Archives par étiquette : Hugo Gutiérrez

Después 1944-07-07 — Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto Echagüe

Hugo Gutiérrez Letra : Homero Manzi

Hugo Gutiér­rez et Home­ro Manzi ont réal­isé avec ce tan­go le dif­fi­cile exer­ci­ce de par­ler de la mort avec une émo­tion rarement atteinte dans le tan­go, sans être oppres­sants. La ver­sion de D’Arienzo et Echagüe qui est notre tan­go du jour est peut-être une des moins réussies, mais je tenais à met­tre en avant ce titre qui a à son ser­vice quelques-unes de plus belles inter­pré­ta­tions du réper­toire, de plus avec une grande var­iété. Entrons dans cette pen­sée triste qui se danse.

Extrait musical

Después 1944-07-07 — Orques­ta Juan D’Arienzo con Alber­to Echagüe
À gauche, cou­ver­ture de par­ti­tion Casa Amar­il­la avec un chanteur, Jorge Novoa, oublié ? Par­ti­tion Julio Korn de Después avec en cou­ver­ture Ani­bal Troi­lo.

Paroles

Después …
La luna en san­gre y tu emo­ción,
y el anticipo del final
en un oscuro nubar­rón.
Luego …
irre­me­di­a­ble­mente,
tus ojos tan ausentes
llo­ran­do sin dolor.
Y después…
La noche enorme en el cristal,
y tu fati­ga de vivir
y mi deseo de luchar.
Luego…
tu piel como de nieve,
y en una ausen­cia leve
tu páli­do final.

Todo retor­na del recuer­do:
tu pena y tu silen­cio,
tu angus­tia y tu mis­te­rio.
Todo se abis­ma en el pasa­do:
tu nom­bre repeti­do…
tu duda y tu can­san­cio.
Som­bra más fuerte que la muerte,
gri­to per­di­do en el olvi­do,
paso que vuelve del fra­ca­so
can­ción hecha peda­zos
que aún es can­ción.

Después …
ven­drá el olvi­do o no ven­drá
y men­tiré para reír
y men­tiré para llo­rar.
Tor­pe
fan­tas­ma del pasa­do
bai­lan­do en el tinglado
tal vez para olvi­dar.
Y después,
en el silen­cio de tu voz,
se hará un dolor de soledad
y gri­taré para vivir…
como si huy­era del recuer­do
en arrepen­timien­to
para poder morir.

Hugo Gutiér­rez Letra: Home­ro Manzi

Traduction libre

Après…
La lune en sang et ton émo­tion, et l’anticipation de la fin dans un nuage som­bre.
Plus tard… irrémé­di­a­ble­ment, tes yeux si absents pleu­rant sans douleur.
Et après…
L’immense nuit dans le verre, et ta fatigue de vivre et mon envie de me bat­tre.
Plus tard… ta peau comme de la neige, et une absence légère, ta pâleur finale.
Tout me revient de mémoire :
ton cha­grin et ton silence, ton angoisse et ton mys­tère.
Tout s’abîme dans le passé : ton nom répété… ton doute et ta fatigue.
Une ombre plus forte que la mort, un cri per­du dans l’oubli, un pas qui revient de l’échec, une chan­son en miettes qui est encore une chan­son.
Après…
L’oubli vien­dra ou il ne vien­dra pas et je men­ti­rai pour rire
Et je men­ti­rai pour pleur­er.
Un fan­tôme mal­adroit du passé dansant dans le hangar (tinglado a plusieurs sens, allant d’abri, auvent, plus ou moins som­maire à hangar), peut-être pour oubli­er.
Et puis, dans le silence de ta voix, il y aura une douleur de soli­tude et je crierai pour vivre… Comme si je fuyais le sou­venir en repen­tirs pour pou­voir mourir.

Autres versions

Después 1943–1944 — Nel­ly Omar accomp. Gui­tare de José Canet.

Je com­mence par cet enreg­istrement, car Manzi a écrit Después pour elle. Il est daté de 1944, mais curieuse­ment, il est très rarement indiqué, y com­pris dans des sites générale­ment assez com­plets comme tango-dj.at ou El Reco­do. Je l’indique comme étant de 1943–1944, mais sans garantie réelle qu’il soit antérieur à celui de Miguel Caló qui est du tout début de 1944. La voix mer­veilleuse­ment chaude de Nil­da Elvi­ra Vat­tuone alias Nel­ly Omar accom­pa­g­née par la gui­tare de José Canet nous pro­pose une ver­sion fan­tas­tique, mais bien sûr à écouter et pas à danser.

Después 1944-01-10 Orques­ta Miguel Caló con Raúl Iri­arte.

Dès les pre­mières notes, l’ambiance est impres­sion­nante. On pour­rait penser à un film de sus­pens. La mag­nifique voix de Iri­arte, plus rare que celle de Berón, con­vient par­faite­ment au titre. Si vous n’aimez pas avoir des fris­sons et les poils qui se dressent, évitez cette ver­sion pro­posée par Miguel Caló et Raúl Iri­arte très émou­vante.

Después 1944-03-03 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Alber­to Mari­no.

Avec Troi­lo, on reste avec une très belle ver­sion musi­cale. Le gron­de­ment des ban­donéons me sem­ble moins émou­vant. Il y a une recherche de joliesse dans ce titre qui me sem­ble aller un peu au détri­ment de la danse. Ce ne sera donc pas ma ver­sion préférée pour la milon­ga.

Después 1944-03-15 — Lib­er­tad Lamar­que con orques­ta dirigi­da por Mario Mau­ra­no.

Después 1944-03-15 — Lib­er­tad Lamar­que con orques­ta dirigi­da por Mario Mau­ra­no. La voix de Lib­er­tad Lamar­que est très dif­férente de celle de Nel­ly Omar, mais tout aus­si cap­ti­vante. Elle béné­fi­cie en plus d’un orchestre dirigé par Mario Mau­ra­no dont le piano ressort avec beau­coup de justesse (je pré­cise que je par­le de la finesse, de la justesse de l’expression, de l’arrangement et pas du fait que le piano soit bien accordé. Celui que je vise saura que je par­le de lui…).

Después 1944-07-07 — Orques­ta Juan D’Arienzo con Alber­to Echagüe. C’est notre tan­go du jour.

Después 1944-07-07 — Orques­ta Juan D’Arienzo con Alber­to Echagüe. C’est notre tan­go du jour. Comme tou­jours, la ver­sion de D’Arienzo est bien marchante et dansante. C’est la cinquième ver­sion de l’année 1944, une année qui nous apporte une incroy­able diver­sité pour ce titre. Pour une œuvre de D’Arienzo, on peut la trou­ver un peu bavarde. Echagüe, met beau­coup de pres­sion. Le résul­tat est dans­able, mais il me sem­ble que d’autres titres inter­prétés par D’Arienzo le rem­placeront avan­tageuse­ment dans une tan­da de D’Arienzo et Echagüe, notam­ment ceux de la pre­mière péri­ode. Después est le pre­mier titre enreg­istré par cette com­po­si­tion après cinq années sans enreg­istrement et il me sem­ble que cette asso­ci­a­tion met­tra un peu de temps avant de retrou­ver une har­monie, l’année 1944 n’est pas la meilleure.

Después 1951-03-22 — L’orchestre Argentin Manuel Pizarro.

Después 1951-03-22 — L’orchestre Argentin Manuel Pizarro. Arrivé en France en 1920 et s’en étant absen­té de 1941 à 1950, Manuel Pizarro y revient et recom­mence à enreg­istr­er. Son Después fait par­tie de ces enreg­istrements français qui prou­vent que la dis­tance entre les deux mon­des n’est pas si grande. Notons que c’est une des rares ver­sions pure­ment instru­men­tales.

Después 1974-05-03 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Rubén Juárez (Pro­gra­ma En Hom­e­na­je a Home­ro Manzi — Con­duc­ción Anto­nio Car­ri­zo).

Cette ver­sion a été enreg­istrée lors d’une émis­sion en pub­lic en hom­mage à Home­ro Manzi décédé exacte­ment 23 ans plus tôt. Il me sem­ble que cette ver­sion Troi­lo - Juárez est plus aboutie que celle de 1944. On aurait aimé l’avoir dans une belle qual­ité sonore.

Después 1974 — Rubén Juárez Accomp. Arman­do Pon­tier.

Le même Rubén Juárez avec l’orchestre du ban­donéon­iste Arman­do Pon­tier. La prise de son est meilleure que dans l’enregistrement précé­dent et elle met donc plus en valeur la voix de Rubén Juárez. On notera qu’il est, tout comme Arman­do Pon­tier, égale­ment ban­donéon­iste. Cepen­dant, dans cette ver­sion, il se « con­tente » de chanter.

Después 1977-05-13 — Rober­to Goyeneche con la Orques­ta Típi­ca Porteña dirigi­da por Raúl Garel­lo.

Le ban­donéon de Raúl Garel­lo annonce la couleur et l’émotion qui va se dégager de cette ver­sion. El Pola­co (Rober­to Goyeneche) donne une ver­sion extrême­ment émou­vante et l’orchestre l’accompagne par­faite­ment dans les ondu­la­tions de la musique. Cette ver­sion fait ressor­tir toute la poésie de Manzi qui fut un grand poète qui déci­da de con­sacr­er sa vie à l’art pop­u­laire et nation­al du tan­go plutôt que de rechercher les hon­neurs qui aurait pu s’attacher à la car­rière de poète qu’il aurait méritée.

Je vous pro­pose d’arrêter avec ce titre très émou­vant et donc de pass­er sous silence les ver­sions de Pugliese avec Abel Cór­do­ba qui sor­tent, à mon avis, du champ du tan­go pour entr­er dans autre chose, sans doute une forme de musique clas­sique mod­erne, mais sans l’émotion que sus­cite générale­ment le tan­go.

Avant de recevoir des coups de bâtons sur la tête pour avoir osé écrire cela, je vous dis au revoir et à demain, les amis.

Les succès de la radio en 1937

Ediciones musicales Julio Korn

Lorsque nous avons par­lé de la par­ti­tion de No quiero verte llo­rar, nous avions remar­qué que la qua­trième de cou­ver­ture présen­tait les plus grands suc­cès radio­phoniques du moment. J’ai trou­vé amu­sant de vous faire écouter ce que les Argentins aimaient en 1937…

Sur cette pub­lic­ité, les 12 suc­cès des édi­tions Julio Korn. Évidem­ment, ils ne par­lent pas des suc­cès édités par d’autres maisons d’édition…

Les éditions Julio Korn

Julio Korn (1906​-07–19 – 1983-04-18) était à la tête d’un empire de la presse. Il pub­li­ait en 1937, six heb­do­madaires, Radi­olan­dia, Ante­na, Goles, Voso­tras, TV Guía et Anteo­ji­to. Son seul con­cur­rent sérieux était Héc­tor Gar­cía qui pub­li­ait Así. Il était donc en sit­u­a­tion de qua­si-mono­pole.

« Mi inten­ción fue siem­pre lle­gar a la gran masa del pueblo, sin pre­tender instru­ir­la sino entreten­er­la »

«Mon inten­tion a tou­jours été d’atteindre la grande masse du peu­ple, sans pré­ten­dre l’instruire, mais pour la diver­tir». Devise que les Cit­i­zen Kane d’aujourd’hui per­pétuent.

Julio Korn est le pro­to­type du self-made man. Orphe­lin à 9 ans, il tra­vaille dans une imprimerie ce qui lui per­met de sauver de l’asile son jeune frère. À 15 ans (1921), il se rend à Mon­te­v­ideo pour pro­pos­er à Edgar­do Dona­to de devenir son édi­teur musi­cal. Il devait être du genre con­va­in­cant, car il rem­por­ta l’affaire et obtint un prêt pour s’acheter la presse des­tinée à imprimer les par­ti­tions. Huit ans plus tard, il avait imprimé 35 000 par­ti­tions.
En 1924, il avait créé une revue musi­cale, La Can­ción Mod­er­na, dont il était égale­ment le rédac­teur en chef.

À gauche, le numéro du 30 juin 1936 de Radi­olan­da (La Can­ción Mod­er­na) où est annon­cée la saga Gardel. La cou­ver­ture du 6 juin 1936 avec Gardel et le pre­mier des arti­cles sur les con­fi­dences de Berta sur la vie de son fils.

En juin 1936, La Can­ción Mod­er­na qui est devenu Radi­olan­dia pub­lie la vie de Car­los Gardel qui était mort l’année précé­dente en exploitant le côté sen­ti­men­tal du témoignage de Berta Gardes, la mère de Gardel qui a d’ailleurs cédé gra­tu­ite­ment les droits de repro­duc­tion. Et pan dans les dents de la thèse uruguayenne de l’origine de Car­los Gardel qui pré­tend que Berta se serait déclaré sa mère pour touch­er l’héritage en étab­lis­sant de faux papiers… Gardel enfant de France.
Cet arti­cle est un bon exem­ple de la lit­téra­ture pop­u­laire des revues de Julio Korn.
Mais revenons à la par­ti­tion de No quiero verte llo­rar et à sa qua­trième de cou­ver­ture.

Par­ti­tion de No Quiero Verte Llo­rar des Édi­tions Julio Korn.

Lorsque nous avons par­lé de la par­ti­tion de No quiero verte llo­rar, nous avions remar­qué que la qua­trième de cou­ver­ture présen­tait les plus grands suc­cès radio­phoniques du moment. J’ai trou­vé amu­sant de vous faire écouter ce que les Argentins aimaient en 1937…

Les succès de la radio en 1937

Les suc­cès de la radio 01

Milonga triste (Sebastián Piana Letra: Homero Manzi)

Milon­ga triste 1937-02-19 — Mer­cedes Simone con acomp. de su Trío Típi­co
Milon­ga triste 1937-08-10 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro

Amor (Carlos Gardel Letra Luis Rubistein)

Amor 1936-07-14 – Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Rober­to Mai­da. Avec des airs de Silen­cio, du même Gardel.

Milagro (Luis Rubistein, paroles et musique)

Mila­gro 1936-11-27 — Mer­cedes Simone con acomp. de su Trío Típi­co
Mila­gro 1937-02-19 – Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Rober­to Mai­da

Arrepentido (Rodolfo Sciammarella, paroles et musique)

Arrepen­ti­do 1937-05-26 — Lib­er­tad Lamar­que con orques­ta. Comme il est pré­cisé « Tan­go chan­son », il s’agit prob­a­ble­ment de cette ver­sion qui avait du suc­cès à la radio.

Comme il est pré­cisé « Tan­go chan­son », il s’agit prob­a­ble­ment de cette ver­sion qui avait du suc­cès à la radio. Cepen­dant, l’année précé­dente, il y a eu deux enreg­istrements qui peu­vent très bien pass­er à la radio et par­ticiper au suc­cès de la com­po­si­tion de Sci­ammarel­la :

Arrepen­ti­do 1936–09- 18 — Orques­ta Rober­to Fir­po con Car­los Varela.

Car­los Varela que nous avions enten­du avec Fir­po dans No quiero verte llo­rar.

Arrepen­ti­do 1936-09-04 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to con Jorge Omar
Les suc­cès de la radio 02
Las per­las de tu boca 1935-10-08 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to con Jorge Omar.

Il est indiqué Boléro sur la par­ti­tion, mais il s’agit ici d’un enreg­istrement en rum­ba. Ce titre a été beau­coup enreg­istré, bien sûr en boléro, mais aus­si en Danzón (par Rey Cabr­era). Dif­fi­cile de savoir quel enreg­istrement était la référence. Il peut aus­si tout sim­ple­ment s’agir d’une erreur, en effet le terme boléro comme le terme Jazz est générique et peut éventuelle­ment ne pas dif­férenci­er deux types de danse.
Je vous pro­pose tout de même un exem­ple, par le chanteur d’opéra, mex­i­cain, Alfon­so Ortiz Tira­do.

Las per­las de tu boca 1934 — Alfon­so Ortiz Tira­do. C’est un enreg­istrement RCA Vic­tor réal­isé à Buenos Aires.

Por el camino adelante (Lucio Demare ; Roberto Fugazot ; Agustín Irusta Letra: Joaquín Dicenta (Joaquín Dicenta Alonso)

Por el camino ade­lante 1930 — Agustín Irus­ta y Rober­to Fuga­zot con acomp. de piano por Lucio Demare.

Por el camino ade­lante 1930 — Agustín Irus­ta y Rober­to Fuga­zot con acomp. de piano por Lucio Demare. Avec cette chan­son on est plutôt dans le domaine du folk­lore, mais après tout, le tan­go n’est pas la seule musique qui passe à la radio. Je n’ai pas trou­vé d’enregistrement de 1936 ou 1937. Il se peut donc que ce soit une autre ver­sion qui avait du suc­cès en 1937.

Rosa de otoño [Guillermo Desiderio Barbieri Letra: José Rial, hijo]

Rosa de otoño 1930-12-05 — Car­los Gardel con acomp. de la orques­ta de Fran­cis­co Canaro.

Rosa de otoño 1930-12-05 — Car­los Gardel con acomp. de la orques­ta de Fran­cis­co Canaro. Encore un enreg­istrement un peu ancien, mais la mort de Gardel deux ans plus tôt a sans doute relancé ses inter­pré­ta­tions. On est là encore à la lim­ite du tant avec un vals criol­lo. C’est Di Sar­li en 1942 qui fera sor­tir cette valse du domaine folk­lorique, mais c’est une autre his­toire…

Les suc­cès de la radio 03

En blanco y negro [Néstor Feria Letra: Fernán Silva Valdéz]

En blan­co y negro 1936-05-06 — Alber­to Gómez con acomp. de su Cuar­te­to de Gui­tar­ras

Une milon­ga, mais une milon­ga criol­la. Décidé­ment le folk­lore avait la côte…

Falsedad [Héctor María Artola Letra: Alfredo Navarrine]

Falsedad 1936-10-25 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Rober­to Mai­da.

On revient dans le domaine du tan­go avec ce très beau titre, sans doute un peu oublié dans les milon­gas d’aujourd’hui, même dans celles qui abusent de la vieille garde ; -)

Monotonía (Hugo Gutiérrez Letra : Andrés Carlos Bahr)

Monot­o­nía 1936-12-03 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to con Jorge Omar.

Encore Lomu­to et Omar en vedette avec ce tan­go de Hugo Gutiér­rez et Andrés Car­los Bahr. Le titre ne donne pas très envie de danser, la musique non plus. Cela devait être plus agréable de vaquer dans son apparte­ment avec cette musique de fond à la radio.

Pienso en ti (Julio De Caro Letra : Jesús Fernández Blanco)

Pien­so en ti 1936-08-10 — Orques­ta Julio De Caro con Vio­le­ta y Lidia Desmond (Las her­manas Desmond).

Las her­manas Desmond (les sœurs Desmond) nous offrent une fin enjouée. Une valse pas trop tan­go. Elle est indiquée comme valse chan­son et son auteur pour­rait vous sur­pren­dre, car il s’agit de Julio de Caro, comme quoi il ne faut pas trop vite met­tre les com­pos­i­teurs et musi­ciens dans des tiroirs.

En guise de conclusion

Comme nous l’avons vu, les édi­tions de Julio Korn ne sont pas le seul édi­teur de musique. On peut légitime­ment penser qu’ils met­tent en avant leurs poulains et passent sous silence les artistes qui font éditer leurs par­ti­tions chez des con­cur­rents.
Un autre biais est que les orchestres ne jouent pas for­cé­ment des tan­gos qui vien­nent d’être écrits. S’ils jouent un titre qui a dix ou vingt ans, voire plus, il ne sera pas néces­saire­ment réédité.
Le dernier biais et qu’il s’agit des titres qui passent à la radio. La qual­ité sonore de la radio à l’époque était assez médiocre, la FM n’était pas encore de mise et les danseurs pou­vaient ren­con­tr­er leurs orchestres favoris toutes les semaines. Les pro­grammes étaient donc plutôt des­tinés à la vie de famille et une dif­fu­sion régulière et sans trop de relief était sans doute mieux adap­tée à cet usage.
En résumé, il ne faut pas tir­er la con­clu­sion que les suc­cès men­tion­nés ici sont des suc­cès abso­lus, notam­ment du point de vue des danseurs. On peut juste affirmer qu’à côté d’autres styles, le tan­go avait sa place dans le quo­ti­di­en des Argentins, comme c’est tou­jours le cas où des airs de tan­go ayant près d’un siè­cle con­tin­u­ent de s’élever dans le bon air de Buenos Aires. On n’imagine pas dans tous les pays la pop­u­la­tion écouter des dis­ques aus­si anciens, sauf peut-être dans le domaine de la musique clas­sique.
Pour estimer le suc­cès des titres du point de vue des danseurs, je pense que la présence de nom­breux enreg­istrements du même titre à quelques semaines d’intervalle est un bon indice. Cer­tains tan­gos ont 20, 30 ou beau­coup plus d’enregistrements pour des mon­stres comme la Cumpar­si­ta, et d’autres sont fils uniques. Ces fils uniques qui ont raté leur lance­ment à l’époque sont par­fois rat­trapés, comme c’est le cas de la milon­ga Mi vie­ja lin­da (Ernesto Cés­pedes Polan­co, musique et paroles), qui avant qu’elle soit reprise par le Sex­te­to Cristal était incon­nue de la majorité des danseurs, bien qu’il en existe une belle ver­sion par la Orques­ta Emilio Pelle­jero con Enal­mar De María

Mi vie­ja lin­da 1941 — Orques­ta Emilio Pelle­jero con Enal­mar De María
Mi vie­ja lin­da 2018-05-01 — Sex­te­to Cristal con Guiller­mo Rozen­thuler

Mon tra­vail de DJ est aus­si de réveiller, révéler, des mer­veilles qui dor­ment dans quelque pochette de disque de pâte.

À propos de l’illustration de couverture

Voici la pho­to orig­i­nale qui m’a servi pour réalis­er l’illustration de cou­ver­ture. Vous pou­vez vous livr­er au jeu des sept erreurs, mais il y a bien plus que sept dif­férences entre les deux images 😉

Une radio portable (on voit la poignée près de la main droite de Gardel). Il s’agit d’un mod­èle « Mendez », copie du Mc Michael anglais.

Dans la par­tie droite, les deux bou­tons rotat­ifs per­me­t­tant la syn­ton­i­sa­tion (choix de la sta­tion de radio). Le haut-par­leur (dans la par­tie gauche est pro­tégé pen­dant le trans­port, par la par­tie de droite qui se replie dessus. On voit les ver­rous qui main­ti­en­nent la mal­lette fer­mée de part et d’autre de l’appareil.
Vous aurez recon­nu les per­son­nages dès la pho­to de cou­ver­ture, qui est un mon­tage de ma part avec une fausse radio, je trou­vais celle d’origine man­quant un peu de classe.
Au cas où vous auriez un doute, je vous présente la fine équipe qui entoure le poste de radio, de gauche à droite :
José Maria Aguilar, Guiller­mo Bar­bi­eri, José Ricar­do, les trois gui­taristes de Gardel, et Car­los Gardel. La pho­to date de 1928, soit 8 ans avant la mort de Gardel et 9 ans avant la par­ti­tion de No quiero verte llo­rar faisant la pub­lic­ité pour les suc­cès de l’année 1937. Cette image et la cou­ver­ture ne sont donc pas tout à fait d’actualité, mais comme 1937 est l’année où l’éditeur Julio Korn fait son gros coup sur Gardel, je pense que cela peut se jus­ti­fi­er.
De plus, on notera que dans les suc­cès de 1937, il y a un tan­go écrit par Gardel, Amor et un vals criol­lo, Rosa de otoño, chan­té par lui.

À demain les amis !

Voici la cou­ver­ture pour ceux qui veu­lent jouer au jeu des sept erreurs…