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La canción de los pescadores de perlas 1968-08-30 y 1971 — Orquesta Florindo Sassone

Georges Bizet. Florindo Sassone, Othmar Klose et Rudi Luksch (adaptation en tango)

Beau­coup de tan­gos sont inspirés de musiques européennes. Les valses, notam­ment, mais pas seule­ment. Ces titres sont adap­tés et devi­en­nent de « vrais tan­gos », mais ce n’est pas tou­jours le cas.
En France, cer­tains danseurs de tan­go appré­cient des titres un peu étranges, des titres qui n’ont jamais été écrits pour cette danse. On appelle générale­ment cela le « tan­go alter­natif ».
Un des titres les plus con­nus dans le genre est la reprise d’un opéra du XIXe siè­cle effec­tuée par Florindo Sas­sone. Le fait qu’un chef d’orchestre de tan­go reprenne un titre n’en fait pas un tan­go de danse. Cela reste donc de l’alternatif. Je vous laisse en juger avec los pescadores de per­las, les pêcheurs de per­les, de Bizet et Sas­sone…

Écoutes

Tout d’abord, voyons l’original com­posé par Bizet. Je vous pro­pose une ver­sion par un orchestre et un chanteur français, celle du ténor Rober­to Alagna avec l’orchestre de Paris, qui est dirigé par Michel Plas­son. Cette inter­pré­ta­tion a été enreg­istrée le 9 juil­let 2009 au Bassin de Nep­tune du château de Ver­sailles. Ce soir-là, il chantera trois œuvres de Bizet, dont un extrait de Car­men, même si ce n’est pas la célèbre habanera qui a tant à voir avec un des rythmes de base du tan­go et de la milon­ga. Vous pou­vez voir le con­cert en entier avec cette vidéo…
https://youtu.be/Jx5CNgsw3S0. Ne vous fiez pas à la prise de son un peu médiocre du début, par la suite, cela devient excel­lent. Pour aller directe­ment au but, je vous pro­pose ici l’extrait, sub­lime où Alagna va à la pêche aux per­les d’émotion en inter­pré­tant notre titre du jour.

Rober­to Alagna et l’orchestre de Paris dirigé par Michel Plas­son dans Les Pêcheurs de Per­les de Georges Bizet. L’air de Nadir « Je crois enten­dre encore ».

Deux mots de l’opéra de Bizet

Les pêcheurs de per­les est le pre­mier opéra com­posé par Bizet, âgé de 25 ans, en 1863). L’intrigue est sim­pliste.
L’opéra se passe sur l’île de Cey­lan, où deux amis d’enfance, Zur­ga et Nadir, évo­quent leur pas­sion de jeunesse pour une prêtresse de Can­di nom­mé Leïla.
Pour ne pas nuire à leur ami­tié, ils avaient renon­cé à leur amour, surtout Zur­ga, car Nadir avait secrète­ment revu Leïla.
Zur­ga était mécon­tent, mais, finale­ment, il décide de sauver les deux amants en met­tant le feu au vil­lage.
L’air célèbre qui a été repris par Sas­sone est celui de Nadir, au moment où il recon­naît la voix de Leïla. En voici les paroles :

Je crois enten­dre encore,
Caché sous les palmiers,
Sa voix ten­dre et sonore
Comme un chant de rami­er !
Ô nuit enchanter­esse !
Divin ravisse­ment !
Ô sou­venir char­mant !
Folle ivresse ! Doux rêve !
Aux clartés des étoiles,
Je crois encore la voir,
Entrou­vrir ses longs voiles
Aux vents tièdes du soir !
Ô nuit enchanter­esse !
Divin ravisse­ment !
Ô sou­venir char­mant !
Folle ivresse ! Doux rêve !

Avant de pass­er aux ver­sions de Florindo Sas­sone, une ver­sion par Alfre­do Kraus, un ténor espag­nol qui chante en Ital­ien… La scène provient du film “Gayarre” de 1959 réal­isé par Domin­go Vilado­mat Pancor­bo. Ce film est un hom­mage à un autre ténor espag­nol, mais du XIXe siè­cle, Julián Gayarre (1844–1890).
La vie, ou plutôt la mort de ce chanteur, est liée à notre titre du jour, puisqu’en décem­bre 1889, Gayarre chan­ta Los pescadores de per­las mal­gré une bron­chop­neu­monie (provo­quée par l’épidémie de grippe russe qui fit 500 000 morts).
Lors de l’exécution, qui fut aus­si la sienne, sa voix se cas­sa sur une note aigüe et il s’évanouit. Les effets con­jugués de la mal­adie et de la dépres­sion causée par son échec artis­tique l’emportèrent peu après, le 2 jan­vi­er 1890 ; il avait seule­ment 45 ans. Cette his­toire était suff­isante pour en faire un mythe. D’ailleurs trois films furent con­sacrés à sa vie, dont voici un extrait du sec­ond, “Gayarre” où Alfre­do Kraus inter­prète le rôle de Gayarre chan­tant la chan­son « je crois enten­dre encore » tiré des pêcheurs de per­les.

Alfre­do Kraus inter­prète le rôle de Gayarre chan­tant la chan­son « je crois enten­dre encore » tiré des pêcheurs de per­les dans le film Gayarre.

Sas­sone pou­vait donc con­naître cette œuvre, par les deux pre­miers films, “El Can­to del Ruiseñor” de 1932 et “Gayarre” de 1959 (le troisième, Roman­za final est de 1986) ou tout sim­ple­ment, car bizet fut un com­pos­i­teur influ­ent et que Les pêcheurs de Per­les est son deux­ième plus gros suc­cès der­rière Car­men.

J’en viens enfin aux versions de Sassone

La can­ción de los pescadores de per­las 1968-08-30 — Orques­ta Florindo Sas­sone.

C’est une ver­sion “adap­tée” en tan­go. Je vous laisse juger de la dans­abil­ité. Cer­tains adorent.
Dès le début la harpe apporte une ambiance par­ti­c­ulière, peut-être l’ondoiement des vagues, que ponctue le vibra­phone. L’orchestre majestueux accom­pa­g­né par des bass­es pro­fondes qui mar­quent la marche alterne les expres­sions suaves et d’autres plus autori­taires. On est dans du Sasonne typ­ique de cette péri­ode, comme on l’a vu dans d’autres anec­dotes, comme dans Féli­cia du même Sas­sone. https://dj-byc.com/felicia-1966–03-11-orquesta-florindo-sassone/
La présence d’un rythme rel­a­tive­ment réguli­er, souligné par les ban­donéons, peut inspir­er cer­tains danseurs de tan­go. Pour d’autres, cela pour­rait trop rap­pel­er le rythme réguli­er du tan­go musette et au con­traire les gên­er.

Cet aspect musette est sans doute le fait d’Oth­mar Klose et Rudi Luksch qui sont inter­venus dans l’orches­tra­tion. Luksch était accordéon­iste et Klose était un des com­pos­i­teurs d’Adal­bert Lut­ter (tan­go alle­mand).

C’est cepen­dant un titre qui peut intéress­er cer­tains danseurs de spec­ta­cle par sa vari­a­tion d’expressivité.

La can­ción de los pescadores de per­las 1971 — Orques­ta Florindo Sas­sone.

Trois ans plus tard, Sas­sone enreg­istre une ver­sion assez dif­férente et sans doute encore plus éloignée de la danse. Là encore, elle pour­rait trou­ver des ama­teurs…
Cette ver­sion démarre plus suave­ment. La harpe est moins expres­sive et les vio­lons ont pris plus de présence. La con­tre­basse et le vio­lon­celle sont bien présents et don­nent le rythme. Cepen­dant, cette ver­sion est peut-être plus lisse et moins expres­sive. Quitte à pro­pos­er une musique orig­i­nale, je jouerai, plutôt le jeu de la pre­mière ver­sion, même si elle risque d’inciter cer­tains danseurs à dépass­er les lim­ites générale­ment admis­es en tan­go social.

Cette ver­sion est sou­vent datée de 1974, mais l’en­reg­istrement est bien de 1971 et a été réal­isé à Buenos Aires, dans les stu­dios ION. Los Estu­dios ION qui exis­tent tou­jours ont été des pio­nniers pour les nou­veaux tal­ents et notam­ment ceux du Rock nacional à par­tir des années 60. Le fait que Sas­sone enreg­istre chez eux pour­rait être inter­prété comme une indi­ca­tion que ce titre et l’évo­lu­tion de Sas­sone s’é­taient un peu éloigné du tan­go “tra­di­tion­nel”, mais tout autant que les maisons d’édi­tions tra­di­tion­nelles s’é­taient éloignées du tan­go. Balle au cen­tre.

Com­para­i­son des ver­sions de 1968 et 1971. On voit rapi­de­ment que la ver­sion de 1968, à gauche est mar­quée par des nuances bien plus fortes. Elle a plus de con­traste. L’autre est plus plate. Elle relève plus du genre « musique d’ascenseur » que son aînée.

Le DJ de tango est-il un chercheur de perles ?

Le DJ est au ser­vice des danseurs et doit donc leur pro­pos­er des musiques qui leur don­nent envie de danser. Cepen­dant, il a égale­ment la respon­s­abil­ité de con­serv­er et faire vivre un pat­ri­moine.
Je prendrai la com­para­i­son avec un con­ser­va­teur de musée d’art pour me faire mieux com­pren­dre.
Le con­ser­va­teur de musée comme son nom l’indique (au moins en français ou ital­ien et un peu moins en espag­nol ou en anglais où il se nomme respec­tive­ment curador et cura­tor) est cen­sé con­serv­er les œuvres dont il a la respon­s­abil­ité. Il les étudie, il les fait restau­r­er quand elles ont des soucis, il fait des pub­li­ca­tions et des expo­si­tions pour les met­tre en valeur. Il enri­chit égale­ment les col­lec­tions de son insti­tu­tion par des acqui­si­tions ou la récep­tion de dons.
Son tra­vail con­siste prin­ci­pale­ment à faire con­naître le pat­ri­moine et à le faire vivre sans lui porter préju­dice en le préser­vant pour les généra­tions futures.
Le DJ fait de même. Il recherche des œuvres, les restau­re (pas tou­jours avec tal­ent) et les mets en valeur en les faisant écouter dans les milon­gas.
Par­fois, cer­tains déci­dent de jouer avec le pat­ri­moine en pas­sant des dis­ques d’époque. Cela n’a aucun intérêt d’un point de vue de la qual­ité du son et c’est très risqué pour les dis­ques, notam­ment les 78 tours qui devi­en­nent rares et qui sont très frag­iles. Si on veut vrai­ment faire du show, il est préférable de faire press­er des dis­ques noirs et de les pass­er à la place des orig­in­aux.
Bon, à force d’enfiler les idées comme des per­les, j’ai per­du le fil de ma canne à pêch­er les nou­veautés. Le DJ de tan­go, comme le con­ser­va­teur de musée avec ses vis­i­teurs, a le devoir de renou­vel­er l’intérêt des danseurs en leur pro­posant des choses nou­velles, ou pour le moins mécon­nues et intéres­santes.
Évidem­ment, cela n’est pas très facile dans la mesure où trou­ver des titres orig­in­aux demande un peu de tra­vail et notam­ment un goût assez sûr pour définir si une œuvre est bonne pour la danse, et dans quelles con­di­tions.
Enfin, ce n’est pas si dif­fi­cile si on fait sauter la lim­ite qui est de rester dans le genre tan­go. C’est la brèche dans laque­lle se sont engouf­fré un très fort pour­cent­age de DJ, encour­agés par des danseurs insuff­isam­ment for­més pour se ren­dre compte de la supercherie.
C’est comme si un con­ser­va­teur de musée d’art se met­tait à affich­er unique­ment des œuvres sans inten­tion artis­tique au détri­ment des œuvres ayant une valeur artis­tique probante.
Je pense par exem­ple à ces pro­duc­tions en série que l’on trou­ve dans les mag­a­sins de sou­venir du monde entier, ces chro­mos dégouli­nants de couleurs ou ces « stat­ues » en plas­tique ou résine. Sous pré­texte que c’est facile d’abord, on pour­rait espér­er voir des vis­i­teurs aus­si nom­breux que sur les stands des bor­ds de plage des sta­tions bal­néaires pop­u­laires.
Revenons au DJ de tan­go. Le par­al­lèle est de pass­er des musiques de var­iété, des musiques appré­ciées par le plus grand monde, des pro­duits mar­ket­ing matraqués par les radios et les télévi­sions, ou des musiques de film et qui, à force d’êtres omniprésentes, sont donc dev­enues famil­ières, voire con­sti­tu­tive des goûts des audi­teurs.
Je n’écris pas qu’il faut rejeter toutes les musiques, mais qu’avant de les faire entr­er dans le réper­toire du tan­go, il faut sérieuse­ment les étudi­er.
C’est assez facile pour les valses, car le Poum Tchi Tchi du rythme à trois temps avec le pre­mier temps mar­qué est suff­isam­ment por­teur pour ne pas désta­bilis­er les danseurs. Bien sûr, les puristes seront out­rés, mais c’est plus une (op)position de principe qu’une véri­ta­ble indig­na­tion.
Pour les autres rythmes, c’est moins évi­dent. Les zam­bas ou les boléros dan­sés en tan­go, c’est mal­heureuse­ment trop courant. Pareil pour les chamames, fox­trots et autres rythmes qui sont bougés en forme de milon­ga. Avec ces exem­ples, je suis resté dans ce qu’on peut enten­dre dans cer­taines milon­gas habituelles, mais, bien sûr, d’autres vont beau­coup plus loin avec des musiques n’ayant absol­u­ment aucun rap­port avec l’Amérique du Sud et les rythmes qui y étaient pra­tiqués.
Pour ma part, je cherche des per­les, mais je les cherche dans des enreg­istrements per­dus, oubliés, masqués par des ver­sions plus con­nues et dev­enues uniques, car peu de col­lègues font l’effort de puis­er dans des ver­sions moins faciles d’accès.
Vous aurez sans doute remar­qué, si vous êtes un fidèle de mes anec­dotes de tan­go, que je pro­pose de nom­breuses ver­sions. Sou­vent avec un petit com­men­taire qui explique pourquoi je ne passerais pas en milon­ga cette ver­sion, ou au con­traire, pourquoi je trou­ve que c’est injuste­ment lais­sé de côté.
Le DJ est donc, à sa façon un pêcheur de per­les, mais son tra­vail ne vaut que s’il est partagé et respectueux des par­tic­u­lar­ités du tan­go, cette cul­ture, riche en per­les.
Bon, je ren­tre dans ma coquille pour me pro­téger des réac­tions que cette anec­dote risque de provo­quer…

Ces réac­tions n’ont pas man­qué, quelques répons­es ici…

Tango ou pas tango ?

Une réac­tion de Jean-Philippe Kbcoo m’incite à dévelop­per un peu ce point.

“Les pêcheurs de per­les” classés en alter­natif !!!! Wouhaaa ! Quelle bril­lan­tis­sime audace ! Sur la dans­abil­ité, je le trou­ve net­te­ment plus inter­prétable qu’un bon Gardel, pour­tant classé dans les tan­gos purs et durs, non ? En tout cas, mer­ci de cet arti­cle à la phy­logéné­tique très inat­ten­due 🙂

Il est sou­vent assez dif­fi­cile de faire com­pren­dre ce qui fait la dans­abil­ité d’une musique de tan­go.
J’ai fait un petit arti­cle sur le sujet il y a quelques années : https://dj-byc.com/les-styles-du-tango/
Il est fort pos­si­ble qu’aujourd’hui, je n’écrirai pas la même chose. Cepen­dant, Gardel n’a jamais été con­sid­éré comme étant des­tiné à la danse. Le tan­go a divers aspects et là encore, pour sim­pli­fi­er, il y a le tan­go à écouter et le tan­go à danser.
Les deux relèvent de la cul­ture Tan­go, mais si les fron­tières sem­blent floues aujourd’hui, elles étaient par­faite­ment claires à l’époque. C’était inscrit sur les dis­ques…
Gardel, pour y revenir, avait sur ses dis­ques la men­tion :
“Car­los Gardel con acomp. de gui­tar­ras” ou “con la orques­ta Canaro”, par exem­ple.
Les tan­gos de danse étaient indiqués :
“Orques­ta Juan Canaro con Ernesto Famá”
Dans le cas de Gardel, qui ne fai­sait pas de tan­gos de danse, on n’a, bien sûr, pas cette men­tion. Cepen­dant, pour repren­dre Famá et Canaro, il y a eu aus­si des enreg­istrements des­tinés à l’écoute et, dans ce cas, ils étaient notés :
“Ernesto Famá con acomp. de Fran­cis­co Canaro”.
Dans le cas des enreg­istrements de Sas­sone, ils sont tardifs et ces dis­tinc­tions n’étaient plus de rigueur.
Toute­fois, le fait qu’ils aient été arrangés par des com­pos­i­teurs de musette ou de tan­go alle­mand, Oth­mar Klose et Rudi Luksch, ce qui est très net dans la ver­sion de 1968, fait que ce n’est pas du tan­go argentin au sens strict, même si le tan­go musette est l’héritier des bébés tan­gos lais­sés par les Argentins comme les Gobi ou les Canaro en France.
Je con­firme donc qu’au sens strict, ces enreg­istrements de Sas­sone ne relèvent pas du réper­toire tra­di­tion­nel du tan­go et qu’ils peu­vent donc être con­sid­érés comme alter­nat­ifs, car pas accep­tés par les danseurs tra­di­tion­nels.
Bien sûr, en Europe, où la cul­ture tan­go a évolué de façon dif­férente, on pour­rait plac­er la lim­ite à un autre endroit. La ver­sion de 1968 n’est pas du pur musette et peut donc être plus facile­ment assim­ilée. Celle de 1971 cepen­dant, est dans une tout autre dimen­sion et ne présente aucun intérêt pour la danse de tan­go.
On notera d’ailleurs que, sur le disque de 1971 réédité en CD en 1998, il y a la men­tion « Tan­go inter­na­tion­al » et que les titres sont classés en deux caté­gories :
« Tan­gos europeos et norteam­er­i­canos » et « Melo­dias japone­sas ».

Le CD de 1998 reprenant les enreg­istrements de 1971 est très clair sur le fait que ce n’est pas du tan­go argentin.

Cette men­tion de « Tan­go inter­na­tion­al » est à met­tre en par­al­lèle avec d’autres dis­ques des­tinés à un pub­lic étranger et éti­quetés « Tan­go for export ». C’est à mon avis un élé­ment qui classe vrai­ment ce titre hors du champ du tan­go clas­sique.
Cela ne sig­ni­fie pas que c’est de la mau­vaise musique ou que l’on ne peut pas la danser. Cer­tains sont capa­bles de danser sur n’importe quoi, mais cette musique ne porte pas cette danse si par­ti­c­ulière qu’est le tan­go argentin.

Cela n’empêche pas de la pass­er en milon­ga, en con­nais­sance de cause et, car cela fait plaisir à cer­tains danseurs. Il ne faut jamais dire jamais…

Une suggestion d’une collègue, Roselyne Deberdt

Mer­ci à Rose­lyne pour cette propo­si­tion qui per­met de met­tre en avant une autre ver­sion française.

Les pêcheurs de per­les 1936 — Tino Rossi Accom­pa­g­né par l’Orchestre de Mar­cel Cariv­en. Disque Colum­bia France (label rouge) BF-31. Numéro de matrice CL5975‑1.

Sur la face B du disque, La berceuse de Joce­lyn. Joce­lyn est un opéra du com­pos­i­teur français Ben­jamin Godard, créé en 1888 avec un livret d’Ar­mand Sylvestre et Vic­tor Capoul. Il est inspiré du roman en vers éponyme de Lamar­tine. Cepen­dant, même si la voix de Tino est mer­veilleuse, ce thème n’a pas sa place en milon­ga, mal­gré ses airs de de “Petit Papa Noël”…
N’oublions pas que Tino Rossi a chan­té plusieurs tan­gos, dont le plus beau tan­go du monde, mais aus­si :

  • C’est à Capri
  • C’é­tait un musi­cien
  • Écris-Moi
  • Le tan­go bleu
  • Le tan­go des jours heureux
  • Tan­go de Mar­ilou

Et le mer­veilleux, Vous, qu’avez-vous fait de mon amour ?, que je rajoute pour le plaisir ici :

Vous, qu’avez-vous fait de mon amour ? 1933-11-09 — Tino Rossi Accomp. Miguel Orlan­do et son Orchestre du Bag­dad.

Le Bag­dad était à Paris au 168, rue du Faubourg Saint-Hon­oré. Miguel Orlan­do était un ban­donéon­iste argentin, importé par Fran­cis­co Canaro à Paris et grand-oncle de notre ami DJ de Buenos Aires, Mario Orlan­do… Le monde est petit, non ?

Misa criolla y Navidad nuestra — Ariel Ramírez, Los Fronterizos y la Cantoría de la Basílica del Socorro

Ariel Ramírez Letra: Felix Luna

N’ayant pas de tan­go enreg­istré un 25 décem­bre, je vous pro­pose de nous intéress­er à une des com­po­si­tions les plus célèbres d’Argentine, la Misa criol­la.
On par­le de Misa criol­la, mais en le faisant on risque d’occulter la face B du disque qui com­porte une autre com­po­si­tion d’Ariel Ramírez et Felix Luna, Navi­dad nues­tra. C’est cette œuvre qui est de cir­con­stance en ce 25 décem­bre 2024, 60 ans après sa créa­tion.
Ce fut mon pre­mier disque, offert par ma mar­raine, j’ai donc une affec­tion par­ti­c­ulière pour ces deux œuvres.

Misa criolla et Navidad nuestra – Extraits musicaux

Ariel Ramírez s’est inspiré de rythmes tra­di­tion­nels de son pays (mais pas que) pour com­pos­er les cinq œuvres qui com­posent la Misa criol­la (Face A) et les six qui con­stituent Navi­dad nues­tra (Face B).
J’ai ajouté quelques élé­ments sonores en illus­tra­tion. Ils ne sont pas précédés de la let­tre A ou B qui sont réservées aux faces A et B du disque d’origine.

À gauche, le disque sor­ti en Argen­tine en 1965. cette cou­ver­ture restera la même pour les édi­tions argen­tines ultérieures. Au cen­tre, une édi­tion française. Elle utilise l’il­lus­tra­tion de la pre­mière édi­tion (1964) et qui a été éditée en Nou­velle-Zélande. Mon disque por­tait cette illus­tra­tion et pas celle de l’édition argen­tine, postérieure d’un an.

Misa criolla

A1: Misa Criol­la — Kyrie — Vidala-Baguala La vidala et la baguala sont deux expres­sions chan­tées du Nord-Ouest de l’Argentine accom­pa­g­nées d’une caja.
Une caja qui accom­pa­gne le chant de la Videla et de la baguala.
Baguala Con mi caja can­tar quiro.

On recon­naît la caja qui est frap­pée sur un rythme ter­naire, mais seule­ment sur deux des trois temps, créant ain­si un temps de silence dans la per­cus­sion.
Cela donne une dimen­sion majestueuse à la musique. Ariel Ramírez utilise ce rythme de façon par­tielle. On l’entend par exem­ple dans le pre­mier chœur, dans les silences du chant.

A2: Misa Criol­la — Glo­ria — Car­naval­i­to-Yar­avi.

Pour créer un thème en con­traste, Ariel Ramírez utilise deux rythmes dif­férents, égale­ment du Nord-Ouest. Le car­naval­i­to allè­gre et enjoué et le yar­avi, plus calme, très calme, fait de longues phras­es. Le yar­avi est triste, car util­isé dans les rites funéraires. Il s’oppose donc au car­naval­i­to, qui est une danse de groupe fes­tive. Vous recon­naîtrez facile­ment les deux rythmes à l’écoute.

A3: Misa Criol­la — Cre­do — Chacar­era Trun­ca.

Vous recon­naîtrez facile­ment le rythme de la chacar­era. Ici, une chacar­era sim­ple à 8 com­pas­es. Même si elle est trun­ca, vous pour­riez la danser, la trun­ca est juste une dif­féren­ci­a­tion d’accentuation des temps. Ariel Ramírez, cepen­dant, ne respecte pas la pause inter­mé­di­aire, il préfère don­ner une con­ti­nu­ité à l’œuvre.

A4: Misa Criol­la — Sanc­tus — Car­naval Cochabam­bi­no.

Encore un rythme cor­re­spon­dant à une danse fes­tive, même si Ariel Ramírez y inter­cale des pas­sages d’inspiration plus religieuse. On notera que cette forme de car­naval n’est pas argen­tine, mais bolivi­enne.

A5: Misa Criol­la — Agnus Dei — Esti­lo Pam­peano.

Le Esti­lo n’est pas exacte­ment un rythme par­ti­c­uli­er, car il mélange plusieurs gen­res. C’est une expres­sion de la pam­pa argen­tine. Après le motif du départ en intro­duc­tion, on remar­que une inspi­ra­tion du Yar­avi. Le clavecin d’Ariel Ramírez apporte une légèreté dans les tran­si­tions.

Navidad nuestra

Com­mence ici la face B et une autre œuvre, con­sacrée à la nais­sance de Jésus, de l’annonciation à la fuite en Égypte.

B1: Navi­dad Nues­tra — La Anun­ciación – Chamame.

Le chamame, cette danse joyeuse et fes­tive, jouée à l’accordéon, est typ­ique de la province de Cor­ri­entes. Cer­tains danseurs européens s’évertuent à danser en milon­ga…

Par­ti­tion de La Anun­ciación, pre­mier thème de la Navi­dad nues­tra.
Milon­ga para as mis­sões — Rena­to Borghet­ti. Oui, c’est un chamamé, pas une milon­ga…
B2: Navi­dad Nues­tra — La Pere­gri­nación — Huel­la Pam­peana.

La huel­la est une danse asso­ciant des tours, des voltes et des zap­ateos, ce qui rap­pellera un peu la chacar­era ou le gato.
La Pere­gri­nación racon­te la quête par Jose et Maria (Joseph et Marie) d’un endroit pour la nais­sance de Jésus. Ils sont dans la pam­pa gelée, au milieu des chardons et orties. Je vous donne en prime la mer­veilleuse ver­sion de la Negra (Mer­cedes Sosa).

La Pere­gri­nación — Mer­cedes Sosa.
B3: Navi­dad Nues­tra — El Nacimien­to — Vidala Cata­mar­que­na.

On retrou­ve le rythme calme de la vidala pour annon­cer la nais­sance.
Je vous pro­pose les paroles ci-dessous.

B4: Navi­dad Nues­tra — Los Pas­tores — Chaya Rio­jana.

Là, il ne s’agit pas d’une musique tra­di­tion­nelle, mais d’une fête qui a lieu à la Rio­ja. La Chaya est une belle Indi­enne qui tombe amoureuse d’un jeune homme coureur de jupons. Celui-ci ignore la belle qui ira s’exiler dans les mon­tagnes. Pris de remords, il décide de la retrou­ver et, finale­ment, il ren­tre à la Rio­ja, se saoule et brûle vif dans un poêle. Tous les ans, la fête célèbre l’extinction du jeune homme en feu avec les larmes de Chaya.
Aujourd’hui, cette anci­enne fête est plutôt un fes­ti­val de folk­lore où se suc­cè­dent dif­férents orchestres.

B5: Navi­dad Nues­tra — Los Reyes Magos – Taki­rari.

Le Taki­rari est une danse bolivi­enne qui a des par­en­tés avec le car­naval­i­to. Les danseurs saut­ent, se don­nent le coude et tour­nent en ronde. C’est donc une musique joyeuse et vive.

B6: Navi­dad Nues­tra — La Hui­da — Vidala Tucumana.

Encore une vidala qui imprime son rythme triste. On sent les pas lourds de l’âne qui mène Marie et Jésus en Égypte. La musique se ter­mine par un decrescen­do qui pour­rait simuler l’éloignement de la fuite.

Voilà, ici se ter­mine notre tour de la Misa criol­la et de la Navi­da nues­tra. On voit que, con­traire­ment à ce qui est générale­ment affir­mé, seuls quelques rythmes du folk­lore argentin sont présen­tés et que deux thèmes sont d’inspiration bolivi­enne.

À propos des paroles

En Argen­tine, qui n’est pas un pays laïque, la reli­gion est impor­tante. Je devrais dire les reli­gions, car, si le catholi­cisme des Espag­nols est impor­tant, il me sem­ble que les évangélistes sont bien plus présents si on en juge par le nom­bre d’églises évangélistes. Les autres reli­gions monothéistes sont égale­ment bien représen­tées dans ce pays qui a accueil­li en masse les juifs chas­sés d’Europe et les nazis. Cette œuvre a d’ailleurs été écrite à la suite du témoignage de deux sœurs alle­man­des ren­con­trées à Würzburg et qui lui ont con­té les hor­reurs de la Sec­onde Guerre mon­di­ale.
On note aus­si en Argen­tine divers­es reli­gions, ou plutôt cultes, comme celui du Gau­chi­to Gil, de Difun­ta Cor­rea ou tout sim­ple­ment de foot­balleurs comme Maradona.
Les paroles de Felix Luna ont été écrites à par­tir de textes liturgiques révisés par Anto­nio Osval­do Cate­na, Ale­jan­dro May­ol et Jesús Gabriel Segade, trois prêtres, dont le dernier était aus­si le directeur de la Can­to­ria de la Basíli­ca del Socor­ro qui a enreg­istré la pre­mière ver­sion avec Ariel Ramírez.
À ce sujet, ce chœur, le deux­ième plus ancien d’Argentine, est en péril à la suite de la perte de son finance­ment. La cul­ture n’est plus à la mode en Argen­tine. Leur dernier con­cert a eu lieu il y a une dizaine de jours pour les 60 ans de la Misa criol­la. Ils recherchent un spon­sor. Si vous avez des pistes, vous pou­vez écrire à panella.giovanni85@gmail.com.

La troupe de la Mis­sa criol­la a fait une tournée en Europe en 1967. L’af­fiche du dernier con­cert de la Can­to­ria de la Basíli­ca del Socor­ro pour les 60 ans de l’œuvre.

Paroles (Navidad Nuestra — El Nacimiento — Vidala Catamarquena)

Noche anun­ci­a­da, noche de amor
Dios ha naci­do, péta­lo y flor
Todo es silen­cio y serenidad
Paz a los hom­bres, es Navi­dad

En el pese­bre mi Reden­tor
Es men­sajero de paz y amor
Cuan­do son­ríe se hace la luz
Y en sus brac­i­tos crece una cruz

(Ánge­les can­ten sobre el por­tal)
Dios ha naci­do, es Navi­dad

Esta es la noche que prometió
Dios a los hom­bres y ya llegó
Es Nochebue­na, no hay que dormir
Dios ha naci­do, Dios está aquí
Ariel Ramírez Letra: Felix Luna

Traduction libre de Navidad Nuestra — El Nacimiento — Vidala Catamarquena

Nuit annon­cée, nuit d’amour.
Dieu est né, pétale et fleur.
Tout n’est que silence et sérénité.
Paix aux hommes, c’est Noël
Dans la crèche, mon Rédemp­teur est un mes­sager de paix et d’amour.
Quand il sourit, il y a de la lumière et une croix pousse dans ses bras.
(Les anges chantent au-dessus de la porte), Dieu est né, c’est Noël
C’est la nuit que Dieu a promise aux hommes et elle est déjà arrivée.
C’est la veille de Noël, il ne faut pas dormir, Dieu est né, Dieu est là.

À propos de la première version de la Misa criolla et de Navidad nuestra

Il y a de très nom­breuses ver­sions de la Misa criol­la et de Navi­dad nues­tra. Je vous pro­pose unique­ment de mieux con­naître la ver­sion ini­tiale, celle qui a été enreg­istrée en 1964.

L’orchestre

Ariel Ramírez: Direc­tion générale, piano et clavecin.
Jaime Tor­res: cha­rango.
Luis Amaya, Juanci­to el Pere­gri­no et José Med­i­na: gui­tare criol­la.
Raúl Bar­boza: accordéon pour le chamame «La anun­ciación».
Alfre­do Remus: con­tre­basse
Domin­go Cura: per­cus­sions.
Chango Farías Gómez: bom­bo et acces­soires de per­cus­sion.

Les chanteurs

Les qua­tre chanteurs de Los Fron­ter­i­zos (Ger­ar­do López, Eduar­do Madeo, César Isel­la et Juan Car­los Moreno): chanteurs solistes.
Can­toría de la Basíli­ca del Socor­ro: chœur
Jesús Gabriel Segade: directeur de la Can­toría.

De gauche à droite. La Negra (Mer­cedes Sosa, qui a beau­coup tra­vail­lé avec Ariel Ramírez), Felix Luna (auteur des paroles) et Ariel Ramírez (com­pos­i­teur) au piano et en por­trait à droite.

À bien­tôt les amis. Je vous souhaite de joyeuses fêtes et un monde de paix où tous les humains pour­ront chanter et danser pour oubli­er leurs trist­esses et exprimer leurs joies.

PS : Gérard Cardonnet a fait le commentaire suivant et je trouve cela très intéressant :

« Excel­lent, Bernar­do. Mais s’agis­sant de messe, quand on par­le de com­pos­i­teurs argentins, com­ment ne pas citer la “Misa a Buenos Aires”, dite Mis­a­tan­go, de Mar­tin Palmeri. https://www.choeurdesabbesses.fr/…/la-misatango-de…/ »
Voilà, main­tenant, c’est écrit.

Et comme de bien entendu, j’en rajoute une petite couche avec la réponse :

« Gérard, comme tu l’as remar­qué, c’était plutôt Navi­dad nues­tra qui était d’actualité, Noël étant lié à la nais­sance. J’ai d’ailleurs mis en avant El nacimien­to en en men­tion­nant les paroles.
Pour ce qui est de la Mis­a­tan­go, elle fait claire­ment référence à Piaz­zol­la. Mon pro­pos était de chang­er l’éclairage sur l’Argentine pour par­ler des musiques tra­di­tion­nelles. C’est promis, un de ces jours je met­trais les pieds dans le Piaz­zol­la.
La Mis­a­tan­go est une œuvre superbe. Tu la cites avec beau­coup de rai­son.
J’aurais aus­si pu par­ler de tan­gos de sai­son avec quelques titres qui évo­quent les fêtes de fin d’année comme :
Pour Noël
Nochebue­na
Ben­di­ta nochebue­na
Feliz nochebue­na
El vals de nochebue­na
Navi­dad
Feliz Navi­dad
Navi­dad de los morenos
Can­dombe en Navi­dad
Pour le Jour de l’an
Año nue­vo
Pour les Rois mages (6 jan­vi­er)
Noche de reyes
Un rega­lo de reyes
6 de enero (6 jan­vi­er, jour des Rois mages).
Papa Bal­tasar »

Me vuelves loco (You’re driving me crazy) 1931-11-02 (Fox-Trot) — Orquesta Adolfo Carabelli con Alberto Gómez (Nico)

Walter Donaldson Letra: Francisco Antonio Lío

En Europe, il y a une éton­nante cou­tume qui con­siste à danser la milon­ga sur n’importe quel rythme ; Chamame, pol­ka et même fox-trot. Il est prob­a­ble que cette cou­tume vient d’une mécon­nais­sance par cer­tains DJ de la var­iété des orchestres de tan­go qui pour beau­coup ont enreg­istrée, out­re des tan­gos (valses et milon­gas), des titres de Jazz (par exem­ple des fox-trot). De toute bonne foi, ils ont pro­posé ces airs, pen­sant qu’il s’agissait de milon­gas. Comme les danseurs n’étaient pas très fam­i­liers avec le rythme de la milon­ga, ils ont rebon­di sur la propo­si­tion et, désor­mais, c’est devenu une habi­tude bien ancrée que de danser ces dans­es dans un sim­u­lacre de milon­ga.
Cela dit, le fox-trot est une superbe musique, ludique et joyeuse, et il serait dom­mage de s’en pass­er. Alors, même si vous la dansez en « milon­ga », le prin­ci­pal est de se faire plaisir.
Le plus con­nu des fox-trots util­isés comme milon­ga est sans doute La cole­giala de Rodriguez, notam­ment la ver­sion du 23 mars 1938. Notre fox-trot du jour est moins con­nu, mais assez sym­pa­thique, comme vous allez pou­voir en juger. Je ne dis pas qu’il fera une milon­ga for­mi­da­ble, mais assuré­ment un excel­lent fox-trot…

Extrait musical

Me vuelves loco (You’re dri­ving me crazy) 1931-11-02 (Fox-Trot) — Orques­ta Adol­fo Cara­bel­li con Alber­to Gómez (Nico).
Par­ti­tion de Me vuelves loco des édi­tions Julio Korn à gauche et de You’re dri­ving me crazy (What did I do?) à droite des édi­tions Fran­cis Day & Hunter.

Paroles

Pour une fois, je ne vais pas explor­er les paroles, car chaque ver­sion est dif­férente et je vais donc présen­ter seule­ment quelques extraits.
Pour com­mencer, le titre d’origine.

Paroles en anglais

You’re Dri­ving Me Crazy (What Did I Do?)

You left me sad and lone­ly
Why did you leave me lone­ly
For here’s a heart that’s only
For nobody but you
I’m burn­ing like a flame, dear
Oh, I’ll nev­er be the same, dear
I’ll always place the blame, dear
On nobody but you
Yes, you, you’re dri­ving me crazy
What did I do? What did I do?
My tears for you make every­thing hazy
Cloud­ing the skies of blue
How true were the friends who were near me
To cheer me, believe me, they knew
But you were the kind who would hurt me
Desert me when I need­ed you
Yes, you, you’re dri­ving me crazy
What did I do to you
Wal­ter Don­ald­son

Traduction libre de la version originale en anglais

Tu m’as lais­sé triste et seul
Pourquoi m’as-tu lais­sé seul
Car voici un cœur qui n’est
Pour per­son­ne d’autre que vous
Je brûle comme une flamme, ma chère
Oh, je ne serai plus jamais le même, ma chère
Je met­trai tou­jours le blâme, ma chère
Sur per­son­ne d’autre que vous
Oui, toi, tu me rends fou
Qu’est-ce que j’ai fait ? Qu’est-ce que j’ai fait ?
Mes larmes pour toi ren­dent tout brumeux
Met­tant des nuages dans le ciel bleu
Comme les amis qui étaient près de moi étaient sincères
Pour m’en­cour­ager, crois-moi, ils savaient
Mais tu étais du genre à me faire du mal
Tu m’abandonnas quand j’avais besoin de toi
Oui, toi, tu me rends fou
Qu’est-ce que je t’ai fait ?

Quelques extraits des différentes versions en espagnol

Les paroles de Fran­cis­co Anto­nio Lío ont été, comme tou­jours, util­isées en par­tie par les orchestres. N’ayant pas trou­vé de ver­sion imprimée, je vous pro­pose des bribes extraites des dif­férentes ver­sions.

Me vuelves loco nena, con tus capri­chos vanos.
Tienes que ser más bue­na para mi corazón. […]
Bien sabes que te quiero y en cam­bio tú, queri­da _ me das dolor. Todo mi afán, es amarte con loco _ con fe y devo­ción. […]
Loco de tan­to ado­rarte nena, ya estoy por ti. […]
Por ti estoy trastor­na­do y no hay razón para sufrir
Por tu des­dén tan­tas desven­turas hay dime que si mi amor el car­iño que yo te pro­fe­so es dicha y pasión
Mi afán es amarte con loco embe­le­so y devo­ción
Loco de tan­to ado­rarte nena ya estoy por ti.

Wal­ter Don­ald­son Letra: Fran­cis­co Anto­nio Lío

Traduction libre des extraits en espagnol

Tu me rends fou, bébé, avec tes vains caprices.
Tu devrais être plus gen­tille avec mon cœur.
Tu sais bien que je t’aime et en revanche, toi, chère °°°°°°°°, tu me donnes de la peine.
Tout mon empresse­ment est de t’aimer avec une folle °°°°°°°°, avec foi et dévo­tion.
Fou de t’ador­er autant bébé, je le suis déjà pour toi.
Pour toi je suis dérangé et il n’y a pas de rai­son de souf­frir.
Par ton dédain il y a tant de mal­heurs dis-moi que si mon amour, l’af­fec­tion que je pro­fesse pour toi est joie et pas­sion.
Mon empresse­ment est de t’aimer avec un fou ravisse­ment et de la dévo­tion.
Fou de tant t’ador­er bébé, je le suis déjà pour toi.

°°°°°°°° indique des mots que je n’ai pas iden­ti­fiés.

Autres versions

En 1930 Wal­ter Don­ald­son com­pose et écrit les paroles de You’re dri­ving me crazy qui sera dan­sé et inter­prété par Fred et Adèle Astaire dans la comédie musi­cale « Smiles ».
Le titre est un suc­cès et est repris par dif­férents artistes. D’abord en anglais, puis, dans d’autres pays, comme l’Argentine. Voici quelques-unes des très nom­breuses ver­sions de ce fox-trot qui est con­nu sous dif­férents noms, tra­duc­tion plus ou moins approx­i­ma­tive de You’re dri­ving me crazy.

Fred et Adele (sa sœur aînée) Astaire dans « Smiles » Pho­to de Hal Phyfe (1930). C’est en effet dans cette comédie musi­cale de Flo­renz Ziegfeld Jr. que le titre est devenu célèbre.
You’re dri­ving me crazy 1930 — The New York Twelve.
You’re dri­ving me crazy (What did I do) 1930 — Lee Morse.

What did I do qui est répété trois fois dans la ver­sion anglaise est devenu le sous-titre de l’œuvre.

You’re dri­ving me crazy! 1930-12-23 — Louis Arm­strong and His Sebas­t­ian New Cot­ton Club Orches­tra avec Les Hite’s Orches­tra.

L’enregistrement a été réal­isé à Los Ange­les le 23 décem­bre 1930 en réu­nis­sant l’orchestre de Louis Arm­strong et celui de Les Hite. Jugez de la qual­ité des musi­ciens qui com­posent ce grand orchestre de jazz.
Ban­jo : Bill Perkins
Basse : Joe Bai­ley
Per­cus­sion : Lionel Hamp­ton
Gui­tare : Bill Perkins
Piano : Jim­mie Prince
Direc­tion de l’orchestre et sax­o­phone alto et bary­ton : Les Hite
Sax­o­phone alto : Mar­vin John­son
Sax­o­phone Tenor: Char­lie Jones
Trom­bone : Luther “Son­ny” Craven
Trompette : George Oren­dorf
Trompette : Harold Scott
Trompette et chant : Louis Arm­strong

You’re dri­ving me crazy de Luis Arm­strong enreg­istré à Los Ange­les, 23 Décem­bre 1930. Édi­tion anglaise chez Par­lophone.

En 1931, le titre qui est un suc­cès en Argen­tine, est enreg­istré par dif­férents orchestres, avec des paroles de Fran­cis­co Anto­nio Lío.

Me vuelves loco (You’re dri­ving me crazy) 1931-11-02 — Orques­ta Adol­fo Cara­bel­li con Alber­to Gómez (Nico). C’est notre Fox­trot du jour.
Me estas enlo­que­cien­do 1931-11-17 — Osval­do Frese­do con Car­los Viván.
Me vuelves loco (You’re dri­ving me crazy) 1931-11-21 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Char­lo.
Me vuelves loco 1931-11-21 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Char­lo (qui n’est pas men­tion­né sur le disque…)
Me estás enlo­que­cien­do 1932 — Sex­te­to Car­los Di Sar­li con Mer­cedes Carné.

Même Di Sar­li a enreg­istré des fox-trots…

Me vuelves loco — Fran­cis­co Canaro et Aldo Mai­et­ti.

Aldo Mai­et­ti est le représen­tant du tan­go ital­ien. Il est venu à Buenos Aires et il était ami avec Canaro. Cet enreg­istrement de 1932 les réu­nit pour une ver­sion instru­men­tale.

Aldo Mai­et­ti surnom­mé El rey del tan­go ital­iano a com­posé plusieurs cen­taines de tan­gos qui ont été inter­prétés, par exem­ple, par l’orchestre de Orchestre Piero Trom­bet­ta. Par­mi ses com­po­si­tions, on peut citer, Alma porteña (à ne pas con­fon­dre avec le tan­go de même nom com­posé par Vicente Gre­co avec des paroles de Julián Porteño et encore moins avec la milon­ga de Anto­nio Poli­to avec des paroles de Fran­cis­co Laino, Ami­co tan­go, Canaria, Lagri­mas per­di­das et Tris­teza en la pam­pa.

Par­mi ses com­po­si­tions, on peut citer, Alma porteña (à ne pas con­fon­dre avec le tan­go de même nom com­posé par Vicente Gre­co avec des paroles de Julián Porteño et encore moins avec la milon­ga de Anto­nio Poli­to avec des paroles de Fran­cis­co Laino, Ami­co tan­go, Canaria, Lagri­mas per­di­das et Tris­teza en la pam­pa.

Le jazz

En Argen­tine, le jazz a ren­con­tré égale­ment du suc­cès, même si l’explosion du tan­go l’a estom­pé.
Dans les bals, il y avait sou­vent deux orchestres. Un pour le tan­go et un pour le jazz. Cer­tains chefs d’orchestre ont décidé de se lancer dans les domaines, comme Cara­bel­li, Canaro, Frese­do, Rodriguez et bien d’autres.

El Mun­do du dimanche 1er octo­bre de 1944. On voit que, pour presque tous les événe­ments, en plus de l’orchestre de tan­go (entouré), il y a le nom d’un sec­ond orchestre, un orchestre de jazz.

Les années folles ont don­né nais­sance au jazz et au tan­go, gen­res qui trou­veront leur plein développe­ment dans les années 30–40.
Le fox-trot est une danse de cou­ple. Con­traire­ment au tan­go, il y a peu d’improvisation et les déplace­ments sont cod­i­fiés. Cela pour­rait ren­dre la danse un peu monot­o­ne, mais la musique est si entraî­nante et joueuse que l’on ne s’ennuie pas en le dansant.
Voici un exem­ple, un peu atyp­ique, mais d’époque. Il s’agit d’un extrait du court-métrage sué­dois Tan­go-Fox­trot de 1930. On y voit deux danseurs, Bri­ta Appel­gren et Mis­ter Alber­to le danser avec la musique de Helge Lind­berg et son orchestre (Helge Lindberg’s Poly­fonorkester). Le chanteur est Steinar Jøraand­stad.
C’est un des nom­breux témoignages de l’universalité des musiques, en Amérique et Europe.

Extrait du court-métrage sué­dois Tan­go-Fox­trot de 1930. On y voit deux danseurs, Bri­ta Appel­gren et Mis­ter Alber­to, le danser avec la musique de Helge Lind­berg et son orchestre (Helge Lindberg’s Poly­fonorkester). Le chanteur est Steinar Jøraand­stad.

La prochaine fois que vous enten­drez un fox-trot dans un bal, peut-être aurez-vous envie de le danser en fox-trot…
À bien­tôt, les amis.

Bajo el cono azul 1944-02-29 (Tango) Alfredo De Angelis con Floreal Ruiz y glosas de Néstor Rodi

Alfredo De Angelis Letra : Carmelo Volpe

Le cono azul cache une his­toire triste, mais vécue par des mil­liers de jeunes Français­es. Le tan­go du jour Bajo et cono azul a été enreg­istré par De Ange­lis et Flo­re­al Ruiz, il y a exacte­ment 80 ans, le 29 févri­er 1944.

Comme il y a peu de 29 févri­er, seule­ment les années bis­sex­tiles, on pou­vait crain­dre qu’il soit dif­fi­cile de trou­ver un enreg­istrement du jour. La richesse des enreg­istrements de tan­go, même si ce n’est qu’un faible pour­cent­age de ce qui a été joué per­met de vous présen­ter cette per­le.

Dedi­co esta nota a mi queri­da cuña­da Mar­ta cuyo cumpleaños es hoy.
Ella tiene suerte (o mala suerte) de cumplir solo cada cua­tro años).

La triste histoire de Susú et autres grisettes

La France, et notam­ment Paris, a été un réser­voir inépuis­able de femmes pour l’Argentine et notam­ment Buenos Aires. De beaux Argentins fai­saient de belles promess­es aux belles Français­es. Ces dernières, à la recherche du soleil (celui du dra­peau de Manuel Bel­gra­no ou tout sim­ple­ment celui du ciel aus­tral), font leur mai­gre bagage et se retrou­vent au sein du rêve portègne.
Las, là, les promess­es se changent en trahi­son et les belles, dans le meilleur des cas devi­en­nent « grisettes », à faire des œuvres de cou­ture, mais beau­coup se retrou­vent dans les bor­dels, à danser et à se livr­er à d’autres activ­ités usuelles dans ce genre d’endroit.
On imag­ine leur détresse. C’est ce qui est arrivé à la Susú de ce tan­go, comme à tant d’autres qui ont inspiré des dizaines de tan­gos émou­vants.
Le point orig­i­nal de ce tan­go est que le nar­ra­teur con­nais­sait et prob­a­ble­ment aimait (il s’interroge sur ce point) Susú à Paris et qu’il l’a suiv­ie quand elle est par­tie avec son « amour ».
Aujourd’hui, vingt ans et « un amour » plus tard, elle con­tin­ue de danser, mais elle qui se rêvait papil­lon, s’est brûlé les ailes à la chaleur de la lumière du pro­jecteur et pleure dans l’ombre du salon où s’écrit jour après jour son mal­heur.
Écou­tons à présent ce thème qui unit Paris et le Cono sur (le cône du Sud), par­tie inférieure et tri­an­gu­laire de l’Amérique latine.

Extrait musical

Bajo el cono azul 1944-02-29 (Tan­go) — Orques­ta Alfre­do De Ange­lis con Flo­re­al Ruiz y glosas de Nés­tor Rodi.
L’in­tro­duc­tion par­lée dure 13 sec­on­des…

Un cer­tain nom­bre de tan­gos ont été enreg­istrés avec des paroles dites, générale­ment en début de musique. C’est le cas de ce tan­go ou ces glosas dites par Nés­tor Rodi dévoilent la tristesse du thème.
La musique de De Ange­lis est ryth­mée et tonique et la voix de Flo­re­al Ruiz, est égale­ment bien mar­quée. Je ne sais pas si c’est pour cela qu’il a pris le surnom de Car­los Mar­tel. C’était peut-être aus­si en hom­mage au plus fameux des Car­los du tan­go.

Les paroles

Bajo el cono azul de luz
bai­lan­do está Susú
su dan­za noc­tur­nal…
Sola, en medio del salón
se oprime el corazón
cansa­da de su mal…
Veinte años y un amor,
y luego la traición
de aquel que amó en París…
¡Mari­posa que al quer­er lle­gar al sol
sólo encon­tró
la luz azul de un reflec­tor!…

Bajo el cono azul
envuelta en el tul
gira tu silue­ta en el salón.
Y yo, des­de aquí
como allá, en París,
Sueño igual que ayer, otra ilusión…
No sé si te amé…
Aca­so lloré
cuan­do te ale­jaste con tu amor…
¡Triste recor­dar!
¡Sigue tu dan­zar!…
Yo era sólo un pobre soñador…

Bajo el cono azul de luz
no baila ya Susú
su dan­za noc­tur­nal…
En las som­bras del salón
sol­loza un corazón
su mal sen­ti­men­tal…
Veinte años y un amor,
que en alas de ilusión
la tra­jo de París…
¡Mari­posa que al quer­er lle­gar al sol
sólo encon­tró
la luz de un reflec­tor! …

Alfre­do De Ange­lis Letra: Carme­lo Volpe. La par­tie en italique n’est pas chan­tée par Flo­re­al Ruiz. Il reprend pour ter­min­er le refrain à par­tir de No sé si te amé…

La traduction des paroles

Les paroles sont intéres­santes, mais sujettes à erreurs d’interprétation. J’ai donc décidé de faire une tra­duc­tion en français. Avec la tra­duc­tion automa­tique du site, vous l’aurez dans une éventuelle autre langue par­mi les 50 pos­si­bles.

Sous le cône de lumière bleu, Susu danse sa danse noc­turne…
Seule au milieu du salon, le cœur oppressé, fatiguée de son mal…
Vingt ans et un amour, et puis la trahi­son de celui qu’elle aimait à Paris…
Papil­lon qui veut attein­dre le soleil ne trou­ve que la lumière bleue d’un pro­jecteur !
(réflecteur, mais pour faire un cône de lumière il vaut mieux un pro­jecteur…)

Sous le cône bleu, envelop­pée de tulle, vire­volte ta sil­hou­ette dans le salon.
Et moi, depuis ici comme là-bas, à Paris, je rêve comme hier, une autre illu­sion…
Je ne sais pas si je t’aimais…
J’ai peut-être pleuré quand tu es par­tie avec ton amour…
Triste sou­venir !
Con­tin­ue de danser ! …
Je n’étais qu’un pau­vre rêveur…
 
Sous le cône de lumière bleu, Susu ne danse plus sa danse noc­turne…
Dans l’ombre du salon un cœur san­glote son mal d’amour…
Vingt ans et un amour, que sur les ailes de l’illusion il l’a amenée de Paris…
Papil­lon qui veut attein­dre le soleil ne ren­con­tre que la lumière d’un pro­jecteur ! …

Autres tangos enregistrés un 29 février

De Ange­lis a enreg­istré le même jour Ya sé que siguen hablan­do avec le chanteur Julio Mar­tel. Le même jour, Flo­re­al ne pou­vait donc pas pren­dre son pseu­do­nyme de Car­los Mar­tel, hein ?

Ya sé que siguen hablan­do 1944-02-29 — Alfre­do De Ange­lis con Julio Mar­tel. Enreg­istré le même jour que Bajo el Cono Azul.
Canaro 1956-02-29 — Florindo Sasone. Une ver­sion curieuse, à la fois pour le thème, enreg­istré pour la pre­mière par Canaro en 1915 (on n’est jamais si bien servi que par soi-même). C’est un mélange d’un des styles de Canaro et de Sasone, assez éton­nant.
Lagri­mas 1956-02-29 Florin­da Sasone. Enreg­istré le même jour, ce tan­go est plus dans l’esprit pur Sasone avec les dings si car­ac­téris­tiques qui ponctuent ses inter­pré­ta­tions.
De qué podemos hablar 1956-02-29 — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Argenti­no Ledes­ma. Ledes­ma, une des grandes voix du tan­go. Mais est-ce sa meilleure inter­pré­ta­tion, je ne suis pas sûr.
Mala yer­ba 1956-02-29 (Valse) — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Rodol­fo Galé. Enreg­istré le même jour que De qué podemos hablar. Cette valse n’est pas la plus entraî­nante, notam­ment à cause de la presta­tion de Galé, qui chante mag­nifique­ment, mais pas for­cé­ment idéale­ment pour la danse.
Sous le cône de lumière bleu, Susu ne danse plus sa danse noc­turne…
Dans l’ombre du salon un cœur san­glote son mal d’amour…

Aho­ra voy a tomar mate con yer­ba que no sea mala y con yuyos de sier­ras, y después a bailar el chamame qué estoy en la provin­cia de Cor­ri­entes. Qué la tris­teza se va.

Et main­tenant, je vais pren­dre un mate avec de la yer­ba qui ne soit pas mau­vaise et des herbes de mon­tagne. Ensuite, je vais danser le chamamé, car je suis dans la province de Cor­ri­entes, pour que la tristesse s’en aille.

El chamamé ya es Pat­ri­mo­nio Cul­tur­al Inma­te­r­i­al de la Humanidad [Le chamame est désor­mais au Pat­ri­moine Immatériel de l’Humanité (Unesco)]