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Mentías (vals) 1937-04-01 — Orquesta Juan D’Arienzo

Juan Carlos Casaretto Letra: Alfredo Navarrine

J’ai reçu ce matin un mes­sage d’un organ­isa­teur de milon­ga me deman­dant quelle valse pro­pos­er pour un anniver­saire, avec la con­trainte que ce soit une valse du mois de jan­vi­er vu que l’anniversaire était aujourd’hui. J’ai pro­posé cette valse, Men­tías, pour deux raisons. La pre­mière est que c’est une valse qui cor­re­spond bien à l’occasion et la sec­onde est que sa date d’enregistrement coïn­cide avec la date de nais­sance de la danseuse à fêter. Je te dédi­cace donc, Mar­tine de Saint-Pierre (La Réu­nion), cette valse, en te souhai­tant un excel­lent anniver­saire.

Extrait musical

Disque RCA Vic­tor (38 138 face B) de Men­tías… Le numéro de matrice 93549 est indiqué à gauche de l’axe. Sur la face A (38 138‑A) il y a El apronte, enreg­istré juste avant, le même jour, avec le numéro de matrice 93548–1.
Men­tías 1937-04-01 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

Cette valse com­mence sur un rythme rapi­de, avec une intro­duc­tion au piano par Rodol­fo Bia­gi, qui pro­posera de nom­breuses ponc­tu­a­tions et tran­si­tions légères (comme la pre­mière à 13s).
Durant toute la pre­mière par­tie (jusqu’à 28s), tous les instru­ments sont au ser­vice du rythme.
Ensuite, les ban­donéons s’individualisent pour la par­tie B et ensuite cèdent le pas aux mag­nifiques vio­lons.
À 1:50, la vari­a­tion apporte une impres­sion de vitesse, sans toute­fois chang­er le tem­po, sim­ple­ment, comme le fait presque sys­té­ma­tique­ment D’Arienzo, en sub­di­visant les temps en employ­ant des dou­ble-croches au lieu de croches.
Le rythme rapi­de, mais sans exagéra­tion et la fin somme toute tran­quille, laisse la place à des titres plus énergiques pour ter­min­er la tan­da dans une explo­sion.
Ce titre est un bon pre­mier titre, ce qui ren­force ma con­vic­tion qu’il peut faire l’affaire pour un anniver­saire.

Paroles

Mis ojos te grabaron en mi mente
Bajaste de la mente al corazón,
La flor del corazón se abrió en lati­dos
¡Lati­dos que acu­naron nue­stro amor!
Amor que flo­recía con tus besos
Tus besos encubrían la traición,
Traición que me val­ió la cruz del llan­to
¡Y el llan­to por mis ojos te arro­jó!

¡Men­tías…!
Con cari­cias… estu­di­adas…
¡Cin­is­mo…!
Del car­iño desleal…
Jurabas
Por tu dios y por tu madre…
¡Mira si no es crim­i­nal!
Los seres
Que han mata­do y se red­i­men,
Mere­cen el olvi­do y el perdón…
Cien vidas
No podrán bor­rar tu crimen
¡Asesinar la ilusión!

Y aho­ra que mi vida está vacía
Ancla­da en un silen­cio sin dolor,
Gol­pea el ald­abón de tu recuer­do
Las puer­tas de mi pobre corazón…
Ya es tarde para unir idil­ios rotos
Mire­mos cara a cara la ver­dad,
No vuel­vas a ron­dar por mi car­iño
¡Que el sueño que se fue no tor­na más!
Juan Car­los Casaret­to Letra: Alfre­do Navar­rine

Traduction libre des paroles

Mes yeux t’ont gravé dans mon esprit, tu es descen­due de l’e­sprit au cœur, la fleur du cœur s’est ouverte en pal­pi­tant.
Des bat­te­ments de cœur qui ont bercé notre amour !
L’amour qui s’est épanoui avec tes bais­ers. Tes bais­ers ont cou­vert la trahi­son, la trahi­son qui m’a valu la croix des pleurs.
Et les larmes à tra­vers mes yeux t’ont rejetée !

Men­songes…!
Avec des caress­es… Étudiées…
Cynisme…!
D’af­fec­tion déloyale…
Tu as juré par ton dieu et par ta mère…
Vois si ce n’est pas crim­inel !
Les êtres qui ont tué et se sont rachetés méri­tent l’ou­bli et le par­don…
Cent vies ne pour­ront pas effac­er ton crime
Tuer l’il­lu­sion !

Et main­tenant que ma vie est vide, ancrée dans un silence indo­lore, le heur­toir de ton sou­venir frappe les portes de mon pau­vre cœur…
Il est trop tard pour unir des idylles brisées. Regar­dons la vérité face à face, ne reviens pas à chercher mon amour.
Car le rêve qui est par­ti ne revient pas !

On notera que les paroles sont très moyen­nement adap­tées à une fête d’anniversaire. Cepen­dant, cela ne dérange pas, car elles ne sont pas enreg­istrées et la musique les dément totale­ment.

Juan Carlos Casaretto y Alfredo Navarrine

Le com­pos­i­teur de cette valse, Juan Car­los Casaret­to n’est con­nu que pour un seul autre titre, un tan­go, Chi­clana y Boe­do (avec J. Tre­viño, encore plus incon­nu). Il en existe un enreg­istrement tardif par Enrique Rodriguez et Rober­to Flo­res, mais ce n’est pas pour la danse.
Alfre­do Navar­rine (Pig­meo), en revanche, est à la tête d’une riche pro­duc­tion. Avec son frère, Julio Plá­ci­do Navar­rine, il a fourni bon nom­bre de titres de tan­go.

Des frères Alfredo et Julio Navarrine :

  • Alar­i­dos 1942
  • Jua­na 1958
  • Mil nove­cien­tos trein­ta y siete 1937 (plus José Domin­go Péco­ra)
  • Lechuza 1928
  • Oiga ami­go 1933
  • Sos de Chi­clana 1947 (plus Rafael Rossa)
  • Tril­la e recuer­dos

De Julio Navarrine :

  • A la luz del can­dil 1927
  • Bar­cos amar­ra­dos
  • Catorce pri­mav­eras
  • El anil­li­to de pla­ta
  • El vina­cho Milon­ga
  • La piba de los jazmines
  • Oiga ami­go
  • Oro muer­to (Jirón porteño) 1926
  • Por qué no has venido 1926
  • Qué quieren yo soy así Milon­ga
  • Tra­go amar­go 1925

De Alfredo Navarrine :

  • Agüi­ta e luna
  • Ayer y hoy 1939
  • Ban­do­neones en la noche
  • Bar­rio reo 1927
  • Brindis de olvi­do 1945
  • Can­ción del reloj
  • Can­to estrellero 1943
  • Cieli­to del porteño 1950
  • Como una flor 1947
  • Con licen­cia 1955
  • Corazón en som­bras 1943
  • Curiosa
  • Desvíos
  • Escarmien­to 1940
  • Escúcheme, gringo ami­go 1944
  • Esmer­al­da
  • Estam­pa rea 1953
  • Este amor 1938
  • Falsedad 1955
  • Fea 1925
  • Gaji­to de cedrón 1973 Can­ción criol­la
  • Gal­le­gui­ta 1925
  • He per­di­do un beso 1940
  • Humil­dad 1938
  • La condi­ción 1946
  • La Fed­er­al
  • Lati­do porteño
  • Luna pam­pa 1951
  • Men­tías 1941 (Notre valse du jour)
  • Milon­ga de un argenti­no 1972
  • No nos ver­e­mos más 1939
  • Noche de pla­ta 1930 (Vals)
  • Noc­turno inútil 1941
  • Ojos en el corazón 1945
  • Ojos tristes 1939
  • Pajara­da 1945
  • Qué lin­da es la vida
  • Rancherian­do
  • Res­i­gnación
  • Ron­da de sueños 1944
  • Rosas negras 1942
  • San­gre porteña 1946
  • Sé hom­bre
  • Señor Juez 1941
  • Señue­lo 1977
  • Serenidad 1946
  • Tamal 1975
  • Tan­go lin­do
  • Tan­go para un mal amor 1948
  • Tata Dios 1931
  • Tor­caci­ta
  • Tucumana (Zam­ba)
  • Tucumano 1961
  • Vidali­ta
  • Yo era un corazón 1939
  • Yunque 1953

Autres versions

Il n’y a pas d’autre ver­sion de notre valse du jour, Il est assez curieux de voir la frilosité des orchestres con­tem­po­rains pour enreg­istr­er des valses. Ils nous don­nent des dizaines de ver­sions de quelques tan­gos, mais très peu de valses ou de milon­gas.
Si cette valse n’a pas été enreg­istrée par la suite, nous avons un tan­go du même titre com­posé par Juan de Dios Fil­ib­er­to avec des paroles de Milon E. Muji­ca.
Je vous pro­pose deux enreg­istrements de celui-ci et on ter­min­era par la valse du jour.

Men­tías 1923 — Car­los Gardel con acomp. de Guiller­mo Bar­bi­eri, José Ricar­do (gui­tar­ras).

Un enreg­istrement acous­tique. Bien sûr on réserve cela pour l’écoute et pas pour le bal.

Men­tías 1927-10-20 — Orques­ta Rober­to Fir­po.

Une jolie ver­sion. C’est assez léger et pas trop mar­qué en canyengue intense… Cela reste cepen­dant un peu monot­o­ne, mais le joli vio­lon de Cayetano Puglisi, déli­cieuse­ment lar­moy­ant, fait par­don­ner cela.

Men­tías 1937-04-01 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

Men­tías 1937-04-01 (vals) — Orques­ta Juan D’Arien­zo. C’est notre valse du jour. On ter­mine avec énergie.

La tradition de la valse d’anniversaire

Il est des tra­di­tions dont on ne con­naît pas vrai­ment l’origine. La valse d’anniversaire dans les milon­gas en fait sans doute par­tie. Il se peut aus­si que ce soit une igno­rance de ma part.
Voici ce qui me sem­ble à peu près véri­fi­able.

La valse des mariés

Un peu partout dans le monde, les nou­veaux mar­iés ouvrent le bal, par une valse, ce qui assure à cer­tains pro­fesseurs de danse une petite rente. Ils met­tent en scène une petite choré­gra­phie, les mar­iés l’apprennent par cœur et le jour de la noce, ils émer­veil­lent les invités et la famille, soigneuse­ment anesthésiés au préal­able par la richesse du repas et des alcools servis.

La valse des 15 ans

Plus spé­ci­fique­ment en Amérique latine, il y a la tra­di­tion des 15 ans des jeunes filles/femmes.
Cette céré­monie, peut-être issue des cul­tures pré­colom­bi­ennes, per­dure de nos jours avec des formes, sou­vent très élaborées. Il existe des bou­tiques de robes spé­ciales pour les 15 ans, des maîtres de céré­monie et des vidéastes spé­cial­isés.
Ce sont des fêtes fort coû­teuses et les familles s’endettent bien plus pour les quinze ans que pour le mariage.
Cette tra­di­tion évolue, mais en général, la jeune femme est présen­tée par le père (ou par­rain) et effectue avec lui une valse, puis, les amis d’enfance, éventuels pré­ten­dants et autres, dansent avec la quinceañera (jeune femme de 15 ans). Voir l’article de Wikipé­dia pour des élé­ments plus con­crets.
En Europe, chez les puis­sants, on peut trou­ver une céré­monie par­al­lèle, le bal des débu­tantes.

La valse d’anniversaire des tangueros

Vous avez recon­nu l’organisation de la valse d’anniversaire telle qu’elle se pra­tique dans les milon­gas.
À ce sujet, il existe plusieurs façons de faire et beau­coup d’organisateurs ne souhait­ent pas qu’on « perde » du temps à cette man­i­fes­ta­tion. D’autres, comme celui qui m’a com­mandé la valse ce matin, mar­quent plus d’attention pour cette tra­di­tion.
En Argen­tine, les amis tangueros fêtent l’anniversaire à la milon­ga. Ils réser­vent une table et c’est une des occa­sions où il est autorisé d’apporter de la nour­ri­t­ure de l’extérieur. En général, un gâteau qui ferait tomber en syn­cope un nutri­tion­niste, il n’y a jamais trop de crème et de sucre. Le « cham­pagne » local, qui lui est celui ven­du dans la milon­ga, par­ticipe à la fête, ain­si que sou­vent, des déguise­ments et autres fan­taisies.
En Europe, cela se fait moins, on pense que le temps pris pour fêter l’anniversaire est du temps per­du pour les danseurs. C’est un peu vrai, mais c’est aus­si oubli­er la dimen­sion sociale du tan­go. Nous sommes une com­mu­nauté et c’est impor­tant de la ren­forcer par des mar­ques d’amitié. Le tan­go n’est pas un club de gym où on fait son entraîne­ment avec des écou­teurs sur les oreilles. On par­le, on chante et on partage.
Comme DJ, il est impor­tant d’aider à trou­ver l’équilibre. Si l’organisateur refuse que l’on fête un anniver­saire, je me con­tente d’une dédi­cace avant la tan­da de valse. Libre aux danseurs qui le souhait­ent d’organiser un moment con­vivial.
Lorsque c’est l’organisateur qui le demande, il y a plusieurs pos­si­bil­ités. Par­fois, tous les danseurs/danseuses veu­lent danser avec la per­son­ne qui fête son anniver­saire. Dans ce cas, il se forme une immense file et ils refuseront d’aller danser avec quelqu’un d’autre tant qu’ils n’auront pas réus­si à partager quelques sec­on­des de valse. Par­fois, cela dure toute la tan­da.
Cela peut être effec­tive­ment frus­trant pour ceux qui ne danseront pas avec la per­son­ne dont c’est l’anniversaire (les femmes, si c’est une femme qui fête son anniver­saire, ou les hommes dans le cas con­traire). Cela risque de faire baiss­er l’énergie dans le bal et à moins que l’ambiance soit très ami­cale, je pense que cette organ­i­sa­tion est à éviter.
Plus intéres­sante est la mise en place d’un dou­ble par­cours. On invite le héros de soirée à se plac­er au cen­tre de la piste et les parte­naires intéressés s’alignent. Les autres danseurs peu­vent les entour­er en dansant autour. Je trou­ve cela assez sym­pa­thique et cela ne frus­tre ni les stakhanovistes du bal ni les amis qui souhait­ent partager quelques sec­on­des de danse avec la per­son­ne qui fête son anniver­saire.
Il me sem­ble qu’il est intéres­sant de pro­pos­er cette organ­i­sa­tion, ce que peut faire le DJ avec l’accord de l’organisateur, ou l’organisateur, de son pro­pre chef. Pour bien met­tre en valeur l’anniversaire, on peut réserv­er une par­tie du pre­mier thème au seul anniver­saire et rem­plir pro­gres­sive­ment la piste. S’il y a beau­coup de pré­ten­dants, cela peut impli­quer de réserv­er tout le pre­mier titre de la tan­da à la per­son­ne qui fête son anniver­saire.
Comme DJ qui aime pro­pos­er des valses, je pro­pose, en plus de la valse d’anniversaire, une tan­da com­plète. Cela per­met aux danseurs qui ont par­ticipé au manège de danser avec un autre parte­naire. La tan­da fera donc au moins qua­tre valses, voire cinq, si je suis sur un régime de tan­das de 4 et que le pre­mier titre a été entière­ment util­isé pour souhaiter l’anniversaire.
Les danseurs qui vont inviter la per­son­ne dont c’est l’anniversaire ne doivent pas hésiter à faire un peu de spec­ta­cle. Pas dans la façon de danser (ils doivent au con­traire, être aux petits soins pour le parte­naire), mais dans la manière de pren­dre son tour (ou de le don­ner). Cela apporte une dis­trac­tion à ceux qui ne par­ticipent pas.
Dans mon ancien pro­fil Face­book, mal­heureuse­ment fer­mé pour d’obscures raisons, j’avais réal­isé une vidéo en direct où les danseurs qui s’étaient mis en file indi­enne se sont mis à se bal­ancer en rythme d’un pied sur l’autre. Ce fut un superbe moment, tous les hommes de l’événement se bal­ançant d’une même cadence, dans l’attente de partager quelques sec­on­des de bal.

Men­tías. L’illustration n’est pas exacte­ment fidèle au texte, mais plutôt à la musique et surtout, elle évoque l’utilisation que j’en pro­pose, une valse d’anniversaire.

Heureux anniver­saire Mar­tine !

À bien­tôt les amis !

Año nuevo 1956-01-31 (Marcha) — Alberto Castillo y su Orquesta Típica dir. por Ángel Condercuri

A. Riobal (Alberto Castillo) ; Trío Los Halcones (Alberto Losavio ; Héctor Serrao ; Rodolfo Genaro Serrao)

¡Feliz año nue­vo! Il est minu­it à Buenos Aires, c’est l’année nou­velle qui com­mence. Les fusées de feu d’artifice péta­radent et illu­mi­nent le ciel de Buenos Aires. Ici, pas de majestueux feux d’artifice élaborés par des arti­ficiers pro­fes­sion­nels. Ce sont les Argentins qui se char­gent du spec­ta­cle en fonc­tion de leurs moyens financiers et de leurs capac­ités. Notre musique du jour n’est pas un tan­go, mais est chan­tée par un de ses chanteurs, Alber­to Castil­lo, qui en est égale­ment un des auteurs.

Riobal y los Halcones

Quelques mots sur les auteurs de ce titre.

Riobal

Riobal, alias Alber­to Castil­lo, alias…, alias…, alias…, alias…

Riobal est un des pseu­do­nymes de Alber­to Castil­lo, ou plutôt de Alber­to Sal­vador De Luc­ca, puisque que Castil­lo est égale­ment un pseu­do­nyme des­tiné à faire plus espag­nol, ce qui était courant pour les chanteurs de tan­go.
Les orchestres avaient besoin d’un chanteur ital­ien et d’un chanteur espag­nol pour sat­is­faire les deux prin­ci­pales com­mu­nautés portègnes. Peu importe qu’ils soient réelle­ment orig­i­naires de ces pays. D’ailleurs ses pre­miers pseu­do­nymes ont été Alber­to Dual et Car­los Duval
Cette foi­son de pseu­do­nymes était égale­ment des­tinée à tromper la vig­i­lance pater­nelle.
Pour son père, il était étu­di­ant en médecine et, effec­tive­ment, il devait être médecin gyné­co­logue.
Un jour, en écoutant son fils à la radio, il s’exclama, « il chante très bien, il a une voix sem­blable à celle de Alber­ti­to », et pour cause…
Cepen­dant, le tan­go a pris le dessus et Alber­to a rejoint l’orchestre d’un den­tiste, celui de Ricar­do Tan­turi, avant de ter­min­er sa dernière année… Il n’était donc pas à pro­pre­ment par­ler gyné­co­logue, comme on le lit en général dans ses biogra­phies.

Trío Los Halcones

Ce trio a chan­té avec Miguel Caló, mais leur spé­cial­ité était plutôt le boléro et autres musiques tra­di­tion­nelles ou folk­loriques. Ils ont col­laboré avec Castil­lo pour l’écriture de la musique et des paroles de ce titre. Il ne sem­ble pas y avoir d’enregistrement de Año nue­vo par ce trio.

Trío Los Hal­cones.

Extrait musical

Año nue­vo 1956-01-31 (Mar­cha) — Alber­to Castil­lo y su Orques­ta Típi­ca dir. por Ángel Con­der­curi.
Par­ti­tion de sax­o­phone ténor de Año nue­vo.

Ángel Condercuri ou Jorge Dragone ?

Año nue­vo a été enreg­istré le 31 jan­vi­er 1956. Je n’ai pas respec­té le choix d’un thème enreg­istré le jour de l’anecdote, pour vous pro­pos­er un air gai et de cir­con­stance. Nous sommes donc en 1956 et Alber­to Castil­lo a son orchestre dirigé par un chef. Selon les sources, il y a un doute sur le chef qui tenait la baguette le jour de l’enregistrement.

  • Gabriel Valiente dans son Enci­clo­pe­dia del Tan­go indique que l’orchestre de Castil­lo est dirigé par Ángel Con­der­curi de 1951 à 1954 puis de nou­veau à par­tir de 1959 et par Jorge Drag­one de 1955 à 1958. Ce tra­vail est une somme, mais il y a de nom­breuses impré­ci­sions et un cer­tain nom­bre d’erreurs. C’est une bonne source, mais qui demande à être véri­fiée.
  • Tango.info indique que Con­der­curi dirige l’orchestre de Castil­lo pour l’enregistrement de Año nue­vo. https://tango.info/fra/track/T0370371359
  • Todo Tan­go, qui est le site de référence incon­tourn­able pro­pose une entre­vue avec Jorge Drag­one dans laque­lle celui-ci indique qu’il était dans l’orchestre de Con­der­curi à cette époque. https://www.todotango.com/historias/cronica/238/Dragone-Un-eterno-viajero/ Par con­séquent, s’il est le pianiste de l’orchestre, il n’en est pas le directeur. En 1957, donc l’année suiv­ante, il indique avoir son pro­pre orchestre en alter­nance pour lequel il recourt à la voix de Argenti­no Ledes­ma. Même s’il est envis­age­able que, pour une séance d’enregistrement par­ti­c­ulière, Con­der­curi ait lais­sé la direc­tion à son pianiste, cela mérit­erait d’être doc­u­men­té.
  • Tango-DJ.AT, qui est en général bien ren­seigné et qui cor­rige les erreurs quand on les sig­nale, ce qui n’est pas le cas de tous (référence à d’autres sites qui ne pren­nent même pas la peine de véri­fi­er, ou qui te dis­ent que c’est ain­si et qui cor­ri­gent ensuite, en douce…), indique que c’est Con­der­curi.
    https://tango-dj.at/database/index.htm
    https://tango-dj.at/database/index.htm?titlesearch=ano+nuevo&genresearch=marcha (pour ceux qui sont abon­nés).

La solu­tion serait d’avoir le cat­a­logue ou le disque d’origine, mal­heureuse­ment, je n’ai pas trou­vé le cat­a­logue de Odeón cor­re­spon­dant et les CD ne sont pas pré­cis sur la ques­tion (soit ils n’indiquent rien, soit ils met­tent les deux noms, sans pré­cis­er à quels titres, cela se rap­porte). Quant aux dis­ques d’origine, ils indiquent juste Alber­to Castil­lo y su Orques­ta.
Bern­hard Gehberg­er, le créa­teur du site Tango-DJ.AT, con­firme avec les mêmes argu­ments. Il m’a même rap­pelé que cer­tains enreg­istrements étaient don­nés avec Raúl Bianchi à la direc­tion. Cepen­dant, cela ne sem­ble con­cern­er que la péri­ode 1953–1955. En 1956, Bianchi était à Rosario. On notera toute­fois, que Bianchi était pianiste, comme Drag­one. Serait-ce une habi­tude chez Con­der­curi de laiss­er ses pianistes diriger ?
En atten­dant d’en savoir plus, je con­serve Ángel Con­der­curi comme Directeur de l’orchestre de Castil­lo pour cet enreg­istrement.

Paroles

Il y a dif­férentes vari­antes, mais qui ne changent pas le sens. Vous aurez la ver­sion du film en fin d’article avec les paroles en sous-titrage.

Año nue­vo
Vida nue­va
Más ale­gres los días serán
Año nue­vo
Vida nue­va
Con salud y con pros­peri­dad

Entre pitos y matra­cas entre músi­ca y son­risa
El reloj ya nos avisa que ha lle­ga­do un año más,
Las mujeres y los hom­bres, un besi­to nos dare­mos
Entre todos cantare­mos, llenos de feli­ci­dad
Vamos todos a can­tar

Año nue­vo
Vida nue­va
Nues­tras penas deje­mos atrás
Año nue­vo
Vida nue­va
Con salud y con pros­peri­dad

Año nue­vo
Vida nue­va
Mas ale­gre los días serán
Sin prob­le­ma, sin tris­teza
Y un feliz año nue­vo ven­drá…

Entre pitos y matra­cas entre músi­ca y son­risa
El reloj ya nos avisa que ha lle­ga­do un año más
Las mujeres y los hom­bres, un besi­to nos dare­mos
Entre todos cantare­mos, llenos de feli­ci­dad
Vamos todos a can­tar

Año nue­vo
Vida nue­va
Más ale­gres los días serán
Año nue­vo
Vida nue­va
Con salud y con pros­peri­dad

Año nue­vo
Vida nue­va
Nues­tras penas deje­mos atrás
Sin prob­le­ma, sin tris­teza
Y un feliz año nue­vo ven­drá
Y un feliz año nue­vo ven­drá
Y un feliz año nue­vo ven­drá
Y un feliz año nue­vo ven­drá…

A. Riobal (Alber­to Castil­lo) ; Trío Los Hal­cones (Alber­to Losavio; Héc­tor Ser­rao; Rodol­fo Genaro Ser­rao)

Traduction libre des paroles

Nou­v­el An
Nou­velle vie
Les jours seront plus heureux
Nou­v­el An
Nou­velle vie
Avec la san­té et la prospérité

Entre sif­flets et cré­celles
Entre musique et sourire
L’hor­loge nous aver­tit déjà qu’est arrivée une année de plus
Les femmes et les hommes, un bais­er nous nous don­nerons
Entre tous, nous chanterons, pleins de bon­heur
Nous allons tous chanter

Nou­v­el An
Nou­velle vie
Les jours seront plus heureux
Nou­v­el An
Nou­velle vie
Avec la san­té et la prospérité

Nouv­el An
Nou­velle vie
Les jours seront plus joyeux
Sans prob­lème et sans tristesse
Et un Nou­v­el An heureux vien­dra

Entre sif­flets et cré­celles
Entre musique et sourire
L’hor­loge nous aver­tit déjà qu’est arrivée une année de plus
Les femmes et les hommes, un bais­er nous nous don­nerons
Entre tous, nous chanterons, pleins de bon­heur
Nous allons tous chanter

Pito y matra­ca (sif­flet et cré­celle)

Nou­v­el An
Nou­velle vie
Les jours seront plus heureux
Nou­v­el An
Nou­velle vie
Avec la san­té et la prospérité

Nou­v­el An
Nou­velle vie
Nous lais­serons nos peines der­rière
Sans prob­lème et sans tristesse
Et un Nou­v­el An heureux vien­dra
Et un Nou­v­el An heureux vien­dra
Et un Nou­v­el An heureux vien­dra
Et un Nou­v­el An heureux vien­dra…

Autres versions

Año nue­vo 1956-01-31 (Mar­cha) — Alber­to Castil­lo y su Orques­ta Típi­ca dir. por Ángel Con­der­curi. C’est notre thème du jour.
Año Nue­vo 1965 — Billo’s Cara­cas Boys. C’est la ver­sion qui est sans doute la plus con­nue, elle est jouée pour le Nou­v­el An dans la plu­part des pays d’Amérique du Sud et pas seule­ment au Vénézuéla, leur pays.

Pour ter­min­er en vidéo, je vous pro­pose de voir et écouter Alber­to Castil­lo dans le film “Músi­ca, ale­gría y amor” dirigé par Enrique Car­reras.
La scène a été enreg­istrée en 1955, cepen­dant, le film sor­ti­ra après le disque, le 9 mai 1956.
J’ai indiqué les paroles pour vous per­me­t­tre de suiv­re…

Año nue­vo dans le film Músi­ca, ale­gría y amor. Dans cet extrait, en plus de Alber­to Castil­lo, on remar­que Beat­riz Tai­bo, Ubal­do Martínez et Tito Gómez. Il y a aus­si une courte appari­tion de Leonor Rinal­di et Fran­cis­co Álvarez, les per­son­nes âgées.

Alber­to Castil­lo, qui tient le rôle prin­ci­pal (Alber­to Morán) est un jeune homme bohème qui rêve de devenir pein­tre, mais qui finale­ment aura du suc­cès comme chanteur (Raúl Man­rupe & María Ale­jan­dra Portela — Un Dic­cionario de Films Argenti­nos 1995, page 401). Ce film con­tient beau­coup de chan­sons par Castil­lo, dont notre titre du jour.

L’intrigue du film serait tirée de Loute, une comédie française (vaude­ville) en qua­tre actes de Pierre Veber dont l’in­trigue tourne autour de Dupont, un homme qui mène une vie de débauche sous l’in­flu­ence de son « ami » Castil­lon. Dupont décide de se mari­er avec Renée, une jeune femme de bonne famille, mais il est rapi­de­ment rat­trapé par son passé tumultueux. Loute, une anci­enne maîtresse de Dupont, réap­pa­raît et cause des com­pli­ca­tions. Les malen­ten­dus et les quipro­qu­os s’en­chaî­nent, notam­ment avec l’ar­rivée de Fran­col­in, un cousin de Dupont, qui cherche à se venger de lui. Finale­ment, après de nom­breux rebondisse­ments, les per­son­nages ten­tent de se réc­on­cili­er et de trou­ver un équili­bre entre leurs vies passées et présentes. Le lien entre la pièce et le film réal­isé par Enrique Car­reras sur un scé­nario de Enrique San­tés Morel­lo me sem­ble un peu dis­ten­du, d’autant plus que la pièce a eu son heure de gloire plus de 50 ans avant la réal­i­sa­tion du film. Cela témoigne tout de même de la fran­cophilie qui était encore vive à l’époque.
Dis­ons que la base du syn­op­sis a été de faire une comédie musi­cale pour met­tre en avant Alber­to Castil­lo

L’af­fiche du film réal­isée par le car­i­ca­tur­iste argentin Nar­ciso González Bayón. On y recon­naît Alber­to Castil­lo et Ameli­ta Var­gas. À la table, de gauche à droite, Fran­cis­co Álvarez, Leonor Rinal­di, Ger­ar­do Chiarel­la et Ubal­do Mar­tinez. La taille démesurée de Castil­lo mon­tre bien que c’était lui la vedette du film…

Voilà de quoi bien débuter l’année, en chan­son.

De camino al 2025

Je souhaite une merveilleuse année,
la santé et le bonheur,
à tous les humains de la Terre,
tous.

Tic tac 1941-08-07 — Orquesta Enrique Rodríguez con Armando Moreno

Enrique Cadícamo (Musique et paroles)

Si je dis Tic-Tac, vous penserez tout de suite à l’horloge, à la mon­tre et au-delà, au temps qui passe. Les trois min­utes d’un tan­go peu­vent pass­er très vite, trop vite, ou don­ner l’impression de s’éterniser. Le tan­go du jour nous par­le du temps. Sa tristesse est com­pen­sée par le savoir-faire de Moreno et Rodriguez, mais il est temps de vous faire écouter ce tan­go. Nous remon­tons le temps, jusqu’en 1941, il y a exacte­ment 727 070 heures, quand Rodriguez et Moreno enreg­is­traient le tan­go Tic Tac.

Extrait musical

Tic tac 1941-08-07 — Orques­ta Enrique Rodríguez con Arman­do Moreno.

Tic tac 1941-08-07 — Orques­ta Enrique Rodríguez con Arman­do Moreno. Les 30 pre­mières sec­on­des sont clas­siques pour du Rodriguez. La musique est bien cadencée et mar­quée de façon un peu (beau­coup) appuyée.
À 30 sec­on­des, donc, Rodriguez nous donne la pre­mière infor­ma­tion hor­logère. Puis il reprend le cours nor­mal de la musique. Les danseurs peu­vent penser avoir rêvé ce Tic-Tac, mais 20 sec­on­des plus tard, le Tic-Tac réap­pa­raît.
À une minute, Moreno lance deux fois Amor, mais avant d’aller plus loin, voici les paroles.

Paroles

Amor, amor… nov­ela triste
Amor, amor… tú ya no existes.
Solo, sin tu car­iño,
Soy como un niño
Que siente miedo.
Solo, solo en la casa,
La noche pasa
Por el reloj.

Tic tac, tic tac, tic tac…
Oigo en las som­bras, este lati­do.
Tic tac, tic tac, tic tac…
Como un mar­tillo sue­na en mi oído.
Es el reloj que va pasan­do
Y nues­tras vidas va con­tan­do.
Tic tac, tic tac, tic tac…
Y su recuer­do, se hace dolor.

Letra y músi­ca: Enrique Cadí­camo (Domin­go Enrique Cadí­camo)

Traduction libre et indications

L’amour, l’amour… Roman triste
L’amour, l’amour… Tu n’ex­istes plus. (La triste nou­velle est annon­cée)
Seul, sans ton affec­tion, je suis comme un enfant qui éprou­ve la peur.
Seul, seul dans la mai­son, la nuit passe par l’hor­loge.
Tic-tac, tic-tac, tic-tac… (À 1:30 Moreno déclare Tic-Tac, lev­ant toute ambiguïté et l’orchestre ren­force le son d’horloge).
J’en­tends dans l’om­bre, ce bat­te­ment (de cœur).
Tic-tac, tic-tac, tic-tac… (Retour du Tic-Tac)
Comme un marteau, il résonne dans mon oreille.
C’est l’hor­loge qui tourne et nos vies vont comp­tant.
Tic-tac, tic-tac, tic-tac… (Encore le Tic-Tac)
Et son sou­venir se fait douleur.

Aban­don ou mort, quoiqu’il en soit, l’horloge mar­que le temps désor­mais inutile dans l’être aimé. C’est une façon assez orig­i­nale de mar­quer le poids du temps sur la peine. Enrique Cadí­camo, l’un des auteurs les plus pro­lifiques est ici le com­pos­i­teur et le paroli­er, cette œuvre lui est donc totale­ment redev­able et prou­ve la richesse de son univers.
Il fal­lait sans doute Rodriguez et sa légèreté (dans les thèmes, pas la musique) pour pass­er en douceur ce mes­sage.

Autres versions

Ce tan­go est encore un orphe­lin. Il y a bien sûr d’autres tan­gos qui par­lent du temps, voire même de l’horloge. Nous avons évo­qué El Reloj (L’horloge) il y a quelques jours, mais pas d’autre enreg­istrement de Tic Tac. Je vais cepen­dant lui pro­pos­er un ami…

Tic tac 1941-08-07 — Orques­ta Enrique Rodríguez con Arman­do Moreno. Notre tan­go du jour, orphe­lin.

Le copain que je lui pro­pose est une musique klezmer. Cela peut sem­bler curieux, mais le fes­ti­val de Tarbes en France avait cou­tume de pro­pos­er comme dernier thème ce titre. J’avoue ne pas en con­naître la rai­son pour laque­lle ils ont tro­qué la cumpar­si­ta pour le titre que je vous pro­pose d’écouter main­tenant.
Il s’agit de Time par le trio Kroke, un trio polon­ais dont le nom, Kroke, est celui de la ville polon­aise de Cra­covie, exprimé en Yidi­ish (langue des juifs d’Europe cen­trale).

Time 1998-05 – Kroke (Tomasz Lato).

Le trio Kroke est com­posé de Tomasz Kukur­ba au vio­lon alto, Tomasz Lato à la con­tre­basse et Jerzy Bawoł à l’accordéon dia­tonique.
Ce titre a été enreg­istré en mai 1998 a été pub­lié pour la pre­mière fois en 1999 sur l’album The Sounds of the Van­ish­ing World.
Pour les masochistes, il existe une ver­sion longue de plus de 8 min­utes, Tomasz Kukur­ba ayant com­plété l’original de Tomasz Lato
Cer­tains seront assez éton­nés d’apprendre que des danseurs essayent de danser le tan­go sur ce titre, mais d’autres adorent cet exer­ci­ce qui con­siste à croire danser le tan­go sur n’importe quelle musique. C’est génial, mais ce n’est pas du tan­go.

Bon, j’ai per­du les lecteurs fans de NeoTan­go. J’espère qu’ils revien­dront quand ils sauront que j’ai musi­cal­isé des événe­ments de NeoTan­go, car pour un DJ, cela per­met une très grande créa­tiv­ité dans le choix des musiques, mais aus­si dans le mix­age, ce qu’on ne fait pas en tan­go tra­di­tion­nel. Par exem­ple, on peut com­mencer avec un titre, con­tin­uer avec un autre, rajouter des sam­ples, voire des élé­ments syn­thétisés, revenir au thème ini­tial, vari­er vitesse, hau­teur, sonorité, ce que l’on ne peut guère faire dans une milon­ga.

L’an­goisse du DJ qui est en train de se deman­der s’il peut associ­er deux titres dans la même tan­da. Vuelta al futuro (1985)

Il est l’heure de vous laiss­er, à demain, les amis.

El reloj 1957-08-02 — Orquesta Juan D’Arienzo con Jorge Valdez

García Roberto Cantoral (MyL)

Notre tan­go du jour n’est pas un tan­go. Notre tan­go du jour est un tan­go. C’est un tan­go, ou ce n’est pas un tan­go, il faudrait savoir ! Dis­ons que c’est un tan­go, mais que ce n’est pas un tan­go. Le tan­go sait chanter l’amour, mais il n’est pas le seul. Son copain le boléro le fait sans doute tout aus­si bien et sans doute mieux. Alors, nous allons décor­ti­quer le mécan­isme de l’horloge, celle qui dit oui, qui dit non, dans le salon.

Boléro y tango

Je vous racon­terai en fin d’anecdote l’histoire qui a don­né nais­sance à ce boléro. Oui, ce titre est né boléro.
En Argen­tine, cer­tains tan­gos un peu mielleux et hyper roman­tiques sont surnom­més boléros par les tangueros et ce n’est pas for­cé­ment un com­pli­ment. Quelqu’un comme Borges aurait pu sor­tir le facón (couteau de gau­cho) pour faire un sort au musi­cien qui aurait osé pro­pos­er ce type de tan­go, pas assez vir­il à son goût.
Mais le boléro est aus­si un genre musi­cal orig­i­naire de Cuba, qui, comme le tan­go, s’est exporté avec suc­cès en Europe au point d’être une des pièces indis­pens­ables des bals de vil­lage. On notera toute­fois que les danseurs « musette » le dansent exacte­ment comme le tan­go, avec le même anapeste, le fameux lent-vite-vite-lent des cours de danse de société, alors que celui du boléro serait plutôt du type vite-vite-lent. Les deux dans­es sont d’ailleurs du type 4/4, même si dans le cas du tan­go, on aime à par­ler de 2/4 (dos por cua­tro).
Atten­tion, il me sem­ble qu’il faut pré­cis­er que le boléro d’Amérique du Sud n’est pas le boléro espag­nol qui est lui de rythme ter­naire et qui est un dérivé des séguedilles. Il fut très pop­u­laire durant tout le dix-neu­vième siè­cle, jusqu’au ter­ri­ble « Boléro » de Mau­rice Rav­el en 1928, qui en est une légère vari­ante, mais dans lequel on recon­naît bien le rythme ter­naire (3/4).
Les Européens se sont jetés sur le boléro d’origine sud-améri­caine dans les années 30 en s’approvisionnant aux deux prin­ci­pales sources de l’époque, Cuba et le Mex­ique, ce qui leur a per­mis d’oublier l’insupportable Boléro de Mau­rice Rav­el. La dif­fu­sion était bien sûr la radio et le disque, mais aus­si les bals et tout comme le tan­go de danse a été cod­i­fié en Europe, le boléro l’a été.
En Argen­tine, le boléro a aus­si fait son appari­tion, mais le tan­go était bien en place et c’est un peu plus tar­di­ve­ment, notam­ment dans les années 50, qu’il est devenu très impor­tant.
Notre tan­go du jour appar­tient juste­ment à cette époque. Auréolé de son suc­cès, ce boléro écrit et chan­té par Gar­cía Rober­to Can­toral (avec son trio mex­i­cain Los 3 Caballeros) est arrivé jusqu’aux oreilles de Juan D’Arienzo qui a décidé de l’adapter à sa musique, en le trans­for­mant en tan­go.

Comparaison du chant boléro et tango

Je me suis livré à une petite expéri­ence. Rober­to Can­toral chante plus lente­ment que Jorge Valdez. C’est logique, il n’a pas la fusée D’Arienzo pour le pouss­er et c’est un boléro…
J’ai donc accéléré son enreg­istrement pour le plac­er à la même vitesse que celui de D’Arienzo. Dans ce pre­mier mon­tage, on va enten­dre un extrait des deux ver­sions en même temps. C’est un peu fouil­lis, mais on voit tout de même des analo­gies.

El reloj — D’Arien­zo Valdez et Rober­to Can­toral. On entend les deux en même temps sur un extrait, le début de la par­tie chan­tée.
El reloj — Can­toral Puis D’Arien­zo Valdez.

Le début de la ver­sion chan­tée par Can­toral, un petit pont par D’Arienzo puis Jorge Valdez. On notera que même si le rythme de l’orchestre est dif­férent, les chanteurs ne sont pas si dif­férents.
On remar­quera l’arrastre de Can­toral, bien plus mar­qué que chez Valdez. De plus, si vous prenez en compte que j’ai accéléré l’enregistrement de Can­toral pour qu’il soit au com­pas de celui de D’Arienzo, on com­pren­dra que la même par­ti­tion peut don­ner lieu à des inter­pré­ta­tions très dif­férentes.
Vous pour­rez enten­dre la ver­sion de Can­toral en entier dans la par­tie « Autres ver­sions ».
Pour inter­préter son tan­go qui n’est pas un boléro, mais qui est roman­tique comme un boléro, Juan D’Arienzo a fait appel à Jorge Valdez, son chanteur roman­tique et voici le résul­tat…

Extrait musical

El reloj Rober­to Can­toral. Par­ti­tion de boléro pour piano au cen­tre et par­ti­tion pour chanteur à droite. Can­toral et Valdez chantent sen­si­ble­ment la même par­ti­tion. La dif­férence de rythme vient de l’orchestre.
El reloj 1957-08-02 — Orques­ta Juan D’Arien­zo con Jorge Valdez.

Comme vous pou­vez l’entendre, cette ver­sion n’a rien de boléro dans le rythme. Les accents suaves du boléro d’origine sont découpés par des pas­sages martelés au piano et au ban­donéon. Un petit motif léger au piano évoque un car­il­lon de salon et Jorge Valdez com­mence à chanter. Je ne suis en général pas fan de Valdez pour la danse, mais curieuse­ment et mal­gré l’origine en boléro, le résul­tat reste accept­able pour la danse en tan­go et cela bien que Valdez chante la total­ité des paroles et par con­séquent plus de la moitié du tan­go. Peut-être que la beauté des paroles aide. Je vous laisse en juger.

Paroles

Reloj, no mar­ques las horas
Porque voy a enlo­que­cer
Ella se irá para siem­pre
Cuan­do amanez­ca otra vez
Nomás nos que­da esta noche
Para vivir nue­stro amor
Y tú tic-tac me recuer­da
Mi irre­me­di­a­ble dolor
Reloj, detén tu camino
Porque mi vida se apa­ga
Ella es la estrel­la que alum­bra mi ser
Yo sin su amor no soy nada
Detén el tiem­po en tus manos
Haz esta noche per­pet­ua
Para que nun­ca se vaya de mí
Para que nun­ca amanez­ca
Reloj, detén tu camino
Porque mi vida se apa­ga
Ella es la estrel­la que alum­bra mi ser
Yo sin su amor no soy nada
Detén el tiem­po en tus manos
Haz esta noche per­pet­ua
Para que nun­ca se vaya de mí
Para que nun­ca amanez­ca.

Gar­cía Rober­to Can­toral (MyL)

Traduction libre

Hor­loge, ne mar­que pas les heures parce que je vais devenir fou.
Elle dis­paraî­tra pour tou­jours lorsque le soleil se lèvera à nou­veau.
Nous n’avons que cette nuit pour vivre notre amour et ton tic-tac me rap­pelle ma douleur irrémé­di­a­ble.
Hor­loge, arrête ton chemin parce que ma vie s’ar­rête.
Elle est l’é­toile qui illu­mine mon être.
Sans son amour, je ne suis rien.
Arrête le temps entre tes mains.
Rends cette nuit per­pétuelle pour qu’elle ne me quitte jamais, pour que l’aube n’arrive jamais.
Hor­loge, arrête ton chemin, car ma vie s’éteint.
Elle est l’é­toile qui illu­mine mon être.
Sans son amour, je ne suis rien.
Arrête le temps entre tes mains.
Rends cette nuit per­pétuelle, pour qu’elle ne me quitte jamais, pour que l’aube ne se lève jamais.

Une histoire romantique

Rober­to Can­toral aurait com­posé ce titre alors qu’il était en tournée avec Los 3 caballeros, le trio de gui­taristes chanteurs (les trios de gui­taristes chanteurs sont une spé­cial­ité mex­i­caine) qu’il avait for­mé avec Chamin Cor­rea et Leonel Gálvez.

Los tres caballeros. De gauche à droite, Leonel Gálvez, Rober­to Can­toral, et Chamin Cor­rea.

Il aurait eu à cette occa­sion une his­toire d’amour avec une des femmes de la tournée, une danseuse.
La chan­son con­terait donc cette dernière nuit où lui devait revenir au Mex­ique et elle à New York.
Cette his­toire est telle­ment plau­si­ble, qu’elle est qua­si offi­cielle. On peut juste se deman­der pourquoi il écrivait un boléro au lieu de prof­iter de ses derniers moments et pourquoi imag­i­nait-il que cette his­toire était ter­minée ? Engage­ment de la belle dans une autre his­toire ? Il était mar­ié et il ne voulait pas quit­ter sa femme.

Une histoire encore plus romantique

S’il était mar­ié, c’est le thème de la sec­onde his­toire. La femme de Rober­to était grave­ment malade et le boléro a été com­posé alors qu’il la veil­lait à l’hôpital Benef­i­cen­cia Españo­la de Tampi­co. Les médecins avaient livré un som­bre pronos­tic et il n’était pas du tout cer­tain que son épouse « passerait la nuit ». D’après un jour­nal­iste sig­nant lctl dans El Her­al­do de Méx­i­co du 10 févri­er 2021, la femme aurait survécu.
Si cette his­toire est véridique, alors, elle est bien roman­tique égale­ment. Mais j’ai un doute sur cette his­toire dans la mesure où Rober­to Can­toral a vécu une autre aven­ture roman­tique… et que s’il chéris­sait telle­ment sa femme, il est peu prob­a­ble qu’il se lance dans l’aventure que je vais expos­er, mais avant, un détail.
Je n’ai pas évo­qué les débuts de Rober­to avec son frère aîné Anto­nio en 1950–1955 (Los Her­manos Can­toral). Anto­nio a créé ensuite aus­si son groupe, Los Platea­d­os de Méx­i­co. Con­traire­ment à son petit frère, il était mar­ié à l’époque de l’écriture de El reloj, amoureux et sa femme mou­rut jeune, en 1960. Peut-être que le séjour à l’hôpital était celui de la femme d’Anto­nio et pas d’une hypothé­tique femme de Rober­to.
Et voici la troisième his­toire…

Une histoire encore plus et plus romantique

Dans le domaine du boléro, plus c’est roman­tique et mieux c’est. En 1962 à Viña del Mar (Chili), Rober­to était en tournée. Il y ren­con­tra une trapéziste argen­tine qui était égale­ment en tournée. Cette trapéziste s’appelait Itatí Zuc­chi Deside­rio, elle était égale­ment cham­pi­onne de judo, actrice et danseuse con­tem­po­raine. La par­tie roman­tique de l’histoire est qu’il se mar­ièrent 9 jours après leur ren­con­tre et qu’ils restèrent unis jusqu’à leur mort, 2010 pour lui, 2020 pour elle qui déclarait :
« Je suis la femme d’un seul homme, car quand l’amour est pur et le cou­ple a un bon cœur, il ne peut pas se chang­er comme des chaus­sures. Il se garde pour tou­jours dans l’âme »
Si cette his­toire, qui con­traire­ment aux deux autres, est sûre si j’en crois mes croise­ments de sources, il faudrait que d’époux inqui­et en 1956–1957, il devi­enne divor­cé ou veuf cinq ans plus tard, con­di­tion néces­saire pour con­tracter en neuf jours le mariage. Par ailleurs, je n’ai pas trou­vé de trace d’un pre­mier mariage.
En 1956–57, il était en tournée, il avait 21 ans et en plein essor artis­tique. Ce ne sont pas les don­nées idéales pour con­firmer un mariage.
Avec Itatí Zuc­chi, ils ont eu qua­tre enfants, trois garçons et une fille, qui a pris le prénom et le nom de sa mère et le nom de son père… Itatí Can­toral Zuc­chi. Elle est actrice et chanteuse.

Rober­to Can­toral, Itatí Zuc­chi et Itatí Zuc­chi (fille)

Je vous laisse donc choisir l’histoire qui vous sem­ble la plus crédi­ble et vous pro­pose de regarder main­tenant les autres ver­sions.

Autres versions

Comme le titre est avant tout un boléro, mal­gré l’usage qu’en a fait D’Arienzo, je vais vous pro­pos­er surtout des boléros.

El reloj 1957 – Los 3 caballeros.

C’est la pre­mière ver­sion pro­posée par Rober­to Can­toral, Chamin Cor­rea et Leonel Gálvez, Los 3 Caballeros. Le style est celui du boléro mex­i­cain.

El reloj 1957-08-02 — Orques­ta Juan D’Arien­zo con Jorge Valdez.

C’est donc au début du suc­cès du titre que D’Arienzo s’est lancé dans sa ver­sion.

El reloj 1958 — Trio Los Pan­chos.

El reloj 1958 — Trio Los Pan­chos. Un début avec des claque­ments évo­quant l’horloge. Le boléro se déroule ensuite de belle façon, appuyé par une per­cus­sion légère de clave, très cubaine. Cepen­dant, aucun des trois n’est cubain, Chu­cho Navar­ro et Alfre­do Gil sont mex­i­cains et Her­nan­do Avilés est por­tor­i­cain.

El reloj 1960 — Rober­to Can­toral.

À par­tir de 1960, Rober­to Can­toral entame sa car­rière de soliste. Le style n’est plus mex­i­can­isant.

El reloj 1960c Alber­to Oscar Gen­tile con Alfre­do Mon­tal­bán.

Ce tan­go est daté 1950 dans tango.info, ce qui sem­ble impos­si­ble si le boléro a été écrit en 1956. Le début au vibra­phone évoque le tin­te­ment de Big Ben, suivi d’un petit motif horaire rap­pelant le son d’un car­il­lon de salon. Puis le titre con­tin­ue, sous une forme qui pour­rait s’apparenter au tan­go.

El reloj 1961 — Anto­nio Pri­eto.

Une ver­sion en boléro par le chanteur chilien, Anto­nio Pri­eto.

El reloj 1981 — José José.

Comme pour le tan­go, il y a des boléros de danse et d’autres plus pour écouter. C’est ce dernier usage qui est recom­mandé pour celui-ci, enfin pas tout à fait, il est util­is­able en slow pour danser « bolero », mais pas le bolero.

El reloj 1997 — Luis Miguel.

Même motif, même puni­tion pour cette ver­sion en boléro, très célèbre par Luis Miguel.

El reloj 2012 — Il Volo… Takes Flight – Detroit Opera House.
Ce trio de jeunes Ital­iens avait enreg­istré ce titre dès leur pre­mier album sor­ti le 30 novem­bre 2010.

Ces jeunes chanteurs ital­iens peu­vent rap­pel­er Rober­to Can­toral et son frère Anto­nio qui se lancèrent, mineurs, dans les tournées.

El reloj 2018-11-20 – Román­ti­ca Milonguera con Marisol Mar­tinez y Rober­to Minon­di.

Pour ter­min­er, place au tan­go avec cette excel­lente ver­sion de la Román­ti­ca Milongera et ses deux chanteurs, Marisol Mar­tinez et Rober­to Minon­di.

Finale­ment, ce boléro a don­né vie à au moins deux belles exé­cu­tions en tan­go, celle de D’Arienzo et celle de la Román­ti­ca Milongera.

Rober­to Can­toral, com­pos­i­teur du boléro qui don­na notre tan­go du jour.

À demain, les amis !