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Desde el alma 1940-05-23 — Orquesta Francisco Canaro

Rosita Melo Letra : Víctor Piuma Vélez (V1) et Homero Manzi (V2)

Que celui ou celle qui ne s’est pas inquiété, aux pre­mières notes de Des­de el alma, de trou­ver un ou une parte­naire pour se ruer sur la piste me jette la pre­mière pierre. Cette valse de Rosi­ta Melo, qua­si­ment sa seule com­po­si­tion, est sans doute la plus con­nue des valses. Une belle réus­site pour cette petite Uruguayenne de 14 ans qui est passée à la postérité pour cette seule œuvre, mais quelle œuvre!

Pour être com­plet, il faudrait indi­quer que la valse com­posée par Rosi­ta est une valse Boston, comme l’indique la cou­ver­ture de la par­ti­tion. C’est Rober­to Fir­po qui l’a adap­té en valse argen­tine et avec quel suc­cès…
La men­tion de son mari, Víc­tor Piu­ma Vélez cor­re­spond à la pre­mière ver­sion des paroles. Lorsque Home­ro Manzi adapte l’œuvre pour son film Pobre mi madre queri­da qui sor­tir en 1948, il créa de nou­velles paroles. Rosi­ta Melo a demandé que le nom de son mari soit asso­cié à cette nou­velle ver­sion des paroles.

Extrait musical

Des­de el alma 1940-05-23 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro.
Par­ti­tion de Des­de el alma.

Paroles de Víctor Piuma Vélez

Yo tam­bién des­de el alma
te entregué mi car­iño
humilde y pobre
pero san­to y bueno
como el de una madre
cómo se ama a Dios.

Porque tú eres mi vida
porque tú eres mi sueño
porque las penas
que en el alma tuve
tú las disi­paste
con tu amor.

Después de tan­to dolor
tu san­to amor
me hizo olvi­dar
de la amar­gu­ra
que has­ta ayer guardé
den­tro del alma y corazón.

Per­dona madre mía
sí me olvidé un instante
de tus cari­cias
de tus tier­nos besos
de todos tus rue­gos
¡Ay, perdó­name!

Pero si supieras
la bue­na vir­genci­ta
que hoy me con­suela
que me da ale­grías
en las horas tristes
cuan­do pien­so en ti.

Per­dona madre
sí un instante te olvidé
perdó­name, per­dona madre
que tu recuer­do
nun­ca bor­raré.

Rosi­ta Melo Letra : Víc­tor Piu­ma Vélez

Traduction libre des paroles de Víctor Piuma Vélez

Moi aus­si, de toute mon âme, je vous ai don­né mon affec­tion, hum­ble et pau­vre, mais sainte et bonne, comme celle d’une mère, comme on aime Dieu.
Parce que tu es ma vie, parce que tu es mon rêve, parce que les cha­grins que j’avais dans mon âme ont été dis­sipés par ton amour.
Après tant de douleur, ton saint amour m’a fait oubli­er l’amertume que je gar­dais jusqu’à hier dans mon cœur et mon âme.
Par­donne-moi, ma mère, si j’ai oublié un instant tes caress­es, tes ten­dres bais­ers, toutes tes prières.
Mais si vous saviez la bonne petite vierge qui me con­sole aujourd’hui, qui me donne de la joie dans les heures tristes où je pense à vous.
Par­donne-moi, mère, si un instant, je t’ai oubliée, par­donne-moi, par­donne-moi, mère, je n’effacerai jamais ton sou­venir.

Paroles de Homero Manzi

Alma, si tan­to te han heri­do,
¿por qué te nie­gas al olvi­do?
¿Por qué pre­fieres
llo­rar lo que has per­di­do,
bus­car lo que has queri­do,
lla­mar lo que murió?

Vives inútil­mente triste
y sé que nun­ca mere­ciste
pagar con penas
la cul­pa de ser bue­na,
tan bue­na como fuiste
por amor.

Fue lo que empezó una vez,
lo que después dejó de ser.
Lo que al final
por cul­pa de un error
fue noche amar­ga del corazón.

¡Deja esas car­tas!
¡Vuelve a tu antigua ilusión!
Jun­to al dolor
que abre una heri­da
lle­ga la vida
trayen­do otro amor.

Alma, no entornes tu ven­tana
al sol feliz de la mañana.
No deses­peres,
que el sueño más queri­do
es el que más nos hiere,
es el que duele más.

Vives inútil­mente triste
y sé que nun­ca mere­ciste
pagar con penas
la cul­pa de ser bue­na,
tan bue­na como fuiste
por amor.

Rosi­ta Melo Letra: Home­ro Manzi (le nom de Víc­tor Piu­ma Vélez est ajouté à la demande de sa femme, Rosi­ta Melo, mais il n’a pas écrit cette ver­sion).

Traduction libre des paroles de Homero Manzi

Âme, si tu as été si blessée, pourquoi tu refus­es d’oublier ?
Pourquoi préfères-tu pleur­er ce que tu as per­du, chercher ce que tu as aimé, appel­er ce qui est mort ?
Tu vis inutile­ment triste et je sais que tu n’as jamais mérité de pay­er de cha­grin la cul­pa­bil­ité d’être bonne, aus­si bonne que tu l’étais par amour.
Ce fut ce qui avait com­mencé une fois, ce qui avait ensuite cessé d’être.
Ce qui, à la fin, à cause d’une erreur, a été une nuit amère du cœur.
Laisse ces cartes !
Retourne à ton antique illu­sion !
Avec la douleur qui ouvre une plaie, vient la vie appor­tant un autre amour.
Âme, ne ferme pas ta fenêtre au soleil heureux du matin.
Ne dés­espère pas, car le rêve le plus cher est celui qui nous blesse le plus, c’est celui qui fait le plus mal.
Tu vis inutile­ment triste et je sais que tu n’as jamais mérité de pay­er de cha­grin la cul­pa­bil­ité d’être bonne, aus­si bonne que tu l’étais par amour.

Autres versions

Non, vous n’aurez pas une liste inté­grale des ver­sions de Des­de el alma. Ce serait une tâche impos­si­ble pour vous que de les écouter. Je vous pro­pose donc un petit flo­rilège, des éclairages dif­férents. Entrons dans la valse avec la plus anci­enne ver­sion enreg­istrée, celle de Rober­to Fir­po.

Des­de el alma 1920 — Orques­ta Rober­to Fir­po.

Un enreg­istrement acous­tique. Bien sûr, la qual­ité lui ferme la porte de la milon­ga, mais 7 ans plus tard, Fir­po a récidi­vé avec une ver­sion superbe.

Des­de el alma 1927-10-20 — Orques­ta Rober­to Fir­po.

Fir­po nous livre cette ver­sion instru­men­tale. Tout en douceur. Elle cor­re­spond par­faite­ment au thème. On peut éventuelle­ment lui reprocher d’avoir peu de vari­a­tions, mais c’est moins gênant dans une valse que dans un tan­go. Elle est sans doute trop rare dans les milon­gas, je suis donc con­tent de vous la faire écouter. Fir­po enreg­istr­era une dernière ver­sion en 1947. Vous la trou­verez ici, à sa place chronologique.

Des­de el alma 1935-07-02 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

Un rythme soutenu qui vous entraîne de façon irré­sistible. C’est enreg­istré quelques mois avant l’arrivée de Bia­gi de l’orchestre. Cela nous per­met d’écouter le beau piano de Lidio Fasoli. Beau­coup plus léger et dis­cret que celui de Bia­gi. Il nous pro­pose de jolies cas­cades. Notez aus­si les beaux accents de Alfre­do Mazzeo au vio­lon et la fin typ­ique de D’Arienzo qui donne une impres­sion d’accélération et vous aurez les ingré­di­ents du suc­cès de cette ver­sion. D’Arienzo n’en enreg­istr­era pas d’autre ver­sion, mais ce n’est pas grave, on se con­tente très bien de celle-ci. Après sa mort, ses solistes l’ont enreg­istrée, mais dis­ons que leur ver­sion n’apporte rien de bien nou­veau.

Des­de el alma 1940-05-23 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro.

C’est notre valse du jour. Canaro démarre sans intro­duc­tion. Le rythme est bien mar­qué avec un mag­nifique dia­logue entre les instru­ments qui par­lent cha­cun à leur tour, puis se lan­cent dans de longues phras­es. À 1 h 32, la trompette bouchée rap­pelle que Canaro avait aus­si un orchestre Jazz.

Des­de el alma 1944-08-28 — Orques­ta Ricar­do Tan­turi.

Une belle ver­sion instru­men­tale par Tan­turi, sans doute éclip­sée par ses valses chan­tées, comme Recuer­do, Tu olvi­do, Mi romance, La ser­e­na­ta (mi amor), Con los ami­gos (A mi madre) ou Al pasar.

Des­de el alma 1947-05-21 — Rober­to Fir­po y su Nue­vo Cuar­te­to.

On retrou­ve Fir­po avec une troisième ver­sion. C’est sans doute la plus con­nue des trois. Elle est dansante et elle ne pas être con­fon­due avec aucune ver­sion d’un autre orchestre, tant elle respire le pur Fir­po.  On notera l’ajout d’une intro­duc­tion de 20 sec­on­des.

Des­de el alma 1947-10-22 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Nel­ly Omar.

Cette ver­sion dévoile la ver­sion qui sor­ti­ra l’année suiv­ante dans le film d’Home­ro Manzi et Ralph Pap­pi­er Pobre mi madre queri­da (1948).

Home­ro Manzi a écrit le scé­nario et a réécrit de nou­velles paroles pour la valse. Si le nom du mari de Rosi­ta appa­raît tou­jours, c’est à la suite d’une demande de sa part. Dans cet extrait du film, on voit Aída Luz et Hugo Del Car­ril danser la valse. L’orchestre est celui de Ale­jan­dro Gutiér­rez del Bar­rio et le chanteur, Hugo Del Car­ril

Des­de el alma de la pelícu­la Pobre mi madre queri­da (1948)
Des­de el alma 1948-08-10 — Juan Cam­bareri y su Gran Cuar­te­to Típi­co “Ayer y hoy”.

Une fois de plus Cam­bareri, le magi­cien du ban­donéon prou­ve sa vir­tu­osité et celle de tous ses musi­ciens. Son tem­po infer­nal a plus à voir avec le musette, la valse Boston des orig­ines est bien loin. Mais avec des danseurs déchaînés, je me sens capa­ble de leur pro­pos­er cela un jour, ou à défaut sa ver­sion de 1953, un peu plus calme…

Des­de el alma 1950-10-10 — Car­los De María y su Orques­ta Típi­ca con Rober­to Cortés.

Des­de el alma 1950-10-10 — Car­los De María y su Orques­ta Típi­ca con Rober­to Cortés. Car­los De María (Juan Este­ban Fer­nán­dez) est sans doute un peu oublié. Il a beau­coup tra­vail­lé comme ban­donéon­iste, notam­ment avec Pedro Maf­fia et il n’a com­mencé à enreg­istr­er qu’en 1950. Il nous offre ici, avec son frère Rober­to Cortés, une belle ver­sion de notre valse du jour.

Des­de el alma 1952-07-15 — Quin­te­to Pir­in­cho dir. Fran­cis­co Canaro.

Avec son quin­te­to Pir­in­cho, Canaro nous offre une ver­sion légère et entraî­nante, que vous avez cer­taine­ment enten­du à de très nom­breuses repris­es.

Des­de el alma 1953 — Orques­ta Hora­cio Sal­gán.

Hora­cio Sal­gán nous pro­pose une ver­sion déstruc­turée, avec les par­ties qui se mélan­gent. Le résul­tat est assez éton­nant, prob­a­ble­ment pas ce qui se fait de mieux pour danser, mais vaut au moins une écoute.

Des­de el alma 1979-12-27 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que Pugliese a pris son temps pour enreg­istr­er cette valse, mais quelle ver­sion. Je pense que pour beau­coup de danseurs, c’est devenu la ver­sion de référence. Il l’enregistrera encore en 1989 et Col­or Tan­go repren­dra le flam­beau avec la même orches­tra­tion.

Des­de el alma 1988 — Nel­ly Omar.

On retrou­ve Nel­ly Omar, pour une ver­sion toute sim­ple, à la gui­tare. Elle chante égale­ment les paroles de Home­ro Manzi. La valse démarre en même temps que le chant après une intro rel­a­tive­ment longue (14 sec­on­des) et orig­i­nale.

Des­de el alma 2011-05-10 — Octe­to Eri­ca Di Sal­vo.

Une ver­sion claire­ment à écouter, mais pas vilaine du tout.

Voilà, il resterait des dizaines de ver­sions à vous pro­pos­er, mais comme il faut une fin, je vous dis, à demain les amis !

Des­de el alma, inspi­ra­tion Gus­tav Klimt. C’était égale­ment mon idée pour la pho­to de cou­ver­ture.

Niño bien 1953-03-08 — Enrique Mora y su Cuarteto Típico con Elsa Moreno

Juan Anto­nio Col­la­zo Letra : Rober­to Fontaina ; Víc­tor Soliño

Un Niño bien est un jeune homme de bonne famille, élé­gant et un peu pré­cieux. Cepen­dant, le tan­go du jour par­le d’un autre Niño bien. Enrique Mora et Elsa Moreno vous invi­tent à décou­vrir le per­son­nage avec une car­i­ca­ture légère et entraî­nante. C’est aus­si pour moi, l’occasion de vous faire sou­venir d’un orchestre un peu oublié.

Même dans le monde du tan­go, il y a des per­son­nes qui aiment paraître, qui ont la « nar­iz para­da » (le nez relevé par la fierté), qui souhait­ent péter plus haut que leur cul. Ce tan­go, dont les paroles qui sont de Rober­to Fontaina et Víc­tor Soliño, par­lent d’un de ces per­son­nages de ban­lieue qui joue à être de la haute (société).
Ce tan­go a été enreg­istré à divers­es repris­es, en deux vagues.
La plus anci­enne ver­sion est une ver­sion chan­tée par Alber­to Vila, accom­pa­g­né à la gui­tare en 1927. L’année suiv­ante, la Típi­ca Vic­tor enreg­istre une ver­sion instru­men­tale et en 1930 Irus­ta le chante avec Lucio Demare (piano) et Samul Reznik (vio­lon).
Puis le titre reste dans l’ombre, jusqu’en 1948. Nous écouterons cer­tains de ces enreg­istrements.

À propos de Niño bien

 Niño bien a don­né son nom à une milon­ga du jeu­di à Buenos Aires qui était fameuse mais qui a mal­heureuse­ment dis­paru, comme tant d’autres.

La Leone­sa, le salon où se déroulait la milon­ga Niño bien. Je pense que vous recon­nais­sez le DJ 😉

Cette milon­ga était suff­isam­ment fameuse pour que Bri­an Win­ter donne son nom à un de ses livres (Bien après minu­it à la Niño bien). Une autre milon­ga fameuse qui elle aus­si a dis­paru, Thun­der­land est l’autre héroïne par­mi les milon­gas citées dans ce livre.

La cap­ti­vante quête d’une Améri­caine dans les milon­gas portègnes pour retrou­ver le bel Argentin dont elle est tombée amoureuse dans une milon­ga aux USA. Pour le retrou­ver, elle devra décou­vrir tous les aspects du tan­go. Ce livre per­met de se remé­mor­er des lieux qui n’existent plus, dont la fameuse milon­ga Niño Bien évo­quée ci-dessus. Je ne vous en dis pas plus pour ne pas vous gâch­er le plaisir de lire ce livre paru en 2008, mais qui place l’histoire en 1999.

Enrique Mora y su Cuarteto Típico con Elsa Moreno

Enrique (Faus­ta) Mora (8 févri­er 1915 – 14 juil­let 2003) est sans doute injuste­ment oublié, Il était un bril­lant pianiste, chef d’orchestre et com­pos­i­teur de tan­gos comme Este es tu tan­go, con­nu par les enreg­istrements de Ricar­do Tan­turi avec Rober­to Videla ou Enrique Rodriguez avec Arman­do Moreno.
J’imagine que son oubli vient en par­ti­c­uli­er du fait qu’il n’a enreg­istré que dans les années 50, un moment où le tan­go de danse était en régres­sion. Il n’a donc pas été réédité aus­si rapi­de­ment que les mon­stres sacrés. Je suis donc con­tent de lui redonner jus­tice, comme j’avais ressor­ti de l’oubli Dona­to Rac­ciat­ti il y a une ving­taine d’années (en France). D’ailleurs, à l’écoute, on retrou­vera une simil­i­tude entre Mora, Rac­ciat­ti et Fir­po, jusqu’à la façon de chanter d’Elsa Moreno qui peut évo­quer Nina Miran­da ou Olga Del­grossi, voire Tita Merel­lo qui a aus­si chan­té ce titre.
Elsa Moreno a enreg­istré une douzaine de titres avec le cuar­te­to d’Enrique Mora entre 1953 et 1956. Niño bien est le pre­mier de la série.

Extrait musical

Niño bien 1953-03-08 — Enrique Mora y su Cuar­te­to Típi­co con Elsa Moreno
Couverture du numéro 40 de la revue hebdomadaire El tango de Moda (1929). Cette revue a été publiée d’octobre 1928, jusqu’en 1934.
Cou­ver­ture du numéro 40 de la revue heb­do­madaire El tan­go de Moda (1929). Cette revue a été pub­liée d’octobre 1928, jusqu’en 1934.

Les paroles

Niño bien, pre­ten­cioso y engrupi­do,
que tenés berretín de fig­u­rar;
niño bien que llevás dos apel­li­dos
y que usás de escrito­rio el Petit Bar;
pelandrún que la vas de dis­tin­gui­do
y siem­pre hablás de la estancia de papá,
mien­tras tu viejo, pa’ ganarse el puchero,
todos los días sale a vender fainá.

Vos te creés que porque hablás de ti,
fumás taba­co inglés
paseás por Sarandí,
y te cortás las patil­las a lo Rodol­fo
sos un fifí.
Porque usás la cor­ba­ta car­mín
y allá en el Chante­cler
la vas de bailarín,
y te mandás la bia­ba de gom­i­na,
te creés que sos un rana
y sos un pobre gil.

Niño bien, que naciste en el sub­ur­bio
de un bulín alum­brao a querosén,
que tenés pedi­grée bas­tante tur­bio
y decís que sos de famil­ia bien,
no manyás que estás mostran­do la hilacha
y al cam­i­nar con aire tri­un­fador
se ve bien claro que tenés mucha clase
para lucirte detrás de un mostrador.

Juan Anto­nio Col­la­zo Letra: Rober­to Fontaina; Víc­tor Soliño

Traduction

Niño bien (enfant de « bonne famille »), pré­ten­tieux et van­i­teux, qui a pour but (loisir), le paraître ;
Un Niño bien qui porte deux noms de famille et qui utilise le Petit Bar comme bureau ;
Pelandrún (per­son­ne oisive et paresseuse) qui se meut de façon dis­tin­guée et qui par­le tou­jours de l’estancia (ferme de gros pro­prié­taire ter­rien) de papa, bien que ton vieux (père), pour gag­n­er sa vie, sort tous les jours pour ven­dre des fainás (pains plats à base de farine de pois chich­es, ali­ment pour les pau­vres, mais que vendent aus­si les pizze­rias argen­tines).
Tu crois que, parce-ce que tu par­les de toi, que tu fumes du tabac anglais, que tu te promènes dans Sarandí et que tu coupes tes favoris comme Rodol­fo, tu es un fifi (éphèbe qui suit la mode).
Parce que tu portes la cra­vate carmin et que tu vas comme danseur au Chante­cler et que tu t’en­voies bia­ba de gom­i­na (coif­fure avec une quan­tité exagérée de gom­i­na), tu te prends pour une rana (grenouille, per­son­ne avisée) et tu es un pau­vre gil (imbé­cile, médiocre, cave).
Niño bien, qui est né dans les faubourgs, dans un bor­del éclairé au pét­role (kérosène), qui a un pedi­gree plutôt trou­ble et tu dis que tu descends d’une bonne famille,
Tu ne soupçonnes pas que tu mon­tres le fil et, lorsque tu march­es d’un air tri­om­phant, il est très clair que tu as beau­coup de classe pour briller der­rière un comp­toir.

La photo de couverture

Pour cette image, je ne suis pas par­ti de pho­tos. Je vais vous expli­quer la démarche, à la lueur des paroles du tan­go.

Siem­pre hablás de la estancia de papá, mien­tras tu viejo, pa’ ganarse el puchero, todos los días sale a vender fainá. [Tu par­les tou­jours du domaine de ton papa, cepen­dant ton vieux, pour gag­n­er la pitance, sort tous les jours pour ven­dre des fainás (Galettes à base de farine de pois chich­es)].

Au cou­plet suiv­ant : « te cortás las patil­las a lo Rodol­fo, sos un fifí. » Tu te tailles les pattes à la Rudoph (Valenti­no), tu es un efféminé.

Pour l’image, je suis par­ti de l’idée d’avoir le Niño Bien au pre­mier plan et à l’arrière-plan, son vieux père qui vend des fainás. Pour le le niño bien, j’ai choisi de par­tir de son mod­èle, à savoir Rudolph Valenti­no, cet acteur de l’époque du ciné­ma muet qui était con­sid­éré comme par­ti­c­ulière­ment beau. Pour le père, j’ai décidé de met­tre en avant (ou plutôt à l’arrière dans le cas présent) un véri­ta­ble vendeur de fainás. Il s’agit ici de galettes de farine de pois chich­es, cuites au four à piz­za, à la poêle, ou sur des instal­la­tions plus som­maires, comme on peut le voir sur la pho­to.
Voici les images orig­i­nales :

À gauche, Rudolph Valenti­no. Il y a un logo en bas à droite, mais je n’ai pas iden­ti­fié le stu­dio (pho­to ou ciné­ma). À droite, le « père » est en fait Ricar­do Ravadero, un vendeur ambu­lant de Buenos Aires dans les années 20 sur cette pho­to).

Autres versions

Niño bien 1927-12-03 — Alber­to Vila con gui­tar­ras.

Une jolie et sim­ple ver­sion par Alber­to Vila accom­pa­g­née par la gui­tare. Les tré­mo­los de la voix d’Alberto, sont peut-être un peu trop appuyés, mais c’est le témoignage d’une époque et d’une forme de chant qui eut ses émules.

Niño bien 1928-04-09 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor.

Cette ver­sion instru­men­tale. Sous ses airs de marche mil­i­taire, exprime bien la fierté de notre niño bien marchant d’un pas tri­om­phant dans la rue Sarandí…

Après la pre­mière vague des années 20–30, la relance du titre vient de la sor­tie du film d’Homero Manzi e Ralph Pap­pi­er « Pobre mi madre queri­da », sor­ti le 28 avril 1948. Hugo del Car­ril y chante ce titre en se moquant d’un autre type, ce qui va se ter­min­er en bagarre…

Nino bien 1948-04-28 (sor­tie du film) — Hugo del Car­ril. Extrait du film « Pobre mi madre queri­da » de Home­ro Manzi y Ralph Pap­pi­er
Niño bien 1953-03-08 — Enrique Mora y su Cuar­te­to Típi­co con Elsa Moreno. C’est le tan­go du jour.
Niño bien 1955-03-22 — Orques­ta Juan Sánchez Gorio con Luis Men­doza. Avec de la réver­béra­tion. On peut préfér­er la ver­sion de 1953…
Niño bien 1955-03-22 — Orques­ta Juan Sánchez Gorio con Luis Men­doza. Avec de la réver­béra­tion. On peut préfér­er la ver­sion de 1953…
Niño bien 1956-06-14 — Tita Merel­lo accom­pa­g­née par Fran­cis­co Canaro.

La gouaille incroy­able de Tita Merel­lo, fait de cette ver­sion un morceau d’anthologie. Pas garan­ti pour le bal, c’est d’ailleurs présen­té comme une chan­son, mais à ne pas rater.

Niño bien 1965c – Cuar­te­to Los porteñi­tos.

Un jour, il fau­dra que je vous par­le un peu de ce tal­entueux musi­cien qui a réus­si dans tous les gen­res, du jazz au tan­go, San­tos Lipesker (frère de Félix). Ici, il a for­mé un cuar­te­to avec Esta­ban Ubal­do De Lío et Héc­tor Davis à la gui­tare, Rober­to Tier­ri­ta Guisa­do, qui était le pre­mier vio­lon de l’orchestre de Di Sar­li (on con­naît l’importance du vio­lon pour les inter­pré­ta­tions de Di Sar­li). Lui-même, San­tos Lipesker tient le ban­donéon, mais il jouait d’autres instru­ments à vent comme le sax­o­phone ou la clar­inette. Ce cuar­te­to n’a enreg­istré, sem­ble-t-il que deux cas­settes. C’est sans doute dom­mage, car c’est plutôt réus­si, même si ce n’est sans doute pas ce qui sera le plus appré­cié dans les bals…

Niño bien, 1975c — Elba Berón accomp. Cuar­te­to A Puro Tan­go, dirigé par Miguel Nijen­sohn.

Avec Elba, on retrou­ve la gouaille de Tita, avec un accom­pa­g­ne­ment plus sim­ple priv­ilé­giant la gui­tare, comme dans la pre­mière ver­sion que je vous ai pro­posée, celle d’Alberto Vila.

Cette anec­dote pub­liée ini­tiale­ment le 8 mars 2024 a été com­plétée le 7 mars 2025 (tra­duc­tions et nou­velles inter­pré­ta­tions).

Le Niño Bien sem­ble déton­ner dans le mag­a­sin et les clients le regar­dent avec un air éton­né.