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Amurado 1940-07-29 — Orquesta Pedro Laurenz con Juan Carlos Casas

Pedro Maffia ; Pedro Laurenz Letra : José Pedro De Grandis

Encore un tan­go qui ne laisse pas les tangueros se repos­er, notam­ment dans cette ver­sion. Les deux Pedro, Lau­renz puis Maf­fia ont créé un mon­stre qui aspire toute l’énergie vitale des danseurs de la pre­mière à la dernière note. Le charme sem­ble aus­si avoir opéré égale­ment sur les directeurs d’orchestre, car de très nom­breuses ver­sions en ont été enreg­istrées. La ver­sion du jour est par l’un des deux com­pos­i­teurs, Lau­renz avec Juan Car­los Casas.

Un démarrage sur les chapeaux de roues

Le point de départ de ce tan­go a été don­né par De Gran­dis qui avait écrit un texte, sur la mis­ère de l’abandon. En 1925–1926, il était vio­loniste dans le sex­te­to du ban­donéon­iste Enrique Pol­let, celui qu’on retrou­vera par la suite dans l’orchestre de Pugliese et qui est à l’origine de la superbe vari­a­tion finale de Recuer­do.

Un jour que ce sex­te­to jouait dans son lieu habituel, Le Café El Par­que (près de Tri­bunales et assez près du théâtre Colón), Pedro Lau­renz qui était ami de Pol­let prit con­nais­sance du texte et sur l’instant sur son ban­donéon, imag­i­na un air pour la pre­mière par­tie, puis il alla le mon­tr­er à Pedro Maf­fia qui était alors au ciné­ma Select Lavalle, à prox­im­ité, dans l’orchestre de Julio De Caro. Maf­fia fut telle­ment ent­hou­si­as­mé qu’il deman­da à Lau­renz de pou­voir le ter­min­er.
Et ain­si, le tan­go inté­gra le réper­toire de Julio De Caro qui l’enregistrera deux ans plus tard, la même année que Gardel et beau­coup d’autres.
Après cette pre­mière vague, le tan­go fut moins enreg­istré, juste ressus­cité à divers­es repris­es par Lau­renz. La sec­onde vague n’arrivera que dans les années 50 avec une nou­velle folie autour du thème, folie qui dure jusqu’à nos jours où beau­coup d’orchestres ont ce tan­go à leur réper­toire.
Pedro Lau­renz l’a enreg­istré au moins cinq fois, vous pour­rez com­par­er les ver­sions dans la par­tie « autres ver­sions ».

Extrait musical

Amu­ra­do. Pedro Maf­fia ; Pedro Lau­renz Letra: José Pedro de Gran­dis La dédi­cace est au Doc­teur Pros­pero Deco, qui devien­dra le Directeur del Hos­pi­tal Gen­er­al de Agu­dos José María Pen­na de 1945 à 1955. À droite, son buste dans l’hôpital.
Amu­ra­do 1940-07-29 — Orques­ta Pedro Lau­renz con Juan Car­los Casas.

Tout com­mence par un puis­sant appel du ban­donéon qui résonne comme un cla­iron, puis la machine se met en marche. Le rythme est puis­sam­ment martelé, par les ban­donéons, la con­tre­basse, le piano, en con­tre­point, des plages de douceur sont don­nées par les vio­lons et en son temps par Juan Car­los Casas, mais à aucun moment le rythme et la ten­sion ne bais­sent, jusqu’à la fin presque abrupte. On notera aus­si un mag­nifique solo de ban­donéon, indis­pens­able pour un titre com­posé par deux ban­donéon­istes… L’intervention, courte de Casas, n’exprime pas toute la douleur du texte et les danseurs peu­vent pren­dre du plaisir sans remord. Cette incroy­able com­po­si­tion emporte les danseurs et hérisse les poils de bon­heur de bout en bout. Cette ver­sion est une mer­veille absolue qui fait regret­ter que Lau­renz et Casas n’ait pas plus enreg­istré.

Paroles

Cam­pa­neo a mi catr­era y la encuen­tro des­o­la­da.
Sólo ten­go de recuer­do el cuadri­to que está ahí,
pilchas vie­jas, unas flo­res y mi alma ator­men­ta­da…
Eso es todo lo que que­da des­de que se fue de aquí.

Una tarde más tris­tona que la pena que me aque­ja
arregló su bagay­i­to y amu­ra­do me dejó.
No le dije una pal­abra, ni un reproche, ni una que­ja…
La miré que se ale­ja­ba y pen­sé :
¡Todo acabó!

¡Si me viera ! ¡Estoy tan viejo!
¡Ten­go blan­ca la cabeza!
¿Será aca­so la tris­teza
de mi negra soledad ?
Debe ser, porque me cruzan
tan fuleros berretines
que voy por los cafetines
a bus­car feli­ci­dad.

Bulinci­to que cono­ces mis amar­gas desven­turas,
no te extrañe que hable solo. ¡Que es tan grande mi dolor !
Si me fal­tan sus cari­cias, sus con­sue­los, sus ter­nuras,
¿qué me quedará a mis años, si mi vida está en su amor?

¡Cuán­tas noches voy vagan­do angus­ti­a­do, silen­cioso
recor­dan­do mi pasa­do, con mi ami­ga la ilusión !…
Voy en cur­da… No lo niego que será muy ver­gonzoso,
¡pero lle­vo más en cur­da a mi pobre corazón!

Pedro Maf­fia ; Pedro Lau­renz Letra: José Pedro de Gran­dis

Juan Car­los Casas ne chante que ce qui est en gras.

Traduction libre et indications

Je con­tem­ple mon lit et le trou­ve désolé.
Je n’ai comme sou­venir que le petit tableau qui est ici, de vieilles cou­ver­tures, quelques fleurs et mon âme tour­men­tée…
C’est tout ce qui reste depuis qu’elle est par­tie d’i­ci.
Un après-midi plus triste que le cha­grin qui m’af­flige, elle a pré­paré son petit bagage et m’a lais­sé emmuré.
Je n’ai pas dit un mot, pas un reproche, pas une plainte…
Je l’ai regardée s’éloign­er et j’ai pen­sé :
Tout à une fin !
Si elle me voy­ait ! Je suis si vieux !
J’ai la tête blanche !
Est-ce peut-être la tristesse de ma noire soli­tude ?
Ça doit l’être, parce que j’ai des idées tant débiles que je vais dans les cafés pour chercher le bon­heur.
Petit logis, qui con­naît mes mésaven­tures amères, ne t’é­tonne pas que je par­le tout seul. Que ma douleur est grande !
Si me man­quent ses caress­es, ses con­so­la­tions, sa ten­dresse, que me restera-t-il dans mes années, si ma vie est dans son amour ?
Com­bi­en de nuits je vais vagabon­dant, angois­sé, silen­cieux, me sou­venant de mon passé, avec mon ami l’il­lu­sion…
Je vais me saouler… Je ne nie pas que ce soit hon­teux, mais je sup­porte mieux mon pau­vre cœur quand je suis bour­ré (saoul) !

Autres versions

J’ai mis en rouge les ver­sions par les auteurs (Maf­fia, 1 ver­sion et Lau­rens, 5 ver­sions).

Amu­ra­do 1927-02-11 — Orques­ta Rober­to Fir­po.

Une ver­sion calme, sans doute trop calme si on la com­pare à notre tan­go du jour…

Amu­ra­do 1927-04-08 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to.

Une autre ver­sion tran­quille, exé­cutée avec con­science, mais sans doute pas de quoi sus­citer la folie.

Amu­ra­do 1927-06-08 — Igna­cio Corsi­ni con gui­tar­ras de Pagés-Pesoa-Maciel.

Une jolie inter­pré­ta­tion de Corsi­ni, à écouter, bien sûr.

Amu­ra­do 1927-07-20 — Pedro Maf­fia y Alfre­do De Fran­co (Duo de ban­do­neones).

Pedro Maf­fia l’auteur de la sec­onde par­tie nous pro­pose ici sa ver­sion en duo avec Alfre­do De Fran­co. Une ver­sion sim­ple, mais plus rapi­de que les autres de l’époque. Il nous manque cer­tains instru­ments aux­quels nous sommes désor­mais habitués pour totale­ment appréci­er cette ver­sion qui peut paraître un peu monot­o­ne et répéti­tive.

Amu­ra­do 1927-07-22 — Car­los Gardel con acomp. de Guiller­mo Bar­bi­eri, José Ricar­do (gui­tar­ras).

Avec seule­ment deux gui­tares, Gardel donne la réponse à Corsi­ni qui le mois précé­dent avait enreg­istré le titre avec trois gui­tares. C’est égale­ment joli et tout autant pour l’écoute et pas pour la danse.

Amu­ra­do 1927-08-16 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Agustín Irus­ta.

Canaro enreg­istre à son tour, sur un rythme calme, qui est de toute façon une de ses car­ac­téris­tiques de l’époque. De jolis traits de vio­lon et ban­donéon allè­gent un peu le mar­quage puis­sant du rythme. La voix de Irus­ta, un peu nasale, apporte une petite vari­a­tion dans cette inter­pré­ta­tion qui ne sera sans doute pas à la hau­teur des danseurs d’aujourd’hui.

Amu­ra­do 1927-09-07 — Agustín Mag­a­l­di con gui­tar­ras.

Il ne man­quait que lui, après Corsi­ni et Gardel, voici Mag­a­l­di. Moi, j’aime bien. Bien sûr, ce n’est pas plus pour la danse que les ver­sions des deux con­cur­rents, mais ça se laisse écouter.

Amu­ra­do 1927-09-12 — Orques­ta Julio De Caro.

Je pense que dès les pre­mières mesures vous aurez remar­qué la dif­férence d’ambiance par rap­port à toutes les ver­sions précé­dentes. Le ruba­to mar­qué, par­fois exagéré et la vari­a­tion du solo de ban­donéon sont déjà très proches de ce que pro­posera Lau­renz 13 ans plus tard. On notera les sonorités étranges qui appa­rais­sent vers la fin du morceau, De Caro aime ajouter des instru­ments atyp­iques.

Amu­ra­do 1927-12-06 — Orques­ta Juan Maglio “Pacho” con José Galarza.

On revient sans doute un cran en arrière dans la moder­nité, mais la par­tie d’orchestre est assez sym­pa­thique. La voix de Galarza sera en revanche un peu plus dif­fi­cile à accepter par les danseurs d’aujourd’hui.

Amu­ra­do 1928 — Trío Argenti­no (Irus­ta, Fuga­zot, Demare) y su Orques­ta Típi­ca Argenti­na con Rober­to Fuga­zot.

Le piano de Demare démarre puis laisse la place à la voix de Fuga­zot qui gardera ensuite la vedette en masquant un peu le beau jeu de Demare au piano qui ne pour­ra que plac­er un mag­nifique accord final.

Amu­ra­do 1940-07-29 — Orques­ta Pedro Lau­renz con Juan Car­los Casas.

C’est notre tan­go du Jour. Si on note la fil­i­a­tion avec l’interprétation de De Caro, la ver­sion don­née par Lau­renz est éblouis­sante en tous points. Il a fait le ménage dans les propo­si­tions par­fois un peu con­fus­es de De Caro et le résul­tat est par­fait pour la danse.

Amu­ra­do 1944-11-24 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Tout en restant fidèle à l’écriture de Lau­renz, Pugliese pro­pose sa ver­sion avec une pointe de Yum­ba et son alter­nance de moments ten­dus et d’autres, relâchés, et des nuances très mar­quées. Le résul­tat est comme tou­jours superbe, mais beau­coup plus dif­fi­cile à danser pour les danseurs qui ne con­nais­sent pas cette ver­sion. En milon­ga, c’est donc à réserv­er à des danseurs expéri­men­tés ou motivés. L’accélération de la vari­a­tion en solo du ban­donéon qui nous mène au final est tout aus­si belle que celle de Lau­renz, les danseurs pour­ront s’y don­ner ren­dez-vous pour oubli­er les petits pièges des par­ties précé­dentes.

Amu­ra­do 1946 (trans­misión radi­al) — Orques­ta Pedro Lau­renz.

Six ans plus tard, Lau­renz pro­pose une ver­sion instru­men­tale. Il s’agit d’un enreg­istrement radio­phonique, d’une qual­ité impos­si­ble pour la danse, mais nous avons une ver­sion enreg­istrée l’année suiv­ante.

Amu­ra­do 1947-01-16 — Orques­ta Pedro Lau­renz.

Cette ver­sion est très proche et je ne la pro­poserai sans doute pas, car je suis sûr que le petit estri­bil­lo chan­té par Casas va man­quer aux danseurs.

Amu­ra­do 1952-09-25 — Orques­ta Pedro Lau­renz.

Après un peu de temps de réflex­ion, Lau­renz pro­pose une nou­velle ver­sion, très dif­férente. On sent qu’il a voulu dans la pre­mière par­tie tir­er par­ti des idées de Pugliese, mais la réal­i­sa­tion est un peu plus sèche, moins coulée et la sec­onde par­tie s’enfonce un peu dans la guimauve. Mon petit Pedro, désolé, mais on reste avec ta pre­mière ver­sion, même si on garde de cette ver­sion le final qui est tout aus­si beau que dans l’autre.

Amu­ra­do 1955-09-16 — Orques­ta José Bas­so.

Bas­so reprend l’appel ini­tial du ban­donéon, en l’accentuant encore plus que Lau­renz dans sa ver­sion de 1940. Un vio­lon vir­tu­ose nous trans­porte, puis le ban­donéon tout aus­si agile reprend le flam­beau. Par moment on retrou­ve l’esprit de la ver­sion de la ver­sion de Lau­renz en 1940, mais entre­coupée de pas­sages totale­ment dif­férents. Je ne sais pas ce qu’en penseraient les danseurs. D’un côté les rap­pels proches de Lau­renz peu­vent leur faire regret­ter l’original, mais les idées dif­férentes peu­vent aus­si éveiller leur curiosité et les intéress­er. Peut-être à ten­ter dans un lieu rem­pli de danseurs un peu curieux.

Amu­ra­do 1956 — Edmun­do Rivero con acomp. de Car­los Figari y su Orques­ta.

Une ver­sion à écouter, avec la puis­sance d’un grand orchestre.

Amu­ra­do 1956c — Trio Hugo Diaz.

Le trio d’Hugo Diaz, har­moni­ciste que l’on retrou­vera 12 ans plus tard avec une ver­sion encore plus intéres­sante.

Amu­ra­do 1959-01-08 — Orques­ta José Bas­so.

Encore Bas­so, qui s’essaye à l’amélioration de son inter­pré­ta­tion et je trou­ve que c’est une réus­site qui devrait intéress­er encore plus de danseurs que la ver­sion de 1955.

Amu­ra­do 1961-09-08 — Jorge Vidal con acomp. de gui­tar­ras, cel­lo y con­tra­ba­jo.

Amu­ra­do 1961-09-08 — Jorge Vidal con acomp. de gui­tar­ras, cel­lo y con­tra­ba­jo. Vidal avec ce con­jun­to de cordes nous pro­pose une ver­sion très orig­i­nale. Sa superbe voix est par­faite­ment mise en valeur par les cordes qui l’accompagnent. Dom­mage que ce ne soit pas pour la danse.

Amu­ra­do 1962-04-19 Orques­ta Leopol­do Fed­eri­co con Julio Sosa.

Dans la pre­mière époque du titre, on avait enten­du Corsi­ni, Gardel et Mag­a­l­di. Dans cette nou­velle péri­ode, après Rivero, voici Julio Sosa, El varón del tan­go. Une ver­sion qui fait se dress­er les poils de plaisir. Quelle ver­sion !

Amu­ra­do 1962-12-19 — Aníbal Troi­lo y Rober­to Grela en vivo.

Un enreg­istrement avec un pub­lic ent­hou­si­aste, qui masque par­fois la mer­veille du ban­donéon exprimé par Troi­lo, extra­or­di­naire.

Amu­ra­do 1968 Pedro Lau­renz con su Quin­te­to.

La dernière ver­sion enreg­istrée par Pedro Lau­renz, avec la gui­tare élec­trique en prime. Une ver­sion à écouter, mais pas inin­téres­sante.

Amu­ra­do 1972 — Hugo Díaz.

Le meilleur har­moni­ciste nous pro­pose une ver­sion plus aboutie.

Amu­ra­do 1975 — Sex­te­to May­or.
Amu­ra­do 1981 — Orques­ta Leopol­do Fed­eri­co.

Bien au-delà de la ver­sion avec Sosa, l’orchestre s’exprime mag­nifique­ment. On est bien sûr totale­ment hors du domaine de la danse, mais c’est une mer­veille.

Amu­ra­do 1990 Rober­to Goyeneche con arreg­los y direc­ción de Raúl Garel­lo.

Goyeneche man­quait à la liste des chanteurs ayant mis ce titre à son réper­toire. Cet enreg­istrement comble cette lacune.

Amu­ra­do 1995-08-23 — Sex­te­to Tan­go.

Une ver­sion par les anciens musi­ciens de Pugliese.

Voilà, avec une trentaine de ver­sions, vous avez encore une fois un échan­til­lon de la richesse du tan­go. En général, seules une ou deux ver­sions passent en milon­ga, mais quelque­fois les modes changent et des titres oubliés rede­vi­en­nent à la mode. Ain­si, le tan­go reste vivant et quand des orchestres con­tem­po­rains se char­gent de rénover la chose, c’est par­fois une sec­onde chance pour les titres.

Sur ces entre­faites, je vous dis, à demain, les amis.

El esquinazo 1951-07-20 – Quinteto Pirincho dir. Francisco Canaro con refrán por Francisco Canaro

Ángel Gregorio Villoldo Letra : Carlos Pesce ; A. Timarni (Antonio Polito)

Au début des années 2000, dans une milon­ga en France où j’étais danseur, l’organisateur est venu me dire qu’il ne fal­lait pas frap­per du pied, que ça ne se fai­sait pas en tan­go. Il ne savait sans doute pas qu’il repro­dui­sait l’interdiction de Ansel­mo Tarana, un siè­cle plus tôt. Je vais donc vous racon­ter l’histoire frap­pante de El esquina­zo.

Extrait musical

El esquina­zo — Ángel Gre­go­rio Vil­lol­do Letra : Car­los Pesce ; A. Timarni (Anto­nio Poli­to). Par­ti­tion pour piano et deux cou­ver­tures, dont une avec Canaro.
El esquina­zo 1951-07-20 — Quin­te­to Pir­in­cho dir. Fran­cis­co Canaro con refrán por Fran­cis­co Canaro.

Vous aurez remar­qué, dès le début, l’incitation à frap­per du pied. On retrou­ve cette invi­ta­tion sur les par­ti­tions par la men­tion golpes (coups).

El esquina­zo — Ángel Gre­go­rio Vil­lol­do Letra: Car­los Pesce ; A. Timarni (Anto­nio Poli­to). Par­ti­tion pour gui­tare (1939).

El Esquinazo, un succès à tout rompre (partie 1) anatomie du pousse-au-crime

Dès le début de la par­ti­tion, on voit inscrit « Golpes » (coups).

La zone en rouge, ici au début de la par­ti­tion, est la mon­tée chro­ma­tique en tri­o­lets de dou­ble-croche et en dou­ble-croche. C’est donc un pas­sage vif, d’autant plus que l’on remar­que des appog­gia­tures brèves.Ce sont ces petites notes bar­rées qui indiquent que l’on doit (peut) jouer une note sup­plé­men­taire, une frac­tion de temps avant, voire en même temps que la note qu’elle com­plète. Ces appog­gia­tures aug­mentent donc le nom­bre de notes et par con­séquent l’impression de vitesse.
Après cette mon­tée rapi­de, on s’attend à une suite, mais Vil­lol­do nous offre une sur­prise, un silence (la zone verte), mar­qué ici par un quart de soupir pour la ligne mélodique supérieure et un demi-soupir suivi d’un soupir pour l’accompagnement.
La zone bleue com­porte des signes de per­cus­sion et le texte indique Golpes en el puente (coup dans le pont). Ras­surez-vous, il ne s’agit pas d’un pont au sens com­mun, mais de la tran­si­tion entre deux par­ties d’une musique. Ici, il est donc con­sti­tué seule­ment de coups, coups que fai­saient les musi­ciens avec les talons et que bien­tôt le pub­lic imi­ta de divers­es manières.

Mar­i­ano Mores copiera cette struc­ture pour son célèbre « Taquito mil­i­tar ».
Voici la ver­sion enreg­istrée en 1997 par Mar­i­ano Mores de Taquito mil­i­tar. Cette ver­sion com­mence par le fameux motif suivi de coups.

Taquito mil­i­tar 1997 — Mar­i­ano Mores.

Cette ver­sion à l’orgue Ham­mond est un peu par­ti­c­ulière, mais vous pour­rez enten­dre toutes les ver­sions clas­siques dans l’article dédié à Taquito mil­i­tar.

El Esquinazo, un succès à tout rompre (partie 2) les paroles

Ángel Vil­lol­do a com­posé ce tan­go avec des paroles. Même si Vil­lol­do était lui-même chanteur, c’est à Pepi­ta Avel­lane­da (Jose­fa Calat­ti) que revint l’honneur de les inau­gur­er. Mal­heureuse­ment, ces paroles orig­i­nales sem­blent per­dues, tout comme celles de El entr­erri­ano qu’il avait « écrites » pour la même Pepi­ta.
J’émets l’hypothèse que les célèbres coups don­nés au planch­er au départ par les musi­ciens devaient avoir une expli­ca­tion dans les paroles. El esquina­zo, c’est pren­dre la tan­gente dans une rela­tion amoureuse, s’enfuir, ne plus répon­dre aux ten­dress­es, pren­dre ses dis­tances, pos­er un lapin (ne pas venir à un ren­dez-vous). On peut donc sup­pos­er que les pre­mières paroles devaient exprimer d’une façon imagée cette fuite, ou la façon dont elle était ressen­tie par le parte­naire.
J’ai indiqué « écrites » au sujet des paroles, mais à l’époque, les paroles et même la musique n’étaient pas tou­jours écrites. Elles sont donc prob­a­ble­ment restées orales et retrou­ver un témoin de l’époque est désor­mais impos­si­ble.
Cepen­dant, notre tan­go du jour nous apporte un éclairage intéres­sant sur l’histoire, grâce aux quelques mots que lâche Canaro après les séries de coups. En effet, dans sa ver­sion, il est plutôt ques­tion de quelqu’un qui frappe à la porte pour ne pas dormir dehors sous la pluie…
Je serai assez ten­té d’y voir un reflet des paroles orig­i­nales qui jus­ti­fieraient bien plus les coups que les paroles de Pesce et Timarni. Le désamour (esquina­zo) pour­rait expli­quer qu’une porte reste fer­mée, l’occupant restant sourd aux sup­pli­ca­tions de lui (dans le Canaro) ou d’elle (dans le cas de Pepi­ta Avel­lane­da).

Paroles dites par Canaro dans sa version de 1951

Les paroles pronon­cées par Fran­cis­co Canaro dans sa ver­sion de 1951

Canaro inter­vient qua­tre fois durant le thème pour don­ner des phras­es, un peu énig­ma­tiques, mais que j’aime à imag­in­er, tirées ou inspirées des paroles orig­i­nales de Vil­lol­do.

  1. Frappe, qu’ils vien­nent t’ouvrir.
  2. Suis là, puisque tu l’as
  3. Ils fêtent l’esquinazo
  4. Ouvre que je suis en train de me mouiller. Ne me fais pas dormir dehors

Ces paroles de Canaro, sont-elles inspirées directe­ment de celles de Vil­lol­do ? En l’absence des paroles orig­i­nales, on ne le saura pas, alors, pas­sons aux paroles postérieures, qui n’ont sans doute pas la « saveur » de celles de la pre­mière ver­sion.

Paroles

Nada me impor­ta de tu amor, golpeá nomás…
el corazón me dijo,
que tu amor (car­iño) fue una fal­sía,
aunque juraste y juraste que eras mía.
No llames más, no insis­tas más, yo te daré…
el libro del recuer­do,
para que guardes las flo­res del olvi­do
porque vos lo has queri­do
el esquina­zo yo te doy.

Fue por tu cul­pa que he toma­do otro camino
sin tino… Vida mía.
Jamás pen­sé que lle­garía este momen­to
que sien­to,
la más ter­ri­ble real­i­dad…
Tu ingrat­i­tud me ha hecho sufrir un des­en­can­to
si tan­to… te quería.
Mas no te creas que por esto guar­do encono
Per­dono
tu más injus­ta falsedad.

Ángel Gre­go­rio Vil­lol­do Letra: Car­los Pesce; A. Timarni (Anto­nio Poli­to)

Traduction libre et indications

Je me fiche de ton amour, une tocade, rien de plus (gol­pear, c’est don­ner un coup, mais aus­si droguer, intox­i­quer. Cer­tains y voient la jus­ti­fi­ca­tion des coups frap­pés par les musi­ciens, mais il me sem­ble que c’est un peu léger et que les paroles ini­tiales devaient être plus con­va­in­cantes et cer­taine­ment moins accept­a­bles par un pub­lic de plus en plus raf­finé. C’est peut-être aus­si une sim­ple évo­ca­tion des coups frap­pés à la porte de la ver­sion chan­tée par Canaro, ce qui pour­rait ren­forcer l’hypothèse que Canaro chante des bribes des paroles d’origine)…
Mon cœur me dis­ait que ton amour était un men­songe, bien que tu aies juré et juré que tu étais à moi.
N’appelle plus, (le tan­go s’est mod­ernisé. Si à l’origine, l’impétrant venait frap­per à la porte, main­tenant, il utilise le télé­phone…) n’insiste plus, je te don­nerai… le livre de sou­venirs, pour que tu gardes les fleurs de l’oubli parce que toi tu l’as, l’esquinazo (dif­fi­cile de trou­ver un équiv­a­lent. C’est l’abandon, la non-réponse aux sen­ti­ments, la fuite, le lapin dans le cas d’un ren­dez-vous…) que je te donne.
C’est ta faute si j’ai pris un autre chemin sans but… (tino, peut sig­ni­fi­er l’habileté à touch­er la cible)
Ma vie.
Je n’ai jamais pen­sé que ce moment, dont je ressens la ter­ri­ble réal­ité, arriverait…
Ton ingrat­i­tude m’a fait subir un désamour si toute­fois… Je t’aimais.
Mais, ne crois pas que, pour cette rai­son, je con­serve de l’amertume. Je par­donne ton men­songe le plus injuste.

El Esquinazo, un succès à tout rompre (partie 3) le succès du pousse-au-crime.

Nous avons vu dans la pre­mière par­tie com­ment était pré­paré le frappe­ment du talon. Dans la sec­onde et avec les paroles, nous avons essayé de trou­ver un sens à ces frap­pés, à ces taquitos qui à défaut d’être mil­i­taires, sont bien ten­tants à imiter, comme nous l’allons voir.
Le pre­mier témoignage sur la repro­duc­tion des coups par le pub­lic est celui de Pintin Castel­lanos qui racon­te dans Entre cortes y que­bradas, can­dombes, milon­gas y tan­gos en su his­to­ria y comen­tar­ios. Mon­te­v­ideo, 1948 la fureur autour de El esquina­zo.
La com­po­si­tion de Vil­lol­do a été un tri­om­phe […]. L’accueil du pub­lic fut tel que, soir après soir, il gran­dis­sait et le rythme dia­bolique du tan­go sus­men­tion­né com­mença à ren­dre peu à peu tout le monde fou.
Tout d’abord, et avec une cer­taine pru­dence, les clients ont accom­pa­g­né la musique de « El Esquina­zo » en tapant légère­ment avec leurs mains sur les tables.
Mais les jours pas­saient et l’engouement pour le tan­go dia­bolique ne ces­sait de croître.
Les clients du
Café Tarana (voir l’article sur En Lo de Lau­ra où je donne des pré­ci­sions sur Lo de Hansen/Café Tarana) ne se con­tentaient plus d’accompagner avec le talon et leurs mains. Les coups, en gar­dant le rythme, aug­men­tèrent peu à peu et furent rejoints par des tass­es, des ver­res, des chais­es, etc.
Mais cela ne s’est pas arrêté là […] Et il arri­va une nuit, une nuit fatale, où se pro­duisit ce que le pro­prié­taire de l’établissement floris­sant ressen­tait depuis des jours. À l’annonce de l’exécution du tan­go déjà con­sacré de
Vil­lol­do, une cer­taine ner­vosité était per­cep­ti­ble dans le pub­lic nom­breux […] l’orchestre a com­mencé la cadence de « El Esquina­zo » et tous les assis­tants ont con­tin­ué à suiv­re le rythme avec tout ce qu’ils avaient sous la main : chais­es, tables, ver­res, bouteilles, talons, etc. […]. Patiem­ment, le pro­prié­taire (Ansel­mo R. Tarana) a atten­du la fin du tan­go du démon, mais le dernier accord a reçu une stand­ing ova­tion de la part du pub­lic. La répéti­tion ne se fit pas atten­dre ; et c’est ain­si qu’il a été exé­cuté un, deux, trois, cinq, sept… Finale­ment, de nom­breuses fois et à chaque inter­pré­ta­tion, une salve d’applaudissements ; et d’autres choses cassées […] Cette nuit inou­bli­able a coûté au pro­prié­taire plusieurs cen­taines de pesos, irré­cou­vrables. Mais le prob­lème le plus grave […] n’était pas ce qui s’était passé, mais ce qui allait con­tin­uer à se pro­duire dans les nuits suiv­antes.
Après mûre réflex­ion, le mal­heureux « 
Pagani­ni » des « assi­ettes brisées » prit une réso­lu­tion héroïque. Le lende­main, les clients du café Tarana ont eu la désagréable sur­prise de lire une pan­car­te qui, près de l’orchestre, dis­ait : « Est stricte­ment inter­dite l’exécution du tan­go el esquina­zo ; La pru­dence est de mise à cet égard. »

Ce tan­go fut donc inter­dit dans cet étab­lisse­ment, mais bien sûr, il a con­tin­ué sa car­rière, comme le prou­ve le témoignage suiv­ant.

Témoignage de Francisco García Jiménez, vers 1921

La orques­ta arrancó con el tan­go El esquina­zo, de Vil­lol­do, que tiene en su desar­rol­lo esos golpes reg­u­la­dos que los bailar­ines de antes mar­ca­ban a tacón limpio. En este caso, el con­jun­to de La Palo­ma hacía lo mis­mo en el piso del palquito, con tal fuerza, que las vie­jas tablas deja­ban caer una nube de tier­ra sobre la máquina del café express, la caja reg­istrado­ra y el patrón. Este ech­a­ba denuestos; los de arri­ba seguían muy serios su tan­go ; y los par­ro­quianos del cafetín se rego­ci­ja­ban.

Témoignage de Fran­cis­co Gar­cía Jiménez

Traduction libre du témoignage de Francisco García Jiménez

L’orchestre a com­mencé avec le tan­go El esquina­zo, de Vil­lol­do, qui a dans son développe­ment ces rythmes réglés que les danseurs d’antan mar­quaient d’un talon clair.
Dans ce cas, le con­jun­to La Palo­ma a fait de même sur le sol de la tri­bune des musi­ciens, avec une telle force que les vieilles planch­es ont lais­sé tomber un nuage de saleté sur la machine à expres­so, la caisse enreg­istreuse et le patron. Il leur fit des reproches ; Ceux d’en haut suiv­aient leur tan­go très sérieuse­ment, et les clients du café se réjouis­saient.
On con­state qu’en 1921, l’usage de frap­per du pied chez les danseurs était moin­dre, voire absent. Cet argu­ment peut venir du fait que l’interdit de Tarana a été effi­cace sur les danseurs, mais j’imagine tout autant que les paroles et l’interprétation orig­inelle étaient plus prop­ices à ces débor­de­ments.
L’idée des coups frap­pés à une porte, comme les coups du des­tin dans la 5e sym­phonie de Lud­wig Van Beethoven, ou ceux de la stat­ue du com­man­deur dans Don Gio­van­ni de Wolf­gang Amadeus Mozart, me plaît bien…

Autres versions

El esquina­zo 1910-03 05 — Estu­di­anti­na Cen­te­nario dirige par Vicente Abad.

Cette ver­sion anci­enne est plutôt un tan­go qu’une milon­ga, comme il le devien­dra par la suite. On entend les coups frap­pés et la man­do­line. On note un petit ralen­tisse­ment avant les frap­pés, ralen­tisse­ment que l’on retrou­vera ampli­fié dans la ver­sion de 1961 de Canaro.

El esquina­zo 1913 — Moulin Rouge Orch­ester Berlin — Dir. Fer­di­nand Litschauer.

Encore une ver­sion anci­enne, enreg­istrée à Berlin (Alle­magne) en 1913, preuve que le tan­go était dès cette époque totale­ment inter­na­tion­al. Les frap­pés sont rem­placés par de frêles per­cus­sions, mais on notera le gong au début…

Le disque de El esquina­zo par l’orchestre du Moulin Rouge (alle­mand, mal­gré ce que pour­rait faire penser son nom) et la ver­sion Russe du disque… On notera que les indi­ca­tions sont en anglais, russe et français. La Inter­na­tion­al Talk­ing Machine est la société qui a fondé Odeon… S’il en fal­lait une de plus, cette preuve témoigne de la mon­di­al­i­sa­tion du tan­go à une date pré­coce (1913).
El esquina­zo 1938-01-04 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

Est-il néces­saire de présen­ter la ver­sion de D’Arienzo, prob­a­ble­ment pas, car vous l’avez déjà enten­du des mil­liers de fois. Tout l’orchestre se tait pour laiss­er enten­dre les frap­pés. Même Bia­gi renonce à ses habituelles fior­i­t­ures au moment des coups. En résumé, c’est une exé­cu­tion par­faite et une des milon­gas les plus réjouis­santes du réper­toire. On notera les courts pas­sages de vio­lons en lega­to qui con­trastent avec le stac­ca­to général de tous les instru­ments.

El esquina­zo 1939-03-31 — Rober­to Fir­po y su Cuar­te­to Típi­co.

Rober­to Fir­po au piano démarre la mon­tée chro­ma­tique une octave plus grave, mais reprend ensuite sur l’octave com­mune. Cela crée une petite impres­sion de sur­prise chez les danseurs qui con­nais­sent. La suite est joueuse, avec peut être un petit manque de clarté qui pour­ra décon­te­nancer les danseurs débu­tants, mais de toute façon, cette ver­sion est assez dif­fi­cile à danser, mais elle ravi­ra les bons danseurs, car elle est prob­a­ble­ment la plus joueuse.

El esquina­zo 1951-07-20 — Quin­te­to Pir­in­cho dir. Fran­cis­co Canaro con refrán por Fran­cis­co Canaro.

C’est notre tan­go du jour. Fran­cis­co Canaro nous donne sans doute des clefs dans les quelques paroles qu’il dit. Cette ver­sion est de vitesse mod­érée, entre canyengue et milon­ga. Elle sera plus adap­tée aux danseurs mod­estes.

El esquina­zo 1958 — Los Mucha­chos De Antes.

Avec clar­inette et gui­tare en vedette, cette ver­sion est très dynamique et sym­pa­thique. Ce n’est bien sûr pas le top pour la danse, mais on a d’autres ver­sions pour cela…

El esquina­zo 1960 — Orques­ta Car­los Figari con Enrique Dumas.

Une ver­sion en chan­son qui perd le car­ac­tère joueur de la milon­ga, même si quelques coups de claves rap­pel­lent les frap­pés fameux. En revanche, cette chan­son nous présente les paroles de Car­los Pesce et A. Timarni. J’aime beau­coup, même si ce n’est pas à pro­pos­er aux danseurs.

El esquina­zo 1961-12-01 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro (en vivo al Teatro Koma de Tokyo, Japón).

El esquina­zo 1961-12-01 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro (en vivo al Teatro Koma de Tokyo, Japón). Cette ver­sion très joueuse com­mence par la célèbre invite à frap­per du pied, répétée trois fois. Les deux pre­mières sont très lentes et la troisième fois, la pause est beau­coup plus longue, ce qui provoque un effet irré­sistible. C’est un exem­ple, bien que tardif de com­ment les orchestres jouaient avec les danseurs, jeux que nous avons per­dus à cause des ver­sions figées par le disque. Bien sûr, il s’agit ici d’un con­cert, mais un DJ taquin pour­rait pro­pos­er cette ver­sion à danser, notam­ment à cause des paus­es et de l’accélération finale qui peu­vent sur­pren­dre (aus­si dans le bon sens du terme), les danseurs.

El esquina­zo 1962 — Los Vio­lines De Oro Del Tan­go.

Une ver­sion à la lim­ite de l’excès de vitesse, même sur autoroute. Je trou­ve cela très sym­pa, mais j’y réfléchi­rai à deux fois avant de dif­fuser en milon­ga…

El esquina­zo 1970 — Cuar­te­to Juan Cam­bareri.

Je pense que vous avez repéré Juan Cam­bareri, ce ban­donéon­iste vir­tu­ose qui après une car­rière dans dif­férents orchestres s’est mis « à son compte » avec un orchestre, dans les années 50 et un peu plus tard (1968) dans un cuar­te­to com­posé de :

Juan Riz­zo au piano, Juan Gan­dol­fo et Felipe Escomabache aux vio­lons et Juan Cam­bareri au ban­donéon. Cet enreg­istrement date de cette péri­ode. Comme à son habi­tude, il imprime une cadence d’enfer que les doigts vir­tu­os­es des qua­tre musi­ciens peu­vent jouer, mais qui posera des prob­lèmes à un grand nom­bre de danseurs.

El esquina­zo 1974 — Sex­te­to Tan­go.

Le début sem­ble s’inspirer de la ver­sion de Canaro au Japon en 1961, mais la suite vous détrompera bien vite. C’est claire­ment une ver­sion de con­cert qui a bien sa place dans un fau­teuil d’orchestre, mais qui vous don­nera des sueurs froides sur la piste de danse.

El esquina­zo 1976 — Di Mat­teo y su trio.

La ver­sion pro­posée par le trio Di Mat­teo ne ras­sur­era pas les danseurs, mais c’est plaisant à écouter. À réserv­er donc pour le salon, au coin du feu (j’écris depuis Buenos Aires et ici, c’est l’hiver et cette année, il est par­ti­c­ulière­ment froid…).

El esquina­zo 1983 — Orques­ta José Bas­so.

Une assez belle ver­sion, orches­trale. Pour la milon­ga, on peut éventuelle­ment lui reprocher un peu de mor­dant en com­para­i­son de la ver­sion de D’Arienzo. On notera égale­ment que quelques frap­pés sont joués au piano et non en per­cus­sion.

El esquina­zo 1991 — Los Tubatan­go.

Comme tou­jours, cet orchestre sym­pa­thique se pro­pose de retrou­ver les sen­sa­tions du début du vingtième siè­cle. Out­re le tuba qui donne le nom à l’orchestre et la basse de la musique, on notera les beaux con­tre­points de la flûte et du ban­donéon qui dis­cu­tent ensem­ble et en même temps comme savent si bien le faire les Argentins…

El esquina­zo 2002 — Armenonville.

Une intro­duc­tion presque comme une musique de la renais­sance, puis la con­tre­basse lance la mon­tée chro­ma­tique, des coups don­nés et la musique est lancée. Elle se déroule ensuite de façon sym­pa­thique, mais pas assez struc­turée pour la danse. Une accéléra­tion, puis un ralen­tisse­ment et l’estribillo est chan­té en guise de con­clu­sion.

El esquina­zo 2007 — Este­ban Mor­ga­do Cuar­te­to.

Une ver­sion légère et rapi­de pour ter­min­er tran­quille­ment cette anec­dote du jour.

À demain, les amis !

Une autre façon de cass­er la vais­selle…

El engobbiao 1957-06-18 Orquesta Alfredo Gobbi

Eduardo Rovira

Ne cherchez pas dans le dic­tio­n­naire le mot Engob­biao, vous ne le trou­verez pas. C’est une créa­tion de Eduar­do Rovi­ra en l’honneur de… Si, vous allez trou­ver ; G — O — B — B — I. Bra­vo !
Il y a trois
Gob­bi fameux dans l’histoire du tan­go, Flo­ra, Alfre­do et Alfre­do. Oui, deux Alfre­do. Essayons d’y voir plus clair.

Extrait musical

Tout d’abord écou­tons ce titre sur­prenant que Rovi­ra écrira en l’honneur du chef de l’orchestre où il était ban­donéon­iste.

El engob­biao 1957-06-18 Orques­ta Alfre­do Gob­bi
Par­ti­tion de El eng­gob­iao

Les Gobbi

Nous avons déjà évo­qué et à plusieurs repris­es les Gob­bi, mari et femme, pio­nniers du tan­go et indis­cutable­ment prop­a­ga­teur du genre en France après l’avoir fait en Argen­tine.
Flo­ra, la femme et Alfre­do, donc, le mari ont plusieurs enreg­istrements, par­mi les plus anciens qui nous soient par­venus. Les pau­vres, la tech­nique d’enregistrement de l’époque n’a pas ren­du jus­tice à la qual­ité de leurs inter­pré­ta­tions, oblig­és qu’ils étaient plus à crier qu’à chanter pour que quelque chose se grave sur le disque.

El criol­lo fal­si­fi­ca­do (Los criol­los) 1906 – Dúo Los Gob­bi (Flo­ra et Alfre­do Gob­bi).

Vous aurez recon­nu ce thème que l’on con­naît désor­mais sous le titre El porteñi­to.

Le troisième Gob­bi, se prénom­mant aus­si Alfre­do et voici son état-civ­il com­plet : Alfre­do Julio Floro Gob­bi.
Le Gob­bi du début de siè­cle s’appelait au com­plet : Alfre­do Euse­bio Gob­bi Chi­a­pa­pi­etra. On a donc l’habitude de l’appeler Alfre­do Euse­bio Gob­bi pour le dis­tinguer, bien inutile­ment, de Alfre­do Julio Gob­bi. Les deux sig­naient Alfre­do Gob­bi et per­son­ne ne peut con­fon­dre une com­po­si­tion ou une inter­pré­ta­tion de l’un avec celle de l’autre… Pour en finir avec les noms, pré­cisons que la femme de Gob­bi (je ne vous dit pas lequel) s’appelait Flo­ra Rodríguez de Gob­bi et était d’origine chili­enne.
En fait, je vous ai présen­té toute la famille, le père, Alfre­do, la mère, Flo­ra et le fis­ton, encore Alfre­do, né à Paris en 1912. Sig­nalons que son par­rain était Ángel Vil­lol­do. Le pau­vre avait donc de grandes chances de tomber dans le tan­go, d’autant plus qu’en 1913, il était instal­lé à Buenos Aires. Ce point de chute des Gob­bi est bien sûr dic­té par le tan­go, car la mère était chili­enne et le père uruguayen. D’ailleurs, le petit Gob­bi appren­dra le piano (qui sera aus­si son dernier instru­ment à la fin triste de sa vie), puis le vio­lon et dès l’âge de 13 ans il jouera dans un trio avec ses amis, Orlan­do Goñi (pianiste) et Domin­go Triguero (ban­donéon­iste).
À la mort de son ami Orlan­do Goñi, en 1945, Alfre­do écrira A Orlan­do Goñi, dont nous avons son enreg­istrement en 1949.

A Orlan­do Goñi 1949-03-24 — Orques­ta Alfre­do Gob­bi.

L’hommage de Gob­bi à son ami Goñi. C’est un de ses titres les plus con­nus et que l’on entend par­fois en milon­ga.
Troi­lo et Pugliese qui étaient dans le même cer­cle l’enregistrèrent égale­ment.

Alfre­do Gob­bi, le vio­lon roman­tique et le pianiste en fin de vie, à droite

Si Alfre­do Gob­bi a com­mencé l’étude du piano à 6 ans, c’est comme vio­loniste prodi­ge qu’il a fait sa car­rière. À la fin de sa courte vie, il est retourné au piano pour jouer dans des bars de nuit afin de gag­n­er sa pitance. Quelle triste fin pour cet artiste, ami­cal et généreux comme en témoignent les hom­mages après sa mort, en 1965 à seule­ment 53 ans.
Ses amis, cher­chèrent à récupér­er son vio­lon auprès de son logeur qui le gar­dait en gage pour les loy­ers en retard. Lorsqu’ils demandèrent à Troi­lo de par­ticiper, celui-ci s’exclama, « mais pourquoi ne m’avez-vous pas demandé en pre­mier ? » Troi­lo avait d’ailleurs dédi­cacé son tan­go Milonguero triste à son ami.

Ani­bal Troi­lo joue Milonguero triste, sa com­po­si­tion dédi­cacée à son ami Alfre­do Gob­bi avec son cuar­te­to. Les mem­bres du quar­tette sont José Colán­ge­lo au piano, Ani­bal Troi­lo au ban­donéon, Aníbal Arias à la gui­tare et Rafael Del Bag­no à la con­tre­basse.
Un disque posthume de Alfre­do Gob­bi nom­mé Milonguero triste (mais ne com­por­tant pas ce titre que Alfre­do Gob­bi n’a pas enreg­istré. Troi­lo l’a enreg­istré moins de cinq mois avant la mort de son ami.

Il con­vient de rajouter à la liste des dédi­caces à Alfre­do Gob­bi, Alfre­de­an­do enreg­istré en 1987 par Pugliese et qui a été com­posé par le ban­donéon­iste Nés­tor Mar­coni.

Alfre­de­an­do 1987-12-12 Orques­ta Osval­do Pugliese

De Rovira à Piazzolla

Eduar­do Rovi­ra était ban­donéon­iste dans l’orchestre de Alfre­do Gob­bi. Il lui a dédié deux thèmes. Notre tan­go du jour, Engob­biao et A Don Alfre­do Gob­bi qui ter­min­era notre par­cours des avant-gardes autour de Gob­bi.

Eduar­do Rovi­ra
El engob­biao 1957-06-18 Orques­ta Alfre­do Gob­bi. C’est notre tan­go du jour.

On notera l’étonnante moder­nité de ce titre.
L’année d’après, Rovi­ra pro­duit cette ver­sion éton­nante de Febril avec l’orchestre du pianiste Osval­do Manzi dont il est mem­bre, comme ban­donéon­iste.

Febril 1958-12-18 — Orques­ta Osval­do Manzi. Com­po­si­tion de Eduar­do Rovi­ra.

On peut con­stater comme en un an, Rovi­ra est allé encore plus loin.

A don Alfre­do Gob­bi 1968 – Eduar­do Rovi­ra y su agru­pación de tan­go mod­er­no.

On est à l’arrivée de l’évolution de Rovi­ra. Dif­fi­cile d’y voir du tan­go, mal­gré un début en habanera et des accents de folk­lore. L’évocation de son ami, décédé en 1965, Alfre­do Gob­bi se fait par un pas­sage vir­tu­ose au vio­lon, mêlé à son ban­donéon qui aura le dernier mot dans un curieux halète­ment final.
Vous avez sans doute remar­qué la présence, dès les pre­mières notes, d’une gui­tare élec­trique. C’est celle de Sal­vador Druck­er.

Le disque Son­i­co de Eduar­do Rovi­ra y su agru­pación de tan­go mod­er­no

La bande de copains, Gob­bi, Rovi­ra, Goñi, s’était adjoint à d’autres nova­teurs, comme Troi­lo et Pugliese (voir par exem­ple Patéti­co de Jorge Cal­dara qui avait fait entr­er la musique nova­trice de Rovi­ra dans l’orchestre de Pugliese), mais aus­si, Astor Pan­talón Piaz­zol­la. Ce dernier écrira égale­ment un hom­mage à Gob­bi, un por­trait dont voici une de ses inter­pré­ta­tions.

Retra­to de Alfre­do Gob­bi 1970 — Astor Piaz­zol­la y su Quin­te­to.

Le quin­tette de Piaz­zol­la était com­posé de Astor Piaz­zol­la (ban­donéon), Osval­do Manzi (piano), Anto­nio Agri (vio­lon), Kicho Díaz (con­tre­basse) et Cacho Tirao (gui­tare élec­trique). Oui, comme Rovi­ra, Piaz­zol­la utilise la gui­tare élec­trique dans son orchestre.
Cet autre hom­mage à Gob­bi, par Piaz­zol­la, après Rovi­ra est sans doute une autre expli­ca­tion du fait que les danseurs ne sont pas fans (euphémisme) de Gob­bi. Sa musique a évolué et en fait très peu de ses titres sont réelle­ment pour la danse. Sans détester les danseurs comme se plai­sait à le faire savoir Piaz­zol­la, il avait d’autres préoc­cu­pa­tions, tout comme ses com­pagnons et le fidèle Rovi­ra, le nova­teur.
Gob­bi n’écrivit pas un tan­go pour Rovi­ra, mais Fer­nan­do Romano joua un hom­e­na­je a Eduar­do Rovi­ra.

Hom­e­na­je a Eduar­do Rovi­ra – Pájaro del alma, Melood­í­ka, Mefis­to com­pra almas, La casa de las chi­nas, Pasos en la noche – Orques­ta Fer­nan­do Romano.

Il s’agit d’une suite avec dif­férentes musiques jouées par l’orchestre de Eduar­do Rovi­ra enchaînées, par exem­ple le mag­nifique Pasos en la noche, une suite de bal­let com­posée par Fer­nan­do Guib­ert.

Pasos en la Noche 1962 — Eduar­do Rovi­ra (Fer­nan­do Guib­ert com­pos­i­teur)

Vous l’avez remar­qué, on n’est pas dans le tan­go, mais ces témoignages per­me­t­tent de ren­dre un peu de sa place à Rovi­ra, éclip­sé, pas for­cé­ment avec per­ti­nence par Piaz­zol­la. Les deux ont leur place au pan­théon de la musique d’inspiration tanguera de la fin du vingtième siè­cle.

Autres versions

El engob­biao 1957-06-18 Orques­ta Alfre­do Gob­bi. C’est notre tan­go du jour.
El engob­biao 1993 — Sex­te­to Tan­go. Une ver­sion très dif­férente, enreg­istrée par les anciens musi­ciens de Pugliese.

Voilà, les amis. C’est tout pour aujourd’hui. Si vous n’aimez pas Gob­bi comme musi­cien pour la danse, vous devriez l’aimer comme homme et nova­teur, lui qui était le Milonguero triste.

La bordona 1958-05-06 — Orquesta Aníbal Troilo

Emilio Balcarce

Le bour­don est une corde ou une hanche qui donne tou­jours la même note. C’est très courant sur les instru­ments tra­di­tion­nels comme la vielle à roue ou les corne­mus­es. Emilio Bal­carce a voulu don­ner un air «cham­pêtre à cette com­po­si­tion et a donc pro­posé un bour­don, bien sûr, beau­coup plus sophis­tiqué, mais qui a don­né sa couleur à la musique. Le vio­lon­celle démarre la musique sur sa corde basse, qui se nomme bor­dona. Le titre du tan­go nous l’annonçait.

Sig­nalons que bor­dona a d’autres accep­tions. C’est la corde grave, voire les trois cordes les plus graves de la gui­tare. C’est aus­si la fille cadette d’une famille…

Extrait musical

La bor­dona 1958-05-06 — Orques­ta Aníbal Troi­lo.

Le vio­lon­celle lance la mélodie sur ses cordes graves. Ce ron­ron­nement car­ac­téris­tique se retrou­vera à plusieurs repris­es dans l’œuvre. C’est cette phrase mélodique dans les graves qui a inspiré son nom.

Une par­ti­tion avec tous les pupitres.

La pre­mière page de la par­ti­tion (au cen­tre) mon­tre que seuls le vio­lon­celle et le piano entrent en scène. La page de droite mon­tre un pas­sage ultérieur où tous les instru­ments sont mobil­isés, puis le début du solo de ban­donéon. Par­ti­tion pro­posée par le site https://tangosinfin.org.ar/.

Autres versions

La bor­dona 1958-05-06 — Orques­ta Aníbal Troi­lo. C’est notre tan­go du jour.
La bor­dona 1958-08-06 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Pugliese com­mence avec un piano, son piano plus présent. Le ron­ron­nement grave est moins présent. L’atmosphère est dif­férente, moins chaude.

La bor­dona 1962-01-09 — Orques­ta Aníbal Troi­lo.

Moins de 4 ans plus tard, Troi­lo pro­pose une ver­sion très dif­férente. La nou­velle entrée en matière est per­cu­tante avec un arpège au piano. Comme chez Pugliese, le ron­ron­nement est un peu masqué et le piano a pris de l’ampleur. L’ensemble reste cohérent avec une bonne dis­tri­b­u­tion des vari­a­tions. Ce n’est pas à met­tre entre les pattes de tous les danseurs, mais il y a des élé­ments de sup­ports à l’improvisation qui peu­vent intéress­er cer­tains. Ce me sem­ble cepen­dant la lim­ite max­i­male pour une propo­si­tion de danse et je ne m’y aven­tur­erai qu’avec un pub­lic par­ti­c­ulière­ment gour­mand de ce type d’interprétations.

La bor­dona 1963-04-25 — Orques­ta Aníbal Troi­lo.

Un an plus tard, cette nou­velle ver­sion met en avant les capac­ités de l’enregistrement stéréo (vous ne pou­vez pas l’entendre dans les anec­dotes à cause de la taille admis­si­ble des fichiers sur le site, ces derniers sont en basse déf­i­ni­tion et en mono… Cherchez donc le titre dans votre dis­cothèque pour en appréci­er les effets spa­ti­aux. Cette ver­sion est plus mélodique, prob­a­ble­ment moins dansante, même si ce titre n’est pas un titre totale­ment des­tiné à la danse, quelle que soit la ver­sion. On notera que l’in­tro­duc­tion en arpège de la ver­sion de 1962 ajoute les accords de l’orchestre aux arpèges du piano.

La bor­dona 1993 — Sex­te­to Tan­go.

Ce sex­te­to issu de l’orchestre de Pugliese pro­pose une ver­sion intéres­sante avec de jolis pizzi­cati au début e tune intro inspirée de celles de Troi­lo 62/63, mais dif­férente. On s’éloigne encore un peu plus du tan­go de danse. Elle manque peut-être un peu d’allant et elle me sem­ble un peu décousue, les par­ties ne s’enchaînent pas de façon aus­si har­monieuse que dans d’autres ver­sions.

La bor­dona 1996 — Orques­ta Col­or Tan­go.

Cette ver­sion démarre avec une intro­duc­tion très som­bre, presque inquié­tante. J’aime beau­coup. La suite est peut-être un peu moins réussie. Elle ne démérite pas, mais elle n’est pas à la hau­teur de l’introduction. Le par­ti pris de tem­po assez lent et les sur­pris­es éloignent pour moi totale­ment cette ver­sion du champ de la danse. Sa fin plus tonique avec sa courte cita­tion de habanera est intéres­sante.

La bor­dona 2000-09 — Orques­ta El Arranque.

El Arranque intro­duit la gui­tare, instru­ment légitime dans la mesure où ses cordes graves sont des bor­donas… Cette ver­sion est plus légère que les précé­dentes et doit pou­voir sus­citer l’intérêt, même si pour la danse, je pense qu’il est plus raisonnable de rester chez Troi­lo.
Et pour ter­min­er, une ver­sion à la gui­tare.
Ani­bal Arias — La Bor­dona. On voit dans la vidéo les trois cordes graves (celles du dessus) que l’on appelle bor­donas sur une gui­tare. Une ver­sion pour gui­tare est donc tout à fait légitime, même si elle n’a pas l’ampleur de celles avec les grands orchestres.  

La última copa 1943-04-29 — Orquesta Ricardo Tanturi con Alberto Castillo

Francisco Canaro Letra : Juan Andrés Caruso

Ceux qui fréquentent les milon­gas portègnes ont sans doute été éton­nés de voir la quan­tité de bouteilles de cham­pagne qui peu­plent les tables. Ce breuvage a même des tan­gos à son nom. Toutes les bois­sons ne peu­vent pas en dire autant. La últi­ma copa, le dernier verre, n’est donc pas le dernier pour tout le monde. Voyons ce que nous con­te ce tan­go.

Il y a champagne et champagne

L’Argentine est un grand pays de viti­cul­ture et de vin. Elle pro­pose des vins somptueux, curieuse­ment presque tous nom­més du nom du raisin qui les com­posent. On va pren­dre un Mer­lot, un Caber­net, une Syrah, un Chardon­nay…
Le cham­pagne que l’on trou­ve sur les tables des milon­gas n’a de cham­pagne que le nom, tout comme le Roque­fort. Il est pro­duit sur place, notam­ment à Men­doza et en Patag­o­nie.
Pro­gres­sive­ment, sous la pres­sion des vitic­ul­teurs français, le nom change pour laiss­er appa­raître « méth­ode cham­p­enoise » ou autre indi­ca­tion lais­sant penser que c’est du Cham­pagne, sans le dire vrai­ment. J’imagine que les vitic­ul­teurs français de Cham­pagne ne tien­nent pas en grande estime ces vins, bien que cer­tains se vendent en Argen­tine bien plus cher que les « vrais » cham­pagnes de super­marché français. Cepen­dant, dans les milon­gas, c’est bien un mousseux stan­dard qui vous sera servi comme cham­pagne.
Revenons à notre últi­ma copa. Je vous pro­pose de l’écouter… dans une ving­taine de ver­sions…

Extrait musical

La últi­ma copa 1943-04-29 — Orques­ta Ricar­do Tan­turi con Alber­to Castil­lo.

C’est une ver­sion bien ryth­mée, avec une accen­tu­a­tion forte des temps. Tan­turi est con­sid­éré comme un orchestre facile à danser. Pour cette rai­son, on le ren­con­tre sou­vent dans les encuen­tros. Ici, c’est la voix de Castil­lo qui déclame les paroles, tout au moins les deux pre­miers cou­plets et deux fois le refrain. Le chant com­mence à 1 minute, après la présen­ta­tion par les ban­donéons et les vio­lons du thème, le vio­lon tra­vail­lant surtout en ponc­tu­a­tion. À 2 : 05 Castil­lo laisse la place à l’orchestre, puis reprend le refrain pour ter­min­er, juste avant les deux tra­di­tion­nels accords de Tan­turi (accord sur dom­i­nante, temps de silence, accord sur tonique, tardif).

Les paroles

Eche, ami­go, nomás, écheme y llene
Has­ta el bor­de la copa de cham­pagne
Que esta noche de far­ra y de ale­gría
El dolor que hay en mi alma quiero ahog­ar

Es la últi­ma far­ra de mi vida
De mi vida, mucha­chos, que se va
Mejor dicho, se ha ido tras de aque­l­la
Que no supo mi amor nun­ca apre­ciar

Yo la quise, mucha­chos y la quiero
Y jamás yo la podré olvi­dar
Yo me embor­ra­cho por ella
¿Y ella, quién sabe qué hará?

Eche, mozo, más cham­pagne
Que todo mi dolor bebi­en­do lo he de ahog­ar
Y si la ven, ami­gos, dígan­le
Que ha sido por su amor que mi vida ya se fue

Y brindemos, nomás, la últi­ma copa
Que, tal vez, tam­bién ella aho­ra estará
Ofre­cien­do en algún brindis su boca
Y otra boca, feliz, la besará

Eche ami­go, nomás, écheme y llene
Has­ta el bor­de la copa de cham­pagne
Que mi vida se ha ido tras de aque­l­la
Que no supo mi amor nun­ca apre­ciar

Yo la quise, mucha­chos, y la quiero
Y jamás yo la podré olvi­dar
Yo me embor­ra­cho por ella
¿Y ella, quién sabe qué hará?

Eche, mozo, más cham­pagne
Que todo mi dolor bebi­en­do lo he de ahog­ar
Y si la ven, ami­gos, dígan­le
Que ha sido por su amor que mi vida ya se fue

Fran­cis­co Canaro Letra: Juan Andrés Caru­so

Castil­lo chante ce qui est en gras.

Traduction libre

Verse, mon ami, sans façon, verse et rem­plis à ras bord la coupe de cham­pagne, car en cette nuit de réjouis­sances et de joie, je veux noy­er la douleur qui est dans mon âme.
C’est la dernière fête de ma vie, de ma vie, les gars, qui s’en va… Ou plutôt, elle est par­tie avec celle que mon amour n’a jamais su appréci­er.

Je l’ai aimée, les gars, et je l’aime, et jamais je ne pour­rai l’oublier, je vais m’enivrer pour elle et qui sait ce qu’elle fera.
Verse, mozo (garçon, serveur) plus de cham­pagne, que toute ma peine, en le buvant, je la noierai ; et si vous la voyez, les gars, dites-lui que c’est pour son amour que ma vie s’en est allée.

Et trin­quons sans façon, le dernier verre, que peut-être, elle aus­si, en ce moment, lors d’un toast, elle offrira sa bouche et une autre bouche heureuse l’embrassera.
Verse, mon ami, sans façon, verse et rem­plis à ras bord la coupe de cham­pagne, car ma vie s’en est allée après celle que mon amour n’a jamais su appréci­er.

Pour ceux qui dis­ent que le tan­go racon­te des his­toires de cocus, ce texte, triste, il est vrai, par­le plutôt d’un repen­tir, repen­tir de ne pas avoir porté d’intérêt à une femme qui l’aimait, jusqu’à ce qu’il soit trop tard. En par­al­lèle de la détresse « théâ­trale » du con­teur, il y a eu aupar­a­vant la tristesse de la femme nég­ligée.
Le cham­pagne est le témoin de l’amitié, de la fête, mais aus­si de la tristesse. C’est un com­pagnon sup­plé­men­taire qui a arrosé les tangueros depuis plus d’un siè­cle, depuis, pour le moins, que le tan­go s’est énivré du breuvage français dans les étab­lisse­ments parisiens au début du vingtième siè­cle.
Canaro est le com­pos­i­teur de la musique. Caru­so et Canaro furent amis, lorsque Caru­so fut de retour d’exil, vers 1910. Caru­so a eu une vie plutôt triste et courte (mort à 40 ans). Il a écrit ce joli texte, plein d’émotion, tout comme Mi noche triste et plus de 80 autres thèmes dont beau­coup ont été joués par Canaro.

Les versions

Canaro a été le pre­mier à avoir enreg­istré le titre et il l’a fait à de nom­breuses repris­es. C’est lui qui com­mence la liste des ver­sions.

La últi­ma copa 1926 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro.

La plus anci­enne ver­sion enreg­istrée, par Canaro, sans les paroles de son ami Caru­so. Le son est médiocre, aus­si vous n’entendrez pas ce titre en milon­ga. Mais ras­surez-vous, Canaro a mis le paquet et vous avez d’autres ver­sions de son cru… Je pense que l’enregistrement est plutôt de 1925, voire antérieur.

La últi­ma copa 1927-03-23 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Agustín Irus­ta.

Irus­ta, l’année suiv­ante chante les paroles de Caru­so. C’est la pre­mière ver­sion chan­tée et l’enregistrement élec­trique rend le titre plus agréable à écouter.

La últi­ma copa 1927-06-14 — Car­los Gardel con acomp. de Guiller­mo Bar­bi­eri, José Ricar­do (gui­tar­ras).

Une ver­sion en chan­son. On la com­par­era avec celle d’Héctor Mau­ré de 1954.

La últi­ma copa 1931-04-22 — Ada Fal­cón con acomp. de Fran­cis­co Canaro.

Canaro nous offre avec sa chérie, une ver­sion chan­son du thème.

La últi­ma copa 1931-05-13 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Char­lo.

Une ver­sion de danse, chan­tée par Char­lo, chanteur de estri­bil­lo.

La últi­ma copa 1943-04-29 — Orques­ta Ricar­do Tan­turi con Alber­to Castil­lo. C’est le tan­go du jour.
La últi­ma copa 1948-01-15 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Alber­to Are­nas.

Une très belle ver­sion, mais pas for­cé­ment par­faite pour la danse. Les danseurs pour­raient toute­fois par­don­ner cela au DJ, car elle est superbe.

La últi­ma copa 1948 — Orques­ta Luis Rafael Caru­so con Julio Sosa. Valse.

Une ver­sion orig­i­nale en valse. Sosa avait gag­né un prix en Uruguay qui con­sis­tait à enreg­istr­er des dis­ques. Le son n’est pas par­fait, mais cette ver­sion orig­i­nale mérite l’écoute, voire la danse.

La últi­ma copa 1953-10-06 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Alber­to Morán.

Comme sou­vent, la ren­con­tre Pugliese et Morán, donne un tan­go un peu déli­cat à danser. Cer­tains appré­cient la voix, il en faut pour tous les goûts.

La últi­ma copa 1954 — Héc­tor Mau­ré con acomp. de gui­tar­ras.

Mau­ré reprend la tra­di­tion gardéli­enne. Le résul­tat est à com­par­er avec celui de son mod­èle.

La últi­ma copa 1956-09-25 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Guiller­mo Rico (Coral).

Une ver­sion dans­able avec en prime la voix de Coral, sans doute assez rare dans les milon­gas.

La últi­ma copa 1957-05-20 — Dal­va de Oliveira con acomp. de Fran­cis­co Canaro.

Avec ce sep­tième enreg­istrement, Canaro a fait le tour. Ici une ver­sion à écouter par Dal­va de Oliveira, à com­par­er avec celle d’Ada Fal­cón enreg­istrée 26 ans plus tôt.

La últi­ma copa 1958-04-17 — Orques­ta Alfre­do De Ange­lis con Juan Car­los Godoy.

Un De Ange­lis et Godoy clas­sique. Bien dans­able, enreg­istré par l’orchestre des cale­si­tas.

La últi­ma copa 1965 — Orques­ta Miguel Caló con Raúl del Mar y glosas de Héc­tor Gagliar­di.

Une ver­sion sans doute plus pour l’écoute que pour la danse, mais intéres­sante

La últi­ma copa 1966-03-11 — Orques­ta Florindo Sas­sone con Mario Bus­tos.

L’orchestre sert bien la voix de Bus­tos. Je ne pro­poserai pas pour la danse, mais c’est intéres­sant.

La últi­ma copa 1968-10-18 — Sex­te­to Tan­go con Jorge Maciel.

Le Sex­te­to Tan­go héri­ti­er de Pugliese donne sa ver­sion sans renier son mod­èle. Voir N… N…. Une ver­sion pour l’écoute avec une belle intro, une car­ac­téris­tique de cet orchestre.

La últi­ma copa 1974 — Orques­ta Florindo Sas­sone con Oscar Macri.

Une voix de ténor bien dif­férente de celle de Mario Bus­tos. Je pense cette ver­sion moins intéres­sante que la précé­dente de Sas­sone.

La últi­ma copa 1987 — Los Solis­tas de D’Arienzo dir. par Car­los Laz­zari con Wal­ter Gutiér­rez.

Sou­vent présen­té comme étant un enreg­istrement de D’Arienzo, c’est en fait un enreg­istrement réal­isé par ses solistes dirigés par Laz­zari, qui était un de ses ban­donéon­istes et arrangeur, 11 après la mort du chef his­torique. Une ver­sion tonique, mais plus dans le style chan­son que tan­go chan­té. Cepen­dant, elle est dans­able, même si ce titre ne porte vrai­ment l’improvisation.

La últi­ma copa 2003 — Orques­ta Man­cifes­ta con Miguel Ángel Her­rera.

Cet orchestre a com­mencé sa car­rière à la fin de la vague Tan­go (1953). On lui doit cepen­dant des enreg­istrements intéres­sants, comme celui-ci. Le disque est de 2003, l’enregistrement peut être antérieur. Cet orchestre, rarement passé en milon­ga, mérit­erait d’être plus enten­du, même s’il n’est pas à la hau­teur des plus grands orchestres. N’oublions pas que cer­tains danseurs aiment être sur­pris par des ver­sions incon­nues.

Alma mía 1940-02-15 (Valse) — Orquesta Carlos Di Sarli con Roberto Rufino

Diego J. Centeno Letra: Héctor Marcó

Alma mía, ¿con quién soñás?
He venido a tur­bar tu paz. […]
Abre niña tu ven­tanal
que con rayos de luna risueña
la noche porteña te quiere besar.

Clin d’oeil, j’ai util­isé la sil­hou­ette de Gardel pour le chanteur der­rière les volets.

Le tan­go du jour est une superbe valse, Alma mía qui témoigne des pre­miers enreg­istrements de l’orchestre de Car­los Di Sar­li qui aupar­a­vant avait seule­ment gravé des titres avec son Sex­te­to.
On retrou­ve dès les pre­miers enreg­istrements la sub­til­ité har­monique au ser­vice d’une cadence rigoureuse qui fera sa gloire. Pour être juste, on trou­vait déjà dans les derniers enreg­istrements du sex­te­to, quelques élé­ments de cette har­monie, mais qui étaient étouf­fés par une ryth­mique un peu pesante, héri­tière du canyengue.
Pour se ren­dre compte de la qual­ité de la musique de Di Sar­li sur des tan­gos, on pour­ra écouter La tril­la, enreg­istrée le même jour qu’Alma mía, ou son pre­mier enreg­istrement avec Rufi­no, le 11 décem­bre 1939, Corazón.
Ceux qui me con­nais­sent, savent que j’adore les valses, mais si je l’ai préférée à La tril­la, enreg­istrée le même jour et qui aurait donc par­faite­ment con­venu comme tan­go du jour, c’est que je suis retourné et j’ai tou­jours envie de chanter à tue-tête en même temps que Rufi­no « Aaaal­maaaaa míííííííaaaaaa, ¿ con quién soñás ? » (Mon âme, à qui rêves-tu ?).
C’est égale­ment une superbe déc­la­ra­tion d’amour, à la Cyra­no de Berg­er­ac, il y a même le bal­con.
J’arrête de me jus­ti­fi­er, cette valse est une mer­veille absolue et si Rufi­no est moins sou­vent choisi par cer­tains col­lègues DJ que Jorge Durán ou Alber­to Podestá, voire Car­los Acuña ou Oscar Ser­pa, c’est à mon sens très dom­mage. Il y a quelques jours, une organ­isatrice de Buenos Aires m’a remer­cié d’avoir passé une tan­da avec Rober­to Rufi­no.

Extrait musical

Alma mía 1940-02–15 (Valse) — Car­los Di Sar­li con Rober­to Rufi­no

L’archive sonore présen­tée ici, l’est à titre d’ex­em­ple didac­tique. La qual­ité sonore est réduite à cause de la plate­forme de dif­fu­sion qui n’ac­cepte pas les fichiers que j’u­tilise en milon­ga et qui sont env­i­ron 50 fois plus gros et de bien meilleure qual­ité. Je pense toute­fois que cet extrait vous per­me­t­tra de décou­vrir le titre en atten­dant que vous le trou­viez dans une qual­ité audio­phile.

Paroles

Alma mía, ¿con quién soñás?
He venido a tur­bar tu paz.
No me culpes, soy un can­tor
que ha queri­do mezclar a tu sueño
un ver­so porteño bor­ra­cho de amor.

Si despier­tas, no maldigas
llego aquí porque te adoro,
porque sufro, porque imploro,
porque quiero que me digas,
si es ver­dad que cuan­do sueñas
me acari­cian tus amores.
Mari­posa, tus col­ores
me han roba­do el corazón.

Deja el lecho cán­di­da flor
que en tu reja ron­da el amor.
Abre niña tu ven­tanal
que con rayos de luna risueña
la noche porteña te quiere besar.

Duerme el ave, allá en su nido,
solo ron­do yo en la cal­ma
por saber si tienes alma,
oh mujer, que me has ven­ci­do.
Despier­ta si estás dormi­da
que por ti, mi dulce dueña,
mien­tras Buenos Aires sueña,
yo ago­ni­zo en tu bal­cón.

Diego J. Cen­teno Letra: Héc­tor Mar­có

Traduction des paroles

Mon âme, à qui rêves-tu ?
Je suis venu trou­bler ta tran­quil­lité.
Ne m’accuse pas, je suis un chanteur qui a voulu mélanger à ton rêve un vers porteño, ivre d’amour.
Si tu te réveilles, ne me maud­is pas, je viens ici parce que je t’adore, parce que je souf­fre, parce que j’im­plore, parce que je veux que tu me le dis­es, si c’est vrai que, quand tu rêves, tes amours me caressent.
Papil­lon, tes couleurs m’ont volé le cœur.
Sors du lit, fleur can­dide, car l’amour hante ta clô­ture.
Ouvre ta fenêtre, jeune femme, qu’avec les rayons d’une lune rieuse, la nuit portègne veut t’embrasser.
L’oiseau dort, là, dans son nid.
Seul, je me promène dans le calme pour savoir si tu as une âme,
ô femme, qui m’a vain­cu.
Réveille-toi si tu dors, car, pour toi, ma douce maîtresse, pen­dant que Buenos Aires rêve, j’ag­o­nise à ton bal­con.

Autres enregistrements

Curieuse­ment, cette mag­nifique valse a été peu enreg­istrée. Il faut dire qu’il est dif­fi­cile de sur­pass­er la ver­sion de Di Sar­li et Rufi­no. Les quelques exem­ples que je cite ici le prou­vent.

  • 1936-07-15 Agustín Mag­a­l­di accom­pa­g­né de gui­tares. Hon­nête­ment, cette ver­sion est un peu criée et pas très intéres­sante. Ce qu’en a fait 4 ans plus tard Di Sar­li est heureux pour cette valse.
  • 1969-10-21 Le Sex­te­to Tan­go avec Jorge Maciel. Absol­u­ment pas pour la danse et pour ceux qui sup­por­t­ent Maciel dans ses moins bons moments.
  • 1996 Enzo Valenti­no pro­pose une ver­sion maniérée guère plus intéres­sante que la ver­sion de Maciel. Pas de risque que je pro­pose cela en milon­ga.

Sous le même titre, on trou­ve un tan­go com­posé par San­do Panizzi. Il est inter­prété par Marek Weber et son orchestre. Cet orchestre alle­mand est attachant, il témoigne de la folie du tan­go dans les années 20 et 30 en Europe. Son inter­pré­ta­tion n’est pas si vilaine mal­gré ses airs mil­i­taires et ses flon­flons de tromblons.
J’ai men­tion­né ci-dessus La tril­la, un tan­go écrit par Eduar­do Aro­las avec des paroles d’Héctor Poli­to. Rien à voir avec Alma mía, si ce n’est que ce tan­go a été enreg­istré par les mêmes, le même jour, le 15 févri­er 1940.

Le chanteur s’in­ter­roge sur le rêve de sa bien-aimée. Peut-être que cette image représente le rêve des deux, quand elle aura ouvert ses volets pour accueil­lir la lune et l’amour. C’est mon inter­pré­ta­tion…