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Samaritana 1932-07-27 — Orquesta Típica Los Provincianos Dir. Ciriaco Ortiz con Alberto Gómez

Luis Rubistein (Musique et paroles)

À Buenos Aires, la majorité des milon­gas con­tin­u­ent de faire des tan­das de 4 titres pour les tan­gos, et pour quelques-unes, y com­pris pour les valses, mais unique­ment si tous les danseurs dansent, ce qui est générale­ment le cas. Notre tan­go du jour est donc, vous l’avez dev­iné, une valse, sans doute trop peu con­nue, Samar­i­tana. Elle a été enreg­istrée il y a 92 ans.

Ceux qui me con­nais­sent savent que je ne suis pas avare de valses et que je n’hésite jamais à faire des propo­si­tions un peu plus rares, l’avantage des valses est que la majorité reste dansante grâce à la struc­ture par­ti­c­ulière à trois temps avec le pre­mier temps accen­tué (POUM – tchi — tchi). Il est donc plus facile de pren­dre des risques avec les valses que les tan­gos et encore plus que les milon­gas, qui ont le rythme le plus dif­fi­cile à pro­pos­er en milon­ga.

Los Provincianos

Ciri­a­co Ortiz Direc­tion et ban­donéon, Aníbal Troi­lo et Hora­cio Golli­no (ban­donéons), Orlan­do Cara­bel­li (piano), Elvi­no Var­daro et Manuel Núñez (vio­lons), Man­fre­do Lib­er­a­tore (con­tre­basse) et Alber­to Gómez (dit Nico) au chant sont les artistes qui ont mis en musique et enreg­istré cette valse.

Orques­ta Los Provin­cianos. Vous aurez recon­nu le jeune Aníbal Troi­lo et son ban­donéon qui l’accompagnera durant toute sa car­rière…

On trou­ve par­fois cet enreg­istrement sous le nom d’orchestre OTV – Orches­tra Típi­ca Víc­tor. Ce n’est pas vrai­ment faux, car il s’agit effec­tive­ment d’un orchestre créé par la mai­son de disque Víc­tor et qui était des­tiné à enreg­istr­er des dis­ques.
Le pre­mier orchestre, celui qui était dirigé par Cara­bel­li avec le nom de OTV, mais par la suite, la com­pag­nie Víc­tor déci­da de mul­ti­pli­er les orchestres et pour s’y retrou­ver, elle leur don­na des nos dif­férents…

  • La Orques­ta Típi­ca Los Provin­cianos, dirigée par Ciri­a­co Ortiz et qui a enreg­istré notre valse du jour et qui est en fait la con­tin­u­a­tion de l’orchestre de Cara­bel­li, d’où le fait qu’on le nomme par­fois tout sim­ple­ment Típi­ca Víc­tor, comme le pre­mier orchestre et comme on le fera pour les suiv­ants…
  • La Orques­ta Víc­tor Pop­u­lar,
  • La Orques­ta Radio Víc­tor Argenti­na, dirigée par Mario Mau­ra­no
  • La Orques­ta Argenti­na Víc­tor
  • La Orques­ta Víc­tor Inter­na­cional
  • El Cuar­te­to Víc­tor com­posé de Cayetano Puglisi et Anto­nio Rossi (vio­lons), Ciri­a­co Ortiz et Fran­cis­co Pracáni­co (ban­donéons)
  • El Trío Víc­tor com­posé de Elvi­no Var­daro (vio­lon) et de Oscar Alemán et Gastón Bueno Lobo (gui­tares).

Même si cet orchestre n’était pas des­tiné à jouer en pub­lic, les habitués du Cabaret Casano­va qui était situé en la rue Maipu, juste en face du Salón Marabú (où a débuté Troi­lo avec son orchestre, juste en tra­ver­sant la rue…) et qui existe, lui, tou­jours, ont pu enten­dre l’orchestre sur scène.

Extrait musical

Samar­i­tana 1932-07-27 – Orques­ta Típi­ca Los Provin­cianos con Alber­to Gómez.

Les vio­lons dessi­nent les pre­mières notes sur une base stac­ca­to du reste de l’orchestre et notam­ment des ban­donéons et de la con­tre­basse qui mar­que fer­me­ment les pre­miers temps. Puis s’exprime le sub­lime vio­lon soliste. Les ban­donéons repren­nent la voix avec à 35 sec­on­des un curieux (mais génial) glis­san­do. À 1:12, Alber­to Gómez lance le chant, tou­jours en mode mineur, mais ce n’est pas éton­nant vu les paroles. Sa voix décon­trac­tée enlève la tragédie des paroles, il ter­mine en voix de tête. Il reste ensuite une minute à l’orchestre pour faire oubli­er le triste des paroles, ce qu’il fait par­faite­ment, notam­ment avec la vari­a­tion finale exé­cutée prin­ci­pale­ment par les ban­donéons en dou­ble croche.

Les orchestres Víc­tor sont des­tinés aux dis­ques, mais aux dis­ques pour danseurs et ce n’est donc pas un hasard si les valses de ces orchestres com­por­tent une telle pro­por­tion de mer­veilles.

Paroles

N’ayant pas trou­vé la par­ti­tion, ni les paroles, il s’agit ici unique­ment de ce que chante Alber­to Gómez.

El dolor, cruzó mi corazón
Gol­pe­an­do fuerte,
Dejan­do en su ruti­na
Frío de muerte,
Que me asesina
Sin com­pasión.

Mi can­tar se ahoga con mi voz
Que es una pena,
Y nada me con­suela
De haber per­di­do,
Lo que he queri­do
Con tan­to amor.

Luis Rubis­tein (Musique et paroles)

Traduction libre des paroles

La douleur a transper­cé mon cœur, frap­pant fort, lais­sant dans sa rou­tine, le froid de la mort qui me tue sans com­pas­sion.
Mon chant s’est noyé avec ma voix, qui est un cha­grin, et rien ne me con­sole d’avoir per­du ce que j’ai aimé avec tant d’amour.

Qui est la samaritana ?

Je pose la ques­tion, mais je n’ai pas de réponse.
Le sens le plus com­mun fait référence à la femme de la Bible, la femme au puits.
Par exten­sion, le terme désigne une per­son­ne qui se dévoue pour les autres.
Mais ce n’est pas tout, la samar­i­taine est une pécher­esse, car elle a eu cinq « maris » sans être mar­iée. Cette direc­tion nous rap­pelle que les pros­ti­tuées héri­tent par­fois de cette appel­la­tion, comme le rap­pelle la très belle chan­son du chanteur espag­nol José Luis Perales, Samar­i­tanas del amor.

Samar­i­tanas del amor — José Luis Perales avec sous-titre et tra­duc­tion pos­si­ble…

Comme cette valse est orphe­line et les paroles incom­plètes, on ne peut rester qu’à des sup­po­si­tions. Mais est-ce si grave si on peut se plonger dans l’ivresse de cette valse ?
On notera que quelques années après l’écriture de cette valse (1938), un « Nos­tradamus argentin » a qual­i­fié l’Argen­tine de Samar­i­tana del Mun­do, l’Argen­tine accueil­lant les peu­ples meur­tris.

Solari Par­ravici­ni — Dibu­jos pro­feti­cos

Je ne me pronon­cerai pas sur la valid­ité des prophéties de Solari Par­ravici­ni, mais le fait que Luis Rubis­tein était sen­si­ble au pro­jet sion­iste peut l’avoir influ­encé. Je me garderai de faire tout rap­proche­ment avec l’actualité argen­tine, en lais­sant les coïn­ci­dences non analysées.

Tristesse et joie du tango

Pour moi, le tan­go est une pen­sée joyeuse qui se danse. Si vous écoutez la valse du jour sans faire atten­tion aux paroles, vous ne décou­vrirez pas la tragédie sous-jacente, vous vous lais­serez envelop­per par le rythme implaca­ble de la valse en ne pen­sant à rien d’autre.
Dis­cépo­lo qui a écrit le con­traire de ce que je pense est mort à 50 ans dans une pro­fonde dépres­sion. Un homme mal­heureux au point de se laiss­er mourir de faim est-il un bon témoin pour par­ler du plaisir du tan­go qui a ani­mé, pen­dant plusieurs décen­nies, des mil­liers de danseurs ? Je n’en suis pas sûr. L’auteur de Vachaché, Yira yira ou Cam­bal­ache avait un regard plutôt noir et dés­abusé sur le monde. Nicolás Oli­vari assura que Dis­cépo­lo était la cheville ouvrière de l’hu­mour de Buenos Aires, grais­sée par l’an­goisse. (Oli­vari écrivait El per­no, c’est le boulon, mais aus­si la par­tie qui main­tient la tige dans une charnière. J’ai choisi de traduire par la cheville ouvrière qui est la pièce la plus impor­tante des char­rettes avec roues avant ori­enta­bles. Notons qu’en lun­far­do, el per­no est aus­si le mem­bre vir­il).
Les paroles de Luis Rubis­tein pour­raient paraître de la même veine, mais elles par­lent d’une douleur intime, presque théâ­tral­isée, celle que ressent l’amoureux qui a per­du son objet d’amour, elles ne man­i­fes­tent pas néces­saire­ment un rejet de la société. Par ailleurs, Luis Rubis­tein est à la fois l’auteur de la musique et des paroles, aus­si, il pou­vait par­faite­ment établir l’équilibre entre l’émotion et la tristesse des paroles et l’enthousiasme de la musique.
En Europe, on s’interdit cer­tains tan­gos, car les paroles par­lent de sujets tristes (Juan Porteño, La nove­na), ici, à Buenos Aires, ils sont passés et bien que tout monde puisse en com­pren­dre les paroles, per­son­ne n’y fait atten­tion et tout le monde est sur la piste. C’est peut-être éton­nant quand on entend les danseurs chanter les paroles d’autres titres qu’ils con­nais­sent par cœur. En revanche, je ne passerai pas des titres vul­gaires comme Si soy así (inter­prété par Rodríguez avec Her­rera).
Ceci pour dire que le tan­go de danse se fait à par­tir de la musique et que si la musique donne envie de danser, c’est un tan­go pour la milon­ga, sauf à de très rares excep­tions. On aura remar­qué que même lorsque les paroles fai­saient référence à une his­toire triste, les tan­gos de danse n’en repren­nent que l’estribillo (refrain), voire un ou deux cou­plets en plus, mais que générale­ment, les par­ties les plus sin­istres ne sont pas chan­tées.
Le tan­go triste est le tan­go à écouter, car il dif­fuse la total­ité de l’histoire et que cette his­toire peut effec­tive­ment être très triste. La voix du chanteur étant mise en avant, l’auditeur ne dis­pose pas de l’amortissement de la musique et est con­fron­té à la dureté du texte.
On peut se deman­der pourquoi le tan­go exprime sou­vent des pen­sées tristes. Quand on sait que c’est le pays du Monde où il y a le plus de psys par habi­tant et que Buenos Aires est la ville qui a le plus de théâtres, il me sem­ble facile d’y voir un début d’explication.
La nos­tal­gie de l’émigré, immi­gré, sou­vent issu de pop­u­la­tions défa­vorisées d’Europe, voire d’Afrique, tout cela peut don­ner une cer­taine propen­sion à la tristesse, mais ce sont des gens qui ont su domin­er leurs dif­fi­cultés. Ils pen­saient arriv­er dans un espace vierge à con­quérir pour se lancer dans une nou­velle vie, mais con­traire­ment à ce qui s’est passé dans d’autres pays, l’Argentine était déjà entière­ment pri­vatisée, aux mains de quelques grandes familles et les con­quérants espérant s’établir en vivant de leurs ter­res ont été réduits à devoir tra­vailler pour les pro­prié­taires ou à s’entasser dans les villes, ou plutôt La ville, pour servir de main‑d’œuvre à l’industrie.
Ils ont quit­té une mis­ère pour en trou­ver une autre, loin de leurs racines. Il y avait sans doute de quoi avoir des ten­dances mélan­col­iques. Alors, la danse ne pou­vait pas être autre chose qu’un exu­toire, un sas de décom­pres­sion, ce qui explique les excès des pre­miers temps et la cir­con­scrip­tion à des lieux inter­lopes et pop­u­laires du tan­go. C’est quand la bonne société a jugé bon de s’acoquiner, que l’intellectualisation a façon­né une autre cul­ture.

El tango tiene los pies en el fango y la cabeza en las nubes

Le tan­go a les pieds dans la boue et la tête dans les nuages, c’est ce qui fait sa grandeur et sa richesse.
Tout bon DJ con­naît les dif­férents degrés de la musique qui s’adresse aux sen­ti­ments, au cerveau, au corps et c’est en jouant sur les dif­férents car­ac­tères qu’il ani­me la milon­ga.
Le ludique de D’Arienzo, l’urbain de Troi­lo, l’intellectuel de Pugliese et le sen­ti­men­tal de Di Sar­li for­ment les qua­tre piliers qui ser­vent à con­stru­ire une milon­ga qui don­nera à toutes les sen­si­bil­ités de danseurs, de quoi être heureux. Évidem­ment, cette répar­ti­tion que l’on donne comme indi­ca­tion aux DJ débu­tants est très som­maire et demande à être nuancée.
Il n’est pas ques­tion d’équilibrer ces 4 piliers. Selon l’événement, les danseurs et le moment, on favoris­era plutôt l’un des piliers. On passera générale­ment plus de D’Arienzo que de Pugliese, les piliers n’ont pas tous la même taille.
Par ailleurs, met­tre dans une de ces qua­tre cas­es ces qua­tre orchestres, c’est oubli­er qu’ils ont évolué et ont nav­igué d’une case à l’autre selon les péri­odes. Il faut donc nuancer la déf­i­ni­tion des piliers et le dernier point est que d’autres orchestres ont exprimé ces qua­tre sen­si­bil­ités et qu’ils peu­vent très bien se sub­stituer aux orchestres canon­iques.
Maler­ba et Caló, peu­vent aller dans la case roman­tique, tout comme De Caro et cer­tains Troi­lo qui peu­vent se class­er dans la case intel­lectuelle. Rodriguez ira sans doute dans la case ludique et ain­si de suite.
C’est la rai­son pour laque­lle on alterne les gen­res. On ne passera générale­ment pas deux tan­das romantiques/ludiques/intellectuelles/urbaines à la suite. On passera d’un des qua­tre piliers à l’autre dans le but de ne pas laiss­er sur sa chaise un danseur avec deux tan­das qui sont de types qui ne lui par­lent pas. Com­bi­en de fois avez-vous ressen­ti de l’ennui en ayant l’impression que c’était « tout le temps pareil », notam­ment dans ces milon­gas où le DJ respecte un ordre chronologique, com­mençant par la vieille garde et ter­mi­nant par le tan­go « nue­vo » …
Je me sou­viens d’un danseur, dans une ville française qui fut autre­fois pio­nnière dans le tan­go (et qui n’est pas Paris), qui après une tan­da de Pugliese est venu me dire, ça va être le néotan­go main­tenant ? Ne com­prenant pas le sens de sa ques­tion, je lui ai demandé des pré­ci­sions et il m’a dit qu’ici, les DJ com­mençaient par Canaro et ter­mi­naient par du néotan­go et comme il était rel­a­tive­ment tôt dans la soirée, il s’inquiétait de devoir par­tir, car il ne s’intéressait pas à ce type de musique. Je l’ai ras­suré et il est resté, jusqu’à la fin.

Sur ce, je vous dis à demain, les amis…

Salud… dinero y amor 1939-07-25 – Orquesta Enrique Rodríguez con Roberto Flores

Rodolfo Aníbal Sciammarella (paroles et musique)

Voilà que le tan­go et plus pré­cisé­ment la valse (mais on ver­ra que ce n’est pas si sim­ple) vous prodigue des con­seils de vie. Chers amis, je vous enjoins de les suiv­re et de chanter avec Rober­to Flo­res le refrain de cette valse entraî­nante com­posée et mise en paroles par Rodol­fo Aníbal Sci­ammarel­la et inter­prété par l’orchestre chéri de mon ami Chris­t­ian, Enrique Rodriguez.

Selon Mar­i­ano Mores, Rodol­fo Sci­ammarel­la aurait com­posé une zam­ba (voir l’anecdote du 7 avril sur la zam­ba). Comme il n’était pas très doué pour écrire la musique, il a demandé à Mar­i­ano de la tran­scrire pour lui. Celui-ci a trou­vé que c’était plus joli en valse et aurait donc adap­té la musique à ce rythme…

Une édi­tion de Julio Korn de Salud… dinero y amor en zam­ba

Extrait musical

Salud… dinero y amor 1939-07-25 — Orques­ta Enrique Rodríguez con Rober­to Flo­res.

Pas de doute, notre ver­sion du jour est par­faite­ment une valse, sans trace de zam­ba. Je me demande toute­fois si la ver­sion en zam­ba n’a pas été util­isée dans d’autres occa­sions. Nous y revien­drons avec la liste des ver­sions.

Avis de recherche

Le 7 mars 1939, un film est sor­ti. Son titre était Mandi­ga en la sier­ra. Ce film a été réal­isé par Isidoro Navar­ro sur un scé­nario de Arturo Lorus­so et Rafael J. de Rosas. Ce film était basé sur la pièce de théâtre homonyme. Par­mi les acteurs, Luisa Vehil, Eduar­do San­dri­ni, Nicolás Fregues et Pedro Quar­tuc­ci, mais celui qui m’intéresse est Fran­cis­co Amor qui y inter­prète Salud…dinero y amor.

Luisa Vehil, Nicolás Fregues et Pedro Quar­tuc­ci dans Mandin­ga en la sier­ra (1939)

Dans ce film, en plus de Fran­cis­co Amor, il y a Myr­na Mores et sa sœur Mar­got. Depuis 1938, Mar­i­ano Mores, celui qui a couché sur la par­ti­tion l’idée musi­cale de Rodol­fo Sci­ammarel­la fai­sait un trio avec les deux sœurs Mores. En 1943, il épousera Myr­na. On voit comme ce film est assez cen­tral autour des Mores et de cette valse.
Si vous savez où trou­ver ce film, je suis pre­neur…
Vous pou­vez trou­ver sa fiche tech­nique ici : https://www.imdb.com/title/tt0316217/?ref_=nm_knf_t_1

La pièce de théâtre était jouée en 1938. Est-ce que la ver­sion chan­tée ou jouée dans la pièce était sous forme de zam­ba, je ne le sais pas. En ce qui con­cerne le film, même si je ne l’ai pas encore trou­vé, j’imagine que c’est en valse, car le suc­cès du thème qui a été enreg­istré majori­taire­ment sous cette forme. Je vous réserve deux sur­pris­es dans les « autres ver­sions » qui pour­raient faire men­tir ou con­firmer cette his­toire.

Paroles

Tres cosas hay en la vida:
salud, dinero y amor.
El que ten­ga esas tres cosas
que le dé gra­cias a Dios.
Pues, con ellas uno vive
libre de pre­ocu­pación,
por eso quiero que apren­dan
el refrán de esta can­ción.

El que ten­ga un amor,
que lo cuide, que lo cuide.
La salud y la plati­ta,
que no la tire, que no la tire.
Hay que guardar, eso con­viene
que aquel que guar­da, siem­pre tiene.
El que ten­ga un amor,
que lo cuide, que lo cuide.
La salud y la plati­ta,
que no la tire, que no la tire.

Un gran amor he tenido
y tan­to en él me con­fié.
Nun­ca pen­sé que un des­cui­do
pudo hacérme­lo perder.
Con la salud y el dinero
lo mis­mo me sucedió,
por eso pido que can­ten
el refrán de esta can­ción.

Rodol­fo Aníbal Sci­ammarel­la (paroles et musiques)

Traduction libre des paroles

Il y a trois choses dans la vie :
la san­té, l’argent et l’amour.
Quiconque pos­sède ces trois choses devrait remerci­er Dieu.
Eh bien, avec eux, on vit sans souci, c’est pourquoi je veux que vous appre­niez le dic­ton de cette chan­son.

Celui qui a un amour, qu’il en prenne soin, qu’il en prenne soin.
La san­té et la mon­naie, ne la jetez pas, ne la jetez pas.
Il faut garder, il con­vient que celui qui garde, tou­jours a.
Celui qui a un amour, qu’il en prenne soin, qu’il en prenne soin.
La san­té et la mon­naie, ne la jetez pas, ne la jetez pas.

J’ai eu un grand amour et j’ai telle­ment cru en lui.
Je n’ai jamais pen­sé qu’un manque d’attention pou­vait me le faire per­dre.
La même chose m’est arrivée avec la san­té et l’argent, alors je vous demande de chanter le dic­ton de cette chan­son.

Autres versions

Salud, dinero y amor 1930 — Duo Irus­ta-Fuga­zot accomp. de Orques­ta Argenti­na (Barcelona).

Je pen­sé que vous avez remar­qué plusieurs points étranges avec cette ver­sion. Le son a beau­coup d’écho, ce qui ne fai­sait pas à l’époque. Je pense donc que c’est une édi­tion « trafiquée ». Mon exem­plaire vient de l’éditeur El Ban­doneón qui a édité entre 1987 et 2005 dif­férents titres dont cer­tains assez rares. Cet enreg­istrement est sur leur CD El Tan­go en Barcelona CD 2 — (EBCD-046) de 1997. Je n’en con­nais pas d’autre. Sur la date d’enregistrement de 1930, en revanche, c’est très prob­a­ble, car cela cor­re­spond à l’époque où le trio était act­if en France et Barcelone.
L’autre point étrange est qu’il s’agit d’une valse et pas d’une zam­ba. Si Sci­ammarel­la a « écrit » une zam­ba et que Mar­i­ano Mores l’a trans­for­mé en valse seule­ment en 1938, il y a un prob­lème. Cet enreg­istrement devrait être une zam­ba. Je pense donc que Sci­ammarel­la a fait vivre con­join­te­ment les deux ver­sions et que c’est la ver­sion valse qu’a adap­tée le tout jeune Mar­i­ano Mores. Mais on va revenir sur ce point plus loin…

Salud… dinero y amor 1939-07-25 — Orques­ta Enrique Rodríguez con Rober­to Flo­res.

C’est notre valse du jour. Vos chaus­sures, si vous êtes danseur, doivent être désor­mais capa­bles de la danser seules. Le rythme est assez rapi­de et le style haché de Rodríguez fait mer­veille pour inciter à don­ner de l’énergie dans la danse. La voix de Flo­res, plus élé­gante de celle de Moreno, l’autre chanteur vedette de Rodríguez est agréable. L’orchestration de la fin de la valse est superbe, même si Rodríguez décide, une fois de plus, d’y plac­er un chœur, habi­tude qui peut sus­citer quelques réti­cences.

Salud, dinero y amor 1939-08-08 — Fran­cis­co Lomu­to C Jorge Omar.

Une ver­sion assez piquée et pesante. Elle est moins con­nue que la ver­sion de Rodriguez. On com­prend pourquoi, sans toute­fois qu’elle soit à met­tre au rebut. Comme chez Canaro, Lomu­to fait inter­venir une clar­inette, scorie de la vieille garde. La fin est cepen­dant assez intéres­sante, donc si un DJ la passe, cette valse ne devrait pas laiss­er une mau­vaise impres­sion.

Salud, dinero y amor 1939-09-11 — Fran­cis­co Canaro y Fran­cis­co Amor.

Sur le même rythme que Lomu­to, Canaro pro­pose une ver­sion plus légère. Les vents (instru­ments à vent) aux­quels Canaro reste fidèle don­nent la couleur par­ti­c­ulière de l’orchestre. Fran­cis­co Amor chante de façon décon­trac­tée avec un peu de gouaille.

Salud, dinero y amor 1939-09-27 — Juan Arvizu con orques­ta.

L’accent mex­i­cain d’Arvizu, sur­prend, on est plus accou­tumé à l’entendre dans des boléros. L’orchestre où les gui­tares ont une présence mar­quée est un peu léger après l’écoute des ver­sions précé­dentes. Buenos Aires lui aurait don­né le surnom de ténor à la voix de soie (El Tenor de la Voz de Seda). Je vous laisse en juger…

Salud… dinero y amor 1939-11-03 — Char­lo con gui­tar­ras (zam­ba cue­ca).

Ce titre n’est pas une valse, on recon­naît le rythme de la cue­ca à la gui­tare dans la pre­mière par­tie, puis le rythme s’apaise et passe en zam­ba avec des roucoule­ments étranges.
Finale­ment, ce n’est pas une zam­ba, pas une cue­ca. C’est un ovni.
Le nom de zam­ba cue­ca existe et cou­vre dif­férentes var­iétés de dans­es, notam­ment du Chili.
La dis­tinc­tion de la ving­taine de var­iétés de cue­cas, le fait que la zam­ba cue­ca serait aus­si dénom­mée zam­bacue­ca, zamacue­ca ou zam­ba­clue­ca, ce dernier terme évo­querait encore plus claire­ment la poule pon­deuse, la cue­ca se référant à la parade d’oiseaux, font que pour moi, cela reste assez mys­térieux.
Le témoignage de Mario Mores, appuyé par la par­ti­tion qui men­tionne zam­ba et cette inter­pré­ta­tion de Char­lo prou­ve que Salud… dinero y amor n’est pas seule­ment une valse.

Salud… dinero y amor 1940-07-02 – Agustín Irus­ta acc. Orques­ta de Terig Tuc­ci.

Salud… dinero y amor 1940-07-02 – Agustín Irus­ta acc. Orques­ta de Terig Tuc­ci. On retrou­ve Irus­ta qui a enreg­istré pour Dec­ca à New York, accom­pa­g­né de l’orchestre de Terig Tuc­ci. Ce n’est pas vilain et si ce n’est pas le top de la danse, c’est plus dans­able que la ver­sion du duo de 1930.

Après la « folie » accom­pa­g­nant la sor­tie du fameux film que je n’ai pas trou­vé, l’intérêt pour cette valse s’atténue. On la retrou­ve cepen­dant un peu plus tard dans quelques ver­sions que voici.

Salud… dinero y amor 1955 c — Inesi­ta Pena — La Orques­ta Martín De La Rosa y coro.

Pour un enreg­istrement des années 1950, ça fait plutôt vieil­lot. Ne comptez pas sur moi pour vous la pro­pos­er en milon­ga.

Salud… dinero y amor 1966 — Típi­ca Sakamo­to con Ikuo Abo.

On con­naît l’engouement incroy­able du Japon pour le tan­go, la Típi­ca Sakamo­to nous en donne un exem­ple. Vous aurez facile­ment recon­nu la voix très typée de Ikuo Abo. Les chœurs sont assez élé­gants. Il me sem­ble enten­dre une par­tie de sopra­no dans le chœur tenue par une femme.

Salud… dinero y amor 1969 — Alber­to Podestá con Orques­ta Lucho Ibar­ra.

Bon, il faut bien du tan­go à écouter, aus­si. Et la voix de Podestá est tout de même une mer­veille, non ?

À demain, les amis, je vous souhaite san­té, argent et amour.

Tus besos fueron míos 1927-02-17 (Tango) — Orquesta Típica Victor (Direction Adolfo Carabelli)

Anselmo Alfredo Aieta Letra : Francisco García Jiménez

Tus besos fueron míos

Le tan­go du jour a 97 ans. Son titre est explicite, Tus besos fueron míos (Tes bais­ers furent miens) et son sujet, tou­jours d’actualité.
Même s’il s’agit ici d’une ver­sion instru­men­tale, on imag­ine qu’il s’agit de la chan­son de la perte d’un amour. Les paroles que l’on con­naît dans la plu­part des autres ver­sions le con­fir­ment.
J’ai choisi ce tan­go pour pou­voir par­ler de son édi­teur, la firme RCA Vic­tor. En effet, l’orchestre Típi­ca Vic­tor ne jouait pas en pub­lic, seule­ment en stu­dio, c’est l’o­rig­i­nal­ité de cer­tains de ces orchestres de maisons d’édi­tion.

Victor ou Victors ?

La par­tic­u­lar­ité de ces orchestres de maisons d’édition de dis­ques était qu’ils n’étaient pas asso­ciés à un Directeur d’orchestre. Les musi­ciens pou­vaient rester les mêmes et le chef chang­er, con­traire­ment aux orchestres dirigés par des chefs ayant don­né leur nom à l’orchestre. Le pre­mier chef d’orchestre à avoir été con­trac­té par la Vic­tor a été un jeune pianiste, Adol­fo Cara­bel­li, qui a eu par la suite son pro­pre orchestre. Ce tan­go date de cette péri­ode.

Les musi­ciens de la orques­ta Típi­ca Vic­tor vers 1927 De gauche à droite : Con­tre­basse : Hum­ber­to Costan­zo — Vio­lons : Euge­nio Romano, Age­si­lao Fer­raz­zano et Man­lio Fran­cia — Ban­donéons : Luis Petru­cel­li, Ciri­a­co Ortiz et Nicolás Prim­i­ani — Piano : Vicente Gor­rese. Adol­fo Cara­bel­li (le chef d’orchestre et le vio­loniste Elvi­no Var­daro qui tra­vail­lait aus­si à l’époque pour la RCA Vic­tor, ne sont pas sur la pho­to.

Qui dit pas Victor a parfois tort

Sou­vent, des danseurs me deman­dent la Típi­ca Vic­tor. Soucieux de leur faire plaisir, je leur demande quel orchestre, quelle péri­ode, quel titre et je n’obtiens jamais de réponse.
Cer­tains DJ, sous le pré­texte qu’il y a écrit Vic­tor passent n’importe quels titres sans tenir compte des styles assez dif­férents selon les orchestres et les directeurs qui se sont suc­cédé.

Les différents orchestres Victor

  • Orques­ta Vic­tor Pop­u­lar
  • Orques­ta Típi­ca Los Provin­cianos (Ciri­a­co Ortiz)
  • Orques­ta Radio Vic­tor Argenti­na (Mario Mau­ra­no)
  • Orques­ta Argenti­na Vic­tor
  • Orques­ta Vic­tor Inter­na­cional
  • Cuar­te­to Vic­tor [Cayetano Puglisi et Anto­nio Rossi (vio­lons), Ciri­a­co Ortiz et Fran­cis­co Pracáni­co (ban­donéons)]
  • Trío Vic­tor [Elvi­no Var­daro (vio­lon), Oscar Alemán et Gastón Buen (gui­tares)]

En revanche, il est sou­vent pos­si­ble de mélanger un titre de la Vic­tor avec un titre enreg­istré par le même chef avec son pro­pre orchestre.
On remar­quera, en effet, qu’avec les mêmes musi­ciens, les chefs ont mis leur empreinte. C’est d’ailleurs un phénomène bien con­nu pour les orchestres de musique clas­sique.

Le nom ne fait pas la tanda

Beau­coup de DJ débu­tants l’apprennent à leur dépens (ou à celui de leurs danseurs), le nom d’un orchestre ne suf­fit pas pour fab­ri­quer une belle tan­da. Dans le cas des orchestres Vic­tor, c’est assez clair, mais si on prend l’exemple de Canaro, de ces dif­férents orchestres (tan­go et jazz), de ses dif­férentes for­ma­tions, quin­tettes, Típi­cas et de sa très longue péri­ode d’enregistrement, on se retrou­ve face au même prob­lème.
Recon­nais­sons toute­fois que c’est un peu moins gênant main­tenant, car ces DJ s’appuient désor­mais sur des playlists qui cir­cu­lent et que donc, le tra­vail de tri a déjà été fait. C’était par­ti­c­ulière­ment sen­si­ble au début des années 2000. Voir à ce sujet, cet arti­cle.

Écoute

Tus besos fueron míos 1927-02–17Orques­ta Típi­ca Vic­tor (Direc­tion Adol­fo Cara­bel­li)

L’archive sonore présen­tée ici, l’est à titre d’ex­em­ple didac­tique. La qual­ité sonore est réduite à cause de la plate­forme de dif­fu­sion qui n’ac­cepte pas les fichiers que j’u­tilise en milon­ga et qui sont env­i­ron 50 fois plus gros et de bien meilleure qual­ité. Je pense toute­fois que cet extrait vous per­me­t­tra de décou­vrir le titre en atten­dant que vous le trou­viez dans une qual­ité audio­phile.

Les paroles

Tus besos fueron míos.
Dique Vic­tor 79334‑A

Hoy pasas a mi lado con fría indifer­en­cia
Tus ojos ni siquiera detienes sobre mí
Y sin embar­go, vives uni­da a mi exis­ten­cia
Y tuyas son las horas mejores que viví
Fui dueño de tu encan­to, tus besos fueron míos
Soñé y can­té mis penas jun­to a tu corazón
Tus manos en mis locos y ardi­entes desvaríos
Pasaron por mi frente como una ben­di­ción

Y yo he per­di­do por tor­pe incon­stan­cia
La dulce dicha que tú me tra­jiste
Y no respiro la suave fra­gan­cia
De tus pal­abras, ¡y estoy tan triste!
Nada del mun­do mi due­lo con­suela
Estoy a solas con mi ingrat­i­tud
Se fue con­ti­go, de mi nov­ela
La últi­ma risa de la juven­tud

Después te irás bor­ran­do, per­di­da en los refle­jos
Con­fu­sos que el olvi­do pon­drá a mi alrede­dor
Tu ima­gen se hará pál­i­da, tu amor estará lejos
Y yo erraré por todas las playas del dolor
Pero hoy que tu recuer­do con encen­di­dos bríos
Ocu­pa entera­mente mi pobre corazón
Mur­muro amarga­mente: “tus besos fueron míos
Tus besos de con­sue­lo, tus besos de pasión”

Y yo he per­di­do por tor­pe incon­stan­cia
La dulce dicha que tú me tra­jiste
Y no respiro la suave fra­gan­cia
De tus pal­abras, ¡y estoy tan triste!
Nada del mun­do mi due­lo con­suela
Estoy a solas con mi ingrat­i­tud
Se fue con­ti­go, de mi nov­ela
La últi­ma risa de la juven­tud

Ansel­mo Alfre­do Aieta Letra : Fran­cis­co Gar­cía Jiménez

Autres enregistrements

Ce titre a été enreg­istré à plusieurs repris­es, dans un bal­ance­ment entre ver­sions instru­men­tales, ver­sions chan­tées et ver­sions chan­sons (seule­ment pour l’écoute et pas pour la danse).

  • 1926, Car­los Gardel accom­pa­g­né par les gui­tares de Guiller­mo Bar­bi­eri et José Ricar­do enreg­is­trait ce titre avec les paroles.
  • 1926, Enreg­istrement par Canaro
  • 1927-02-17, la ver­sion que je vous pro­pose aujourd’hui et qui a donc 97 ans, est celle enreg­istrée le 17 févri­er 1927 par l’orchestre Típi­ca Vic­tor. Il a été édité sur disque 78 tours sous la référence Vic­tor 79334 A. Sa matrice por­tait le numéro 1102–2. C’était le deux­ième enreg­istrement de la journée et il est devenu la face A du disque.
    Le même jour, la Típi­ca Vic­tor enreg­is­tra Tra­go amar­go de Rafael Iri­arte Letra : Julio Plá­ci­do Navar­rine (matrice 1101–1).
    À cette époque, les maisons d’édition regravent les titres avec les nou­veaux procédés d’enregistrement élec­trique. Cela provoque une activ­ité intense, comme en témoignent d’autres enreg­istrements du du même jour, comme l’enregistrement de la com­par­si­ta par Canaro, chez Odéon.
  • 1927-02-21, Rosi­ta Quiroga pro­pose une ver­sion chan­tée, accom­pa­g­née par des gui­taristes.
  • 1927-05-30, Canaro l’enregistre de nou­veau, tou­jours en ver­sion instru­men­tale.
  • 1930-12-13, encore Canaro, mais en accom­pa­g­nant de sa chère Ada Fal­con. Voir cet arti­cle pour des infos sur leur « cou­ple ».
  • 1946-11-29, Ricar­do Tan­turi sort le titre de l’oubli avec le chanteur Rober­to Videla. Mal­gré le mode mineur (tristesse), la par­tie instru­men­tale est assez allè­gre. En revanche, Videla met beau­coup (trop ?) d’émotion. On peut aimer et ça reste comme Tan­turi en général, dans­able.
  • 1952-08-14, Alfre­do Attadía et le chanteur Enzo Valenti­no en donne une ver­sion chan­tée. C’est claire­ment une chan­son qui n’était pas des­tinée à la danse. Atta­dia, n’a pas con­trôlé le chanteur comme l’avait fait Tan­turi.
  • 1952-11-14, Alfre­do de Ange­lis et Car­los Dante en don­nent une ver­sion chan­tée bien équili­brée et qui per­met une danse de qual­ité. Elle rejoint donc la ver­sion de Tan­turi dans la dis­cothèque du DJ de tan­go.
Pero hoy que tu recuer­do con encen­di­dos bríos
Ocu­pa entera­mente mi pobre corazón
Mur­muro amarga­mente: “tus besos fueron míos
Tus besos de con­sue­lo, tus besos de pasión”

Gato 1937-02-12 (Tango) — Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos

Edgardo Donato Letra: Homero Manzi

¡Gato! Este bicho es tu retra­to
¡ Gato ! Dibu­ja­do con car­bón
¡Gato! Del som­brero a los zap­atos
¡ Gato ! Se denun­cia tu ambi­ción

Les danseurs qui ne con­nais­sent pas ce tan­go sont éton­nés par les cris et miaule­ments de chat. S’ils en con­nais­sent le titre, Gato, qui sig­ni­fie “chat”, cela leur sem­ble plus clair.
Cepen­dant, ce chat n’est pas un quadrupède, mais un bipède comme le chante Lagos :
Dans le bois de la vie vit un bipède sans plumes.
Lagos utilise bípe­do au lieu de para­jo (oiseau) dans le texte de Manzi. On peut imag­in­er que ce choix a été fait, car en bon chanteur d’estri­bil­lo, Lagos ne chante qu’une par­tie du texte. La fin est beau­coup plus explicite. Je l’ai repro­duite en bleu dans les paroles ci-dessous.
Pour insis­ter sur le fait que l’on par­le bien d’un homme élé­gant, à l’époque, Gato pou­vait sig­ni­fi­er Madrilène ou homme essayant de sor­tir avec de jolies femmes en por­tant un cos­tume aus­si beau que pos­si­ble et en payant ce qu’il faut…
Par exten­sion, le terme s’est éten­du aux femmes qui accep­taient de l’ar­gent pour être avec ces hommes, devenant un syn­onyme de pute.
Aujour­d’hui, un gato est une insulte pour qual­i­fi­er quelqu’un d’in­férieur et que l’on méprise. Ce terme se retrou­ve beau­coup sur les murs de Buenos Aires pour qual­i­fi­er des per­son­nages poli­tiques que les auteurs con­sid­èrent comme véreux. Macri Gato est un clas­sique du genre.
Mais le gato de l’époque de ce tan­go est sim­ple­ment un homme qui aime la sape pour s’at­tir­er les faveurs des plus belles. Beau à l’ex­térieur, mais vide à l’in­térieur, comme le dit le cou­plet omis par Lagos.

Extrait musical

Gato 1937-02–12 — Edgar­do Dona­to con Hora­cio Lagos

L’archive sonore présen­tée ici, l’est à titre d’ex­em­ple didac­tique. La qual­ité sonore est réduite à cause de la plate­forme de dif­fu­sion qui n’ac­cepte pas les fichiers que j’u­tilise en milon­ga et qui sont env­i­ron 50 fois plus gros et de bien meilleure qual­ité. Je pense toute­fois que cet extrait vous per­me­t­tra de décou­vrir le titre en atten­dant que vous le trou­viez dans une qual­ité audio­phile.

Paroles

En el bosque de la vida, vive un bípe­do sin plumas,
Que cam­i­na entre la gente en favor de su dis­fraz.
Que se mues­tra cuan­do hay bue­nas, pero en las malas se esfu­ma,
Que se esti­ra en l´aliviada y s´encoge en el cin­char.
Que se apropia de lo ajeno, que se viste con espuma,
Que aparenta estar sobran­do y no tiene pa´ empezar.

¡Gato! Este bicho es tu retra­to
¡Gato! Dibu­ja­do con car­bón
¡Gato! Del som­brero a los zap­atos
¡Gato! Se denun­cia tu ambi­ción

Expo­nente de este siglo, expre­sión de este momen­to,
Su chatu­ra es el ‘stan­dard’ que cir­cu­la en la babel.
Por aden­tro es un vacío, por afuera un mon­u­men­to
Reto­ca­do por la moda con un golpe de pin­cel.
Pro­totipo de mediocre, sin amor ni sen­timien­to,
Y arrastra­do por los vien­tos como un tro­zo de papel.

Edgar­do Dona­to Letra: Home­ro Manzi

Traduction des paroles

Dans la forêt de la vie, vit un bipède sans plumes, qui se promène par­mi les gens sous son déguise­ment.
Qui se mon­tre quand il y en a de bonnes choses, mais qui dis­paraît dans les mau­vais moments, qui s’étire dans les activ­ités faciles et se recro­queville face aux travaux dif­fi­ciles.
Qui s’ap­pro­prie ce qui est étranger, qui s’ha­bille d’éc­ume, qui sem­ble super­flu et ne pas savoir par où com­mencer.
Gato (Chat, mais c’est aus­si quelqu’un de faux trompeur, comme le décrit ce tan­go) ! Cette bête c’est ton por­trait
Gato! Dess­iné au fusain
Gato! Du cha­peau aux chaus­sures
Gato! Ton ambi­tion est dénon­cée
Représen­tant de ce siè­cle, expres­sion de ce moment, sa plat­i­tude est la « norme » qui cir­cule dans la Babel.
À l’in­térieur c’est un vide, à l’ex­térieur un mon­u­ment retouché par la mode d’un coup de pinceau.
Pro­to­type du médiocre, sans amour ni sen­ti­ment, et traîné par les vents comme un bout de papi­er.

Autres versions

Il existe quelques tan­gos sous ce titre, mais aucun autre n’a été enreg­istré (à ma con­nais­sance) avec la musique de Dona­to et les paroles de Manzi.
La créa­tion de Dona­to avec ses miaule­ments est iné­galée par les autres tan­gos ayant le même titre, comme le Gato de César Petrone inter­prété par Car­los Cobián con Genaro Veiga de févri­er 1928.
Le gato est aus­si une danse tra­di­tion­nelle, sem­blable à la chacar­era. On trou­ve donc beau­coup de musiques de Gato sous ce titre.

Gato 1928-02 — Car­los Cobián y su Orques­ta Argenti­na con Genaro Veiga.

Et ter­mi­nons avec notre tan­go du jour :

Gato 1937-02-12 (Tan­go) – Orques­ta Edgar­do Dona­to con Hora­cio Lagos. C’est notre tan­go du jour.
¡Gato! Del som­brero a los zap­atos ¡Gato! Se denun­cia tu ambi­ción