Bien sûr, il n’est pas question de mettre au pilori ce cher Canaro, même si celui-ci avait, sans doute, de petits travers, comme chacun d’entre nous. Parmi les petits points à signaler, j’ai choisi de vous parler aujourd’hui d’une « affaire » l’opposant à un compositeur de la génération précédente. Une affaire de plagiat, mais qui n’est sans doute pas si rare en musique, comme nous allons le voir…
Le plagiat pratiqué par les musiciens
Vous avez certainement entendu parler de My Sweet Lord, le premier gros succès de George Harrison après la séparation des Beatles. C’est le second titre de la face A du premier disque du triple album All Things Must Pass de 1970.
Lors de sa carrière avec les Beatles, Harrison avait composé de nombreux titres et relativement peu avaient été enregistrés par le groupe. Pour lui, cet album était un peu un exutoire pour faire valoir sa production.
My Sweet Lord est un titre en l’honneur du dieu indou, Krishna (comme on peut l’entendre en fin du titre où le chœur chante en boucle « Hare Krishna »). Il a remporté un grand succès et c’est sans doute le titre le plus apprécié de l’album. Cependant, une ombre entache ce succès, un titre composé par Ronnie Mack (Ronald Augustus Mack) et enregistré 7 ans plus tôt, en 1963, par les sympathiques « The Chiffons », « He’s So Fine ». Je vous laisse écouter ces deux titres par ordre chronologique :
He’s So Fine 1963 — The ChiffonsMy Sweet Lord 1970 – George Harrison
Mack est mort en 1963, il est facile de deviner qui a copié sur qui…
J’ai pris cet exemple hors de la sphère tango, mais, bien sûr, les cas de plagiat y sont également nombreux. Nous en avons déjà parlé, notamment dans l’anecdote sur « Comme il faut » en relevant ses airs de « Comparsa criolla ».
Un des tangos les plus célèbres, Por una cabeza, que Gardel a écrit pour son dernier film, Tango bar, tourné en février 1935, est un des cas de plagiat les plus surprenants. Tout d’abord, écoutons Gardel chanter ce titre dans le film.
Tango Bar (tourné en février 1935) est le dernier film avec Carlos Gardel sous la direction de John Reinhard
Avez-vous reconnu l’auteur de la musique ? Non, ce n’est pas Gardel.
Si on regarde comment est déclaré l’œuvre à la SADAIC, on se rend compte que l’auteur des paroles est Alfredo Le Pera et que Carlos Gardel est indiqué comme compositeur. Cependant, cette inscription date du 22 mars 1946. Est-ce qu’il pourrait s’agir d’une erreur de transcription, 11 ans après la mort de Gardel ?
Les disques, que ce soit de l’époque de la Victor ou les rééditions Odéon, indiquent Gardel.
Il ne semble pas que ce soit une erreur, car les disques indiquent aussi Gardel.
Alors, pourquoi est-ce que je remets en cause la paternité de Carlos Gardel comme compositeur de Por una cabeza ?
Suivons la piste avec un petit témoignage de Terig Tucci que vous pouvez lire en entier sur Todo Tango. Je vous résume juste la chose. Gardel téléphone à trois heures du matin à Tucci pour lui dire qu’il a une musique géniale pour « Por una cabeza » et il lui chante.
Tucci mal réveillé lui répond qu’il n’aime pas et Gardel le traite de Beethoven et l’invite à ne pas se mêler d’affaire de turf (matungo = cheval, pas forcément excellent). On sait que Beethoven était sourd, ce qui prouve l’humour de Gardel, mais cela donne aussi un indice sur sa connaissance de la musique classique.
C’est, en effet, de ce côté, qu’il faut chercher le véritable compositeur. Je vous invite à écouter ceci…
C’est un extrait d’une musique. Ce court passage commence à 3:17 de l’œuvre enregistrée. Je pense que les 10 premières secondes vous seront familières.La partie qui ressemble au titre chanté par Gardel représente seulement 6 mesures, jouées au violon. 6 mesures, soit une dizaine de secondes d’une œuvre qui, dans cette version, dure 5 minutes.
Je pense que la ressemblance est évidente. Mais, faut-il blâmer Gardel d’avoir copié 6 mesures d’un œuvre qui dure 5 minutes dans sa version originale ? C’est tout au plus une brève citation et il est peu probable qu’on puisse l’attaquer pour contrefaçon.
Peut-on laisser le bénéfice du doute à Carlos ? En effet, nous avons tous des petits bouts d’air qui nous trottent dans la tête et, parfois, on ne se sait pas d’où cela vient. Je me rappelle que, quand j’avais 6 ou 7 ans, je jouais, comme beaucoup d’apprentis pianistes, Für Elise de Ludwig Van Beethoven. Un démon me poussait à jouer à la fin de ce titre, une petite ritournelle que je pensais de mon idée, jusqu’à ce que je me rende compte que c’était en fait le début de l’“Agnus Dei” de la Misa criolla d’Ariel Ramirez. À ma décharge, il faut rappeler que la “Missa Criolla” a été mon premier disque 33 tours.
“Days of Pearly Spencer” de David McWilliams ayant été mon premier 45 tours… J’avais été charmé par la voix enregistrée depuis une cabine téléphonique, une idée géniale de McWilliams (en 1967), bien avant la vogue des vocodeurs et autotunes…
On dirait que je me suis égaré. Je reviens donc à notre petit extrait de musique classique. Il s’agit du Rondo en Do majeur Köchel 373 pour violon et orchestre, composé par Wolfgang Amadeus Mozart en avril 1781, comme vous pouvez le lire dans la notice de Michael Jameson.
Rondo en Do majeur Köchel 373 pour violon et orchestre — Arthur Grumiaux, violon accompagné par le New Philharmonia Orchestra dirigé par Raymond Leppard en avril 1967.
Je me rapproche doucement du sujet de mon anecdote du jour, Francisco Canaro…
Canaro, plagiaire et pionnier des droits d’auteur
Les futurs fondateurs de la SADAIC prise lors de la création du “Círculo de Autores y Compositores de Música” le premier août 1930. Assis, de gauche à droite : Ciriaco Ortiz, César Vedani, Osvaldo Fresedo, Francisco Canaro, qui deviendra le président de la SADAIC, Juan Francisco Noli, Homero Manzi, Enrique Santos Discépolo et José Pécora. Debout, de gauche à droite : Francisco García Jiménez, José María Contursi et Mario Bénard. J’ai signalé les compositeurs en gras, les auteurs par un soulignement et par les deux mises en valeur, ceux qui étaient à la fois compositeur et auteur, comme Canaro.
On voit sur cette photographie, Canaro en bout de table, en place d’honneur. D’ailleurs, quelques années plus tard, il sera le président de la SADAIC (Sociedad Argentina de Autores y Compositores de Música), ce qui prouve son engagement en tant que défenseur des droits d’auteurs des compositeurs et auteurs de musiques.
On pourrait donc attendre d’un tel homme, un respect total des droits des autres auteurs. Hélas, il semblerait que ce ne soit pas totalement le cas. J’en veux pour preuve une petite affaire que je vous propose maintenant.
Les pièces du dossier
J’ai choisi de ne pas écrire « les pièces du procès », car le plagiat est une pratique très commune en musique et on ne peut pas en vouloir à ces compositeurs qui nous ont donné tant de merveilles.
Je vous invite à écouter une musique de 1913, Golondrinas uruguayas, chantée par Arturo Nava s’accompagnant à la guitare. Nava est un payador uruguayo. Canaro, lui-même Uruguayen, pouvait bien le connaître, d’autant plus que Nava est mort à Buenos Aires en 1932.
Golondrinas uruguayas 1913 — Arturo Nava com acomp. de guitarras Malgré le mauvais état du disque, n’oubliez pas qu’il est de 1913, on entend bien la guitare et la voix de Nava, ce qui rend la mélodie parfaitement repérable.
Écoutons maintenant un tango de Canaro chanté par Charlo, Lo que nunca te dirán.
Lo que nunca te dirán 1931-08-13 — Charlo con acomp. de Francisco Canaro
La similitude est frappante, non ? Comme pour Gardel, faut-il trouver des circonstances atténuantes à Canaro ? Sans doute.
Tout d’abord, au début du XXe siècle, tous les musiciens ne lisaient et n’écrivaient pas la musique. Ils faisaient parfois appel à des copistes pour publier leurs créations. D’autres se contentaient de les chanter, sans se soucier de les immortaliser sur papier ou shellac (gomme laque des disques 78 tours). Ainsi, lâchées au vent, ces créations pouvaient atterrir dans l’oreille d’un auteur en quête d’inspiration.
La plupart des prestations chantées n’étaient pas enregistrées.
Il y avait en général assez peu d’occasions d’écouter des titres en dehors des lieux où intervenait le payador. Signalons toutefois le rôle important de la radio, sans doute plus que le disque, pour la diffusion de la musique, l’Argentine ayant été pionnière dans la diffusion de ce média, depuis 1920.
Une déclaration tardive à la SADAIC
L’œuvre n’a été déclarée à la SADAIC que le 29 novembre 1963 (donc plus de 30 ans après le premier enregistrement par Canaro) comme étant parole et musique de Francisco Canaro. Ces retards sont fréquents, mais peut-être que Canaro a hésité à s’attribuer tout le mérite, même s’il aurait pu le faire sans trop de risques. Nava est mort, comme nous l’avons vu, en 1932, et la SADAIC a été créée le 9 juin 1936. Canaro, en étant le président à diverses reprises de cet organisme, il aurait pu assez facilement faire établir la fiche à son nom, comme il le fit bien plus tard, en 1963.
Faut-il voir le signe d’une culpabilité ? Ce n’est pas certain, ces retards sont extrêmement fréquents. Mais un petit entrefilet dans un journal laisse apparaître que le conflit entre Nava et Canaro a été intense.
Un peu de gêne (honte), Monsieur Canaro. Libelle signalé par Jose Manuel Araque qui m’a également envoyé la page dont est extrait le texte. El diario de Buenos Aires para toda la República du dimanche 13 septembre 1931. Jose Manuel est également coauteur avec Mark John et Camilo Gatica du site http://www.guardiavieja.org/ qui est par ailleurs une mine sur Osvaldo Fresedo, mais pas que…
Traduction du libelle
Un peu de gêne, Monsieur Canaro
Tout Buenos Aires se souvient du fameux procès que Jenaro Vasquez fit au millionnaire, Francisco Canaro, pour le vol de son tango « La carterita », que Canaro a signé comme sien en lui donnant le titre « Cara sucia » et avec lequel il a amassé beaucoup d’argent.
Aujourd’hui, un autre musicien populaire, plus pauvre et plus vieux que celui-ci, le payador, Arturo Nava, dont la vie est presque toute la vie de la milonga argentine, a présenté une demande à Monsieur Canaro, l’accusant de s’être intégralement approprié sa valse « Las golondrinas », pour composer le tango « Lo que nunca te diran ».
Le pauvre Vasquez avait perdu le procès, car il n’avait pas enregistré son tango et que Canaro, si, bien que tous connaissaient les deux tangos et les deux hommes et savaient bien qui était le « voleur ».
Aujourd’hui, les choses sont différentes. Le vieux Nava (Nava a 55 ans à l’époque et Canaro 43, faut-il vraiment parler de « vieux »), en novembre 1929, a enregistré sa valse qu’il avait composée 20 ans auparavant, et sa propriété artistique est protégée avec le numéro 48465 (Série 2A.).
Il est douloureux que le seul élément qui ait gagné de l’argent avec les tangos, bien qu’il soit celui qui avait le moins de conditions artistiques, soit celui qui essaie par tous les moyens de confisquer le moindre centime aux vieux compositeurs, qui sont ceux qui ont le plus de mal à affronter la vie aujourd’hui.
C’est bien que M. Canaro fasse croire aux auditeurs qu’il dirige des orchestres symphoniques, mais il n’y a pas de droit à ce qu’il vole, étant millionnaire, à des gens qui, comme le vieux Nava, méritent, au moins, le respect.
Le moins que l’on puisse dire, est que le ton du libelle est vindicatif, voire agressif. Il aurait été publié en 1931, probablement à la suite des trois enregistrements réalisés par Canaro, le 1er juillet avec Charlo comme chanteur de estribillo, le 8 juillet avec Ada Falcón, puis le 13 août avec Charlo. Ces deux derniers enregistrements sont des chansons accompagnées par l’orchestre de Canaro.
Nava s’est donc lancé dans un procès pour faire valoir sa paternité de la musique.
Quoi qu’il en soit, l’œuvre continue d’être attribuée sur les disques et à la SADAIC comme étant de Francisco Canaro. Peut-être que la mort précoce de Nava l’année suivante a éteint l’affaire.
On en reste-là ?
Je vous laisse prendre parti. Canaro, dans ses mémoires, ne parle pas de l’incident. Il se contente de citer Lo que nunca te dirán comme édité par Pirovano dans la liste de ses compositions.
L’enregistrement de Golondrinas uruguayas est bien antérieur à ceux de Canaro, même s’il y a des petites fluctuations sur la date 1909 ou 1913, 1909 étant sans doute plutôt la date de la composition. Nava a composé d’autres titres, comme la Carcajada del negro Juan (1902) ou, avec Ángel Gregorio Villoldo, El negro alegre et El Gallego y el Genovéz.
Mais, en réalité, c’est assez difficile à dire. En effet, ses disques de l’époque ne comportent pas le nom du compositeur. Bien sûr, les payadores étaient réputés pour créer les paroles en direct, en fonction des circonstances, mais il n’est pas totalement certain que les musiques soient de la même veine. En effet, même si la musique n’a pas été écrite, il est difficile de faire la part entre l’inspiration du moment et les emprunts, plus ou moins inconscient à des collègues.
Disque de Golondrinas uruguyas de Arturo Nava. Il ne figure aucune mention des auteurs. On notera que sur le disque, il est écrit Navas et pas Nava. C’est peut-être que le nom complet est Arturo B. De Nava Sosa. Le S de Sosa s’est invité à la fin de son premier patronyme.
Comme on peut le voir sur le disque de Golondrinas, il n’y a aucune mention d’auteur. On note que les brevets mentionnés vont jusqu’au 30 novembre 2009. Cet enregistrement est généralement daté de 1913. Cela reste donc à vérifier, car pour le disque le plus récent enregistré par la Columbia (Milonga de un gringo, Columbia No. T200, matrice 55362, il n’est plus fait mention des brevets et ce disque est considéré comme étant de 1909). Cela ne change pas grand-chose. 1909, comme le dit Nava pour la création ou 1913, comme l’indiquent certaines sources, c’est bien avant les enregistrements de Canaro.
Disques de Arturo Nava, notamment chez Victor et Columbia.
Un plagiat peut en cacher un autre
Reste que, pour être complet, Marcelo Castelo rappelle que Tu diagnóstico de José Betinotti utilise le même air… Betinotti l’aurait enregistré en 1913. On se retrouve donc avec une nouvelle inspiration commune. Betinotti a‑t-il copié, voire plagié Nava ? Est-ce le contraire ? Son titre a été enregistré à la SADAIC le premier février 1937, donc bien après les faits.
Tu diagnostico, partitions de José Betinotti (Bettinotti). On notera la présence de Gardel sur celle de droite. Celui-ci l’ayant enregistré en forme de valse en 1922 et 1933. On y reconnait d’ailleurs plus les paroles que l’air…
Betinotti, comme Nava était payador, c’est-à-dire qu’il était habile à improviser des textes sur des musiques. J’imagine donc que ces créations sur le vif finissent par se mélanger et à la fin, on ne sait plus très bien qui a fait quoi. Certains ont profité de ce flou pour signer des œuvres, notamment durant cette période. Canaro, toujours à l’affut d’une bonne affaire, étant certainement un de ceux-là.
Le fait que la pratique soit courante ne minimise pas forcément les faits, mais il convient de les examiner avec les yeux (ou les oreilles) de l’époque, celles des dernières années du dix-neuvième siècle et des premières du vingtième.
Curieusement, c’est l’initiative de Canaro et ses collègues menant à la création de la SADAIC, qui va renforcer le respect des droits d’auteur et, désormais, le plagiat donne lieu, de façon encore plus systématique à procès. Celui de Nava contre Canaro était sans doute un des premiers du genre.
Le pauvre Nava est décédé l’année d’après, le 22 octobre 1932.
Et si on terminait en musique
Je vous propose maintenant d’écouter tous les titres, de la version de Nava aux quatre de Canaro en passant par celle de Betinotti.
Golondrinas uruguayas 1909 ou 1913 — Arturo Nava com acomp. de guitarra.Tu diagnóstico 1913 — José Betinotti com acomp. de guitarra.Lo que nunca te dirán 1931-07-01 — Orquesta Francisco Canaro con Charlo.
On remarque que l’air est frappé d’une rythmique très appuyée, à la limite du canyengue. Charlo ne chante que le refrain. Cette version est donc destinée à la danse.
Lo que nunca te dirán 1931-07-08 — Ada Falcón con acomp. de Francisco Canaro.
L’introduction sert à annoncer la prestation d’Ada, qui chante toute la chanson. C’est une version à écouter, c’est Ada qui donne l’atmosphère. Le rythme est plus discret pour laisser toute la place à la voix de la compagne illégitime de Canaro.
Lo que nunca te dirán 1931-08-13 — Charlo con acomp. de Francisco Canaro.
Comme pour la version d’Ada, l’introduction lance le chant. On pourra constater que l’enregistrement par les deux mêmes, à un mois d’intervalle, n’a rien à voir. Cela permet de comprendre la distinction entre tango à écouter et tango à danser.
Lo que nunca te dirán 1950-05-05 — Orquesta Francisco Canaro con Mario Alonso.
Dans cette version on retrouve une musique plus marquée et également plus rapide et tonique. Alonso n’est pas invité à chanter dès le début, comme il est de coutume dans les versions de danse, même si cette interprétation n’est pas des plus agréables à danser et ne sera probablement jamais proposée en milonga, car trop hésitante entre le tango de danse et d’écoute.
L’air ne sera pas repris par les orchestres de tango dans la lignée de Nava, mais en revanche, les groupes de folklore continuent de faire vivre la version de Betinotti. Voici par exemple une version de Los Visconti.
Tu diagnóstico 1999 — Los Visconti
Et, pour terminer, je rajoute la superbe version de la valse Tu diagnostico de Troilo avec Fiorentino. Elle est attribuée à Betinotti, comme celles de Los Visconti, mais on est dans un autre univers, dans un rêve total. Mon diagnostic tombe, c’est Troilo que je préfère…
Tu diagnóstico 1941-10-09 — Orquesta Aníbal Troilo con Francisco Fiorentino.
Quand on s’appelle DJ Bernardo, on est forcément ami d’un collègue qui s’appelle DJ Don Diego. Cet ami, Emmanuel Vega, vient de me dédicacer son livre, Dessine-moi… ¡Dibújame… un tango!
Vous qui êtes lecteurs de mes anecdotes, pourriez bien apprécier son œuvre, qui, tout comme je le fais, traite de points de tango. Emmanuel est l’auteur des textes et des illustrations, un travail qui pourrait vous laisser, comme, moi, muet d’admiration.
Don Diego présentant son livre à BernardoLe livre a changé de main, merci, Emmanuel !Une des doubles pages du livre. Texte en espagnol et français, les belles illustrations et pour certains thèmes, la possibilité d’écouter la musique correspondante.
Le courriel pour communiquer avec l’auteur : dondiegodela (AT) orange.fr.
Et pour terminer, la gentille dédicace…
La dédicace signée à la fin de ma prestation de 12 heures lors du festival Énimie Tango.
Voilà, chers amis, vous avez une autre source d’information sur notre cher tango. Une petite suggestion pour l’auteur, peut-être un petit texte sur Zorro gris…
Zorro gris 1927-07-16 — Orquesta Francisco Lomuto. Un enregistrement agréable, avec les appuis du canyengue atténués par une orchestration plus douce et des fioritures. Il y a également des nuances et les réponses entre instruments sont contrastées.
Si vous voulez en savoir plus sur Zorro, vous pouvez consulter mes anecdotes :
Quand on est habitué à passer d’une installation à l’autre, on sait prévoir la diversité des connectiques qui pourraient être nécessaires. Je dédie cet article à un stagiaire DJ qui, cette semaine, a attiré mon attention sur ce point qui peut être difficile pour les débutants. Vous trouverez en fin d’article une « trousse de base » afin de trouver facilement les éléments évoqués dans cet article.
Préparer sa prestation à l’avance
Quand on nous confie la sonorisation d’une milonga, il est important de s’assurer que l’on aura sur place tout ce dont on aura besoin. C’est notamment le cas pour les déplacements en avion où les bagages sont souvent limités.
Dans ce cas, il convient d’apporter ce qui est nécessaire, sans trop de superflu et donc de savoir ce qui est sur place pour ne pas se retrouver coincé.
Attention, ce n’est pas parce que vous avez envoyé une fiche technique que vous allez avoir ce que vous avez demandé. Trop peu d’organisateurs transmettent au régisseur ou au sonorisateur cette fiche technique alors qu’ils le font toujours pour les orchestres. Il faut reconnaître à leur décharge que, dans le domaine du tango, la plupart des DJ se contentent d’un câble avec un mini-jack à brancher sur leur ordinateur.
Heureusement, d’autres organisateurs sont plus sérieux et prennent réellement en compte les fiches techniques et, avec quelques allers-retours entre l’organisation (si possible, le sonorisateur ou le régisseur) et le DJ, on arrive à vérifier que tout sera OK.
Branchement de l’ordinateur (ou autre) au système de sonorisation
Si vous demandez quelque chose, il faut que ce soit justifié et que vous en ayez réellement besoin. Il vous faut donc acquérir quelques notions pour définir vos besoins.
Jack 3,5 mm
Le système le plus simple et qu’utilisent la majorité des DJ de tango consiste à raccorder l’ordinateur à la console ou aux enceintes amplifiées à l’aide d’un câble muni d’un jack 3,5 mm que l’on branche directement dans la prise casque de l’ordinateur.
On branche un câble muni d’un mini jack (3,5) sur la prise “casque” de l’ordinateur. La liaison avec la console de mixage se fait en analogique, le signal numérique du fichier de l’ordinateur étant converti par le convertisseur (DAC) de l’ordinateur.
Cette liaison présente toutefois trois principaux inconvénients.
Ce connecteur stéréo est sujet aux faux contacts, surtout pour une utilisation intense.
La qualité sonore est celle du convertisseur numérique vers analogique (DAC) inclus dans l’ordinateur, ce dernier étant souvent de qualité moyenne, on risque une perte de qualité par rapport à l’utilisation d’un DAC (carte son) externe.
L’inconvénient majeur à mon sens est que, si on branche la connexion à la sono à la prise casque, on n’a plus de prise pour le casque, ce qui interdit la préécoute.
Les principaux avantages en sont cependant :
Il suffit de brancher le jack 3.5 fourni par l’organisateur pour être prêt. C’est donc un système bien adapté aux débutants.
La grande majorité des organisateurs fournissent ce câble aux DJ de tango. Le DJ peut donc se contenter de venir avec son ordinateur. Il n’aura qu’à le brancher sur le secteur et sur ce jack pour être prêt…
Utilisation d’un DAC (Carte son, placa de sonido)
Comme nous l’avons vu, le branchement sur la prise casque rend impossible la préécoute au casque. Il est donc intéressant de rajouter une sortie à son ordinateur, car ainsi, on peut avoir deux sorties, une vers le casque et l’autre vers le système de sonorisation.
Il existe plusieurs systèmes de connexion, mais le plus courant est une connexion USB. Nous verrons uniquement ce type de connexion dans la mesure où ceux qui utilisent des systèmes professionnels n’ont pas besoin de lire mon article…
Connexion avec un DAC. La liaison A (USB) est numérique et la B (câble audio) est analogique. Certaines consoles disposent d’une entrée numérique, ce qui permet de les utiliser comme DAC. Dans ce cas, la liaison « A » va directement à la console, sans besoin d’un DAC. Le casque peut être utilisé en parallèle. Il suffit de le brancher sur la sortie Jack 3.5 de l’ordinateur.
Les différents types de câbles
Un DJ prudent s’arrange pour avoir de quoi brancher son équipement sur les différents systèmes existants.
Câble avec connecteur Jack 3.5 entre l’ordinateur et la console
Ce câble est généralement fourni par l’organisateur. Il dispose d’un côté du jack 3.5 et de l’autre des connecteurs adaptés à l’équipement de l’organisateur :
La plupart des organisateurs proposent ce type de connecteur aux DJ de tango. On remarque trois points de contact. C’est un jack stéréo qui permet de transmettre les deux voies (gauche et droite de la stéréo).
Nous avons vu que ce câble n’est pas optimal, mais, comme il est souvent fourni par les organisateurs et que, parfois, le système de sonorisation ne permet pas de brancher un autre type de câble (prises de connexion sous clef ou trop éloignées, connecteurs exotiques…), il est intéressant d’avoir un adaptateur jack 3.5 femelle permettant de brancher une carte son sur ce câble.
Si vous utilisez ce type de connexion, considérez que c’est un dépannage et il est préférable de solidariser les deux connecteurs en utilisant un peu de gaffeur.
Les connecteurs des DAC et des consoles
Ces matériels utilisent trois types de connecteurs. Attention, ils sont généralement en double liaison mono. C’est-à-dire qu’il faut un câble pour le canal gauche et un pour le canal droit.
Les connecteurs mâles se branchant sur la console. Celui qui est marqué en blanc ou noir correspond au canal gauche et celui qui est marqué de rouge correspond au canal de droite. Truc mnémotechnique Rouge = RED = Right (Droite en anglais). Il est important de ne pas inverser les canaux gauche et droit, sauf dans quelques cas particuliers. C’est important aussi pour le tango, qui est diffusé en double mono.
Pour les câbles munis de Jacks, il convient d’éviter les câbles stéréo. Ils sont destinés à la stéréo et pour assurer des liaisons symétriques. Les liaisons symétriques permettent d’augmenter la longueur de câble en réduisant les interférences. Pour relier la carte son à la console, comme les distances sont faibles, il n’y a pas besoin de liaison symétrique. Prenez des câbles « mono » qui assureront un meilleur contact puisque le DAC sera en double mono. Un connecteur stéréo pourrait avoir son contact à un emplacement inadéquat, même si, en général, ce n’est pas le cas.
Les connecteurs Jack 3.5
On oublie les connecteurs 3.5, sauf pour des petits DAC de secours qui se glissent facilement dans la pochette de l’ordinateur ou du casque. Ils sont pratiques à relier au fameux câble de base des organisateurs.
Les connecteurs RCA Cinch
Le connecteur RCA (Cinch) est surtout utilisé sur les systèmes « amateur » ou haute-fidélité. Sa connexion n’est pas très fiable, mais ces câbles sont très courants. Quelques cartes sons utilisent ce type de connecteur, comme la Z1 de Native Instruments.
Les DAC disposent de plusieurs types de connecteurs. Jack 6.35 ou 3.5, RCA Cinch, voire pour des matériels haut de gamme XLR.
Les connecteurs Jack 6.35
Presque deux fois plus gros que les jacks 3.5, les jacks 6.35 offrent un meilleur contact. Ils sont rapides à connecter et sont très courants pour les matériels professionnels. C’est le connecteur à privilégier pour le DAC, car il a peu de faux contacts et tient bien.
On fera attention, comme précisé ci-dessus, de bien prendre des jacks mono et pas stéréo ou symétriques.
Préférez le jack mono au jack stéréo (ou symétrique), car il assurera un meilleur contact. Cependant, dans la plupart des cas, un jack stéréo fonctionnera tout de même. Les jacks stéréo sont aussi utilisés pour les liaisons symétriques à grande distance. Ils appartiennent donc plutôt au domaine des sonorisateurs que des DJ qui ont des distances relativement courtes à couvrir et un équipement qui n’utilise pas les liaisons symétriques…
Les connecteurs XLR
Ces connecteurs ont la plupart du temps 3 voies. Sachez cependant qu’il en existe à 4 et 5 voies et que vous ne devez pas vous munir de ces connecteurs que l’on ne trouve pas sur les consoles de mixage.
Connecteurs XLR mâles. Ce sont ceux qui vont se brancher sur les consoles professionnelles, mais aussi sur les boîtiers de direct.
Les câbles XLR peuvent être utilisés en mono, stéréo ou en liaison symétrique.
Où brancher les connecteurs ?
Vous avez les bons connecteurs, ceux pour la sortie de votre DAC à une extrémité des deux câbles et de l’autre, les connecteurs à brancher sur la console de l’organisateur, ou sur ses amplis ou enceintes amplifiées.
Sur cette petite console de mixage, on trouve des connecteurs XLR et des connecteurs combo, XLR + Jack 6.35.
Vos câbles se terminent par des fiches mâles. Il vous faut donc trouver, sur la console, des prises femelles. Sur un matériel professionnel, vous aurez des connecteurs XLR et/ou Jack. Vous remarquerez, sur la photographie précédente, que sur la première ligne (prises 1 à 4), la prise XLR a un gros trou central. C’est qu’elle autorise, soit une prise XLR, soit une prise Jack 6.35.
Sur de nombreuses consoles, vous avez aussi des prises RCA. En général, c’est pour connecter un lecteur de CD, mais vous pouvez aussi l’utiliser pour vous connecter. Cependant, certaines consoles de mixage ne disposent pas d’égaliseurs sur ces tranches, il est donc préférable d’opter pour une tranche disposant de tous les réglages nécessaires. On remarque ici un USB Play qui permet de brancher une clef USB, par exemple, pour passer une musique d’attente avant le set.
Se brancher sur une console et identifier les zones utiles
Les consoles peuvent intimider certains DJ au point qu’une DJ dans un grand festival avait fait enlever tous les boutons de la console pour éviter d’y toucher…
Voici un exemple, sur une petite console analogique, Yamaha.
Console Yamaha. Repérage des zones les plus utiles pour les DJ de tango.
Voici les parties utiles, par ordre d’utilisation…
Entrées mono ou stéréo
Sur cette console, on peut choisir de se connecter aux prises 1 à 4, mais il faudra utiliser deux tranches pour la stéréo (même si les tangos sont en mono, on utilise généralement un équipement stéréo ou double mono). Le seul inconvénient est qu’il faut effectuer les réglages sur les deux tranches (gain, égaliseur, volume). On réservera donc ces tranches plutôt aux microphones, sauf si les tranches stéréo manquent de réglage, ce qui n’est pas le cas pour les tranches 5/6 et 7/8 de cette console. Sur ces tranches, vous pouvez brancher des jacks ou des prises XLR. Attention, pour avoir de la stéréo avec un câble XLR, il faut deux entrées arrivant à cette sortie XLR. Par exemple, avec un câble disposant de deux Jacks 6.35 mono d’un côté et d’une prise XLR à l’autre extrémité. Ce connecteur a trois points et peut donc passer un signal stéréo.
Les prises suivantes (9 à 12) sont également stéréo, cependant, vous remarquerez qu’elles comportent moins de réglages (absence de gain et de réglage des médiums). Les connecteurs sont des jacks 6.35, des prises RCA et, pour la tranche 11–12, l’USB. L’USB permet d’utiliser cette console comme une carte son en branchant directement l’ordinateur à la console en USB.
Détail de la connexion USB. À droite, photo de l’arrière de la console où se trouve la prise USB‑B. À gauche, les tranches 9/10 et 11/12. En bas de cette dernière le sigle USB et le bouton permettant de basculer entre l’entrée USB et l’entrée ligne (Jack 6.35 ou RCA Cinch).
Utiliser les tranches 9 à 12 et le DAC incorporé des tranches 11–12 est intéressant. On peut juste regretter l’absence de réglage du gain et des médiums. Certaines consoles n’ont pas cette limitation et l’utilisation d’une entrée stéréo sera confortable en permettant de régler les deux voies en même temps.
On notera que sur les consoles professionnelles, il est possible de grouper deux voies, voire plus en créant des groupes. Cela permet d’avoir les réglages qui se dupliquent sur d’autres tranches. Par exemple, si les potentiomètres sont motorisés et couplés, lorsque l’on déplace un des curseurs, l’autre se déplace en même temps.
Gain d’entrée
Le potentiomètre de réglage du gain permet d’ajuster le volume d’entrée. On contrôlera avec les vu-mètres, que le signal ne va jamais dans le rouge pour éviter un son distordu. Au-dessus du potentiomètre des tranches comportant un bouton de gain, il y a aussi un voyant (LED) Peak (pointe). Si ce voyant s’allume, c’est que le signal est trop fort. Il faudra alors baisser le potentiomètre de Gain ou baisser le volume de sortie de l’ordinateur et/ou du DAC.
En général, on règle le gain relativement haut en réglant de façon que, durant les fortissimos, la diode rouge soit à la limite de s’allumer. Cela permet d’avoir de la réserve pour les autres réglages en aval.
Égaliseurs
Sur cette console d’entrée de gamme, il n’y a que 3 fréquences de réglage (basses, médiums et aigus). Les interventions seront donc sommaires, mais suffisantes dans la plupart des situations usuelles. En revanche, pas possible de retoucher une fréquence précise. Pour cela, il faudra, a minima, un égaliseur semi-paramétrique ou mieux, paramétrique.
En début de milonga, tous les curseurs doivent en position neutre.
Panoramique
Le panoramique permet de positionner la tranche dans l’horizon gauche à droite. Si vous utilisez des tranches mono (1 à 4, par exemple), vous pouvez mettre les canaux impairs à gauche et les canaux pairs à droite. Attention, comme vous musicalisez une milonga, il faut prendre plusieurs points en compte.
La plupart des tangos sont en mono. Le signal sera donc le même dans les deux canaux.
Les danseurs se déplacent sur la piste et donc par rapport aux enceintes. Si vous utilisez un morceau au stéréo très marqué, les danseurs auront une musique différente selon leur position dans la salle. C’est notamment le cas pour des musiques des années 50 et 60 où l’effet stéréo était souvent exagéré. Les danseurs entendent majoritairement le son de l’enceinte la plus proche. Si c’est une enceinte de gauche, il entendra, par exemple, la main gauche du piano et la contrebasse et s’il se déplace vers une enceinte de droite, il aura les parties aiguës du piano et les violons (en fait, chaque prise de son a ses particularités et l’ingénieur du son peut avoir réparti les instruments et leur tessiture à sa guise).
Les cortinas sont diffusées quand les danseurs arrêtent de danser. On peut donc rétablir un effet stéréo plus marqué, surtout si la cortina a des effets stéréo très marqués (Money de Pink Floyd, par exemple).
Dans la pratique, pour ne pas être sans arrêt en train de changer les réglages, on peut placer le réglage panoramique au milieu, ou légèrement à gauche pour le canal gauche et légèrement à droite pour le canal de droite.
Si on utilise les tranches stéréo, on parle plutôt de balance, car il s’agit d’équilibrer les deux canaux et pas d’augmenter ou rétrécir leur champ stéréophonique.
Potentiomètres
Les potentiomètres de chaque tranche permettent d’en régler le volume. Dans la pratique, on n’y touche pas une fois que les réglages sont faits, sauf si on souhaite, par exemple, baisser le volume pour faire une annonce ou pendant la cortina. En général, on laisse un peu de marge en positionnant les potentiomètres à 3/4 environ. Cela permet de rajouter rapidement un peu de volume, sans toucher au gain qui est en principe réglé à la limite supérieure permettant d’être en dessous du seuil de distorsion.
Volume master
Ce potentiomètre permet de régler le volume du mix. C’est lui qui définit le niveau de sortie. Il agit sur toutes les voies. Cela permet de préserver l’équilibre du mixage.
Vu-mètres
Les vu-mètres permettent de contrôler le volume. En mode PFL (avant les réglages), ils permettent de régler précisément le gain. En mode AFL (après les réglages), ils permettent de vérifier que le niveau de sortie et les éventuels traitements sont corrects.
Dans la pratique, on reste dans le vert. De petits passages en jaune (orange) sont tolérables, mais un abus de la zone rouge se paye par une distorsion supérieure, voire par une détérioration de l’amplificateur ou des haut-parleurs.
Les sorties
Le signal sort enfin de la console de mixage pour être envoyé aux amplificateurs ou aux enceintes amplifiées (enceintes contenant leur propre amplificateur). Sur cette console, la sortie peut être en XLR ou Jack 6.35.
Les autres éléments
Les parties grisées sont moins utiles à un DJ de tango. Elles permettent d’appliquer des effets, d’ajouter un processeur de son dans le signal, fantaisies qui sont peu courantes en tango. Dans ce guide pour débutant, il me semble qu’on peut les laisser sous silence. Veillez cependant à mettre à zéro les potentiomètres d’effet pour éviter une montée du bruit de fond ou d’avoir un effet indésirable.
On remarquera aussi des potentiomètres jaunes sur les voies 1 à 4, ils permettent d’ajuster la compression du signal, c’est-à-dire d’écraser la dynamique pour que les passages pianos soient plus forts et que les passages fortissimos ne soient pas trop forts. Une musique compressée a un volume moyen plus élevé et peut être plus fatigante à l’écoute.
Les fantômes prennent le micro
À droite des compresseurs, on remarque la présence d’une alimentation Phantom 48 Volts (parfois 24 Volts). Elle sert à alimenter les microphones électrostatiques qui ont besoin d’une source de courant. En général, vous vous en passerez et vous devrez laisser l’alimentation Phantom éteinte, sauf si vous avez ce type de microphones, ce que je vous déconseille si c’est pour faire vos annonces. Un bon microphone dynamique est largement préférable (type Shure SM58).
Au sujet du microphone, il peut être pratique d’avoir un microphone avec un interrupteur pour éviter d’avoir à appuyer sur le bouton « Mute » de la console. Dans le cadre du microphone Shure SM58, il faut prendre la version « Se ». Attention, sur certains matériels, la manipulation de cet interrupteur introduit un bruit lors de l’activation ou de la désactivation. C’est la première raison pour laquelle les sonorisateurs professionnels préfèrent les microphones sans interrupteur, la seconde est pour éviter que l’artiste coupe son micro et donne des sueurs froides au sonorisateur…
Se brancher sur un boîtier de direct
Tous les sonorisateurs ne laissent pas l’accès à la console au DJ. Il leur propose un câble arrivant à proximité, ou plus souvent, un boîtier de direct.
Ce boîtier permet de connecter une source, généralement en XLR ou Jack 6.35. La sortie de ce boîtier est une liaison symétrique (XLR) qui permet d’avoir de grandes longueurs de câble en évitant les parasites.
Avant et arrière d’un boîtier de direct. À gauche, là où se branche le DJ (pour un des canaux) et à droite, la sortie symétrique qui permet d’avoir de grandes longueurs de câbles jusqu’à la sonorisation sans craindre les parasites.
ATTENTION, ce type de boîtier de direct n’a qu’une voie. Il en faut donc deux pour transmettre un signal stéréo.
Une autre façon de gérer les branchements, notamment, quand il y a aussi un orchestre, est de mettre en place une « pieuvre ».
Une version avancée du boîtier de direct est ce type avec une pieuvre de câbles. Sur le boîtier, on branche les câbles de la scène (par exemple pour un orchestre). Dans cet exemple, il y a douze entrées numérotées de 1 à 12).
Les câbles des instrumentistes et du DJ sont branchés sur le boîtier. Le signal est transmis en symétrique jusqu’à la console. Là, chaque prise XLR est connectée à la tranche correspondante.
On remarquera 4 prises SLX (mâles sur le boîtier et femelles au bout des câbles de la pieuvre. Ces 4 liaisons sont destinées aux retours qui sont des haut-parleurs posés sur la scène et qui permettent aux musiciens de s’entendre jouer.
Ces pieuvres sont très utiles pour éviter l’encombrement de la scène et pour éviter d’avoir de nombreux câbles qui courent de la scène jusqu’à l’emplacement du sonorisateur.
Démarrer la sonorisation avant la milonga
Si vous vous branchez sur une installation gérée par un sonorisateur, demandez-lui l’autorisation de vous brancher. Il veillera à « muter » (rendre silencieuses) vos tranches pour éviter d’envoyer dans les enceintes les clacs de vos branchements et mises en route.
Si vous gérez vous-même la mise en marche, commencez par connecter votre carte son sur l’ordinateur (câble USB) et la carte son à la console (câble XLR ou Jack 6.35). Allumez votre ordinateur. Cela fera démarrer votre carte son. Allumez ensuite la console, puis enfin l’ampli ou les enceintes amplifiées.
Réglage du volume
Régler le volume de sortie du logiciel de l’ordinateur a un niveau plutôt faible. C’est inutile avec un logiciel DJ, mais utile pour ceux qui musicalisent avec des logiciels comme iTunes.
Régler le niveau d’entrée de la carte son à un niveau moyen.
Régler le niveau de sortie de la carte son à un niveau moyen à faible.
Ajustez le gain sur la console à un niveau moyen à faible.
Positionner le curseur des potentiomètres des voies DJ à environ ¾ de la course.
Positionnez le curseur de volume général (Main) de la console à un niveau moyen.
Réglez l’amplificateur (ou les enceintes amplifiées), à un niveau plutôt faible (1/4 de la puissance, par exemple).
Envoyez une musique bien représentative et d’un volume soutenu depuis votre logiciel DJ. Idéalement, vous pouvez envoyer un bruit rose, mais c’est pénible pour les oreilles s’il y a des personnes déjà présentes dans la salle.
Vérifiez que le signal est reçu par la carte son en observant ses vu-mètres.
Réglez le volume de l’entrée DJ sur la carte son. Ses vu-mètres ne doivent pas aller dans le rouge.
Vous devriez entendre le son dans les enceintes (normalement à un niveau très faible).
Le volume de sortie de la carte son peut être ajusté, mais gardez un peu de marge pour pouvoir monter le volume depuis la carte son si un des titres a un niveau plus faible. Si votre carte son ne dispose pas de réglage de volume, les étapes 10 à 12 n’existent pas.
Sur la console, réglez le niveau de gain de façon en faisant en sorte que la diode « Peak » s’allume, puis baissez le niveau jusqu’à ce qu’elle ne s’allume plus.
Réglez le curseur des potentiomètres des tranches DJ à environ ¾ de la course.
Le volume de Master est réglé environ à 50 %.
Sur l’amplificateur (ou les enceintes amplifiées), réglez le volume de diffusion afin qu’il soit suffisant. 80dBa sur la piste est une bonne valeur. Pour mesurer le niveau sonore, vous pouvez utiliser une application sur téléphone, mais, bien sûr, un décibelmètre est préférable.
Si vous n’arrivez pas à un volume suffisant
Le niveau sonore final est trop faible alors que vous avez poussé l’ampli (ou les enceintes amplifiées) au maximum, ce qui est fortement déconseillé.
Si c’est le cas, baissez un peu le volume de l’ampli (80 % du maxi, environ) et augmentez le volume sur les potentiomètres des tranches DJ de la console. Si cela ne suffit pas, augmentez le volume Main de la console. Si cela ne suffit toujours pas, il vous faudra augmenter un peu les gains sur la carte son et sur la console, mais ce sera avec le risque d’avoir de la distorsion (diodes « Peak » qui s’allument de temps en temps). Si cela ne va toujours pas, c’est sans doute que vous avez un mauvais réglage dans votre chaîne, probablement sur la console, ou que l’amplificateur est vraiment sous-dimensionné pour l’événement.
Pour régler ce problème, vous aurez peut-être besoin de l’aide du sonorisateur, tout comme sur le bon positionnement des enceintes. Cependant, si vous souhaitez en savoir plus, vous pouvez consulter l’article « Sonoriser une milonga ».XXXX
La trousse de base
Carte son (DAC)
Il existe, bien sûr, beaucoup d’autres modèles, entre 10 et 2000 €. Vérifiez juste qu’ils fonctionnent bien avec votre matériel (Mac, Windows, Linux…). Voici une petite sélection.
Behringer UCA222 Interface audio USB rouge (un DAC léger de secours, mais qui peut être utilisé lorsqu’on a peu de budget grâce à sa fiabilité et sa qualité satisfaisante).
Les cartes son (DAC) sont livrées avec un câble USB. Cependant, les ordinateurs modernes n’ont plus de sortie USB‑A, seulement des USB‑C. Il conviendra donc d’avoir un câble à ce format s’il n’est pas fourni. Je vous conseille également d’avoir un câble de rechange.
Câbles permettant de connecter votre DAC à la console
En fonction du type de prises de sortie équipant votre DAC, vous devrez prévoir des câbles différents. Il faut que ces câbles soient suffisamment longs pour aller de votre carte son jusqu’à la console et pas trop long pour ne pas être encombrants. En général, 1 m est satisfaisant.
UGREEN Câble RCA Jack 3.5mm Femelle vers 2 RCA Mâle (le câble de secours à toujours avoir et à ne jamais utiliser, car il permet de se brancher sur le câble généralement fourni par les organisateurs). Ce câble peut être court pour ne pas prendre trop de place.
C’est le type de connexion le plus courant sur les DAC.
VITALCO Adaptateur Femelle Jack 3,5 mm vers 2X mâle 6,35 mm mono (le câble de secours à toujours avoir et à ne jamais utiliser, car il permet de se brancher sur le câble généralement fourni par les organisateurs). Ce câble peut être court pour ne pas prendre trop de place.
Les cartes son avec sortie XLR sont rares. Si vous avez opté pour ce type de matériel, vous n’avez pas besoin de conseil pour les câbles. Cependant, les microphones utilisant ce type de câble, il peut être utile d’en avoir un en rechange. De plus, comme ces câbles sont mâles d’un côté et femelles de l’autre, vous pouvez les utiliser comme des rallonges, pour augmenter la distance entre votre équipement et le microphone.
CORDIAL CABLES Câble micro XLR 3 m CÂBLES MICROPHONE Select Symétrique Standard Un câble de 3 m est un bon compromis. Vous l’ajouterez à celui de 2 m généralement livré avec le microphone pour pouvoir le prêter à l’organisateur. Si vous avez la possibilité, un câble de 10 m sera encore plus utile pour cet usage.
Le microphone
Vous pouvez très bien faire le DJ sans microphone, mais bon, quelques mots avec le public permettent d’égayer l’ambiance. Vous pouvez compter sur celui de l’organisateur, ou pas.
Shure SM58SE Microphone Vocal Dynamique cardioïde avec Interrupteur on/Off. C’est le micro à tout faire pour le DJ. C’est la version avec un interrupteur, car cela vous évite le stress d’aller couper sur la console, console que vous n’aurez pas toujours à portée de main, notamment lorsque vous serez connectés sur des boîtiers de direct. Dans ce cas, il faudra en demander trois au sonorisateur. Deux pour la musique et un pour le microphone.
Shure BLX24/SM58 freq M17 C’est la version sans fil du microphone. Cependant, je ne suis pas sûr que ce soit au DJ de le fournir, à moins que vous soyez un DJ remuant qui aime se déplacer au milieu des danseurs…
Le gaffeur
Le gaffeur ou gaffer est indispensable dans la trousse du DJ. Il permet de fixer rapidement les câbles, de sécuriser les prises pour éviter qu’elles se débranchent ou même de fixer une nappe. Ce n’est pas du ruban adhésif ordinaire. Il se découpe en le déchirant et il peut se décoller sans laisser de trace. En général il est noir, voire noir mat, pour qu’il puisse se dissimuler sur le sol des scènes qui sont généralement noir mat.
Deux types d’équipements sont utiles, voire indispensables. Un sert à déterminer le niveau sonore et l’autre à analyser les fréquences émises. Le premier, le décibelmètre, permet de vérifier que la musique n’est pas trop forte et d’avoir une preuve en face de danseurs chatouilleux, l’autre sera très utile pour le réglage de l’égalisation de la salle avant la milonga.
Pour vérifier la pression acoustique (niveau sonore), vous pouvez utiliser une application sur téléphone ou tablette qui permet de conserver les pics et la moyenne. J’utilise Décibel X — dB Sonomètre (Version iOS, Version Android) quand je ne me trimbale pas avec mon sonomètre professionnel qui est encombrant.
Pour vérifier l’acoustique de la salle, une application qui analyse les fréquences sonores, associée à la diffusion d’un bruit rose est très utile. J’utilise l’application RTA Audio (Version iOS, Pas de version Android, mais il doit bien avoir un logiciel équivalent). Pour en savoir plus, consultez mon article sur la Sonorisation d’une milonga.
Le rangement du matériel
Il est pratique d’avoir des housses pour ranger les matériels. Par exemple, la carte son avec ses câbles, du type Sac Câble Multifonctionnel.
Vous pouvez aussi regrouper les éléments dans des Flight Cases, mais attention, c’est lourd et cher. Vous pouvez opter à la place pour une simple valise, un peu résistante et avec de bonnes roulettes, ou un sac à dos. J’envie les DJ qui se trimbalent juste avec un ordi…
Pour ma part, j’utilise aussi des chariots à roulettes pour transporter facilement les flight Cases qui ne sont pas munis de roulettes, mais c’est aussi que je sonorise des événements et qu’il me faut transporter plusieurs dizaines de kilogrammes d’équipement en plus des enceintes et autres matériels indispensables.
En cours de chargement. La présence de flight cases protège le matériel et facilite l’organisation dans la voiture si on a un véhicule sans seuil de chargement. Ici, ce sont des flight cases sans roues pour optimiser l’espace. J’utilise des chariots pour les transporter.
Pour les perfectionnistes
Quelques matériels d’usage plus occasionnel peuvent aussi entrer dans la trousse d’un DJ :
Les décibelmètres/sonomètres, permettent d’avoir un appareil plus « pro » pour ceux qui œuvrent dans des environnements sensibles au bruit et qui veulent plus que ce que propose les applications sur téléphone évoquées ci-dessus.
Décibelmètre — Enregistreur de données celui-ci ou un autre… Celui-ci peut se connecter à un PC (Windows), ce qui permet de garder une preuve que vous avez respecté le niveau sonore.
Un modèle avec affichage visible par les danseurs peut aussi être intéressant.
Je vous conseille aussi d’établir une checklist pour vérifier que vous avez tout le matériel nécessaire avant de partir vers la milonga. Vous y indiquez tous les éléments que vous devez emporter, cela vous évite de vous rendre compte que vous avez oublié le câble USB de la carte son, ou le chargeur de l’ordinateur…
Je vous recommande également de bien organiser votre matériel afin de trouver facilement les éléments, même dans une ambiance mal éclairée, comme c’est parfois le cas dans certains événements.
Et un dernier conseil, en fin de milonga, essayez de ranger le matériel de la même façon que vous l’aviez préparé. Cela vous évitera d’oublier du matériel et, surtout, vous aurez votre équipement bien ordonné pour le prochain événement.
Si votre événement a eu lieu dans un endroit difficile (pluie, poussière), lorsque vous rentrez, pensez à nettoyer et mettre à sécher le matériel. Vérifiez son bon fonctionnement. L’électronique aime rarement l’eau et la poussière.
Une fin de milonga sous la pluie. Il est important de bien vérifier le matériel après un tel événement.
Voilà, chers collègues et futurs collègues, j’espère vous avoir aidé. À bientôt !
Alberto Gambino Letra: Fortunato Benzaquen (Alí Salem de Baraja)
Certains trouvent, croient, veulent, imaginent que le tango est sérieux. Heureusement, ce n’est pas ou, pour le moins, pas toujours le cas. Je pense que ce tango humoristique va vous le prouver. Je laisse la place à Francisco Canaro et Ernesto Famá, mais aussi à deux autres paires de joyeux drilles, Francisco Lomuto avec Fernando Díaz et Enrique Rodríguez avec Roberto Flores.
Extrait musical
Mosterio. Alberto Gambino Letra: Fortunato Benzaquen (Alí Salem de Baraja).Mosterio 1939-09-11 – Orquesta Francisco Canaro Canta Ernesto Famá
L’essentiel de la saveur de ce morceau est dans les paroles. Je vous invite donc à les suivre en direct, soit en version originale, soit dans la version traduite. Vous reconnaîtrez, même si vous n’êtes pas familier avec l’Espagnol, les noms de D’Arienzo, Lomuto, De Caro et Canaro.
Paroles
Todo en la vida es Mosterio y nadie sabe por qué. Mosterio es haber nacido y hacerse grande después. Mosterio son las carreras, Mosterio el andar a pie. Mosterio la cuenta ‘el sastre y Mosterio el ajedrez. Pero hay algo en esta vida que hay que creer o reventar porque si fuera Mosterio no podríamos ni hablar, por eso cuando le digan que Mosterio es el comer, usted conteste enseguida que eso es Mosterio al revés.
¿Que por qué D’Arienzo es ñato y Lomuto delgadito? ¡Mosterio! ¿Que por qué De Caro es rico y Canaro millonario ? ¡Otro Mosterio! ¿Que por qué todos los días sale el sol por la mañana y por qué tu viejo quiere de que se case tu hermana? ¡Mosterio! ¿Que por qué no nacen chicos?, otro Moslerio también.
Todo en la vida es Mosterio y nadie sabe por qué. Mosterio es haber nacido y hacerse grande después. Mosterio son las carreras, Mosterio el andar a pie. Mosterio la cuenta ‘el sastre y Mosterio el ajedrez. Todo es Mosterio señores y a nadie le importa nada, todo en la vida se acaba y nadie sabe por qué y aunque le vaya al revés y pare en el cementerio toda la gente dirá eso sí que es Mosterio. Alberto Gambino Letra: Fortunato Benzaquen (Alí Salem de Baraja)
Dans la version de Canaro, Famá chante ce qui est en gras. Lomuto et Díaz reprennent ce qui est en rouge. Rodriguez et Flores changent les paroles de la partie rouge et soulignée, sans doute pour ne pas parler des orchestres concurrents…
D’ailleurs, lorsqu’ils reprennent ce refrain, c’est pour parler, deux fois, de Rodriguez…
Voici le texte modifié par Rodriguez et Flores :
Por qué mi papi es tan grande Y yo chiquitito. Y Por qué todos los chicos Hoy se dejan bigotitos Y por qué Rodriguez es grande Y MaríaLuisa delgatita (María Luisa Notar est la femme de Rodriguez) Y por qué Rodriguez Siempre la lleva a la calesita.
On notera qu’aucune des versions n’utilise le dernier couplet. Peut-être que Alí Salem de Baraja l’utilisait dans ses interventions radiophoniques…
Traduction libre
Tout dans la vie est Mosterio (déformation de misterio, mystère) et personne ne sait pourquoi. Mosterio, c’est être né et ensuite devenir grand. Mosterio sont les courses, Mosterio est la marche. Mosterio la facture du tailleur et Mosterio les échecs (jeu). Mais il y a quelque chose dans cette vie que vous devez croire ou détruire parce que si c’était Mosterio, nous ne pourrions même pas parler, donc quand ils vous disent que Mosterio mange, vous répondez immédiatement que c’est Mosterio à l’envers.
Pourquoi D’Arienzo est ñato (a un petit nez) et Lomuto maigre ? Bien sûr, vous qui connaissez ces deux chefs d’orchestre, vous savez que c’est le contraire. D’Arienzo est narigón (a un gros nez) et Lomuto est un peu enveloppé… Mosterio ! Pourquoi De Caro est-il riche et Canaro millionnaire ? Là encore, les paroles se veulent taquines. De Caro peut signifier « coûteux », il n’était pas particulièrement riche. En revanche, Canaro qui fut très pauvre dans son enfance, avait le sens des affaires et fut réellement millionnaire… Cependant, il peut s’agir, surtout en 1939, d’une référence au tango écrit (paroles et musique) et joué par Canaro « Si yo fuera millonario » (Si j’étais millionnaire). Autre Mosterio !
Pourquoi tous les jours, le soleil se lève le matin et pourquoi ton vieux (père) veut que ta sœur se marie ? Mosterio ! Que, pourquoi ne naissent pas d’enfants ? Un autre Mosterio aussi.
Tout dans la vie est Mosterio et personne ne sait pourquoi. Mosterio, c’est être né et ensuite devenir grand. Mosterio sont les courses, Mosterio est la marche. Mosterio la facture du tailleur et Mosterio les échecs. Tout est Mosterio, messieurs et personne ne se soucie de rien, tout dans la vie se termine et personne ne sait pourquoi et même si cela va dans l’autre sens et s’arrête au cimetière, tout le monde dira que oui, ça c’est Mosterio.
Traduction des ajouts de Rodriguez
Pourquoi mon père est-il si grand, et moi, tout petit. Et pourquoi tous les gars, de nos jours, se laissent-ils la petite moustache. Et pourquoi Rodriguez est grand et Maria Luisa mince (la chanteuse María Luisa Notar est la femme de Rodriguez). Et pourquoi Rodriguez, l’emmène toujours au manège ? (pour cela, je n’ai pas d’explication…).
Autres versions
Mosterio 1939-07-14 — Orquesta Francisco Lomuto con Fernando Díaz y coro.
C’est la plus ancienne version. Lomuto, cité dans les paroles, interprète de bonne grâce ce titre. Cette première version est très proche musicalement de celle de Canaro, comme c’est souvent le cas.
Mosterio 1939-07-25 — Orquesta Enrique Rodríguez con Roberto Flores.
On connaît Rodriguez et son goût pour les titres humoristique, parfois à la limite d’une certaine vulgarité. Il ne pouvait pas passer à côté de ce titre. Simplement, comme nous l’avons vu, il n’avait pas envie de faire de la publicité à ses concurrents et il adapte les paroles pour se mettre en valeur. Roberto Flores, El Chato, a la voix et la diction qui vont bien pour interpréter ce titre.
C’est notre tango du jour et donc, la dernière version enregistrée, près de deux mois après celles de Lomuto et Rodriguez. Peut-être que ce retard à l’allumage, rare chez Canaro, qui cherche toujours à surfer sur l’actualité, est, car il était réservé sur le vers qui le concerne… Quoi qu’il en soit, il joue le jeu et comme Lomuto, il se met en scène. D’ailleurs, c’est lui qui fait les réponses à Famá…
Alberto Gambino
Il ne faut pas confondre le compositeur de notre tango du jour avec cet autre Argentin « Alberto Gambino » qui a joué Brassens et qui est l’auteur de la Purpurina. Il fut célèbre dans les années 1970…
Notre Alberto Gambino est né le 28 juillet 1899 et est mort le 8 junio 1987. Il était bandonéoniste et violoniste, directeur d’orchestre et compositeur de quelques thèmes, souvent humoristiques, comme notre tango du jour.
Ces thèmes furent enregistrés principalement dans les années 30 par les mêmes orchestres que pour Mosterio avec quelques compléments de l’époque, comme Mercedes Simone ou Roberto Firpo.
Alí Salem de Baraja (Fortunato Benzaquen)
De son vrai nom Fortunato Benzaquen, mais plus connu sous son pseudonyme de comédien « Alí Salem de Baraja ». Il joua dans quelques films dans les années 1940.
Corazón de turco de Lucas Demare (scénario de Hernán de Castro)
Sortie en Argentine le 9 mai 1940. On notera que Lucio Demare, le frère aîné de Lucas, a composé la musique du film. On reste en famille… Lucas Demare est aussi le réalisateur de Mi noche triste en 1952, un film plus satisfaisant pour les amateurs de tango que nous sommes. En Argentine, on appelle Turco (Turc), tous ceux qui viennent du Moyen-Orient… Le film raconte l’histoire d’un immigré qui aime une fille de bonne famille… Un détail amusant. Lorsqu’il est propulsé candidat et qu’il doit faire un discours, il parle de misterio et même de mosterio avec un petit début de la chanson. Il se pose d’ailleurs trois fois des questions dans le film, de la même façon que dans le tango.
J’émets donc une hypothèse. Vu que, dans les années 30, Fortunato Benzaquen était un locuteur à succès de la radio et qu’il se vouait à des programmes humoristiques, je propose que les enregistrements de notre tango du jour effectués de façon si groupée en 1939 ont été destinés à capitaliser sur un succès radiophonique. Ce succès, repris par de grands orchestres de l’époque, ont sans doute incité le frère de Lucio Demare de choisir Fortunato comme acteur. Et, logiquement, Lucas Demare laisse Fortunato faire quelques allusions à son succès.
Par ailleurs, je pense que son surnom d’Alí Salem de Baraja vient de ce film, car c’est le nom de son rôle. Il se peut aussi que ce soit le surnom pris à la radio et qu’il l’ait exploité, une fois devenu acteur. Le public aurait pu être heureux de mettre une tête sur leur vedette radiophonique.
El comisario de Tranco Largo de Leopoldo Torres Ríos
Leopoldo Torres Ríos a aussi écrit le scénario avec Alberto Vacarezza. Sortie en Argentine le 21 octobre 1942. Là encore, le Turc jouer un rôle. Celui d’un commissaire assassiné afin de démasquer les coupables.
Affiche du film El comisario de Tranco Largo de Leopoldo Torres Ríos.
Je ne prétendrai pas que ces trois films renouvellent l’histoire du cinéma, mais ils permettent de mieux connaître la vie des immigrés et l’auteur des paroles sympathique de notre tango du jour.
On se quitte en compagnie de joyeux drilles
Francisco Canaro et Ernesto Famá, en compagnie de Francisco Amor, l’autre chanteur vedette de Canaro en 1939. Ce dernier était moins adapté que Famá pour cet enregistrement, tout comme Flores est parfait pour ce type de titres avec sa diction plus populaire.
Francisco Amor, Francisco Canaro et Ernesto Famá, vers 1939.
À bientôt, les amis, et continuez à vous poser des questions pour découvrir les mystères du tango…
« El amor hace fruncir », l’amour fait froncer les sourcils, quel programme ! En général, le froncement des sourcils marque la colère, la frustration et à minima une gêne ou une émotion désagréable. Il est donc fort probable que notre auteur, J. C. Cupeiro, ait écrit sous le coup d’une expérience désagréable. Quoi qu’il en soit Donato a décidé d’enregistrer ce titre et cela nous donne l’occasion de l’écouter, sans froncer les sourcils.
Extrait musical
El amor hace fruncir 1930-09-10 — Orquesta Edgardo Donato
Ce thème est à la limite du canyengue. Les pas sont appuyés. De petites réponses, quasi humoristiques, notamment au piano, donnent un peu de légèreté. Les violons se démarquent progressivement pour rendre plus douce la musique dans la seconde partie. On pourrait dire que, si les sourcils sont très froncés au début, l’amour fini par avoir le dessus et que, finalement, les choses s’arrangent. On notera aussi les bandonéons agiles de Juan Turturiello, Vicente Vilardi et Miguel Bonano. Puisque j’y suis, je termine la liste des musiciens. Edgardo Donato dirige et joue du violon avec les violonistes Armando Piovani et Pascual Martínez. On retrouve pour les parties restantes deux frères d’Edgardo, Osvaldo au piano et Ascanio au violoncelle et José Campesi à la contrebasse.
En savoir plus
On aurait bien aimé en savoir plus, mais ce titre semble recéler plusieurs mystères.
Il s’agit vraisemblablement de la seule version enregistrée de ce thème
Je n’ai pas trouvé trace d’autre interprétation enregistrée de ce titre. L’interprétation de Donato est intéressante, avec la progression évoquée dans le chapitre sur l’écoute. En l’absence d’autres enregistrements et même d’autres œuvres de ce compositeur, il est difficile de dire si c’est l’orchestration de Donato ou la composition qui est à l’origine de cet effet.
De plus, Donato n’a pas enregistré d’autre titre le même jour. C’est donc un thème complètement orphelin.
On notera toutefois qu’il a certainement eu un brin de succès, car il a été diffusé à Radio Fécamp le lundi 6 novembre 1933 entre 17 h et 17 h 30, comme en témoigne cette annonce du programme dans « The Wireless World » du 3 novembre 1933.
Orchestral Concert for Chichester and Bognor Listeners: Signature Tune. The Night by the Sea; Poor Butterfly (de Phillippi); Violin Solo, Souvenir (Drdla); Selection from Countess Maritsa (Kálmán); Stop the Sun- atop the Moon (Robinson); Beautiful (Gillespie); El amor hace fruncir (Cupeiro); Ileartaehes (Klenner); The Way to the Heart (Lincke).
Il semblerait donc que ce soir-là, Radio Fécamp a diffusé un programme d’orchestre.
On remarque que cette diffusion est dédicacée aux auditeurs de Chichester et Bognor. On pourrait s’étonner qu’une radio française ait une attention pour des auditeurs anglais. Pour le comprendre, il faut tenir compte de plusieurs points :
Le West Sussex est juste en face de Fécamp. On peut donc considérer que les relations entre les deux sites étaient courantes, d’autant plus que l’on pouvait acheter en France des excursions ferroviaires pour ces villes à partir de Newhaven, Brighton et Portsmouth. Si aujourd’hui les connexions maritimes sont très réduites par rapport à l’époque, il reste tout de même Le Havre — Portsmouth qui est toujours active. On se souviendra également que les deux rives de la Manche étaient des lieux de villégiatures très prisés.
Les Ondes courtes (Radio Fécamp émettait sur 225,9 m / 1327 kHz avec une puissance de 0,7 kW en 1933) se reflètent sur l’ionosphère et peuvent faire le tour de la Terre. La puissance de Radio Fécamp était suffisante pour qu’elle soit captée à très longue distance. De fait, le programme de Radio Fécamp était émis tantôt en français et tantôt en anglais.
Si le fondateur de Radio Fécamp était Français (André Fernand Eugène Alexandre Le Grand), deux administrateurs anglais y ont été associés (même s’ils ont quitté la radio en 1932, l’année précédente).
Les paroles sont indisponibles, si jamais elles ont existé
Cela nous aurait aidés à être sûrs du sens du tango, mais ce n’est pas essentiel, d’autant plus que, comme nous l’avons souvent vu, les paroles ne sont pas toujours en adéquation avec le titre de la musique.
L’auteur, J. C. Cupeiro, est peu connu et il semblerait que ce soit son seul tango enregistré.
Le nom, Cupeiro, est d’origine espagnole, initialement issu du village de Cupeiro en Galice.
Il y a eu un Jorge Cupeiro, coureur automobile, né en 1937 à Buenos Aires (quartier de Recoleta). Il est tentant d’y voir le fils de l’auteur. On notera d’ailleurs que le coureur était surnommé « El Gallego », ce qui confirme des racines espagnoles galiciennes, relativement fraiches.
Le patronyme Cupeiro est courant en Espagne et en Argentine.
Comme on peut le voir sur le site forebears.io https://forebears.io/es/surnames/cupeiro, ce nom d’origine galicienne est surtout répandu en Espagne et Argentine (données de 2014) ; quand on regarde les détails, on se rend compte que c’est en Espagne, notamment en Corogne et Lugo (Galicie) et en Argentine, dans la Province de Buenos Aires.
On remarquera que la répartition des Cupeiro est sensiblement la même que celle des Galiciens exilés qui furent entre 1850 et 1960 plus de deux millions à s’exiler vers, principalement, les Amériques.
Dans cette carte représentant l’émigration galicienne, on remarque la correspondance avec l’émigration des Cupeiro. L’Argentine a attiré les Cupeiro, mais aussi les Galiciens, en général.
On notera qu’un Cupeiro s’est intéressé au phénomène de l’émigration galicienne en Outremer et notamment en Argentine. Il s’agit de Bieito Cupeiro Vázquez, né en Corogne (Galice) en 1914. Il a écrit un traité « A Galiza de alén mar » (De Galice à Outremer).
Comme d’autres Cupeiro, Bieito a fait le voyage à Buenos Aires (en 1936) où il est entré à la « Federación de Sociedades Gallegas, Agrarias y Culturales », actuelle « Federación de Asociaciones Gallegas ». Il deviendra également le président de la fraternité galicienne (Irmandade Galega). Ce Gallego semble donc bien légitime pour avoir écrit sur le sujet…
Cupeiro Vázquez, Bieito, 1989. A Galiza de alén mar, Sada-Ediciós do Castro.Recensement électoral des Galiciens en Argentine selon leur province d’inscription (selon l’Instituto Nacional de Estadística).
Les délices de la Galice
Un des plus agréables témoins de la venue des Galiciens à Buenos Aires, est la belle Casa de Galicia où a lieu deux fois par semaine, la merveilleuse milonga Nuevo Chique organisée par Marcela Pazos et musicalisée par Daniel Borelli, sans oublier l’adorable serveuse, Vicky Pantanali…