Archives de catégorie : Chanteur et chanteuses

Ils ont détruit la maison de Pichuco !

Même si Pichu­co con­sid­érait que sa véri­ta­ble mai­son était celle de la rue Sol­er au 3280, c’est bien au 2937 de la rue José Anto­nio Cabr­era qu’il est né, le 11 juil­let 1914. La mère d’Aníbal n’est retournée rue Sol­er qu’à la mort du père de Troi­lo, en 1922.
Cette mai­son a con­nu divers usages au cours du temps, comme en témoignent quelques pho­tos his­toriques.
Si j’ai décidé d’en par­ler aujourd’hui, c’est qu’elle vient d’être détru­ite pour un pro­jet immo­bili­er.

La maison natale de Aníbal Troilo

La mai­son natale de Pichu­co, rue José Anto­nio Cabr­era 2937

Aníbal Carme­lo Troi­lo, le père, et Felisa Bag­no­lo, la mère, louèrent cette mai­son, par suite du drame de la mort de Con­cep­ción, celle qui aurait dû être la grande sœur du ban­doneón may­or de Buenos Aires.

Les par­ents et Mar­cos, l’aîné, démé­nagèrent donc dans la mai­son de la rue Cabr­era où naquit le petit Pichu­co.

Ils y restèrent peu de temps, car, en 1922, le père mourait à son tour. La mère retour­na alors dans la mai­son famil­iale de la rue Sol­er, celle qu’a donc le mieux con­nue Aníbal et qui en dis­ait :

“Yo nací en una casa de Cabr­era 2937, pero mi casa fue la de Sol­er 3280”.

Je suis né dans une mai­son de Cabr­era 2937, mais ma mai­son fut celle de Sol­er 3280.

Mai­son natale de Troi­lo à dif­férentes épo­ques. Avant 1998, à gauche, vers 2011 (présence d’une milon­ga), 2024, une des dernières pho­tos avec le bâti­ment debout. Celui à sa gauche a déjà été rem­placé. 2025, pen­dant la destruc­tion de la semaine du 21 au 25 avril.
La plaque posée en 2008 déclarant la mai­son comme site d’in­térêt cul­turel. Cela n’a pas empêché sa destruc­tion…

La maison de Soler 3280

C’est la mai­son famil­iale jusqu’en 1914 et après 1922. Celle que Pichu­co con­sid­ère comme la sienne.

La mai­son de la rue Sol­er au 3280. À droite, la plaque posée le 11 juil­let 1976 pour l’an­niver­saire de la nais­sance, l’année suiv­ant la mort de Pichu­co.

La fausse maison de Aníbal Troilo

Au 2540 rue Car­los Cal­vo, il y a eu “La Casa de Aníbal Troi­lo”. Cet étab­lisse­ment de spec­ta­cle n’a pas de rap­port direct avec notre gros, favori. Plus tard, le bâti­ment a été réu­til­isé par Cacho Cas­taña, l’auteur de Café la Humedad, chan­son qui a don­né le nom à son étab­lisse­ment.

Atten­tion, le Café de la Humedad de la rue Car­los Cal­vo n’est pas le café orig­i­nal. En effet, celui-ci était, comme le dit la chan­son, à l’angle de Gaona y Boy­a­ca.

L’emplacement orig­i­nal du Café la Humedad, à l’an­gle de Gaona y Boy­a­ca.

Les paroles de la chanson de Cacho Castaña

Humedad, lloviz­na y frío
Mi alien­to empaña el vidrio azul del viejo bar
No me pre­gun­ten si hace mucho que la espero
Un café que ya está frío y hace var­ios ceniceros

Aunque sé que nun­ca lle­ga
Siem­pre que llueve voy cor­rien­do has­ta el café
Y solo cuen­to con la com­pañía de un gato
Que al cordón de mi zap­a­to lo destroza con plac­er

Café La Humedad, bil­lar y reunión
Sába­do con tram­pas, qué lin­da fun­ción
Yo sola­mente nece­si­to agrade­certe
La enseñan­za de tus noches
Que me ale­jan de la muerte

Café La Humedad, bil­lar y reunión
Sába­do con tram­pas, qué lin­da fun­ción
Eter­na­mente te agradez­co las poesías
Que la escuela de tus noches
Le enseñaron a mis días

Soledad, soledad de soltería
Son trein­ta abriles ya cansa­dos de soñar
Por eso vuel­vo has­ta la esquina del boliche
A bus­car la bar­ra eter­na de Gaona y Boy­a­ca

Ya son pocos los ami­gos que me quedan
Vamos, mucha­chos, esta noche a recor­dar
Una por una las haz­a­ñas de otros tiem­pos
Y el recuer­do del boliche que lla­mamos La Humedad

Café La Humedad, bil­lar y reunión
Sába­do con tram­pas, qué lin­da fun­ción
Yo sola­mente nece­si­to agrade­certe
La enseñan­za de tus noches
Que me ale­jan de la muerte

Café La Humedad, bil­lar y reunión
Sába­do con tram­pas, qué lin­da fun­ción
Eter­na­mente te agradez­co las poesías
Que la escuela de tus noches
Le enseñaron a mis días

Cacho Cas­taña

Traduction libre

L’hu­mid­ité, la bru­ine et le froid
Mon haleine embue les vit­res bleues du vieux bar
Ne me deman­dez pas si je l’at­tends depuis longtemps
Un café déjà froid et ça fait plusieurs cen­dri­ers.
Bien que je sache qu’elle ne vient jamais.
Quand il pleut, je cours au café.
Et je n’ai que la com­pag­nie d’un chat.
Qui détru­it le lacet de ma chaus­sure avec plaisir
Café La Humedad, bil­lard et ren­con­tre
Same­di avec des tromperies, quel beau pro­gramme
J’ai juste besoin de te remerci­er
L’en­seigne­ment de tes nuits
Qui me tien­nent à l’é­cart de la mort
Café La Humedad, bil­lard et ren­con­tre
same­di avec des pièges, quel beau spec­ta­cle
Éter­nelle­ment, je te remer­cie pour les poèmes
Que l’é­cole de tes nuits
A enseigné à mes jours
Soli­tude, soli­tude du céli­bataire
C’est trente avrils, déjà fatigué de rêver
C’est pourquoi je retourne à l’angle du danc­ing
Pour chercher l’éter­nelle bande de Gaona et Boy­a­ca
Il ne me reste que peu d’amis
Allons‑y, les gars, ce soir, pour nous remé­mor­er
Un à un les exploits d’autre­fois
Et le sou­venir du danc­ing que nous appelons La Humedad.
Café La Humedad, bil­lard et ren­con­tre
Same­di avec des tromperies, quel beau pro­gramme
J’ai juste besoin de te remerci­er
L’en­seigne­ment de tes nuits
Qui me tien­nent à l’é­cart de la mort
Café La Humedad, bil­lard et ren­con­tre
same­di avec des pièges, quel beau spec­ta­cle
Éter­nelle­ment, je te remer­cie pour les poèmes
Que l’é­cole de tes nuits
A enseigné à mes jours.

Cacho Cas­taña

Je vous pro­pose de ter­min­er sur la chan­son nos­tal­gique de Cacho Cas­taña, chan­té par lui-même dans son étab­lisse­ment, Café la Humedad.

Café la Humedad, chan­té dans le théâtre Café la Humedad par son pro­prié­taire et auteur, Cacho Cas­taña.

Les femmes et le tango

8 mars, journée internationale (des droits) des femmes

Le 8 mars est la journée inter­na­tionale (des droits) des femmes. Il me sem­ble d’actualité, d’aborder la ques­tion des femmes dans le tan­go. Il faudrait plus qu’un arti­cle, qu’un livre et sans doute une véri­ta­ble ency­clopédie pour traiter ce sujet, aus­si, je vous pro­pose unique­ment quelques petites indi­ca­tions qui rap­pel­lent que le tan­go est aus­si une his­toire de femmes.

“We can do it” (on peut le faire). Affiche de pro­pa­gande de la société West­ing­house Elec­tric pour motiv­er les femmes dans l’effort de guerre en 1943. Elle a été créée par J. Howard Miller en 1943.

Cette affiche rap­pelle, mal­gré elle, que la journée du 8 mars était au début la journée des femmes tra­vailleuses, journée créée en mémoire des 129 ouvrières tuées dans l’incendie de leur man­u­fac­ture le 8 mars 1908. Ce sont les pro­pres pro­prié­taires de cette usine, la Cot­ton Tex­tile Fac­to­ry, qui ont mis le feu pour régler le prob­lème avec leurs employées qui récla­maient de meilleurs salaires et con­di­tions de vie avec le slo­gan « du pain et des ros­es »…

Du pain et des ros­es, un slo­gan qui coûtera la vie de 129 ouvrières du tex­tile le 8 mars 1908 à New York.

On se sou­vient en Argen­tine de faits sem­blables, lors de la semaine trag­ique de jan­vi­er 1919 où des cen­taines d’ouvriers furent assas­s­inés, faits qui se renou­vèleront deux ans plus tard en Patag­o­nie où plus de 1000 ouvri­ers grévistes ont été tués.
Aujourd’hui, la journée des femmes cherche plutôt à établir l’égalité de traite­ment entre les sex­es, ce qui est un autre type de lutte, mais qui ren­con­tre, notam­ment dans l’Argentine d’aujourd’hui, une oppo­si­tion farouche du gou­verne­ment.

Une petite musique de fond pour la lecture de cette anecdote…

Las mujeres y el amor (Ranchera) 1934-08-16 – Orques­ta Osval­do Frese­do con Rober­to Ray.

Il s’agit d’une ranchera écrite par Eduar­do Vet­ere avec des paroles de Manuel R. López. Le thème (les femmes et l’amour) me sem­blait bien se prêter à notre thème du jour).

Les origines du tango et les femmes

Je passerai sous silence les affir­ma­tions dis­ant que le tan­go se dan­sait ini­tiale­ment entre hommes, car, si, on a quelques pho­tos mon­trant des hommes dansant de façon plus ou moins grotesque, cela relève plus de la charge, de la moquerie, que du désir de pra­ti­quer l’art de la danse.
Le tan­go a divers­es orig­ines. Par­mi celles-ci, le monde du spec­ta­cle, de la scène, du moins pour ses par­tic­u­lar­ités musi­cales. Dans les spec­ta­cles qui étaient joués dans la sec­onde moitié du dix-neu­vième siè­cle, il y avait des femmes sur scène. Elles chan­taient, dan­saient. Elles étaient actri­ces. Les thèmes de ces spec­ta­cles étaient les mêmes qu’en Europe et sou­vent inspirés par les pro­duc­tions du Vieux Con­ti­nent. Elles étaient des­tinées à ceux qui pou­vaient pay­er, et donc à une cer­taine élite. Je ferai le par­al­lèle avec Car­men de Jorge Bizet, pas à cause de la habanera, mais pour mon­tr­er à quoi pou­vait ressem­bler une des pro­duc­tions de l’époque. Des his­toires, sou­vent sen­ti­men­tales, des fig­u­rants et dif­férents tableaux qui se suc­cé­daient. La plu­part du temps, ces spec­ta­cles relèvent du genre « vaude­ville ». Les femmes, comme Car­men, étaient sou­vent les héroïnes et a min­i­ma, elles étaient indis­pens­ables et présentes. Au vingtième siè­cle, lorsque le tan­go a mûri, on retrou­ve le même principe dans le théâtre (Buenos Aires est la ville du Monde qui compte le plus de théâtres), mais aus­si dans le ciné­ma. Je pense que vous aurez remar­qué à la lec­ture de mes anec­dotes qu’une part impor­tante des tan­gos provient de films et de pièces de théâtre.
Une autre orig­ine tourne autour des faubourgs de Buenos Aires, du mal-être d’hommes en manque de com­pag­nie fémi­nine. Dans ce monde dur, où les couteaux sor­taient facile­ment, où on tra­vail­lait dans des usines, aux abat­toirs ou aux travaux agri­coles et notam­ment l’élevage, les femmes étaient rares et con­voitées. Cela don­nait lieu à des bagar­res et on se sou­vient que le tan­go canyengue évo­quait par ses pass­es des fig­ures de com­bat au couteau. Les hommes qui avaient la pos­si­bil­ité de danser avec une femme d’accès facile jouaient une sorte de comédie pour les com­pagnons qui regar­daient, cher­chant à se met­tre en valeur, se lançant, comme en témoignent les paroles des tan­gos, dans des fig­ures auda­cieuses et com­bat­ives, comme les fentes. La pénurie de femmes, mal­gré les impor­ta­tions à grande échelle de grisettes français­es et de pau­vres hères d’autres par­ties de l’Europe, fait que c’est dans les bor­dels qu’il était le plus facile de les abor­der. Dans ces maisons, clos­es, il y avait une par­tie de spec­ta­cle, de déco­rum et la danse pou­vait être un moyen de con­tact. Il suff­i­sait de pay­er une petite somme, comme on l’a vu, par exem­ple pour Lo de Lau­ra. Dans cet univers, le tan­go tour­nait autour des femmes, comme en témoigne la très grande majorité des paroles, et ce sont des femmes, dans les meilleurs quartiers qui tenaient les « maisons ». Dans les faubourgs, c’était plutôt le cabareti­er qui favori­sait les activ­ités pour que les clients de sa pulpe­ria passe du temps et con­somme.
Une dernière orig­ine du tan­go, notam­ment en Uruguay est l’immigration (for­cée) d’Afrique noire. Ces esclaves, puis affran­chis, tout comme ce fut le cas dans le Sud des USA, ont dévelop­pé un art musi­cal et choré­graphique pour exprimer leur peine et enjo­liv­er leur vie pénible. Là encore, les femmes sont omniprésentes. Elles dan­saient et chan­taient. Elles étaient cepen­dant absentes comme instru­men­tiste, les tam­bours du can­dombe étaient plutôt frap­pés par des hommes, mais ce n’est pas une par­tic­u­lar­ité de la branche noire du tan­go.

Les femmes comme source d’inspiration

Si on décidait de se priv­er des tan­gos par­lant des femmes, il n’en resterait sans doute pas beau­coup. Que ces dernières soient une étoile inac­ces­si­ble, une traitresse infidèle, une com­pagne aimante, une femme de pas­sage entre­vue et per­due ou une mère. En effet, le thème de la mère est forte­ment présent dans le tan­go. Même les mau­vais gar­ne­ments, comme Gardel, n’ont qu’une seule mère.

Madre hay una sola 1930-12-10 — Ada Fal­cón con acomp. de Fran­cis­co Canaro (Agustín Bar­di Letra : José de la Vega).

Je vous pro­pose une ver­sion chan­tée par une femme, la maîtresse mal­heureuse de Fran­cis­co Canaro, Ada Fal­cón.

Je ne ferai pas le tour du thème des femmes inspi­ra­tri­ces, car vous le retrou­verez dans la plu­part de mes anec­dotes de tan­go.

Les femmes danseuses

Je n’aborderai pas non plus le thème des femmes danseuses, mais il me sem­ble impor­tant de les men­tion­ner, car, comme je l’indiquais au début de cet arti­cle, c’est aus­si pour approcher les femmes que les hommes se con­ver­tis­sent en danseurs…

Car­menci­ta Calderón et Ben­i­to Bian­quet (El Cachafaz) dansent El Entr­erri­ano de Ansel­mo Rosendo Men­dizábal, dans le film « Tan­go » (1933) de Luis Moglia Barth.

Les femmes et la musique

La musique en Europe était surtout une affaire d’hommes si on se réfère à la com­po­si­tion ou à la direc­tion d’orchestre. Les femmes tenaient des rôles plus dis­crets, comme vio­lonistes dans un orchestre, ou, plus sûre­ment, elles jouaient du piano famil­ial. Le manque de femmes dans la com­po­si­tion et la direc­tion d’orchestre n’est donc pas un phénomène pro­pre au tan­go. C’est plutôt un tra­vers de la société patri­ar­cale ou la femme reste à la mai­son et développe une cul­ture artis­tique des­tinée à l’agrément de sa famille et des invités du « maître » de mai­son.
Cepen­dant, quelques femmes ont su domin­er le tabou et se faire un nom dans ce domaine.

Les femmes musiciennes

Aujourd’hui, on trou­ve des orchestres de femmes, mais il faut recon­naître que les femmes ont tenu peu de pupitres à l’âge d’or du tan­go.
Fran­cis­ca Bernar­do, plus con­nue sous son pseu­do­nyme de Paqui­ta Bernar­do, est la pio­nnière des ban­donéon­istes femmes.

Paqui­ta Bernar­do (1900–1925) , pre­mière femme con­nue pour jouer du ban­donéon, un instru­ment réservé aux hommes aupar­a­vant.

Morte à 25 ans, elle n’a pas eu le temps de laiss­er une mar­que pro­fonde dans l’histoire du tan­go, car elle n’a pas enreg­istré de disque. Cepen­dant on con­naît ses tal­ents de com­positrice à tra­vers quelques œuvres qui nous sont par­v­enues comme Flo­re­al, un titre enreg­istré en 1923 par Juan Car­los Cobián.

Flo­re­al 1923-08-14 — Orques­ta Juan Car­los Cobián.

L’enregistrement acous­tique ne rend pas vrai­ment jus­tice à la com­positrice. C’est un autre incon­vénient que d’être décédé avant l’apparition de l’enregistrement élec­trique…

Je vous pro­pose égale­ment deux autres de ses com­po­si­tions enreg­istrées par Car­los Gardel, mal­heureuse­ment encore, tou­jours à l’ère de l’enregistrement acous­tique.

La enmas­cara­da 1924 — Car­los Gardel con acomp. de Guiller­mo Bar­bi­eri, José Ricar­do (gui­tar­ras), avec des paroles de Fran­cis­co Gar­cía Jiménez.
Soñan­do 1925 — Car­los Gardel con acomp. de Guiller­mo Bar­bi­eri, José Ricar­do (gui­tar­ras), avec des paroles de Euge­nio Cár­de­nas.

Mais d’autres femmes furent com­positri­ces.

Les femmes compositrices

L’exemple de musique com­posée par une femme le plus célèbre est sans doute la mer­veilleuse valse, « Des­de el alma » com­posée par Rosa Clotilde Mele Luciano, con­nue comme Rosi­ta Melo. Cette pianiste uruguayenne a une page offi­cielle où vous pour­rez trou­ver de nom­breux élé­ments.

Rosi­ta Melo, com­positrice de Des­de el Alma.
Des­de el alma (Valse) 1947-10-22 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Nel­ly Omar.

Je vous pro­pose une des plus belles ver­sions, chan­tée par l’incroyable Nel­ly Omar (qui vécut 102 ans).

Là encore, c’est une courte cita­tion et une femme un peu par­ti­c­ulière va me per­me­t­tre de faire la tran­si­tion avec les auteures de paroles de tan­go. Il s’agit de María Luisa Gar­nel­li.

Les femmes auteures

María Luisa Gar­nel­li est à la fois com­positrice et auteure. J’ai par­lé d’elle au sujet d’une de ses com­po­si­tions, La naran­ja nacio verde.

María Luisa Gar­nel­li, alias Luis Mario et Mario Cas­tro.

Retenons qu’elle a pris divers pseu­do­nymes mas­culins, comme Luis Mario ou Mario Cas­tro, ce qui lui per­mit d’écrire des paroles de tan­go en lun­far­do, sans que sa famille bour­geoise le sache… Elle fut égale­ment jour­nal­iste et cor­re­spon­dante de guerre…
Je vous pro­pose d’écouter un autre des titres dont elle a écrit les paroles, El male­vo, sur une musique de Julio de Caro. Ici, une ver­sion chan­tée par une femme, Rosi­ta Quiroga.

El male­vo 1928 — Rosi­ta Quiroga con gui­tar­ras.

Si vous souhaitez en con­naître plus sur sa tra­jec­toire par­ti­c­ulière, vous pou­vez con­sul­ter une biogra­phie écrite par Nél­i­da Beat­riz Cirigliano dans Buenos Aires His­to­ria.

Les femmes chanteuses

Je ne me lancerai pas dans la liste des chanteuses de tan­go, mais je vous pro­pose une petite galerie de pho­tos. Elle est très loin d’être exhaus­tive, mais je vous encour­age à décou­vrir celles que vous pour­riez ne pas con­naître.
Je vous pro­pose d’écouter une ver­sion de la cumpar­si­ta par Mer­cedes Simone pour nous quit­ter en musique en regar­dant quelques por­traits de chanteuses de tan­go.

La cumpar­si­ta (Si supieras) 1966 — Mer­cedes Simone accom­pa­g­née par l’orchestre d’Emilio Brameri.

Amor, amor vení 1941-01-09 — Orquesta Francisco Canaro con Francisco Amor

Mariano Ramiro Ochoa Induráin (paroles et musique)

Cette jolie valse est une des pre­mières que je met­tais régulière­ment à mes débuts de DJ de tan­go. Je m’en sou­viens, car la cor­re­spon­dance des prénoms, du nom et du titre m’avait frap­pé. Deux Fran­cis­co, Amor et Canaro et L’Amor de Fran­cis­co Amor et le dou­ble amor du titre, répété 6 fois dans les paroles et auquel il faut rajouter un amo. L’autre point, plus objec­tif, qui fait que j’aimais bien ce titre, est qu’il est essen­tielle­ment en mode majeur, d’un rythme soutenu et qu’il évite la monot­o­nie en vari­ant les instru­ments et que Fran­cis­co Amor a une belle voix.

Extrait musical

Amor, amor vení 1941-01-09 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Fran­cis­co Amor.

On note dès le début le rythme bien accen­tué, typ­ique de Canaro. Cer­tains diront un peu lourd, mais cela plait aux Européens qui se sont habitués à ce fait, comme en témoigne l’évolution du tan­go en Europe, où la bat­terie rythme les bals de vil­lage même pour les tan­gos.
On notera que le piano mar­que tous les temps à l’aide d’accords. On le remar­que moins sur les pre­miers temps, juste­ment à cause de l’utilisation appuyée de la con­tre­basse d’Abra­ham Krauss sur les pre­miers temps, mais aus­si des autres instru­ments et notam­ment des vio­lons, du vio­lon­celle et des ban­donéons, qui évolueront durant toute la durée entre des par­ties ryth­miques et des pas­sages mélodiques, en alter­nance afin que le rythme ne se perde pas et que ce soit con­fort­able pour les danseurs.
Le piano se libère pro­gres­sive­ment de cet osti­na­to en lâchant quelques fior­i­t­ures en fin de phrase. Le piano est tenu par Mar­i­ano Mores qui rem­plaça Luis Ric­car­di qui était dans l’orchestre de Canaro depuis 1928 et dont la mal­adie l’a obligé à aban­don­ner la car­rière.
À 21 s se remar­que la clar­inette qui rap­pelle qu’avant les ban­donéons, les flûtes fai­saient par­tie des instru­ments du tan­go et que Canaro a égale­ment un orchestre de jazz. On retrou­vera égale­ment la clar­inette en con­tre­point du chanteur un peu plus tard.
À 28 s, com­mence la par­tie B qui se dis­tingue par des allers-retours entre l’orchestre et le piano. À 56 s, Fran­cis­co Amor com­mence à chanter avec les vio­lons en con­tre-chant et les ponc­tu­a­tions du piano, la con­tre­basse con­tin­u­ant d’aider les danseurs en mar­quant les pre­miers temps. Les ban­donéons s’occupant de mar­quer tous les temps, comme le fai­sait le piano au début.
Je pense qu’en l’ayant écoutée atten­tive­ment, vous com­pren­drez pourquoi je trou­ve que c’est une mer­veille, sim­ple et élé­gante.

Paroles

Amor, amor vení
No me hagas más penar,
Que mi vida está en peli­gro
Siem­pre que no tardes más.

Amor, amor vení
Ya no puedo repe­tir,
Porque me fal­ta el alien­to
Y fuerzas para vivir.

Camini­to del cole­gio
Que de ahí te conocí,
Me mirabas como a un hom­bre
Y mi amor fue para ti.

Ten­go veinte y tú tam­bién
Y mi amor tam­bién cre­ció,
No sé si me com­prendiste
Y por eso te amo yo.
Mar­i­ano Ramiro Ochoa Induráin (paroles et musique)

Traduction libre

Amour, amour vient (amour = chérie)
Ne m’in­flige pas plus de cha­grin, car ma vie est tou­jours en dan­ger, aus­si, ne tarde pas davan­tage.
Amour, amour vient
Je ne peux plus le répéter, parce que me font défaut le souf­fle et les forces pour vivre.
Sur le chemin de l’é­cole où je t’ai ren­con­trée, tu m’as regardé comme un homme et mon amour fut pour toi.
J’ai vingt ans, et toi aus­si, et mon amour a égale­ment gran­di, je ne sais pas si tu m’as com­pris, et c’est pourquoi, moi, je t’aime.

Bredouille

Dif­fi­cile de trou­ver des élé­ments sur cette valse. Son auteur est incon­nu. On ne lui doit aucun autre titre et la SADAIC ne dis­pose d’aucune don­née dans son enreg­istrement cor­re­spon­dant, #195 009, pas même le nom du com­pos­i­teur et paroli­er, Mar­i­ano Ramiro Ochoa Induráin.
Du côté des deux Fran­cis­co, l’horizon s’éclaircit. Je ne vais pas vous par­ler de Canaro, mais vous dire quelques mots de Amor.
S’il a com­mencé dans l’orchestre de Florindo Sas­sone, ce natif de Bahia Bian­ca, comme Di Sar­li, n’a enreg­istré qu’avec Canaro.
Son image a toute­fois été enreg­istré dans divers films comme :
Vien­to norte 1937 de Mario Sof­fi­ci où il tient le rôle du sol­dat chanteur… Musique et chan­sons de Andres R. Domenech et P. Rub­bione.

Fran­cis­co Amor en Vien­to norte 1937. Un film de Mario Sof­fi­ci. Dans cet extrait, Fran­cis­co Amor chante deux chan­sons et on peut voir à la fin un Gato et un Malam­bo inter­prété par les sol­dats.

Pam­pa y cielo 1938 de Raúl Gur­rucha­ga dans lequel il chante notam­ment « No te cas­es » (ne te marie pas).

No te cas­es 1937 (Vals) — Fran­cis­co Amor con la Orques­ta de Fran­cis­co Canaro

Mandin­ga en la sier­ra 1939 de Isidoro Navar­ro.
Napoleón 1941 de Luis César Amadori.
Buenos Aires can­ta 1947 de Anto­nio Solano. Comme le titre peut le sug­gér­er, plusieurs chanteurs sont à l’affiche et en plus de Fran­cis­co Amor, citons, Azu­ce­na Maizani, Ernesto Famá. On peut aus­si y écouter Oscar Ale­man, l’orchestre le plus en vogue lors de la déca­dence du tan­go au prof­it du jazz.

Autres versions

Les Fran­cis­co ont enreg­istré ensem­ble une ving­taine de valses. Cepen­dant, il n’y a pas de ver­sion enreg­istrée de cette valse par un autre orchestre. Je vous pro­pose donc de ter­min­er en la réé­coutant.

Amor, amor vení 1941-01-09 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Fran­cis­co Amor.

Je vous laisse avec les 76 mots chan­tés par Amor, qui dira son nom de famille (il s’appelait réelle­ment Amor et même Igle­sias Amor, c’est-à-dire « Église Amour »…) six fois.

Sur ces bonnes… paroles, je vous dis à bien­tôt, les amis !

Mano a mano 1987-08-22 – Roberto Goyeneche con la Orquesta de Osvaldo Pugliese

Carlos Gardel, José Razzano Letra: Celedonio Esteban Flores

Hier, en fouil­lant dans les vidéos de La yum­ba, sans doute l’œuvre où on a le plus de vues de Pugliese jouant et dirigeant son orchestre, une vidéo a attiré mon atten­tion. Il s’agit d’un con­cert don­né en 1987 où Rober­to Goyeneche a été accom­pa­g­né par l’orchestre de Osval­do Pugliese. Cette ren­con­tre au som­met entre ces deux idol­es du tan­go a donc été filmée et j’ai pen­sé que je devais vous partager ce morceau d’anthologie qui a été enreg­istré il y a exacte­ment 37 ans, jour pour jour.
Je pour­rai rajouter que les auteurs sont eux aus­si plutôt fameux, puisqu’il s’agit de Car­los Gardel et José Raz­zano pour la com­po­si­tion et Cele­do­nio Este­ban Flo­res pour les paroles.

Mano a mano, Osvaldo Pugliese et Roberto Goyeneche

Par­ti­tion de Mano a mano de Car­los Gardel et José Raz­zano avec des paroles de Cele­do­nio Flo­res.
Mano a mano — Rober­to Goyeneche con Osval­do Pugliese y su orques­ta. Enreg­istrement pub­lic au Teatro Opera de Buenos Aires (Aveni­da Cor­ri­entes 860) le 22 août 1987

Je pense que vous serez d’accord pour dire que cette vidéo est un mon­u­ment d’amitié, de respect et d’émotion. Un très grand moment du tan­go.

Paroles

Rechi­fla­do en mi tris­teza, te evo­co y veo que has sido
en mi pobre vida paria sólo una bue­na mujer.
Tu pres­en­cia de bacana puso calor en mi nido,
fuiste bue­na, con­se­cuente, y yo sé que me has queri­do
cómo no qui­siste a nadie, como no podrás quer­er.

Se dio el juego de remanye cuan­do vos, pobre per­can­ta,
gam­bete­abas la pobreza en la casa de pen­sión.
Hoy sos toda una bacana, la vida te ríe y can­ta,
Los mor­la­cos del otario los jugás a la marchan­ta
como jue­ga el gato maula con el mísero ratón.

Hoy tenés el mate lleno de infe­lices ilu­siones,
te engrupieron los otar­ios, las ami­gas y el gav­ión;
la milon­ga, entre mag­nates, con sus locas tenta­ciones,
donde tri­un­fan y clau­di­can milongueras pre­ten­siones,
se te ha entra­do muy aden­tro en tu pobre corazón.

Nada debo agrade­certe, mano a mano hemos queda­do;
no me impor­ta lo que has hecho, lo que hacés ni lo que harás…
Los favores recibidos creo habérte­los paga­do
y, si algu­na deu­da chi­ca sin quer­er se me ha olvi­da­do,
en la cuen­ta del otario que tenés se la cargás.

Mien­tras tan­to, que tus tri­un­fos, pobres tri­un­fos pasajeros,
sean una larga fila de riquezas y plac­er;
que el bacán que te acá­mala ten­ga pesos duraderos,
que te abrás de las paradas con cafishos milongueros
y que digan los mucha­chos: Es una bue­na mujer.
Y mañana, cuan­do seas desco­la­do mue­ble viejo
y no ten­gas esper­an­zas en tu pobre corazón,
sí pre­cisás una ayu­da, si te hace fal­ta un con­se­jo,
acor­date de este ami­go que ha de jugarse el pelle­jo
pa’ayu­darte en lo que pue­da cuan­do llegue la ocasión.
Car­los Gardel, José Raz­zano Letra: Cele­do­nio Este­ban Flo­res

Traduction libre et indications

Entravé (rechi­fla­do peut sig­ni­fi­er amoureux, ent­hou­si­aste, fou…) dans ma tristesse, je t’évoque et je vois que tu as été dans ma pau­vre vie de paria seule­ment une femme bonne.
Ta présence de femme (mul­ti­tude d’acceptions allant de ten­an­cière de bor­del à con­cu­bine en pas­sant par amante d’un homme riche) a mis de la chaleur dans mon nid, tu étais bonne, con­séquente, et je sais que tu m’as aimé comme tu n’as aimé per­son­ne, comme tu ne pour­ras pas aimer.
Il y avait un jeu de soupçon quand toi, pau­vre femme (amante, con­cu­bine), tu drib­blais (essay­er d’esquiver, comme au foot­ball) la pau­vreté dans la pen­sion.
Aujour­d’hui, tu as une femme établie (prob­a­ble­ment ten­an­cière de mai­son close), la vie rit et chante pour toi, les mor­la­cos (pesos, argent) de l’o­tario (idiot, niais, cave) tu les joues à la marchan­ta (action de jeter des pièces à des per­son­nes pau­vres pour qu’elles se jet­tent dessus en se bat­tant) comme le chat joue avec la mis­érable souris.
Aujour­d’hui, tu as le mate plein d’il­lu­sions mal­heureuses, tu as été gon­flé par les otar­ios, les amis et le chéri (fiancé…) ; La milon­ga, chez les mag­nats, avec ses folles ten­ta­tions, où les milongueras tri­om­phent et chutent, est entrée pro­fondé­ment dans ton pau­vre cœur.
Je n’ai rien que je doive te remerci­er, main dans la main nous sommes restés ; peu importe ce que tu as fait, ce que tu fais ou ce que tu feras…
Je crois t’avoir payé les faveurs que j’ai reçues, et si j’ai oublié par hasard quelque petite dette, tu la charg­eras sur le compte de l’o­tario que tu as.
En atten­dant que tes tri­om­phes, pau­vres tri­om­phes éphémères, soient une longue lignée de richess­es et de plaisirs ; que le bacán (riche), qui t’a dans son lit, ait des pesos durables, que tu t’ouvres des parades avec des prox­énètes milongueros et que les garçons dis­ent : c’est une femme bonne.
Et demain, quand tu seras défraîchie (passée de mode), un vieux meu­ble et que tu n’auras plus d’e­spoir dans ton pau­vre cœur, si tu as besoin d’aide, si tu as besoin de con­seils, sou­viens-toi de cet ami qui ris­quera sa peau pour t’aider de toutes les manières pos­si­bles lorsque l’oc­ca­sion se présen­tera.

Autres versions

Il y a des cen­taines d’autres ver­sions, à com­mencer par celles de Gardel, lui-même, mais aujourd’hui j’avais plutôt envie de vous faire partager la for­mi­da­ble cama­raderie des gens de tan­go.
Ce sera donc pour une autre fois… Je vais à la place vous dire quelques mots sur le chanteur, Rober­to Goyeneche.

Roberto Goyeneche

Goyeneche, le Polon­ais (El Pola­co), arrive un peu après la bataille, puisqu’il ne com­mence sa car­rière qu’en 1944. Il était alors âgé de 18 ans, son retard dans le mou­ve­ment du tan­go est donc plutôt de la faute de ses par­ents 😉
En revanche, il com­pense cela par une dic­tion ferme et un phrasé très par­ti­c­uli­er qui font que l’on tombe oblig­a­toire­ment sous son charme.
Arriv­er tard, n’est pas for­cé­ment une mau­vaise chose dans la mesure où à par­tir des années 50, le tan­go devient surtout une activ­ité de con­cert, plus que de danse. La radio, les dis­ques et la télévi­sion étaient friands de ces chanteurs expres­sifs et Goyeneche a su créer l’engouement dans le pub­lic.
Dans les années 40, un de ses col­lègues de l’orchestre de Hora­cio Sal­gán, le chanteur Ángel Díaz, lui don­na son surnom de Pola­co (Polon­ais).
Son pas­sage dans l’orchestre de Aníbal Troi­lo affer­mit sa gloire nais­sante, mais le fait qu’il donne une vision per­son­nelle des grands titres du réper­toire a égale­ment attiré la sym­pa­thie du pub­lic. Il a su ain­si per­son­nalis­er son réper­toire, en renou­ve­lant des titres qui étaient déjà fameux par d’autres chanteurs.
Par exem­ple, notre tan­go du jour avait été par­ti­c­ulière­ment appré­cié, notam­ment par Car­los Gardel (son auteur), Char­lo, Jorge Omar, Héc­tor Pala­cios, Rober­to Mai­da, Car­los Dante et même Nina Miran­da (en duo avec Rober­to Líster), Car­los Roldán et Julio Sosa, el Varon del tan­go. Il con­ve­nait donc de se démar­quer et Goyeneche sut le faire, faisant sou­vent oubli­er les ver­sions antérieures pour que le pub­lic ne reti­enne que la sienne, celle du chanteur avec la voix de sable, gar­gan­ta con are­na (gorge avec du sable). Cacho Cas­taña a d’ailleurs fait une chan­son hom­mage au Pola­co, Gar­gan­ta con are­na.

Garganta con arena

Je vous pro­pose de ter­min­er avec la chan­son de Cacho Cas­taña en l’honneur de Rober­to Goyeneche. Cacho a com­posé cette chan­son, quelques mois avant la mort de Rober­to. Ce dernier en enten­dant la chan­son fre­donnée dans la loge par Cacho Cas­taña s’est écrié, « Mais je suis encore vivant, che! » et il a demandé à Adri­ana Varela qui était égale­ment présente de l’enregistrer, ce qui fut fait, elle a enreg­istré la chan­son, avant Cacho.
Seize ans plus tard, Cacho et Adri­ana chantent le titre en duo. C’est la vidéo que je vous pro­pose de voir main­tenant.

Gar­gan­ta con are­na, la chan­son de Cacho Cas­taña en l’hon­neur de Rober­to Goyeneche, ici, en 2010 chan­té par Cacho Cas­taña et Adri­ana Varela.

Paroles

Ya ves, el día no amanece
Pola­co Goyeneche, cán­tame un tan­go más
Ya ves, la noche se hace larga
Tu vida tiene un kar­ma: Can­tar, siem­pre can­tar

Tu voz, que al tan­go lo emo­ciona
Dicien­do el pun­to y coma que nadie le can­tó
Tu voz, con duen­des y fan­tas­mas
Res­pi­ra con el asma de un viejo ban­doneón

Can­ta, gar­gan­ta con are­na
Tu voz tiene la pena que Male­na no can­tó
Can­ta, que Juárez te con­de­na
Al las­ti­mar tu pena con su blan­co ban­doneón

Can­ta, la gente está aplau­di­en­do
Y aunque te estés murien­do, no cono­cen tu dolor
Can­ta, que Troi­lo des­de el cielo
Deba­jo de tu almo­ha­da, un ver­so te dejó

Can­tor de un tan­go algo inso­lente
Hiciste que a la gente le duela, le duela tu dolor
Can­tor de un tan­go equi­lib­rista
Más que can­tor, artista con vicios de can­tor

Ya ves, a mí y a Buenos Aires
Nos fal­ta siem­pre el aire cuan­do no está tu voz
A vos, que tan­to me enseñaste
El día que can­taste con­mi­go una can­ción

Can­ta, gar­gan­ta con are­na
Tu voz tiene la pena que Male­na no can­tó
Can­ta, que Juárez te con­de­na
Al las­ti­mar tu pena con su blan­co ban­doneón

Can­ta, la gente está aplau­di­en­do
Y aunque te estés murien­do, no cono­cen tu dolor
Can­ta, que Troi­lo des­de el cielo
Deba­jo de tu almo­ha­da, un ver­so te dejó
Cacho Cas­taña

Traduction libre de Garganta con arena

Tu vois, le jour ne se lève pas.
Pola­co Goyeneche, chante-moi encore un tan­go.
Tu vois, la nuit se fait longue.
Ta vie a du kar­ma : Chante, chante tou­jours
Ta voix, qui émeut le tan­go, dis­ant le point-vir­gule que per­son­ne jamais n’a chan­té.
Ta voix, avec des lutins (duen­des, sorte de gnomes de la mytholo­gie espag­nole et argen­tine) et des fan­tômes, respirez avec l’asthme d’un vieux ban­donéon.

Chante, gorge avec du sable.
Ta voix a le cha­grin que Male­na n’a pas chan­té.
Chante, que Juárez te con­damne en blessant ton cha­grin avec son ban­donéon blanc. (Rubén Juárez était un jeune chanteur de 21 ans de moins que Goyeneche, qui s’accompagnait au ban­donéon, ce qui est très rare. Troi­lo, lui-même, chan­tait par­fois quelques instants, mais jamais une véri­ta­ble par­tie de chanteur. Goyeneche a dit de Juárez : « Dans un an, on par­lera beau­coup de ce gamin ; dans deux ans, il nous coupera la tête à tous.»).
Chante, les gens applaud­is­sent.
Et même si tu te meurs, ils ne con­nais­sent pas ta douleur. Chante, que Troi­lo depuis le ciel, sous ton oreiller, un cou­plet, il t’a lais­sé.

Chanteur d’un tan­go un peu inso­lent, tu as fait que les gens aient mal, que ta douleur fasse mal.
Chanteur d’un tan­go équilib­riste, plus qu’un chanteur, un artiste avec des vices de chanteur.
Tu vois, à moi et à Buenos Aires, nous man­quons tou­jours d’air quand ta voix n’est pas là.
À toi, qui m’as tant appris le jour où tu as chan­té une chan­son avec moi.

Au revoir, les amis, au revoir Mon­sieur Goyeneche.

Viviré con tu recuerdo 1942-08-04 — Ada Falcón con acomp. de Roberto Garza

Francisco Canaro Letra: Ivo Pelay

Notre tan­go du jour est une chan­son sur un rythme de valse. Ce n’est donc pas un enreg­istrement pour la danse, mais l’histoire qui la sous-tend vaut d’être con­tée. C’est une his­toire d’amour et ici, c’est la réponse de la bergère au berg­er.
Mais ras­surez-vous, il y a aus­si de belles ver­sions de danse au pro­gramme…

Fran­cis­co Canaro et Ada Fal­cón

Extrait musical

Viviré con tu recuer­do 1942-08-04 — Ada Fal­cón con acomp. de Rober­to Garza.

Paroles

Recor­daré de tu pasión la inmen­si­dad.
Recor­daré la ima­gen fiel que me adoró.
Evo­caré de tu mirar la suavi­dad
y soñaré que aquel ayer no se ale­jó.

Recor­daré la noche azul en que te vi
en el jardín pri­mav­er­al de la ilusión.
Recor­daré que hoy, al par­tir, me estremecí
cuan­do miré las rosas de mi amor tem­b­lan­do en tu bal­cón.

El recuer­do de tus ojos,
tus son­risas y tus besos,
han de ser en mi camino
bril­lan­tísi­mo ful­gor.
Si me ale­jan de tu lado
viviré con tu recuer­do.
Viviré acari­cian­do tu nom­bre
entre vagos rumores y ensueños.
Viviré de las horas pasadas
mi sub­lime nov­ela de amor.

Recor­daré de tu quer­er la inmen­si­dad,
recor­daré de tu besar la ensoñación,
y al evo­car de tu reír la clar­i­dad
me cubrirá un velo gris de desazón.

Recor­daré que suave luz te ilu­minó
cuan­do besé, ebrio de amor, tu boca en flor.
Recor­daré el madri­gal que te brindó
mi inspiración, al ver tu her­mosa faz teñi­da de rubor.
Fran­cis­co Canaro Letra: Ivo Pelay

Traduction libre

Je me sou­viendrai de l’im­men­sité de ta pas­sion.
Je me sou­viendrai de l’im­age fidèle qui m’ado­rait.
J’évo­querai de ton regard la douceur et je rêverai que cet hier n’a pas dis­paru.
Je me sou­viendrai de la nuit bleue quand je t’ai vu dans le jardin print­anier de l’il­lu­sion.
Je me sou­viendrai qu’au­jour­d’hui, en par­tant, j’ai fris­son­né en regar­dant les ros­es de mon amour trem­bler sur ton bal­con.
Le sou­venir de tes yeux, tes sourires et tes bais­ers doivent être un éclat des plus bril­lants sur mon chemin.
S’ils m’emportent loin de toi, je vivrai avec ton sou­venir.
Je vivrai en cares­sant ton nom au milieu de vagues rumeurs et de rêves.
Je vivrai des heures passées, mon sub­lime roman d’amour.
Je me sou­viendrai de l’im­men­sité de ton amour, je me sou­viendrai du rêve de ton bais­er, et quand j’évo­querai la clarté de ton rire, il me cou­vri­ra d’un voile gris de malaise.
Je me sou­viendrai de la douce lumière qui t’il­lu­mi­nait quand j’embrassais, ivre d’amour, ta bouche en fleurs.
Je me sou­viendrai du madri­gal que t’a don­né mon inspi­ra­tion, quand j’ai vu ton beau vis­age tein­té de rougisse­ment.

Une histoire

Main­tenant que vous avez pris con­nais­sance des paroles, vous com­pren­drez pourquoi cette valse n’est pas aus­si entraî­nante que d’autres. On peut se deman­der ce qui se passe, si l’être aimé est mourant ou mort, si la sépa­ra­tion est défini­tive par la volon­té de l’un des deux.
Pour répon­dre à cela, il con­vient d’entrer dans la vie de Fran­cis­co Canaro et Ada Fal­cón.
Aída Elsa Ada Fal­cone avait deux demi-sœurs, elles aus­si chanteuses, Aman­da, et Adhel­ma.

Aman­da, Adhel­ma et Ada Fal­cón. Elles ont au moins en com­mun de lever le regard…

Amanda Falcón (1901–1998)

Aman­da qui n’a pas enreg­istré a eu un début de car­rière intéres­sant, faisant notam­ment par­tie de la Com­pañía Argenti­na de Grandes Espec­tácu­los de Ivo Pelay (l’auteur des paroles de notre valse du jour). Elle a joué égale­ment avec Gardel, même si l’accueil de la cri­tique ne fut pas à la hau­teur de ses espérances. Sa car­rière sem­ble s’être arrêtée en 1934 et on la retrou­ve à Hol­ly­wood, mais apparem­ment sans événe­ment majeur dans sa vie artis­tique.

Adhelma Falcón (1902–1987),

Je vous pro­pose de décou­vrir Adhel­ma avec l’un de ses enreg­istrements :

Cor­tan­do camino 1930 — Adhel­ma Fal­cón con gui­tar­ras

Adhel­ma prou­ve par cet enreg­istrement qu’elle avait une voix qui pou­vait rivalis­er avec celle de sa demi-sœur. Elle était en plus com­positrice et auteure, de quoi lui assur­er la gloire, mais cela a été pour la petite Ada, la plus jeune des trois. Elle a arrêté sa car­rière en 1946, peu après Ada.
En 1989 Ada a accusé son aînée de s’être fait pass­er pour elle dans des tournées et de sign­er des auto­graphes en son nom. Cinquante ans après les faits sup­posés, on peut s’étonner de cette révéla­tion.
Cela con­firme toute­fois la qual­ité de chanteuse d’Adhel­ma et sa beauté. En 1934, elle a devancé Ada dans un con­cours organ­isé par la revue Sin­tonía. Le but de ce con­cours était d’élire la plus belle Miss Radio (ce qui peut sem­bler éton­nant vu qu’à la radio on ne voit pas les vis­ages… La gag­nante fut Lib­er­tad Lamar­que, mais Adhel­ma a obtenu beau­coup plus de voix (votes) que Ada.
Peut-être que ces points expliquent la brouille entre les deux femmes, mais une autre his­toire court selon laque­lle Canaro aurait été infidèle à Ada avec Adhel­ma

Ada Falcón

Ada est née elle-même d’une infidél­ité de sa mère avec un estanciero de Junín… Elle est donc la demi-sœur de Aman­da et Adhel­ma.
Elle a suivi le chemin des deux aînées, mais sem­ble-t-il avec plus de suc­cès. Cela tient peut-être dans le fait que Ada a ren­con­tré Canaro. Et c’est cette ren­con­tre qui mar­quera la vie des deux.

Ada y Francisco

La romance entre Canaro et Ada est bien con­nue. Ada qui a com­mencé à tra­vailler très jeune et après un pas­sage dans l’orchestre de Frese­do et le trio de Delfi­no avec qui elle a enreg­istré jusqu’au 20 juil­let 1929 et 4 jours plus tard, elle enreg­is­trait avec Canaro.
La majorité des titres sont men­tion­nés comme étant de Ada Fal­cón accom­pa­g­née par Fran­cis­co Canaro. Elle était la vedette. Par ailleurs, beau­coup des titres qu’elle a chan­tés ont été com­posés par Canaro avec des thèmes pou­vant coïn­cider avec leur his­toire d’amour. Le plus célèbre et le pre­mier est Yo no sé qué me han hecho tus ojos.

Yo no sé qué me han hecho tus ojos 1930-09-17 — Ada Fal­cón con acomp. de Fran­cis­co Canaro.

Paroles et musiques de Fran­cis­co Canaro. Une déc­la­ra­tion d’amour à Ada.
Cette his­toire eu comme fin le refus de Canaro de divorcer de La France­sa, son épouse. Dans ses mémoires, Canaro le con­te de façon un peu dif­férente, Ada aurait répon­du à un appel de Dieu, pas tout à fait sincère le Fran­cis­co.
La réal­ité sem­ble plus prosaïque. Les avo­cats de Canaro auraient affir­mé qu’il aurait dû don­ner la moitié de ses biens à sa femme en cas de divorce, ce à quoi, étant né pau­vre, il s’est refusé.
Le refus fut sans doute très mal pris par Ada qui avait son car­ac­tère, mais le point final fut soit l’histoire avec sa demi-sœur Adhel­ma con­tée ci-dessus, soit le fait que La France­sa soit venue dans la loge et sur­prenant Ada sur les genoux de Fran­cis­co aurait men­acé de les tuer avec le pis­to­let qu’elle avait apporté.
Quoi qu’il en soit, cela a mis fin à leur rela­tion pro­fes­sion­nelle, mais leur amour est resté en fil­igrane. Ain­si, leur dernière séance d’enregistrement a eu lieu le 28 sep­tem­bre 1938 et les deux derniers thèmes ont été Nada más et No mien­tas, (Plus jamais et Ne mens pas).
Qua­tre ans plus tard, Fran­cis­co Canaro enreg­istre la valse Viviré con tu recuer­do avec Eduar­do Adrián.
Au bout de qua­tre mois, Ada don­nera sa réponse en enreg­is­trant pour la dernière fois de sa vie, la même valse, Viviré con tu recuer­do (Je vivrai avec ton sou­venir) et Corazón enca­de­na­do (cœur enchaîné), un autre thème com­posé par Canaro et qui peut être con­sid­éré comme une autre preuve de l’amour d’Ada pour Fran­cis­co. Ce dernier enreg­istrement est un adieu, un adieu à Canaro, mais aus­si à la vie sécu­laire, puisqu’elle se reti­ra dans un cou­vent.
Pour clore cette his­toire, je vous pro­pose la fin du doc­u­men­taire sur Ada Fal­cón, de Lore­na Muñoz et Ser­gio WolfYo no sé qué me han hecho tus ojos” (Argenti­na — 2003).

20 sec­on­des d’é­mo­tion quand le jour­nal­iste demande à Ada Fal­cón qui fut son grand amour et qu’elle répon­dit en pleu­rant, je ne me sou­viens pas. Allí se le pre­gun­tó quién había sido su gran amor”, “No recuer­do”.

Autres versions

Il n’y a que trois enreg­istrements val­ables de ce thème et les trois impliquent au moins un des pro­tag­o­nistes de la chan­son.
J’ai d’autres ver­sions, mais elles sont suff­isam­ment moches pour que je ne vous les pro­pose pas. Je ne voulais pas gâch­er cette his­toire d’amour avec des ver­sions moyennes.

Viviré con tu recuer­do 1942-04-24 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Eduar­do Adrián.

C’est le pre­mier enreg­istrement du thème de Canaro par Canaro. C’est claire­ment un mes­sage adressé à Ada avec l’aide de son com­plice, Ivo Pelay, qui était égale­ment un proche des sœurs Fal­cón.

Viviré con tu recuer­do 1942-08-04 — Ada Fal­cón con acomp. de Rober­to Garza.

Viviré con tu recuer­do 1942-08-04 — Ada Fal­cón con acomp. de Rober­to Garza. La réponse de la bergère, Ada, au berg­er Fran­cis­co.
Rober­to Garza (José Gar­cía López), le ban­donéon­iste qui accom­pa­gne avec ses musi­ciens Ada Fal­cón n’est pas un chef habituel. Il a réal­isé entre 1941, quelques enreg­istrements en accom­pa­g­ne­ment de Mer­cedes Simone et enreg­istré deux titres avec Igna­cio Corsi­ni. Le dou­ble enreg­istrement du 4 août 1942 est donc motivé par le besoin d’Ada de répon­dre à Fran­cis­co. Ce sont ses adieux à Canaro et au monde.

Viviré con tu recuer­do 1954-11-17 — Quin­te­to Pir­in­cho dir. Fran­cis­co Canaro.

Viviré con tu recuer­do 1954-11-17 — Quin­te­to Pir­in­cho dir. Fran­cis­co Canaro. Douze ans plus tard, Canaro, à la tête de son Quin­te­to Pir­in­cho enreg­istre une ver­sion instru­men­tale, comme un écho, comme pour dire à Ada, je pense tou­jours à toi.

À propos des « éditeurs » de disques

J’ai une col­lec­tion musi­cale plutôt riche (plus de 100 000 titres, pas seule­ment de tan­go), mais je fais de la veille, notam­ment pour décou­vrir des ver­sions par de nou­veaux orchestres. J’ai donc jeté un œil à Spo­ti­fy, un ser­vice de musique grand pub­lic, d’une grande médi­ocrité, car il ne véri­fie pas les élé­ments qu’ils pub­lient. Curieuse­ment beau­coup de DJ de tan­go l’utilisent, par­fois même en direct…
Je ne par­le pas de la qual­ité sonore pro­posée par la plate­forme, elle est tech­nique­ment suff­isante pour pass­er de la musique de tan­go anci­enne, mais de la qual­ité des ver­sions qu’ils dif­fusent, s’approvisionnant auprès d’éditeurs peu scrupuleux, voire cra­puleux. Ces derniers pro­posent des ver­sions très mal numérisées et sou­vent hor­ri­ble­ment retouchées, voire tron­quées.

Presque toutes les men­tions sont fauss­es. Une seule est com­plète et juste.

Voici une copie d’écran de Spo­ti­fy. Le seul enreg­istrement cor­recte­ment indiqué est notre tan­go du jour. Les autres sont soit incom­plets (men­tion de l’orchestre sans le chanteur, men­tion du chanteur sans l’orchestre), soit car­ré­ment faux, comme une ver­sion de Mer­cedes Simone qui est en fait celle de Ada Fal­cón passée un peu plus vite. 90 % d’erreur, ce n’est pas très hon­or­able.
Non seule­ment c’est une preuve de médi­ocrité, mais en plus, c’est ne rien com­pren­dre à l’histoire. Indi­quer que Ada Fal­cón a enreg­istré avec Canaro en 1942, c’est mécon­naître l’histoire et ne pas regarder les éti­quettes des dis­ques.
Les édi­teurs se con­tentent de piquer des musiques dans leur fonds, sans se souci­er de la qual­ité, de l’exactitude de ce qu’ils pub­lient. Ils pren­nent n’importe quel CD, réal­isé d’après n’importe quel disque vinyle ayant mas­sacré le disque 78 tours d’origine, en rajoutant une couche de destruc­tion avec le Remas­ter­i­za­do”.
C’est tout sim­ple­ment scan­daleux. Quand je pense que les édi­teurs de musique se goin­frent sur le dos des organ­isa­teurs d’événements en ayant détourné la rai­son d’être de la SACEM, ce qui est un comble quand on pense que Canaro était un des précurseurs des droits d’auteurs en Argen­tine avec la créa­tion de la SADAIC.

Fran­cis­co Canaro et Ada Fal­cón

Voilà, on se quitte avec la pho­to de nos deux amoureux trag­iques.

À demain, les amis !

Tres Esquinas 1941-07-24 — Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas

Ángel D’Agostino y Alfredo Attadía Letra: Enrique Cadícamo

Je suis aux anges de vous par­ler aujourd’hui de Tres Esquinas (trois coins de rue), car ce mer­veilleux tan­go immor­tal­isé par les deux angeli­tos (D’Agostino et Var­gas) par­le à tous les danseurs. C’est une com­po­si­tion de Ángel D’Agosti­no et Alfre­do Attadía, Enrique Cadí­camo lui a don­né ses paroles et son nom. Par­tons en train jusqu’à Tres Esquinas à la décou­verte du berceau de ce tan­go.

Naissance de Tres Esquinas

En 1920, Ángel D’Agosti­no a com­posé ce titre dans une ver­sion som­maire pour une saynète nom­mée « Armenonville » mon­tée par Luis Ara­ta, Leopol­do Simari et José Fran­co. Comme on peut s’en douter, cette pièce par­lait de la vie des pau­vres filles du cabaret Armenonville.
Ángel D’Agosti­no jouait cette com­po­si­tion au piano sous le titre, Pobre Piba (Pau­vre gamine).

Ara­ta-Simari-Fran­co

Une ving­taine d’années plus tard selon la légende (his­toire) D’Agostino fre­donnait le titre que reprit Var­gas à la sor­tie de la salle où ils venaient d’intervenir. Cadí­camo imag­i­na le pre­mier vers « Yo soy del bar­rio de Tres Esquinas ». Alfre­do Attadía qui était le pre­mier ban­donéon et l’arrangeur de l’orchestre de D’Agostino s’occupa des arrange­ments. Il doit cepen­dant d’avoir son nom à la par­ti­tion par son apport sur le phrasé des ban­donéons, phrasé inspiré par la façon de chanter de Var­gas qui devrait donc à ce dou­ble titre avoir aus­si son nom sur la par­ti­tion 😉

Extrait musical

Com­mençons par écouter cette mer­veille pour se met­tre dans l’humeur prop­ice à notre décou­verte.

Tres Esquinas 1941-07-24 — Orques­ta Ángel D’Agosti­no con Ángel Var­gas.
Tres Esquinas. Ángel D’Agosti­no y Alfre­do Attadía Letra: Enrique Cadí­camo. À gauche, deux cou­ver­tures, puis par­ti­tion et accords gui­tare et disque.

Je pense que vous avez remar­qué ce fameux phrasé dès le début. On y telle­ment habitué main­tenant que l’on pense que cela a tou­jours existé… Lorsque Var­gas chante, le ban­donéon se fait dis­cret, se con­tentant au même titre que les autres instru­ments de mar­quer le rythme et de pro­pos­er quelques orne­ments pour les ponts. On notera le superbe solo de vio­lon de Hol­ga­do Bar­rio après la voix de Var­gas et la reprise du ban­donéon (vers 2:20). Var­gas a le dernier mot et ter­mine le titre.

Je n’ai pas trou­vé d’enregistrement de Pobre piba pour juger de l’apport de Atta­dia, mais il y a fort à pari­er que ce titre éphémère, lié à une pièce qui n’a pas accédé à une gloire intem­porelle n’a pas inspiré les maisons de disque.

Paroles

Yo soy del bar­rio de Tres Esquinas,
viejo balu­arte de un arra­bal
donde flo­re­cen como glic­i­nas
las lin­das pibas de delan­tal.
Donde en la noche tib­ia y ser­e­na
su antiguo aro­ma vuel­ca el malvón
y bajo el cielo de luna llena
duer­men las chatas del cor­ralón.

Soy de ese bar­rio de humilde ran­go,
yo soy el tan­go sen­ti­men­tal.
Soy de ese bar­rio que toma mate
bajo la som­bra que da el par­rral.
En sus ochavas com­padrié de mozo,
tiré la daga por un loco amor,
quemé en los ojos de una mal­e­va
la ardi­ente ceba de mi pasión.

Nada hay más lin­do ni más com­padre
que mi sub­ur­bio mur­mu­rador,
con los chi­men­tos de las comadres
y los piro­pos del Picaflor.
Vie­ja bar­ri­a­da que fue estandarte
de mis arro­jos de juven­tud…
Yo soy del bar­rio que vive aparte
en este siglo de Neo-Lux.

Ángel D’Agosti­no y Alfre­do Attadía Letra: Enrique Cadí­camo

Traduction libre des paroles

Je suis du quarti­er de Tres Esquinas (plus un vil­lage qu’un quarti­er au sens actuel), un ancien bas­tion d’une ban­lieue où les jolies filles en tabli­er fleuris­sent comme des glycines (Il s’ag­it des tra­vailleuses des usines locales).
Où dans la nuit chaude et sere­ine le géra­ni­um déverse son arôme ancien et sous le ciel de la pleine lune dor­ment les logis du cor­ralón (le cor­ralón est un habi­tat col­lec­tif, le pen­dant du con­ven­til­lo, mais à la cam­pagne. Au lieu de don­ner sur un couloir, les pièces qui accueil­lent les familles don­nent sur un bal­con. Au pluriel, cela peut aus­si désign­er le lieu où on par­que le bétail et tout l’attirail de la trac­tion ani­male. Je pense plutôt au loge­ment dans ce cas à cause des géra­ni­ums qui me font plus penser à un habi­tat, même si les cor­ralones étaient proches. Les géra­ni­ums éloignent les mouch­es qui devaient pul­luler à cause de la prox­im­ité du bétail).
Je viens de ce quarti­er de rang mod­este, je suis le tan­go sen­ti­men­tal.
Je suis de ce quarti­er qui boit du maté à l’om­bre de la vigne.
Dans ses ochavas (la ocha­va est la découpe des angles des rues qui au lieu d’être vifs à 90 % présen­tent un petit pan de façade oblique) j’é­tais un jeune homme, j’ai jeté le poignard pour un amour fou, j’ai brûlé dans les yeux d’une mau­vaise l’ap­pât brûlant de ma pas­sion.
Il n’y a rien de plus beau ni de plus com­padre que mon faubourg mur­mu­rant, avec les com­mérages des com­mères et les com­pli­ments du Picaflor (les piro­pos sont des com­pli­ments pour séduire et un picaflor [oiseau-mouche] est un homme qui butine de femme en femme).
Un vieux quarti­er qui fut l’é­ten­dard de mon audace de jeunesse…
Je suis du quarti­er qui vit à part en ce siè­cle de Néo-Lux.

Autres versions

Comme sou­vent, les ver­sions immenses sem­blent intimider les suiveurs et il n’existe pas d’enregistrement remar­quable de l’époque, si on exclut Hugo Del Car­ril à la gui­tare et notre sur­prise du jour, mais patience…

Tres Esquinas 1941-07-24 — Orques­ta Ángel D’Agosti­no con Ángel Var­gas. C’est notre tan­go du jour.
Tres Esquinas 1942-05-07 — Hugo Del Car­ril con gui­tar­ras.

Il me sem­ble dif­fi­cile de s’attacher à cette ver­sion une fois que l’on a décou­vert celle des deux anges. On retrou­ve l’ambiance de Gardel, mais cet enreg­istrement ne sera nor­male­ment jamais pro­posé dans une milon­ga.

Tres Esquinas 2010 — Sex­te­to Milonguero con Javier Di Ciri­a­co.

Tres Esquinas 2010 — Sex­te­to Milonguero con Javier Di Ciri­a­co. J’ai eu le bon­heur de décou­vrir cet orchestre à ses débuts à Buenos Aires où il met­tait une ambiance de folie. Je l’ai fait venir à Tan­go­postale (Toulouse France) où il a sus­cité un ent­hou­si­asme déli­rant. Il nous reste le disque pour nous sou­venir de ces moments intens­es mag­nifiés par la voix de Javier Di Ciri­a­co.

Le jeune Ariel Ardit relève toute­fois le défi et pro­pose plusieurs ver­sions élec­trisantes de ce titre. Voici un enreg­istrement pub­lic en vidéo datant de 2010.

Ariel Ardit inter­prète Tres Esquinas en 2010.

Ce n’est pas non plus pour la danse (du moins dans sa forme tra­di­tion­nelle), mais c’est une mag­nifique ver­sion avec une grande richesse des con­tre­points. Ariel Ardit donne beau­coup d’expression et l’orchestre n’est pas en reste. On com­prend l’approbation du pub­lic.

SURPRISE : il reste une ver­sion en réserve à décou­vrir à la fin de cette anec­dote, vous ne pou­vez pas vous la per­dre ! Avis pour Thier­ry, mon tal­entueux cor­recteur, ce n’est pas une coquille, mais une for­mu­la­tion calquée sur l’espagnol…

Un petit mot sur Tres Esquinas

Il faut imag­in­er un lieu rel­a­tive­ment rur­al qui com­por­tait des espaces de ter­rains vagues, des usines, des maisons pour les pau­vres (cor­ralones) et des cafés, dont un qui se nom­mait Tres Esquinas du nom de ce quarti­er qui dis­po­sait toute­fois d’une sta­tion fer­rovi­aire du même nom… Voici de quoi vous repér­er. Atten­tion, cette zone n’est pas trop à recom­man­der aux touristes, mais on y organ­ise des peñas mag­nifiques ! Pas des peñas pour touristes dans un café plus ou moins branché, mais des hangars rem­plis de cen­taines de danseurs qui s’éclatent sur des orchestres fab­uleux en dansant, chacar­eras, gatos, zam­bas et une bonne dizaine d’autres titres. Ce qui est le plus sur­prenant est que quand l’orchestre enchaîne deux titres, les danseurs adoptent automa­tique­ment le style de la nou­velle danse en moins de deux sec­on­des. Si vous avez lu mes con­seils pour la chacar­era, vous savez déjà recon­naître celles à 6 et 8 com­pas­es et les dobles, c’est la par­tie fon­due de l’iceberg du folk­lore argentin.

Le café Tres Esquinas est ici cer­clé de rouge.

On voit qu’on est au bord de l’eau (Riachue­lo) qui mar­que la lim­ite sud de la ville de Buenos Aires (Vue Google). Comme on peut le voir, le quarti­er est d’usines, de ter­rains vagues et est main­tenant bor­dé par l’autoroute qui va à La Pla­ta (la cap­i­tale de la Province de Buenos Aires). Le café pro­pre­ment dit n’est plus que l’ombre de lui-même. Notez toute­fois la ocha­va  qui coupe l’angle de l’immeuble et qui mar­que l’entrée de ce qui était ce café his­torique.
La sta­tion de train por­tait aus­si logique­ment le nom du quarti­er.

À gauche la gare de Tres Esquinas vers 1909. À droite, une vue aéri­enne de Google.

Le cer­cle rouge est le café Tres Esquinas. Le cer­cle jaune mar­que la zone où était située la gare de Tres Esquinas détru­ite en 1955. L’autoroute qui a été créée en 1994–1996 a coupé en deux le quarti­er et prob­a­ble­ment mis un peu de désor­dre dans les baraque­ments de latas (voir Del bar­rio de las latas, le berceau du tan­go pour en savoir plus sur ce type de con­struc­tion)

Et pour ter­min­er, un court-métrage recon­sti­tu­ant l’ambiance d’un bar comme celui de Tres Esquinas, réal­isée par Enrique Cadí­camo en 1943.

Voici la vidéo au moment où D’Agostino et Var­gas enta­ment Tres Esquinas, mais je vous recom­mande de voir les 9 min­utes du court-métrage en entier, c’est intéres­sant dès le début et après Tres Esquinas, il y a El cuar­teador de Bar­ra­cas

Court-métrage sur un scé­nario et sous la direc­tion de Enrique Cadí­camo où l’on voit des scènes de café, pit­toresques et l’interprétation de Tres esquinas et de El cuar­teador de Bar­ra­cas par Ángel D’Agostino et Ángel Var­gas.

À demain, les amis !

Sinsabor 1939-06-05 — Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos y Lita Morales

Ascanio Ernesto Donato Letra : Adolfo Antonio Vedani

Il y a quelques semaines, je suis tombé sur un arti­cle qui dis­ait que Tita Merel­lo avec «Yo soy así», avait don­né une place aux femmes dans le tan­go. Il me sem­ble que c’est aller un peu vite en besogne, car les femmes en sont des inter­prètes de la pre­mière heure, Flo­ra Gob­bi, Rosi­ta Quirogan, Ada Fal­cón, Ani­ta Palmero, Azu­ce­na Maizani, Nel­ly Omar, Mer­cedes Simone, Lita Morales, Lib­er­tad Lamar­que, Tania, María Graña, Susana Rinal­di, Vir­ginia Luque, Ela­dia Blázquez, Nina Miran­da, Impreio Argenti­na, Olga Del­grossi et bien sûr et pas des moin­dres, Tita Merel­lo. Aujourd’hui, c’est Lita qui nous par­le de tan­go.

Pourquoi cette impression que les femmes ne sont pas dans l’univers du tango ?

Je pense que cette vision a trois caus­es. La pre­mière est que les femmes ont eu une place impor­tante comme chanteuses, mais pas réelle­ment comme chefs d’orchestre ou musi­ci­ennes. Aujourd’hui, beau­coup de danseurs con­nais­sent et recon­nais­sent les orchestres, mais très peu, les chanteurs et quand ils le font, c’est sou­vent, car ce sont des « cou­ples » que l’on est habitué à associ­er à un orchestre, comme D’Agostino-Vargas, Troi­lo-Fiorenti­no ou Rodriguez-Moreno. S’ils enten­dent Fiorenti­no avec un autre orchestre, pas sûr qu’ils le recon­nais­sent.

Les femmes ont plus sou­vent chan­té des ver­sions à écouter que des ver­sions à danser. Je n’ai pas d’explication sur cette rai­son, d’autant plus que la voix de femme dans un reg­istre plus aiguë laisse de la place aux instru­ments plus graves qui mar­quent générale­ment la pul­sa­tion, Main gauche au piano, con­tre­basse, ban­donéon… La preuve est que des ver­sions chan­tées de bout en bout par des femmes sont par­faite­ment dans­ables alors que par le même orchestre et à la même époque, une ver­sion chan­tée par un homme n’est qu’à écouter. Voir par exem­ple les enreg­istrements de Canaro qui a de nom­breux exem­ples de titres enreg­istrées deux ou trois fois, pour l’écoute et pour la danse, par un homme ou une femme.

Une autre cause vient sans doute d’un excès de machisme dans le domaine. Les hommes ont occupé la place, lais­sant peu de places aux femmes en dehors des thèmes des tan­gos. Là, elles n’ont pas tou­jours le beau rôle, comme en témoigne notre tan­go du jour.

Dans l’idée de lever un coin du voile et vous mon­tr­er qu’il y a de nom­breuses femmes dans l’univers de tan­go, je vous pro­pose aujourd’hui quelques chanteuses, mais pour l’instant, con­cen­trons-nous sur le phénomène Lita Morales.
Avant d’écouter notre tan­go du jour, sachez qu’il existe un autre tan­go du même titre, Sin sabor joué par Tito Fran­cia qui en est le com­pos­i­teur avec des paroles de Pedro Tusoli. Je ne pour­rai pas vous le faire écouter, n’ayant pas le disque…

Extrait musical

Sins­a­bor 1939-06-05 — Orques­ta Edgar­do Dona­to con Hora­cio Lagos y Lita Morales.

Je pense que nous sommes nom­breux à aimer ce duo mag­nifique, cette musique entraî­nante. La tristesse des paroles passe très bien et n’entame pas la bonne humeur des danseurs. Une valeur sûre pour les milon­gas. La musique est en mode majeur. L’orchestre expose le thème, puis Hora­cio Lagos prend la parole. Lita Morales le rejoint ensuite pour for­mer un duo et finale­ment, l’orchestre ter­mine le tan­go. La struc­ture est très sim­ple, comme l’orchestration. C’est une belle ver­sion qui brille par sa sim­plic­ité et sa légèreté.

Paroles

Lle­van­do mi pesar
Como una maldición
Sin rum­bo fui
Bus­can­do de olvi­dar
El fuego de ese amor
Que te imploré
Y allá en la soledad
Del desam­paro cru­el
Tratan­do de olvi­darte recordé
Con la ansiedad febril
Del día que te di
Todo mi ser
Y al ver la real­i­dad
De toda tu cru­el­dad
Yo maldecí
La luz de tu mirar
En que me encan­dilé
Lle­va­do en mi ansiedad de amar
Besos impreg­na­dos de amar­gu­ra
Tuve de tu boca en su fri­al­dad
Tu alma no sin­tió mi fiel ter­nu­ra
Y me brindó con su rig­or, mal­dad
Quiero disi­par toda mi pena
Bus­co de cal­mar mi sins­a­bor
Sien­to inaguantable esta cade­na
Que me ceñí al implo­rar tu amor

Ascanio Ernesto Dona­to Letra : Adol­fo Anto­nio Vedani

Hora­cio Lagos chante le début, seul, puis Lita Morales se rajoute pour chanter en duo ce qui est en gras.

Traduction libre et indications

Por­tant mon cha­grin comme une malé­dic­tion, sans but, j’ai cher­ché à oubli­er.
Le feu de cet amour que j’implorais de toi et là, dans la soli­tude d’un cru­el aban­don.
Essayant de t’oublier, je me suis sou­venu de l’anxiété fébrile du jour où je t’ai don­né tout mon être et voy­ant la réal­ité de toute ta cru­auté, j’ai mau­dit.
La lumière de ton regard, qui m’a aveuglé (dans laque­lle j’étais ébloui), emporté par mon anx­iété d’aimer.
Des bais­ers imprégnés d’amertume, je les ai obtenus de ta bouche dans sa froideur.
Ton âme n’a pas sen­ti ma ten­dresse fidèle, et m’a offert, avec sa rigueur, la méchanceté.
Je veux dis­siper toute ma douleur, je cherche à apais­er ma détresse (sins­a­bor, de sin sabor [sans saveur] sig­ni­fie regret, malaise moral, tristesse).
Je sens insup­port­able cette chaîne, que je me suis attachée quand j’ai imploré ton amour.

De gauche à droite, Lita Morales, Edgar­do Dona­to et Hora­cio Lagos, l’équipe qui nous offre le tan­go du jour.

Sur cette pho­to, Lita Morales et Hora­cio Lagos ne sem­blent pas être le cou­ple ayant don­né le sujet de ce tan­go… Il se dit qu’ils se seraient mar­iés, mais rien ne le prou­ve. Ce cou­ple, si c’était un cou­ple, était très dis­cret et mys­térieux. Un indice, les deux ont com­mencé par enreg­istr­er du folk­lore, lui un peu avant et ils ont tous les deux arrêté rapi­de­ment la car­rière (1935–1942 pour Hora­cio, 1937–1941 pour Lita, avec un petit retour en 1955–1956). Peut-être l’arrêt en 1941 était pour cause de nais­sance, Lita aurait été enceinte. Ceci pour­rait expli­quer son retour tardif, lorsque son enfant est devenu plus autonome.

Autres versions

Le tan­go du jour est a pri­ori, la plus anci­enne ver­sion enreg­istrée et la seule avant une date assez récente.

Sins­a­bor 1939-06-05 — Orques­ta Edgar­do Dona­to con Hora­cio Lagos y Lita Morales. C’est notre tan­go du jour.

Le Cuar­te­to Mulen­ga l’a enreg­istré vers 2008, avec le chanteur Max­imil­liano Agüero.

Sins­a­bor 2008c — Carte­to Mulen­ga Con Max­imil­liano Agüero.

Je vous laisse penser ce que vous voulez de cette ver­sion, mais elle a du mal à faire oubli­er celle de Dona­to, à mon avis.
C’est toute­fois un bel effort pour faire revivre ce titre, mais l’essai n’est pas totale­ment trans­for­mé. En revanche, la Roman­ti­ca Milonguera nous en a don­né plusieurs ver­sions intéres­santes.

Sins­a­bor 2017-10 — Orques­ta Román­ti­ca Milonguera con Marisol Martínez y Rober­to Minon­di (Sur l’album Roman­ti­ca Milonguera de 2017).
Sins­a­bor 2018 — Orques­ta Román­ti­ca Milonguera con Marisol Martínez y Rober­to Minon­di (sur l’album Duo de 2018). Cette, nou­velle ver­sion est plus tonique.
Sins­a­bor 2019 — Orques­ta Román­ti­ca Milonguera con Marisol Martínez y Rober­to Minon­di (sur le sin­gle Sin sabor — Quizas, quizas, quizás, Nuevas ver­siones de 2019).

Rober­to Minon­di est un mag­nifique chanteur, mais Marisol Martínez, sur scène, lui vole la vedette par son jeu d’actrice remar­quable.

Elle me per­met d’introduire la dernière par­tie de l’anecdote du jour, une petite liste de chanteuses de tan­go. Com­bi­en en con­nais­sez-vous ?

Quelques chanteuses de tango

Je vous pro­pose une petite galerie de por­traits. Elle est très incom­plète, mais j’aurai l’occasion de revenir sur le sujet.

Com­bi­en de chanteuses recon­nais­sez-vous ? Passez la souris sur l’image pour faire appa­raitre le nom de la chanteuse.