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Patotero sentimental 1941-06-06 — Orquesta Carlos Di Sarli con Roberto Rufino

Manuel Jovés Letra: Manuel Romero

Qui n’a pas été ému par la voix de Rober­to Rufi­no chan­tant Patotero sen­ti­men­tal ? Mais savez-vous que cet enreg­istrement suit de presque 20 ans un suc­cès phénomé­nal qui oblig­eait Igna­cio Corsi­ni à rechanter cet air sou­vent plus de cinq fois à la suite. Je vous invite à vous plonger dans l’histoire de ce patotero, émou­vant par ses regrets et par là-même décou­vrir un peu plus cet univers des cabarets, repaire des patoteros.

Je pub­lie cet arti­cle le 26 jan­vi­er qui est la date anniver­saire de la ver­sion de Di Sar­li avec Mario Pomar et pas celle que je mets en avant, avec Rober­to Rufi­no. Je triche donc un petit peu, on pour­ra tou­jours en repar­ler un 6 juin…

Patoteros, apaches, youth gangs…

Un patotero est le mem­bre d’une pato­ta, un groupe de jeunes enclins à la vio­lence et à la délin­quance. Ce phénomène de ban­des de jeunes est sans doute une des con­séquences de la révo­lu­tion indus­trielle qui a jeté des généra­tions de paysans dans les villes. Si les par­ents y tra­vail­laient, les jeunes qui voy­aient les con­di­tions mépris­ables de vie de leurs par­ents trou­vaient refuge dans des activ­ités, plus ou moins lucra­tives à défaut d’être hon­nêtes.
Si à Paris, les Apach­es (ban­des de jeunes délin­quants surnom­mées ain­si par le jour­nal­iste Hen­ri Fouquier en référence à la bru­tal­ité de leurs crimes qui rap­pelaient les romans de Fen­i­more Coop­er col­por­tant des idées colo­nial­istes sur la vio­lence des Indi­ens améri­cains) étaient par­ti­c­ulière­ment vio­lents, à Buenos Aires, les patoteros étaient un peu moins craints par la pop­u­la­tion. Pour juger de la dif­férence, on peut s’intéresser à leurs dans­es, vrai­ment très dif­férentes.
Pour les Argentins, je ne vous pro­pose pas de vidéo, il vous suf­fit d’imaginer un tan­go canyengue accen­tu­ant l’aspect « canaille », les fentes et autres pass­es (fig­ures) inspirées du com­bat au couteau.

Un bal en 1900. Peut-être du tan­go.

Pour le côté parisien, la danse des apach­es est une danse qui alterne des moments vio­lents et des moments plus sen­suels. C’est une drama­ti­sa­tion des rela­tions entre femmes et hommes. Cette danse per­dur­era en France jusque dans les années 60. On retrou­vera ses fig­ures, repris­es dans d’autres dans­es comme le lindy-hop, le rock acro­ba­tique, le tan­go de show, voire le tan­go de danse sportive.

Trois présen­ta­tions de valse chaloupée en 1904, 1910 et 1935. Cette danse présente des choré­gra­phies bru­tales, d’apparence machiste, même si les femmes peu­vent y être égale­ment agres­sives. On con­sid­ère que c’est une mise en scène des rela­tions tumultueuses entre une pros­ti­tuée et son souteneur. Quand on imag­ine le nom­bre de femmes « volées » à Paris et mise au tra­vail comme pros­ti­tuées en Argen­tine, on com­prend mieux ce phénomène, fait d’alternance de moments de ten­sions extrêmes et de moments de pas­sion amoureuse.

Extrait musical

Par­ti­tion de patotero sen­ti­men­tal. Trois cou­ver­tures. Avec Manuel Jovés et Igna­cio Corsi­ni à gauche et sur la cou­ver­ture de droite, Loren­zo Bar­bero qui l’a enreg­istrée en 1950 avec le chanteur Osval­do Brizuela.
Patotero sen­ti­men­tal 1941-06-06 — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Rober­to Rufi­no.

Le patotero s’avance avec des pas bien mar­qués qui alter­nent avec de longs glis­san­dos des vio­lons.
Rufi­no com­mence à chanter, en respec­tant le rythme ini­tial. Sa voix est expres­sive et il ne som­bre pas dans le pathos que peu­vent présen­ter d’autres chanteurs. Cette sen­si­bil­ité asso­ciée à la pres­sion con­stante de l’orchestre fait que les danseurs trou­veront leur compte dans cette ver­sion idéale pour la danse. Le plaisir des oreilles et des jambes.
Nous ver­rons que cet équili­bre qui sem­ble si sim­ple et naturel dans cette ver­sion a du mal à se retrou­ver dans les nom­breux autres enreg­istrements du titre, du moins dans les ver­sions de danse, celles pour l’écoute entre dans une autre caté­gorie. Par exem­ple, le même Di Sar­li, avec l’excellent Mario Pomar fait un autre enreg­istrement en 1954 et il est dif­fi­cile d’y trou­ver la même dans­abil­ité, même si bien sûr de nom­breux danseurs tomberont sous le charme de cette autre ver­sion (qui est la vraie ver­sion du jour, puisqu’enregistrée un 26 jan­vi­er).

Rober­to Rufi­no. À gauche à Mar del Pla­ta en 1970 et à droite à Radio Bel­gra­no en 1944.

Paroles

Patotero, rey del bai­lon­go
Patotero sen­ti­men­tal
Escondés bajo tu risa
Muchas ganas de llo­rar
Ya los años se van pasan­do
Y en mi pecho, no entra un quer­er
En mi vida tuve muchas, muchas minas
Pero nun­ca una mujer
Cuan­do ten­go dos copas de más
En mi pecho comien­za a sur­gir
El recuer­do de aque­l­la fiel mujer
Que me quiso de ver­dad y que ingra­to aban­doné
De su amor, me burlé sin mirar
Que pudiera sen­tir­lo después
Sin pen­sar que los años al cor­rer
Iban cru­eles a amar­gar, a este rey del cabaret
Pobrecita, cómo llora­ba
Cuan­do ciego la eche a rodar
La pato­ta me mira­ba, y
No es de hom­bre el aflo­jar
Patotero, rey del bai­lon­go
Siem­pre de ella te acor­darás
Hoy reís, pero en tu risa
Solo hay ganas de llo­rar
Manuel Jovés Letra: Manuel Romero

Traduction libre des paroles

Patotero, roi du bal
Patotero sen­ti­men­tal
Tu caches sous ton rire beau­coup d’en­vies de pleur­er.
Et les années passent et, dans ma poitrine, aucun amour n’en­tre.
Dans ma vie, j’ai eu beau­coup, beau­coup de poulettes (chéries), mais jamais une femme.
Quand j’ai deux ver­res de trop, dans ma poitrine com­mence à resur­gir le sou­venir de cette femme fidèle qui m’aimait vrai­ment et que j’ai aban­don­née ingrate­ment.
De son amour, je me moquais sans voir que je pour­rais le ressen­tir plus tard, sans penser que les années, à mesure qu’elles s’é­coulaient, étaient cru­elles à aigrir ce roi du cabaret.
Pau­vre petite, comme elle pleu­rait quand aveu­gle j’ai com­mencé à la larguer.
La bande (pato­ta) m’ob­ser­vait, et ce n’est pas à un homme de se relâch­er (se laiss­er atten­drir).
Patotero, roi du bal, tou­jours, tu te sou­vien­dras d’elle.
Aujour­d’hui tu ris, mais, dans ton rire, il n’y a que l’en­vie de pleur­er.

Autres versions

El patotero sen­ti­men­tal 1922-03-29 — Igna­cio Corsi­ni con Orques­ta Rober­to Fir­po.

C’est Corsi­ni qui a créé le titre. Nous ver­rons cela en fin d’article. Ce fut son pre­mier grand suc­cès, ce tan­go a lancé sa car­rière.

Igna­cio Corsi­ni en 1922

La même année, Car­los Gardel décide d’enregistrer le titre. Cette vidéo de Sin­fo­nia Mal­e­va per­met de suiv­re les paroles chan­tées par Car­los Gardel.

El patotero sen­ti­men­tal 1922 — Car­los Gardel con acomp. de Guiller­mo Bar­bi­eri, José Ricar­do (gui­tar­ras)
Sub­mergé d’é­mo­tion Raul (Hugo Del Car­ril) chante Patotero sen­ti­men­tal quand il com­prend qu’il va per­dre elisa. dans le film La vida est une tan­go (1939)
Patotero sen­ti­men­tal 1941-06-06 — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Rober­to Rufi­no. C’est notre (faux) tan­go du jour.
Patotero sen­ti­men­tal 1949-11-25 — Orques­ta José Bas­so con Oscar Fer­rari.

La voix un peu acide de Fer­rari ne sert pas aus­si bien le thème que celle de Rufi­no ou de Corsi­ni. D’un point de vue de la danse, les manières de Fer­rari ren­dent cet enreg­istrement peu prop­ice à la danse. C’est un peu dom­mage, car l’orchestre fait un assez joli tra­vail.

Patotero sen­ti­men­tal 1950-12-28 — Loren­zo Bar­bero y su orques­ta de la argen­tinidad con Osval­do Brizuela.

Une Jolie ver­sion qui ne détrôn­era pas celle de Di Sar­li et Rufi­no, mais qui se laisse écouter et qui a obtenu un cer­tain suc­cès à son époque, comme en témoigne la par­ti­tion présen­tée au début de cet arti­cle.

Patotero sen­ti­men­tal 1952-10-16 — Orques­ta Osval­do Frese­do con Héc­tor Pacheco.

Dans la veine des tan­gos à écouter il y a cette ver­sion. La voix pré­cieuse de Pacheco est-elle réelle­ment adap­tée au rôle d’un patotero, même con­ver­ti ? On a du mal à croire à cette his­toire, d’autant plus que Frese­do mul­ti­plie ses fior­i­t­ures, tout aus­si peu prop­ices à la danse que celles de Florindo Sasonne de la même époque.

Patotero sen­ti­men­tal 1954-01-26 — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Mario Pomar.

J’adore Mario Pomar et son inter­pré­ta­tion ne souf­fre d’aucune cri­tique. C’est juste que le choix un peu moins tonique rend, à mon sens, le titre un peu moins agréable à danser que la ver­sion avec Rufi­no enreg­istrée 13 ans plus tôt. C’est cette ver­sion qui a été enreg­istrée un 26 jan­vi­er et qui devrait donc offi­cielle­ment être le tan­go du jour.

Patotero sen­ti­men­tal 1974 — Orques­ta Florindo Sas­sone con Oscar Macri.

J’ai par­lé des bruitages de Sas­sone à pro­pos de la ver­sion de 1952 de Frese­do, je pense que vous remar­querez que Sas­sone ne les pro­pose pas dans cet enreg­istrement. C’est assez logique, car ces bruitages sont le témoignage d’une époque et qu’ils furent aban­don­nés par la suite. Vous noterez toute­fois les moments où Sas­sone quelques années plus tôt aurait abusé de ces effets. Si Sas­sone n’est pas un pour­voyeur de tan­go de danse, il faut recon­naître qu’avec l’interprétation inspirée de Macri, le résul­tat est plutôt sym­pa, même si à mon avis, il ne devrait pas franchir la porte de la milon­ga (en tous cas pas trop sou­vent 😉

Patotero sen­ti­men­tal 1974 — Hugo Díaz.

L’harmonica d’Hugo Díaz, une voix à lui tout seul. L’ambiance jazzy don­née par le piano et la gui­tare ne sat­is­fera cepen­dant pas les danseurs qui réserveront le titre pour une écoute au coin du feu.

Patotero sen­ti­men­tal 1974c — Leopol­do Fed­eri­co con Car­los Gari.

Le ban­donéon expres­sif de Leopol­do Fed­eri­co nous offre un duo avec Car­los Gari dont la voix puis­sante con­traste avec tous les instru­ments. C’est une belle inter­pré­ta­tion, pleine d’émotion. L’opposition, voix et instru­ments du début s’apaise pro­gres­sive­ment pour nous offrir un paysage sonore par­faite­ment cohérent. Moi, j’aime bien, mais bien sûr, ça reste entre mon ordi­na­teur et moi, cela ne passera pas sur les haut-par­leurs de la milon­ga.

Patotero sen­ti­men­tal 1991-03 — Car­los Gar­cía solo de piano.

Le piano sait sou­vent être expres­sif. Je vous laisse juger si Car­los Gar­cía a su suff­isam­ment faire par­ler son instru­ment…

Patotero sen­ti­men­tal 2005 — Cuar­te­to Guardia Vie­ja con Omar de Luca (ou Dario Paz ou Fabi­an Vidarte…). Je ne suis pas sûr de qui chante.
Patotero sen­ti­men­tal 2006 — Aure­liano Tan­go Club C Aure­liano Marin.

Une ver­sion très dif­férente mais pas inin­téres­sante. Vous pou­vez jeter un œil à leur site, celui d’Aureliano Marin, arrangeur, directeur et con­tre­bassiste du trio en plus d’en être le chanteur.

Patotero sen­ti­men­tal 2011 — Orques­ta Típi­ca Gente de Tan­go con Héc­tor Mora­no.

On ter­mine ici, avec une ver­sion plus tra­di­tion­nelle.

Origine de ce tango

Comme nous l’avons vu à de nom­breuses repris­es, les tan­gos qui ani­ment nos milon­gas ont sou­vent été créés pour des revues musi­cales, des pièces de théâtre ou des films. Celui-ci ne fait pas excep­tion. Il était une des scènes de la pièce “El bailarín del cabaret” (le danseur de cabaret) qui fut lancée le 12 mai 1922 au théâtre Apo­lo par la com­pag­nie de Cesar Rat­ti, et qui eut un suc­cès immense, notam­ment pour l’interprétation par Igna­cio Corsi­ni de notre tan­go du jour.
Les spec­ta­teurs bis­saient de nom­breuses fois ce titre que Corsi­ni chan­tait, appuyé sur le dossier d’une chaise et avec le genou droit sur l’assise. On con­nait ce détail par Osval­do Sosa Cordero dans “His­to­ria de las vari­etés en Buenos Aires 1900–1925” qui nous apprend égale­ment que 800 dis­ques de ce titre ont été gravés en 1922 et comme nous l’avons vu, Gardel s’est aus­si emparé du phénomène, la même année.

Osval­do Sosa Cordero; His­to­ria de las vari­etés en Buenos Aires 1900–1925. À gauche, édi­tion orig­i­nale de 1978 et à droite, la réédi­tion de 1999.

Il me sem­ble intéres­sant de voir com­ment s’articulaient ces var­iétés.

El bailarín del cabaret — Cou­ver­ture de la 4ème édi­tion (19 août 1922 et déjà 319 représen­ta­tions suc­ces­sives)… À droite, l’ex­trait du livret avec les paroles du tan­go chan­té par Igna­cio Corsi­ni.

Dans la pièce de Manuel Romero, El bailarín del cabaret, où se trou­ve cette pièce, il y a 4 tableaux. L’apparition de ce tan­go est dans le troisième.
La scène se passe dans un cabaret lux­ueux et tous dansent un fox­trot joué par l’orchestre dirigé par Félix Sco­lat­ti Almey­da, sauf Maria qui est triste à sa table et une famille qui décou­vre cet univers.
Je vous repro­duis ici un dia­logue savoureux où un jeune homme (Tron­coso) souhaite inviter la fille de la famille de vis­i­teurs (Cayetana) et qui se ter­mine par l’introduction de notre tan­go, Patotero sen­ti­men­tal.

Dialogues liminaires au tango Patotero sentimental

TRONCOSO.- Bue­nas noches. ¿ Me acom­paña ese tan­go señori­ta?
CAYETANA.-Yo no me coman­do sola. Pídale per­miso a me papá.
D. GAETANO.-E iñu­dole, cabayere. Me nena non “bala”.
TRONCOSO.-¿Cómo es eso? ¿Aca­so ust­ed. no sabe que toda mujer que entra aquí está oblig­a­da a bailar?
D. GAETANO.-Ma nun. diga.
TRONCOSO.–Si, señor, sino va a haber tiros.
CAYETANA.-Papá, vamo in casa. (Tron­coso saca un revólver.)
D. GAETANO.-Boeno … boeno .. . que “bale” pero no me lam­prete mucho. (Bailan ridic­u­la­mente.)
CATALINA.-Gaetano; roa mire como le hace co la pier­na.
D. GAETANO.-(Parándolo.) ¡Ah! ¡No covenci­to, eso no, pe la madon­na!
Me hija non he una melunguera cualunque. E osté, non debe hac­er­le cosquiyite inta la gam­ba, Sabe?
TRONCOSO.-¿Dónde le he hecho cosquil­las?
D. GAETANO.-¿E me lo pre­gun­ta todavía? ¡Chan­cho!
TRONCOSO.-¡Salí de ahí otario!(Le da un bife,y lo sacan a bofe­tadas
has­ta la calle, madre e hija van detras, la orques­ta ata­ca un paso doble. Tumul­to, risas y todos bailan.) ¿ Vamos a bailar, Mar­ta?
MARTA.-No: dejame, no quiero bailar hoy.
TRONCOSO.-¿ Qué te pasa?
MARTA.-Nada. Dejame.
TRONCOSO.-¿Pero qué tenés vos esta noche?
MARTA.-Nada. Se van a reir si lo digo.
PANCHITO.-Dejala; algún mete­jón nue­vo.
MARTA.-No, nada de eso, les juro.
MARGOT.-A ver, dec­ime­lo ami. Yo soy tu ami­ga .
M‑ARTA.-¡Es qué! … Pero no, es ridícu­lo.
MARGOT.-Deci … .
MARTA.-Pero no se rían. He deja­do a mi nene en casa con cuarenta
gra­dos de fiebre y se me va a morir y yo no quiero que se me muera. (Llo­ran­do.)
LA BEBA.-¡Já, já, já! Dejate de sen­ti­men­tal­is­mos.
TRONCOSO.-¡Qué des­gra­ci­a­da! (Todos rien.)
LORENA.-¿Por qué se ríen de ella?
TRONCOSO.-A vos que te pasa? De un tiem­po a esta parte el mozo se ha puesto muy sen­ti­men­tal.
LA BEBA.-En cuan­to toma dos copas se pone imposi­ble.
LORENA.-Para ust­edes no hay nada respetable en la vida …
TRONCOSO.-Pero her­mano! Vos, el rey de los patateros, hablan­do asi! …
LORENA.-¿ Y qué? ¿Aca­so un patatero no puede ten­er alma? Si ust­edes supier­an …

Traduction des dialogues

TRONCOSO.- Bon­soir. M’accompagneriez-vous pour ce tan­go, made­moi­selle ?
CAYETANA : Je ne me com­mande pas. Deman­dez la per­mis­sion à mon père.
D. GAETANO.- C’est inutile jeune-homme. Ma fille ne « danse » pas.
(Les guillemets soulig­nent l’opinion que le père a de ces dans­es de cabaret).
TRONCOSO.- Com­ment cela se fait-il ? Vrai­ment? Ne savez-vous pas que chaque femme qui entre ici est oblig­ée de danser ?
D. GAETANO.-Mais nul me l’a dit.
TRONCOSO.–Oui, mon­sieur, sinon il y aura des coups de feu.
CAYETANA.-Papa, ren­trons à la mai­son. (Tron­coso sort un revolver.)
D. GAETANO.-Bien … Bien .. . qu’ils « dansent » cette « danse » mais ne la ser­rez pas trop. (Ils dansent ridicule­ment.)
CATALINA.-Gaetano ; Roa, regarde com­ment il fait avec sa jambe.
D. GAETANO.- (L’ar­rê­tant.) Ah ! Non jeune homme, pas ça, par la Madone !
Ma fille n’est pas une melunguera (milonguera, le père ne con­nait pas bien et déforme le mot) quel­conque. Et il ne faut pas cha­touiller la jambe, vous savez ?
TRONCOSO : Où l’ai-je cha­touil­lée ?
D. GAETANO : Et vous me deman­dez en plus ? Cochon!
TRONCOSO : Sors d’ici, otario !
(Otario, cave, naïf, idiot) (Il le gifle, et ils le sor­tent avec des baffes) jusqu’à la rue. La mère et la fille se glis­sent der­rière, l’orchestre attaque un paso doble. Tumulte, rires et tout le monde danse.) On va danser, Mar­ta ?
MARTHA : Non, laisse-moi, je ne veux pas danser aujour­d’hui.
TRONCOSO : Que t’arrive-t-il ?
MARTA.-Rien, laisse-moi.
TRONCOSO : Mais qu’as-tu ce soir ?
MARTA : Rien, ils vont rire si je le dis.
PANCHITO : Laisse-la ; quelque chose d’une nou­velle amourette.
MARTA : Non, rien de tel, je vous jure.
MARGOT : Eh bien, dis-le-moi. Je suis ton amie.
MARTA.-C’est que ! … Mais non, c’est ridicule.
MARGOT.-Parle… .
MARTA : Mais ne riez pas. J’ai lais­sé mon bébé à la mai­son avec quar­ante degrés de fièvre et il va mourir et je ne veux pas qu’il meure. (En pleurs.)
LA BEBA.-Ah-Ah-Ah Arrête avec la sen­ti­men­tal­ité.
TRONCOSO : Quelle malchance ! (Tout le monde rit.)
LORENA.-Pourquoi vous moquez-vous d’elle ?
TRONCOSO : Qu’est-ce qui ne va pas chez toi ? Depuis quelque temps, le mon­sieur (beau jeune-homme) est devenu très sen­ti­men­tal.
LE BÉBÉ : Dès qu’il boit deux ver­res il devient impos­si­ble.
LORENA.-Pour vous, il n’y a rien de respectable dans la vie…
TRONCOSO : Mais frère ! Toi, le roi des patateros, tu par­les ain­si !…
LORENA : Et alors ? Un patatero ne peut-il pas avoir une âme ? Si vous saviez…

Et là, Igna­cio Corsi­ni retourne une chaise, pose un genou sur l’assise et s’appuie au dossier avant d’entamer cette chan­son qu’il repren­dra de nom­breuses fois à la demande des spec­ta­teurs.
Lors d’une représen­ta­tion, le chef de la troupe, Cesar Rat­ti, a essayé d’interdire les bis mul­ti­ples. Finale­ment, il a dû céder devant la pres­sion du pub­lic et il y a eu cinq bis.
Voilà, vous en savez sans doute un peu plus sur l’histoire de ce tan­go et du lien entre notre musique favorite, les cabarets, théâtres et autres lieux de spec­ta­cle du début du vingtième siè­cle.

À bien­tôt, les amis !

El Cachafaz 1937-06-02 — Orquesta Juan D’Arienzo

Manuel Aróstegui (Manuel Gregorio Aroztegui) Letra: Ángel Villoldo

Si vous vous intéressez à la danse du tan­go, vous avez for­cé­ment enten­du par­ler de El Cachafaz . C’était un danseur réputé, mais était-il réelle­ment appré­cié pour ses qual­ités humaines ? D’un côté, il a un tan­go qui lui est dédié, mais les paroles ne le décrivent pas à son avan­tage. D’autre part, si la ver­sion de D’Arienzo qui est notre tan­go du jour est remar­quable, les autres inter­pré­ta­tions ne sont pas si agréables que cela, comme si les orchestres avaient eu une réti­cence à l’évoquer. Je vous invite aujourd’hui à décou­vrir un peu plus de qui était el Cachafaz, la canaille.

Extrait musical

Par­ti­tion pour piano de El Cachafáz
El Cachafaz 1937-06-02 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

La musique com­mence par le cor­net du tran­via (tramway). Le piano de Bia­gi, prend tous les inter­valles libres, mais le ban­donéon et les vio­lons ne méri­tent pas. C’est du très bon D’Arienzo. On a l’impression que El Cachafaz se promène, salué par les tramways. On peut imag­in­er qu’il danse, d’ailleurs ce titre est tout à fait dans­able…

Paroles

Toutes les ver­sions que je vous pro­pose aujourd’hui sont instru­men­tales, mais les paroles nous sont très utiles pour cern­er le per­son­nage. Men­tion­nons tout de même que la musique a été écrite en 1912 et était des­tiné à l’acteur Flo­ren­cio Par­ravici­ni. Cepen­dant, les paroles de Ángel Vil­lol­do s’adressent bien au danseur.

El Cachafaz es un tipo
de vestir muy ele­gante
y en su pres­en­cia arro­gante
se desta­ca un gran señor.
El Cachafaz, donde quiera,
lo han de encon­trar muy tran­qui­lo
y si saca algún filo
se con­vierte en picaflor.

El Cachafaz, bien lo saben,
que es famoso bailarín
y anda en bus­ca de un fes­tín
para así, flo­re­arse más.
El Cachafaz cae a un baile
rece­lan los prometi­dos,
y tiem­blan los mari­dos
cuan­do cae el Cachafaz.

El Cachafaz, cuan­do cae a un bailecito
se larga; pero muy de para­da
y no respe­ta ni a casa­da;
y si es soltera, mejor.
Con mil prome­sas de ter­nu­ra
les ofer­ta, como todos, un mun­do de grandezas
y nadie sabe que la pieza no ha paga­do
y anda en bus­ca afligi­do, el acree­dor.

Manuel Aróstegui (Manuel Gre­go­rio Aroztegui) Letra: Ángel Vil­lol­do

Traduction libre et indications

Le Cachafaz est un type vêtu très élégam­ment et dans sa présence arro­gante se dis­tingue un grand seigneur.
Le Cachafaz, où qu’il soit, doit être trou­vé très calme et s’il trou­ve une ouver­ture (filo se dit chez les délin­quants pour par­ler d’une oppor­tu­nité), il devient un picaflor (col­ib­ri, ou plutôt homme allant butin­er de femme en femme).
Le Cachafaz, comme vous le savez bien, est un danseur célèbre et cherche un fes­tin afin de s’épanouir davan­tage.
Quand le Cachafaz débar­que (caer, tomber en espag­nol, est ici en lun­far­do et sig­ni­fie être présent dans un lieu) dans un bal, les fiancés sont méfi­ants et les maris trem­blent quand le Cachafaz arrive.
Le Cachafaz, lorsqu’il débar­que dans un petit bal, se lâche ; mais, il est très pré­ten­tieux (de nar­iz para­da, le nez redressé comme savent le faire les per­son­nes pré­ten­tieuses) et ne respecte ni les femmes mar­iées ni les céli­bataires, c’est mieux (il préfère les céli­bataires).
Avec mille promess­es de ten­dresse, il leur offre, comme tous, un monde de grandeur et per­son­ne ne sait que la cham­bre n’est pas payée et que va, affligé, à sa recherche, le créanci­er.

Et voici El Cachafaz

Main­tenant que j’ai dressé son por­trait à tra­vers les paroles, essayons de nous intéress­er au per­son­nage réel.
El Cachafaz (Ovidio José Bian­quet), Buenos Aires, 1885–02-14-Mar del Pla­ta, 1942-02-07.
El Cachafaz était grand, laid, grêlé de vérole, il avait un air mal­adif.

Sa danse

El Cachafaz a dan­sé dans une dizaine de films et notam­ment Tan­go (1933) et Car­naval de antaño (1940), extraits que je vais vous présen­ter ici.

C’est un extrait du film “Tan­go” (1933) de Luis Moglia Barth qui est le pre­mier film par­lant argentin. On y voit El Cachafaz (José Ovidio Bian­quet) danser avec Car­menci­ta Calderón, El Entr­erri­ano de Ansel­mo Rosendo Men­dizábal.

À ce moment, il est âgé de 48 ans et sa parte­naire Car­menci­ta Calderón 28 ans. Je donne cette pré­ci­sion, car cer­tains affir­ment que sa parte­naire n’a pas encore 20 ans. Il dansera avec elle dans deux autres films en 1939 “Giá­co­mo” et “Var­iedades”. Ce sera aus­si sa com­pagne de vie jusqu’à sa mort et à part une presta­tion avec Sofía Bozán, sa parte­naire de danse. Car­menci­ta Calderón est morte cen­te­naire, en 2005. Une preuve que le tan­go con­serve.

Voyons-le danser un peu plus tard, en 1940, avec Sofía Bozán

C’est un extrait du film “Car­naval de antaño” (1940) de Manuel Romero. C’est deux ans avant la mort de El Cachafaz. Il a 55 ans dans cette presta­tion.

On notera que le rôle prin­ci­pal est tenu par Flo­ren­cio Par­ravici­ni qui aurait été lé dédi­cataire en 1912 de la musique de Manuel Aróstegui. Les deux Cachafaz dans le même film.

Ses principales partenaires :

Eloise Gab­bi. Elle fit avec lui une tournée aux USA en 1911. En fait, c’est plutôt l’inverse si on cons­dère que El Cachafaz était désigné comme “an Argen­tine indi­an” (Un indi­en argentin). Il faut dire qu’il devait encore avoir à l’époque la stature faubouri­enne qu’il amélior­era, comme Bertrán, dans le tan­go Del bar­rio de las latas.

Emma Bóve­da, Elsa O’Con­nor puis Isabel San Miguel qui furent aus­si ses com­pagnes, jusqu’à ce qu’il ren­cotre Car­menci­ta Calderón (Car­men Micaela Ris­so de Can­cel­lieri) (1905–02-10 – 200510–31. Car­menci­ta danse avec lui dans Tan­go (1933), Giá­co­mo” (1939) et “Var­iedades (1939).
Sofía Bozán (Sofía Isabel Berg­ero) 1904-11-05 — 1958-07-09. Pour le film Car­naval de antaño, mais il reste avec Car­menci­ta, jusqu’à sa mort en 1942, Car­menci­ta qui lui sur­vivra 63 ans…

La pho­to dont je suis par­ti pour faire celle de cou­ver­ture de l’ar­ti­cle… El Cachafaz avec sa com­pagne, Car­menci­ta Calderón. C’est une pho­to posée et retouchée pour ce qui est du vis­age de El Cachafaz.

Voici ce qu’en dit Canaro (pages 79–81 de Mis memorias)

Mis memo­rias 1906–1956 – Fran­cis­co Canaro. Même si le livre est cen­trée sur Canaro, c’est une mine de ren­seigne­ments sur le tan­go de l’époque. C’est assez curieux qu’il soit si peu cité.

“Con­cur­ría: con suma fre­cuen­cia a los bailes del “Olimpo” un per­son­aje que ya goz­a­ba de cier­ta pop­u­lar­i­dad: Ben­i­to Bian­quet (“El Cachafaz”); a quien no se le cobra­ba la entra­da, porque era una ver­dadera atrac­ción; cuan­do él bail­a­ba la con­cur­ren­cia entu­si­as­ma­da le forma­ba rue­da y él se flo­re­a­ba a gus­to hacien­do der­roche en las fig­uras del típi­co tan­go de arra­bal.

Puede decirse, sin temor a hipér­bole, que “El Cachafaz” fué indis­cutible­mente el mejor y más com­ple­to bailarín de tan­go de su tiem­po. No tuvo mae­stro de baile; su propia intu­ición fué la mejor escuela de su esti­lo. Era per­fec­to en su porte, ele­gante y jus­to en sus movimien­tos, el de mejor com­pás; en una pal­abra, “El Cachafaz”, en el tan­go, fué lo que Car­l­i­tos Gardel coma can­tor: un creador; y ambos no han tenido suce­sores, sino imi­ta­dores, que no es lo mis­mo. “El Cachafaz” siem­pre iba acom­paña­do de su insep­a­ra­ble ami­go “El Paisan­i­to”, mucha­cho que tenía fama de guapo y que, para su defen­sa, usa­ba una daga de unos sesen­ta a seten­ta, cen­tímet­ros de largo; se la ponía deba­jo del bra­zo izquier­do calzán­dola por entre la aber­tu­ra del chale­co, y la pun­ta daba más aba­jo del cin­turón rozán­dole la pier­na. Para sacar­la lo hacía en tres tiem­pos y con gran rapi­dez cuan­do las cir­cun­stan­cias lo exigían. No obstante, “El Paisan­i­to” era un buen mucha­cho y un leal ami­go. […]

Pre­cisa­mente, recuer­do que una noche hal­lán­dose en una mesa “El Cachafaz” con “El Paisan­i­to” y otros ami­gos, apare­ció otro famoso Bailarín de tan­go, “El Ren­go Coton­go”, guapo el hom­bre y según decían de averías y de mal vivir; lo acom­paña­ban otros suje­tos de pin­ta no muy recomend­able, quienes se ubi­caron en una mesa próx­i­ma a la de “El Cachafaz”. “El Ren­go Coton­go” traía tam­bién su com­pañera de baile. Empezaron a beber en ambas mesas, y entre baile y baile lan­z­a­ban indi­rec­tas alu­si­vas a “El Cachafaz”, y se orig­inó un desafió. Querían dilu­ci­dar y dejar sen­ta­do cuál de los dos era mejor bailarín de tan­go. Se con­cretó la apues­ta y el primera en salir a bailar fué “El Ren­go Coton­go”, quien pidió que tocasen “El Entr­erri­ano”. El apo­do le venía porque rengue­a­ba de una pier­na al andar, pero ello no fué obstácu­lo para lle­gar a con­quis­tar car­tel de buen bailarín, pues en real­i­dad bai­lan­do no se le nota­ba la renguera, al igual que a los tar­ta­mu­dos, que can­tan­do dejan de ser­lo. sal­ió el famoso “Ren­go” hacien­da fil­igranas, acla­ma­do por la bar­ra que lo acom­paña­ba y por los con­ter­tulios que sim­pa­ti­z­a­ban con él, y ter­miné la pieza entre grandes aplau­sos. Y le tocó a “El Cachafaz”, quien pidió que tomasen El Choclo. Sal­ió con su gar­bo varonil y con su pos­tu­ra ele­gante hacien­do con los pies tan mar­avil­losas “fior­it­uras” que sólo falta­ba que pusiera su nom­bre; pero dibu­jó sus ini­ciales entre atron­adores aplau­sos y «¡vivas!” a “El Cachafaz”. Al verse “El Ren­go” y sus comp­inch­es desaira­dos en su desafió, ahí nomas empezaron a menudear los tiros y se armó la de San Quin­tín. En media del barul­lo nosotros no sen­tíamos más que “¡pim-paf, pum!” … y las balas pega­ban en la cha­pa de hier­ro que cubría la baran­da del pal­co donde nosotros tocábamos, vién­donos oblig­a­dos a echar cuer­po a tier­ra has­ta que amainó el escán­da­lo con la pres­en­cia de la policía, que arreó con todo el mun­do a la comis­aria. Y el salón quedó clausura­do por largo tiem­po.”

Fran­cis­co Canaro — Mis memo­rias 1906–1956

Traduction libre du texte de Canaro

Très fréquem­ment aux bals de l’ ”Olimpo” se trou­vait un per­son­nage qui jouis­sait déjà d’une cer­taine pop­u­lar­ité : Ben­i­to Bian­quet (« El Cachafaz ») ; qui ne payait pas l’entrée, parce que c’é­tait une véri­ta­ble attrac­tion ; Quand il dan­sait, la foule ent­hou­si­aste for­mait un cer­cle et il s’é­panouis­sait à l’aise, se répan­dant dans les fig­ures du tan­go typ­ique des faubourgs.

On peut dire, sans crainte de l’hy­per­bole, que « El Cachafaz » était incon­testable­ment le meilleur et le plus com­plet danseur de tan­go de son temps. Il n’avait pas de pro­fesseur de danse ; Sa pro­pre intu­ition fut la meilleure école de son style. Il était par­fait dans son main­tien, élé­gant et juste dans ses mou­ve­ments, le meilleur com­pás; en un mot, « El Cachafaz », en tan­go, était ce que Car­l­i­tos Gardel est comme chanteur : un créa­teur ; Et les deux n’ont pas eu de suc­cesseurs, mais des imi­ta­teurs, ce qui n’est pas la même chose. « El Cachafaz » était tou­jours accom­pa­g­né de son insé­para­ble ami « El Paisan­i­to », un garçon qui avait la répu­ta­tion d’être beau et qui, pour sa défense, util­i­sait un poignard d’en­v­i­ron soix­ante à soix­ante-dix cen­timètres de long ; Il le plaçait sous son bras gauche, l’in­sérant dans l’ou­ver­ture du gilet, et la pointe était au-dessous de la cein­ture et lui effleu­rait la jambe. Pour le sor­tir, il le fai­sait en trois temps et avec une grande rapid­ité lorsque les cir­con­stances l’ex­igeaient. Néan­moins, « El Paisan­i­to » était un bon garçon et un ami fidèle. […]

Pré­cisé­ment, je me sou­viens qu’un soir où « El Cachafaz » était à une table avec « El Paisan­i­to » et d’autres amis, un autre danseur de tan­go célèbre est apparu, « El Ren­go Coton­go », bel homme et, comme on dis­ait, de dépres­sions et de mau­vaise vie ; il était accom­pa­g­né d’autres sujets d’ap­parence peu recom­mand­able, qui étaient assis à une table près de celle d’El Cachafaz. El Ren­go Coton­go” a égale­ment amené sa parte­naire de danse. Ils com­mencèrent à boire aux deux tables, et entre les dans­es, ils lançaient des allu­sions à « El Cachafaz », et un défi s’en­suiv­it. Ils voulaient élu­cider et établir lequel des deux était le meilleur danseur de tan­go. Le pari a été fait et le pre­mier à aller danser a été « El Ren­go Coton­go », qui nous a demandé de jouer « El Entr­erri­ano ». Le surnom lui venait du fait qu’il boitait d’une jambe lorsqu’il mar­chait, mais ce n’é­tait pas un obsta­cle pour con­quérir l’af­fiche d’un bon danseur, car en réal­ité en dansant, ce n’é­tait pas per­cep­ti­ble, ain­si que les bègues, qui en chan­tant cessent de l’être. Le fameux « Ren­go » est sor­ti, en exé­cu­tant des fil­igranes, acclamé par la bande qui l’ac­com­pa­g­nait et par les par­tic­i­pants qui sym­pa­thi­saient avec lui, et j’ai ter­miné la pièce au milieu de grands applaud­isse­ments. Et ce fut au tour d’ “El Cachafaz », qui nous a demandé de pren­dre El Choclo. Il entra avec sa grâce vir­ile et son atti­tude élé­gante, faisant de si mer­veilleuses « fior­it­uras » avec ses pieds qu’il ne lui restait plus qu’à met­tre son nom ; mais il a dess­iné ses ini­tiales au milieu d’un ton­nerre d’ap­plaud­isse­ments et de « vivas ! » à « El Cachafaz ». A con­trario, « El Ren­go » et ses acolytes ont été snobés dans leur défi, aus­si, sans façon, les coups de feu ont com­mencé à être tirés et la de San Quin­tín a été mise en place (cela sig­ni­fie un scan­dale ou une très grande bagarre, en référence à la bataille de San Quentin qui a eu lieu à l’époque de Philippe II (XVIe siè­cle) entre l’Es­pagne et la France, autour du roy­aume de Naples. Au milieu du brouha­ha, nous n’avons rien ressen­ti d’autre que « pim-paf, bam ! » et les balles se logeaient dans la plaque de fer qui cou­vrait la balustrade de la loge où nous jouions, et nous avons été for­cés de nous jeter à terre jusqu’à ce que le scan­dale s’éteigne avec la présence de la police, qui a rassem­blé tout le monde au com­mis­sari­at. Et le salon a été fer­mé pen­dant longtemps.

El Cachafaz évoqué par Miguel Eusebio Bucino

Le tan­go Bailarín com­padri­to de Miguel Euse­bio Buci­no par­le juste­ment de El Cachafaz.

Vesti­do como dandy, peina’o a la gom­i­na
Y dueño de una mina más lin­da que una flor
Bailás en la milon­ga con aire de impor­tan­cia
Lucien­do la ele­gan­cia y hacien­do exhibi­ción
Cualquiera iba a decirte, ¡che!, reo de otros días
Que un día lle­garías a rey de cabaret
Que pa’ enseñar tus cortes pon­drías acad­e­mia
Al tau­ra siem­pre pre­mia la suerte, que es mujer
Bailarín com­padri­to
Que flo­re­aste tus cortes primero
En el viejo bai­lon­go orillero
De Bar­ra­cas, al sur
Bailarín com­padri­to
Que querías pro­bar otra vida
Y al lucir tu famosa cor­ri­da
Te vin­iste al Maipú
Ara­ca, cuan­do a veces oís “La Cumpar­si­ta“
Yo sé cómo pal­pi­ta tu cuore al recor­dar
Que un día lo bailaste de lengue y sin un man­go
Y aho­ra el mis­mo tan­go bailás hecho un bacán
Pero algo vos darías por ser por un rati­to
El mis­mo com­padri­to del tiem­po que se fue
Pues cansa tan­ta glo­ria y un poco triste y viejo
Te ves en el espe­jo del loco cabaret
Bailarín com­padri­to
Que querías pro­bar otra vida
Y al lucir tu famosa cor­ri­da
Te vin­iste al Maipú
Miguel Euse­bio Buci­no

Miguel Euse­bio Buci­no

Traduction libre de Bailarín compadrito

Habil­lé en dandy, les cheveux peignés et pro­prié­taire d’une fille plus belle qu’une fleur, vous dansez dans la milon­ga avec un air d’importance, faisant éta­lage d’élégance et faisant une exhi­bi­tion n’importe qui allait vous dire, che ! pris­on­nier d’un autre temps, qu’un jour vous devien­driez roi du cabaret que pour enseign­er tes cortes tu fer­ras académie au tau­ra sourit tou­jours la chance, qui est une femme.
Danseur voy­ou qui a fait fleurir tes pre­miers cortes dans l’ancien bal à la périphérie de Bar­ra­cas, au sud.
Danseur voy­ou qui voulait essay­er une autre vie et qui, quand tu as mon­tré ta fameuse cor­ri­da, tu es venu au Maipú.
Mon vieux (gar­di­en), quand tu entends par­fois « La Cumpar­si­ta », je sais com­ment ton cœur bat quand tu te sou­viens qu’un jour tu l’as dan­sé avec un foulard (on le voit dans le film Tan­go de 1933) et sans un sou et main­tenant le même tan­go fait de toi un bacán (un for­tuné).
Mais tu don­nerais quelque chose pour être pen­dant un petit moment le même voy­ou de l’époque qui s’en est allé, parce que tant de gloire est fati­gante et que vous vous voyez dans le miroir du cabaret fou.
Danseur voy­ou, qui voulait essay­er une autre vie et qui en mon­trant sa fameuse cor­ri­da, tu es venu au Maipú.
On voit que ces paroles cor­re­spon­dent à celles de Vil­lo­do, ce qui me per­met de valid­er le fait que ce tan­go est bien adressé à El Cachafaz, du moins dans ses paroles.

Autres versions

Toutes les ver­sions sont instru­men­tales. L’écoute ne per­met prob­a­ble­ment pas de dis­tinguer les ver­sions qui étaient plutôt des­tinées à l’acteur et celles des­tinées au danseur. On note toute­fois, que la plu­part ne sont pas géniales pour la danse. Est-ce une façon de les départager ? Je suis partagé sur la ques­tion.

El Cachafaz 1912 — Cuar­te­to Juan Maglio “Pacho”.

Cet enreg­istrement Antique com­mence avec le cor­net du tran­via et qui résonne à dif­férentes repris­es, arrê­tant le bal. Des paus­es, un peu comme les breaks que D’Arienzo met­tra en place bien plus tard dans ses inter­pré­ta­tions.

El Cachafaz 1937-06-02 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

La musique com­mence par le cor­net du tran­via (tramway). Le piano de Bia­gi, prend tous les inter­valles libres, mais le ban­donéon et les vio­lons ne méri­tent pas. C’est du très bon D’Arienzo. On a l’impression que El Cachafaz se promène, salué par les tramways. On peut imag­in­er qu’il danse, d’ailleurs ce titre est tout à fait dans­able…

El Cachafaz 1950-12-27 — Ricar­do Pedev­il­la y su Orques­ta Típi­ca.

Pass­er après D’Arienzo, n’est pas évi­dent. Un petit coup de Cor­net pour débuter et ensuite de jolis pas­sages, mais à mon avis pas avec le même intérêt pour le danseur que la ver­sion de D’Arienzo. Cepen­dant, cette ver­sion reste tout à fait dans­able et si elle ne va prob­a­ble­ment pas soulever des ent­hou­si­asme déli­rants, elle ne devrait pas sus­citer de tol­lé mémorables et se ter­min­er à la de San Quin­tín.

El Cachafaz 1953-05-22 — Orques­ta Eduar­do Del Piano.

Le Cor­net ini­tial est peu recon­naiss­able. Le tan­go est tout à fait dif­férent. Il a des accents un peu som­bres. Del Piano est dans une recherche musi­cale qui l’a éloigné de la danse. Un comble si le tan­go est lié à un danseur si célèbre.

El Cachafaz 1954-01-26 — Orques­ta Car­los Di Sar­li.

Di Sar­li rétabli le cor­net ini­tial, mais son inter­pré­ta­tion est assez décousue. Pour le danseur il est dif­fi­cile de prévoir ce qui va se pass­er. Sans doute un essai de renou­velle­ment de la part de Di Sar­li, mais je ne suis pas tant con­va­in­cu que les danseurs trou­vent le ter­rain calme et favor­able à l’improvisation auquel Di Sar­li les a habitué. Pour moi, c’est un des rares Di Sar­li de cette époque que je ne passerai pas.

El Cachafaz 1958 — Los Mucha­chos De Antes.

On retrou­ve avec cette ver­sion, la flûte qui fait le cor­net du tran­via. L’association gui­tare, flute, donne un résul­tat très léger et agréable. La gui­tare, mar­que bien la cadence et les danseurs pour­ront aller en sécu­rité avec cette ver­sion qui oscille entre la milon­ga et le tan­go. Les mucha­chos ont recréé une ambiance début de siè­cle très con­va­in­cante. Ils méri­tent leur nom.

Voilà les amis, c’est tout pour aujourd’hui. Je vous souhaite de danser comme El Cachafaz et Car­menci­ta.

Derecho viejo 1945-05-28 — Orquesta Osvaldo Pugliese

Eduardo Arolas Letra : Andrés Baldesari (V1) — Gabriel Clausi (V2)

Dere­cho viejo, le vieux droit, le droit ancien est une expres­sion argen­tine qui sig­ni­fie que quelque chose doit être fait sans délai, sans détours. Ce tan­go Dere­cho viejo a été dédi­cacé par Aro­las au Cen­tre des Étu­di­ants en Droit. Il a été enreg­istré, depuis les années 1910, énor­mé­ment de fois, mais une seule fois par Pugliese. C’est notre ver­sion du jour.

Je dédie cet arti­cle à mes deux grands amis, trop tôt dis­parus, Juan Lenci­na y Daniel Rezk, créa­teurs de la milon­ga Dere­cho Viejo de Buenos Aires.

Je dédie cet arti­cle à mes deux grands amis, trop tôt dis­parus, Juan Lenci­na y Daniel Rezk, créa­teurs de la milon­ga Dere­cho Viejo de Buenos Aires.
Les locaux du cen­tre de droit à l’époque de l’écriture de Dere­cho Viejo. C’était à Moreno 350 et c’est aujourd’hui le Musée Ethno­graphique.

Extrait musical

Dere­cho viejo 1945-05-28 — Orques­ta Osval­do Pugliese.
Par­ti­tion de Dere­cho Viejo

Dere­cho viejo est instru­men­tal. Cepen­dant, il existe plusieurs paroles. J’en repro­duis ici deux. Celles de Balde­sari, les plus anci­ennes et qui cor­re­spon­dent au titre, à tra­vers une his­toire lar­moy­ante dans laque­lle l’expression Dere­cho viejo est util­isée. Les autres, celles de Clausi, plus récentes sont une ode au tan­go, ce qui n’est pas si mal, mais elles ont peu à voir avec le titre.

Paroles

Oiga ust­ed com­pañero… si me quiere escuchar…
no crea que soy, ami­go, un cuentero:
yo quiero con­fi­ar­le… a ust­ed… com­pañero
mi inmen­so y cru­el dolor…
Quiero desa­hog­ar mis penas… sién­tese nomás…
y pida algún tra­go si tiene vol­un­tad…
y preste aten­ción, que ahí va la cru­el­dad
de aquel infiel amor…

Ust­ed sabrá
que cuan­do el amor
comien­za a tacon­ear
sen­ti­mos en el pecho
la dulce tentación;
¡sen­ti­mos sed de amar
de amar de corazón !…
Y yo tam­bién
amé con gran pasión,
amé con gran delirio
y coseché mar­tirios
porque un pade­cer
me brindó esa mujer,
¡que fue mi perdi­ción!…

Con el alma la quería… y ella fue
siem­pre mi úni­ca ilusión…
pero por otro hom­bre… como a mí…
¡a su hija aban­donó!
Esa hiji­ta tan queri­da… com­pañero,
ayer tarde se murió…
¡pero antes de morir, de este modo,
ella me habló!…

¡Padre! … Si la lle­ga a encon­trar, dele mi perdón
y dígale tam­bién, que aunque ella nos dejó,
¡yo siem­pre la quer­ré, con todo el corazón
y bésela por mí!
¡Hoy la encon­tró, com­pañero… no pude per­donar…
me fui Dere­cho Viejo… y ahí, a esa vaga,
en nom­bre de mi hija… la pun­ta de mi daga
besó su corazón!…

Eduar­do Aro­las Letra: Andrés Balde­sari

En gras, les paroles chan­tées par Teó­fi­lo Ibáñez dans la ver­sion de 1934 de la Orques­ta Típi­ca Vic­tor.

Traduction libre des paroles de Andrés Baldesari

Enten­dez, cama­rade… Si vous voulez m’écouter… Ne croyez pas que je suis, mon ami, un con­teur :
je veux vous faire confiance…à vous… cama­rade, mon immense et cru­elle douleur…
Je veux évac­uer mes cha­grins… Asseyez-vous sans façon… et deman­dez à boire si vous en avez envie… Et prêtez atten­tion, car là va la cru­auté de cet amour infidèle…
Vous saurez que lorsque l’amour com­mence à taper du pied, nous sen­tons dans notre poitrine la douce ten­ta­tion, nous avons soif d’aimer, d’aimer du fond du cœur…
Et moi aus­si j’ai aimé avec grande pas­sion, j’ai aimé avec un grand délire, et j’ai récolté le mar­tyre parce que cette femme m’a fait souf­frir, qu’elle fut ma perte…
Je l’aimais de toute mon âme… Et elle a tou­jours été ma seule illu­sion… mais, pour un autre homme… Comme moi, elle a aban­don­né sa fille !
Cette petite fille tant aimée… Cama­rade, elle est morte hier soir, mais avant de mourir, elle m’a par­lé de cette façon…
Père !… Si tu la trou­ves, donne-lui mon par­don et dis-lui aus­si que même si elle nous a quit­tés, je l’aimerai tou­jours, de tout mon cœur et tu l’embrasseras pour moi !
Aujourd’hui, je l’ai trou­vée, mon ami… Je n’ai pas pu par­don­ner… Je suis allé droit au but (Dere­cho viejo)… Et là, à cette cloche (vau­ri­enne), au nom de ma fille… La pointe de mon poignard embras­sa son cœur…

Paroles

Tan­go de mi ciu­dad, male­vo y sen­su­al,
canyengue y tristón, col­or de arra­bal.
Señor de salón, tenés emo­ción
de noche porteña.
Vuelve para sur­gir en dan­za tri­un­fal
can­ción sin igual que hace sen­tir
con tan­ta pasión en el corazón
su abra­zo de amor.

Oigo el can­tar de un triste ban­doneón,
que llo­ra en su can­ción la pena de un amor
que nun­ca pudo ser, por causa de creer
en locos berretines.
Todo pasó, no quiero recor­dar
el tiem­po que se fue,
ya nun­ca volverá la dicha de tu amor
para poder soñar con vos en mi arra­bal.

Qué dulzu­ra hay en tu voz,
che, ban­doneón, con tu chamuyo reo.
Tan­go lin­do y querendón, nobleza de arra­bal,
amores de otros tiem­pos…
Sigue, sigue tu can­ción
para ale­grar esta vela­da lin­da,
sue­na, sue­na ban­doneón, que siem­pre tu can­ción
está en el corazón.

Eduar­do Aro­las Letra: Gabriel Clausi

Traduction libre de la version des paroles de Gabriel Clausi

Tan­go de ma cité, malveil­lant et sen­suel, canyengue (forme de danse ou du faubourg en lun­far­do) et triste, couleur de faubourg.
Mon­sieur de salon, tu as l’excitation de la nuit portègne.
Une chan­son sans égale sur­git pour émerg­er dans une danse tri­om­phante qui fait sen­tir avec tant de pas­sion au cœur, son étreinte d’amour.
J’entends le chant d’un ban­donéon triste, qui pleure dans sa chan­son la douleur d’un amour qui ne put jamais être, à cause de croire en des caprices fous.
Tout est fini, je ne veux pas me sou­venir du temps qui s’est écoulé, la joie de ton amour ne revien­dra jamais pour que je puisse rêver de toi dans mon faubourg.
Quelle douceur il y a dans ta voix, che, ban­donéon, avec ton bavardage roy­al.
Tan­go beau et affectueux, noblesse des faubourgs, amours d’autrefois…
Con­tin­ue, con­tin­ue ta chan­son pour égay­er cette belle soirée, sonne, sonne ban­donéon, que tou­jours ta chan­son soit dans le cœur.

Autres versions

Pas ques­tion de don­ner toutes les ver­sions. Mon pro­pos est de vous mon­tr­er com­ment on est passé de la ver­sion de la ver­sion d’Arolas à celle de Pugliese, 34 ans plus tard.
Top chrono :

Dere­cho viejo 1917 — Orques­ta Rober­to Fir­po. Une ver­sion rapi­de, joueuse. Elle cor­re­spond à l’idée d’étudiants qui font faire la fête.

Une ver­sion rapi­de, joueuse. Elle cor­re­spond à l’idée d’étudiants qui font faire la fête.

Dere­cho viejo 1926-08-04 — Orques­ta Julio De Caro.

Le rythme est plus lent et solen­nel, mais De Caro incor­pore plein de bruits étranges, comme des fusées de feu d’artifice ou des grince­ments.

Dere­cho viejo 1927 — Sex­te­to Fran­cis­co Pracáni­co.

Une ver­sion bien canyenge, avec un vio­lon qui vole au-dessus. Les fusées se retrou­vent et se ter­mi­nent par un « POUM ». Une ver­sion cepen­dant un peu monot­o­ne, avant les vari­a­tions de la dernière minute.

Dere­cho viejo 1927-04-16 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro.

Le rythme bien pesant et mar­qué de Canaro, mais décoré avec de petites fior­i­t­ures. La mon­tée des « fusées » est trans­for­mée en mon­tées en pizzi­cati (qui ne sont pas suiv­is de descente et donc pas de « Poum » non plus, sauf dans la dernière minute où les mon­tées sont toute en vibra­to et les Poums bien présents.

Dere­cho viejo 1927-04-19 — Orques­ta Osval­do Frese­do.

La ver­sion de Frese­do est moins martelée, plus coulée, mais les mon­tées qu’il adore sont suiv­ies de descentes et de gros Poums aux tim­bales. Il explore aus­si la mon­tée en pizzi­cati de Canaro et les mon­tées en « vrille ». Un véri­ta­ble feu d’artifice.

Dere­cho viejo 1934-06-01 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor con Teó­fi­lo Ibáñez.

C’est la pre­mière ver­sion chan­tée de ma sélec­tion. Mon­tée en pizzi­cati et descente en vrille, suiv­ie de Poum. Teó­fi­lo Ibáñez chante le refrain des paroles de Andrés Balde­sari.

Dere­cho viejo 1936-08-10 — Orques­ta Julio De Caro.

On retrou­ve De Caro avec une ver­sion pleine d’encore plus de bruits incon­grus, dont des cuiv­res toni­tru­ants.

Dere­cho viejo 1938-03-15 — Quin­te­to Don Pan­cho dir. Fran­cis­co Canaro.

Une ver­sion qui marche bien avec une orches­tra­tion orig­i­nale. Du bon Canaro, net­te­ment plus dynamique que sa ver­sion de 1927…

Dere­cho viejo 1939-07-17 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

D’Arienzo évite toutes les mon­tées et descentes glis­sées qu’offrent la plu­part des ver­sions. Son inter­pré­ta­tion plus sèche, même quand le motif de vio­lon sur­nage, sur l’orchestre, ce dernier ne perd pas la mar­ca­cion et on n’a pas d’autre choix que d’y aller dere­cho viejo (sans hésiter).

Dere­cho viejo 1941-12-30 — Orques­ta Osval­do Frese­do.

On retrou­ve Frese­do qui se régale avec les mon­tées et descentes de ses fusées et les gros poums. C’est vrai­ment son truc.

Dere­cho viejo 1945-05-28 — Orques­ta Osval­do Pugliese. C’est notre tan­go du jour.

Dès la deux­ième mesure, l’ambiance change avec Pugliese. Même la fusée qui ne fait qu’une descente en vrille a un autre car­ac­tère. La yum­ba pointe son nez. Les pas­sages, sans mar­cación aucune, pour­ront désta­bilis­er les danseurs qui aiment l’exercice de la marche à pas cadencé. Dans la dernière minute, les audaces har­moniques et les vari­a­tions de rythme, typ­iques de Pugliese don­neront du fil à retor­dre aux danseurs novices.
Le titre con­tin­uera par la suite, avec notam­ment des évo­lu­tions de Frese­do et Fir­po, mais je souhaite rester sur Pugliese et cet enreg­istrement qu’il ne renou­vellera pas de Dere­cho Viejo.

Eduardo Arolas, le tigre du bandonéon en film.

La com­po­si­tion de Eduar­do Aro­las a donc eu beau­coup de suc­cès. Presque tous les orchestres ont gardé les grandes cas­cades que Frese­do a beau­coup util­isées dans ses inter­pré­ta­tions par la suite. Cer­tains les ont presque, adap­tées, comme Pugliese, voire sup­primé comme D’Arienzo qui n’en garde que l’amorce et nous laisse donc sur notre faim. À pro­pos de fin, je vous pro­pose de voir un extrait du film Dere­cho viejo réal­isé en 1950 par Manuel Romero sur un scé­nario de Alfre­do Ruano­va. Le film est sor­ti le 4 jan­vi­er 1951. Le film retrace la vie d’Eduardo Aro­las. Juan José Míguez jouant le rôle du Tigre du ban­donéon.
Dans cet extrait, on voit le ten­ancier récolter la mon­naie pour pay­er Aro­las. À 15 sec­on­des de mon extrait, on voit une femme qui dit à sa mère que l’on va danser sur un Tanga­zo (tan­go de pre­mière qual­ité) aujourd’hui. Lorsque « Aro­las » joue, accom­pa­g­né à la gui­tare on voit des cou­ples danser, dans un style qui se veut repro­duire celui du début du siè­cle

Primero de mayo (premier mai)

En Argen­tine, le pre­mier mai est férié. Tous les mag­a­sins sont fer­més et seuls quelques ser­vices jugés essen­tiels fonc­tion­nent. Tout au plus quelques bars ouvrent dans la soirée. Les maisons de dis­ques fer­mant aus­si, il ne sem­ble pas y avoir de tan­gos enreg­istrés pour le jour des tra­vailleurs et tra­vailleuses (Día Inter­na­cional del tra­ba­jador y la tra­ba­jado­ra comme on dit en Argen­tine). Mais il y a des choses à dire sur le sujet…

Haragán

Enrique Pedro Delfino Letra: Manuel Romero, Luis Bayón Herrera

Extrait musical

Haragán, par­ti­tion pour piano. Superbe illus­tra­tion de cou­ver­ture par San­dro

Il y a de très nom­breuses ver­sions de Haragán et bien sûr, aucune n’est du pre­mier mai. J’en ai donc choisi une, mais vous avez bea­coup d’autres à écouter après la présen­ta­tion des paroles. J’ai choisi celle de Rafael Canaro car elle est sym­pa et qu’on l’en­tend moins que son fran­gin, Fran­cis­co qui a aus­si don­né sa ver­sion du thème, une ver­sion que j’aime bien car elle est amu­sante. Mais le thème de Haragán est amu­sant, comme en témoigne l’il­lus­tra­tion de la par­ti­tion…

Haragán 1929 – Orques­ta Rafael Canaro con Car­los Dante

Paroles de Haragán

Sofia Bozán a été la pre­mière à chanter Haragán. C’était en 1928, au théâtre Sarmien­to. Mal­heureuse­ment, il ne sem­ble pas y avoir d’enregistrements de cette presta­tion.

¡La pucha que sos reo y ene­mi­go de yugar­la!
La esque­na se te frunce si tenés que labu­rar­la…
Del orre batal­lón vos sos el capitán;
vos creés que naciste pa’ ser un sultán.
Te gus­ta med­i­tar­la pan­za arri­ba, en la catr­era
y oír las cam­panadas del reló de Bal­van­era.
¡Salí de tu letar­go! ¡Ganate tu pan!
Si no, yo te largo… ¡Sos muy haragán!

Haragán,
sí encon­trás al inven­tor
del laburo, lo fajás…
Haragán, si seguís en ese tren
yo te amuro, Cachafaz
Grandulón,
pro­totipo de ator­rante
robus­to, gran bacán;
des­pertá, si dormi­do estás,
peda­zo de haragán.

El día del caso­rio dijo el tipo ‘e la sotana:
«El coso debe siem­pre man­ten­er a su fulana».
Y vos inter­pretás las cosas al revés:
¡que yo te man­ten­ga es lo que querés!
Al cam­po a cachar giles que el amor no da pa’ tan­to.
A ver si te entreveras porque yo ya no te aguan­to…
Si en tren de cara rota pen­sás con­tin­uar,
“Primero de Mayo” te van a lla­mar.

Enrique Pedro Delfi­no Letra: Manuel Romero, Luis Bayón Her­rera

Traduction libre de Haragán

Putain ! (c’est en fait une excla­ma­tion de sur­prise, de dégoût, pas la désig­na­tion d’une pute au sens strict) tu es con­damné et enne­mi du tra­vail ! (yugar ou yugar­la – tra­vail)
Ton dos se tord s’il te faut tra­vailler…
Du batail­lon des con­damnés (orre est reo en ver­lan), tu es le cap­i­taine ;
Tu crois être né pour être un sul­tan.
Tu aimes méditer le ven­tre à l’air, sur le lit (catr­era = lit en lun­far­do)
et enten­dre les cloches de l’horloge de Bal­van­era.
Sors de ta léthargie ! Gagne ton pain !
Sinon, je te jette dehors… Tu es trop paresseux !

Paresseux,
Si tu crois­es l’inventeur du tra­vail, tu le roue de coups…
Paresseux, si tu con­tin­ues ain­si (dans ce train), je t’abandonne (amuro en lun­far­do a dif­férentes sig­ni­fi­ca­tions, dont celle de quit­ter pour un autre), Cachafaz (il ne s’agit pas bien sûr de El Cachafaz, mais du terme lun­far­do qui sig­ni­fie paresseux, coquin, voy­ou, sans ver­gogne et autres choses peu aimables).
Grand gail­lard,
Pro­to­type de l’oisif (attorante) robuste, grand prof­i­teur (un bacan, est un indi­vidu qui jouit de la vie. En général un bacan a de l’argent, il entre­tient une cour­tisane, mais là, il n’en a que les façons, pas le porte­feuille) ;
Réveille-toi, si tu es endor­mi gros tas (peda­zo est un amon­celle­ment) fainéant.

Le jour du mariage, le type en soutane a dit :
« Le mec doit tou­jours entretenir sa moitié. »
Et tu inter­prètes les choses à l’envers :
Que je t’entretienne, c’est ce que tu veux !
À la cam­pagne pour attrap­er des idiots pour l’amour ne donne pas pour si cher.
Voyons si tu vas t’emmêler les pinceaux (là, ce serait plutôt se remuer qu’emmêler) parce que là, je ne te sup­porte plus…
Si tu prévois de con­tin­uer sur un train en panne
« Primero de Mayo », ils vont te nom­mer (en lun­far­do, un primero de mayo est un fainéant qui fait de chaque jour un 1er mai, jour férié).

Autres versions

Haragán 1928-08-31 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Char­lo.

Cette ver­sion fait un peu musique de dessin ani­mé. Char­lo chante un paresseux qui sem­ble con­tent de l’être.

Haragán 1928-08-31 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to.

Le même jour que Canaro, Lomu­to pro­duit une ver­sion instru­men­tale. Comme sou­vent, cette ver­sion peut faire penser à Canaro, mais elle est un peu moins imag­i­na­tive. La con­cor­dance de date fait qu’il est amu­sant de com­par­er les deux ver­sions.

Haragán 1928 — Enrique Delfi­no (piano y can­to) y Manuel Para­da (gui­tar­ra).

Une ver­sion par l’auteur de la musique au piano, je vous en présen­terai deux autres…

Haragán 1928-09-11 — Azu­ce­na Maizani con acomp. de Dúo Enrique Delfi­no (piano) y Manuel Para­da (gui­tare).

Les mêmes musi­ciens, avec le ren­fort d’Azucena…

Haragán 1928-09-25 — Orques­ta Osval­do Frese­do.

C’est une ver­sion instru­men­tale, mais on entend bien la « fatigue » du paresseux.

1928-09-28 – Orques­ta Juan Maglio Pacho (ver­sion instru­men­tale).
Haragán 1928-09-28 — Orques­ta Juan Maglio Pacho — Disco-Nacional-Odeon-No.7591-A-Matriz-e-3264
Haragán 1929-06-21 — Car­los Gardel con acomp. de Guiller­mo Bar­bi­eri, José María Aguilar (gui­tar­ras)
Haragán 1929 – Igna­cio Corsi­ni acomp. de gui­tares. L’autre Gardel…
Haragán 1929 – Orques­ta Rafael Canaro con Car­los Dante
Haragán 1929 — Enrique Delfi­no (piano) y Anto­nio Rodio (vio­lin).

Une ver­sion instru­men­tale très sym­pa. Dom­mage que le son ne soit pas de bonne qual­ité…

Haragán 1929 — Ali­na de Sil­va (acomp. accordéon et piano). Un enreg­istrement français de chez Pathé)
Haragán 1929 — Ali­na de Sil­va (acomp. accordéon et piano). Un enreg­istrement français de chez Pathé).

Pas d’enregistrement notable du titre dans les années 30, il faut atten­dre 1947 et… Astor Piaz­zol­la, pour le retrou­ver sur un disque.

Haragán 1947-04-15 – Astor Piaz­zol­la y su Orques­ta Típi­ca con Aldo Cam­poamor
Haragán 1955-12-14 — Enrique Mora y su Cuar­te­to Típi­co con Elsa Moreno.

Une ver­sion tonique, une chan­son mais qua­si­ment dans­able. Un résul­tat dans la lignée de cam­bal­ache ou des enreg­istrements de Tita Merel­lo (qui a d’ailleurs enreg­istré aus­si cam­bal­ache…).

Haragán 1958-07-29 — Diana Durán con acomp. de Oscar Savi­no.

Une ver­sion chan­tée par une femme énergique. Notre Haragán n’a qu’à bien se tenir.

Haragán 2013 — Stel­la Milano.

Une des plus récentes ver­sions de ce thème qui est tou­jours d’actualité…

Autres musiques

D’autres musiques pour­raient con­venir pour un pre­mier mai, par exem­ple :

Al pie de la San­ta Cruz 1933-09-18 — Car­los Gardel con acomp. de Guiller­mo Bar­bi­eri, Domin­go Riverol, Domin­go Julio Vivas, Hora­cio Pet­torossi.

Ce tan­go a été inter­dit, car il par­le de grève…

Tra­ba­jar, nun­ca 1930-06-11 — Tita Merel­lo con orques­ta (Juan Car­los Bazán Letra : Enrique Car­rera Sote­lo).

Un tan­go humoris­tique qui pour­rait être la réponse du Haragán a sa femme, sous forme de bonnes réso­lu­tions pour l’année nou­velle et qui se ter­mine par, « j’accepte tout en ton nom, mais le tra­vail, ça, non ! » L’argot util­isé dans ce tan­go est sim­i­laire à celui de Haragán.

Seguí mi con­se­jo 1929-06-21 — Car­los Gardel con acomp. de Guiller­mo Bar­bi­eri, José María Aguilar (Sal­vador Meri­co Letra: Eduar­do Sal­vador Trongé).

Encore un tan­go qui donne de bons con­seils pour ne rien faire… Un véri­ta­ble manuel du haragán.

Seguí mi con­se­jo 1947-01-29 — Orques­ta Enrique Rodríguez con Ricar­do Her­rera.

Une ver­sion dans­able de ce titre. Sans doute à pass­er un pre­mier mai, ou pour se moquer d’un danseur un peu paresseux…

1° de mayo — Osval­do Jiménez y Luis Gar­cía Mon­tero (Tan­go).

Oui, oui, j’ai bien trou­vé un tan­go qui por­tait la date du jour. Osval­do Jiménez à la gui­tare et au chant a mis en musique le poème 1° de mayo de Luis Gar­cía Mon­tero… Bon, ce n’est pas le tan­go du siè­cle, mais ça mon­tre que le tan­go est tou­jours en phase de créa­tion et que l’association entre les poètes et les musi­ciens fonc­tionne tou­jours.

1° de mayo — Osval­do Jiménez y Luis Gar­cía Mon­tero (Tan­go).
La pho­to de cou­ver­ture est un mur­al intérieur, peint à l’huile, de 4,5x6m de Ricar­do Carpani appelé 1ero de Mayo. Il se trou­ve au Sindi­ca­to de Obreros del Vesti­do, rue Tucumán au 737. Il a été réal­isé en 1963 et pas en 1964 comme le dis­ent presque toutes les sources. J’ai rajouté la sig­na­ture (Carpani).

Si vous souhaitez en savoir plus sur cet artiste : http://www.relats.org/documentos/TAC.Muralismo.Soneira.60y70.pdf

Haragán — Primero de mayo (premier mai)

Enrique Pedro Delfino Letra: Manuel Romero, Luis Bayón Herrera

En Argen­tine, le pre­mier mai est férié. Tous les mag­a­sins sont fer­més et seuls quelques ser­vices jugés essen­tiels fonc­tion­nent. Tout au plus quelques bars ouvrent dans la soirée. Les maisons de dis­ques fer­mant aus­si, il ne sem­ble pas y avoir de tan­gos enreg­istrés pour le jour des tra­vailleurs et tra­vailleuses (Día Inter­na­cional del tra­ba­jador y la tra­ba­jado­ra comme on dit en Argen­tine). Mais il y a des choses à dire sur le sujet…

Faute d’enregistrement un pre­mier mai, j’ai cher­ché des tan­gos qui par­lent du pre­mier mai et de ces ques­tions.
Le plus con­nu est bien sûr Haragán. C’est donc lui qui va faire office de tan­go du jour… Ce tan­go ne par­le pas pré­cisé­ment du pre­mier mai, mais le type fainéant qui se fait dis­put­er par sa femme est ce qu’on appelle en Argen­tine un Primero de Mayo (un pre­mier mai), à cause de son allergie au tra­vail.

Extrait musical

Haragán, par­ti­tion pour piano. Superbe illus­tra­tion de cou­ver­ture par San­dro

Il y a de très nom­breuses ver­sions de Haragán et bien sûr, aucune n’est du pre­mier mai. J’en ai donc choisi une, mais vous avez beau­coup d’autres à écouter après la présen­ta­tion des paroles. J’ai choisi celle de Rafael Canaro car elle est sym­pa et qu’on l’en­tend moins que son fran­gin, Fran­cis­co qui a aus­si don­né sa ver­sion du thème, une ver­sion que j’aime bien car elle est amu­sante. Mais le thème de Haragán est amu­sant, comme en témoigne l’il­lus­tra­tion de la par­ti­tion…

Haragán 1929 – Orques­ta Rafael Canaro con Car­los Dante

Paroles de Haragán

Sofia Bozán a été la pre­mière à chanter Haragán. C’était en 1928, au théâtre Sarmien­to. Mal­heureuse­ment, il ne sem­ble pas y avoir d’enregistrements de cette presta­tion.

¡La pucha que sos reo y ene­mi­go de yugar­la!
La esque­na se te frunce si tenés que labu­rar­la…
Del orre batal­lón vos sos el capitán;
vos creés que naciste pa’ ser un sultán.
Te gus­ta med­i­tar­la pan­za arri­ba, en la catr­era
y oír las cam­panadas del reló de Bal­van­era.
¡Salí de tu letar­go! ¡Ganate tu pan!
Si no, yo te largo… ¡Sos muy haragán!

Haragán,
sí encon­trás al inven­tor
del laburo, lo fajás…
Haragán, si seguís en ese tren
yo te amuro, Cachafaz
Grandulón,
pro­totipo de ator­rante
robus­to, gran bacán;
des­pertá, si dormi­do estás,
peda­zo de haragán.

El día del caso­rio dijo el tipo ‘e la sotana:
«El coso debe siem­pre man­ten­er a su fulana».
Y vos inter­pretás las cosas al revés:
¡que yo te man­ten­ga es lo que querés!
Al cam­po a cachar giles que el amor no da pa’ tan­to.
A ver si te entreveras porque yo ya no te aguan­to…
Si en tren de cara rota pen­sás con­tin­uar,
“Primero de Mayo” te van a lla­mar.

Enrique Pedro Delfi­no Letra: Manuel Romero, Luis Bayón Her­rera

Traduction libre de Haragán

Putain ! (c’est en fait une excla­ma­tion de sur­prise, de dégoût, pas la désig­na­tion d’une pute au sens strict) tu es con­damné et enne­mi du tra­vail ! (yugar ou yugar­la – tra­vail)
Ton dos se tord s’il te faut tra­vailler…
Du batail­lon des con­damnés (orre est reo en ver­lan), tu es le cap­i­taine ;
Tu crois être né pour être un sul­tan.
Tu aimes méditer le ven­tre à l’air, sur le lit (catr­era = lit en lun­far­do)
et enten­dre les cloches de l’horloge de Bal­van­era.
Sors de ta léthargie ! Gagne ton pain !
Sinon, je te jette dehors… Tu es trop paresseux !

Paresseux,
Si tu crois­es l’inventeur du tra­vail, tu le roues de coups…
Paresseux, si tu con­tin­ues ain­si (dans ce train), je t’abandonne (amuro en lun­far­do a dif­férentes sig­ni­fi­ca­tions, dont celle de quit­ter pour un autre), Cachafaz (il ne s’agit pas bien sûr de El Cachafaz, mais du terme lun­far­do qui sig­ni­fie paresseux, coquin, voy­ou, sans ver­gogne et autres choses peu aimables).
Grand gail­lard,
Pro­to­type de l’oisif (attorante) robuste, grand prof­i­teur (un bacan, est un indi­vidu qui jouit de la vie. En général un bacan a de l’argent, il entre­tient une cour­tisane, mais là, il n’en a que les façons, pas le porte­feuille) ;
Réveille-toi, si tu es endor­mi gros tas (peda­zo est un amon­celle­ment) fainéant.

Le jour du mariage, le type en soutane a dit :
« Le mec doit tou­jours entretenir sa moitié. »
Et tu inter­prètes les choses à l’envers :
Que je t’entretienne, c’est ce que tu veux !
À la cam­pagne pour attrap­er des idiots pour l’amour ne donne pas pour si cher.
Voyons si tu vas t’emmêler les pinceaux (là, ce serait plutôt se remuer qu’emmêler) parce que là, je ne te sup­porte plus…
Si tu prévois de con­tin­uer sur un train en panne
« Primero de Mayo », ils vont te nom­mer (en lun­far­do, un primero de mayo est un fainéant qui fait de chaque jour un 1er mai, jour férié).

Autres versions

Haragán 1928-08-31 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Char­lo.

Cette ver­sion fait un peu musique de dessin ani­mé. Char­lo chante un paresseux qui sem­ble con­tent de l’être.

Haragán 1928-08-31 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to.

Le même jour que Canaro, Lomu­to pro­duit une ver­sion instru­men­tale. Comme sou­vent, cette ver­sion peut faire penser à Canaro, mais elle est un peu moins imag­i­na­tive. La con­cor­dance de date fait qu’il est amu­sant de com­par­er les deux ver­sions.

Haragán 1928 — Enrique Delfi­no (piano y can­to) y Manuel Para­da (gui­tar­ra).

Une ver­sion par l’auteur de la musique au piano, je vous en présen­terai deux autres…

Haragán 1928-09-11 — Azu­ce­na Maizani con acomp. de Dúo Enrique Delfi­no (piano) y Manuel Para­da (gui­tare).

Les mêmes musi­ciens, avec le ren­fort d’Azucena…

Haragán 1928-09-25 — Orques­ta Osval­do Frese­do.

C’est une ver­sion instru­men­tale, mais on entend bien la « fatigue » du paresseux.

1928-09-28 – Orques­ta Juan Maglio Pacho (ver­sion instru­men­tale).
Haragán 1928-09-28 — Orques­ta Juan Maglio Pacho — Disco-Nacional-Odeon-No.7591-A-Matriz-e-3264
Haragán 1929-06-21 — Car­los Gardel con acomp. de Guiller­mo Bar­bi­eri, José María Aguilar (gui­tar­ras)
Haragán 1929 – Igna­cio Corsi­ni acomp. de gui­tares. L’autre Gardel…
Haragán 1929 – Orques­ta Rafael Canaro con Car­los Dante
Haragán 1929 — Enrique Delfi­no (piano) y Anto­nio Rodio (vio­lin).

Une ver­sion instru­men­tale très sym­pa. Dom­mage que le son ne soit pas de bonne qual­ité…

Haragán 1929 — Ali­na de Sil­va (acomp. accordéon et piano). Un enreg­istrement français de chez Pathé)
Haragán 1929 — Ali­na de Sil­va (acomp. accordéon et piano). Un enreg­istrement français de chez Pathé).

Pas d’enregistrement notable du titre dans les années 30, il faut atten­dre 1947 et… Astor Piaz­zol­la, pour le retrou­ver sur un disque.

Haragán 1947-04-15 – Astor Piaz­zol­la y su Orques­ta Típi­ca con Aldo Cam­poamor
Haragán 1955-12-14 — Enrique Mora y su Cuar­te­to Típi­co con Elsa Moreno.

Une ver­sion tonique, une chan­son mais qua­si­ment dans­able. Un résul­tat dans la lignée de cam­bal­ache ou des enreg­istrements de Tita Merel­lo (qui a d’ailleurs enreg­istré aus­si cam­bal­ache…).

Haragán 1958-07-29 — Diana Durán con acomp. de Oscar Savi­no.

Une ver­sion chan­tée par une femme énergique. Notre Haragán n’a qu’à bien se tenir.

Haragán 2013 — Stel­la Milano.

Une des plus récentes ver­sions de ce thème qui est tou­jours d’actualité…

Autres musiques

D’autres musiques pour­raient con­venir pour un pre­mier mai, par exem­ple :

Al pie de la San­ta Cruz 1933-09-18 — Car­los Gardel con acomp. de Guiller­mo Bar­bi­eri, Domin­go Riverol, Domin­go Julio Vivas, Hora­cio Pet­torossi.

Ce tan­go a été inter­dit, car il par­le de grève…

Tra­ba­jar, nun­ca 1930-06-11 — Tita Merel­lo con orques­ta (Juan Car­los Bazán Letra : Enrique Car­rera Sote­lo).

Un tan­go humoris­tique qui pour­rait être la réponse du Haragán a sa femme, sous forme de bonnes réso­lu­tions pour l’année nou­velle et qui se ter­mine par, « j’accepte tout en ton nom, mais le tra­vail, ça, non ! » L’argot util­isé dans ce tan­go est sim­i­laire à celui de Haragán.

Seguí mi con­se­jo 1929-06-21 — Car­los Gardel con acomp. de Guiller­mo Bar­bi­eri, José María Aguilar (Sal­vador Meri­co Letra: Eduar­do Sal­vador Trongé).

Encore un tan­go qui donne de bons con­seils pour ne rien faire… Un véri­ta­ble manuel du haragán.

Seguí mi con­se­jo 1947-01-29 — Orques­ta Enrique Rodríguez con Ricar­do Her­rera.

Une ver­sion dans­able de ce titre. Sans doute à pass­er un pre­mier mai, ou pour se moquer d’un danseur un peu paresseux…

1° de mayo — Osval­do Jiménez y Luis Gar­cía Mon­tero (Tan­go).

Oui, oui, j’ai bien trou­vé un tan­go qui por­tait la date du jour. Osval­do Jiménez à la gui­tare et au chant a mis en musique le poème 1° de mayo de Luis Gar­cía Mon­tero… Bon, ce n’est pas le tan­go du siè­cle, mais ça mon­tre que le tan­go est tou­jours en phase de créa­tion et que l’association entre les poètes et les musi­ciens fonc­tionne tou­jours.

1° de mayo — Osval­do Jiménez y Luis Gar­cía Mon­tero (Tan­go).
La pho­to de cou­ver­ture est un mur­al intérieur, peint à l’huile, de 4,5x6m de Ricar­do Carpani appelé 1ero de Mayo. Il se trou­ve au Sindi­ca­to de Obreros del Vesti­do, rue Tucumán au 737. Il a été réal­isé en 1963 et pas en 1964 comme le dis­ent presque toutes les sources. J’ai rajouté la sig­na­ture (Carpani).

Si vous souhaitez en savoir plus sur cet artiste : http://www.relats.org/documentos/TAC.Muralismo.Soneira.60y70.pdf

El Porteñito 1943-03-23 – Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas

Ángel Villoldo (Ángel Gregorio Villoldo Arroyo)

On con­naît tous la milon­ga du jour, El Porteñi­to, mais est-ce vrai­ment une milon­ga ? Voyons de plus près ce coquin de Porteñi­to et ce qu’il nous cache.

Ángel Vil­lol­do a com­posé et créé les paroles de ce tan­go qui est un des plus anciens dont on dis­pose des enreg­istrements. Je prof­ite donc de ce pat­ri­moine pour vous faire touch­er du doigt le tan­go des orig­ines avec le risque de relancer le débat des anciens et des mod­ernes.

Extrait musical

El Porteñi­to 1943-03-23 – Orques­ta Ángel D’Agostino con Ángel Var­gas. C’est notre tan­go du jour.

La ver­sion du jour est inter­mé­di­aire sur tous les plans.

Elle a été enreg­istrée en 1943, soit env­i­ron 40 après l’écriture de ce titre, au milieu de ce qu’il est con­venu d’appeler l’âge d’or du tan­go.

Les deux anges se sont donc asso­ciés à un troisième, Vil­lol­do pour nous offrir cette belle milon­ga… ou beau tan­go… Dis­ons que c’est un tan­go milon­ga, un canyengue rapi­de. Ce titre évoluera depuis sa créa­tion entre les rythmes, nous en ver­rons quelques exem­ples en fin d’article.

Les paroles

Les paroles, il y a vrai­ment plusieurs paroles à ce tan­go. El porteñi­to est El criol­li­to dans la plus anci­enne ver­sion enreg­istrée. Je vais donc vous pro­pos­er trois ver­sions.
Celle de D’Agostino et Var­gas, ce dernier en bon chanteur de refrain, ne chante qu’une petite par­tie des paroles.
L’introduction musi­cale, nous présente un type qui se balade dans les rues, salu­ant les pas­sants 1:22 plus tard, Var­gas entame le chant et ter­mine à la fin du titre. Cette ver­sion est générale­ment con­sid­érée comme une milon­ga, mais si vous la dansez en canyengue, per­son­ne ne vous dira rien.

D’Agostino Var­gas 1943
 
Soy naci­do en Buenos Aires,
me lla­man “El Porteñi­to”,
el criol­lo más com­padri­to
que en esta tier­ra nació.

 
Y al bailar un tan­go criol­lo
no hay ninguno que me iguale
porque largo todo el rol­lo
cuan­do me pon­go a bailar. 

 
Anda que está lin­do el baile!
brindase comadre,
y el com­padre…

 
Soy un tau­ra del noven­ta,
tiem­po bra­vo del tam­bito,
bailarín de mucha meta por más seña “El Porteñi­to”
y al bailar un tan­go bra­vo,
lo hago con corte y que­bra­da
para dejar bien sen­ta­da mi fama de bailarín.
Vil­lol­do 1908
 
Soy hijo de Buenos Aires,
por apo­do “El Porteñi­to”,
el criol­lo más com­padri­to
que en esta tier­ra nació.
Cuan­do un tan­go en la vigüela
ras­guea algún com­pañero
no hay nadie en el mun­do entero
que baile mejor que yo.

No hay ninguno que me iguale
para enam­orar mujeres,
puro hablar de pare­ceres,
puro filo y nada más.
Y al hac­er­le la encar­a­da
la fileo de cuer­po entero
ase­gu­ran­do el puchero
con el ven­to que dará.


…Recita­ti­vo…

Soy el ter­ror del mal­e­va­je
cuan­do en un baile me meto,
porque a ninguno respeto
de los que hay en la reunión.
Y si alguno se reto­ba
y viene hacién­dose el guapo
lo man­do de un cas­taña­zo
a bus­car quien lo engrupió.

Cuan­do el ven­to ya escasea
le for­mo un cuen­to a mi mina (chi­na)
que es la paica más lad­i­na
que pisó el bar­rio del sur.
Y como caí­do del cielo
entra el níquel al bol­sil­lo
y al com­pás de un organil­lo
bai­lo el tan­go a su “salú”.

 
…Recita­ti­vo…
Los Gob­bi 1906
 
Él:
Soy hijo de Buenos Aires
E me lla­man el criol­li­to,
El más pier­na e com­padri­to
Per can­tar e per bailar.
De las chi­nas un queri­do
Todas me brin­dan amores,
Soy el que entre los mejores
Siem­pre se hace respetar.
 
Ella:
Este tipo extrav­a­gante
Que viene a largar el rol­lo,
Echán­dosela de criol­lo
Y no sabe com­padrear.
Es un gringo chacarero
De afuera recién lle­ga­do
Un criol­lo fal­si­fi­ca­do
Que la viene aquí a con­tar.
 
Él:
Soy tremen­do para el baile
Se me voy donde hay…
E agar­ran­do la gui­tar­ra
La “melun­ga” sé can­tar.
 
Ella:
No arrugués que no hay quién planche
Afei­tate, volvé luego,
Que te ha cono­ci­do el juego
Gringo, podés espi­antar.
 
Él:
No te hagás la com­padrona
La pacien­cia se me aca­ba,
Te va´ a comé una trompa­da
Se me llego yo a eno­jar.
 
Ella:
Arri­mate che ital­iano
Y haceme una atro­pel­la­da.
 
Él:
Te la doy.
 
Ella:
Pura para­da
Si ni el agua vos cortás.
 
Él:
Fijate qué fir­ulete, qué para­da
No hay ninguno que me pue­da guadañar.
 
Jun­tos:
Porque somos para el tan­go
Los más pier­nas,
Y sabe­mos hac­er­nos respetar.
Ángel Vil­lol­do (Ángel Gre­go­rio Vil­lol­do Arroyo)

Les versions

El criol­lo fal­si­fi­ca­do (Los criol­los) 1906 – Dúo Los Gob­bi.

Le titre est un peu dif­férent, ain­si que les paroles. Ce sont celles de la troisième colonne. El porteñi­to est el criol­li­to et il le texte com­porte de nom­breuses vari­a­tions par rap­port à la ver­sion « canon­ique ». Deux points sont à sig­naler. C’est un duo (que je trou­ver rel­a­tive­ment pénible entre les époux Gob­bi, Flo­ra et Alfre­do) avec des pas­sages par­lés comme c’était assez courant à l’époque.

El porteñi­to 1908 — Ángel Vil­lol­do.

Cet enreg­istrement par l’auteur pour­rait servir de référence. Ce sont les paroles de la ver­sion cen­trale (il y a quelques petites dif­férences, comme mina au lien de chi­na, mais qui ne change pas le sens).

El porteñi­to (La Criol­li­ta) 1909 — Andrée Vivianne con orques­ta.

Une ver­sion chan­tée par une femme à la voix plutôt plus agréable que celle de Flo­ra Gob­bi, mais de peu. On notera qu’elle a adap­té les paroles en chan­tant au féminin et en se faisant appel­er la criol­li­ta et non pas la porteñi­ta.

El Porteñi­to 1928-09-26 – Orques­ta Típi­ca Vic­tor (Adol­fo Cara­bel­li).

On arrive ici à la pre­mière ver­sion dans­able. Il est dirigé par la baguette d’Adolfo Cara­bel­li. C’est une ver­sion instru­men­tale, avec de beaux dia­logues instru­men­taux, et des vio­lons qui plairont à beau­coup. Une fan­taisie qui pour­rait pass­er dans une milon­ga, mais pas comme une milon­ga, c’est claire­ment un tan­go et même un bon canyengue avec les appuis qui favorisent la que­bra­da dont par­lent d’ailleurs les paroles.

El Porteñi­to 1937-08-31 – Orques­ta Juan D’Arienzo.

Une ver­sion au rythme syn­copé avec un plan de vio­lon ou ban­donéon qui sur­v­ole le tout. Une impres­sion d’accélération à la fin et quelques ponc­tu­a­tions de Bia­gi au piano témoignent du style qui est en train de se met­tre en place chez D’Arienzo. Je pense que c’est une ver­sion rarement dif­fusée en milon­ga. Elle pour­rait l’être, mais il y a d’autres titres plus por­teurs qui pren­nent la place dans le temps lim­ité don­né au DJ pour faire des propo­si­tions.

El Porteñi­to 1941-06-06 – Quin­te­to Pir­in­cho dir. Fran­cis­co Canaro.

Canaro enreg­istr­era deux fois avec le quin­te­to Pir­in­cho ce titre. Voici la pre­mière ver­sion, assez bril­lante, notam­ment grâce à la par­tie de piano inter­prétée par Luis Ric­car­di.

El Porteñi­to 1943-03-23 – Orques­ta Ángel D’Agostino con Ángel Var­gas. C’est notre tan­go du jour. Net­te­ment plus milon­ga que les ver­sions écoutées précédem­ment. Un best-sell­er des milon­gas.

C’est notre tan­go du jour. Net­te­ment plus milon­ga que les ver­sions écoutées précédem­ment. Un best-sell­er des milon­gas.

El Porteñi­to 1959-04-09 – Quin­te­to Pir­in­cho dir. Fran­cis­co Canaro.

Je fais un petit saut dans le temps en pas­sant divers­es ver­sions pour retrou­ver le Quin­te­to Pir­in­cho et la flute géniale de Juven­cio Físi­ca qui donne une couleur à cette ver­sion qui bal­ance tou­jours entre le tan­go et la milon­ga, mais on peut en général le pass­er comme milon­ga, car son allure très enjouée le rend sym­pa­thique à danser et il est suff­isam­ment con­nu pour que les jeux de l’orchestre, petits breaks et fior­i­t­ures de l’orchestre puis­sent être mis­es en valeur par les danseurs.

El Porteñi­to 2013 – Otros Aires y Joe Pow­ers.

Je vais vous deman­der de me par­don­ner, mais l’histoire n’est pas faite que de batailles gag­nées. Il y a aus­si des tragédies, comme cette ver­sion mix­ant l’orchestre Otros Aires (qui n’a pas su se renou­vel­er et trans­former ses pre­miers essais) et l’harmoniciste, Joe Pow­ers (qui est loin d’être mon préféré). Le résul­tat est à la hau­teur de mes espérances, inaudi­ble, je com­prends votre colère.

L’élégance au tango dans les années 1900

On a un peu de mal à imag­in­er que le tan­go ait pu paraître sul­fureux au point d’être inter­dit à Buenos Aires. Cepen­dant, il y avait tout de même de bonnes raisons.
Il était dan­sé dans des lieux dédiés au sexe et le but n’était pas d’être extrême­ment élé­gant, mais de pren­dre du plaisir avec une femme com­préhen­sive (même si cela la rendait mal­heureuse, comme a pu le voir hier avec Zor­ro gris qui par­lait d’une grisette dans un étab­lisse­ment de luxe). On imag­ine que dans d’autres lieux comme Lo de Tran­queli, la réal­ité était bien pire.

El Cachafaz et Car­menci­ta Calderon dans Tan­go de Luis Moglia Barth, un film de 1933.
El Cachafaz en 1940 avec Sofía Bozán dans le film de Manuel Romero Car­naval de Antaño.

Je par­lerai plus abon­dam­ment le 2 juin prochain d’Ovidio José Bian­quet, dit el Cachafaz, au sujet de la ver­sion du tan­go El Cachafaz, dans la ver­sion de D’Arienzo du 2 juin 1937.
Cette façon de danser passerait dif­fi­cile­ment pour élé­gante de nos jours, mais elle fai­sait l’admiration de nos aïeux et on peut regret­ter aujourd’hui une cer­taine stéril­i­sa­tion de la danse.
Je ne dis pas qu’il faut retrou­ver les out­rances de l’époque, mais plutôt de pren­dre des petites idées, de relancer la machine à impro­vis­er.
Je ter­min­erai par cette image qui est un mon­tage que j’ai réal­isé à par­tir de pho­tos du début du vingtième siè­cle où on voit des atti­tudes un peu sur­prenantes, mais qui étaient con­sid­érées comme très chic à l’époque. Cela devait toute­fois être fait avec une cer­taine élé­gance et ne doit en aucun jus­ti­fi­er les vio­lences qu’infligent cer­tains danseurs con­tem­po­rains à leur parte­naire et aux autres danseurs du bal… Eh oui ! Le DJ, il voit tout depuis son poste de tra­vail 😉

En lo de Laura 1943-03-12 — Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas

Antonio Polito Letra Enrique Cadícamo (Domingo Enrique Cadícamo)

Cette milon­ga, enreg­istrée il y a exacte­ment 81 ans par D’Agostino et Var­gas évoque l’un des lieux de tan­go semi-clan­des­tin les plus fameux des débuts du tan­go. Celui qui était tenu par Lau­renti­na Mon­ser­rat, Lau­ra. Nous sommes à la fin du XIXe, début du XXe siè­cle. Je vous pro­pose de suiv­re le tan­go dans ses berceaux inter­lopes, à la recherche de ses heures de gloire.

Au sujet de Sacale pun­ta, j’ai évo­qué les « maisons » de tan­go. Je pro­longe ici l’enquête, plus au cœur de ces pre­miers sites, qui n’étaient pas que des lieux de danse…

Extrait musical

En lo de Lau­ra 1943-03-12 — Orques­ta Ángel D’Agostino con Ángel Var­gas

Les paroles

Milon­ga de aquel entonces
que trae un pasa­do envuel­to…
De aquel 911
ya no te que­da ni un vuel­to…
Milon­ga que en lo de Lau­ra
bailé con la Par­da Flo­ra
Milon­ga provo­cado­ra
que me dio car­tel de tau­ra…
Ah… milon­ga ‘e lo de Lau­ra

Milon­ga de mil recuer­dos
milon­ga del tiem­po viejo.
Qué triste cuan­do me acuer­do
si todo ha queda­do lejos…
Milon­ga vie­ja y sen­ti­da
¿quién sabe qué se ha hecho de todo?
En la pista de la vida
ya esta­mos dob­lan­do el codo.
Ah… milon­ga ‘e lo de Lau­ra

Ami­gos de antes, cuan­do chiquilín,
fui bailarín com­padri­to…
Saco negro, tren­sil­lao, y bien afrance­sao
el pan­talón a cuadri­tos…
¡Que baile solo el Moro­cho
! — me solía gri­tar
la bar­ra «
e los Bal­mace­da…
Viejos tan­gos que empezó a can­tar
la Pepi­ta Avel­lane­da
¡Eso ya no vuelve más!

Anto­nio Poli­to Letra Enrique Cadí­camo (Domin­go Enrique Cadí­camo).

Traduction

Milon­ga de cette époque qui apporte un passé révolu…
De ce 911, il ne te reste, pas même une pièce (mon­naie ren­due)…
Milon­ga que j’ai dan­sée que j’ai dan­sée chez Lau­ra (en lo de Lau­ra) avec la Par­da Flo­ra…
Milon­ga provo­ca­trice qui m’a don­né une répu­ta­tion de brave…
Ah… la milon­ga chez Lau­ra…

Milon­ga aux mille sou­venirs, milon­ga d’an­tan.
Quelle tristesse quand je me sou­viens que tout est si loin !
Milon­ga vieille et sincère, qui sait ce qu’il est devenu de tout ?
Sur la piste de la vie, nous avons atteint un âge vénérable (doblar el codo = pass­er un cap où il reste moins de temps à vivre que ce qu’on a vécu).
Ah… la milon­ga chez Lau­ra…

Amis d’an­tan, quand, enfant, j’é­tais un danseur com­padri­to…
Veste noire, galon, et le pan­talon bien français, à car­reaux…
Q’uil danse seul, le Moro­cho ! (homme à la peau som­bre) — avaient l’habitude de me crier la bande et les Bal­mace­da…
Wieux tan­gos qu’avait com­mencé à chanter la Pepi­ta Avel­lane­da… (peut-être la Par­da Flo­ra)
Cela ne revien­dra plus !

Une brève et caricaturale histoire du tango

On lit beau­coup de bêtis­es sur les prémices du tan­go, le mieux est donc de faire court pour lim­iter la liste de ces âner­ies. Ce que l’on peut en dire de façon à peu près cer­taine est qu’il n’est pas né dans les salons hup­pés de la bour­geoisie. Cepen­dant, les jeunes hommes de la bonne société, les niños biens, allaient par­fois s’encanailler dans les moins trou­bles des lieux de « diver­tisse­ment » de l’époque.
Comme bien sûr, les filles de bonne famille ne pou­vaient pas décem­ment se ren­dre dans les mêmes lieux, la danse se fai­sait avec les femmes du lieu, des ban­lieusardes, des soubrettes, des grisettes et des pros­ti­tuées, plus ou moins raf­finées. On n’y dan­sait donc pas entre hommes, en tout cas pas de façon général­isée et souhaitée…
Lorsque le tan­go est revenu cou­vert de gloire d’Europe et notam­ment de Paris, le tan­go s’est dif­fusé dans les hautes sphères. Il n’était plus néces­saire de fréquenter ce type de lieu pour le pra­ti­quer, les femmes de la bonne société pou­vaient alors s’adonner à cette danse qui s’est alors assagie. Les paroles out­ran­cières comme celles de Vil­lo­do ont été réécrites, la danse s’est raf­finée en adop­tant une atti­tude plus droite, plus élé­gante, le tan­go était prêt à entr­er dans son âge d’or. Par chance pour nous, c’est aus­si plus ou moins l’époque où l’enregistrement élec­trique est apparu, ce qui nous per­met de con­serv­er des sou­venirs sonores de bien meilleure qual­ité de cette époque. Enreg­istrement.

Allons au bordel

La mai­son que cer­tains appel­lent pudique­ment « école de danse » ou tout sim­ple­ment Lo de Lau­ra (ou du nom d’une autre ten­an­cière) est tout sim­ple­ment une mai­son de plaisirs. Cepen­dant, il ne faut pas y voir néces­saire­ment un lieu sor­dide, digne d’un roman de Zola.
En effet, la pros­ti­tu­tion au XIXe siè­cle avait dif­férents étages.

Les courtisanes

Tout en haut, la Cour­tisane. À Paris, la Pai­va en était sans doute le meilleur exem­ple. C’était une pros­ti­tuée, plus ou moins occa­sion­nelle qui a réus­si à se faire remar­quer et qui est devenu une femme entretenue, par un ou plusieurs rich­es hommes.
Avoir une maîtresse pour un homme très riche n’était pas mal vu à l’époque, au con­traire, c’est le con­traire qui aurait été choquant. On aurait pen­sé qu’il était pin­gre ou ruiné, ce qui n’aurait pas été bon pour les affaires.

L’hôtel de la Paï­va, 25 avenue des Champs-Élysées à Paris, France,

L’hôtel de la Paï­va est le seul hôtel par­ti­c­uli­er restant de l’époque où on affir­mait que c’étaient les Champs-Élysées qui étaient la plus belle avenue du Monde. En effet, l’horrible avenue actuelle n’a plus rien à voir avec le charme de tous ces hôtels qui rival­i­saient sur les « Champs ». Même ce sur­vivant est mis à mal, car désor­mais masqué par la devan­ture d’un bistrot.

Cliquez ce lien pour en savoir un peu plus sur ce lieu et sa pro­prié­taire.

Les cocottes

La cocotte (cocote en espag­nol) n’arrive pas au statut social des cour­tisanes. Elle est entretenue par divers « réguliers », mais aucun n’est suff­isam­ment riche ou généreux pour lui per­me­t­tre de s’établir dans un somptueux hôtel par­ti­c­uli­er.
Notons que les économies qu’arrivent à faire cer­taines leur per­me­t­tent d’ouvrir des maisons, que ce soient des pen­sions (loge­ments) ou des bor­dels. Elles con­tin­u­ent donc de tra­vailler, elles-mêmes ou font tra­vailler d’autres femmes, con­traire­ment aux Cour­tisanes, qui ne tra­vail­lent plus que pour le plaisir ou leur mécène.

Les occasionnelles

L’occasionnelle est celle qui ayant du mal à boucler son bud­get, se livre à l’exercice moyen­nant finance. Elle peut être une lingère, une fille de salle, une artiste de cabaret, ou toute autre pro­fes­sion qui ne garan­tit pas un revenu suff­isam­ment réguli­er et impor­tant pour vivre. Cer­taines auront un peu de chance dans leurs ren­con­tres et iront rejoin­dre les cocotes, voire les cour­tisanes, mais d’autres fer­ont cela à temps plein et entreront alors dans les maisons clos­es.

Les maisons closes (prostibulos)

Là encore il y a dif­férents étages. Je ne ren­tr­erai pas dans les détails, car cela n’aurait pas trop d’intérêt pour notre pro­pos. Ce qu’il suf­fit de savoir est que pour pra­ti­quer le tan­go dans les pre­miers temps, c’étaient des lieux où on pou­vait facile­ment trou­ver une parte­naire, pour danser, ou plus si affinité (et finances). En général, cela com­mençait avec un café, café qui reste tou­jours de mise dans la bouche des dragueurs des milon­gas portègnes…
Ces étab­lisse­ments étaient con­trôlés, notam­ment pour lim­iter la syphilis et gérés par une anci­enne pros­ti­tuée, un souteneur ou quelque entre­pre­neur entre­prenant. D’ailleurs, de très nom­breuses filles pau­vres, notam­ment des Français­es, sont venues à Buenos Aires avec les promess­es d’un bel Argentin et se sont retrou­vées dans ces étab­lisse­ments avec des for­tunes très divers­es. Par­mi elles, on pour­rait citer de nom­breuses « grisettes » comme Grise­ta, Male­na, Manón, Mar­got, María, Mimí, Mireya Ninón et Made­moi­selle Ivonne qui devient Madame Ivonne. Cette dernière toute­fois était une admin­is­tra­trice de pen­sion, pas de bor­del, elle a employé dif­férem­ment ses économies.
Les dif­férentes « écoles de danse » étaient donc des lieux où la danse n’était pas la seule activ­ité.

Les « Lo »

Par­mi les lieux les plus réputés pour la danse, on pour­rait citer Lo de Lau­ra, qui fait l’objet de ce tan­go et que nous avons déjà décrit à pro­pos de Sacale pun­ta, Lo de Maria la Vas­ca (la Basque). On cite sou­vent Lo de Hansen qui était un bar-restau­rant créé par un Alle­mand, Juan Hansen, en 1877, mais il est à la fois dou­teux que ce fût un lieu de danse et un bor­del. En revanche, Lo de Tan­cre­li revendique les deux fonc­tions.

Lo de Hansen

Cet étab­lisse­ment était situé dans le parc 3 de febrero (Paler­mo) qui a été inau­guré en 1875.
Pour ceux que ça intéresse, le nom vient du 3 févri­er 1852, date de la bataille de Caseros entre les armées de Rosas et Urquiza et qui mar­que le début de la péri­ode nom­mée « orga­ni­zación nacional » (organ­i­sa­tion nationale…) de l’histoire poli­tique mou­ve­men­tée de l’Argentine.
Le 4 mai 1877, Juan Hansen sol­licite auprès de la com­mis­sion du parc d’ouvrir un café-restau­rant dans une con­struc­tion du parc (prob­a­ble­ment antérieure à la créa­tion du parc en 1875, car elle était en mau­vais état. Il avait déjà un étab­lisse­ment depuis 1869, égale­ment à Paler­mo (en face de la gare). La com­mis­sion accepte et Juan Hansen effectuera dif­férents travaux comme l’ajout d’une ter­rasse sur le toit, le rem­place­ment du planch­er par un car­relage, l’agrandissement des fenêtres exis­tantes et la con­struc­tion d’un salon sup­plé­men­taire.

Le café de Hansen, ici nom­mé « Restau­rant del Par­que 3 de Febrero » et la men­tion J Hansen sur la droite de la façade. À droite, une vue « intérieure ». On voit sur ces deux pho­tos les amé­nage­ments pro­posés à la com­mis­sion : Le car­relage et la ter­rasse panoramique.

Le café restau­rant ouvre donc, mais se livr­erait à d’autres activ­ités, comme l’avancent « José Sebas­t­ian Tal­lón dans El tan­go en su eta­pa de músi­ca pro­hibi­da. Buenos Aires, Insti­tu­to Ami­gos del Libro Argenti­no, 1959 et repris par Enrique Hora­cio Puc­cia dans “el Buenos Aires de Ángel Vil­lol­do”. »
« Hansen à Paler­mo, était un mélange de bor­del somptueux et de restau­rant. Un com­merce de précurseurs, pour­rait-on dire, avec en prime les bagar­res fréquentes, le cabaret tumultueux qui a précédé les actuels. Ce fut la cour de récréa­tion de bacanci­tos (petits chefs) et com­padri­tos comme ils se définis­sent eux-mêmes. Et des bagar­reurs et des gens ayant divers prob­lèmes. »
Cepen­dant, plus qu’un bor­del, c’était une « Chup­ping house » comme dis­ent élégam­ment les Argentins qui ne veu­lent pas par­ler de la chose et la déguisent par une expres­sion anglaise qui pour­rait se traduire par mas­tur­ba­tion. Il sem­blerait que les bosquets avoisi­nants aient été prop­ices à ces activ­ités, notam­ment la nuit.
En effet, le café de Hansen avait deux vis­ages. Il était ouvert en per­ma­nence. De jour, il accueil­lait les promeneurs qui venaient se rafraîchir et manger et de nuit, les fêtards et fau­teurs de trou­ble s’y retrou­vaient.
Par­mi eux, les ama­teurs de tan­go. Ceux-ci venaient écouter, car il était inter­dit de le danser, comme l’affirment notam­ment Amadeo Las­tra et Miguel Angel Scen­na.
Cepen­dant, plusieurs témoignages indiquent que l’on dan­sait tout de même au son de la musique dans les alen­tours de l’établissement. Dans ce sens, je vous pro­pose le témoignage de Félix Lima :

« Se bail­a­ba? Esta­ba pro­hibido el bai­lon­go, pero a reta­guardia del caserón de Hansen, en la zona de las glo­ri­etas tanguea base liso, tan­gos dormilones, de con­tra­ban­do. Los mozos hacían la vista gor­da. El tan­go esta­ba en pañales. A un no había inva­di­do los salones de la “haute”. Sola­mente lo bail­a­ban las mujeres ale­gres »

« Est-ce qu’on y dan­sait ? Il était inter­dit de faire du bai­lon­go, mais à l’arrière de l’établissement d’Hansen, dans la zone des glo­ri­ettes, il se dan­sait des tan­gos tran­quilles, des tan­gos las­cifs (endormis), de con­tre­bande. Les serveurs fai­saient sem­blant de ne pas voir (vista gor­da). Le tan­go avait encore des couch­es (était bébé). Il n’avait pas encore investi les salons de la « haute ». Seules les femmes légères (ale­gres) le dan­saient.

El Esquina­zo, un suc­cès à tout rompre

C’est dans cet étab­lisse­ment qu’a eu lieu l’incroyable suc­cès de El Esquina­zo d’Ángel Gre­go­rio Vil­lol­do. Voici com­ment le racon­te Pintin Castel­lanos dans Entre cartes y que­bradas, can­dombes, milon­gas y tan­gos en su his­to­ria y comen­tar­ios. Mon­te­v­ideo, 1948.
Pintin par­le du Café Tarana qui était le nom de l’époque du Café de Hansen (qui était mort le 3 avril 1891). Ansel­mo R. Tarana avait lorsqu’il en devint le pro­prié­taire le 8 mai 1903, adop­té le nom « Restau­rante Recreo Paler­mo. Antiguo Hansen ». Mais pour les clients, c’était Lo de Hansen ou Lo de Tarana. Sig­nalons que Tarana avait cinq voitures, pour rac­com­pa­g­n­er les clients à domi­cile, ce qui témoigne bien du suc­cès.
La com­po­si­tion de Vil­lol­do a été un tri­om­phe […]. L’accueil du pub­lic fut tel que, soir après soir, il se ren­dit au et le rythme dia­bolique du tan­go sus­men­tion­né com­mença à ren­dre peu à peu tout le monde fou. Pour avoir une idée de com­ment c’était joué à l’époque, un enreg­istrement de 1909 sor­ti le 5 mars 1910.

El esquina­zo 1910-03 05 — Estu­di­anti­na Cen­te­nario dirige par Vicente Abad (Ángel Gre­go­rio Vil­lol­do Letra Car­los Pesce ; A. Timarni [Anto­nio Poli­to])

Tout d’abord, et avec une cer­taine pru­dence, les clients ont accom­pa­g­né la musique de « El Esquina­zo » en tapant légère­ment avec leurs mains sur les tables.
Mais les jours pas­saient et l’engouement pour le tan­go dia­bolique ne ces­sait de croître.
Les clients du Café Tarana ne se con­tentaient plus d’accompagner avec le talon et leurs mains. Les coups, en gar­dant le rythme, aug­men­tèrent peu à peu et furent rejoints par des tass­es, des ver­res, des chais­es, etc.
Mais cela ne s’est pas arrêté là […] Et il arri­va une nuit, une nuit fatale, où se pro­duisit ce que le pro­prié­taire de l’établissement floris­sant ressen­tait depuis des jours. À l’annonce de l’exécution du tan­go déjà con­sacré de Vil­lol­do, une cer­taine ner­vosité était per­cep­ti­ble dans le pub­lic nom­breux […] l’orchestre a com­mencé le rythme ryth­mique de « El Esquina­zo » et tous les assis­tants ont con­tin­ué à suiv­re leur rythme avec tout ce qu’ils avaient sous la main : chais­es, tables, ver­res, bouteilles, talons, etc. […]. Patiem­ment, le pro­prié­taire (Ansel­mo R Tarana) a atten­du la fin du tan­go du démon, mais le dernier accord a reçu une stand­ing ova­tion de la part du pub­lic. La répéti­tion ne se fit pas atten­dre ; et c’est ain­si qu’il a été exé­cuté un, deux, trois, cinq, sept… Finale­ment, de nom­breuses fois et à chaque inter­pré­ta­tion, une salve d’applaudissements ; et d’autres choses cassées […] Cette nuit inou­bli­able a coûté au pro­prié­taire plusieurs cen­taines de pesos, irré­cou­vrables. Mais le prob­lème le plus grave […] n’était pas ce qui s’était passé, mais ce qui allait con­tin­uer à se pro­duire dans les nuits suiv­antes.
Après mûre réflex­ion, le mal­heureux « Pagani­ni » des « assi­ettes brisées » prit une réso­lu­tion héroïque. Le lende­main, les clients du café Tarana ont eu la désagréable sur­prise de lire une pan­car­te qui, près de l’orchestre, dis­ait : « Est stricte­ment inter­dite l’exécution du tan­go el esquina­zo ; La pru­dence est de mise à cet égard. »

Lo de María la Vasca

Cette mai­son était située en la calle Europa, aujourd’hui, Car­los Cal­vo au n° 2721. Elle apparte­nait à Car­los Kern (El Ingles) et sa femme, María Ran­gol­la, une basque française) et une anci­enne pros­ti­tuée, dev­enue Cour­tisane la gérait.
C’est là que Rosendo Men­dizábal a lancé « El Entr­erri­ano », voir cela dans l’article sur Sacale pun­ta.

El entr­erri­ano 1910-03-05 Estu­di­anti­na Cen­te­nario dir. Vicente Abad (enreg­istré en 1909, sor­tie du disque le 5 mars 1910). Une sym­pa­thique ver­sion avec une jolie man­do­line.
Extérieur et patio de la casa de Maria la Vas­ca.

Le mari de la Vas­ca, Car­los Kern dont l’autre surnom était Matasi­ete (tue sept en référence à son imposante stature) veil­lait à ce que les dames de la mai­son soient respec­tées.

Un mur­al réal­isé par Eduar­do Saba­do, Ernesto Mar­t­inchuk en décem­bre 2024, représente Lo de María la Vas­ca.

Un film un peu par­ti­c­uli­er sur cette mai­son : Orig­ines pro­hibidos y prostibu­lar­ios del tan­go — María Aldaz. Il y a beau­coup à lire, plus qu’à regarder, c’est comme un immense générique, ou un livre à défile­ment automa­tique, mais ce tra­vail est intéres­sant si vous avez le courage de vous y plonger.

Orig­ines pro­hibidos y prostibu­lar­ios del tan­go par María Aldaz

La Parda Loreto

Le mari de la Vas­ca pos­sé­dait un autre lieu, plus mod­este qui était situé à Chile au 1567 à la Soci­etad Patria e Lavoro. Cet immeu­ble n’existe plus. Sa danseuse la plus réputée était « La Par­da » Lore­to.
Avec le paiement d’un sup­plé­ment, il était pos­si­ble de prof­iter d’une cham­bre avec une des belles du bal.
Cette « annexe » de Lo de la Vas­ca, n’était pas for­cé­ment bien vue par Maria, qui était à juste titre jalouse de ce qui s’y pas­sait avec son mari.

Lo de Laura

Lo de Lau­ra est l’établissement en l’honneur duquel a été écrite la milon­ga du jour.
Elle était située en Paraguay 2512. J’en ai par­lé à pro­pos de Sacale pun­ta.
Cette mai­son était beau­coup plus grande que celle de María la Vas­ca.

Lo de Lau­ra (Lau­renti­na Mon­ser­rat). Cette « mai­son » était située en Paraguay 2512. C’est main­tenant une mai­son de retraite…

Sa fréquen­ta­tion était plus éli­tiste que celles des toutes les autres maisons.

Les maisons de tango dans les paroles de tangos

Voici quelques tan­gos qui par­lent de ces maisons, comme Lo de Lau­ra.

En lo de Laura 1943-03-12 — Antonio Polito Letra Enrique Cadícamo

Lo de Lau­ra

C’est le tan­go du jour, voir donc ci-dessus, mais ne boudons pas le plaisir d’écouter de nou­veau nos deux anges. Var­gas et D’Agostino.

En lo de Lau­ra 1943-03-12 — Orques­ta Ángel D’Agostino con Ángel Var­gas

No aflojés (Pedro Maffia et Sebastián Piana Letra : Mario Battistella)

Lo de Lau­ra et Lo de María la Vas­ca

 « Vos fuiste el rey del bai­lon­go en lo de Lau­ra y la Vas­ca… »

No aflo­jés 1940-11-13 – Orques­ta Ángel D’Agostino con Ángel Var­gas (Pedro Maf­fia ; Sebastián Piana Letra: Mario Bat­tis­tel­la)

Tiempos viejos (Francisco Canaro Letra:  Manuel Romero)

Lo de Lau­ra et lo de Hansen

En 1926, Car­los Gardel enreg­is­trait le bon vieux temps, celui des « maisons » de danse, ces bor­dels de luxe où on dan­sait le tan­go et cher­chait la com­pag­nie des femmes. La musique est de Fran­cis­co Canaro et les paroles de Manuel Romero.

Tiem­pos viejos (Te acordás her­mano) 1926 — Car­los Gardel avec les gui­tares de Guiller­mo Bar­bi­eri et José Ricar­do (Fran­cis­co Canaro Letra: Manuel Romero)

Canaro l’a enreg­istré à de mul­ti­ples repris­es, mais seule­ment à par­tir de 1927, notam­ment avec sa com­pagne offi­cieuse, Ada Fal­cón.

Tiem­pos viejos (Te acordás her­mano) 1931-12-17 — Ada Fal­cón con acomp. de Fran­cis­co Canaro. C’est une autre ver­sion « chan­son ».

Je reviendrai à l’occasion du tan­go du jour sur une ver­sion de danse de ce titre, notam­ment le 28 sep­tem­bre avec la ver­sion enreg­istrée en 1937 par Fran­cis­co Canaro et Rober­to Mai­da.

¿Te acordás, her­mano ? ¡Qué tiem­pos aquél­los!
Eran otros hom­bres más hom­bres los nue­stros.
No se conocían cocó ni mor­fi­na,
los mucha­chos de antes no usa­ban gom­i­na.

¿Te acordás, her­mano? ¡Qué tiem­pos aquél­los!
¡Vein­ticin­co abriles que no volverán!
Vein­ticin­co abriles, volver a ten­er­los,
si cuan­do me acuer­do me pon­go a llo­rar.

¿Dónde están los mucha­chos de entonces?
Bar­ra antigua de ayer ¿dónde está?
Yo y vos solos quedamos, her­mano,
yo y vos solos para recor­dar…
¿Dónde están las mujeres aquél­las,
minas fieles, de gran corazón,
que en los bailes de Lau­ra pelea­ban
cada cual defen­di­en­do su amor?

¿Te acordás, her­mano, la rubia Mireya,
que quité en lo de Hansen al loco Cepe­da?

Casi me sui­ci­do una noche por ella
y hoy es una pobre mendi­ga hara­pi­en­ta.
¿Te acordás, her­mano, lo lin­da que era?
Se forma­ba rue­da pa’ ver­la bailar…
Cuan­do por la calle la veo tan vie­ja
doy vuelta la cara y me pon­go a llo­rar.

Fran­cis­co Canaro Letra: Manuel Romero

On note plusieurs élé­ments dans le texte, que j’ai mis en gras et que je traduis ici :
On ne con­nais­sait pas la cocaïne ni la mor­phine (pas de drogue autre que le tabac).
Les gars d’avant n’utilisaient pas de gom­i­na (le film argentin d’Enrique Car­reras ; Los mucha­chos de antes no usa­ban gom­i­na sor­ti le 13 mars 1969 pré­tend représen­ter cette époque et a choisi cette phrase de la chan­son comme titre.
Tu te sou­viens, frérot, de la blonde Mireya, que j’ai piqué à Lo de Hansen au fou Cepe­da ? Il a piqué la copine française, Mireille, à Cepe­da, le poète Andrés Cepe­da [surnom­mé le Loco ou le mau­vais, il était de plus anar­chiste] et il a fail­li se sui­cider pour elle et aujourd’hui, elle est une men­di­ante.

La Vasca [Juan Calos Bazán]

Lo de María la Vas­ca

Cou­ver­ture de la par­ti­tion pour piano de la Vas­ca de Juan Car­los Bazan.

On a la par­ti­tion, mais pas d’enregistrement de ce tan­go.

El fueye de Arolas [Pedro Laurenz Letra : Héctor Marcó]

Lo de Hansen

Lo de Hansen est cité dans « El fueye de Aro­las » [Le ban­donéon d’Arolas] écrit à la mémoire d’Arolas par Héc­tor Marcó en 1951, à l’occasion du retour des restes d’Arolas de Paris à Buenos Aires :
No ron­da en las noches de Hansen al muelle [Il s’agit du quai de la Marne, Aro­las étant mort à Paris]. La men­tion de Lo de Hansen est donc très som­maire, mais ça prou­ve qu’en 1924, l’établissement rasé en 1912 restait dans les mémoires).
Pedro Lau­renz le met­tra en musique, mais il n’a prob­a­ble­ment pas été enreg­istré.

La Pishuca — El baile en lo de Tranqueli

Noté par Eduar­do Bar­beris le 25 avril 1905 (com­pos­i­teur anonyme).

Lo de Tran­queli, cet étab­lisse­ment de bas étage était situé à l’angle sud-est des rues Suárez y Necochea (La Boca). L’immeuble n’en a plus pour très longtemps, il est désaf­fec­té. À droite, la par­ti­tion avec la retran­scrip­tion des paroles qui sont assez dif­fi­ciles à com­pren­dre.

Eduar­do Bar­beris (qui a fait un tra­vail ethno­graphique en récoltant ce tan­go) a essayé de repro­duire la façon de chanter ce qu’il entendait. Cela rend la par­ti­tion moins com­préhen­si­ble. Je vous pro­pose une ver­sion prob­a­ble et une tra­duc­tion approx­i­ma­tive à la suite…

Anoche en lo de Tran­queli
Bailé con la Bolado­ra
Y esta­ba la par­da Flo­ra
Que en cuan­to me vio estriló,
Que una vez en los Cor­rales
En un cafetín que esta­ba,
Le tuve que dar la bia­ba
Porque se me rever­só.

Pre­mier cou­plet du tan­go qui en compte cinq, de la même eau…

Hier soir à lo de Tran­queli, j’ai dan­sé avec la Bolado­ra. Il y avait la Par­da Flo­ra (Uruguayenne mulâtresse ayant tra­vail­lé à Lo de Lau­ra et danseuse réputée). Quand elle m’a vu elle s’est mise en colère, car aux Cor­rales dans un café où elle était, j’avais dû lui don­ner une bran­lée, car j’étais à l’en­vers (retourné, pas dans mon assi­ette).
Je pro­pose de rap­procher la Par­da Flo­ra de Pepi­ta Avel­lane­da, qui si elle n’est pas la même a un par­cours très sim­i­laire : Uruguay, Lo de Lau­ra, Flo­res et la Boca.
Aux Cor­rales viejos a eu lieu le 22 juin 1880, le dernier com­bat des guer­res civiles argen­tines. Les forces nationales y ont rem­porté la dernière manche con­tre les rebelles de la Province de Buenos Aires.

Los Cor­rales Viejos (situé à Par­que Patri­cios). On voit qu’on n’est pas dans l’am­biance feu­trée des salons parisiens, ni même dans celle de Lo de Lau­ra…

Selon le poète Miguel A.Camino, le tan­go est né aux Cor­rales Viejos dans les années 80, les duels au couteau leur ont appris à danser, le 8 (ocho) et la sen­ta­da, la media luna et le pas en arrière.
Lo de Tran­queli fait par­tie des piringundines, les bor­dels où on danse, mais de bas étages. Rien à voir avec les étab­lisse­ments de plus haute tenue comme Lo de Lau­ra.
Fer­nan­do Assun­cao, dans « El tan­go y sus cir­cun­stan­cias » men­tionne cette uruguayenne fameuse qui gérait un bor­del en Mon­te­v­ideo où il y avait régulière­ment (pour ne pas dire tout le temps du grabuge). On lui attribue la phrase « ¡Que haiga rela­jo pero con orden! », que ce soit déten­du, mais avec de l’ordre !

En guise de conclusion, provisoire…

Il est éton­nant et intéres­sant de voir com­ment le tan­go s’est frayé un chemin des faubourgs et de la pros­ti­tu­tion de bas étage, jusqu’aux plus hautes class­es de la société. Nous avons dévelop­pé aujourd’hui la pre­mière étape, celle où le tan­go est inter­dit de danse dans les lieux publics et doit donc se cacher dans des étab­lisse­ments déguisés sous le nom d’école de danse ou de bor­dels.
J’ai passé sous silence la danse dans les con­ven­til­los (habi­tats pop­u­laires), mais on imag­ine que les fana­tiques du tan­go devaient saisir toutes les occa­sions pos­si­bles, dans les glo­ri­ettes où on pou­vait enten­dre la musique de chez Hansen, jusqu’à la musique des manèges pour enfants (les calecitas).
Pro­gres­sive­ment, il se trou­ve un chemin et va être dan­sé dans de nou­veaux lieux, comme ici au Théâtre de la rue de la rue Vic­to­ria.

El Teatro de la Vic­to­ria. On trou­ve en général la pho­to de droite asso­ciée à Lo de Lau­ra. Il s’agit en fait d’une pho­togra­phie réal­isée en 1905 au Teatro de la Vic­to­ria qui était situé au 954 de la calle Vic­to­ria (actuelle Hipoli­to Irigoyen).

L’étape suiv­ante se passe en Europe, nous aurons l’occasion d’y revenir.
À suiv­re…

Danseurs en Lo de Lau­ra — Recon­sti­tu­tion fan­tai­siste à tous points de vue.

La vida es un tango 1939-02-08 (Film)

Réalisation Manuel Romero. Musique Alberto Soifer

Sabi­na Olmos et Hugo del Car­ril

La vida es un tan­go est un film argentin en noir et blanc de Manuel Romero. La musique est d’Alber­to Soifer (com­pos­i­teur de nom­breux titres de la vie­ja guardia comme la mer­veilleuse valse Estrel­li­ta mía enreg­istrée, entre autre par Dona­to).

Il est sor­ti le 8 févri­er 1939.

Les rôles sont tenus par Flo­ren­cio Par­ravici­ni, Tito Lusiar­do, Hugo del Car­ril et Sabi­na Olmos.

Le film d’un cou­ple (Hugo del Car­ril et Sabi­na Olmos) autour du tan­go au début du vingtième siè­cle.
Con­sul­tez le site de la mai­son de pro­duc­tion, Lumi­ton pour obtenir du matériel autour du film.
La vida es un tan­go (1939)

Intrigue du film

Ce film est sans doute un chef d’œu­vre pour tous ceux qui s’in­téresse à l’his­toire du tan­go. Il faut bien sûr révis­er quelques élé­ments qui ne sont pas par­faite­ment com­pat­i­bles avec la vérité, mais à l’aide des voix mer­veilleuses de Hugo Del Car­ril et de Sabi­na Olmos, ce film vous fera voy­ager, rêver et je suis sûr, vous enchantera.
L’in­trigue est assez sim­ple.
Un jeune homme (Raul Con­tr­eras, joué par Hugo Del Car­ril), fils d’un chef d’orchestre pianiste (Con­tr­eras père, joué par Flo­ren­cio Par­ravici­ni).
Un soir, Raul se rend dans le cabaret où son père joue du piano avec son orchestre. Il joue de façon automa­tique, un bock de bière pour chaque titre, ce qui donne lieu à un gag répéti­tif. À chaque morceau joué, il boit entière­ment son boc (j’espère que c’est un verre truqué) et à peine l’a‑t-il reposé que la serveuse l’échange con­tre un bock plein.
Raul con­te à son père qui tra­vail­lait de façon dis­simulée à son fils dans ce cabaret, qu’il souhaite devenir chanteur de tan­go, annonçant que cette musique sera un phénomène mon­di­al. Cela pour­rait être une pré­mo­ni­tion géniale puisque la scène est sen­sée se pass­er au tout début du vingtième siè­cle, mais il faut tem­pér­er, car le film date de 1939…
Lors de cette soirée, il fait con­nais­sance de Elisa Quin­tana, jouée par Sabi­na Olmos et de son père, joué par Tito Lusiar­do.
Il se retrou­ve à chanter avec Elisa sur scène pour sa pre­mière presta­tion publique. C’est un suc­cès.
Les par­ents déci­dent de lancer le cou­ple d’artiste et imag­i­nent d’aller à Paris, pen­sant qu’à la fin de la pre­mière guerre mon­di­ale, la France aurait envie de se diver­tir.
C’est bien sûr un immense suc­cès, mais Raul fait con­nais­sance d’une riche héri­tière. Le père Con­tr­eras voit d’un bon œil que son fils l’épouse. Cela blesse Elisa qui est amoureuse de Raul et finale­ment, Elisa et son père retour­nent à Buenos Aires où elle a un grand suc­cès.
Elle finit par se mari­er à un riche héri­ti­er et arrête sa car­rière musi­cale. Raul qui n’avait pas pu l’oublier décide de ren­tr­er en Argen­tine dans l’espoir de la recon­quérir, sans savoir qu’elle vient de se mari­er. Il assiste au dernier con­cert d’Elisa qui, jeune mar­iée d’une grande famille, ne peut plus se com­pro­met­tre sur les planch­es.
Pour noy­er sa tristesse, Raul part à New-York, accom­pa­g­né par son père et dégringole, sous les coups des whiskies qu’il ingur­gite trop facile­ment.
Au bout du rouleau, ayant per­du sa voix après une pneu­monie, il accepte de ren­tr­er à Buenos Aires.
Je vous laisse décou­vrir la suite dans le film.

Les chansons du film musical

Ce film est égale­ment un pré­texte pour pass­er des chan­sons inter­prétées de façon fab­uleuse par Hugo Del Car­ril et Sabi­na Olmos.
Par­mi les titres inter­prétés sous la direc­tion de Alber­to Soifer :
• Viens Poupoule de Félix May­ol (mon­trant que la musique de France était présente à Buenos Aires au tout début du vingtième siè­cle).
• La morocha
• El porteñi­to
• La payan­ca
• Gabi­no el may­oral
• Bel­gi­ca (en l’honneur de la Bel­gique qui venait d’être envahie par l’Allemagne)
• Mi noche triste
• El tai­ta del arra­bal
• Patoter­ro sen­ti­men­tal (une sub­lime ver­sion)

Sub­mergé d’é­mo­tion Raul (Hugo Del Car­ril) chante Patotero sen­ti­men­tal quand il com­prend qu’il va per­dre elisa.

• Milon­gui­ta
• La copa del olvi­do
• Nubes de humo
• Mano a mano (une inter­pré­ta­tion extra­or­di­naire)

Superbe inter­pré­ta­tion de Hugo Del Car­ril qui décide de chang­er pour chanter Mano a Mano quand il voit Elisa avec son mari. Ce dernier ne com­prend pas com­plète­ment que Raul (Hugo Del Car­ril) chante pour elle, ce qui explique l’ex­tra­or­di­naire émo­tion que provoque cette inter­pré­ta­tion.

• Yira-yira
• ban­doneón arra­balero
• Aquel tapa­do de armiñó.
Les chan­sons sont choisies en fonc­tion de l’intrigue et ser­vent aux deux pro­tag­o­nistes prin­ci­paux pour exprimer leurs sen­ti­ments.
En cela, le film est d’une grande justesse et je le con­sid­ère comme un véri­ta­ble chef‑d’œuvre. J’espère que vous partagerez mon ent­hou­si­asme.