Mano Blanca 1943-12-07 – Alberto Castillo y su Orquesta Típica dir. por Emilio Balcarce

Arturo De Bassi Letra: Homero Manzi

L’excellent fileteador porteño, Gustavo Ferrari, alors que je passais ce titre dans une milonga m’a indiqué que ce titre était l’hymne des fileteadores (peintres décorateurs, spécialistes des filets décoratifs typiques de Buenos Aires). Comme j’adore ce tango, je le passe assez souvent, mais pas forcément dans la version du jour, celle d’Alberto Castillo qui était également un fan de ce tango comme nous le verrons.
J’imagine que vous avez dans l’oreille l’enregistrement des deux anges, D’Agostino et Vargas. Mais, comme l’anecdote d’avant-hier était avec ces deux interprètes, il faut laisser de la place aux autres.
C’est d’autant plus important que Vargas et D’Agostino semble s’être emparé du titre, laissant peu de place à d’autres enregistrements. Pourtant, plusieurs sont intéressants.
À noter que, sur certains disques, on trouve Manoblanca, en un seul mot. J’ai unifié la présentation en Mano Blanca, mais les deux orthographes existent

Extrait musical

Mano Blanca 1943-12-07 – Alberto Castillo y su Orquesta Típica dir. por Emilio Balcarce.

Bien que ce soit un titre plutôt destiné à l’écoute, puisque le disque mentionne que Alberto Castillo est accompagné par son orchestre dirigé par Emilio Balcarce. Cependant cet enregistrement reste tout à fait présentable dans une milonga et c’est même presque étonnant que l’on ne l’entende quasiment jamais.

Partition de Mano Blanca Arturo De Bassi Letra Homero Manzi et langle de rue où se trouve le  musée Manoblanca 

Paroles

Dónde vas carrerito del este
castigando tu yunta de ruanos,
y mostrando en la chata celeste
las dos iniciales pintadas a mano.

Reluciendo la estrella de bronce
claveteada en la suela de cuero,
dónde vas carrerito del Once,
cruzando ligero las calles del Sur.

¡Porteñito!… ¡Manoblanca!…
Vamos ¡fuerza, que viene barranca!
¡Manoblanca!… ¡Porteñito!
¡Fuerza! ¡vamos, que falta un poquito!

¡Bueno! ¡bueno!… ¡Ya salimos!…
Ahora sigan parejo otra vez,
que esta noche me esperan sus ojos
en la Avenida Centenera y Tabaré.

Dónde vas carrerito porteño
con tu chata flamante y coqueta,
con los ojos cerrados de sueño
y un gajo de ruda detrás de la oreja.

El orgullo de ser bien querido
se adivina en tu estrella de bronce,
carrerito del barrio del Once
que vuelves trotando para el corralón.

¡Bueno! ¡bueno!… ¡Ya salimos!…
Ahora sigan parejo otra vez
mientras sueño en los ojos aquellos
de la Avenida Centenera y Tabaré.
Arturo De Bassi Letra: Homero Manzi

Traduction libre des paroles

Où vas-tu petit meneur (conducteur de chariot hippomobile) de l’est en punissant ton attelage de rouans (chevaux de couleur rouanne), et en montrant sur la charrette bleue les deux initiales peintes à la main.
Elle brille l’étoile de bronze clouée sur le harnais de cuir. Où vas-tu, petit meneur de Once, en traversant rapidement (légèrement, peut-être à vide), les rues du Sud.
Porteñito… Manoblanca… (Ce sont les noms des deux chevaux)
Allons, force, un fossé arrive !
Manoblanca… Porteñito !
Force ! Allons, il reste peu à faire !
Bien ! Bien !… Nous voilà sortis (de l’ornière, fossé)…
Maintenant, continuez ensemble à nouveau, car ce soir, ses yeux m’attendent sur l’Avenida Centenera et Tabaré. (l’angle de ces deux avenues marque “La esquina del herrero, barro y pampa » que le même Homero Manzi mentionne dans son tango « Sur ».
Où vas-tu, petit meneur portègne avec ta charrette flamboyante et coquette, avec les yeux fermés de sommeil (ou rêve) et un brin de rue (le gajo de ruda est une plante qui est censée éloigner le mal) derrière l’oreille.
La fierté d’être bien aimé se devine dans ton étoile de bronze, petit meneur du quartier de Once, car tu reviens en trottant au corralón (hangar, garage).
Bien ! Bien !… Nous voilà sortis.
Maintenant, ils continuent en couple (chevaux en harmonie) de nouveau pendant que je rêve à ces yeux de l’Avenida Centenera et de Tabaré.

Les fileteados

Les fileteados son une expression artistique typique de Buenos Aires. Elle est apparue en premier sur les chariots et s’est étendue jusqu’à aujourd’hui dans tous les domaines.

Un chariot hippomobile décoré de fileteados. Cette charrette comporte des ridelles, ce que n’avait peut-être pas celle de la chanson qui est une simple chata (fond plat et qui avait sans doute quatre roues).
Un véhicule de quatre saisons richement décoré de fileteados La chata de la chanson devait plutôt avoir 4 roues mais lidée est là

Je vous invite à regarder l’article de Wikipédia sur le sujet si vraiment vous ne connaissez pas…
https://es.wikipedia.org/wiki/Fileteado

Autres versions

Les deux premiers enregistrements, par Canaro, sont bien de a composition Arturo de Bassi, mais elles avaient été publiées à l’époque sous le titre El romántico fulero. Cette musique était une petite pièce à l’intérieur d’un tableau intitulé Románticos fuleros, lui-même inclus dans le spectacle Copamos la banca. Les paroles apportées par Homero Manzi 15 ans plus tard, à la demande de Bassi, ont donné une autre dimension à l’œuvre et lui ont permis de passer à la postérité.

El romántico fulero 1924 – Orquesta Francisco Canaro.

C’est un enregistrement acoustique, donc, d’une qualité sonore un peu compliquée, mais on reconnaît parfaitement le thème du tango du jour.

El romántico fulero 1926-09 – Azucena Maizani con acomp. de Francisco Canaro.

Le même Canaro enregistre, cette fois en enregistrement électrique le titre avec des paroles de Carlos Schaefer Gallo.

Paroles de Carlos Schaefer Gallo

Manyeme que’l bacán no la embroca,
parleme que’l boton no la juna
y en la noche que pinta la luna
la punga de un beso le tiró en la boca.
Aquí estoy en la calle desierta
como un gil pa’ mirar su hermosura
campaneando que me abra la puerta
pa’ darle a escondidas un beso de amor.

Se lo juro que no hablo al cohete
y que le pongo pa’usté cacho e cielo
un cotorro que ni Marcelo
lo tiene puesto con más firulete.
Si usté quiere la pianto ahora
si usté lo quiere digamelo,
será mi piba mi nena la aurora,
en esta sombra que’n el alma cayó.

Le pondré garçonnière a la gurda
y tendrá vuaturé limusine,
y la noche que nos cache curda
veremos al chorro Tom Mix en el cine.
Berretín que me das esperanza
metejón que proteje la noche,
piantaremos en auto o en coche
como unos punguistas que fanan amor.
Carlos Schaefer Gallo

Honnêtement, ces paroles en lunfardo pour un divertissement populaire d’entrée de gamme ne méritent pas vraiment de passer à la postérité. Je ne vous en donnerai donc pas la traduction. On notera toutefois que le texte fait référence au président de l’époque, Marcelo Torcuato de Alvear et à Tom Mix, un héros de western… L’auteur n’a reculé devant rien pour recueillir l’assentiment du public.

Mano Blanca 1943-12-07 – Alberto Castillo y su Orquesta Típica dir. por Emilio Balcarce. C’est notre tango du jour.
Mano Blanca 1944-03-09 – Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas.

C’est la version de référence, une merveille absolue. Magnifique piano et voix des deux anges.

Mano Blanca 1960 – Alberto Castillo y su Orquesta Típica dir. y arr. por Osvaldo Requena.

Cette version, très différente de celle que Castillo a enregistrée en 1944, est clairement une chanson. Pas question de la passer en bal. Il me semble que Castillo surjoue un peu le titre, mais on peut apprécier.

Mano Blanca 1976 – José Canet con Nelly Omar.

Toujours la belle association entre la guitare de José Canet et la voix de Nelly Omar.

Mano Blanca c2010 – Miguel Ángel Báccola.

Une version en chanson que j’ai trouvée dans ma collection, sans savoir d’où j’avais acheté ce disque.

Mano Blanca 2013, Juan Carlos « Tata » Cedrón.

J’ai un petit faible pour « Tata » que j’ai connu adolescent (moi, pas lui). Cet enregistrement en studio montre qu’il a toujours le tango dans les veines. Cette vidéo vient de l’excellente chaine culturelle argentine « encuentro ».
À bientôt, les amis, je monte sur mon petit chariot et je pars sur les rues du Sud, au rythme de mes petits chevaux rouans.

2 réflexions sur « Mano Blanca 1943-12-07 – Alberto Castillo y su Orquesta Típica dir. por Emilio Balcarce »

  1. Alart

    Bonjour Bernardo
    Je viens d’écouter la version de d’Agostino présente sur cette page. Elle a sans doute la même origine de transfert qu’un fichier que j’avais précédemment, qui me gênait un peu à l’écoute, gêne que je retrouve ici. J’ai l’impression qu’il y a une légère variation de vitesse au début qui choque l’oreille.
    J’ai trouvé par la suite la version qu’en propose TangoTunes et qui, à mon oreille, ne présente pas le même défaut. Il se trouve d’ailleurs que le fichier de TT affiche une durée de morceau de 2’45 » alors que celui que l’on peut écouter ici affiche 2’38 ». Ceci expliquerait cela…
    Qu’en dis-tu ?..

    1. DJ BYC Bernardo Auteur de l’article

      Bonjour Fred,
      J’ai beaucoup de versions de chaque morceau et la méthodologie que j’utilise pour les anecdotes ne me permet pas de choisir. Je m’explique.
      J’ai mes titres de morceaux complétés par la date d’enregistrement. Pour les anecdotes, j’utilise une sauvegarde DropBox de ma musique. Dans un navigateur internet, je saisi -mm-jj (J’utilise aaaa-mm-jj pour indiquer les dates). Cela me permet d’avoir tous les titres enregistrés le même jj (jour) du même mm (mois).
      L’inconvénient est que je n’ai pas les détails des musiques, alors j’en prend une au hasard. Je pourrai prendre ensuite mon ordi de DJ et avoir toutes les métadonnées et choisir les versions que j’utilise en milonga, mais j’y passe déjà beaucoup de temps et j’avoue que je n’écoute pas les musiques la plupart du temps, je le fais de mémoire.
      Sur le point précis que tu indiques, mes 14 versions sont toutes issues du même enregistrement (Matrice 79547-1). Cependant, certaines ont été réalisées à partir d’un disque Schellac (60-0376B) et oui, cette merveille est une face B… La face A, est De pura cepa, un instrumental enregistré le même jour et oublié maintenant…
      Tango Tunes diffuse deux versions. Celle de 1944 et la réédition en vinyle de 1958. Les deux font sensiblement la même durée. Il en existe également une copie uruguayenne en « stéréo » mais comme l’original est mono, c’est au mieux de la réverbération ajoutée… Je ne sais pas laquelle ils ont utilisée, de toute façon, il n’y a aucun intérêt d’acheter les vinyles réellement stéréo chez eux, car ils passent tout en mono… Je n’ai donc écouté que l’extrait en ligne qui doit donc être celui de 1958, car pas de réverb.

      Lorsque j’ai « choisi » la musique j’ai apparemment sélectionnée la version de Blue Moon, un éditeur de Barcelone qui fait des rééditions… Il y a pire que celles-ci, les fameuses remastered, mais effectivement, ce n’est pas très bon. C’est une des versions les plus rapides, celle de Tango Tunes étant la plus lente. Sans doute une décision de prendre un diapason plus ancien en « corrigeant » le choix des ingénieurs du son de l’époque.
      Je ne me lance pas dans ce genre de bagarre. Très peu de danseurs ont l’oreille absolue et même quand c’est le cas, ils ont forcément entendu des versions à des vitesses et donc des tonalités légèrement différentes. Ici, il y a environ deux ou trois comas d´écart, pas même 1/2 ton, alors, on s’en moque.

      Bon, il faudrait sans doute que je fasse le ménage pour ne garder que les meilleures versions, mais trier 128058 musiques, c’est un peu effrayant. Pas question d’utiliser une moulinette, le meilleur n’est pas forcément le plus récent ou le plus gros. Il faut procéder à l’écoute.

      Je viens d’en profiter pour écouter Mano Blanca et si je conserve ma version, celle de TT est bonne.

      Pour les anecdotes, je suis obligé de diminuer, énormément la taille des fichiers qui doivent faire moins de 1,5Mo (mes fichiers de DJ font aux alentours de 50 Mo). Il n’est pas sûr qu’on puisse bien juger la musique sur ces copies tant diminués, mais je n’ai pas le choix. Au début, je mettais des extraits en meilleure qualité, mais il n’y avait que quelques secondes possibles…
      Cependant, si on se limite aux 4 premières notes, on a l’impression que la 4ème sonne faux. On dirait qu’il y a un vibraphone mal accordées en plus du piano (effet de battement). Cela peut donner l’impression étrange de ces premières notes, mais il ya une autre explication.
      L’enregistrement est sans doute sur bande. Ce type de fading est causé par un défaut de prémagnétisation des têtes, par un léger froissement de la bande, un mauvais dépôt des oxydes sur la bande, un décalage de l’azimut de la tête. Ces problèmes peuvent provenir de l’enregistrement, ou de la création de la matrice. Le problème est léger, mais tombe sur des notes isolées et elles sont donc très détectables.

      En résumé, il y a bien un problème, plus ou moins sensible selon les copies, mais cela n’empêche pas de prendre plaisir à l’écoute de cette merveille.

      Donc, tu n’as pas réveillé et tu prouves que tu écoutes 😉

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