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Milonga de mis amores 1937-05-26 – Orquesta Francisco Canaro

Pedro Laurenz Letra : José María Contursi (Hijo)

Encore une milonga qui fait se jeter les danseurs sur la piste. Pourtant, elle a différentes personnalités selon les orchestres qui l’interprètent. Je vous invite à découvrir certains de ses visages. Le premier est celui de Canaro, c’est notre tango milonga du jour. Elle fête ses 87 ans et exprime la nostalgie de la ville qui change.

Extrait musical

1937-05-26 — Orquesta
Milonga de mis amores. Partition piano et voix.

Paroles

Oigo tu voz
engarzada en los acordes de una Iírica guitarra…
Sos milonga de otros tiempos… Yo te vi crecer
prendida en las polleras de un bailongo guapo y rompedor
como jamás ha de volver.

Nadie, tal vez,
comprendió mejor las penas y el sentir de mi barriada…
Sin embargo te olvidaron y en el callejón
tan sólo una guitarra te recuerda, criolla como vos,
y en su gemir tiembla mi ser.

Vuelvo cansado de todo
y en mi corazón lloran los años…
Mi vida busca tan sólo
la tranquilidad del viejo barrio…
Y encuentro todo cambiado menos tu canción, milonga mía…
El progreso ha destrozado toda la emoción
de mi arrabal.

Quiero olvidar
y tus notas van llenando de tristeza el alma mía…
He cruzado tantas veces ese callejón,
llevando entre los labios un silbido alegre y tu cantar
emborrachando el corazón.

Era feliz
entregado a las de la única sincera
que acunó una primavera que no floreció…
Milonga, ya no puedo continuar… El llanto me venció…
Quiero olvidar… y pienso más.

Pedro Laurenz José María Contursi (hijo)

libre et indications

J’entends ta voix enlacée dans les accords d’une guitare lyrique…
Tu es une milonga d’un autre temps… Je t’ai vu grandir accrochée aux jupes dans des bals déchaînés (destructeurs) comme il n’en reviendra jamais.
Personne, peut-être, ne comprenait mieux les chagrins et les sentiments de mon taudis…
Cependant, ils t’ont oublié et dans la ruelle seule une guitare se souvient de toi, criolla comme toi, et dans ses gémissements mon être tremble.
Je reviens fatigué de tout et dans mon cœur les années pleurent…
Ma vie ne cherche que la tranquillité du vieux quartier…
Et je trouve que tout a changé sauf ta chanson, ma milonga…
Le progrès a détruit toute l’excitation de mon faubourg.
J’ai envie d’oublier et tes notes remplissent mon âme de tristesse…
J’ai traversé cette ruelle tant de fois, portant aux lèvres un sifflement joyeux et ton chant qui enivrait mon cœur.
C’était heureux de s’abandonner aux caresses de la seule sincère qui berçait un printemps qui ne fleurissait pas…
Milonga, je ne peux plus continuer… Les pleurs m’ont submergé…
Je veux oublier… Et je pense encore plus.

Autres versions

Milonga de mis amores 1937-05-26 — Orquesta Francisco Canaro

C’est notre milonga du jour. Canaro a été le premier à enregistrer le titre de Laurenz. Comme généralement à cette époque, le rythme est plutôt lent, presque canyengue.

Milonga de mis amores 1937-07-14 — Pedro Laurenz C .

Laurenz arrive après Canaro pour donner sa version. Le rythme est bien plus rapide et Hector Farel chante quelques mots (ce qui est en gras dans les paroles, rappelant ainsi que Contursi, fils, a créé des paroles pour cette milonga.

Milonga de mis amores 1944-01-14 Orquesta Pedro Laurenz.

Sept ans plus tard, Laurenz revoit sa copie, purement instrumentale. Le rythme est encore plus soutenu.

Milonga de mis amores 1968 — Pedro Laurenz con su Quinteto.

En 1968, Laurenz a réduit la voilure et c’est son quintette qui interprète le titre. Le rythme est plus lent, mais ce qui frappe, c’est la légèreté de la musique. Le quintette ne rivalise pas avec l’orchestre, le résultat me semble un peu anecdotique, charmant, mais sans plus…

Milonga de mis amores — 1970-12-16 — Orquesta Juan D’Arienzo.

Deux ans plus tard, D’Arienzo balance toute la sauce avec cette milonga énervée qui ravira les danseurs les plus énergiques et achèvera les autres.

Milonga de mis amores 1973-05-04 — Juan Cambareri y su Cuarteto Típico.

Fidèle à son vice, Cambareri nous libre une version en excès de vitesse. Je suis à peu près sûr que lui et ses musiciens mettent de la boisson énergisante dans leur café. Même les danseurs les plus énergiques regarderont les notes passer sans essayer de les attraper. Quand c’est trop, c’est trop, d’autant plus que cela manque un peu de clarté.

Milonga de mis amores 1993-11-08 – Marino con orquesta.

Cette version a le mérite de nous présenter les paroles de Contursi, fils.

Milonga de mis amores 2005 – .

Une belle version, bien énergique, dans l’esprit de D’Arienzo.

Milonga de mis amores 2011 – .

Une version légère, qui démarre comme un train à vapeur, puis qui trouve son rythme. Intéressant, mais est-ce suffisant pour les danseurs, pas sûr.

Milonga de mis amores 2013 – Chamuyo – Cuarteto de saxos.

Milonga de mis Amores par Roxana Fontán accompagnée à la flûte par et un guitariste…

Les styles du tango

El Mundo du dimanche 1er octobre de 1944.

Il semble que tout a été dit sur les styles de tango. Je vous propose cependant un petit point, vu essentiellement sur l’aspect du tango de danse.

Ce qu’il convient de prendre en compte, c’est que les périodes généralement admises sont en fait toutes relatives.

Les orchestres ont, selon les cas, continué un style qui leur réussissait au-delà d’autres orchestres et a contrario, d’autres ont innové bien avant les autres, voire, sont revenus en arrière, remettant en avant des éléments disparus depuis plusieurs décennies.

On peut donc avoir deux enregistrements contemporains appartenant à des courants forts différents. C’est particulièrement sensible à partir des années 50, où la baisse de la pratique de danse a incité les orchestres à développer de nouveaux horizons, souvent en réchauffant des plats plus anciens.

Les origines (avant )

Il ne s’agit pas ici de trancher dans un des nombreux débats entre spécialistes des origines. Du strict point de vue de la danse, les premiers tangos sont proche du style habanero et par conséquent, c’est plus du côté des habaneras qu’il convient de trouver la forme de danse.

La habanera

Vous connaissez ce rythme. DaaaTadaTaDaaa

Pour ceux qui ne sont pas lecteurs de la musique, les barres rouges (croches pointées) correspondent à 3 unités temporelles relatives (double croche), les barres bleues à une unité temporelle (double croche) et les barres vertes à deux unités temporelles (croche). Les barres sont donc proportionnelles à la durée des notes. Au début de la portée, il y a l’indication 2/4. Cela signifie qu’il y a deux noires par mesure (espace entre deux barres verticales). Les croches valent la moitié d’une noire en durée et les doubles croches la moitié d’une croche. Voilà, vous connaissez la lecture du rythme en musique (ou pas…).
Rythme de la habanera au piano. retrouvez le DaaaTadaTaDaaa…

La habanera porte ce nom, car c’est une restitution d’un rythme cubain. L’inventeur du genre est Sebastián de Iradier qui a composé El arreglito (le petit arrangement) où il joue avec ce rythme. En voici un extrait et je suis sûr que cela va vous rappeler quelque chose.

Axivil Criollo – El Arreglito – Compositeur Sebastián de Iradier vers 1840.

Avez-vous trouvé ?

Oui, vous avez trouvé. Ce cher a piqué la musique de Sebastián de Iradier.

Teresa Berganza chante la Habanera de Carmen de Bizet (le copieur 😉

Ce rythme, très présent dans les premiers tangos, est devenu plus discret, sauf pour les milongas qui l’ont largement exploité.

Dans la milonga criolla (ici par l’orchestre de Francisco Canaro 1936-10-06), on reconnait parfaitement le rythme de la habanera qui a été accélérée et est devenue une des pierres de construction des milongas.

Lorsque le tango de danse a perdu de son élan, les orchestres sont revenus à ces formes traditionnelles, au point que les compositeurs l’on réintroduit très largement.

Autres apports

En parallèle, des formes chantées, notamment par les payadors et des danses, traditionnelles, voire tribales, ont influencé ces prémices, donnant une grande richesse à ce qui deviendra le tango, notamment à travers ses trois formes dansées, le tango, la milonga et la valse.

Les payadors

On lit parfois que Gardel était un payador. Cependant, même s’il était ami de José Bettinotti, il n’a pas été directement l’un de ces chanteurs qui s’accompagnaient à la guitare en improvisant. Cependant, l’influence des payadors est indéniable pour le tango, comme vous pouvez en juger. Par cet extrait, qui avec ses relents d’habanera pourrait s’approcher d’une milonga lente ou d’un .

José Bettinotti, El cabrero circa 1913

Exemple d’influence africaine

Parmi les sources, on met en avant des origines africaines. Même si l’Argentine n’a pas été une terre d’esclavage très marquée, contrairement à beaucoup d’autres payés du continent américain, il y a eu une communauté d’origine africaine relativement importante au XIXe siècle. Celle-ci s’est atténuée par l’émigration, les mariages avec des populations d’autre origines et quelques faits guerriers où ils ont servi de chair à canon.

Même si l’Argentine a absorbé des éléments, c’est plutôt la province de l’Est, l’Uruguay qui a le plus été influencé par ces musiques, notamment les percussions.

Candombe solo para Uruguayos – Hugo Fattoruso – « Caminando » , Toma de Sonido Dario Ribeiro

Le candombe et la milonga candombe se retrouvent à la mode dans les années 50, bien avant que Juan Carlos Cacéres relance la mode.

Siga el baile 1953-10-28 – Alberto Castillo y su Orquesta Típica dirigé par .

La dénomination « tango » est souvent associée à la déformation de « tambo » et désignait des lieux ou la communauté noire dansait. Il faut voir un jugement négatif par la bonne société blanche. Le terme est devenu synonyme de bamboche, de débauche, ou pour le moins de moeurs légères. La musique des faubourgs, même si elle n’était pas issue des Africains a hérité de ce vocable péjoratif, lorsque le tango s’est développé dans les bordels et autres lieux choquants pour la bonne société.

Les origines européennes

L’immigration européenne a apporté sa musique. Pour el vals, même criollo, on est très proche de la valse et des artistes comme Canaro ont même adopté des valses viennoises.

Pour la milonga, c »est un peu moins évident de retrouver des sources européennes, si ce n’est que la mode de la habanera en Europe et les échanges dans le monde latinoaméricain ont favorisé sa diffusion. La habanera symbolisait le marin pour l’Europe. La milonga, on devrait même écrire les milongas sont une salsa, un mélange d’influences.

Les débuts du tango dans les faubourgs et les milieux interlopes ont conduit celui-ci à des formes assez populaires, voire outrées que le canyengue d’aujourd’hui a du mal à retraduire en totalité.

La naissance européenne

Disons-le, tout bonnement, ce tango d’avant le tango n’est pas au sens strict du tango. À cela se rajoute que les rares enregistrements de l’époque ont été réalisés par voie acoustique et qu’ils ne sont donc pas du tout adaptés à nos oreilles contemporaines.

Voir les progrès de l’enregistrement pour plus d’informations sur l’enregistrement acoustique.

Vu les lieux où le tango était joué et malgré la fréquentation par des ninos bien (jeunes hommes de bonne famille), le tango ne s’est pas fait une place importante en Argentine avant d’acquérir ses lettres de noblesse en Europe et notamment en France.
Il y a une théorie différente qui se base sur un film réalisé en 1900 à Buenos Aires par Eugene Py. Le problème est que si Py a bien réalise un film, on ne l’a pas retrouvé. Un film est considéré par certains comme le film de Py qui aurait été retrouvé.

Dans ce film, on voit deux danseurs dans un décor pratiquer une forme de tango. Ce film est parfois qualifié de premier film de tango qui correspondrait à un film enregistré en 1900 par Eugène Py. La qualité de l’image, le vêtement de la femme, le style de danse font plutôt dater ce film des années 1920. Les partisans de l’attribution à Eugène Py indique que le film original a été réalisé en extérieur, sur la terrasse de l’entreprise Casa Lepage À Buenos Aires. On peut voir qu’ici, il s’agit d’un décor qui peut avoir été placé en extérieur pour faire croire a un intérieur. Cela semble un peu exagéré pour ce type de film. En admettant que ce soit le cas, les danseurs seraient des gens de la haute société. Aussi, pourquoi serviraient-ils de figurants ? Il est plus simple d’imaginer que ce sont des danseurs qui jouent un rôle. Donc, si ce film est de 1900 (ce dont je doute), il peut s’agir de danseurs figurants. Si le film est de 1920, il peut s’agir de personnes plus fortunées qui présentent leurs performances de danse. Je propose donc de rester sur les témoignages écrits et nombreux et de ne pas suivre l’hypothèse qui ferait de ce film la preuve que le tango était dansé dans la haute société dès 1900.

Le style du tango, avant le tango… (Prototango)

Avant 1926, date des premiers enregistrements électriques, pas d’enregistrements utilisables en danse.

Argañaraz – Orquesta Típica Criolla Alfredo Gobbi (1913)

Comme vous pouvez vous en rendre compte, le style sommaire et monotone de la musique est renforcé par l’obligation de jouer de façon assez forte et peu nuancée pour que le pavillon puisse graver le support d’. On retrouve cependant certains éléments « Canyengue » que l’on connaît par les enregistrements électriques.

Je vous propose à titre d’exemple, un enregistrement électrique de 1927 par Francisco Canaro.

Zorro gris 1927-08-22, Francisco Canaro (enregistrement électrique).

La vieille garde (Guardia vieja)

Gobbi et Canaro, dans la première partie de leur carrière, sont des représentants de ce que l’on a nommé la vieille garde. On ne peut pas réduire cela au canyengue, car dès les années 20 des rythmes différents avaient vu le jour. Se détachant progressivement du style claudicant du canyengue, les orchestres abandonnent la habanera, accélèrent le rythme. Des titres en canyengue deviennent des milongas, comme par exemple : , ici dans la version de Canaro en 1937 et qui a encore des accents de canyengue :

Extrait de Milonga de mis amores 1937-05-26, Francisco Canaro

contrairement à la version de la même année par Pedro Laurenz :

Extrait de Milonga de mis amores 1937-07-14, Pedro Laurenz canta Héctor Farrel

Ou celle du même de 1944 :

Extrait de Milonga de mis amores 1944-01-14, Pedro Laurenz

Des orchestres anciens évoluent, comme Di Sarli ou d’Arienzo, notamment à l’arrivée de Biagi dans l’orchestre et on arrive à la grande période du tango, l’âge d’or.

L’âge d’or (Edad de oro)

C’est la période considérée comme la plus adaptée au tango de danse. C’est logique, car à l’époque, le tango était une danse à la mode et chaque semaine, plusieurs orchestres se produisaient.

El Mundo du dimanche 1er octobre de 1944. En rouge, les 4 piliers se produisent le même jour (Hoy). En bleu des orchestres de second plan, tout à fait dansables et en vert, des orchestres un peu moins pertinents pour la danse.

On voit l’énorme choix qui s’adressait aux danseurs. Les musiciens jouaient ensemble plusieurs fois par semaine et il y avait un climat d’émulation pour ne pas dire de compétition entre les orchestres.

On remarquera qu’en face de chacun des orchestres de tango, il y a un orchestre de « Jazz ». En effet, les bals de l’époque jouaient des genres variés et les orchestres se spécialisaient.

Certains comme Canaro avaient deux orchestres, ce qui lui permettait d’assurer les deux aspects de la soirée. D’ailleurs, Canaro utilise des cuivres dans son orchestre de tango, il jouait donc de la limite entre les deux formations. Vous avez pu écouter cela dans l’extrait de Milonga de mis amores, ci-dessus.

Chaque orchestre se distinguait par un style propre. Certains étaient plus intellectuels, comme Pugliese ou De Caro, d’autres plus joueurs, comme Rodriguez ou D’Arienzo, d’autres plus romantiques, comme Di Sarli ou Fresedo et d’autres plus urbains, comme Troilo.

Aujourd’hui, dans les milongas, le DJ s’arrange pour proposer ces quatre orientations pour éviter la monotonie et contenter les différentes sensibilités des danseurs.

Même si la production de l’époque est essentiellement tournée vers la danse, il y a également une production pour l’écoute.

Sur les disques de l’époque, il est facile de faire la différence, notamment pour les tangos avec chanteur. En effet, un tango à danser est indiqué : Nom de l’orchestre canta ou estribillo cantado por Nom du chanteur. Un tango à écouter est indiqué Nom du chanteur y su orquesta dirigido por ou con (avec) Nom de l’orchestre.

Nous n’entrerons pas dans les détails en ce qui concerne les styles des orchestres de l’âge d’or, cela fait l’objet d’un de mes cycles de /conférence (mini 3 h, voire 6 h). Il convient seulement de savoir reconnaître le tango de danse et de savoir apprécier les différences de style entre les orchestres.

Pour les DJ, il est important de tenir compte de l’évolution des styles du même orchestre. Il est souvent moins grave de mélanger deux orchestres enregistrés à la même époque que de mélanger deux enregistrements d’époques stylistiquement différentes du même orchestre.

Tango Nuevo

C’est celui initié par De Caro, repris ensuite par Troilo, Pugliese et Piazzolla, par exemple. Il est encore très vivant, notamment chez les orchestres de concert.

À noter que Pugliese et Troilo sont bien sûr des piliers du tango de bal et que leurs incursions nuevos, pas toujours pour la danse, ne doivent pas masquer leur importance dans le bal traditionnel.

N’oublions pas que Pugliese a aussi bien enregistré du canyengue, que du tango classique avant de faire du Nuevo… Curieusement, le tango dit nuevo reprend souvent des motifs les plus anciens, notamment la habanera des tout premiers titres du XIXe siècle.

Tango Electronico

Style Gotan Project. Il se caractérise principalement par une batterie et l’utilisation d’instruments électroniques. Curieusement, il est parfois assez proche, d’un point de vue rythmique, du tango musette qui est l’évolution européenne et notamment franco-italienne, du tango du début du XXe siècle.

Comme DJ, j’évite et en tout cas je n’en abuse pas, car cette musique est très répétitive et ne convient pas aux danseurs avancés. Cependant, il faut reconnaître que cette musique a fait venir de nouveaux adeptes au tango.

Tango alternatif (neotango)

Le tango alternatif consiste à danser avec des repères « tango » sur des musiques qui ne sont absolument pas conçues comme telles.

Par exemple, la Colegiala de Ramirez est un tango alternatif, puisqu’on le danse en « milonga » alors que c’est un fox-trot.

Certains DJ européens placent des zambas que les danseurs dansent en tango. Quel dommage quand on sait la beauté de la danse.

N’oublions pas la dynamique «  » qui consiste à danser sur toute musique, chanson, de tout style et de toute époque. Cela ouvre des horizons immenses, car la très grande majorité de la musique actuelle est à 4 temps et permet donc de marcher sur les temps.

Ce qui manque souvent à cette musique, c’est le support à l’improvisation. On peut lui reconnaître une forme de créativité dans la mesure où elle permet / oblige de sortir des repères et donc d’innover. Mais est-t-il vraiment possible d’innover en tango ? C’est un autre .

Pourquoi l’âge d’or est bien adapté à la danse

Si on étudie un tango de l’âge d’or, on y découvrira plusieurs qualités favorisant la danse :

  • La musique a plusieurs plans sonores. On peut choisir de danser sur un instrument (dont le chanteur), puis passer à un autre. On peut aussi choisir de danser uniquement la marcation (tempo). Les instruments se répondent. On peut ainsi se répartir les rôles avec les partenaires en reconstituant le dialogue en le dansant.
  • La musique se répète plusieurs fois, mais avec des variations. Cela permet de découvrir le tango au cas où il ne serait pas connu et la seconde fois, l’oreille est plus familière et l’improvisation est plus confortable. Cette reprise est en général différente de la première exposition, mais reste tout à fait comparable. Par exemple, la première fois le thème est joué au violon ou au bandonéon et la seconde fois, c’est le rôle du chanteur ou d’un autre instrument. Si c’est le même instrument, il y aura de légères différences dans l’orchestration qui rendra l’écoute moins monotone.
  • Les changements de rythme, phrases, parties, sont annoncés. Un danseur musicien ou exercé sait reconnaître les parties et peut « deviner » ce qui va suivre, ce qui lui permet d’improviser plus facilement sans dérouter sa partenaire. Je devrais plutôt mettre cela au pluriel, car les deux membres du couple participent à l’improvisation. Si la personne guidée a envie d’appuyer, de marquer un élément qui va arriver, elle a le temps d’alerter le guideur pour qu’il lui laisse un espace. Les musiques alternatives ou des musiques d’inspiration pus classiques, comme certaines compositions de Piazzolla » proposent souvent des surprises qui font qu’elles ne permettent pas de deviner la suite, ou au contraire, sont tellement répétitives, que quand revient le même thème de façon identique et mécanique, les danseurs n’ont pas de nouvelles idées et finissent par tomber dans une routine. Évidemment, les danseurs qui n’écoutent pas la musique et qui se contentent de dérouler des chorégraphies ne verront pas de différences entre les différents types de tango. Ceci explique le succès des pratiques neotango auprès des débutants, même si ces bals ont aussi du succès auprès de danseurs plus affirmés. En revanche, on ne fera jamais danser, même sous la menace, un Portègne sur ce type de musique, en tout cas, en tango…

Ne faut-il danser que sur des tangos de l’âge d’or ?

Non, bien sûr que non. Les canyengues et la vieille garde comportent des titres sublimes et très amusants ou intéressants à danser. Certains danseurs sont prêts à danser plusieurs heures d’affilée sur ces rythmes. Cependant, un DJ qui passerait ce genre de musique de façon un peu soutenue à Buenos Aires se ferait écharper…

Quelques musiques modernes donnent des idées agréables à danser. Pour ma part, je propose souvent une tanda de valses « originales ». Le rythme à trois temps de la valse reste le même que pour les tangos traditionnels et le besoin d’improvisation est moins important, car il s’agit surtout de… tourner.

Même si les danseurs avancés aiment moins danser sur les d’Arienzo des années 50 ou postérieures, ils n’y rechignent pas toujours et l’énergie de ces musiques plaît à de très nombreux danseurs. C’est donc un domaine à proposer aux danseurs. D’ailleurs, les orchestres qui font à la manière de du d’Arienzo sont particulièrement nombreux. C’est bien le signe que c’est toujours dans l’air du temps.

Pour terminer, je précise que je suis DJ et que par conséquent, mon travail est de rendre les danseurs heureux. J’adapte donc la musique à leur sensibilité.

Pour un DJ résident, en revanche, il est important d’ouvrir les oreilles des habitués. Dans certains endroits, le DJ met toujours le même type de musique, pas forcément de la meilleure qualité pour la danse. Le problème est qu’il habitue les danseurs à ce type de musique et que quand ces derniers vont aller dans un autre endroit, ils vont être déroutés par la musique.

L’innovation, c’est bien, mais il me semble qu’il faut toujours garder un fond de culture « authentique » pour que le tango reste du tango.