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Les succès de la radio en 1937

Ediciones musicales Julio Korn

Lorsque nous avons par­lé de la par­ti­tion de No quiero verte llo­rar, nous avions remar­qué que la qua­trième de cou­ver­ture présen­tait les plus grands suc­cès radio­phoniques du moment. J’ai trou­vé amu­sant de vous faire écouter ce que les Argentins aimaient en 1937…

Sur cette pub­lic­ité, les 12 suc­cès des édi­tions Julio Korn. Évidem­ment, ils ne par­lent pas des suc­cès édités par d’autres maisons d’édition…

Les éditions Julio Korn

Julio Korn (1906​-07–19 – 1983-04-18) était à la tête d’un empire de la presse. Il pub­li­ait en 1937, six heb­do­madaires, Radi­olan­dia, Ante­na, Goles, Voso­tras, TV Guía et Anteo­ji­to. Son seul con­cur­rent sérieux était Héc­tor Gar­cía qui pub­li­ait Así. Il était donc en sit­u­a­tion de qua­si-mono­pole.

« Mi inten­ción fue siem­pre lle­gar a la gran masa del pueblo, sin pre­tender instru­ir­la sino entreten­er­la »

«Mon inten­tion a tou­jours été d’atteindre la grande masse du peu­ple, sans pré­ten­dre l’instruire, mais pour la diver­tir». Devise que les Cit­i­zen Kane d’aujourd’hui per­pétuent.

Julio Korn est le pro­to­type du self-made man. Orphe­lin à 9 ans, il tra­vaille dans une imprimerie ce qui lui per­met de sauver de l’asile son jeune frère. À 15 ans (1921), il se rend à Mon­te­v­ideo pour pro­pos­er à Edgar­do Dona­to de devenir son édi­teur musi­cal. Il devait être du genre con­va­in­cant, car il rem­por­ta l’affaire et obtint un prêt pour s’acheter la presse des­tinée à imprimer les par­ti­tions. Huit ans plus tard, il avait imprimé 35 000 par­ti­tions.
En 1924, il avait créé une revue musi­cale, La Can­ción Mod­er­na, dont il était égale­ment le rédac­teur en chef.

À gauche, le numéro du 30 juin 1936 de Radi­olan­da (La Can­ción Mod­er­na) où est annon­cée la saga Gardel. La cou­ver­ture du 6 juin 1936 avec Gardel et le pre­mier des arti­cles sur les con­fi­dences de Berta sur la vie de son fils.

En juin 1936, La Can­ción Mod­er­na qui est devenu Radi­olan­dia pub­lie la vie de Car­los Gardel qui était mort l’année précé­dente en exploitant le côté sen­ti­men­tal du témoignage de Berta Gardes, la mère de Gardel qui a d’ailleurs cédé gra­tu­ite­ment les droits de repro­duc­tion. Et pan dans les dents de la thèse uruguayenne de l’origine de Car­los Gardel qui pré­tend que Berta se serait déclaré sa mère pour touch­er l’héritage en étab­lis­sant de faux papiers… Gardel enfant de France.
Cet arti­cle est un bon exem­ple de la lit­téra­ture pop­u­laire des revues de Julio Korn.
Mais revenons à la par­ti­tion de No quiero verte llo­rar et à sa qua­trième de cou­ver­ture.

Par­ti­tion de No Quiero Verte Llo­rar des Édi­tions Julio Korn.

Lorsque nous avons par­lé de la par­ti­tion de No quiero verte llo­rar, nous avions remar­qué que la qua­trième de cou­ver­ture présen­tait les plus grands suc­cès radio­phoniques du moment. J’ai trou­vé amu­sant de vous faire écouter ce que les Argentins aimaient en 1937…

Les succès de la radio en 1937

Les suc­cès de la radio 01

Milonga triste (Sebastián Piana Letra: Homero Manzi)

Milon­ga triste 1937-02-19 — Mer­cedes Simone con acomp. de su Trío Típi­co
Milon­ga triste 1937-08-10 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro

Amor (Carlos Gardel Letra Luis Rubistein)

Amor 1936-07-14 – Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Rober­to Mai­da. Avec des airs de Silen­cio, du même Gardel.

Milagro (Luis Rubistein, paroles et musique)

Mila­gro 1936-11-27 — Mer­cedes Simone con acomp. de su Trío Típi­co
Mila­gro 1937-02-19 – Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Rober­to Mai­da

Arrepentido (Rodolfo Sciammarella, paroles et musique)

Arrepen­ti­do 1937-05-26 — Lib­er­tad Lamar­que con orques­ta. Comme il est pré­cisé « Tan­go chan­son », il s’agit prob­a­ble­ment de cette ver­sion qui avait du suc­cès à la radio.

Comme il est pré­cisé « Tan­go chan­son », il s’agit prob­a­ble­ment de cette ver­sion qui avait du suc­cès à la radio. Cepen­dant, l’année précé­dente, il y a eu deux enreg­istrements qui peu­vent très bien pass­er à la radio et par­ticiper au suc­cès de la com­po­si­tion de Sci­ammarel­la :

Arrepen­ti­do 1936–09- 18 — Orques­ta Rober­to Fir­po con Car­los Varela.

Car­los Varela que nous avions enten­du avec Fir­po dans No quiero verte llo­rar.

Arrepen­ti­do 1936-09-04 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to con Jorge Omar
Les suc­cès de la radio 02
Las per­las de tu boca 1935-10-08 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to con Jorge Omar.

Il est indiqué Boléro sur la par­ti­tion, mais il s’agit ici d’un enreg­istrement en rum­ba. Ce titre a été beau­coup enreg­istré, bien sûr en boléro, mais aus­si en Danzón (par Rey Cabr­era). Dif­fi­cile de savoir quel enreg­istrement était la référence. Il peut aus­si tout sim­ple­ment s’agir d’une erreur, en effet le terme boléro comme le terme Jazz est générique et peut éventuelle­ment ne pas dif­férenci­er deux types de danse.
Je vous pro­pose tout de même un exem­ple, par le chanteur d’opéra, mex­i­cain, Alfon­so Ortiz Tira­do.

Las per­las de tu boca 1934 — Alfon­so Ortiz Tira­do. C’est un enreg­istrement RCA Vic­tor réal­isé à Buenos Aires.

Por el camino adelante (Lucio Demare ; Roberto Fugazot ; Agustín Irusta Letra: Joaquín Dicenta (Joaquín Dicenta Alonso)

Por el camino ade­lante 1930 — Agustín Irus­ta y Rober­to Fuga­zot con acomp. de piano por Lucio Demare.

Por el camino ade­lante 1930 — Agustín Irus­ta y Rober­to Fuga­zot con acomp. de piano por Lucio Demare. Avec cette chan­son on est plutôt dans le domaine du folk­lore, mais après tout, le tan­go n’est pas la seule musique qui passe à la radio. Je n’ai pas trou­vé d’enregistrement de 1936 ou 1937. Il se peut donc que ce soit une autre ver­sion qui avait du suc­cès en 1937.

Rosa de otoño [Guillermo Desiderio Barbieri Letra: José Rial, hijo]

Rosa de otoño 1930-12-05 — Car­los Gardel con acomp. de la orques­ta de Fran­cis­co Canaro.

Rosa de otoño 1930-12-05 — Car­los Gardel con acomp. de la orques­ta de Fran­cis­co Canaro. Encore un enreg­istrement un peu ancien, mais la mort de Gardel deux ans plus tôt a sans doute relancé ses inter­pré­ta­tions. On est là encore à la lim­ite du tant avec un vals criol­lo. C’est Di Sar­li en 1942 qui fera sor­tir cette valse du domaine folk­lorique, mais c’est une autre his­toire…

Les suc­cès de la radio 03

En blanco y negro [Néstor Feria Letra: Fernán Silva Valdéz]

En blan­co y negro 1936-05-06 — Alber­to Gómez con acomp. de su Cuar­te­to de Gui­tar­ras

Une milon­ga, mais une milon­ga criol­la. Décidé­ment le folk­lore avait la côte…

Falsedad [Héctor María Artola Letra: Alfredo Navarrine]

Falsedad 1936-10-25 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Rober­to Mai­da.

On revient dans le domaine du tan­go avec ce très beau titre, sans doute un peu oublié dans les milon­gas d’aujourd’hui, même dans celles qui abusent de la vieille garde ; -)

Monotonía (Hugo Gutiérrez Letra : Andrés Carlos Bahr)

Monot­o­nía 1936-12-03 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to con Jorge Omar.

Encore Lomu­to et Omar en vedette avec ce tan­go de Hugo Gutiér­rez et Andrés Car­los Bahr. Le titre ne donne pas très envie de danser, la musique non plus. Cela devait être plus agréable de vaquer dans son apparte­ment avec cette musique de fond à la radio.

Pienso en ti (Julio De Caro Letra : Jesús Fernández Blanco)

Pien­so en ti 1936-08-10 — Orques­ta Julio De Caro con Vio­le­ta y Lidia Desmond (Las her­manas Desmond).

Las her­manas Desmond (les sœurs Desmond) nous offrent une fin enjouée. Une valse pas trop tan­go. Elle est indiquée comme valse chan­son et son auteur pour­rait vous sur­pren­dre, car il s’agit de Julio de Caro, comme quoi il ne faut pas trop vite met­tre les com­pos­i­teurs et musi­ciens dans des tiroirs.

En guise de conclusion

Comme nous l’avons vu, les édi­tions de Julio Korn ne sont pas le seul édi­teur de musique. On peut légitime­ment penser qu’ils met­tent en avant leurs poulains et passent sous silence les artistes qui font éditer leurs par­ti­tions chez des con­cur­rents.
Un autre biais est que les orchestres ne jouent pas for­cé­ment des tan­gos qui vien­nent d’être écrits. S’ils jouent un titre qui a dix ou vingt ans, voire plus, il ne sera pas néces­saire­ment réédité.
Le dernier biais et qu’il s’agit des titres qui passent à la radio. La qual­ité sonore de la radio à l’époque était assez médiocre, la FM n’était pas encore de mise et les danseurs pou­vaient ren­con­tr­er leurs orchestres favoris toutes les semaines. Les pro­grammes étaient donc plutôt des­tinés à la vie de famille et une dif­fu­sion régulière et sans trop de relief était sans doute mieux adap­tée à cet usage.
En résumé, il ne faut pas tir­er la con­clu­sion que les suc­cès men­tion­nés ici sont des suc­cès abso­lus, notam­ment du point de vue des danseurs. On peut juste affirmer qu’à côté d’autres styles, le tan­go avait sa place dans le quo­ti­di­en des Argentins, comme c’est tou­jours le cas où des airs de tan­go ayant près d’un siè­cle con­tin­u­ent de s’élever dans le bon air de Buenos Aires. On n’imagine pas dans tous les pays la pop­u­la­tion écouter des dis­ques aus­si anciens, sauf peut-être dans le domaine de la musique clas­sique.
Pour estimer le suc­cès des titres du point de vue des danseurs, je pense que la présence de nom­breux enreg­istrements du même titre à quelques semaines d’intervalle est un bon indice. Cer­tains tan­gos ont 20, 30 ou beau­coup plus d’enregistrements pour des mon­stres comme la Cumpar­si­ta, et d’autres sont fils uniques. Ces fils uniques qui ont raté leur lance­ment à l’époque sont par­fois rat­trapés, comme c’est le cas de la milon­ga Mi vie­ja lin­da (Ernesto Cés­pedes Polan­co, musique et paroles), qui avant qu’elle soit reprise par le Sex­te­to Cristal était incon­nue de la majorité des danseurs, bien qu’il en existe une belle ver­sion par la Orques­ta Emilio Pelle­jero con Enal­mar De María

Mi vie­ja lin­da 1941 — Orques­ta Emilio Pelle­jero con Enal­mar De María
Mi vie­ja lin­da 2018-05-01 — Sex­te­to Cristal con Guiller­mo Rozen­thuler

Mon tra­vail de DJ est aus­si de réveiller, révéler, des mer­veilles qui dor­ment dans quelque pochette de disque de pâte.

À propos de l’illustration de couverture

Voici la pho­to orig­i­nale qui m’a servi pour réalis­er l’illustration de cou­ver­ture. Vous pou­vez vous livr­er au jeu des sept erreurs, mais il y a bien plus que sept dif­férences entre les deux images 😉

Une radio portable (on voit la poignée près de la main droite de Gardel). Il s’agit d’un mod­èle « Mendez », copie du Mc Michael anglais.

Dans la par­tie droite, les deux bou­tons rotat­ifs per­me­t­tant la syn­ton­i­sa­tion (choix de la sta­tion de radio). Le haut-par­leur (dans la par­tie gauche est pro­tégé pen­dant le trans­port, par la par­tie de droite qui se replie dessus. On voit les ver­rous qui main­ti­en­nent la mal­lette fer­mée de part et d’autre de l’appareil.
Vous aurez recon­nu les per­son­nages dès la pho­to de cou­ver­ture, qui est un mon­tage de ma part avec une fausse radio, je trou­vais celle d’origine man­quant un peu de classe.
Au cas où vous auriez un doute, je vous présente la fine équipe qui entoure le poste de radio, de gauche à droite :
José Maria Aguilar, Guiller­mo Bar­bi­eri, José Ricar­do, les trois gui­taristes de Gardel, et Car­los Gardel. La pho­to date de 1928, soit 8 ans avant la mort de Gardel et 9 ans avant la par­ti­tion de No quiero verte llo­rar faisant la pub­lic­ité pour les suc­cès de l’année 1937. Cette image et la cou­ver­ture ne sont donc pas tout à fait d’actualité, mais comme 1937 est l’année où l’éditeur Julio Korn fait son gros coup sur Gardel, je pense que cela peut se jus­ti­fi­er.
De plus, on notera que dans les suc­cès de 1937, il y a un tan­go écrit par Gardel, Amor et un vals criol­lo, Rosa de otoño, chan­té par lui.

À demain les amis !

Voici la cou­ver­ture pour ceux qui veu­lent jouer au jeu des sept erreurs…

Temblando 1944-03-30 — Orquesta Aníbal Troilo con Francisco Fiorentino

Alberto Hilarion Acuña Letra : Charrúa (Gualberto Márquez)

Qui ne s’est jamais lais­sé emporter dans le tour­bil­lon de cette valse chan­tée par Fran­cis­co Fiorenti­no et le ban­donéon d’Anibal Troi­lo. Mais peut-être n’avez-vous pas fait atten­tion au ten­dre sujet que nous dévoilent les paroles d’un amour de jeunesse, en trem­blant.

Troilo et Fiore (Francesco Fiorentino)

Troi­lo et Fiorenti­no ont enreg­istré 73 titres, dont 4 en duo avec Alber­to Mari­no.
Ce sont qua­si­ment tous des suc­cès au point que cer­tains DJ ne passent pour les Troi­lo chan­tés, que des ver­sions avec Fiore.
Ce n’est pas mon cas et dans les anec­dotes de tan­go de ces derniers jours, vous avez pu lire les arti­cles ayant pour thème :
Sur 1948-02-23 — Ani­bal Troi­lo C Edmun­do Rivero, Yuyo verde 1945-02-28 Orques­ta Aníbal Troi­lo con Flo­re­al Ruiz et, je l’avoue une autre jolie valse qui a été enreg­istré par Troi­lo et Fiorenti­no, cinq jours plus tôt que celle-ci, Valsecito ami­go 1943-03-25 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Fran­cis­co Fiorenti­no.

Alberto Hilarion Acuña et Charrúa (Gualberto Márquez)

Alber­to Hilar­i­on Acuña est né en 1896 à Lomas de Zamo­ra, ou plus pré­cisé­ment à Pueblo de la Paz puisque c’était le nom du vil­lage à l’époque de la nais­sance d’Alberto. Main­tenant, c’est englobé au sud-ouest du grand Buenos Aires. Un milieu plutôt rur­al à l’époque et cela a sans doute influ­encé ses choix musi­caux, sou­vent ori­en­tés vers ce que l’on appelle main­tenant le folk­lore, la valse du jour est en effet un vals criol­lo (vals est mas­culin en espag­nol). Il a écrit en plus des tan­gos, des gatos, des chacar­eras, comme La choy­ana que Gardel a chan­té avec Raz­zano, mais aus­si des can­dom­bés comme Ser­afín enreg­istré par exem­ple en 1998 et 2003 par Juan Car­los Cáceres.
En 1924, il forme un duo avec René Ruiz. Ce duo sera fameux et à l’époque, on le com­para­it à celui de Gardel et Raz­zano. Ain­si la revue El Can­ta Claro (le chante-clair) du 19 avril 1929 indi­quait : « Depuis que s’est désagrégé le duo insur­pass­able Gardel-Raz­zano, le meilleur qui reste pour inter­préter notre muse sen­ti­men­tale et pop­u­laire est indis­cutable­ment l’exquis Ruiz-Acuña ».
Quant à l’auteur des paroles, Char­rúa (Gual­ber­to Gre­go­rio Márquez), il est né uruguayen. Son surnom, Char­rúa, vient du peu­ple Char­rúa qui vivait en Uruguay, dans la province d’Entre-Rios (frontal­ière avec l’Uruguay) et au Brésil.
Ses pen­chants pour la rural­ité peu­vent sans doute trou­ver leur orig­ine dans son ter­ri­toire de nais­sance, mais aus­si dans son activ­ité dans le « civ­il », il était admin­is­tra­teur d’établissements agri­coles du côté de Gen­er­al Las Heras (zone à l’époque rurale dans le Ouest-Sud-Ouest de Buenos Aires).
Son surnom et ses orig­ines uruguayennes par son père (sa mère était portègne) ne l’empêchent pas de revendi­quer d’être Argentin comme il l’a écrit dans un de ses poèmes. Lo que soy (ce que je suis) :
« Je suis d’origine uruguayenne, cepen­dant, ma mère étant orig­i­naire de Buenos Aires, mon mot d’ordre est “25 de Mayo” ; je regarde de face et non de côté ce sol divin, je défends ce qui est authen­tique, ce qui est tra­di­tion­nel, ce que je veux, c’est pourquoi je m’engage pleine­ment à être le meilleur Argentin. »
Son engage­ment pour ce qui est tra­di­tion­nel s’est mon­tré par ses sujets de poésie, par le fait qu’il a écrit des Esti­lo (chan­sons folk­loriques typ­iques de la pam­pa, ce qui explique le pon­cho dont il sera ques­tion dans la valse du jour) et bien sûr les paroles cham­pêtres de la valse du jour.

Extrait musical

Tem­b­lan­do 1944-03-30 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Fran­cis­co Fiorenti­no. C’est la valse du jour.

Le ban­donéon lance le début de l’introduction comme un démar­rage dif­fi­cile. Puis à 0 : 15 com­mence le thème par les vio­lons, puis à 0 : 45 ; le piano entre dans la danse, et ain­si de suite, s’alternent les instru­ments jusqu’à ce que le vio­lon freine et relance à 1 : 05 à la fin de son solo. À 1 : 28, Fiorenti­no reprend le thème. Il accentue de nom­breux pre­miers temps en les pointant (la note dure ½ en plus de sa durée nor­male). Cela donne l’impression de ralen­tisse­ment que con­tred­it ½ temps plus tard la reprise du rythme nor­mal de la valse. Un peu comme un homme qui tourn­erait la maniv­elle d’une voiture anci­enne pour démar­rer le moteur. C’est le même principe que le démar­rage ini­tial du ban­donéon en intro­duc­tion. Cet élé­ment styl­is­tique s’apparente dans une cer­taine mesure à la valse vien­noise, mais aus­si au vals crio­lo où le ralen­tisse­ment est encore plus mar­qué et le rythme sort com­plète­ment de la régu­lar­ité des trois temps de la valse, comme on peut l’entendre par exem­ple chez Corsi­ni (voir ci-dessous dans les autres ver­sions).

Les paroles

Lin­da esta­ba la tarde en que la vide,
el patio de su ran­cho aco­modan­do
y aunque (muy) guapo pa’to­do me sen­tía, (y aunque guapo muy guapo me sen­tía)
no pude hablar­la y me quedé tem­b­lan­do.

Esta­ba como nun­ca la había vis­to,
vesti­do livian­i­to de zaraza,
con el pelo vol­ca­do sobre los hom­bros
era una vir­gen que encon­tré en la casa.

Ni ella ni yo, ninguno dijo nada,
con sus oja­zos me sigu­ió que­man­do,
dejó la esco­ba que tenía en la mano,
me quiso hablar y se quedó tem­b­lan­do.

Era el recuer­do del amor primero,
amor naci­do en una edad tem­prana,
como esas flo­res rús­ti­cas del cam­po
que nacen de la noche a la mañana.

Amor que está ocul­to en los adobes
de su ran­cho pater­no tan sen­cil­lo
y en la corteza del ombú del patio
escrito con la pun­ta del cuchil­lo.

Me di vuelta pisan­do despaci­to,
como quien descon­fía de una tram­pa,
envolvien­do recuer­dos y emo­ciones
entre las lis­tas de mi pon­cho pam­pa.

No sé qué me pasó, mon­té a cabal­lo
y me fui (sali) galo­pe­an­do a rien­da suelta,
con todos los recuer­dos y emo­ciones
que en las lis­tas del pon­cho saqué envueltas.

Lin­da esta­ba la tarde en que la vide,
el patio de su ran­cho aco­modan­do.
Y aunque (muy) guapo pa’to­do me sen­tía, (y aunque guapo muy guapo me sen­tía)
no pude hablar­la y me quedé tem­b­lan­do.

Alber­to Hilar­i­on Acuña Letra: Char­rúa (Gual­ber­to Márquez)

Fiorenti­no et Bermúdez chantent ce qui est en gras et ter­mi­nent en reprenant le cou­plet qui est en rouge. En bleu, la vari­ante de Car­men Idal qui chante, comme Corsi­ni, l’intégralité des paroles.

Traduction libre et indications

L’après-midi où je l’ai vue était belle, la cour de son ranch bien ordon­née et même si je me sen­tais beau en tous points, je ne parvins pas à lui par­ler et je restais trem­blant.
Elle était comme je ne l’avais jamais vue aupar­a­vant, une robe légère de zaraza, les cheveux retombant sur les épaules, c’était une vierge que j’avais ren­con­trée dans la mai­son. (Zaraza est une sorte de Per­cal. Un tan­go de Ben­jamin et Alfon­so Tagle Lara porte ce nom. Et Bia­gi avec Ortiz en a don­né une des meilleures ver­sions en 1941. Acuña l’auteur de la valse du jour l’a égale­ment chan­té en duo avec Ruiz).
Ni elle, ni moi, ni l’un ni l’autre n’avons par­lé, avec ses yeux immenses qui me suiv­aient en me brûlant, elle a délais­sé le bal­ai qu’elle tenait à la main, elle voulait me par­ler et elle est restée trem­blante.
C’était le sou­venir du pre­mier amour, amour né dans notre jeune âge, comme ces fleurs rus­tiques des champs qui nais­sent du jour au lende­main (de la nuit au matin).
Amour qui était caché dans les adobes du ranch de son père, tout sim­ple et grâce à la cour­toisie d’un ombú de la cour, j’ai écrit à la pointe d’un couteau. (l’ombú, c’est le belom­bra ou raisinier dioïque, un arbre d’Amérique du Sud faisant une belle ombre, d’où son nom de bel ombra)
Je me retour­nai d’un pas lent, comme quelqu’un qui se méfie d’un piège, envelop­pant sou­venirs et émo­tions entre les plis de mon pon­cho de la pam­pa. (Lista, c’est la liste blanche sur le chan­frein des chevaux. Il enveloppe donc ses émo­tions dans les ban­des blanch­es donc, les rayures de son pon­cho).
Je ne sais pas ce qui m’est arrivé, je suis mon­té à cheval et j’ai galopé à bride abattue, avec tous les sou­venirs et les émo­tions que j’avais envelop­pés dans les listes de pon­chos.
L’après-midi où je l’ai vue était belle, la cour de son ranch bien ordon­née et même si je me sen­tais beau en tous points, je ne parvins pas à lui par­ler et je restais trem­blant.
Un doc­u­men­taire intéres­sant pour con­naître le pon­cho.

Autres versions

Tem­b­lan­do 1933-09-28 — Igna­cio Corsi­ni con gui­tar­ras de Pagés-Pesoa-Maciel (Vals Criol­lo). Une belle inter­pré­ta­tion pour ce type de valses folk­loriques.
Tem­b­lan­do 1944 Orques­ta Gabriel Chu­la Clausi con Car­men Idal.

Une jolie ver­sion, chan­tée et presque dans­able. Il est à not­er qu’elle chante les paroles de l’homme. Avec de petites vari­a­tions, comme cela arrive sou­vent, les chanteurs pren­nent de petites lib­ertés pour mieux coller à leur dic­tion, à l’arrangement de la musique, à leur style ou pour actu­alis­er un texte.

Tem­b­lan­do 1944-03-30 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Fran­cis­co Fiorenti­no. C’est la valse du jour.
Tem­b­lan­do 1944-04-26 — Orques­ta Pedro Lau­renz con Car­los Bermúdez.

Comme la ver­sion de Troi­lo, celle de Loren­zo com­mence par un ban­donéon qui « démarre ». Les arrange­ments sont assez proches de ceux de Troi­lo. À 1 : 19 com­mence Bermúdez, sa voix est mag­nifique, plus chaude que celle de Fiorenti­no, c’est une superbe ver­sion, injuste­ment estom­pée, à mon avis par celle de Troi­lo qui ne lui est pas sen­si­ble­ment supérieure. À 2 : 25, vous noterez le change­ment de tonal­ité et même de mode, la musique passe en mode mineur (voir le petit cours de musique à pro­pos de Lágri­mas y son­risas).

Par la suite, le thème a été repris à dif­férentes repris­es, par des chanteurs plutôt ver­sés du côté folk­lore, ou par d’autres du côté chan­son, mais l’aspect dans n’a plus été mis en valeur par des ver­sions équiv­a­lentes à celles de Troi­lo ou de Lau­renz. J’en cite cepen­dant quelques-unes, intéres­santes par dif­férents aspects.

Tem­b­lan­do 1976 Rubén Juárez.

Des petits moments de rap­pel de vals criol­lo, au milieu d’une inter­pré­ta­tion sous forme de chan­son. Comme beau­coup de chan­sons en valse, cette ver­sion reste dans­able, au moins pour les danseurs qui ne sont pas trop puristes.

Tem­b­lan­do 1976 — Rubén Juárez (a Capela).

Le mêmechanteur, mais cette fois dans le périlleux exer­ci­ce du chant a capela. Là, pas du tout ques­tion de danser…

Tem­b­lan­do 1995 — Can­ta Luis Cardei.

Pour ter­min­er en douceur, une ver­sion d’inspiration criol­la. Mal­gré sa très courte car­rière (6 ans, Luis Cardei a pro­duit trois dis­ques et chan­té dans le film La Nube (1998) de Fer­nan­do Solanas, basé sur la pièce de théâtre Rojos glo­bos rojos d’Eduar­do Pavlovsky. Le film débute sur des vues de Buenos Aires où tout va à l’envers (les voitures et les pié­tons, sauf un, recu­lent, la suite est peut-être moins intéres­sante, à tous les points de vue, sauf pour les fans de Solanas…).

Las margaritas 1933-02-14 (Ranchera) — Ada Falcón accompagnée par Francisco Canaro

Domingo Pelle Letra : Alfredo Angel Pelaia

Las mar­gar­i­tas. Les mar­guerites.

Le tan­go du jour n’est pas un tan­go, pas même une valse mal­gré son rythme ter­naire (Pou-chi-chi), mais une ranchera.
Cer­tains DJ pro­posent des rancheras pour des tan­das de valses. C’est assez com­pliqué à danser et désta­bil­isant, je ne recom­man­derais donc pas l’exercice. La ranchera s’apparente en fait à la mazur­ka ou à la java.
Cette danse tra­di­tion­nelle d’Argentine n’est plus dan­sée aujourd’hui, mais il y a de nom­breux enreg­istrements qui mon­trent le suc­cès de ce rythme au siè­cle passé.
Si j’ai tenu à plac­er ce thème, c’est, car il me parais­sait bien adap­té au jour, le 14 févri­er, la Saint-Valentin, fête des amoureux.
Sur la dizaine de titres enreg­istrés un 14 févri­er, très peu avaient un thème pou­vant évo­quer l’amour (si on excepte la Limona de Amor (aumône d’amour) qui invoque l’amour divin et dont une ver­sion a été enreg­istrée un 14 févri­er (1957) par Miguel Calo avec Rodol­fo Galé.
Je reviens à Las Mar­gar­i­tas enreg­istré par Ada Fal­cón avec son grand amour (pas totale­ment réciproque), Fran­cis­co Canaro.
Las mar­gar­i­tas présente les espoirs d’un jeune homme amoureux d’une serveuse et qui ceuille des mar­guerites. Il les offre à la vierge du vil­lage. J’avoue ne pas savoir si cette vierge est la serveuse qui peut ain­si le guérir de son amour en le ren­dant effec­tif, ou bien la Sainte Vierge qui lui fera oubli­er un amour impos­si­ble à con­cré­tis­er.
L’histoire d’Ada et Fran­cis­co est égale­ment un thème roman­tique. Je n’entrerai pas dans les détails, mais dis­ons que Canaro ne ressort pas for­cé­ment gran­di de l’affaire.
Une his­toire d’amour un peu trag­ique, donc, mais une his­toire d’amour.
Je pro­pose donc ce titre pour fêter la Saint-Valentin à tous les amoureux du monde, en espérant qu’ils seront plus heureux au final qu’Ada qui est entrée dans les ordres comme… fran­cis­caine et que la France­sa, la red­outable épouse de Canaro…

Extrait musical

Las Mar­gar­i­tas 1933-02–14 — Ada Fal­con accom­pa­g­née par Fran­cis­co Canaro.

L’archive sonore présen­tée ici, l’est à titre d’ex­em­ple didac­tique. La qual­ité sonore est réduite à cause de la plate­forme de dif­fu­sion qui n’ac­cepte pas les fichiers que j’u­tilise en milon­ga et qui sont env­i­ron 50 fois plus gros et de bien meilleure qual­ité. Je pense toute­fois que cet extrait vous per­me­t­tra de décou­vrir le titre en atten­dant que vous le trou­viez dans une qual­ité audio­phile.

Paroles

En las lomas de mi pago yo corté
las más lin­das mar­gar­i­tas, con pri­mor
y a la Vir­gen del puebli­to las llevé,
para que ella me curara del amor.
Porque sabes, yo ando triste y ha de ser
por la moza del pues­tero Nicanor,
la vi en la tran­quera, una tarde muy her­mosa
y como un guali­cho, me ha deja­do el corazón.

En mi alazán,
bajan­do voy todas las tardes
con el afán
de este amor, lleno de alardes
y al recor­tar
flo­res de amor para lle­var,
can­dorosa mar­gari­ta, sobre la lomi­ta
yo sue­lo encon­trar pa’ mi ilusión,
has­ta el alma vendería
y lejos me iría a morir por vos.

Mar­gar­i­tas de mis pagos, que corté,
para aque­l­la lin­da moza de mi amor,
han san­gra­do como san­gra mi quer­er
y hoy quisiera darte todo mi fer­vor;
porque todo lo que nun­ca has de saber
hoy se llena de nos­tal­gia en mi dolor,
mi amor y mis flo­res, mar­gari­ta pri­morosa,
me han llena­do el alma como mi líri­ca can­ción.

Domin­go Pelle Letra : Alfre­do Angel Pela­ia
Dans les collines de mon domaine, j’ai coupé les plus belles mar­guerites.

Pour ter­min­er sur une note opti­miste, je vous pro­pose une autre illus­tra­tion des­tinée à faire men­tir Les Rita Mit­souko avec une his­toire d’amour qui se ter­mine bien…

Une his­toire d’amour qui se ter­mine bien.