Archives de catégorie : Tanda

De puro guapo 1940-01-25 — Orquesta Pedro Laurenz con Juan Carlos Casas

Pedro Laurenz (Pedro Blanco) Letra: Manuel Andrés Meaños

Même si Pedro Lau­renz et Juan Car­los Casas ont enreg­istré dix tan­gos, la plu­part du temps, dans les milon­gas, seuls qua­tre de ces titres sont dif­fusés par les DJ. Ces titres le méri­tent, mais cela occulte les autres enreg­istrements qui peu­vent per­me­t­tre de faire des tan­das plus intéres­santes. En effet, les titres habituels sont telle­ment proches qu’on a l’impression de danser plusieurs fois le même titre.

Extrait musical

Par­ti­tion de Puro puapo, ver­sion Lau­renz et Meaños.
De puro guapo 1940-01-25 — Orques­ta Pedro Lau­renz con Juan Car­los Casas.

Deux accords au piano d’Héctor Grané, puis l’appel qui fait se sou­venir que Lau­renz était ban­donéon­iste (ici, accom­pa­g­né au ban­donéon par Ángel Domínguez et Rolan­do Gavi­o­li). Avec le com­plé­ment de la con­tre­basse de Alber­to Celen­za, le rythme très mar­qué des ban­donéons et du piano se con­tin­ue. Il faut atten­dre presque une minute pour que les vio­lons s’expriment de façon plus audi­ble et encore, pour quelques sec­on­des. À 1:25 un très beau motif du vio­loniste Mauri­cio Mise annonce l’intervention de Juan Car­los Casas qui débute à 1:45. La voix par­faite­ment déliée s’intègre dans le phrasé agres­sif des ban­donéons qui, lorsque Casas ter­mine le seul refrain, repren­nent jusqu’au final le rythme puis­sant.

Paroles

Entre cortes y que­bradas,
suave rezongué en tu oído
todo mi ver­bo flori­do
que te dijo mi quer­er.
Vos mostraste en tu son­risa
toda tu coquetería,
y yo, ven­ci­da mi hom­bría…
Yo que siem­pre supe vencer.

Pa’ con­seguir tu car­iño
quiero jugarme la vida
al naipe que me ha gus­ta­do…
No es la primera par­ti­da
en que mi resto he juga­do…
Y si al final copo y gano,
—tau­ra soy en la pos­tu­ra—
hay un facón, bra­va mano,
cora­je y bravu­ra
pa’ hac­erme valer.

Lo que yo quiero lo ten­go,
y eso por tau­ra y por guapo…
Bas­ta que en un bra­zo el trapo
ten­ga y en otro el facón…
Si no bas­tan mis haz­a­ñas
pon­go mi cora­je a prue­ba.
¡Nadie ven­ta­ja me lle­va
cuan­do está en juego tu amor!
Pedro Lau­renz (Pedro Blan­co) Letra: Manuel Andrés Meaños

Juan Car­los Casas ne chante que le refrain (en gras).

Traduction libre

Entre cortes y que­bradas (fig­ures de tan­go archaïques),
J’ai douce­ment grom­melé dans ton oreille
Tout mon verbe fleuri
Que t’a dit mon amour.
Tu as mon­tré avec ton sourire
Toute ta coquet­terie (séduc­tion)
et moi, ma viril­ité vain­cue…
Moi qui avais tou­jours su vain­cre.
Pour obtenir ton affec­tion
Je veux ris­quer ma vie
à la carte qui m’a plu…
Ce n’est pas la pre­mière par­tie
dans lequel j’ai joué mon repos…
Et si à la fin je bois et gagne,
—tau­ra (Caïd), je suis dans la pos­ture —
il y a un couteau, main vive (courageuse, prompte à tir­er le couteau),
Courage et bravoure
pour me faire val­oir.
Ce que je veux, je l’ai
Et cela par tau­ra et par beau (parce que je suis un caïd et beau)…
Il suf­fit que, dans un bras il y ait le chif­fon (étoffe pour pro­téger. Les gau­chos util­i­saient leur pon­cho enroulé sur le bras comme pro­tec­tion)
et dans l’autre, le couteau…
Si mes exploits ne suff­isent pas
Je mets mon courage à l’épreuve.
Per­son­ne n’a l’a­van­tage sur moi
Quand est en jeu ton amour !

Autres versions

De puro guapo 1935-07-24 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Rober­to Mai­da.

On est telle­ment habitués à enten­dre la ver­sion de Lau­renz et Casas, que cette ver­sion pesante de Canaro sem­ble d’une antiq­ui­té insup­port­able. De fait, il sem­ble peu intéres­sant de sub­stituer cet enreg­istrement à notre tan­go du jour. Bien sûr, les ama­teurs de canyengue seront sans doute d’un avis con­traire et c’est bien. J’aime la diver­sité des opin­ions.

De puro guapo 1935-11-26 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to con Jorge Omar.

Enreg­istré seule­ment qua­tre mois plus tard, la ver­sion de Lomu­to se dégage un peu plus de la gangue de la vieille garde que la ver­sion de Canaro. Quelques lib­ertés des instru­ments allè­gent égale­ment cet enreg­istrement. La sonorité est plus proche de celle que pro­duira trois ans plus tard Lau­renz.

De puro guapo 1940-01-25 — Orques­ta Pedro Lau­renz con Juan Car­los Casas. C’est notre tan­go du jour.

Les enreg­istrements suiv­ants seront instru­men­taux et chercheront à pro­pos­er de nou­velles direc­tions dans l’interprétation de l’œuvre. Je vous invite à juger de la diver­sité.

De puro guapo 1966 — Leopol­do Fed­eri­co y Rober­to Grela.

Grela que nous avons enten­du tant de fois en duo avec Troi­lo est ici avec Leopol­do Fed­eri­co. Le ban­donéon de ce dernier et la gui­tare de Grela nous livrent un titre très intéres­sant à écouter, foi­son­nant de créa­tiv­ité.

De puro guapo 1967-11-29 — Orques­ta Aníbal Troi­lo.

La ver­sion de Troi­lo est assez majestueuse. Elle n’est claire­ment pas des­tinée à la danse, même si je con­nais cer­tains qui me con­trediront.

De puro guapo 1968 — Pedro Lau­renz con su Quin­te­to.

Près de 30 ans plus tard, Lau­renz remet son titre en jeu. Cette ver­sion un peu sautil­lante ne me con­va­inc pas, mais pas du tout. On a l’impression que les musi­ciens s’endorment, mal­gré la présence de la gui­tare élec­trique…
Le quin­tette était for­mé de Pedro Lau­renz (ban­donéon), Eduar­do Wal­czak (vio­lon), Rubén Ruiz (gui­tare élec­trique), José Colán­ge­lo (piano) et Luis Pereyra qui a rem­placé le ban­donéon par la con­tre­basse.

De puro guapo 1969-09-18 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

On réveille tout le monde avec cette ver­sion de D’Arienzo. Si on recon­naît des élé­ments de D’Arienzo, cet enreg­istrement tardif manque sans doute de la puis­sance que peu­vent man­i­fester d’autres titres de la même époque. Les efforts de D’Arienzo pour pro­duire un son plus « mod­erne » déna­turent son style et là encore, je ne défendrai pas ce titre pour con­stituer une tan­da, même si cela reste dans­able.

De puro guapo 1972-11-10 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Après les recherch­es de Troi­lo, cette ver­sion mar­que une autre étape dans la recherche d’une har­monie par­ti­c­ulière. Autant les mêmes efforts chez D’Arienzo tombaient à plat, autant le résul­tat de Pugliese apporte un sus­pens musi­cal qui rend l’œuvre pas­sion­nante à écouter. Là encore, ce n’est pas un titre à danser, mais à écouter avec une atten­tion soutenue pour prof­iter de tous ces instants sub­tils.

De puro guapo 1996 — Quin­te­to Real.

Puisqu’on a décidé de s’éloigner, au fil du temps du tan­go de danse, cette ver­sion du Quin­te­to Real s’essaye à une syn­thèse entre les recherch­es de Pugliese et l’orchestration de Lau­renz. Le résul­tat, au regard des deux mod­èles opposés a du mal à con­va­in­cre, ou pour le moins à me con­va­in­cre.

De puro guapo 2002 — La Fur­ca.

La Fur­ca essaye de main­tenir la dragée haute. Il est curieux de voir que cette œuvre qui a sus­cité la mer­veilleuse ver­sion de Lau­renz Casas a eu peu de descen­dance à la hau­teur.
Je vous pro­pose de ter­min­er ce tour du tan­go « De Puro Guapo » avec une petite sur­prise.

Un Puro guapo peut en cacher un autre

Il arrive sou­vent qu’on demande au DJ un morceau spé­ci­fique. C’est générale­ment le cas pour les démon­stra­tions de danseurs, mais aus­si pour les danseurs usuels de la milon­ga. Sou­vent (lire, tout le temps), ils sont décom­posés quand je leur dis, mais quelle ver­sion ? Suit une petite écoute au casque, jusqu’à ce qu’ils trou­vent la ver­sion souhaitée.
À ce sujet, j’ai eu, en quelques occa­sions, des danseurs qui m’ont chan­té le titre qu’ils voulaient pour leur démo. Là encore, trou­ver le titre est générale­ment assez facile, mais quand il y a trente ver­sions, il faut faire preuve de per­spi­cac­ité.
Par­fois, la dif­fi­culté vient de ce qu’un orchestre a enreg­istré deux tan­gos du même titre, mais dif­férents. C’est par exem­ple le cas avec De puro guapo qui existe aus­si dans une ver­sion écrite par Rafael Iri­arte (Rafael Yorio) avec des paroles de Juan Car­los Fer­nán­dez Díaz.
Ce tan­go a été enreg­istré par plusieurs orchestres qui ont aus­si enreg­istré la ver­sion de Lau­renz, par exem­ple, Fran­cis­co Canaro. Mais on se ren­dra bien vite compte que ce n’est pas le même. Imag­inez le désar­roi du cou­ple de danseurs en démon­stra­tion si le DJ met le mau­vais tan­go. Le DJ doit savoir pos­er les bonnes ques­tions et faire écouter le titre aux danseurs , si pos­si­ble, et les danseurs devraient s’assurer de la ver­sion qu’ils souhait­ent utilis­er en don­nant l’orchestre, l’éventuel chanteur et la date d’enregistrement afin d’éviter tout risque et ambiguïté. Enfin, presque tous les risques, car nous avons vu qu’un orchestre comme celui de Canaro pou­vait enreg­istr­er le même jour avec le même chanteur, le même titre, un en ver­sion de danse et un en ver­sion d’écoute…

La cou­ver­ture de la ver­sion de Iri­arte et Meaños. Je vous passe les paroles du tan­go, comme on peut s’en douter en voy­ant cette illus­tra­tion, l’his­toire est trag­ique, plus que celle de Lau­renz à laque­lle elle peut tout de même répon­dre…
De puro guapo 1927-11-16 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro.

On retrou­ve le canyengue cher à Canaro. Cette ver­sion instru­men­tale nous dis­pense de la noirceur des paroles. On remar­que que le titre n’a rien à voir avec celui écrit par Lau­renz.

De puro guapo 1928-01-14 — Car­los Gardel con acomp. de Guiller­mo Bar­bi­eri, José Ricar­do (gui­tar­ras).

Gardel avec ses gui­taristes nous présente cette chan­son trag­ique.

De puro guapo V2 1928-02-02 — Orques­ta Osval­do Frese­do con Ernesto Famá.

Deux semaines après Gardel, Frese­do enreg­istre le titre dans une ver­sion des­tinée à la danse. Tout au moins la danse de l’époque…

De puro guapo 1972-12-13 — Rober­to Goyeneche con Atilio Stam­pone y su Orques­ta Típi­ca.

Goyeneche nous donne une très belle inter­pré­ta­tion de ce titre. Bien sûr, une chan­son, bien jolie à écouter et chargée d’émotion.

Comme la ver­sion de Lau­renz, la ver­sion de Iri­arte a don­né lieu à des inter­pré­ta­tions très var­iées, mais elle n’aura sans doute pas les hon­neurs du bal, comme la ver­sion que Lau­renz a enreg­istrés avec Casas et qui nous rav­it à chaque fois.

Bon, lais­sons les puros gua­pos à leurs van­tardis­es et méfaits et je vous dis, à bien­tôt, les amis !

Corazón de artista 1943-01-18 — Orquesta Ricardo Malerba

Francisco Gullo (Pascual De Gullo)

La superbe valse Corazón de artista, écrite par Pas­cual de Gul­lo va nous per­me­t­tre de décou­vrir un peu l’univers de Maler­ba, mais aus­si de faire un peu de tech­nique de DJ, sur la con­struc­tion des tan­das et sur d’autres aspects, comme la bal­ance.

Extrait musical

Corazón de artista 1943-01-18 — Orques­ta Ricar­do Maler­ba.

Les ban­donéons incisifs lan­cent le titre. Le piano assure les tran­si­tions, puis les vio­lons se joignent pour lancer leurs phras­es en lega­to.
Le piano a ensuite de beaux pas­sages et, le reste du temps, il assure le Poum-Tchi-Tchi de la valse (mar­quage des trois temps en accen­tu­ant le pre­mier).
Cette descrip­tion pour­rait tout à fait s’appliquer à l’orchestre de D’Arienzo. Nous sommes assez loin du Maler­ba, qui peut par­fois être un peu mièvre.
C’est donc une très belle ver­sion que l’on entend rarement. Je vous dirai pourquoi en fin d’article.

Autres versions

Corazón de artista 1935-04-16 — Orques­ta Adol­fo Pocho­lo Pérez.

Cette ver­sion est assez dif­férente des deux autres ver­sions que je vous présente dans cette anec­dote. Elle est beau­coup plus coulée, lisse. Elle tourne bien et ne fera pas rou­gir le DJ qui la passera en milon­ga.

Corazón de artista 1936-11-27 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

Que D’Arienzo nous offre une ver­sion dynamique n’étonnera per­son­ne. Les vio­lons et ban­donéons à l’unisson cisail­lent la musique, puis les vio­lons lis­sent le tout dans de longues phras­es suaves. Le piano de Bia­gi réalise les enchaîne­ments avec une con­fi­ance qui com­mence à se voir.
L’accélération finale, une fois de plus, réal­isée par la sub­di­vi­sion des temps en dou­bles-croches, per­met de ter­min­er dans une valse ent­hou­si­aste, sans avoir à mod­i­fi­er le tem­po.

Corazón de artista 1943-01-18 — Orques­ta Ricar­do Maler­ba. C’est notre valse du jour.

Pourquoi entend-on peu cette valse par Malerba en milonga ?

Est-ce à cause de l’auteur ?

De Gul­lo est l’auteur prin­ci­pale­ment de valses. Cer­taines sont très con­nues, comme Lágri­mas y son­risas, et notre valse du jour.

Quelques cou­ver­tures de par­ti­tions de valses de Pas­cual De Gul­lo.

Je vous pro­pose ici de vous présen­ter des ver­sions plus rares.

Amorosa 1930-09-17 — Orques­ta Juan Gui­do.

Cet admirable orchestre est curieuse­ment nég­ligé. On peut le com­pren­dre pour les tan­gos qui sont de la vieille garde, mais moins pour les valses. Celle-ci n’est pas le meilleur exem­ple, mais Gui­do a enreg­istré des per­les que je pro­pose par­fois en milon­ga. J’ai même fail­li le faire à Buenos Aires, cette semaine, j’étais en train de pré­par­er la tan­da et j’ai changé d’avis au dernier moment au vu de l’ambiance de la piste.

Lágri­mas y son­risas 1934-10-20 — Orques­ta Adol­fo Pocho­lo Pérez.

Dom­mage qu’elle ne puisse pas aller dans la même tan­da que Corazón de artista 1935 du même Pocho­lo. Il faut dire que Corazón de artista est plutôt plus tonique que la ving­taine de valses enreg­istrées par Pocho­lo.

Sueño de vir­gen 1943-12-30 — Quin­te­to Pir­in­cho dir. Fran­cis­co Canaro.

Je pense donc, qu’on ne peut pas reporter la faute sur l’auteur qui nous a pro­posé de belles valses, même si, en dehors de ses deux gros suc­cè, elles ont été assez peu enreg­istrées. Peut-être qu’un orchestre con­tem­po­rain serait bien inspiré de fouiller dans ce réper­toire au lieu de ressor­tir tou­jours les dix mêmes titres.

Est-ce à cause de Malerba ?

Pour pou­voir créer une tan­da cohérente, il faut trois ou qua­tre titres. Pour les valses, on lim­ite assez sou­vent le nom­bre à trois titres.
Donc, il nous faut trou­ver deux ou trois valses de Maler­ba qui puis­sent aller avec notre valse du jour. Comme il a enreg­istré en tout 4 valses, voyons si cela peut faire une tan­da.

Il a enreg­istré deux valses avec Alber­to Sánchez :

Aris­toc­ra­cia 1956-06-01 — Orques­ta Ricar­do Maler­ba con Alber­to Sánchez.
Que­jas de Mont­martre 1956-03-16 — Orques­ta Ricar­do Maler­ba con Alber­to Sánchez.

Cette valse mag­nifique a été com­posée par Georges van Parys avec des paroles de Jean Renoir qui a util­isé ce titre pour son film French Can­can de 1954. Le titre orig­i­nal de la valse est « La Com­plainte de la Butte ». On le con­nait par de nom­breux chanteurs, dont bien sûr, Cora Vau­caire, qui l’a lancé, puis tou­jours en 1955, par André Claveau, Pat­a­chou et Mar­cel Mouloud­ji.

La com­plainte de la butte dans le film French Can­can de Jean Renoir (1954). Musique de Georges Van Parys et paroles de Jean-Renoir. En deux­ième par­tie, la dou­blure-voix de Anna Amen­dola, Cora Vau­caire (La Dame blanche) sur scène en 1956.

Ce sont donc deux valses intéres­santes, mais qui ne vont pas ensem­ble et encore moins avec Corazón de artista. Pas de piste de tan­da de ce côté. Con­tin­uons de chercher…

La dernière valse en stock a été enreg­istrée avec le chanteur vedette de Maler­ba, Orlan­do Med­i­na. Est-ce enfin une piste intéres­sante ? Écou­tons.

Cuan­do flo­rez­can las rosas 1943-06-10 — Orques­ta Ricar­do Maler­ba con Orlan­do Med­i­na (Ricar­do Maler­ba — Dante Smur­ra Julio Jorge Nel­son).

Je pense que nous sommes d’accord, encore une fois, cette valse est à part, et absol­u­ment pas com­pat­i­ble avec notre valse du jour.

En résumé, il est impos­si­ble de faire une tan­da à par­tir de la valse Corazón de artista dans la ver­sion de Maler­ba.

Conseil aux orchestres contemporains et aux organisateurs

Je ne sais pas bien pourquoi, mais très peu d’orchestres con­tem­po­rains enreg­istrent un nom­bre suff­isant de valses ou de milon­gas pour pou­voir faire des tan­das et quand ils le font, ce n’est pas tou­jours génial à rassem­bler dans une tan­da. Bien sou­vent, si un DJ fai­sait la même pro­gram­ma­tion que cer­tains orchestres, il se recevrait des tomates.
Le prob­lème est que les orchestres sont sou­vent com­posés de pièces rap­portées et qu’ils répè­tent peu ensem­ble. Il n’est qu’à voir sur les fes­ti­vals com­ment se passe la bal­ance. Cette opéra­tion est cen­sée per­me­t­tre à l’ingénieur du son d’équilibrer les instru­ments et les retours des musi­ciens.
Pour bien faire les choses, on adapte à chaque instru­ment le ou les micro­phones con­ven­ables (générale­ment indiqués dans la fiche tech­nique de l’orchestre). Une fois rac­cordés à la con­sole de mix­age, on pré­pare la place des dif­férents instru­ments. Il ne suf­fit pas de régler leurs vol­umes respec­tifs, il faut égale­ment « sculpter » leur bande de fréquence afin que le mix­age soit har­monieux. Sinon, on fait une course à la puis­sance, sur les mêmes fréquences et la musique est totale­ment déséquili­brée.
Quand un chanteur inter­vient, par exem­ple, un ténor, il faut que sa bande de fréquence (130 à 550 Hz) soit dégagée. Si le com­pos­i­teur a bien géré les choses, il évit­era de met­tre un sec­ond instru­ment dans cette gamme de fréquences au même moment. Mais, ce n’est pas tou­jours le cas et vous avez cer­taine­ment en tête des enreg­istrements où l’ingénieur du son a bais­sé exagéré­ment le vol­ume pour dégager la voix, mais cela est fait en enl­e­vant la base musi­cale dont se ser­vent les danseurs. Dans les presta­tions en direct, les musi­ciens vont deman­der au sonorisa­teur d’augmenter leur vol­ume, car ils ne s’entendent pas alors que cela vient sou­vent d’un mau­vais réglage des fréquences et d’un mau­vais équili­bre des retours.
Dans un orchestre sans ampli­fi­ca­tion, les musi­ciens ont leur place si le com­pos­i­teur et/ou l’arrangeur ont bien effec­tué leur tra­vail. Le chef gère juste le vol­ume des instru­ments pour faire ressor­tir une voix plus que les autres, ou pas.
Vous êtes très fam­i­liers de ce phénomène et c’est facile à con­stater en écoutant le même titre par dif­férents orchestres. Même s’ils utilisent les mêmes arrange­ments, dans cer­taines ver­sions, un instru­ment est au pre­mier plan et pour un autre orchestre, c’est un autre instru­ment qui est mis en valeur.
Un mau­vais réglage des retours ou de la bal­ance fait que de nom­breuses presta­tions sont désas­treuses pour le pub­lic. Les instru­men­tistes ne s’entendant pas bien, jouent plus fort, voire pousse la voix pour les chanteurs, les cordes frot­tées jouent faux, ce qui est par­fois recher­ché, mais pas tou­jours.
Bon, j’ai un peu dérapé de mon sujet. Comme DJ, il est fréquent de n’avoir que 30 sec­on­des pour faire la bal­ance, alors que ce serait utile de pou­voir étudi­er cor­recte­ment la salle aupar­a­vant et d’équilibrer l’égalisation en con­séquence. Com­bi­en de fois, la bal­ance de l’orchestre prend trois heures en devenant de fait une répéti­tion et qu’au final, le véri­ta­ble tra­vail de bal­ance n’a pas été cor­recte­ment effec­tué. Par­fois, la bal­ance con­tin­ue alors que le pub­lic est déjà dans la salle, car ils ont passé l’heure.
A min­i­ma, ce serait sym­pa de la part des organ­isa­teurs de faire respecter les horaires. Comme DJ, j’ai besoin de 5 min­utes et, quand il y a un orchestre, c’est presque impos­si­ble de les avoir. Parois, il n’est même pas pos­si­ble de tester mes tranch­es sur la con­sole, car l’ingénieur du son est pris par l’orchestre. Il n’est pas non plus pos­si­ble de bal­ancer du bruit rose au vol­ume cor­rect quand il y a déjà le pub­lic dans la salle.
Con­traire­ment à ce que cer­tains pensent, le tra­vail de DJ est assez com­plexe, car il faut équili­br­er des musiques de sources var­iées. Pou­voir faire une bal­ance de qual­ité, c’est l’assurance que les danseurs auront un bon son sur la piste. C’est d’autant plus impor­tant quand le DJ est loin de la piste ou n’a pas de retour. S’il sort un son cor­rect à son emplace­ment, cela risque de ne pas être bon pour la piste. Un retour bien réglé per­met de lim­iter ce prob­lème, à con­di­tion qu’il soit bien réglé et, pour bien le régler, il faut avoir les 5 min­utes de pré­pa­ra­tion…

Faut-il renoncer à utiliser cette valse ?

Ma réponse est non, bien sûr. Pour cela, nous avons une tolérance qui con­siste à pou­voir com­pos­er une tan­da mixte, c’est-à-dire à par­tir de plusieurs orchestres. C’est assez rare avec les tan­gos, mais, beau­coup plus courant pour les milon­gas et les valses. Pour les milon­gas, cela reste assez com­pliqué, car il y a dif­férents styles et que, même avec le même orchestre et la même année, on peut avoir des milon­gas qui ne vont pas bien ensem­ble. Cela demande donc un peu de réflex­ion au DJ. Pour les valses, c’est en revanche beau­coup plus facile. Il suf­fit d’associer des titres au rythme com­pa­ra­ble, de même car­ac­tère et à la sonorité proche. Nous avons vu que la valse de Maler­ba avait des accents qui rap­pelaient D’Arienzo. Il sem­ble donc évi­dent que chercher à com­pléter une tan­da de valse de D’Arienzo avec ce titre peut être une excel­lente idée. En tout cas, c’est la direc­tion que j’emprunte. Il y a bien sûr d’autres pos­si­bil­ités. Vous pou­vez don­ner votre avis dans les com­men­taires.

À bien­tôt les amis !

Mentías (vals) 1937-04-01 — Orquesta Juan D’Arienzo

Juan Carlos Casaretto Letra: Alfredo Navarrine

J’ai reçu ce matin un mes­sage d’un organ­isa­teur de milon­ga me deman­dant quelle valse pro­pos­er pour un anniver­saire, avec la con­trainte que ce soit une valse du mois de jan­vi­er vu que l’anniversaire était aujourd’hui. J’ai pro­posé cette valse, Men­tías, pour deux raisons. La pre­mière est que c’est une valse qui cor­re­spond bien à l’occasion et la sec­onde est que sa date d’enregistrement coïn­cide avec la date de nais­sance de la danseuse à fêter. Je te dédi­cace donc, Mar­tine de Saint-Pierre (La Réu­nion), cette valse, en te souhai­tant un excel­lent anniver­saire.

Extrait musical

Disque RCA Vic­tor (38 138 face B) de Men­tías… Le numéro de matrice 93549 est indiqué à gauche de l’axe. Sur la face A (38 138‑A) il y a El apronte, enreg­istré juste avant, le même jour, avec le numéro de matrice 93548–1.
Men­tías 1937-04-01 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

Cette valse com­mence sur un rythme rapi­de, avec une intro­duc­tion au piano par Rodol­fo Bia­gi, qui pro­posera de nom­breuses ponc­tu­a­tions et tran­si­tions légères (comme la pre­mière à 13s).
Durant toute la pre­mière par­tie (jusqu’à 28s), tous les instru­ments sont au ser­vice du rythme.
Ensuite, les ban­donéons s’individualisent pour la par­tie B et ensuite cèdent le pas aux mag­nifiques vio­lons.
À 1:50, la vari­a­tion apporte une impres­sion de vitesse, sans toute­fois chang­er le tem­po, sim­ple­ment, comme le fait presque sys­té­ma­tique­ment D’Arienzo, en sub­di­visant les temps en employ­ant des dou­ble-croches au lieu de croches.
Le rythme rapi­de, mais sans exagéra­tion et la fin somme toute tran­quille, laisse la place à des titres plus énergiques pour ter­min­er la tan­da dans une explo­sion.
Ce titre est un bon pre­mier titre, ce qui ren­force ma con­vic­tion qu’il peut faire l’affaire pour un anniver­saire.

Paroles

Mis ojos te grabaron en mi mente
Bajaste de la mente al corazón,
La flor del corazón se abrió en lati­dos
¡Lati­dos que acu­naron nue­stro amor!
Amor que flo­recía con tus besos
Tus besos encubrían la traición,
Traición que me val­ió la cruz del llan­to
¡Y el llan­to por mis ojos te arro­jó!

¡Men­tías…!
Con cari­cias… estu­di­adas…
¡Cin­is­mo…!
Del car­iño desleal…
Jurabas
Por tu dios y por tu madre…
¡Mira si no es crim­i­nal!
Los seres
Que han mata­do y se red­i­men,
Mere­cen el olvi­do y el perdón…
Cien vidas
No podrán bor­rar tu crimen
¡Asesinar la ilusión!

Y aho­ra que mi vida está vacía
Ancla­da en un silen­cio sin dolor,
Gol­pea el ald­abón de tu recuer­do
Las puer­tas de mi pobre corazón…
Ya es tarde para unir idil­ios rotos
Mire­mos cara a cara la ver­dad,
No vuel­vas a ron­dar por mi car­iño
¡Que el sueño que se fue no tor­na más!
Juan Car­los Casaret­to Letra: Alfre­do Navar­rine

Traduction libre des paroles

Mes yeux t’ont gravé dans mon esprit, tu es descen­due de l’e­sprit au cœur, la fleur du cœur s’est ouverte en pal­pi­tant.
Des bat­te­ments de cœur qui ont bercé notre amour !
L’amour qui s’est épanoui avec tes bais­ers. Tes bais­ers ont cou­vert la trahi­son, la trahi­son qui m’a valu la croix des pleurs.
Et les larmes à tra­vers mes yeux t’ont rejetée !

Men­songes…!
Avec des caress­es… Étudiées…
Cynisme…!
D’af­fec­tion déloyale…
Tu as juré par ton dieu et par ta mère…
Vois si ce n’est pas crim­inel !
Les êtres qui ont tué et se sont rachetés méri­tent l’ou­bli et le par­don…
Cent vies ne pour­ront pas effac­er ton crime
Tuer l’il­lu­sion !

Et main­tenant que ma vie est vide, ancrée dans un silence indo­lore, le heur­toir de ton sou­venir frappe les portes de mon pau­vre cœur…
Il est trop tard pour unir des idylles brisées. Regar­dons la vérité face à face, ne reviens pas à chercher mon amour.
Car le rêve qui est par­ti ne revient pas !

On notera que les paroles sont très moyen­nement adap­tées à une fête d’anniversaire. Cepen­dant, cela ne dérange pas, car elles ne sont pas enreg­istrées et la musique les dément totale­ment.

Juan Carlos Casaretto y Alfredo Navarrine

Le com­pos­i­teur de cette valse, Juan Car­los Casaret­to n’est con­nu que pour un seul autre titre, un tan­go, Chi­clana y Boe­do (avec J. Tre­viño, encore plus incon­nu). Il en existe un enreg­istrement tardif par Enrique Rodriguez et Rober­to Flo­res, mais ce n’est pas pour la danse.
Alfre­do Navar­rine (Pig­meo), en revanche, est à la tête d’une riche pro­duc­tion. Avec son frère, Julio Plá­ci­do Navar­rine, il a fourni bon nom­bre de titres de tan­go.

Des frères Alfredo et Julio Navarrine :

  • Alar­i­dos 1942
  • Jua­na 1958
  • Mil nove­cien­tos trein­ta y siete 1937 (plus José Domin­go Péco­ra)
  • Lechuza 1928
  • Oiga ami­go 1933
  • Sos de Chi­clana 1947 (plus Rafael Rossa)
  • Tril­la e recuer­dos

De Julio Navarrine :

  • A la luz del can­dil 1927
  • Bar­cos amar­ra­dos
  • Catorce pri­mav­eras
  • El anil­li­to de pla­ta
  • El vina­cho Milon­ga
  • La piba de los jazmines
  • Oiga ami­go
  • Oro muer­to (Jirón porteño) 1926
  • Por qué no has venido 1926
  • Qué quieren yo soy así Milon­ga
  • Tra­go amar­go 1925

De Alfredo Navarrine :

  • Agüi­ta e luna
  • Ayer y hoy 1939
  • Ban­do­neones en la noche
  • Bar­rio reo 1927
  • Brindis de olvi­do 1945
  • Can­ción del reloj
  • Can­to estrellero 1943
  • Cieli­to del porteño 1950
  • Como una flor 1947
  • Con licen­cia 1955
  • Corazón en som­bras 1943
  • Curiosa
  • Desvíos
  • Escarmien­to 1940
  • Escúcheme, gringo ami­go 1944
  • Esmer­al­da
  • Estam­pa rea 1953
  • Este amor 1938
  • Falsedad 1955
  • Fea 1925
  • Gaji­to de cedrón 1973 Can­ción criol­la
  • Gal­le­gui­ta 1925
  • He per­di­do un beso 1940
  • Humil­dad 1938
  • La condi­ción 1946
  • La Fed­er­al
  • Lati­do porteño
  • Luna pam­pa 1951
  • Men­tías 1941 (Notre valse du jour)
  • Milon­ga de un argenti­no 1972
  • No nos ver­e­mos más 1939
  • Noche de pla­ta 1930 (Vals)
  • Noc­turno inútil 1941
  • Ojos en el corazón 1945
  • Ojos tristes 1939
  • Pajara­da 1945
  • Qué lin­da es la vida
  • Rancherian­do
  • Res­i­gnación
  • Ron­da de sueños 1944
  • Rosas negras 1942
  • San­gre porteña 1946
  • Sé hom­bre
  • Señor Juez 1941
  • Señue­lo 1977
  • Serenidad 1946
  • Tamal 1975
  • Tan­go lin­do
  • Tan­go para un mal amor 1948
  • Tata Dios 1931
  • Tor­caci­ta
  • Tucumana (Zam­ba)
  • Tucumano 1961
  • Vidali­ta
  • Yo era un corazón 1939
  • Yunque 1953

Autres versions

Il n’y a pas d’autre ver­sion de notre valse du jour, Il est assez curieux de voir la frilosité des orchestres con­tem­po­rains pour enreg­istr­er des valses. Ils nous don­nent des dizaines de ver­sions de quelques tan­gos, mais très peu de valses ou de milon­gas.
Si cette valse n’a pas été enreg­istrée par la suite, nous avons un tan­go du même titre com­posé par Juan de Dios Fil­ib­er­to avec des paroles de Milon E. Muji­ca.
Je vous pro­pose deux enreg­istrements de celui-ci et on ter­min­era par la valse du jour.

Men­tías 1923 — Car­los Gardel con acomp. de Guiller­mo Bar­bi­eri, José Ricar­do (gui­tar­ras).

Un enreg­istrement acous­tique. Bien sûr on réserve cela pour l’écoute et pas pour le bal.

Men­tías 1927-10-20 — Orques­ta Rober­to Fir­po.

Une jolie ver­sion. C’est assez léger et pas trop mar­qué en canyengue intense… Cela reste cepen­dant un peu monot­o­ne, mais le joli vio­lon de Cayetano Puglisi, déli­cieuse­ment lar­moy­ant, fait par­don­ner cela.

Men­tías 1937-04-01 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

Men­tías 1937-04-01 (vals) — Orques­ta Juan D’Arien­zo. C’est notre valse du jour. On ter­mine avec énergie.

La tradition de la valse d’anniversaire

Il est des tra­di­tions dont on ne con­naît pas vrai­ment l’origine. La valse d’anniversaire dans les milon­gas en fait sans doute par­tie. Il se peut aus­si que ce soit une igno­rance de ma part.
Voici ce qui me sem­ble à peu près véri­fi­able.

La valse des mariés

Un peu partout dans le monde, les nou­veaux mar­iés ouvrent le bal, par une valse, ce qui assure à cer­tains pro­fesseurs de danse une petite rente. Ils met­tent en scène une petite choré­gra­phie, les mar­iés l’apprennent par cœur et le jour de la noce, ils émer­veil­lent les invités et la famille, soigneuse­ment anesthésiés au préal­able par la richesse du repas et des alcools servis.

La valse des 15 ans

Plus spé­ci­fique­ment en Amérique latine, il y a la tra­di­tion des 15 ans des jeunes filles/femmes.
Cette céré­monie, peut-être issue des cul­tures pré­colom­bi­ennes, per­dure de nos jours avec des formes, sou­vent très élaborées. Il existe des bou­tiques de robes spé­ciales pour les 15 ans, des maîtres de céré­monie et des vidéastes spé­cial­isés.
Ce sont des fêtes fort coû­teuses et les familles s’endettent bien plus pour les quinze ans que pour le mariage.
Cette tra­di­tion évolue, mais en général, la jeune femme est présen­tée par le père (ou par­rain) et effectue avec lui une valse, puis, les amis d’enfance, éventuels pré­ten­dants et autres, dansent avec la quinceañera (jeune femme de 15 ans). Voir l’article de Wikipé­dia pour des élé­ments plus con­crets.
En Europe, chez les puis­sants, on peut trou­ver une céré­monie par­al­lèle, le bal des débu­tantes.

La valse d’anniversaire des tangueros

Vous avez recon­nu l’organisation de la valse d’anniversaire telle qu’elle se pra­tique dans les milon­gas.
À ce sujet, il existe plusieurs façons de faire et beau­coup d’organisateurs ne souhait­ent pas qu’on « perde » du temps à cette man­i­fes­ta­tion. D’autres, comme celui qui m’a com­mandé la valse ce matin, mar­quent plus d’attention pour cette tra­di­tion.
En Argen­tine, les amis tangueros fêtent l’anniversaire à la milon­ga. Ils réser­vent une table et c’est une des occa­sions où il est autorisé d’apporter de la nour­ri­t­ure de l’extérieur. En général, un gâteau qui ferait tomber en syn­cope un nutri­tion­niste, il n’y a jamais trop de crème et de sucre. Le « cham­pagne » local, qui lui est celui ven­du dans la milon­ga, par­ticipe à la fête, ain­si que sou­vent, des déguise­ments et autres fan­taisies.
En Europe, cela se fait moins, on pense que le temps pris pour fêter l’anniversaire est du temps per­du pour les danseurs. C’est un peu vrai, mais c’est aus­si oubli­er la dimen­sion sociale du tan­go. Nous sommes une com­mu­nauté et c’est impor­tant de la ren­forcer par des mar­ques d’amitié. Le tan­go n’est pas un club de gym où on fait son entraîne­ment avec des écou­teurs sur les oreilles. On par­le, on chante et on partage.
Comme DJ, il est impor­tant d’aider à trou­ver l’équilibre. Si l’organisateur refuse que l’on fête un anniver­saire, je me con­tente d’une dédi­cace avant la tan­da de valse. Libre aux danseurs qui le souhait­ent d’organiser un moment con­vivial.
Lorsque c’est l’organisateur qui le demande, il y a plusieurs pos­si­bil­ités. Par­fois, tous les danseurs/danseuses veu­lent danser avec la per­son­ne qui fête son anniver­saire. Dans ce cas, il se forme une immense file et ils refuseront d’aller danser avec quelqu’un d’autre tant qu’ils n’auront pas réus­si à partager quelques sec­on­des de valse. Par­fois, cela dure toute la tan­da.
Cela peut être effec­tive­ment frus­trant pour ceux qui ne danseront pas avec la per­son­ne dont c’est l’anniversaire (les femmes, si c’est une femme qui fête son anniver­saire, ou les hommes dans le cas con­traire). Cela risque de faire baiss­er l’énergie dans le bal et à moins que l’ambiance soit très ami­cale, je pense que cette organ­i­sa­tion est à éviter.
Plus intéres­sante est la mise en place d’un dou­ble par­cours. On invite le héros de soirée à se plac­er au cen­tre de la piste et les parte­naires intéressés s’alignent. Les autres danseurs peu­vent les entour­er en dansant autour. Je trou­ve cela assez sym­pa­thique et cela ne frus­tre ni les stakhanovistes du bal ni les amis qui souhait­ent partager quelques sec­on­des de danse avec la per­son­ne qui fête son anniver­saire.
Il me sem­ble qu’il est intéres­sant de pro­pos­er cette organ­i­sa­tion, ce que peut faire le DJ avec l’accord de l’organisateur, ou l’organisateur, de son pro­pre chef. Pour bien met­tre en valeur l’anniversaire, on peut réserv­er une par­tie du pre­mier thème au seul anniver­saire et rem­plir pro­gres­sive­ment la piste. S’il y a beau­coup de pré­ten­dants, cela peut impli­quer de réserv­er tout le pre­mier titre de la tan­da à la per­son­ne qui fête son anniver­saire.
Comme DJ qui aime pro­pos­er des valses, je pro­pose, en plus de la valse d’anniversaire, une tan­da com­plète. Cela per­met aux danseurs qui ont par­ticipé au manège de danser avec un autre parte­naire. La tan­da fera donc au moins qua­tre valses, voire cinq, si je suis sur un régime de tan­das de 4 et que le pre­mier titre a été entière­ment util­isé pour souhaiter l’anniversaire.
Les danseurs qui vont inviter la per­son­ne dont c’est l’anniversaire ne doivent pas hésiter à faire un peu de spec­ta­cle. Pas dans la façon de danser (ils doivent au con­traire, être aux petits soins pour le parte­naire), mais dans la manière de pren­dre son tour (ou de le don­ner). Cela apporte une dis­trac­tion à ceux qui ne par­ticipent pas.
Dans mon ancien pro­fil Face­book, mal­heureuse­ment fer­mé pour d’obscures raisons, j’avais réal­isé une vidéo en direct où les danseurs qui s’étaient mis en file indi­enne se sont mis à se bal­ancer en rythme d’un pied sur l’autre. Ce fut un superbe moment, tous les hommes de l’événement se bal­ançant d’une même cadence, dans l’attente de partager quelques sec­on­des de bal.

Men­tías. L’illustration n’est pas exacte­ment fidèle au texte, mais plutôt à la musique et surtout, elle évoque l’utilisation que j’en pro­pose, une valse d’anniversaire.

Heureux anniver­saire Mar­tine !

À bien­tôt les amis !

Offrir des informations aux danseurs

S’il est courant de com­mu­ni­quer des infor­ma­tions au micro aux danseurs, dans la pra­tique, ils n’entendent pas tou­jours et il est sou­vent utile de répéter l’information de façon visuelle. Cet arti­cle fait le point sur mon par­cours de DJ don­neur d’informations et de VJ (Video Jock­ey).

Comme DJ, j’ai tou­jours souhaité don­ner aux danseurs des infor­ma­tions sur ce qu’ils dan­saient.
Il y a un quart de siè­cle, je dif­fu­sais sur Inter­net, la liste des morceaux que j’avais passée durant la milon­ga.
À la fin des années 2000, je suis passé à l’iPad et j’affichais le nom de l’orchestre. Je suis aus­si passé à l’annonce au micro en lut­tant con­tre ma timid­ité.
Dans les années 2010, je suis passé au vidéo­pro­jecteur et à la pro­jec­tion de films mixés en direct. J’utilise tou­jours cette stratégie avec le logi­ciel Res­ol­ume Are­na.
Le seul incon­vénient pour moi est que, comme je crée les tan­das en direct, je ne peux pas m’appuyer sur une liste de titres comme le font la plu­part des DJ qui utilisent des Playlists. Cela m’interdit donc d’afficher le nom du morceau en cours de dif­fu­sion, car il me faudrait saisir en direct toutes les infor­ma­tions, ce qui est évidem­ment impos­si­ble. Comme je ne fais pas de playlist, tout mon temps de DJ est occupé par la pré­pa­ra­tion de la tan­da suiv­ante.
J’avais bien essayé dif­férents sys­tèmes, mais tous néces­si­taient de faire des playlists à l’avance et d’utiliser iTunes ou équiv­a­lent.

Un grand mer­ci, donc aux développeurs de Beam (https://www.facebook.com/beamtheprojecthttps://bitbucket.org/beam-project/main/downloads/) qui per­me­t­tent désor­mais d’afficher en direct le morceau qui passe à par­tir d’un véri­ta­ble logi­ciel de DJ.
Je remer­cie aus­si le col­lègue et ami, Fred Alart-Tan­godj qui m’a don­né des infor­ma­tions essen­tielles pour me lancer dans ce pro­jet.
Par­mi les logi­ciels DJ com­pat­i­bles avec Beam, il y a MIXXX, un des trois que j’u­tilise…
Le logi­ciel Beam est paramé­tra­ble de façon intel­li­gente. On peut choisir les infor­ma­tions que l’on affiche. Pour ma part, j’ai rajouté les com­pos­i­teurs, ce que peu de col­lègues peu­vent faire, car, bien sûr, il faut avoir saisi ces don­nées pour chaque musique pour qu’elles puis­sent s’afficher.

Les données de base

Les don­nées que j’ai choisi d’af­fich­er dans ma con­fig­u­ra­tion de Beam.

De haut en bas :

Titre précé­dent. Sou­vent, quand on danse, on ne pense pas tou­jours à regarder le titre du morceau. Affich­er le morceau précé­dent per­met d’avoir un jok­er. Il me sem­ble égale­ment que c’est intéres­sant pour mon­tr­er la struc­ture de la tan­da. En revanche, je n’affiche pas le morceau suiv­ant, car je place les morceaux au fur et à mesure et cela per­turbe le logi­ciel qui n’a rien à se met­tre sous la dent…
Nom de l’orchestre. J’ai choisi de le met­tre en grand, car c’est l’information prin­ci­pale, à mon avis. Tous les danseurs doivent pou­voir savoir, s’ils le souhait­ent, sur quel orchestre ils dansent. Bien sûr, les milongueros aver­tis n’ont pas besoin de cette infor­ma­tion, mais d’autres infor­ma­tions vont venir les con­tenter.
Titre de la musique et date d’enregistrement. Avoir le titre est utile au plus grand nom et même à cer­tains con­nais­seurs. J’espère que cela va lim­iter le nom­bre de shaz­a­meurs. Je préfère net­te­ment que les col­lègues vien­nent me deman­der le titre. Avec ce dis­posi­tif, ils l’auront, mais ceux qui veu­lent venir me par­ler restent bien sûr les bien­venus. Pour ce qui est de la date, cela me sem­ble impor­tant égale­ment. La preuve, j’ai la date d’enregistrement de la très grande majorité de mes morceaux. Cette appli­ca­tion va me per­me­t­tre de prof­iter de cet investisse­ment…
Style de la musique. Je pou­vais me pass­er de don­ner cette infor­ma­tion. J’en prof­ite cepen­dant pour faire remar­quer qu’au lieu de « Tan­go », il est indiqué A Tan­go. C’est que je classe la musique de tan­go avec un A avant, pour qu’ils s’affichent en pre­mier. En effet, je ne passe pas que du tan­go, j’anime aus­si en trop­i­cal et autres dans­es (DJ, pas de tan­go dans ce cas).
Com­pos­i­teur. J’ai mis « Com­pos­i­tor », mais, bien sûr, c’est com­pos­i­teur et paroli­er quand il y a les deux. Je trou­ve intéres­sant de savoir qui a écrit une musique et les paroles. Par­fois, je com­pose des tan­das de musiques écrites par le même com­pos­i­teur ou des com­pos­i­teurs de la même lignée. Mais il y a telle­ment d’autres pos­si­bil­ités que c’est finale­ment assez rare. J’as­so­cie, en pri­or­ité, des musiques dont l’interprétation est com­pa­ra­ble, mais aus­si sur des thèmes proches, et ce sont sou­vent ces critères qui font que l’on se retrou­ve avec des titres du même com­pos­i­teur ou auteur.
Tan­da. Si 1/4 s’affiche, c’est que c’est le pre­mier titre d’une tan­da de 4 titres. Dans mon cas, l’information ne sera pas tou­jours fiable quand au nom­bre de titres, car il faut avoir mis une corti­na pour que cela soit cal­culé par l’application. Par moment, je mets six ou sept titres et je choi­sis en fonc­tion des réac­tions de la salle, ou, je mets les titres un à un. Cepen­dant, le pre­mier chiffre indique le numéro. Donc, si vous voyez 1, c’est qu’il va y avoir après 2 (tan­da de 3) ou 3 (tan­da de 4) autres morceaux.
DJ BYC Bernar­do. Ben, oui, c’est bien de faire savoir qui passe la musique, non ?

Des informations plus sophistiquées

Beam per­met d’afficher dif­férents fonds de page en fonc­tion des mots clefs (tags) présents dans le morceau. Par exem­ple, je peux met­tre un fond de page spé­cial D’Arienzo, pour une tan­da de D’Arienzo. Il me suf­fit de récupér­er la vari­able « Artist » et de déclencher l’affichage d’un fond de page avec une pho­to de D’Arienzo.

Lorsque Beam voit “D’Arien­zo” dans le champ “Artiste”, il peut affich­er un fond de page avec une pho­to de D’Arien­zo.

Cela oblige cepen­dant à pré­par­er un fond de page par orchestre. Ce n’est pas très com­pliqué, mais je tra­vaille actuelle­ment sur une autre voie, qui est de récupér­er ce que je fais comme VJ en mélangeant des vidéos des orchestres et des ani­ma­tions au rythme de la musique pour les associ­er avec les don­nées affichées automa­tique­ment par Beam.

Beam per­met aus­si d’as­soci­er une image à un titre. Je me suis amusé à le faire, mais c’est bien sûr impos­si­ble quand on dis­pose de 6000 titres util­isés en milon­ga. On recon­naî­tra ici l’illustration de l’anecdote de tan­go sur Entre dos fue­gos.

Système actuel

Équipement DJ

Pour la musique, j’utilise un Mac­book Pro plus clas­sique avec 16 Go de RAM et 2 To de disque dur.

On remar­quera que, même si ce Mac­Book Pro peut fonc­tion­ner sous macOS Sequoia, je le main­tiens sous Mojave, quand un sys­tème fonc­tionne, il est déli­cat de l’ac­tu­alis­er. Un ordi­na­teur de DJ ne devrait pas avoir le droit de tomber en panne…

Il se pose la ques­tion du renou­velle­ment de cet ordi­na­teur. J’ai des Mac M en test, mais ils ne me con­vi­en­nent pas. De plus, les Macs ont la mémoire et le disque SSD soudés. On est donc lim­ité en taille. Un disque de 2 To, c’est vrai­ment trop petit pour de la musique et utilis­er un disque externe, c’est très risqué en cas de débranche­ment acci­den­tel, sans compter le risque de vol de ce disque, comme cela m’est arrivé avec un « col­lègue » indéli­cat qui a trou­vé intéres­sant de me vol­er mon disque SSD de sec­ours de 4 To rem­pli de musique retouchée.

Logiciels DJ utilisés :

J’utilise iTunes pour class­er la musique. C’est en grande par­tie pour lui que je reste en Mojave, car les sys­tèmes d’exploitation ultérieurs l’ont rem­placé par « Music », qui est vrai­ment bien moins per­for­mant pour trou­ver de la musique à la volée. iTunes est en fait une base de don­nées avec un moteur de recherche, mais il dis­pose surtout de fonc­tions de requêtes qui per­me­t­tent d’avoir une musique par­faite­ment organ­isée et facile à trou­ver. On peut me deman­der n’importe quel titre et je le trou­ve en quelques sec­on­des. C’est impor­tant quand des danseurs qui font un bis dans leur démo me deman­dent un titre à la volée, mais aus­si, tout sim­ple­ment pour pou­voir armer ses tan­das en direct en trou­vant ce qui va ensem­ble très facile­ment.

iTunes est un super logi­ciel de base de don­nées musi­cale.

Dans iTunes, je peux choisir un genre, un artiste et tri­er par date pour avoir tous les titres de cet artiste pour la même péri­ode et le même rythme. On notera à gauche, les engrenages qui sont des requêtes, c’est-à-dire des recherch­es qui don­nent une liste tou­jours à jour de fichiers répon­dants à cer­tains critères. Par exem­ple, les valses chan­tées ayant 5 étoiles. Je peux aus­si tri­er par les com­men­taires, ce qui offre des pos­si­bil­ités infinies.
Je sélec­tionne les morceaux à pass­er dans iTunes et je les glisse dans Mixxx.

Mixxx est un des trois logi­ciels de DJ que j’u­tilise le plus. Sa com­pat­i­bil­ité avec Beam, va me le ren­dre encore plus impor­tant… Ici, le dernier titre d’une tan­da de Canaro.

Mixxx est un excel­lent logi­ciel de DJ qui per­met de mod­i­fi­er la vitesse et la tonal­ité des morceaux, de répéter des pas­sages

Équipement VJ

J’utilise un PC avec un processeur Intel i9 et 64 Go de RAM et 8 To de disque dur SSD.

Pour la vidéo, il faut un ordi­na­teur très, très puis­sant…

Logiciels VJ utilisés :

Beam per­met l’affichage automa­tique de dif­férents tags des morceaux.

Tou­jours sur le MAC, Beam per­met d’af­fich­er les don­nées souhaitées, comme nous l’avons vu ci-dessus. Ici, l’affichage du dernier Canaro de la tan­da. Comme il y a un morceau iden­ti­fié comme Corti­na ensuite (voir la copie d’écran de MIXXX), le logi­ciel indique « Tan­da 4/4 ».
La tan­da de Canaro est ter­minée, c’est la corti­na. La prochaine tan­da est annon­cée automa­tique­ment s’il y a déjà un titre après la corti­na au moment où elle démarre. Dans mon cas, ce n’est pas tou­jours le cas, car la corti­na sert aus­si à prévoir la suite… Dans ce cas, la prochaine tan­da ne sera pas affichée.

Cepen­dant Beam est un peu lim­ité. Pour affich­er des vidéos et les mix­er, il faut un logi­ciel plus com­plet. C’est le rôle de Res­ol­ume Are­na, un logi­ciel pro­fes­sion­nel pour VJ (Video Jock­ey).

Actuelle­ment, j’u­tilise Res­ol­ume Are­na, un logi­ciel mag­nifique per­me­t­tant de mix­er en direct une dizaine de vidéos, ani­ma­tions, textes…

Res­ol­ume Are­na est un excel­lent logi­ciel pour VJ qui per­met de dif­fuser plusieurs vidéos, de les super­pos­er, de définir des trans­parences, des vitesses, des syn­chro­ni­sa­tions avec la musique, des ani­ma­tions, du texte (qui peut être ani­mé)… Son seul défaut est qu’il ne per­met pas de récupér­er le titre des morceaux joués automa­tique­ment, ce qui lim­ite aux choix déjà mis en place dans le logi­ciel, par exem­ple, le nom de l’orchestre et des vidéos et pho­tos de celui-ci que l’on peut associ­er à des ani­ma­tions et on peut mix­er le tout en direct.
Asso­cié à un con­trôleur Midi, c’est cepen­dant rel­a­tive­ment sim­ple à met­tre en œuvre, mais pas du tout automa­tique.

L’avenir espéré, futurs développements

Faire communiquer le Mac avec le PC pour récupérer l’affichage de Beam dans Resolume Arena

La musique étant sur un ordi­na­teur (Mac­Book) et la vidéo sur un autre (PC Win­dows), il se pose la ques­tion de la com­mu­ni­ca­tion entre les deux. Pour l’instant, je n’utilise que la syn­chro­ni­sa­tion de la musique afin que les ani­ma­tions, et notam­ment les let­tres des noms d’orchestres se dépla­cent en rythme avec la musique.
La prochaine étape est donc d’arriver à récupér­er l’image pro­duite par Beam sur le Mac pour l’afficher comme une vidéo dans un des canaux de Res­ol­ume Are­na. Ce n’est pas totale­ment gag­né, les deux sys­tèmes n’étant pas totale­ment com­pat­i­bles. J’envisage d’utiliser Syphon sur le Mac et SPOUT sur le PC, ou peut-être NDI, à moins que je reprenne ce que j’utilisais pen­dant la pandémie pour mes milon­gas virtuelles, OBS.
Mon idée est de récupér­er l’affichage ou a min­i­ma seule­ment le titre du morceau que je pour­rai incruster dans le mon­tage vidéo réal­isé en direct. Peut-être que je struc­tur­erai cela avec des cadres pour que l’information soit plus claire.

Et la gestion de la lumière ?

Quand on est DJ, il faut par­fois penser à aug­menter la lumi­nosité pen­dant les corti­nas pour que les danseurs puis­sent faire la mira­da plus facile­ment. Pour ma part, je suis plutôt par­ti­san d’une lumière con­tin­ue, comme on le fait à Buenos Aires, mais en Europe, cer­tains organ­isa­teurs esti­ment que l’on doit avoir une lumière atténuée pen­dant les tan­das. Il me faut donc leur don­ner sat­is­fac­tion, même si je suis sûr que c’est une très mau­vaise idée.
Ceux qui ont suivi mes milon­gas virtuelles durant la pandémie ont peut-être remar­qué que j’utilisais des sys­tèmes lumineux (lyres et lasers, par exem­ple). Ces matériels sont com­mandés en DMX, un pro­to­cole spé­cial­isé dans la ges­tion des effets lumineux. On peut donc imag­in­er que l’éclairage se règle en fonc­tion de la musique.
Beam et Res­ol­ume le per­me­t­tent. Il suf­fit d’associer un troisième ordi­na­teur pour gér­er la par­tie lumière, ce que je fai­sais pen­dant la pandémie, avec même un qua­trième pour la dif­fu­sion de la vidéo…
Tout cela fonc­tionne chez moi, mais, pour le faire en milon­ga, il faut trou­ver un sys­tème portable et avec un réseau fiable, ain­si qu’un équipement DMX. En résumé, il me faudrait ani­mer des milon­gas dans des boîtes de nuit qui dis­posent d’un équipement moins som­maire que les milon­gas habituelles.
En résumé, je vais sans doute me con­tenter d’utiliser Beam lorsque j’aurai des pos­si­bil­ités de pro­jec­tion et seule­ment dans les très gros événe­ments, je déploierai le sys­tème com­plet.

Pour écouter un peu de musique, retournez sur l’anec­dote “Entre dos fue­gos”.

À bien­tôt, les amis !

Gil a rayas 1953-08-10 — Orquesta Ángel D’Agostino

Juan Carlos Guyot Letra: Rafael Herraiz

Le 1er jan­vi­er 2018, à la milon­ga Dere­cho Viejo à Gri­cel (Buenos Aires), un danseur âgé est venu me deman­der de pass­er Gil a rayas. Cela cor­re­spondait à un sou­venir. Je lui ai demandé s’il avait une ver­sion de préférence, il me répon­dit que non. Comme je suis un DJ qui aime faire plaisir, j’ai cher­ché un moment favor­able. Ce n’était pas si évi­dent pour moi, car je ne passe pas de D’Agostino instru­men­tal. Je vous dirai la ver­sion choisie et expli­querai son inté­gra­tion dans la tan­da en fin d’article.

Un gil ?

Un gil est un idiot, quelqu’un facile à bern­er. Ici, il est à rayures. N’ayant pas le sup­port des paroles (prob­a­ble­ment per­dues), il est dif­fi­cile d’imaginer le sens de l’expression com­plète, l’idiot à rayures. Peut-être cela fait référence à son style ves­ti­men­taire, les rayures ajoutant, ou pas à son imbé­cil­lité. On notera qu’un Gil a cuadros, (Gil à car­reaux) est encore plus bête que le Gil sim­ple.

Gilles, Antoine Wat­teau 1719c.

Même si ce gil, Gilles, n’a pas de rayures, il représente assez bien l’idée du per­son­nage un peu niais ou pour le moins naïf.
En fait, ce tableau que l’on a longtemps appelé Gilles est désor­mais appelé Pier­rot, mais cela ne change pas l’histoire, Pier­rot étant le naïf de la Com­me­dia del­l’Arte. Le tableau ayant été recadré, il manque la par­tie gauche, la par­tie som­bre du tableau où se trou­ve l’homme sur l’âne (le doc­teur ignare) pou­vait révéler à l’origine d’autres per­son­nages inquié­tants…
L’homme en rouge est le Cap­i­taine, le mil­i­taire fan­faron. Les per­son­nages en cos­tume clairs sont « les amoureux ». Le buste sur la droite qui évoque le pro­fil du doc­teur, en symétrie, a un regard inquié­tant. Les dif­férents élé­ments sem­blent donc vouloir se jouer du can­dide Pier­rot, Gilles, gil. Je vous pro­pose d’écouter notre tan­go du jour en regar­dant ce tableau. Vous y décou­vrirez peut-être la même his­toire.

Extrait musical

Gil a rayas 1953-08-10 — Orques­ta Ángel D’Agosti­no.

Le titre a été enreg­istré (inscrit dans les reg­istres) à la SADAIC le 20 mai 1958 sous la référence #40535 | ISWC T0370436660. Les auteurs sont men­tion­nés pour cette seule œuvre et ils restent assez mys­térieux. D’où vien­nent ces giles ? Par­don, ces auteurs ? Je ne vous don­nerai pas la réponse, mais je suis intéressé si vous l’avez…

Autres versions

Tout d’abord, je tiens à saluer mes regret­tés amis Daniel Resk et Juan Lenci­na pour la con­fi­ance de m’avoir con­fié à de nom­breuses repris­es la musi­cal­i­sa­tion de la milon­ga Dere­cho Viejo.
Je reviens donc à ce 1er jan­vi­er 2018 dans le beau Salón Gri­cel (je crois qu’à cette époque c’était encore l’ancien décor). Un danseur est donc venu me deman­der Gil a rayas. Voici les 5 choix qui s’offraient à moi et pourquoi j’ai choisi la ver­sion que j’ai dif­fusée.

Gil a rayas 1922 — Enrique Delfi­no (solo de piano).

Je la men­tionne ici, car c’est un élé­ment his­torique, mais un enreg­istrement acous­tique ne se dif­fuse pas en milon­ga et de plus, c’est une ver­sion au piano. Cet enreg­istrement nous per­met toute­fois d’entendre Delfy dans une de ses nom­breuses facettes, celle du pianiste.

Gil a rayas 1927-10-28 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to.

Je ne l’ai pas envis­agé une sec­onde, il est très rare de pass­er la vieille garde à Buenos Aires. Ce n’est pas vilain, mais pas au goût des danseurs portègnes.
Il restait donc trois ver­sions, toutes par D’Agostino et toutes les trois instru­men­tales. S’il y a un nom d’auteur, Rafael Her­raiz, il n’y a apparem­ment pas de ver­sion chan­tée enreg­istrée.
Voici les trois ver­sions de D’Agostino :

Gil a rayas 1942-08-11 — Orques­ta Ángel D’Agosti­no.

Cette ver­sion est assez clas­sique et elle a l’avantage d’être au cœur de l’activité de D’Agostino et donc de pou­voir être incor­porée facile­ment dans une tan­da.

Gil a rayas 1953-08-10 — Orques­ta Ángel D’Agosti­no. C’est notre ver­sion du jour.

Elle présente l’intérêt d’être à peu près com­pat­i­ble avec Café Dominguez, le gros tube du D’Agostino tardif qui est aus­si instru­men­tal. Mais on se retrou­ve dans le même cas que pour Café Dominguez, dif­fi­cile de con­stituer une tan­da har­monieuse.

Gil a rayas 1962-05-06 — Orques­ta Ángel D’Agosti­no.

l’esprit pour être dif­fusée. Elle est trop plan-plan et inerte pour que j’envisage de la pro­pos­er.
Vous trou­verez sans doute une ver­sion datée de 1963-05-06, mais c’est la même que celle de 1962 (même matrice et même numéro de disque), c’est donc une coquille de l’éditeur.
Il restait donc deux titres pos­si­bles ; la ver­sion de 42 et celle de 53.

Que choisir ? Le dilemme du DJ

Le DJ est là pour faire plaisir aux danseurs. Il doit donc sans cesse estimer ce dont « ils ont besoin, envie ». Là, il y avait une com­mande. Comme D’Agostino est générale­ment plutôt calme, il peut bien con­venir après une tan­da de milon­ga. C’est l’option que j’ai choisie.
J’avoue avoir beau­coup hésité entre deux pos­si­bil­ités.

  1. Jouer le plus sûr avec la ver­sion de 1953, précédée ou suiv­ie de Café Dominguez et deux tan­gos chan­tés par Var­gas de la décen­nie antérieure. C’est un peu mon­strueux d’un point de vue de l’harmonie de la tan­da, mais sans trop de risque, car chaque titre indi­vidu­elle­ment sera accep­té par les danseurs.
  2. Met­tre la meilleure ver­sion pour la danse à Buenos Aires, celles de 1942 et la com­pléter par trois titres de la même époque.

C’est l’option 2 que j’ai choisie, car j’aime bien faire des tan­das har­monieuses. Ayant un doute sur l’accueil de Gil a rayas par les danseurs, j’avais prévu en cas de prob­lème trois titres avec Var­gas en con­tin­u­a­tion.
Cepen­dant, comme Gil a rayas a été bien accueil­li, j’ai con­tin­ué avec un autre instru­men­tal :

Gran muñe­ca 1943-12-05 — Orques­ta Ángel D’Agosti­no.

Gran muñe­ca 1943-12-05 — Orques­ta Ángel D’Agosti­no.

Là, il restait un choix à faire. Con­tin­uer en instru­men­tal, avec des titres peu con­nus ou bas­culer sur Var­gas.
Comme la piste était pleine, je suis resté sur de l’instrumental, non sans avoir le cœur bat­tant à 90…

De pura cepa 1943-12-05 — Orques­ta Ángel D’Agosti­no.

Au moins ce titre est en har­monie avec le précé­dent et a même été enreg­istré le même jour.
Là, il n’était plus vrai­ment ques­tion d’aller cas­er un Var­gas. La piste était pleine et les danseurs ne sem­blaient pas regarder dans ma direc­tion avec des poignards dans les yeux. J’ai donc mis un qua­trième instru­men­tal… La musique tran­quille sem­blait leur con­venir. D’ailleurs à Buenos Aires, il me sem­ble que la musique est plus calme qu’en Europe. Je pense qu’on y recherche plus la sub­til­ité que l’énergie.

De corte criol­lo 1945-05-21 — Orques­ta Ángel D’Agosti­no.

Pourquoi ce titre qui est un peu dif­férent des autres. Le piano y est assez présent, rap­pelez-vous, il dia­loguait beau­coup dans la ver­sion de Gil a rayas de 1942, le pre­mier titre de la tan­da. Cer­tains pas­sages sont un peu plus toniques, notam­ment ceux où le piano est au pre­mier plan, d’autres sont presque joueurs. Ce titre con­vient donc assez bien pour des cou­ples qui ont eu trois autres titres pour s’apprivoiser. De plus, il présente une vari­a­tion finale au ban­donéon qui per­met de ter­min­er la tan­da d’une façon rel­a­tive­ment tonique.
La tan­da étant une tan­da calme après les milon­gas, cette propo­si­tion pou­vait bien pass­er dans ce cadre et ce fut le cas. Peut-être qu’en Europe je ne l’aurai pas pro­posée, mais en Europe, per­son­ne ne m’aurait demandé Gil a rayas
Je crois que c’est la seule tan­da instru­men­tale de D’Agostino que j’ai passée dans ma car­rière alors que je passe qua­si sys­té­ma­tique­ment une tan­da chan­tée, notam­ment par Var­gas, ou au pire une tan­da mixte, notam­ment quand il y a Café Dominguez (qui est instru­men­tal) en début de tan­da et que je pour­su­is avec Var­gas.

Voilà, les amis, à demain !

Gil a rayas. Rowan Atkin­son (Mis­ter Bean) pour­rait jouer le rôle d’un gil, non ?

Temo 1940-05-10 — Orquesta Típica Victor con Mario Pomar (Mario Celestino Corrales)

Aguariguay (Mario Luis Rafaelli) Letra: Atilio Gálvez (Atilio Manuel Perasso)

Temo (j’ai peur), est une valse mer­veilleuse qui depuis une quin­zaine d’années fait par­tie des valses les plus passées en milon­ga. Lorsque les pre­mières notes reten­tis­sent, les danseurs se ruent sur la piste.

Une équipe de choc

Cer­tains danseurs pensent que l’orchestre Típi­ca Vic­tor est un orchestre comme un autre. Il s’agit en fait d’un orchestre des­tiné aux enreg­istrements. Il ne se pro­dui­sait pas sur scène.
Son autre par­tic­u­lar­ité est qu’il a changé de chef au cours du temps. Le pre­mier Cara­bel­li n’est plus dans l’orchestre au moment de l’enregistrement de Temo. C’est le ban­donéon­iste Fed­eri­co Scor­ti­cati qui dirige l’orchestre à ce moment. Cet excel­lent ban­donéon­iste, encore un enfant prodi­ge a joué pour les plus grands orchestres et mal­gré sa dis­cré­tion, la com­pag­nie Vic­tor lui con­fia la direc­tion de l’orchestre, de 1935 à 1941. Il était mod­este, mais excel­lent.
La Vic­tor savait choisir ses musi­ciens, voici la liste de ceux qui tra­vail­laient pour l’orchestre au moment de l’enregistrement de notre valse du jour :
Fed­eri­co Scor­ti­cati (direc­tion et ban­donéon) Eduar­do Del Piano (ban­donéon), Hora­cio Golli­no (ban­donéon), Domin­go Triguero (ban­donéon), Héc­tor Stam­poni (piano), Elvi­no Var­daro (vio­lon), Víc­tor Felice (vio­lon), Víc­tor Braña (vio­lon), Abra­ham Gosis (vio­lon), Emilio González (vio­lon), Hum­ber­to Di Tata (con­tre­basse) et au chant, Mario Pomar. Que l’on sem­ble plus désor­mais appel­er par son nom réel, Cor­rales, je ne con­nais pas la rai­son de cette mode.

Extrait musical

Temo 1940-05-10 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor con Mario Pomar. Je vous laisse écouter cette mer­veille. On en repar­lera plus bas…

Paroles

Porque tus ojos me huyen
Aca­so no me amas ya…
Dime que lo haces tan sólo
Por ver si te quiero más…
Dilo, no ves que mi alma
Espera escuchar tu voz…
Entre can­ciones de besos
Me dices: “Te quiero, mi vida…”

Temo que ya no me quieras
Que ya no me quieras más…
Y es cru­el tor­tu­ra el pen­sar
Que no me amas, que a otro amás…
Dime que es fiel tu car­iño
Dime que es mío, muy mío,
Que sólo me huyen tus ojos
Por verme sufrir.

Aguar­iguay (Mario Luis Rafael­li) Letra: Atilio Gálvez (Atilio Manuel Peras­so)

Traduction libre

Pourquoi tes yeux me fuient-ils ? Peut-être que tu ne m’aimes plus ?
Dis-moi que tu le fais juste pour voir si je t’aime encore plus…
Dis-le, ne vois-tu pas que mon âme attend d’entendre ta voix, entre deux chan­sons de bais­ers me dire : « Je t’aime, ma vie… »
 J’ai peur que tu ne m’aimes pas, que désor­mais tu ne m’aimes plus et c’est une cru­elle tor­ture de penser que tu ne m’aimes pas, que tu aimes un autre…
Dites-moi que ton affec­tion est fidèle, dis-moi que tu es mienne, bien mienne, que tes yeux se détour­nent seule­ment, car ils me voient souf­frir.

Autres versions

Le suc­cès de cette valse est lié unique­ment à la ver­sion de la Típi­ca Vic­tor. Donc, pas vrai­ment d’autres ver­sions à vous pro­pos­er. Sig­nalons toute­fois que l’orchestre Hypéri­on l’a à son réper­toire et la joue régulière­ment. Mal­heureuse­ment les ver­sions dis­ques ne sont pas géniales et il vaut mieux écouter l’orchestre en direct.
Je vous pro­pose donc un autre exer­ci­ce, une tan­da de valse de la Típi­ca Vic­tor

Une tanda de valses

Faire une tan­da de la Típi­ca Vic­tor n’est pas si facile. Il y a pour­tant près de 50 valses par cet orchestre, mais comme nous l’avons vu, cet orchestre a des styles très dif­férents selon les épo­ques et les directeurs qui se sont suc­cédé.
Le but de la Vic­tor était d’enregistrer les gros suc­cès de l’époque, pas de faire des tan­das homogènes. N’oublions pas qu’il ne s’agit pas d’un orchestre de bal, seule­ment d’un orchestre de dis­ques.

Construction d’une tanda avec Mario Pomar au chant

En général, on s’arrange pour plac­er dans une tan­da des titres du même orchestre. S’il y a un chanteur, on reste sou­vent avec le même chanteur, dans la même péri­ode et le même style.
Avec la Vic­tor, autour de la valse Temo, si on suit ce principe, on n’a que trois autres valses à pro­pos­er. Les voici par ordre chronologique avec Temo pour ter­min­er :

Vuelve otra vez 1939-05-08 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor con Mario Pomar.

Ce titre démarre d’une façon assez rapi­de. Il a con­tre lui de ne pas être beau­coup joué. Pour un pre­mier titre, il y a donc le risque que ça ne se lève pas assez vite. Il a un autre point faible, lorsque Pomar com­mence à chanter, le rythme a un peu ralen­ti. L’ingénieur du son a de plus net­te­ment bais­sé le vol­ume de l’orchestre pour favoris­er la voix, ce qui peut faire per­dre le pas aux danseurs. N’oublions pas le con­seil de Adol­fo Pugliese, à son fils, Osval­do : « regarde les pieds des danseurs. S’ils per­dent la musique, c’est de ta faute ». Sur une tan­da de trois, je ne met­trais pas ce titre.

Noche de estrel­las 1939-10-04 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor con Mario Pomar.

En revanche Noche de estrel­las est suff­isam­ment con­nu pour faire un pre­mier titre et même s’il n’est pas plus rapi­de que la précé­dente, ses jeux de vio­lons et ban­donéons la rende moins monot­o­ne. Pomar chante égale­ment de façon plus tonique. Sur une tan­da de trois, c’est un excel­lent pre­mier titre.

Ani­ta 1939-12-12 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor con Mario Pomar.

Ani­ta a un rythme plus rapi­de. Elle est entraî­nante. Le style est cepen­dant dif­férent des deux pre­mières valses. Pour ma part, cela me gêne. En revanche, la fin est entraî­nante. Le change­ment de tonal­ité vers un son plus aigu donne l’impression d’accélération. La fin est donc très sat­is­faisante pour les danseurs.

Temo 1940-05-10 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor con Mario Pomar.

On arrive à notre valse du jour, la vedette des enreg­istrements avec Pomar. Aucun prob­lème pour ter­min­er la tan­da, avec cette valse, car le titre est con­sen­suel. Cepen­dant, si on a passé avant Ani­ta, on peut trou­ver que la fin manque d’élan
Dans ce cas on pour­rait imag­in­er de pass­er Ani­ta en dernier. Mais c’est un peu comme ter­min­er un repas en reprenant du fro­mage après le dessert. C’est là que l’observation des danseurs est très impor­tante. En effet, selon le moment de la milon­ga, selon ce qu’on va met­tre ensuite, on ne fera pas le même choix. Il est sûr que les deux pre­miers titres iront au début d’une tan­da de qua­tre et que les deux derniers iront à la fin d’une tan­da de qua­tre. Si on fait une tan­da de trois, ce qui com­mence à devenir courant, notam­ment pour les valses, même à Buenos Aires. On pour­rait donc avoir :

Noche de Estrel­las — Ani­ta — Temo ou Noche de Estrel­las — Temo — Ani­ta.

Je pencherai plutôt pour la sec­onde solu­tion, car la petite décep­tion d’avoir Ani­ta après Temo sera absorbée par la fin plus tonique, mais c’est le type de cas où je prends la déci­sion dans les 20 sec­on­des qui précè­dent l’avant-dernier titre…

Exploration d’autres tandas à partir de Temo

Il y a d’autres pos­si­bil­ités que de se can­ton­ner aux qua­tre valses de Pomar.

Prendre une ou des valses de la Típica Victor, instrumentales ou par un autre chanteur.

C’est sou­vent ce qu’on fait quand on veut faire une tan­da des grands hits. Dans ce cas, on va plac­er les valses les plus fameuses de cet orchestre, comme Sin rum­bo fijo (chan­tée par Ángel Var­gas).

Sin rum­bo fijo 1938-04-18 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor con Ángel Var­gas.

La voix est moyen­nement com­pat­i­ble, mais la musique, si, et après tout, le chanteur ne chante qu’une toute petite par­tie, ce qui fait que les danseurs auront oublié la dif­férence de voix.
Atten­tion, cer­tains chanteurs ne vont pas du tout ensem­ble. Par exem­ple, Car­los Lafuente qui chante un mois avant Pomar la valse Ínti­ma risque d’être très gênant.

Ínti­ma 1940-04-11 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor con Car­los Lafuente.

Toute­fois, on peut faire pire en prenant une valse d’un car­ac­tère totale­ment dif­férent, ici, tou­jours par Lafuente, Lamen­tos de mujer :

Lamen­tos de mujer 1933-05-24 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor con Car­los Lafuente.

Dans ce cas extrême, les deux valses par Lafuente ne vont même pas ensem­ble. On notera que l’introduction très longue (40 sec­on­des) devra être coupée pour un pas­sage en cours de tan­da afin d’éviter que les danseurs, même les plus bavards, s’ennuient.
Si on ne veut pas pren­dre de risque de mélanger des voix incom­pat­i­bles, on peut mix­er avec de l’instrumental, par exem­ple en choi­sis­sant la valse Novia mía :

Novia mía 1938-01-07 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor.

Pren­dre des titres célèbres pour faire une super tan­da est une excel­lente solu­tion. Son seul incon­vénient pour des milon­gas de très longue durée (8 heures ou plus comme j’en fais sou­vent), c’est que l’on grille toutes ses car­touch­es dans une tan­da. Si on veut faire une autre tan­da sem­blable quelques heures plus tard, on a moins de choix de morceaux phares. C’est aus­si le même prob­lème dans les événe­ments où se suc­cè­dent plusieurs DJ qui ne s’écoutent pas (ou qui tra­vail­lent avec des playlists immuables), on peut avoir deux fois de suite les mêmes morceaux. À Buenos Aires où les milon­gas durent sou­vent longtemps, il arrive qu’il y ait deux DJ. Lors de la pas­sa­tion de « pou­voir », on indique au col­lègue ce qu’on a passé pour qu’il évite les répéti­tions. Cela lui per­met aus­si de bouch­er les éventuels trous, les orchestres qui ne sont pas passés, par exem­ple. Pour ma part quand je passe après d’autres DJ, j’évite les répéti­tions et si j’anime tout un week-end (5 ou 6 milon­gas), je garde des tanga­zos (tan­gos très appré­ciés) pour chaque orchestre afin de pou­voir pro­pos­er une var­iété, sans épuis­er les titres incon­tourn­ables trop rapi­de­ment.

Prendre un titre par un autre orchestre

Pour les enreg­istrements anciens de la Típi­ca Vic­tor, avec Cara­bel­li, il est assez logique de mari­er les tan­das avec des titres de Cara­bel­li dirigeant son orchestre per­son­nel. Dans le cas de Scor­ti­cati, c’est impos­si­ble, il n’a pas enreg­istré avec ses pro­pres orchestres qui étaient par ailleurs tem­po­raires et plus de cir­con­stance que la volon­té de ce ban­donéon­iste d’avoir son orchestre. Cela se fait très peu en tan­go. En revanche, cela se pra­tique assez sou­vent en milon­ga et en valse. Cela peut être une bonne solu­tion. Encore faut-il que le DJ le fasse avec goût. Rien de plus frus­trant pour un danseur de s’élancer sur la piste avec un thème qui lui plaît et de se retrou­ver ensuite avec un titre qui ne l’inspire pas.
Voici une sug­ges­tion, un peu lim­ite, mais qui peut pass­er avec Temo, du moins à mon avis.

Con tus besos 1938-04-02 — Orques­ta Edgar­do Dona­to con Hora­cio Lagos.

Con tus besos pour­rait faire un bon début de tan­da.

Pourquoi tu as peur, mon gars ?

De floreo 1950-03-29 — Orquesta Osvaldo Pugliese

Julio Carrasco

De flo­reo de Julio Car­ras­co est l’élément cen­tral d’une trilo­gie de trois tan­gos. Flor de tan­go (1945), De flo­reo (1950) et Mi lamen­to (1954). De flo­reo peut avoir dif­férentes sig­ni­fi­ca­tions allant d’un bavardage inutile ou léger, par exem­ple, un piropo (com­pli­ment à une femme que l’on cherche à con­quérir) à une danse par­faite­ment maîtrisée. Pour ma part, j’ai choisi une autre accep­tion, celle du musi­cien épanoui qui domine son instru­ment. Il n’est qu’à écouter le solo de vio­lon de Enrique Cam­er­a­no pour se con­forter dans cette idée.

Extrait musical

De flo­reo. Par­ti­tion, Disque Odeon 30610B (matrice 17601), pochette et disque vinyle 4334 de EMI. De flo­reo est le six­ième et dernier titre de la face A, mais aus­si le nom de l’album, ce qui témoigne de son suc­cès.
De flo­reo 1950-03-29 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Les ban­donéons lan­cent un rythme très mar­qué, lié par quelques glis­san­dos des vio­lons. Puis à 0:35 les vio­lons pren­nent le dessus dans le stac­ca­to avec de légers motifs de piano de Pugliese.
Comme il est habituel à cette époque pour Pugliese, l’œuvre est con­stru­ite par des touch­es suc­ces­sives en lega­to et stac­ca­to. Cette organ­i­sa­tion sem­ble indi­quer aux danseurs quoi faire. Encore faut-il que les danseurs soient atten­tifs aux change­ments d’expression, car une écoute trop légère ferait man­quer les tran­si­tions et danser à con­tre­courant. C’est ce qui peut ren­dre cer­tains titres de Pugliese si pas­sion­nants, mais par­fois dif­fi­ciles à danser. Con­traire­ment à ce qui est générale­ment exprimé, je ne pense pas que Pugliese soit à réserv­er aux excel­lents danseurs.
Cer­tains y voient une musique roman­tique et tran­quille, à danser avec une per­son­ne de cœur. D’autres se déchaî­nent dans des envolées incom­préhen­si­bles, pen­sant révo­lu­tion­ner l’art de la danse et laiss­er un pub­lic ébloui à la lim­ite de l’évanouissement devant tant de génie.
Entre ces deux extrêmes, il y a les danseurs qui écoutent la musique et qui savent adapter leur danse aux évo­lu­tions de la musique, tout en respec­tant les autres danseurs.
Il n’y a donc pas besoin d’être un excel­lent danseur, seule­ment un excel­lent audi­teur.
Bien sûr, ceux qui peu­vent être les deux exis­tent, mais dans un beau bal, avec des danseurs qui dansent en musique, il y a une vibra­tion par­ti­c­ulière sur la piste durant les tan­das de Pugliese.
À 1:40 com­mence le pas­sage que l’on ne peut pas louper et danser mal, le sub­lime solo de vio­lon de Enrique Cam­er­a­no qui se dilue ensuite dans les accords nerveux des ban­donéons, puis des autres instru­ments.
Le thème du solo de vio­lon ressur­git ensuite jusqu’au final et l’interprétation se ter­mine par les deux accords tra­di­tion­nels chez beau­coup d’orchestres, dont celui de Pugliese.

Détail du revers de la pochette du disque 33 tours De flo­reo édité par EMI sous le numéro 4334.

Autres versions

De flo­reo 1950-03-29 — Orques­ta Osval­do Pugliese. C’est notre tan­go du jour.
De flo­reo 2004 — Col­or Tan­go de Rober­to Álvarez.

On retrou­vera bien sûr des accents de Pugliese dans cette ver­sion de Col­or Tan­go. Son créa­teur, Rober­to Álvarez, était l’un des arrangeurs de Pugliese (même si dans son orchestre, la plu­part des musi­ciens étaient aus­si arrangeurs). J’en prof­ite pour rap­pel­er qu’il y a eu deux et même trois orchestres Col­or Tan­go, tous héri­tiers de Pugliese. L’orchestre orig­inel “Col­or Tan­go” créé par Rober­to Álvarez (ban­donéon­iste de Pugliese), Amíl­car Tolosa (vio­loniste de Pugliese) et Fer­nan­do Rodríguez (con­tre­bassiste de Pugliese).
À la suite d’un désac­cord, l’orchestre se scin­da en deux par­ties égales et Rober­to Álvarez et Amíl­car Tolosa dirigèrent cha­cun un orchestre “Col­or Tan­go”. Comme les deux orchestres avaient les mêmes droits à porter ce nom, ce fut un peu com­pliqué, mais un accord a été trou­vé et les deux orchestres ont coex­isté avec le nom de leur directeur accolé. Col­or Tan­go de Rober­to Álvarez et Col­or Tan­go de Amíl­car Tolosa.
À ce sujet, une petite remar­que. Les orchestres ne restent pas tous immuables et au fil du temps, des musi­ciens sont rem­placés. Aujourd’hui, la sit­u­a­tion est encore plus mar­quée. Les orchestres voy­ageant à tra­vers le monde, ils ont sou­vent recours à des musi­ciens dif­férents suiv­ant les lieux de la tournée ou suiv­ant les engage­ments déjà pris avec un autre orchestre par un instru­men­tiste. La sépa­ra­tion de l’orchestre avec le même nom n’est donc pas si sur­prenante, mais c’est bien que le nom les dif­féren­cie, même si la plu­part des édi­tions restent vagues sur le sujet. Un Col­or Tan­go peut en cacher un autre.

Voici une ver­sion en vidéo par Mar­tin Klett & Ensem­ble.

De flo­reo 2019c — Mar­tin Klett & Ensem­ble

La trilogie de Julio Carrasco

Comme indiqué ci-dessus, De flo­reo fait par­tie d’une trilo­gie com­posée par Julio Car­ras­co.
Voici les trois titres à l’écoute. Je pense qu’il est intéres­sant de not­er l’évolution et les simil­i­tudes sur la décen­nie de cette trilo­gie.

Flor de tan­go 1945-08-28 — Orques­ta Osval­do Pugliese

La musique est sans doute un peu trop déstruc­turée pour les danseurs d’aujourd’hui. L’alternance des légatos et stac­catos, par exem­ple, peut sur­pren­dre. On est dans l’héritage de De Caro, cet orchestre qu’admirait Pugliese. Cela rend donc l’œuvre plus dif­fi­cile à danser pour les danseurs con­tem­po­rains qui sont moins habitués à l’improvisation, car dansant sur des enreg­istrements con­nus par cœur.
À l’âge d’or, les danseurs décou­vraient « en direct » les nou­veautés et ils devaient donc être plus atten­tifs à la musique.
En résumé, je ne passerai ce titre en milon­ga qu’avec des danseurs bien famil­iarisés avec cette façon de danser, d’autant plus que le mode mineur adop­té peut don­ner une pincée de tristesse qui pour­rait s’ajouter aux hési­ta­tions provo­quées par les sur­pris­es (richess­es) de la musique et faire que le moment ne soit pas aus­si agréable que pos­si­ble.
On notera toute­fois la beauté de la musique avec le beau solo de vio­lon à 1:30 et la vari­a­tion vir­tu­ose des ban­donéons en final.

Vous trou­verez dans l’ar­ti­cle sur Flor de tan­go, quelques élé­ments sur l’au­teur de la trilo­gie, Julio Car­ras­co.

De flo­reo 1950-03-29 — Orques­ta Osval­do Pugliese. C’est notre tan­go du jour.

Pour rester dans la dans­abil­ité. On remar­quera que la présence d’un rythme bien mar­qué au début inspire la con­fi­ance des danseurs. Les phras­es musi­cales sont plus claires et les tran­si­tions de danse plus faciles à prévoir. Cer­tains motifs peu­vent sus­citer de belles impro­vi­sa­tions ou a min­i­ma des fior­i­t­ures élé­gantes, per­me­t­tant ain­si de danser de flo­reo…
Et le solo de vio­lon devrait faire fon­dre les danseurs à coup sûr et donc par­ticiper au suc­cès de la danse.

Mi lamen­to 1954-03-17 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Mi lamen­to démarre avec une ryth­mique appuyée qui sécurise les danseurs, mais, par la suite, on retrou­ve des élé­ments d’insécurité, comme avec Flor de tan­go dont il partage la tonal­ité de Fa # mineur. Cer­tains pas­sages comme à 1:35, sans doute un peu trop calmes, peu­vent enlever un peu d’énergie aux danseurs. Cela n’empêche pas de le pass­er, mais il con­vient de bien juger de l’atmosphère du bal pour le pass­er à bon escient en étant prêt à relancer la machine si l’on sent que les danseurs ne suiv­ent pas cette propo­si­tion.

Comme dans les deux œuvres précé­dentes, on retrou­ve le solo de vio­lon à 1:50. Après tout Julio Car­ras­co est vio­loniste et il est donc logique qu’il mette en valeur son instru­ment. Là encore, c’est Enrique Cam­er­a­no qui inter­prète en sa qual­ité de pre­mier vio­lon le solo qui sera évo­qué jusqu’à la fin, comme pour De flo­reo et con­traire­ment à Flor de tan­go, où il est effacé par les ban­donéons à la fin.
La répu­ta­tion de Julio Car­ras­co aurait pu lui ouvrir la car­rière de pre­mier vio­lon dans l’orchestre de Pugliese, mais celui-ci a décliné l’invitation lors du départ de l’orchestre de Enrique Cam­er­a­no.
Cette évo­lu­tion va donc d’une musique très decaréenne (de De Caro) a une musique au rythme plus appuyé, plus facile à danser. Les solos de vio­lons sont tous les trois intéres­sants, mais celui de De flo­reo a sans doute ma préférence et comme il est sur le titre le plus dans­able des trois, je passerai De flo­reo en pri­or­ité.

Et s’il fallait faire une tanda avec De floreo

Je pro­pose cet exer­ci­ce qui con­siste à faire une tan­da de Pugliese un peu moins con­sen­suelle. Dans une milon­ga courte, je ne m’y ris­querai sans doute pas et je resterai avec la ving­taine de titres validés par les danseurs. Mais admet­tons que je sois en présence de danseurs curieux, n’ayant pas peur de se met­tre en « dan­ger ».
Dans cette tan­da, je ne passerai prob­a­ble­ment pas deux des titres de la trilo­gie, sauf si je vois que l’accueil est très bon et seule­ment pour des tan­das de qua­tre titres et pas de trois comme cela se fait de plus en plus (dif­fi­cile de pass­er un de ces titres en pre­mier et en dernier, il en faut donc a min­i­ma un avant et un après).
Pour don­ner un peu de var­iété à la tan­da en gar­dant un esprit un peu decaréen, je pour­rais pro­pos­er.

1) Boe­do 1948-07-14 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Une com­po­si­tion de De Caro, assez con­nue et qui peut donc ras­sur­er en pre­mier thème.

2) De flo­reo en deux­ième, car pas suff­isam­ment con­nu pour bien faire lever les danseurs. Ce titre servi­ra d’aiguillage. Si je vois qu’il est par­faite­ment adop­té, je pour­rai envis­ager de pass­er Mi lamen­to en 3e titre. Si je sens que c’est pass­able, sans plus, je reviendrais à un peu plus facile avec, par exem­ple :

3) Bien milon­ga 1951-07-31 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Pas trop dif­fi­cile à danser et avec un beau solo de vio­lon pour rester dans l’esprit de De flo­reo.

4) La cachi­la 1952-11-24 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Avec des pas­sages très “yum­ba”. Ce titre très con­nu, plus facile à danser, pour­rait ter­min­er la tan­da.

Si je vois qu’il faut rac­crocher les wag­ons, je pour­rais pass­er à Canaro à Paris en troisième titre de la tan­da, qui est plus ras­sur­ant pour les danseurs et qui com­porte de mag­nifiques solos de ban­donéon et de vio­lon­celle.

3) alter­na­tive selon la récep­tion de De flo­reo. Canaro en París 1949-11-28 — Orques­ta Osval­do Pugliese

Le 4e titre pour­ra être un titre « phare de Pugliese », même si cela nuit un peu à l’harmonie de la tan­da. Sinon, La Cachi­la pour­ra faire l’affaire.

Si je vois que Boe­do ne passe pas très bien (tous les danseurs ne sont pas sur la piste), j’activerai l’aiguillage plus tôt et je bas­culerai vers les grands stan­dards, en ne pas­sant donc pas De flo­reo et autres.
Pass­er une tan­da de Pugliese avec des titres peu con­nus donne des sueurs froides au DJ. Pour cette rai­son, il est indis­pens­able, lorsque l’on ne con­naît pas le pub­lic, d’être prêt à tout chang­er à la volée et c’est un bon exem­ple de l’impossibilité de faire des playlists à l’avance, sauf si on est DJ rési­dent et que l’on passe la musique toutes les semaines dans le même lieu, car, dans ce cas, on apprivoise les danseurs en for­mant leur goût. C’est d’ailleurs une respon­s­abil­ité du DJ rési­dent, car à rou­tin­er les danseurs sur un style de musique, on risque de les éloign­er de la com­mu­nauté tanguera. Par exem­ple, dans cer­taines milon­gas, le DJ rési­dent met beau­coup de tan­go alter­natif ou des titres peu typ­iques. Les danseurs s’y habituent et ont ensuite du mal à aller dans des milon­gas « nor­males ». Ouvrir les oreilles et les hori­zons, c’est bien, mais il ne faut pas oubli­er le cœur du tan­go.
À bien­tôt les amis !

De flo­reo 1950-03-29 — Orques­ta Osval­do Pugliese – L’écoute des tour­bil­lons de musique qui entrent dans les oreilles.

Questionnaire DJ -— Est-ce que c’était bien ?

Est-ce que c’était bien ? Questionnaire DJ

(Tra­duc­tion de la page https://mshedgehog.blogspot.com/2012/08/was-that-good-dj-questionnaire.html) réal­isée par une danseuse de Lon­dres et pub­liée le same­di 4 août 2012…

Être un bon DJ est une énorme quan­tité de tra­vail. Pos­séder beau­coup de musique n’est pas suff­isant. Cela néces­site égale­ment des con­nais­sances, du goût et une pré­pa­ra­tion extrême­ment longue. Ça ne m’intéresse pas de le faire, parce que c’est beau­coup trop de tra­vail, et je préfère danser (l’article est écrit par une danseuse lon­doni­enne (NDT BYC). Il n’est bien fait que par des gens qui aiment vrai­ment le faire pour eux-mêmes, et qui aiment vrai­ment faire le tra­vail qui est req­uis.

Les danseurs mal infor­més et sans attentes créent un mau­vais DJing et l’aident à per­sis­ter, et un mau­vais DJing lim­ite la qual­ité glob­ale de la danse en ren­dant la danse sociale beau­coup plus dif­fi­cile qu’elle ne devrait l’être.

J’aimerais que les DJ soient plus appré­ciés. Cette check-list a pour but d’aider le danseur, en par­ti­c­uli­er le débu­tant, à réfléchir au DJing. Il ne sup­pose pas plus de con­nais­sances musi­cales que la capac­ité de faire la dif­férence entre le tan­go, la milon­ga et la valse, mais il repose en par­tie sur le fait que la musique de tan­go a un sens pour vous et vous donne envie de bouger. Cer­taines sont très sub­jec­tives, mais d’autres ne le sont pas. Prof­itez des morceaux de grâce habituels.

Com­mencez à 0. Ajoutez ou déduisez des points comme indiqué pour com­par­er les DJ. Vous pou­vez choisir plus d’une réponse pour cer­taines ques­tions. Si vous vouliez le per­son­nalis­er en fonc­tion de vos pri­or­ités, vous pou­vez évidem­ment mod­i­fi­er les scores. J’ai ten­dance à pénalis­er les mau­vais­es per­for­mances sur les choses les plus mécaniques et les plus mesurables, parce qu’il n’y a aucune bonne rai­son de se tromper.

Bases musi­cales
Est-ce que cer­taines musiques ne con­ve­naient pas à la danse du tan­go en société ? Par exem­ple :

  • Elle vous demande de rester immo­bile et de pos­er, comme un pavé, plutôt que de danser
  • Il est impos­si­ble de s’y adapter à moins de con­naître l’en­reg­istrement par­ti­c­uli­er par cœur
  • Elle sug­gère forte­ment de grands mou­ve­ments dra­ma­tiques rapi­des et des change­ments soudains de vitesse qui sont grossiers et peu pra­tiques pour la danse sociale dans l’e­space disponible
  • C’est de la bonne musique de danse, mais elle fait ressor­tir le pire des danseurs qui sont là.

En cas de doute, regardez la salle dans son ensem­ble : les indices sont que la ligne de danse cesse de se dérouler et som­bre dans le chaos, il y a beau­coup de chutes, et la plu­part des danseurs vrai­ment bons s’as­soient, se cachent ou vont fumer à moins que quelqu’un ne les attrape. Si c’est ce à quoi ressem­ble nor­male­ment votre milon­ga, ajustez votre juge­ment en con­séquence. [Édit. : Ce que vous cherchez, c’est si le DJ, ou une tan­da indi­vidu­elle font la dif­férence].

  1. Aucun de ces prob­lèmes ne s’est pro­duit (+10)
  2. Un ou deux moments dou­teux (-5)
  3. Plusieurs sec­tions dou­teuses (-7)
  4. Tan­da après tan­da, je m’en­nuyais, j’ai reçu des coups, ou les deux (-10)

Avez-vous déjà été sur­pris par une pièce qui ne cor­re­spondait pas à cette tan­da et qui vous a causé des dif­fi­cultés, de l’embarras ou de la décep­tion à vous ou à votre parte­naire ? Par exem­ple :

  • Un change­ment d’humeur ou de style choquant au milieu de la tan­da, de sorte que vous avez sen­ti que vous deviez déviss­er votre tête et la reviss­er
  • Une ouver­ture trompeuse qui sig­nifi­ait que vous passiez à côté d’une tan­da que vous auriez autrement aimée
  • Une pièce faible ou déce­vante au milieu, ou à finir
  • Change­ments de vitesse exces­sive­ment brusques
  • Une tan­da mélangée de musique que vous auriez préféré danser avec deux per­son­nes dif­férentes — ou une par­tie pas du tout.
  1. Aucun de ces prob­lèmes ne s’est pro­duit (+10)
  2. Une ou deux fois, peut-être une ques­tion d’opin­ion (-3)
  3. Plus, peut-être une ques­tion d’opin­ion (-5)
  4. Une ou deux fois, sans aucun doute ! (-7)
  5. Plus que cela (-10)
  6. Tout le temps de retourne­ment ! (-15)

Dans l’ensem­ble, sans se souci­er de pistes spé­ci­fiques, quelle était la qual­ité du son ?

  1. Bon — j’ai pu sen­tir la musique et vrai­ment m’y plonger (+7)
  2. OK — Je l’en­tendais de partout (+5)
  3. Médiocre — je ne pou­vais pas l’en­ten­dre assez claire­ment pour entr­er dedans cor­recte­ment — étouf­fé / pas de détail / pas de pro­fondeur / trop silen­cieux / fort, mais boueux / défor­mé / trop fort parce que DJ est sourd (-5)
  4. Ne s’ap­plique pas, l’équipement de ce lieu est médiocre, donc je ne peux pas le dire (0)

Y a‑t-il eu de mau­vais choix de pistes spé­ci­fiques, comme quelque chose de beau­coup trop rapi­de, beau­coup trop lent, ou avec une qual­ité sonore inac­cept­able ?

  1. Non (+5)
  2. Un ou deux, incer­tains (0)
  3. Plus que cela (-5)

Les corti­nas vous ont-elles ren­du heureux ?

  1. Oui (+5)
  2. Elles ont ren­du les gens heureux, mais pas moi en par­ti­c­uli­er (+3)
  3. Non, elles étaient générale­ment ennuyeuses (-3)
  4. Elles n’ont pas fait le tra­vail, je n’ai pas tou­jours pu dire ce qui était une corti­na ou s’il y en a eu (-5)
  5. Ne s’ap­plique pas — cette milon­ga a une poli­tique de non-corti­nas (0)

Il y avait-il suff­isam­ment de tan­das de vals (V) et milon­ga (M) par rap­port au tan­go (T), et elles étaient-ils jouées de manière régulière pour que vous sachiez où vous étiez ?

  1. À peu près à droite — quelque part dans la gamme TTVTTM ou TTTTVTTTTM, tout ce qui avait du sens compte tenu de la longueur de cette milon­ga (+5)
  2. Pas assez — TTTTTTTTTTM ou quelque chose comme ça (-5)
  3. Trop — TVTMTVTMTVTM DJ WTF ? (-7)
  4. Telle­ment chao­tique que je ne pou­vais pas dire — TT VV TTTTVTTTTTMTMV, ou quelque chose comme ça. (-10)
  5. « Tan­da » n’est pas le bon mot. (-15).

Les corti­nas étaient-elles assez longues pour que vous puissiez dégager la piste et trou­ver votre prochain parte­naire sans obstruer la vue de quelqu’un d’autre, compte tenu de la taille de la pièce, et en sup­posant qu’il y ait un endroit pour s’asseoir ?

  1. Oui (+3)
  2. Non (-3)

Le DJ a‑t-il dif­fusé gra­cieuse­ment à la fin avec de la musique qui n’est pas du tan­go pour que les gens se cal­ment et s’é­clair­cis­sent, en sup­posant que cela soit pos­si­ble ?

  1. Oui (+4)
  2. Non, il a util­isé le temps prévu et s’est arrêté là (0)

Pro­fes­sion­nal­isme

La musique a‑t-elle retenu toute l’at­ten­tion du DJ ?

  1. Oui, tout ou presque tout le temps (+5)
  2. Oui, autant que néces­saire dans la sit­u­a­tion (+3)
  3. Moins que cela (-3)
  4. Non, il est sor­ti fumer et la musique s’est arrêtée (-10)
  5. Non, il a mis une playlist/CD et s’est fâché avec les danseurs (-20)

S’il y avait des prob­lèmes avec l’équipement, le DJ les a‑t-il traités calme­ment et avec com­pé­tence ?

  1. Oui, excep­tion­nel — par exem­ple, il est ren­tré chez lui et a acheté un meilleur équipement. Il a trou­vé un autre ordi­na­teur (+7)
  2. Sat­is­fait aux attentes — con­tourne­ment du prob­lème et cor­rec­tion (+5)
  3. Un drame ! Mais il s’en est sor­ti (+3)
  4. Non (-5)
  5. Sans objet (0)

Le DJ a‑t-il eu de la dif­fi­culté à utilis­er l’équipement de sonori­sa­tion ?

  1. Non (+2)
  2. Il y a eu quelques con­ner­ies faites (-2)
  3. Il y a eu quelques prob­lèmes, mais com­préhen­si­bles dans les cir­con­stances (0)
  4. Le DJ n’é­tait claire­ment pas pré­paré (-7)

Le DJ a‑t-il sem­blé à un moment don­né oubli­er pourquoi il/elle était là ? A‑t-il, par exem­ple, suivi une per­for­mance de vingt min­utes, dans une milon­ga de trois heures, avec une piste de jive de cinq min­utes pour qu’un seul cou­ple puisse danser dans une per­for­mance bonus non offi­cielle, pen­dant que tous les autres attendaient comme des cit­rons, comme s’ils attendaient les pho­tos d’un mariage qui se retourne, et dans la posi­tion incon­fort­able de devoir pré­ten­dre qu’ils n’é­taient pas du tout ennuyés et qu’ils n’avaient rien de mieux à faire que de regarder cette van­ité ?

  1. Non (0)
  2. Oui (-5)
  3. Oui, et ce cou­ple se com­pre­nait lui-même ou son conjoint/partenaire et/ou au moins un mem­bre du cou­ple qui venait de se pro­duire (-10)
  4. Oui, mais, j’é­tais d’ac­cord avec ça dans les cir­con­stances (0)

S’il y avait un inter­mède de danse tra­di­tion­nelle, comme la chacar­era, ou une autre danse comme le jive ou la sal­sa, était-il bien pro­gram­mé, pas trop long et agréable pour un nom­bre raisonnable de per­son­nes présentes ?

  1. Oui, c’é­tait amu­sant, ça m’a plu / ça ne m’a pas dérangé de regarder (0)
  2. Non, c’é­tait un bor­del fas­ti­dieux, per­son­ne ne pou­vait danser dessus, ou ça pre­nait la dernière heure avant le dernier métro ! (-5)
  3. C’é­tait ennuyeux, mais c’é­tait exigé par les pro­fesseurs invités ou le lieu (0)

Ques­tions

La musique était-elle :

  1. Pré­ten­tieuse­ment salé avec l’in­dans­able, l’ob­scur ou l’i­nap­pro­prié (-10)
  2. Dis­posés de manière irréfléchie au fil du temps, avec de bonnes choses gâchées par le fait d’être trop proches les unes des autres (-5)
  3. D’ac­cord, mais à un rythme, trop d’un genre de chose (+5)
  4. Bon, mais avec un style de DJ qui n’est tout sim­ple­ment pas à mon goût (+10)
  5. Con­ven­able­ment var­iée, avec un bon mélange entre ryth­mique et lyrique et dra­ma­tique, compte tenu de la sit­u­a­tion (+15)
  6. Bril­lam­ment mixé, chaque tan­da don­nant l’im­pres­sion d’être un change­ment par­fait après le précé­dent (+20)

Qu’avez-vous ressen­ti par rap­port à « l’én­ergie » dans la pièce ?

  1. Con­fus et chao­tique. (-7)
  2. Bas. Ni moi ni mes parte­naires préférés n’avons pu entr­er dans la musique. (-5)
  3. Un peu plat, j’aimais bien la musique, mais je n’avais pas vrai­ment eu envie de m’y plonger (-2)
  4. Bien, ça se pas­sait tou­jours bien (+5)
  5. Mag­nifique, il a réus­si avec de bonnes sen­sa­tions, var­iées (+10)
  6. Fan­tas­tique, j’ai passé une excel­lente soirée, tout le monde était en effer­ves­cence, tout coulait de source et j’é­tais aus­si très heureux quand j’é­tais assis (+15)

Choi­sis­sez trois très bons danseurs soci­aux qui étaient là, de préférence céli­bataires. À quel point sem­blaient-ils danser ?

  1. Pas du tout, peut-être une ou deux tan­das avec la bonne per­son­ne (-5)
  2. Un peu, comme d’habi­tude en fait (0)
  3. Plus que d’habi­tude (+5)
  4. Tout le temps, et en prenant plus de risques que d’habi­tude avec le choix du parte­naire (+10)

Sub­jec­tive­ment, qu’en avez-vous pen­sé ? Pas de scores ici — com­parez avec ce que vous avez obtenu ci-dessus.

  1. C’é­tait génial / ça a été une révéla­tion pour moi / ça a trans­for­mé le lieu ou la sit­u­a­tion pour le mieux.
  2. C’é­tait très bien. J’en étais très con­tent.
  3. C’é­tait bien, mais il y avait quelques défauts, ou c’é­tait bien fait, mais ce n’é­tait pas mon truc.
  4. C’é­tait bon et con­stant, je pou­vais lui faire con­fi­ance, mais peut-être que ce n’é­tait pas inspi­rant.
  5. C’é­tait générale­ment inof­fen­sif et ne m’a pas causé de prob­lèmes sérieux.
  6. Pas bon — c’é­tait faible ou m’a ennuyé plusieurs fois.
  7. C’é­tait pau­vre. Je ne pou­vais pas lui faire con­fi­ance. Si quelque chose de bien se présen­tait, je devais pren­dre quelqu’un.
  8. C’é­tait mau­vais — moi, ou mes parte­naires envis­agés, nous ne voulions tout sim­ple­ment pas danser. Inutile de rester.

Je trac­erais la ligne de démar­ca­tion entre 4 et 5.

Arti­cle orig­i­nal (en anglais) https://mshedgehog.blogspot.com/2012/08/was-that-good-dj-questionnaire.html
Arti­cle orig­i­nal dans Web Archives (au cas où il dis­paraitrait du blog d’o­rig­ine) https://web.archive.org/web/20231120051440/https://mshedgehog.blogspot.com/2012/08/was-that-good-dj-questionnaire.html

DJ de tango, la grande incompréhension…

“Il suffit de secouer un arbre pour que 10 DJ en tombent

L’ar­ti­cle orig­i­nal avait été pub­lié en 2014 sur mon ancien site

Un organ­isa­teur me dis­ait il y a quelques temps qu’il suff­i­sait de sec­ouer un arbre pour que 10 “DJ” en tombent.
L’arrivée de l’ordinateur dans le DJi­ing et la dif­fu­sion de tan­gos via Inter­net ont très claire­ment démoc­ra­tisé le méti­er de DJ de tan­go. Il suf­fit désor­mais de télécharg­er des playlists pour se dire DJ.

C’est un peu facile, mais est-ce souhaitable pour les danseurs ?
Bien sûr, ce phénomène exis­tait aupar­a­vant avec les com­pi­la­tions organ­isées en tan­das, ven­dues par cer­taines milon­gas et DJ portègnes, ou par divers autres canaux. Ce qui est nou­veau main­tenant, c’est que la facil­ité d’utilisation de l’ordinateur per­met de mélanger ces morceaux, sans avoir à maîtris­er les out­ils en temps réel.
Et c’est là que le bât blesse. En effet, une com­pi­la­tion, qu’elle soit en prove­nance d’une milon­ga de Buenos Aires, ou qu’elle ait été réal­isée à la mai­son par l’apprenti DJ, NE PEUT CONVENIR À COUP SÛR À LA MILONGA en cours de musi­cal­i­sa­tion.

Sentir la milonga

Le rôle du DJ est de dif­fuser le bon morceau au bon moment. Si c’est pour dif­fuser une playlist, il suf­fit d’un CD gravé, d’un lecteur mp3 ou d’un ordi­na­teur. Je me demande quel peut être l’intérêt pour le DJ qui reste 5 heures ou plus der­rière son ordi à faire sem­blant de bricol­er une playlist qui est de toute façon immuable…

Je com­prends mieux les moti­va­tions de ce DJ qui se con­tente de couper la fin de la corti­na sur son lecteur mp3 pour être le pre­mier sur la piste. Lui, il veut danser sur les musiques qu’il aime et peu importe le vécu des danseurs (ou non-danseurs qui voient le DJ, s’agiter sur la piste alors qu’eux atten­dent un titre à peu près à leur goût).

Pour moi, le DJ doit sen­tir la milon­ga, regarder ceux qui ne dansent pas, repér­er ce qui fait lever cer­tains et pas d’autres, afin que chaque sen­si­bil­ité puisse trou­ver de quoi avoir envie de danser. Il pour­ra faire des tests, par exem­ple en vari­ant les corti­nas, ou en obser­vant les réac­tions devant un morceau un peu plus sur­prenant.

Mais dans tous les cas, c’est l’adéquation entre les envies des danseurs et la pro­gram­ma­tion qui fera le suc­cès de la soirée.

Le choix du DJ

J’ai été très inter­pelé il y a quelque temps en dis­cu­tant avec un organ­isa­teur qui me dis­ait qu’il sélec­tion­nait ses DJ par rap­port à leur style. Je crois qu’il pen­sait que met­tre un DJ « cat­a­logué » d’un style proche de sa milon­ga était un gage de qual­ité. De fait, s’il lui arrive de faire venir de bons DJ, il recrute finale­ment, surtout des mani­aques de la playlist.

Vous avez tous en tête cer­tains DJ capa­bles de musi­calis­er un fes­ti­val, une milon­ga de Buenos Aires ou un encuen­tro milonguero avec le même bon­heur, mais pas avec la même musique. C’est que ce DJ sait jouer des paramètres offerts par la musique et des moyens tech­niques à sa dis­po­si­tion pour s’adapter réelle­ment à son pub­lic.

Paramètres à la disposition du DJ pour adapter sa musicalisation

Les orchestres sont la pre­mière vari­able. Il est pos­si­ble de vari­er les orchestres pour éviter la monot­o­nie.

Les styles des orchestres est un fac­teur impor­tant. Notons aus­si qu’un même orchestre, suiv­ant les péri­odes peut avoir des ambiances dif­férentes.

Les formes de tan­gos (chan­tés, instru­men­taux, canyengue ou autres) sont très directe­ment ressen­ties par les danseurs. Cepen­dant, glob­ale­ment, les titres chan­tés sont majori­taires car ils sont plus plaisants à danser à con­di­tion de choisir des tan­gos chan­tés et pas des chan­sons de tan­go, ce qui est une erreur beau­coup trop fréquente chez les appren­tis DJ et qui plombent assuré­ment la tan­da…

L’énergie des morceaux est sans doute le paramètre essen­tiel et sou­vent mal géré. Il ne faut en effet pas con­fon­dre énergie et vitesse. Des morceaux d’apparence calmes comme cer­tains titres de Calo peu­vent être très énergiques et inverse­ment, des tan­gos bruyants et rapi­des peu­vent être com­plète­ment plats à danser. Cer­tains DJ con­fondent ces paramètres et vont dif­fuser des orchestres de style ou sonorité dif­férents, mais qui ont tous la même énergie. Cela créé l’ennui à coup sûr…

L’organisation des tan­das est très impor­tante selon moi. En effet, si le pre­mier morceau est des­tiné à faire se lever le plus de danseurs que pos­si­ble, il ne faut pas que les autres déçoivent. Ils doivent être donc d’une énergie sem­blable et de préférence ascen­dante. Les danseurs ne doivent pas non plus subir de choc causés par des titres mal assem­blés.

Réac­tiv­ité et adap­ta­tion sont très impor­tantes. Il m’arrive fréquem­ment de chang­er une tan­da en cours de dif­fu­sion en fonc­tion de ce qui se passe sur et autour de la piste. Si le pre­mier titre n’a pas fait lever assez de monde, je place un sec­ond titre plus effi­cace, voire, je change l’ambiance de la tan­da en la faisant évoluer. Je pense par exem­ple à une tan­da de canyengue qui peut selon les publics pass­er par­faite­ment ou bien fatiguer. Je fais alors évoluer la tan­da vers des canyengues plus rapi­des, voire plus du tout canyengue si cela n’a pas du tout de suc­cès.

L’organisation des tan­das en ron­da est aus­si un élé­ment sur lequel le DJ peut jouer. Pour ma part, je dif­fuse qua­si­ment tou­jours des tan­das de qua­tre, y com­pris pour les valses et sauf pour les milon­gas ou des titres nuevos par­fois plus longs. J’adopte cepen­dant par­fois les tan­das de trois, sur une par­tie de la milon­ga, par exem­ple lorsque la durée est très courte et s’il y a un gros déséquili­bre des parte­naires. C’est cepen­dant quelque chose que je répugne un peu à faire car cela entre dans la mode du « zap­ping » et l’on s’éloigne du tan­go. Il me sem­ble préférable de faire des milon­gas qui durent plus longtemps afin d’offrir à tout le monde une chance de bien danser (c’est d’ailleurs le choix effec­tué par les portègnes…). La ron­da com­porte tra­di­tion­nelle­ment des suc­ces­sions de styles du type T T V T T M ou T = Tan­go, V = Vals et M = Milon­ga). Pour les milon­gas cour­tes où quand je veux don­ner beau­coup d’énergie, il m’arrive de faire T V T M, ou T V T T M. Il n’est pas pos­si­ble d’utiliser cette ron­da toute une milon­ga, car elle est très fati­gante pour les danseurs… D’autres DJ vont mul­ti­pli­er au con­traire les tan­das de tan­go pour dimin­uer le nom­bre de Vals et Milon­gas.

Le vol­ume sonore est aus­si très impor­tant à con­sid­ér­er. Il arrive sou­vent que les corti­nas soient plus fortes que les morceaux dan­sés. Je trou­ve cela illogique. C’est à mon avis les tan­das qui doivent don­ner l’ambiance. Les corti­nas sont là pour échang­er quelques mots et se pré­par­er à la prochaine tan­da. Je pense aus­si que la musique doit être jouée suff­isam­ment forte pour que l’on puisse enter dedans sans être obligé de ten­dre l’oreille. Une corti­na moins forte per­me­t­tra de se repos­er l’oreille et évit­era d’avoir à pouss­er exagéré­ment le vol­ume de la tan­da suiv­ante pour cou­vrir les con­ver­sa­tions qui auront été poussées pour cou­vrir le bruit de la corti­na.

Je reste bref sur le choix des morceaux pour chaque com­pos­i­teur et orchestre. C’est un des rôles majeur du DJ, mais ce n’est pas sou­vent là qu’est le plus gros prob­lème (si on excepte la ques­tion des chan­sons dif­fusées com­ma tan­gos chan­tés). Le sérieux point noir vient de ce que ces morceaux sont dif­fusés dans un ordre hasardeux ou à mau­vais escient. Deux excel­lentes tan­das peu­vent se tuer si elles se suc­cè­dent car elles peu­vent être d’une énergie trop proche (ou trop dif­férente).

L’utilisation de l’ordinateur con­duit aus­si à ne pas exploiter un des fac­teurs qui est l’intervalle entre les morceaux. Par défaut, j’ai un inter­valle de 3,7 sec­on­des entre les titres, mais il m’arrive de rac­cour­cir ou pro­longer cette durée en fonc­tion du lieu, des danseurs et de l’énergie à dif­fuser. Par exem­ple, dans une tan­da où il y a une dynamique mécanique très entraî­nante comme dans cer­tains vals de d’Arienzo, il peut être intéres­sant de ne pas laiss­er de trop grands blancs pour que l’énergie reste en pro­gres­sion con­stante.

La longueur des corti­nas est aus­si à pren­dre en con­sid­éra­tion. Trop cour­tes, elles empêchent d’avoir le temps de retourn­er s’assoir, ce qui pénalise le renou­velle­ment des cou­ples. Il faut avoir le temps de rac­com­pa­g­n­er sa danseuse et de pré­par­er la suite… Il ne faut pas qu’elle soit trop longue non plus. Une fois que les plus rapi­des ont fait leur choix, il est intéres­sant de lancer la tan­da suiv­ante…

Dans la pra­tique, il y a des dizaines d’autres paramètres que doit pou­voir estimer et maîtris­er le DJ. Je prendrai juste pour exem­ple la dif­fu­sion d’une tan­da de milon­ga dans la dernière heure d’une soirée. Cer­tains DJ se l’interdisent par principe. En fait, c’est assez idiot dans la mesure où, où la milon­ga est appré­ciée, cette dernière tan­da sera hyper bien vécue, dans le style éclate finale. Il m’arrive dans d’autres endroits, de rem­plac­er une tan­da de milon­ga par des vals, ou plus rarement l’inverse.

Aux organisateurs

J’espère que ces petits élé­ments vous per­me­t­tront de voir plus clair sur com­ment choisir un DJ. Lorsque je suis danseur, j’ai envie de pass­er une bonne soirée et si je peux faire des kilo­mètres pour un DJ et même si tous les danseurs ne sont pas aus­si exigeants, ils sont glob­ale­ment tous sen­si­bles à la musique et ils passeront, ou pas, une excel­lente soirée, avec fatigue, ou sans. Le DJ doit donc pou­voir veiller sur eux, en les ménageant ou en les tonifi­ant en fonc­tion de l’ambiance du moment.

Un bon DJ a effec­tué un énorme tra­vail en amont pour con­naître et organ­is­er sa musique, de façon à pou­voir pro­gram­mer avec effi­cac­ité en direct. Ce tra­vail mérite salaire et il me sem­ble que l’on devrait pay­er le DJ en fonc­tion de sa réus­site. J’ai pro­posé à cer­tains organ­isa­teurs un paiement à l’entrée. Curieuse­ment, cela en gène beau­coup. Pour­tant, quand le DJ fait venir deux fois plus de monde que le pub­lic habituel, il sem­blerait logique qu’il soit mieux payé.

A min­i­ma, faîtes ce petit ques­tion­naire :

Aux DJ débutants

Bien­v­enue dans cette mer­veilleuse activ­ité qui con­siste à faire danser le tan­go en choi­sis­sant des musiques. Je vous con­seille très vite d’abandonner les playlists pour vous con­cen­tr­er sur ce qui se passe dans la salle (y com­pris autour de la piste).

Vous pou­vez en revanche organ­is­er des tan­das toutes faites, que vous dif­fuserez dans l’ordre qui con­vient à l’ambiance du moment. C’est un pre­mier pas vers l’adaptation. Ain­si, si vous avez besoin d’une tan­da plus calme ou plus tonique, vous en aurez quelques-unes toutes prêtes que vous pour­rez dif­fuser en con­fi­ance, sachant que vous en fer­ez pas de grave faute de goût.

Lorsque vous aurez acquis de l’assurance, vous pour­rez vous détach­er de ces tan­das pré­fab­riquées pour en créer de nou­velles en direct. Pour acquérir cette lib­erté, il vous faut deux choses :

  1. Bien con­naître votre musique
  2. Avoir bien organ­isé sa musique (rien de plus bête que de pass­er une milon­ga ou une ranchera au milieu d’une tan­da de vals car on a mal éti­queté sa musique…).

Cela ne vous dis­pensera pas de la pré-écoute, notam­ment pour les corti­nas… En général, j’ai au moins deux musiques en même temps dans les oreilles.
La musique de la salle, la musique de la corti­na et/ou la tan­da que je suis en train de pré­par­er.
Il faut éviter de s’isol­er de la salle pour tou­jours avoir con­science de la qual­ité sonore de la dif­fu­sion. Même si j’u­tilise en général des casques avec réduc­tion de bruit, je n’ac­tive cette fonc­tion­nal­ité que quelques instants, par exem­ple pour caler le début d’un morceau dont je ne souhaite pas dif­fuser l’in­tro­duc­tion.

COURS – CLASES – FORMATIONS

Cours et stages pour DJ et danseurs

Stages mon­tés sur mesure dans le cadre de fes­ti­vals ou pour des par­ti­c­uliers, dans ma salle de danse ou à domi­cile.

Les points abor­dés peu­vent faire par­tie de cette liste ou plus…
Une durée de trois heures est idéale pour chaque stage
x1 à x3 pour les stages DJ (3 à 9 heures) et x1 à x6 pour les stages danseurs (3 à 18 heures).
Les cours peu­vent aus­si être pro­posés aux débu­tants com­plets, notam­ment aux futurs danseurs qui souhait­ent appren­dre le tan­go argentin de bal rapi­de­ment (sans choré­gra­phie).
Pos­si­bil­ité de débuter en bal à par­tir de 6 à 9 heures de cours.
Ils sont aus­si des­tinés aux danseurs avancés qui souhait­ent danser plus en musique et explor­er les pistes de l’improvisation.

Tarif indi­catif, 100 € le mod­ule de 3 heures (à répar­tir entre les par­tic­i­pants, soit, par exem­ple 25 € pour 4 par­tic­i­pants).
Déplace­ments en sus – Bon plan : Inclure les stages dans un événe­ment où je suis DJ, tar­ifs adap­tés 😉

Langues du cours Français – Anglais – Espag­nol (prévoir tra­duc­teurs si plusieurs langues en mode con­férence)

Clase para DJClase de musi­cal­i­dad para bailar­ines y DJ
Autour d’une table ou dans une salle de con­férence.
De 1 à 20 par­tic­i­pants, illim­ité en con­férence


Rôles du DJ
Com­ment assem­bler une tan­da
Critères de dans­abil­ité
Savoir lire la piste et la salle
Les orchestres du tan­go à danser
Ani­ma­tion de la milon­ga
Ges­tion de sa musique
Util­i­sa­tion d’un logi­ciel DJ spé­cial­isé
Util­i­sa­tion d’une table de mix­age et de matériels spé­ci­fiques aux DJ
Tech­nique de la restau­ra­tion de fichiers
Ressources pour DJ
Trucs et astuces
Un lieu où on peut danser…
De 1 à 4 par­tic­i­pants

(tra­vail indi­vidu­el / cou­ple)
Le tan­go est une danse d’improvisation
Danser sur la musique ou danser la musique ?
Com­ment inter­préter une musique ?
Dif­férence entre les dif­férents styles de danse
Danser sur dif­férents orchestres
Principes et mise en œuvre du guidage portègne
Décou­verte de son style per­son­nel
(ne pas danser comme les autres)
Cours acces­si­bles aux danseurs débu­tants
Aucune choré­gra­phie ne sera pro­posée dans le cadre de mes stages basés sur la pra­tique
Con­fig­u­ra­tions idéales :
Femme seule
un ou deux cou­ples
Exem­ple de con­tenus. Cette liste est très loin d’être exaus­tive, les con­tenus sont défi­nis en amont avec les organ­isa­teurs et/ou sta­giaires.

Clases y talleres para bailarines y DJ

Clases como parte de fes­ti­vales o espe­cial cabi­da adu­a­na en mi salón de baile o en vue­stro hog­ar.

Las cues­tiones planteadas pueden ser parte de esta lista y más …
Una clase de tres horas es ide­al para cada cur­so
x1 a x3 cur­sos DJ (3–9 horas) y X1 a X6 prác­ti­cas para bailar­ines (3–18 horas).
Los cur­sos tam­bién pueden ser ofre­ci­das para los prin­cipi­antes com­ple­tos, incluyen­do futur­os bailar­ines que desean apren­der el baile de tan­go argenti­no ráp­i­da­mente (sin core­ografía).
Posi­bil­i­dad de ini­ciar en milon­gas después de 6 a 9 horas de clases.
Son tam­bién para bailar­ines avan­za­dos que quieren bailar más músi­ca y explo­rar las for­mas de impro­visación.

Pre­cio €100 cada módu­lo de 3 horas (para 4 par­tic­i­pantes, cada €25).
además via­jes – Con­se­jos: Incluir cur­sos en un even­to en el que las tasas de DJ sean adap­ta­dos 😉

Idiomas Cur­so en francés – Inglés – Español

Cours pour DJCours de musi­cal­ité pour danseurs et DJ
Alrede­dor de una mesa o en el modo de con­fer­en­cia
1 a 20 par­tic­i­pantes. Por con­fer­en­cias  sin lim­i­ta­da    


Pape­les de lDJ
Cómo armar una tan­da
Cri­te­rios por el baile
Saber leer la pista de baile y el salón
Las orques­tas de baile de tan­go
Ani­mación de la milon­ga
Gestión de la músi­ca
El uso de un soft­ware espe­cial­iza­do para DJ
El uso de un mez­clador (mesa)
y equipamien­to especí­fi­co para DJ
Restau­ración de la músi­ca
Recur­sos para DJ
Tru­cos y astu­cias
Un lugar donde se puede bailar…
de 1 a 4 par­tic­i­pantes
(Tra­ba­jo indi­vid­ual / pare­ja)

El tan­go es una dan­za de impro­visación
Bailar con la músi­ca o bailar la músi­ca?
¿Cómo inter­pre­tar la músi­ca?
Difer­en­cia entre difer­entes esti­los de baile
Orques­tas de baile
Prin­ci­p­ios y apli­cación de las indi­ca­ciones del guía porteño
Des­cubrim­ien­to de esti­lo pro­prio
(No bailar como los demás)
Cur­so acce­si­ble para prin­cipi­antes
Se pro­pon­drá ningu­na core­ografía
como parte de mis cur­sos de for­ma­ción basa­da en la prác­ti­ca
con­fig­u­ra­ciones ide­ales:
Mujer sola
una o dos pare­jas
Ejem­p­lo de con­tenido. Esta lista está lejos de ser exhaus­ti­va, los con­tenidos se definen pre­vi­a­mente con los orga­ni­zadores y/o los par­tic­i­pantes.

Classes and workshops for dancers and DJ

Fit­ted intern­ships as part of fes­ti­vals or spe­cial in my dance room or at your home.

The points raised can be part of this list and more …
A three-hour les­son is ide­al for each course
x1 to x3 DJ cours­es (3–9 hours) and x1 to x6 intern­ships for dancers (3–18 hours).
Cours­es may also be offered for com­plete begin­ners, includ­ing future dancers who wish to learn the Argen­tine tan­go dance quick­ly (with­out any chore­og­ra­phy).
Pos­si­bil­i­ty of start­ing in milon­gas after 6 to 9 hours of class­es.
They are also for advanced dancers who want to dance more in music and explore ways of impro­vi­sa­tion.

Indica­tive price 100 € each 3‑hours mod­ule (for dis­tri­b­u­tion to par­tic­i­pants, eg € 25 for 4 par­tic­i­pants).
not includ­ing trips – Tips: Include cours­es in an event where I am DJ for adapt­ed rates 😉

Course lan­guages French – Eng­lish – Span­ish

Tan­go DJ lessonsMusi­cal­i­ty class­es for dancers and DJ
Around a table or in con­fer­ence mode
1 to 20 par­tic­i­pants, unlim­it­ed for con­fer­ences


DJ’s Roles
How to assem­ble a tan­da
Cri­te­ria for danc­ing
Know­ing how to read the dance floor and the room
The orches­tras of tan­go
Ani­ma­tion of the milon­ga
How to orga­nize the music
Using a spe­cial­ized DJ soft­ware
Using a mix table
and DJ’s spe­cif­ic equip­ment
Restor­ing files
DJ Resources
Tips and tricks
A place where you can dance…
of 1 to 4 par­tic­i­pants
(Indi­vid­ual work/couple)

The tan­go is a dance of impro­vi­sa­tion
Dance with the music or dance the music?
How to inter­pret music?
Dif­fer­ence between dif­fer­ent dance styles
Dance orches­tras
Prin­ci­ples and imple­men­ta­tion of the porteño guid­ing
Dis­cov­ery of his own style
(Do not dance like the oth­ers)
Course acces­si­ble to begin­ners
No chore­og­ra­phy will be pro­posed
as part of my train­ing cours­es based only on prac­tice
Ide­al con­fig­u­ra­tions:
Alone woman
One or two cou­ples
Exam­ple of con­tent. This list is far from being exhaus­tive, the con­tents are pre­vi­ous­ly defined with the orga­niz­ers and/or par­tic­i­pants.

Existe-t-il des tandas “classiques” ?

Réponse à un mes­sage d’un danseur que je cit­erai s’il se recon­naît…
Je crois que sa ques­tion était en lien avec l’ar­ti­cle tan­das 5–4‑3–2 ou 1

Existe-t-il une influence des vinyles sur l’ordre des morceaux d’une tanda ?

Byc Bernar­do j’ai lu avec intérêt ton arti­cle. Con­cer­nant l’apport des vinyles, je me suis fait la remar­que que cer­taines tan­das « clas­siques » que l’on entend par­fois (du genre où on peut prédire le morceau suiv­ant) sem­blaient cor­re­spon­dre à l’ordre des morceaux sur un vinyle d’origine. Je me suis donc demandé si cer­tains DJ à l’époque, peut-être par facil­ité, lais­saient les qua­tre morceaux dans l’ordre du disque (un peu comme pour les cas­settes) et que, par habi­tude audi­tive, cer­tains DJ actuels repre­naient ce même ordre sans for­cé­ment savoir qu’il avait été dic­té par.un aspect pra­tique au début. Qu’en pens­es-tu ? As-tu pu observ­er cela ?

Danseur anonyme, car je ne me sou­viens pas…

Ma réponse…

Excel­lente ques­tion, dont la réponse est facile à don­ner, c’est non 😉

Les dis­ques des tan­gos de l’âge d’or étaient des 78 tours qui ne com­por­taient qu’un morceau par face. Il n’y avait donc pas d’obligation d’enchaîner deux morceaux.

Les pub­li­ca­tions vinyles étaient réal­isées par des édi­teurs qui ne cher­chaient pas for­cé­ment à sat­is­faire les danseurs. Les morceaux sont dans un ordre quel­conque, ou plutôt, ils sont organ­isés d’un point de vue « esthé­tique », pas du tout par tan­da.

Le con­cept de disque tan­da est même assez récent et quelques orchestres comme la Roman­ti­ca Milonguera se sont lancés dans cette stratégie. C’est d’ailleurs un prob­lème pour les orchestres con­tem­po­rains qui n’ont pas leur style pro­pre, ils font un morceau dans le style de d’Arienzo, un dans le style de Di Sar­li et ain­si de suite et il est impos­si­ble d’en faire une belle tan­da. Évidem­ment, les orchestres mono­styles, comme la Juan d’Arienzo, sont plus faciles à utilis­er.

Sur l’organisation à l’identique de tan­das par dif­férents « DJs », j’attribuerai cela plutôt à l’origine com­mune des tan­das. À Buenos Aires, chaque DJ arrondit ses fins de mois en ven­dant des Playlists, y com­pris avec les corti­nas toutes faites.

Tu l’auras com­pris, c’est du tout-venant et rarement de bonne qual­ité, les DJ con­ser­vent jalouse­ment leurs meilleurs atouts.

D’autres récupèrent des playlists sur YouTube ou autres endroits, cela ne relève pas le niveau.

Mais, on peut en dire plus…

Cepen­dant, il y a des logiques.

  • Les titres d’une tan­da ne sont pas mis en œuvre de façon aléa­toire. Pour moi, c’est comme une expo­si­tion de pein­ture, il doit y avoir une har­monie d’ensemble. Cela peut se faire en ayant des titres de la même péri­ode, mais ce n’est pas totale­ment sûr, les orchestres pou­vant avoir enreg­istré le même jour une ver­sion à écouter et une à danser, ou des titres à la mode qui n’ont rien à voir. Après la pandémie, à Buenos Aires, plusieurs DJ s’étaient mis à mélanger dans les tan­das des tan­gos instru­men­taux et des chan­tés. C’est un peu passé de mode main­tenant. Depuis la pandémie, beau­coup de choses ont changé et les organisateurs/DJ, cherchent des for­mules pour attir­er la manne des touristes qui ont un taux de change très avan­tageux.
  • Une tan­da est un voy­age. On pro­pose au début un morceau qui donne envie de se lever, puis on pro­pose une pro­gres­sion. Le cou­ple aug­mente en com­pé­tence et la dernière pièce est donc une apothéose, les danseurs étant par­faite­ment accordés, il est pos­si­ble de se « lâch­er » (ce qui est éton­nant si on con­sid­ère que l’abrazo est ser­ré). Lorsque l’orchestre est très pro­lifique, il y a beau­coup de façon d’organiser les thèmes. Quand il a moins enreg­istré, c’est plus com­pliqué. Si on respecte l’harmonie des titres et le voy­age, il reste peu de choix et donc, la red­ite est prob­a­ble.

La cassette, ferait-elle un coupable idéal ?

Main­tenant que j’ai don­né plusieurs pistes, je vais te don­ner une rai­son bien plus prob­a­ble. En effet, lorsque Philips a sor­ti la cas­sette, les DJ se sont jetés dessus. Pour des raisons de solid­ité, les DJ util­i­saient unique­ment les C60 qui avaient 30 min­utes par face. Elles per­me­t­taient donc de cas­er 2X5 titres sur une face.

Ain­si, sur une cas­sette D’Arienzo, il y avait 4 tan­das pos­si­bles (de 5 titres cha­cune). Cela con­dui­sait à lire les titres dans le même ordre et pire, les tan­das dans le même ordre. Car il est impos­si­ble de rem­bobin­er les K7 en cours de milon­ga. On passe donc la pre­mière tan­da, ensuite la corti­na sur une autre cas­sette (qui elle est rem­bobinée à chaque pas­sage pour revenir au début de la corti­na qui était tou­jours la même). Ensuite, le DJ choi­sis­sait la cas­sette d’un autre orchestre et quand il voulait revenir à D’Arienzo, il jouait la deux­ième tan­da de la pre­mière face de la dis­quette.

Pour en savoir plus sur ce thème et la rai­son du nom­bre de titres d’une tan­da, je t’invite à lire un arti­cle que j’ai pro­posé sur le sujet : https://dj-byc.com/tandas-de‑5–4‑3–2‑ou‑1/

Je pour­rai rajouter plusieurs expli­ca­tions, du genre, la paresse de cer­tains qui fab­riquent des playlists à l’avance et qui ne se don­nent pas la peine de com­pos­er les tan­das en direct. Dans une cer­taine mesure, ils ont rai­son, si les organ­isa­teurs font appel à eux et dépensent de l’argent pour pay­er quelqu’un qui pour­rait être rem­placé par un lecteur de CD… ils auraient tort de se priv­er. J’ai vu cer­tains de ces DJ pass­er des playlists qui por­taient le nom d’autres événe­ments, ou qui passent tou­jours les mêmes titres, car ils sont itinérants et que donc per­son­ne ne se rend compte qu’ils passent tou­jours la même chose.

Je pense que si tu as par­ticipé à une milon­ga que j’anime tu as eu un peu plus de mal à devin­er ce qui va suiv­re, car juste­ment, j’essaye de pro­pos­er des titres moins con­nus ou de les enchaîn­er de façon plus orig­i­nale pour sus­citer l’intérêt et la curiosité. Ce sont les danseurs qui me don­nent des idées et je tire le fil. Un titre s’impose à moi et selon le moment, je trou­ve de quoi l’accompagner pour ren­forcer le thème. Par exem­ple, hier, plusieurs thèmes me sont passés par la tête, comme les oiseaux (au jardin Massey à Tarbes), le café (pour la buvette du jardin).

Ensuite, le DJ con­duit aus­si les danseurs. En met­tant un titre qui en évoque un autre, il place à l’insu des danseurs, l’idée du titre plus con­nu et quand celui-ci arrive, c’est comme une délivrance (au sens paysan du terme ; —)

Hommage à un extraordinaire DJ

Mon DJ préféré, Daniel Borel­li (Buenos Aires) est un as dans la com­po­si­tion des tan­das et dans la suc­ces­sion des tan­das. Ma grande fierté est de devin­er quel orchestre il va met­tre après la tan­da qu’il vient de pass­er. Cela fait près de quinze ans que je le suis, et il arrive tou­jours à me sur­pren­dre dans la com­po­si­tion des tan­das, mais plus rarement dans l’enchaînement des tan­das 😉

TANDAS ET CORTINAS, pour les danseurs et DJ

Les tandas

Arti­cle pub­lié orig­inelle­ment le 14 JUIN 2021 sur l’an­cien site.

Dans une milon­ga tra­di­tion­nelle, les musiques sont regroupées par plages du même type et inter­prétées par le même orchestre et les mêmes chanteurs à la même péri­ode.

Ces plages regroupant de trois ou qua­tre com­po­si­tions s’appellent des tan­das.

Une tan­da est un petit voy­age que l’on va faire avec le même parte­naire. Il importe donc que le DJ la con­stru­ise avec logique. Les morceaux doivent bien aller ensem­ble et être placés dans un ordre cohérent, comme des tableaux dans une expo­si­tion. Rien n’est plus désagréable d’inviter sur une musique qui plaît et de devoir se forcer sur la musique suiv­ante, ou inverse­ment, avoir envie de danser sur le sec­ond ou troisième titre lorsque la piste ne per­met plus la mira­da facile…

Les cortinas

Pour sépar­er deux tan­das, il y a une corti­na. C’est une courte com­po­si­tion musi­cale, de quelques dizaines de sec­on­des per­me­t­tant aux danseurs d’aller s’asseoir et de se pré­par­er à l’invitation suiv­ante.

Une bonne corti­na n’est pas « dans­able » et doit per­me­t­tre de rester dans l’ambiance ou de pré­par­er à ce qui va suiv­re.

Dans cer­taines milon­gas mod­ernes, les corti­nas sont sup­primées ou rem­placées par des silences. Les cou­ples ont alors la respon­s­abil­ité de se sépar­er après trois ou autre dans­es.

L’intérêt prin­ci­pal des corti­nas est de pou­voir vider la piste, ce qui facilite la mira­da (invi­ta­tion au regard). Si des danseurs indéli­cats restent sur la piste, ils empêchent les autres d’inviter et sont donc mal vus (car trop vus…).
Si vous souhaitez redanser avec la même danseuse, sortez de la piste et retournez‑y quand la musique reprend. Cela vous évit­era aus­si de vous retrou­ver tout bête si la musique de la nou­velle tan­da ne vous con­vient pas…

Un petit plus sur les corti­nas…

Oganisation de la musique de la milonga

Les milon­gas tra­di­tion­nelles com­por­tent tan­das et corti­nas. En général, deux tan­das de tan­go (TTTT), puis une de milon­ga (MMM) ou de valse (VVVV ou VVV). Cette organ­i­sa­tion peut vari­er d’un DJ à un autre, suiv­ant les événe­ments ou le moment de la soirée, mais une milon­ga tra­di­tion­nelle est générale­ment de la forme suiv­ante :

TTTTcorti­naTTTTcorti­naVVVVcorti­naTTTTcorti­naTTTTcorti­naMMM

Quelques inter­mèdes de folk­lore argentin, de rock ou de trop­i­cal ponctuent générale­ment la milon­ga portègne.

Pour en savoir plus, voir un arti­cle sur les tan­das.

TANDAS DE 5, 4, 3, 2 OU 1 ? Un débat récurrent, pour DJ et danseurs…

Arti­cle pub­lié orig­inelle­ment en août 2017 sur l’anci­enne ver­sion du site.

Pourquoi ce compte à rebours ?

Aujourd’hui se pose de plus en plus sou­vent la ques­tion du nom­bre de titres dans une tan­da.
Pour ma part, sans con­signe par­ti­c­ulière, je pro­pose 4 tan­gos, 4 valses et 3 milon­gas, mais de plus en plus sou­vent (même à Buenos Aires), cela devient 3 tan­gos, 3 valses et 3 milon­gas.
Je sépare les tan­das par une corti­na et de temps à autre, je pro­pose un inter­mède de Folk­lore (chacar­era et par­fois zam­ba), Trop­i­cal (cumbia, cuar­te­to, sal­sa…) ou Rock, voire autre chose en fonc­tion du lieu.
Dans cer­taines régions, on milite pour la tan­da de trois tan­gos, dans le but espéré de faire plus sou­vent tourn­er et ain­si lim­iter le temps d’attente, générale­ment des femmes, pour ceux qui ne dansent pas, faute d’un équili­bre du nom­bre de parte­naires.
La notion de tan­da est cepen­dant une notion assez récente. 

Le temps des orchestres, tandas de 2 et de 1

À l’âge d’or du tan­go, celui où on pou­vait danser tous les soirs sur un orchestre, les choses étaient bien dif­férentes. En fait, elles étaient absol­u­ment iden­tiques à ce que l’on trou­ve dans nos actuels bals musette en France. L’orchestre jouait deux tan­gos, puis le même orchestre ou un sec­ond orchestre jouait un autre air, du jazz, ou un fox­trot, par exem­ple.

Ensuite, ils jouaient une valse, suiv­ie d’un nou­veau morceau Jazz, puis à nou­veau deux tan­gas, du jazz, et enfin une milon­ga et on recom­mençait.

Mais alors, me direz-vous, les danseurs se séparaient à chaque morceau, par exem­ple après la valse s’ils ne souhaitaient par faire le jazz ?

Ben oui, mais la dif­férence est que les sièges n’étaient pas encore la règle dans les lieux de danse. Les danseurs rejoignaient le milieu de la piste et se diri­gaient ensuite vers les femmes situées au bord de la piste.

Cette stratégie pour­rait être intéres­sante pour les événe­ments dou­ble-rôle. Les guideurs au milieu, les suiveurs autour…

Je vous pro­pose ici un extrait de l’en­tre­vue de Toto Far­al­do inter­rogé par Pepa Pala­zon.
https://www.youtube.com/watch?v=HDwAVXI0zWs
Je vous engage à voir en entier cette entre­vue, car elle est pas­sion­nante, comme toutes celles de la série.
Ici, j’ai isolé la par­tie qui con­cer­nait l’o­rig­ine des tan­das et apporté une tra­duc­tion en français.
Vous trou­verez en fin de cet extrait, un aspect intéres­sant et peu con­nu sur le tan­go, mais qui vous aidera à com­pren­dre l’im­por­tance de la calecita que l’on retrou­ve dans plusieurs tan­gos.

Dans l’ar­ti­cle sur Bailarín de con­traseña 1945-08-27 — Orques­ta Ángel D’Agosti­no con Ángel Var­gas, j’évoque la con­traseña (ficha de danse) qui délim­i­tait par­fois le nom­bre de dans­es qu’elle autori­sait. Sur un mur­al de Buenos Aires, on voit un jeton indi­quant trois tan­gos.

Bailarín de contraseña – d’après un mural dans la rue Oruro, Buenos Aires.
Bailarín de con­traseña – d’après un mur­al dans la rue Oruro, Buenos Aires.

L’apparition des tables et des enregistrements sur cassettes, tandas de 5 et cortina

Philips, en inven­tant la cas­sette musi­cale a mod­i­fié les com­porte­ments dans les bals. Chaque face de cas­sette, à l’époque de 60 min­utes pou­vait com­porter 10 titres. Donc, entre la face A et la face B, une cas­sette com­por­tait 20 titres.

L’animateur découpait donc sa pro­gram­ma­tion en 5 morceaux de la pre­mière face, une corti­na sur une autre cas­sette. Ah, je vous vois venir, pourquoi la corti­na ?

C’est que sont apparues aus­si les tables. Il fal­lait donc prévoir le temps néces­saire pour que les cou­ples se défassent, se reposent (après 5 tan­gos) et se recom­posent.

Pourquoi une deux­ième cas­sette ?  Ben, le temps pour effectuer toutes ces opéra­tions pou­vant être très vari­ables d’un jour à l’autre ou d’une salle à l’autre, il est plus sim­ple d’avoir une cas­sette avec la corti­na et de la rem­bobin­er pour repo­si­tion­ner la corti­na à son début. Cer­tains le fai­saient avec un cray­on car c’était plus pré­cis qu’avec le lecteur de cas­sette car il suff­i­sait de trou­ver le repère, générale­ment l’amorce. À mes débuts, je coupais les amorces pour que le rem­bobi­nage soit plus sim­ple… Il me suff­i­sait de rem­bobin­er et j’étais au début. Mais j’avais un dou­ble-cas­settes. Sans cela, j’aurais procédé comme Felix Pich­er­na, au cray­on…

Felix Pich­er­na rem­bobi­nant sa cas­sette de corti­na. http://www.molo7photoagency.com/blog/felix-picherna-el-muzicalizador-de-buenos-aires/04–9/

De cette péri­ode reste aus­si la mode de la corti­na unique pour toute la soirée. C’est la même cas­sette qui ser­vait et était rem­bobinée.

Les tables et le ser­vice à icelles a aus­si favorisé le développe­ment des corti­nas pour per­me­t­tre aux serveurs de rejoin­dre les tables avec moins de risque d’accident…

L’apparition du CD, Tandas de 4 et cortinas

Je n’ai pas évo­qué l’utilisation du disque noir, car elle n’a pas apporté de grandes inno­va­tions sur ce point. En per­me­t­tant l’accès direct à chaque titre, elle per­me­t­tait en principe de créer les tan­das en direct, mais cela n’a pas d’influence sur le nom­bre de titres. On retrou­ve cette facil­ité sans la dif­fi­culté d’accéder à une plage pré­cise avec les CD (il fal­lait bien vis­er pour posi­tion­ner la tête de lec­ture pile au bon endroit du sil­lon et ne pas se tromper de plage, non plus…).

De cette époque, on retrou­ve la nor­mal­i­sa­tion des tan­das comme aujourd’hui dans les milon­gas tra­di­tion­nelles avec 4T, 4T, 4V, 4T, 4T et 3M (T=Tango, V=Valse, M=Milonga).

Je n’ai pas encore d’explication pour ce pas­sage de cinq à qua­tre, si ce n’est, peut-être déjà l’idée de réduire l’attente en cas de déséquili­bre entre parte­naires. Il y avait aus­si, sans doute le fait que beau­coup de danseurs n’invitaient que sur le sec­ond titre…

La démoc­ra­ti­sa­tion du graveur de CD a fait appa­raître un nou­veau phénomène, la « Playlist ». Le CD est alors tout bon­nement lu en con­tinu.

L’apparition de l’ordinateur portable

Dans les années 90, l’ordinateur et l’apparition des dis­ques durs ont favorisé son util­i­sa­tion en musique.

Pour ma part, je suis passé par le stade inter­mé­di­aire du Mini­disk qui per­me­t­tait de con­serv­er une qual­ité CD, sans se ruin­er. C’est l’époque où j’ai numérisé beau­coup de dis­ques de pâte (Shel­lac et Vinyles) grâce à ma regret­tée pla­tine Thorens TD 124…

L’ordinateur a offert une grande facil­ité pour pro­pos­er des tan­das con­stru­ites à la volée. En fait, c’est l’ordinateur portable qui per­me­t­tait cela, dif­fi­cile de se trim­baler avec les tours et surtout les écrans cathodiques de l’époque.

Cet out­il est donc mer­veilleux pour le DJ et dès que j’ai pu avoir un ordi­na­teur portable, je l’ai adop­té.

J’utilisais Winamp à l’époque, ce que de très nom­breux DJs con­tin­u­ent à faire, mais c’est une autre his­toire.

L’ère de l’ordinateur, encore plus que celle du graveur de CD a fait la part belle aux Playlists. Et je ne par­le pas des mp3… Tiens, à ce sujet, j’ai eu aus­si un épisode mp3, avec deux petits iPods nano et clas­sic (avec affichage) qui me per­me­t­taient de choisir une tan­da pen­dant que l’autre défi­lait. C’était pour ma milon­ga en plein air.

Donc, aujourd’hui, l’ordinateur domine le domaine. C’est très bien, car c’est l’outil qui per­met la plus grande sou­p­lesse pour l’organisation en direct de la musique. Il sert aus­si beau­coup pour les « DJs » à Playlists, qui font leur cour­ri­er, échangent sur Face­book ou tout autre activ­ité pour ne pas s’ennuyer (et pour que les danseurs les croient absorbés dans la créa­tion…). C’est une rai­son sup­plé­men­taire pour ne pas encour­ager ce type de DJs (je ne par­le pas des bénév­oles qui offi­cient dans les asso­ci­a­tions et qui ont le mérite de se dévouer pour le plaisir des autres). Ces playlis­teurs n’ont aucune rai­son d’être atten­tifs au bal, puisque de toute façon, ils ne pour­ront pas chang­er son déroule­ment. Un véri­ta­ble DJ, à mon sens est l’animateur de la soirée, rebondis­sant sur l’actualité de la salle, pour offrir le plus sou­vent pos­si­ble le bon titre au bon moment.

Et mes tandas dans tout cela ?

Ah, oui. Les tan­das. Ben, avec l’ordinateur, on peut faire ce que l’on veut. Pass­er la musique en mode aléa­toire. C’est l’ordinateur qui « choisit » la musique à suiv­re. Dif­fuser une playlist, ou, s’en servir pour rechercher rapi­de­ment le bon titre à dif­fuser.

J’espère que vous aurez dev­iné quelle stratégie est la mienne.

Je con­stru­is donc à la volée, des tan­das de qua­tre, ou trois selon les cir­con­stances.

Je ne sais pas ce que devien­dront les tan­das dans le futur. Ici, à Buenos Aires, les tan­das sont de qua­tre, y com­pris pour les valses (trois pour les milon­gas) dans les milon­gas tra­di­tion­nelles. C’est le mod­èle auquel je m’accroche et que j’essaye de faire partager, car je le trou­ve bien adap­té au fonc­tion­nement actuel avec tables, chais­es et mira­da. Le voy­age sur qua­tre titres est aus­si idéal avec la danseuse. Trois donne un impres­sion de frus­tra­tion (et par­fois, avouons-le de soulage­ment, mais dans ce cas, il fal­lait mieux inviter…).

Peut-être qu’ailleurs, la réduc­tion du nom­bre de titres va se généralis­er (dans cer­taines milon­gas à Buenos Aires, il existe des tan­das de trois valses). D’ailleurs, je vais respecter cela lors de ma prochaine musi­cal­i­sa­tion à Gri­cel…

En descen­dant le nom­bre de titres par tan­da, on risque de retrou­ver le fonc­tion­nement des milon­gas de l’âge d’or, à la lim­ite pourquoi pas. C’est peut-être à essay­er dans les milon­gas où il n’y a pas de sièges…

Par con­tre, les hommes au milieu qui vont chercher les femmes, pas sûr que ce soit appré­cié.

À suiv­re…

Mer­ci à Dany Borel­li, DJ à Los Con­sagra­dos, Nueveo Chique, Milon­ga de Buenos Aires et autres, d’avoir échangé sur ce sujet, ce qui me per­met de con­firmer cer­taines idées qui peu­vent paraître sur­prenantes aux néo­phytes.

Les cortinas, levons le voile sur cette tradition

Origine de la cortina

Il y a plusieurs expli­ca­tions à l’o­rig­ine de l’u­til­i­sa­tion des corti­nas.
L’une d’en­tre-elle était le change­ment d’orchestre qui don­nait lieu à la fer­me­ture du rideau de scène (Telon ou Corti­na) pour que les orchestres s’in­stal­lent plus dis­crète­ment.
Une autre vient de la néces­sité de don­ner du temps au DJ pour pré­par­er la tan­da suiv­ante à l’époque où les DJ util­i­saient des cas­settes.
Mais la corti­na fait désor­mais par­tie inté­grante de la milon­ga, même s’il n’y a plus les con­tin­gences tech­niques du début.

Nous allons voir pourquoi.

Les cortinas sont des coupures dans un bal tango

Elles ser­vent à mar­quer les change­ments de style de musique (change­ment d’orchestre, de style de danse…). En effet, le tan­go est organ­isé par tan­das, groupe de trois ou qua­tre com­po­si­tions sem­blables qui per­me­t­tent à un cou­ple de danseurs d’aller plus loin dans l’expérience. La pre­mière danse pour s’apprivoiser, les suiv­antes pour danser de mieux en mieux, en par­faite har­monie.

Quelle musique pour les cortinas ?

Générale­ment, une corti­na ne se danse pas. Il faut donc éviter de met­tre des dans­es, comme du rock, car cer­tains danseurs risquent de la danser et par con­séquent, ils ne libéreront pas la piste.
Il y a deux pra­tiques, celle qui con­siste à met­tre des corti­nas dif­férentes, éventuelle­ment sur un thème tout au long de la soirée et une autre qui con­siste à met­tre tout le temps la même corti­na dans la soirée.
Cer­tains DJ utilisent même la même corti­na pour toutes leurs milon­gas.
Toute­fois, la mode fait que main­tenant, on priv­ilégie les milon­gas var­iées. Cela per­met d’avoir plus d’action sur l’ambiance de la milon­ga et de tester la disponi­bil­ité des danseurs aux dif­férents inter­mèdes.

Pourquoi des cortinas ?

Pour moi, la corti­na est d’abord asso­ciée à la mira­da. Il faut que la piste soit dégagée pour que les invi­ta­tions au regard puis­sent se faire. De cela découle un autre point, il faut des sièges pour les danseurs pour éviter qu’ils encom­brent la piste.

Si ces con­di­tions idéales ne sont pas réu­nies, on peut effec­tive­ment se pos­er la ques­tion de la corti­na. Voici quelques réflex­ions qui la jus­ti­fient.

  • La tan­da est une coupure dans le flux de la danse.
  • Elle per­met de se rééquili­br­er des émo­tions de la tan­da précé­dente et de se pré­par­er à la suite.
  • Elle per­met une dis­cus­sion plus libre et une social­i­sa­tion, très impor­tante pour les Argentins et qui peut se traduire par des échanges vocaux par­fois soutenus…
  • Les danseurs débu­tants et ceux qui n’écoutent pas la musique ne se ren­dent pas tou­jours compte du change­ment de style de la musique et donc de la fin d’une tan­da. Le prob­lème est qu’alors la danseuse aban­don­née au milieu d’une tan­da se retrou­ve décalée par rap­port aux autres danseurs qui ne seront disponibles qu’à la fin de la tan­da. Cer­tains DJ ren­dent les choses encore plus dif­fi­ciles en mélangeant dans une tan­da des styles qui ne vont pas ensem­ble…

Cette inter­ro­ga­tion sur les corti­nas est assez typ­ique des danseurs qui man­quent un peu d’expérience. Lorsque l’on a goûté à l’ambiance des belles milon­gas tra­di­tion­nelles, il est dif­fi­cile de revenir en arrière et de trou­ver du plaisir dans des milon­gas décousues, où les musiques s’enchaînent sans ordre et sans pause. Chaque tan­da est un petit voy­age avec la danseuse. Si on prend la tan­da en cours, ce voy­age sera réduit, mais il aura une logique. Si on reste à cheval sur deux tan­das, on risque de se trou­ver dans une sit­u­a­tion où l’on n’a pas envie de danser la sec­onde tan­da avec cette danseuse.

L’élégance veut que l’on n’invite pas une danseuse sur les derniers morceaux d’une tan­da pour ne pas don­ner l’impression que l’on fait un « test ». Pour­tant, cela se pra­tique régulière­ment et une danseuse peu invitée préfér­era sans doute deux dans­es à rien… Et puis, si la tan­da suiv­ante vous plaît à tous les deux, vous pou­vez tou­jours vous réin­viter du regard, cette fois-ci pour une tan­da com­plète.

Je vois cepen­dant deux occa­sions où la corti­na peut être une gêne, au tout début de la soirée, lorsque le bal n’a pas vrai­ment démar­ré, il m’arrive de ne pas met­tre de corti­na pour faire lever plus rapi­de­ment les gens. L’autre cas est la milon­ga « boîte de nuit » (sou­vent util­isé pour les milon­gas alter­na­tives), où on recherche plus la transe que le voy­age avec une danseuse. Dans ce cas, on garde les danseurs sur la piste, le but étant de ne jamais les lâch­er.

Une dernière remar­que, lorsqu’il n’y a pas de corti­na, les danseurs ten­dent à garder leurs danseuses plus longtemps, de crainte de ne pas pou­voir en inviter une autre. En effet, comme tout le monde est sur la piste, lorsque l’on arrête, on risque de se retrou­ver sans pos­si­bil­ité d’inviter. Lorsqu’il y a beau­coup de danseuses qui atten­dent, il m’arrive de faire des tan­das de trois pour per­me­t­tre une rota­tion plus rapi­de. Sans corti­na, les danseurs feraient six dans­es au lieu de trois ou qua­tre.