, comme Drag­one. Serait-ce une habi­tude chez Con­der­curi de laiss­er ses pianistes diriger ?
En atten­dant d’en savoir plus, je con­serve Ángel Con­der­curi comme Directeur de l’orchestre de Castil­lo pour cet enreg­istrement.

Paroles

Il y a dif­férentes vari­antes, mais qui ne changent pas le sens. Vous aurez la ver­sion du film en fin d’article avec les paroles en sous-titrage.

Año nue­vo
Vida nue­va
Más ale­gres los días serán
Año nue­vo
Vida nue­va
Con salud y con pros­peri­dad

Entre pitos y matra­cas entre músi­ca y son­risa
El reloj ya nos avisa que ha lle­ga­do un año más,
Las mujeres y los hom­bres, un besi­to nos dare­mos
Entre todos cantare­mos, llenos de feli­ci­dad
Vamos todos a can­tar

Año nue­vo
Vida nue­va
Nues­tras penas deje­mos atrás
Año nue­vo
Vida nue­va
Con salud y con pros­peri­dad

Año nue­vo
Vida nue­va
Mas ale­gre los días serán
Sin prob­le­ma, sin tris­teza
Y un feliz año nue­vo ven­drá…

Entre pitos y matra­cas entre músi­ca y son­risa
El reloj ya nos avisa que ha lle­ga­do un año más
Las mujeres y los hom­bres, un besi­to nos dare­mos
Entre todos cantare­mos, llenos de feli­ci­dad
Vamos todos a can­tar

Año nue­vo
Vida nue­va
Más ale­gres los días serán
Año nue­vo
Vida nue­va
Con salud y con pros­peri­dad

Año nue­vo
Vida nue­va
Nues­tras penas deje­mos atrás
Sin prob­le­ma, sin tris­teza
Y un feliz año nue­vo ven­drá
Y un feliz año nue­vo ven­drá
Y un feliz año nue­vo ven­drá
Y un feliz año nue­vo ven­drá…

A. Riobal (Alber­to Castil­lo) ; Trío Los Hal­cones (Alber­to Losavio; Héc­tor Ser­rao; Rodol­fo Genaro Ser­rao)

Traduction libre des paroles

Nou­v­el An
Nou­velle vie
Les jours seront plus heureux
Nou­v­el An
Nou­velle vie
Avec la san­té et la prospérité

Entre sif­flets et cré­celles
Entre musique et sourire
L’hor­loge nous aver­tit déjà qu’est arrivée une année de plus
Les femmes et les hommes, un bais­er nous nous don­nerons
Entre tous, nous chanterons, pleins de bon­heur
Nous allons tous chanter

Nou­v­el An
Nou­velle vie
Les jours seront plus heureux
Nou­v­el An
Nou­velle vie
Avec la san­té et la prospérité

Nouv­el An
Nou­velle vie
Les jours seront plus joyeux
Sans prob­lème et sans tristesse
Et un Nou­v­el An heureux vien­dra

Entre sif­flets et cré­celles
Entre musique et sourire
L’hor­loge nous aver­tit déjà qu’est arrivée une année de plus
Les femmes et les hommes, un bais­er nous nous don­nerons
Entre tous, nous chanterons, pleins de bon­heur
Nous allons tous chanter

Pito y matra­ca (sif­flet et cré­celle)

Nou­v­el An
Nou­velle vie
Les jours seront plus heureux
Nou­v­el An
Nou­velle vie
Avec la san­té et la prospérité

Nou­v­el An
Nou­velle vie
Nous lais­serons nos peines der­rière
Sans prob­lème et sans tristesse
Et un Nou­v­el An heureux vien­dra
Et un Nou­v­el An heureux vien­dra
Et un Nou­v­el An heureux vien­dra
Et un Nou­v­el An heureux vien­dra…

Autres versions

Año nue­vo 1956-01-31 (Mar­cha) — Alber­to Castil­lo y su Orques­ta Típi­ca dir. por Ángel Con­der­curi. C’est notre thème du jour.
Año Nue­vo 1965 — Billo’s Cara­cas Boys. C’est la ver­sion qui est sans doute la plus con­nue, elle est jouée pour le Nou­v­el An dans la plu­part des pays d’Amérique du Sud et pas seule­ment au Vénézuéla, leur pays.

Pour ter­min­er en vidéo, je vous pro­pose de voir et écouter Alber­to Castil­lo dans le film “Músi­ca, ale­gría y amor” dirigé par Enrique Car­reras.
La scène a été enreg­istrée en 1955, cepen­dant, le film sor­ti­ra après le disque, le 9 mai 1956.
J’ai indiqué les paroles pour vous per­me­t­tre de suiv­re…

Año nue­vo dans le film Músi­ca, ale­gría y amor. Dans cet extrait, en plus de Alber­to Castil­lo, on remar­que Beat­riz Tai­bo, Ubal­do Martínez et Tito Gómez. Il y a aus­si une courte appari­tion de Leonor Rinal­di et Fran­cis­co Álvarez, les per­son­nes âgées.

Alber­to Castil­lo, qui tient le rôle prin­ci­pal (Alber­to Morán) est un jeune homme bohème qui rêve de devenir pein­tre, mais qui finale­ment aura du suc­cès comme chanteur (Raúl Man­rupe & María Ale­jan­dra Portela — Un Dic­cionario de Films Argenti­nos 1995, page 401). Ce film con­tient beau­coup de chan­sons par Castil­lo, dont notre titre du jour.

L’intrigue du film serait tirée de Loute, une comédie française (vaude­ville) en qua­tre actes de Pierre Veber dont l’in­trigue tourne autour de Dupont, un homme qui mène une vie de débauche sous l’in­flu­ence de son « ami » Castil­lon. Dupont décide de se mari­er avec Renée, une jeune femme de bonne famille, mais il est rapi­de­ment rat­trapé par son passé tumultueux. Loute, une anci­enne maîtresse de Dupont, réap­pa­raît et cause des com­pli­ca­tions. Les malen­ten­dus et les quipro­qu­os s’en­chaî­nent, notam­ment avec l’ar­rivée de Fran­col­in, un cousin de Dupont, qui cherche à se venger de lui. Finale­ment, après de nom­breux rebondisse­ments, les per­son­nages ten­tent de se réc­on­cili­er et de trou­ver un équili­bre entre leurs vies passées et présentes. Le lien entre la pièce et le film réal­isé par Enrique Car­reras sur un scé­nario de Enrique San­tés Morel­lo me sem­ble un peu dis­ten­du, d’autant plus que la pièce a eu son heure de gloire plus de 50 ans avant la réal­i­sa­tion du film. Cela témoigne tout de même de la fran­cophilie qui était encore vive à l’époque.
Dis­ons que la base du syn­op­sis a été de faire une comédie musi­cale pour met­tre en avant Alber­to Castil­lo

L’af­fiche du film réal­isée par le car­i­ca­tur­iste argentin Nar­ciso González Bayón. On y recon­naît Alber­to Castil­lo et Ameli­ta Var­gas. À la table, de gauche à droite, Fran­cis­co Álvarez, Leonor Rinal­di, Ger­ar­do Chiarel­la et Ubal­do Mar­tinez. La taille démesurée de Castil­lo mon­tre bien que c’était lui la vedette du film…

Voilà de quoi bien débuter l’année, en chan­son.

De camino al 2025

Je souhaite une merveilleuse année,
la santé et le bonheur,
à tous les humains de la Terre,
tous.

Meneca 1927–07-19(20) — ¿Por qué?  1955-07-19 — Orquesta Osvaldo Fresedo

Meneca — E. Mercado
¿Por qué ? — Osvaldo Fresedo Letra : Emilio Augusto Oscar Fresedo

Les dates d’enregistrement qui me ser­vent de base pour les anec­dotes de tan­go ne sont pas des don­nées immuables. J’avais prévu d’associer deux titres de Frese­do enreg­istrés le même jour, un 19 juil­let, mais à 28 ans d’intervalle. Quand j’ai com­mencé à écrire, je me suis ren­du compte qu’à la suite des travaux de Enrique Bin­da, la date de Meneca avait changé pour le 20 juil­let. J’ai toute­fois décidé de con­serv­er mon idée ini­tiale, car la com­para­i­son des deux titres me sem­ble intéres­sante, vous le com­pren­drez que mieux en prenant con­nais­sance des paroles de Por qué..

Una meneca est une belle jeune femme. Pour être appelé ain­si, elle doit avoir les deux attrib­uts. Le tan­go est instru­men­tal, mais d’autres employ­ant ce terme sont avec des paroles et il con­vient donc de rester avec cette sig­ni­fi­ca­tion. J’imagine que le terme étant proche de muñe­ca (poupée) explique qu’on l’utilise unique­ment pour des jeunes femmes.
Meneca désigne égale­ment une langue qua­si dis­parue qui existe (exis­tait) entre le Pérou et la Colom­bie.

Le choix dans la date de la Meneca

Enrique Bin­da est une ressource impor­tante pour qui s’intéresse au tan­go.
https://www.todotango.com/comunidad/colaboradores/colaborador.aspx?id=73
Il a étudié de nom­breux cat­a­logues et notam­ment pour la péri­ode acous­tique (avant l’enregistrement élec­trique). Par con­séquent, son avis fait autorité.
Dans le cas présent, Frese­do a enreg­istré le 19 et le 20 juil­let 1927, ou seule­ment le 19 ou seule­ment le 20 les qua­tre tan­gos instru­men­taux suiv­ants :

  • Flo­res (Ángel Massi­ni) – Matrice 1037–1 (face A du disque 5159)
  • Mucha can­cha – (Alber­to Richieri) Matrice 1038 (face B du disque 5159)
  • Coque­ta (A. Mil­i­to) – Matrice 1039 (Face A du disque 5160)
  • Meneca (E. Mer­ca­do) – Matrice 1040 (Face B du disque 5160)

À l’époque, les orchestres enreg­istrent en moyenne deux tan­gos à qua­tre tan­gos par jour. Tous ne vont pas au disque. On notera que l’enregistrement de Flo­res sem­ble avoir été com­pliqué dans la mesure où il y a plusieurs pris­es.
Meneca a le numéro de matrice le plus élevé (1040) ce qui con­firme que Meneca a été enreg­istré en dernier et donc prob­a­ble­ment le 20 et pas le 19 s’il y a eu deux jours, comme c’est indiqué dans le livret du disque édité par CTA, mais aus­si dans la Enci­clo­pe­dia del Tan­go de Gabriel Valiente et dans le Frese­do Project qui pla­cent les qua­tre tan­gos à la même date, le 19 juil­let 1927.
Pour l’année 1927, on trou­ve plusieurs jours avec qua­tre enreg­istrements, on ne peut donc pas être affir­matif sur l’existence d’un sec­ond jour d’enregistrement néces­saire. Que tout soit du 19, tout du 20 ou panaché, ce n’est peut-être pas si impor­tant. Je con­serve donc mon idée de met­tre en rela­tion les deux tan­gos, d’autant plus que je vous réserve une sur­prise en fin d’article sur le sujet…

Extrait musical

Meneca 1927-07-20 — Orques­ta Osval­do Frese­do.

Meneca 1927-07-20 — Orques­ta Osval­do Frese­do. Osval­do Frese­do inter­vient comme ban­donéon­iste et on remar­quera la très jolie par­tie de vio­lon. Je vous présente les musi­ciens qui ont fait cette petite mer­veille.
Osval­do Frese­do et Alber­to Rodríguez (ban­donéon­istes), José María Riz­zut­ti (piano), Man­lio Fran­cia, Adol­fo Muzzi et Juan Koller (vio­lonistes), Hum­ber­to Con­stan­zo (con­tre­bassiste).

¿Por qué ? 1955-07-19 — Orques­ta Osval­do Frese­do.

Ce qui frappe dans ce titre est l’ostinato qui revient régulière­ment et notam­ment sur les par­ties chan­tées.

Par­ti­tion de ¿Por qué ? On note sur la page de gauche que c’est la ver­sion passée à la Radio Fenix. À droite, la ver­sion en ré pour les chanteurs.

LR9 Radio Fénix est une radio de Buenos Aires qui a démar­ré le 11 févri­er 1927 et qui se nom­mera ensuite Antár­ti­da puis AM1190 Améri­ca.
La par­ti­tion pour les chanteurs est en ré. Elle com­mence en ré mineur, puis con­tin­ue en ré majeur pour revenir à la dernière ligne en ré mineur. C’est donc une alter­nance de sonorités plus tristes et plus gaies.

Paroles

¿Por qué
si yo soy el mis­mo querés cam­biar
mi pilcha ‘e varón?
¿Por qué
si mi pobre ajuar
dio a can­tar
mi hon­da tris­teza?
¿Por qué
si no está en mi san­gre vos me adornás
p’ hac­erme amar­gar?

Yo soy milon­ga
sen­ti­men­tal.
Mi nom­bre es macho
soy el gotán.
Vestí de negro con fun­yi claro…
Y me quisieron.
Me respetaron.
Y fue muy pura mi vida entera
y hay quien ven­era mi cuna de ayer.

¿Por qué
quieren que me vista tan ataviao
con tan­to tren­zao?
¿Por qué
quieren verme así
hecho un gil
de fan­tasía?
¿ Por qué
si he naci­do tan­go y así latió
mi gran corazón?

Osval­do Frese­do Letra: Emilio Augus­to Oscar Frese­do

Traduction libre de ¿Por qué ?

Pourquoi, si je suis le même, veux tu chang­er mes fringues, hein, mec ?
Pourquoi, si mon pau­vre trousseau don­nait à chanter ma pro­fonde tristesse ?
Pourquoi, si ce n’est pas dans mon sang, me fais-tu des orne­ments pour me ren­dre amer ?
Je suis milon­ga sen­ti­men­tale.
Je m’appelle macho, je suis le gotan (tan­go).
Je suis habil­lé de noir avec un cha­peau clair (fun­yi, cha­peau en forme de champignon).
Et ils m’aimaient.
Ils me respec­taient.
Et toute ma vie était très pure et il y a ceux qui vénèrent mon berceau d’hier.
Pourquoi veu­lent-ils que je revête tant de parures avec tant de galons ?
Pourquoi, veu­lent-ils me voir comme ça, faisant un idiot de fan­taisie ?
Pourquoi, si je suis né tan­go et ain­si bat­tait mon grand cœur.

Autres versions

Il ne sem­ble pas y avoir d’autres enreg­istrements de Meneca, cepen­dant, il est intéres­sant de voir ce que devient Por Qué….

Meneca 1927-07-20 — Orques­ta Osval­do Frese­do.

Un de nos deux tan­gos du jour, pour mémoire et com­para­i­son…

Dif­férents dis­ques de ¿Por qué ? Alber­to Vila, Frese­do avec Ibanez, Ser­pa et instru­men­tal (33 tours avec pochette) et Pugliese avec Chanel et Moran.
¿Por qué ? 1931-08-18 – Alber­to Vila accomp. Orques­ta Típi­ca Vic­tor.

Ce pre­mier enreg­istrement qui est une chan­son est superbe­ment inter­prétée par Alber­to Vila (dont la voix est rem­plie de tré­mo­los) accom­pa­g­né par l’orchestre Típi­ca Vic­tor dirigé par Cara­bel­li.

¿Por qué ? 1931-10-30 — Orques­ta Osval­do Frese­do con Teó­fi­lo Ibáñez.

L’osti­na­to de la con­tre­basse est assez éton­nant et il s’achève en ralen­tis­sant sur la toute fin de la musique.

¿Por qué ? 1943-01-25 — Orques­ta Osval­do Frese­do con Oscar Ser­pa.

¿Por qué ? 1943-01-25 — Orques­ta Osval­do Frese­do con Oscar Ser­pa. Le rythme est plus rapi­de et quelques sonorités de vibra­phone se super­posent aux instru­ments habituels. L’ostinato la vedette de ce thème démarre désor­mais le titre et est accom­pa­g­né du vibra­phone.
L’expressivité est plus mar­quée. On pour­rait qual­i­fi­er cette ver­sion de plus roman­tique.
Petit inter­lude pour vous présen­ter Frese­do jouant ce titre dans un film qui reste à iden­ti­fi­er (ce n’est pas Tan­go comme tous l’écrivent).

¿Por qué ? — Osval­do Frese­do y su Orques­ta
¿Por qué ? 1945-08-28 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Alber­to Morán y Rober­to Chanel.

L’osti­na­to que vous con­nais­sez bien démarre le titre, come dans la ver­sion de 1943 de Frese­do, puis pro­gres­sive­ment Pugliese déstruc­ture le titre pour le ren­dre com­pat­i­ble avec son style. L’osti­no revient de temps à autre et notam­ment sous la voix des chanteurs. L’effet est superbe les voix se mêlent pen­dant que l’osti­na­to s’atténue et que les vio­lons ond­u­lent dans un con­tre­point splen­dide. C’est assuré­ment un chef d’œuvre. Peut-être plus dif­fi­cile à danser que les guimauves trop sou­vent passées dans cer­taines milon­gas, mais à tester à mon avis…

¿Por qué ? 1955-07-19 — Orques­ta Osval­do Frese­do. C’est notre autre tan­go du jour.

Le vibra­phone prend un peu plus ses ais­es, libéré par l’absence du chanteur qui est représen­té par le piano. Le résul­tat est plutôt joli, mais pas con­va­in­quant pour la danse.

¿Por qué ? 1979-10-30 — Orques­ta Osval­do Frese­do.

Le titre démarre en trombe, mais avec l’in­tro­duc­tion que Frese­do avait aban­don­né depuis 1943. Les vio­lons cou­vrent un peu trop l’ostinato, enl­e­vant une par­tie de l’originalité de ce titre. La bat­terie s’est rajoutée, mais sans pour autant ren­forcer la dans­abil­ité du morceau, sauf à le danser en tan­go musette…

¿Por qué ? — Mar­i­ano Mores y su Sex­te­to Rít­mi­co Mod­er­no.

C’est une ver­sion très orig­i­nale que signe Mar­i­ano Mores. L’osti­na­to est assez dis­cret et prin­ci­pale­ment don­né par le piano. Les per­cus­sions sont à l’hon­neur. Dif­férents motifs éclosent et don­nent une impres­sion de var­iété. Bien sûr, pas ques­tion de pro­pos­er cela à des danseurs, mais l’é­couter de temps à autre est une activ­ité sym­pa.
Elle clô­ture la liste des ver­sions et il est temps d’ouvrir le débat.

Faites ce que je dis et pas ce que je fais

Comme vous l’avez remar­qué, les paroles du tan­go ¿Por qué? Des frères Frese­do sem­blent regret­ter un tan­go plus épuré. Ils font par­ler le tan­go qui regrette le temps où il n’était pas ridi­culisé par des fior­i­t­ures.
Dans les inter­pré­ta­tions de 1931 et 1943, Osval­do Frese­do respecte ces (ses) direc­tives. Tout comme bien sûr, dans Meneca de 1927.
Par con­tre, dans notre tan­go du jour, la ver­sion de 1955 de ¿Por qué? On peut se deman­der s’il n’a pas un peu per­du cela de vue. D’ailleurs, cette ver­sion est instru­men­tale, peut-être pour éviter que les paroles met­tent en valeur cette dichotomie.
Pugliese, en 1945, avait peut-être com­mencé cette bifur­ca­tion, mais il ne me sem­ble pas que l’on puisse l’accuser de faire de l’ornementation gra­tu­ite. D’ailleurs, il a con­servé les paroles. Je l’enlèverai donc des pièces du procès…
Frese­do aggrave très sen­si­ble­ment son cas en 1979, avec une ver­sion con­sti­tuée majori­taire­ment de fior­i­t­ures. Là, je dois le déclar­er coupable. Il a déguisé le tan­go et renon­cé à ses principes énon­cés dans les années 30. Avec son goût pour les instru­ments orig­in­aux, il cour­rait cer­taine­ment ce risque et il est tombé dans son pro­pre piège.
Je pense que vous avez sans doute fait le rap­proche­ment avec le débat plus con­tem­po­rain sur le tan­go, le néotan­go et autres vari­a­tions. Le tan­go, comme les autres œuvres de l’humanité, ne résiste pas aux querelles des Anciens et des Mod­ernes, tel que l’a vécu l’Académie française à la fin du 17e siè­cle.
Tous les goûts sont dans la nature et le tra­vail du DJ est à la fois de dévelop­per les goûts et de sat­is­faire ceux qui sont exis­tants. C’est pas­sion­nant.

À demain, les amis !