Archives par étiquette : Francisco De Caro

Adiós pueblo 1941-08-14 — Orquesta Ricardo Tanturi

Agustín Bardi Letra : José Pedro de Grandis

Pour un 14 août, jour anniver­saire, j’aurais pu choisir deux ver­sions de ce titre qui ont toutes les deux été enreg­istrées un 14 août. Celle de Julio de Caro et celle de Ricar­do Tan­turi.

Si j’ai mis en avant celle de Tan­turi, qui se prête plus à la danse, je vous présen­terai égale­ment celle de Ricar­do de Caro et une ver­sion chan­tée qui vous per­me­t­tra de com­pren­dre pourquoi ces retrou­vailles sont un adieu.

Extrait musical

Adiós pueblo… À gauche, par­ti­tion de 1941, à droite celle de 1928 avec De Caro. Au cen­tre, la par­ti­tion pour piano avec la dédi­cace à Ricar­do de Caro par Agustin Bar­di, « Pour mon estimé ami et col­lègue, Fran­cis­co de Caro ».
Adiós pueblo 1941-08-14 — Orques­ta Ricar­do Tan­turi

Paroles

Puebli­to que un día lejano
Al ausen­tarme, te di mi adiós,
Hoy ya de vuelta te bus­co en vano
Puebli­to mío, quién te cam­bió.
No exis­ten ya tus casitas
Llenas de flo­res, de luz y sol,
Tam­poco exis­ten tus vecini­tas
En cam­bio tienes, des­o­lación.

Pueblo en que viví
Mis años de juven­tud,
Hoy ven­go aquí
Para aliviar
Esta inqui­etud
Que nun­ca, nun­ca más
Podré bor­rar.
¡Oh!, Quién pudiera ser
Niño otra vez,
Para volver
Al tiem­po que pasó,
Eternizar por siem­pre
Su niñez,
Y no saber jamás
Lo que es dolor.

Aquel dulce hog­ar
Que una tarde aban­doné,
Cuán­to yo diera
Por hal­lar,
Para poder
En mi vejez cal­mar,
Lo que sufrí,
Y en su qui­etud
Poder­le con­fi­ar,
A un ser queri­do
Todo mi dolor, y ante mi pena
Tan sólo hal­lar
Un poco de su amor.

Puebli­to que un día fuiste
Como una madre a mi niñez,
Hoy que te anh­elo, ya nada existe
Cómo cas­ti­gas a mi vejez.
Puebli­to que un día lejano
Al ausen­tarme, te di mi adiós,
Y hoy ya de vuelta te bus­co en vano
Puebli­to mío, quién te cam­bió.

Agustín Bar­di Letra : José Pedro De Gran­dis

Traduction libre

Petit vil­lage à qui, un jour loin­tain j’ai fait mes adieux en par­tant.
Aujour­d’hui, je suis de retour et je te recherche, en vain, mon petit vil­lage. Qui t’a changé ?
Tes petites maisons pleines de fleurs, de lumière et de soleil n’ex­is­tent plus, tes petites voisines n’ex­is­tent plus non plus.
À la place, tu n’es que déso­la­tion.

Vil­lage dans lequel j’ai vécu ma jeunesse, aujour­d’hui, je viens ici pour apais­er ce malaise que je ne pour­rai plus jamais, jamais effac­er.
Oh, qui pour­rait rede­venir un enfant pour revenir au temps qui s’est écoulé, pour immor­talis­er à jamais son enfance et ne jamais savoir ce qu’est la douleur ?
Ce doux foy­er que j’ai quit­té un après-midi, com­bi­en don­nerais-je pour le retrou­ver, pour pou­voir calmer dans ma vieil­lesse ce que j’ai souf­fert ?
Et dans sa quié­tude, pou­voir lui con­fi­er, comme à un être cher, toute ma douleur, et face à mon cha­grin, seule­ment pou­voir trou­ver un peu de son amour.

Petit vil­lage qui, un jour, a été comme une mère pour mon enfance,
aujour­d’hui que je te désire, plus rien n’ex­iste comme tu punis ma vieil­lesse.
Petit vil­lage à qui, un jour loin­tain j’ai fait mes adieux en par­tant.
Et aujour­d’hui, je suis de retour et je te recherche, en vain, mon petit vil­lage. Qui t’a changé ?

Autres versions

Adiós pueblo 1928-08-14 — Orques­ta Julio De Caro. La ver­sion par le dédi­cataire de la com­po­si­tion de Bar­di.
Adiós pueblo 1928-09-21 — Alber­to Vila con gui­tar­ras. C’est la seule ver­sion enreg­istrée nous per­me­t­tant d’écouter les paroles de José Pedro De Gran­dis.
Adiós pueblo 1941-08-14 — Orques­ta Ricar­do Tan­turi. C’est notre tan­go du jour.

Quelques mots de Agustín Bardi

Comme on a pu le voir dans la dédi­cace de la par­ti­tion, Bar­di con­sid­érait De Caro comme son ami. Cet homme tran­quille était appré­cié par les musi­ciens de tan­go et quand il mou­rut d’une crise car­diaque à 56 ans, José Luis Padu­la écriv­it « Bar­di » que Fran­cis­co Canaro enreg­is­tra la même année avec son Quin­te­to Pir­in­cho. Osval­do Pugliese lui écrira « Adiós Bar­di » et Hora­cio Sal­gán com­posera « A Don Agustín Bar­di ».

Cet homme dis­cret n’était pas un oiseau de la nuit, tout au con­traire. C’était un dis­cret employé d’assurance qui, par son tra­vail, a gravi les éch­e­lons de Cadet à Directeur avant de pren­dre sa retraite à 51 ans. Il a cepen­dant com­posé de très nom­breux tan­gos que vous con­nais­sez prob­a­ble­ment comme :

C.T.V. (Se te ve) ; Cabecita negra ; Cacha­da ; Chuzas ; El abro­jo ; El baque­ano ; El buey solo ; El cua­trero (El tigre) ; El pal­adín ; El pial ; El rodeo ; El tau­ra ; En su ley ; Florci­ta ; Gal­lo ciego ; Gente menu­da ; Inde­pen­di­ente Club ; La guiña­da ; La racha ; La últi­ma cita ; Las doce menos cin­co ; Loren­zo ; Madre hay una sola ; No me escribas ; Noc­turno (Valse) ; Nun­ca tuvo novio ; Oiga com­padre ; Pico blan­co ; Qué noche ; Se han sen­ta­do las car­retas ; Se lo lle­varon ; Siem­pre los dos ; Sin hilo en el car­retel ; Tier­na­mente ; Tier­ri­ta ; Tin­ta verde ; Triste que­ja ; Tu ima­gen que vuelve (Valse) ; Un baile en la emba­ja­da ; Vicen­ti­to ; Viejo espe­jo ; Yo tam­bién fui pibe.

Adiós Agustín Bar­di et à bien­tôt, les amis !

Mala junta 1947-01-16 — Orquesta Pedro Laurenz

Julio De Caro; Pedro Laurenz Letra: Juan Miguel Velich

Je suis sûr que vous avez déjà été inter­pel­lés par ce titre qui com­mence par des rires, voire par des sif­fle­ments. La ver­sion du jour est réal­isée par un des deux auteurs, le ban­donéon­iste Pedro Lau­renz, qui à l’époque de la com­po­si­tion, était dans l’orchestre de l’autre com­pos­i­teur, Julio de Caro. Nous ver­rons que, dès 1927, cette œuvre est d’une extra­or­di­naire moder­nité.
Mala jun­ta peut se traduire par mau­vaise ren­con­tre. Vous serez peut-être éton­né de voir qu’elle est la mau­vaise ren­con­tre évo­quée par Mag­a­l­di…

Extrait musical

Par­ti­tions de Mala jun­ta. Elles sont dédi­cacées “Al dis­tin­gui­do y apre­ci­a­do Señor Don Luis Gondra y famil­ia”. Pre­mière des 26 pages de la par­ti­tion com­plète et début de la par­tie finale avec la mise en valeur du ban­donéon. Par­ti­tion réal­isée par Lucas Alcides Cac­eres.
Mala jun­ta 1947-01-16 — Orques­ta Pedro Lau­renz.

Les ver­sions de Pugliese sont bien plus con­nues, mais vous recon­naîtrez tout de suite le titre mal­gré l’absence des éclats de rire du début, ou plus exacte­ment, c’est l’orchestre qui repro­duit le thème de l’éclat de rire, instru­men­tale­ment. Le rythme est bien mar­qué, même s’il com­porte quelques syn­copes en fan­taisie.
On notera que Lau­renz fait égale­ment l’impasse sur les sif­fle­ments. Dans son enreg­istrement de 1968, avec son quin­te­to, il omet­tra égale­ment ces deux élé­ments. On pour­rait donc imag­in­er que ces rires et sif­fle­ments sont des fan­taisies de De Caro. C’est d’autant plus prob­a­ble si on se sou­vient que, dans El moni­to, il utilise les sif­fle­ments, les rires et même des phras­es humoris­tiques.
Si quelques dis­so­nances rap­pel­lent les com­po­si­tions decaréennes (de De Caro), elles ne devraient pas trou­bler les danseurs moins fam­i­liers de ces sonorités.
Les phras­es sont lancées et se ter­mi­nent sou­vent comme jetées, pré­cip­itées. Le piano coupe ces accéléra­tions par ses ponc­tu­a­tions. La musique sem­ble se remet­tre en place et on recom­mence jusqu’à la dernière par­tie où le ban­donéon de Lau­renz s’en donne à cœur joie. Rap­pelez-vous que, dans la par­ti­tion, toute cette par­tie est en dou­bles-croches, ce qui per­met de don­ner une impres­sion de vitesse, sans mod­i­fi­er le rythme.

Disque Odeón 7644 Face A avec Mala jun­ta inter­prété par Pedro Lau­renz.

Don Luis Gondra

Luis Gondra a deux épo­ques et une car­i­ca­ture dans la Revue Caras y Care­tas de 1923, qui rap­pelle qu’il était égale­ment avo­cat.

La dédi­cace de ce tan­go a été effec­tuée à Luis Gondra (Luis Roque Gondra), un mil­i­tant, écrivain et poli­tique. Il fait par­tie des sur­vivants du mas­sacre de Pirovano où 200 hommes venus prêter main-forte à Hipól­i­to Yrigoyen en prenant le train à Bahia Blan­ca ont été attaqués à balles et baïon­nettes par des forces loyales au gou­verne­ment de Manuel Quin­tana.
Il est mort le 10 févri­er 1947, soit moins d’un mois après l’enregistrement de notre tan­go du jour. Il est l’auteur de dif­férents ouvrages, prin­ci­pale­ment d’histoire poli­tique, comme des ouvrages sur Bel­gra­no ou des cours d’économie, car il était pro­fesseur de cette matière.

Un ouvrage à la gloire de Bel­gra­no, un cours d’é­conomie poli­tique et sociale et un livre sur les idées économiques de Bel­gra­no. Cela donne le pro­fil du dédi­cataire de ce tan­go.

Paroles, deux versions

Même si notre tan­go du jour est instru­men­tal, il y a des paroles, celles enreg­istrées par Mag­a­l­di, qui dénon­cent le tan­go comme la cause de la perdi­tion et celles que l’on trou­ve habituelle­ment dans les recueils de paroles de tan­go. Ce qui est curieux est qu’il n’y a pas de ver­sion enreg­istrée des paroles « canon­iques ».
Je com­mence donc par la ver­sion de Mag­a­l­di et don­nerait ensuite la ver­sion « stan­dard ».

Paroles chantées par Magaldi

Por tu mala jun­ta te perdieron, Nena,
Y causaste a tus pobres viejos, pena,
Que a pesar de todos los con­se­jos,
Un mal día te engrupieron
Y el gotán te enca­denó…

¡Ay! ¿Dónde estás, Neni­ta de mira­da seduc­to­ra?
Tan ple­na de poesía, cual diosa del amor…
Nun­ca, jamás veré la Sul­tani­ta que en otro­ra
Con sus mimos disi­pa­ba mi dolor.

Recita­do:
Guar­do de ti recuer­do sin igual
Pues fuiste para mí toda la vida.
Mi corazón sufrió la desilusión
Del des­pre­cio a su quer­er que era su ide­al.

Y con la heri­da
Que tú me has hecho,
Mi fe has dese­cho
Y serás mi perdi­ción.

Todo está som­brío y muy triste, alma,
Y nos fal­ta, des­de que te has ido, cal­ma,
El vivir la dicha ya ha per­di­do
Porque con tu mal vin­iste
A enlu­tar mi corazón.

¿Por qué, mi amor, seguiste a esa mala con­se­jera
que, obran­do con fal­sía, buscó tu perdi­ción?
Mien­tras que aquí está la madrecita que te espera
Para darte su amorosa ben­di­ción.

Recita­do:
Dulce dei­dad, que fue para mi bien
Un sueño de plac­er nun­ca sen­ti­do,
Yo no pen­sé que ése, mi gran quer­er,
Lo perdiera así nomás, sien­do mi Edén.

¿Dónde te has ido
mi noviecita?
Tu madrecita
Siem­pre cree que has de volver.
Julio De Caro; Pedro Lau­renz Letra: Juan Miguel Velich

Traduction libre des paroles de la version de Magaldi

À cause de ta mau­vaise ren­con­tre, ils t’ont per­du, Bébé,
Et tu as causé à tes pau­vres par­ents, de la peine,
Que mal­gré tous les con­seils, un mau­vais jour, ils t‑on trompés (dit des men­songes) et le gotan t’a enchaîné… (Et voilà le grand coupable, le tan­go…).
Hélas! Où es-tu, petite fille au regard séduc­teur ?
Telle­ment pleine de poésie, comme une déesse de l’amour…
Je ne ver­rai jamais, jamais la sul­tane qui, une fois, avec ses câlins, a dis­sipé ma douleur.
Réc­i­tatif:
Je garde un sou­venir iné­galé de toi parce que tu as été pour moi toute ma vie.
Mon cœur a souf­fert de la décep­tion du mépris pour son amour, qui était son idéal.
Et avec la blessure que tu m’as faite,
Tu as rejeté ma foi et tu seras ma perte.
Tout est lugubre et très triste, âme, et nous man­quons, depuis que tu es par­tie, le calme, la vie du bon­heur s’est déjà per­due, car avec ton mal tu es venue endeuiller mon cœur.
Pourquoi, mon amour, as-tu suivi ce mau­vais con­seiller qui, agis­sant fausse­ment, a cher­ché ta perte ?
Alors qu’i­ci se trou­ve la petite mère qui t’attend pour te don­ner sa béné­dic­tion aimante.
Réc­i­tatif:
Douce divinité, qui était pour mon bien un rêve de plaisir jamais ressen­ti,
Je ne pen­sais pas que cela, mon grand amour, je le perdrai, étant mon Eden.
Où es-tu allée, ma petite fiancée?
Ta petite mère pense tou­jours que tu vas revenir.

Paroles de la version standard

Por tu mala jun­ta te perdiste, nena
y nos causa tu extravío, llan­tos, ¡pena!…
De un vivir risueño te han habla­do
y al final… ¡te has olvi­da­do
de tu vie­ja y de mi amor!…
En la fiebre loca de men­ti­das galas
se que­maron tus div­inas, ¡níveas alas!…
En tu afán de lujos y de orgías
recubriste de agonías
¡a mi vida y a tu hog­ar!…

Fuiste el ángel de mis horas de bohemia,
el bien de mi esper­an­za,
tier­no sueño encan­ta­dor;
y no puedo sofo­car mis neuras­te­nias
cuan­do pien­so en la mudan­za
¡de tu cru­el amor!…

(recita­do)
¡Pobre de mí… que a cues­tas con mi gran cruz
rodan­do he de mar­char por mi oscu­ra sen­da;
¡sin el calor de aque­l­la ful­gente luz
que tu mirar dis­per­só en mi corazón!

(can­to)
Sueños de glo­ria
que trun­cos quedaron
y heri­do me dejaron
entre bru­mas de dolor…

Por tu mala jun­ta te perdiste, nena,
y nos causa tu extravío llan­tos, ¡pena!…
Por seguir tus necias ambi­ciones
mis doradas ilu­siones
¡para siem­pre las perdí!…
Una san­ta madre deli­rante cla­ma
y con ella mi car­iño, rue­ga, ¡lla­ma!…
El perdón te espera con un beso
sí nos traes con tu regre­so
¡la ale­gría de vivir!…

Tus recuer­dos se amon­to­nan en mi mente,
tu ima­gen me obse­siona,
te con­tem­p­lo en mi ansiedad;
y te nom­bro sus­pi­ran­do tris­te­mente,
pero en vano… ¡no reac­ciona
tu alma sin piedad!…

Y como el cisne
que muere can­tan­do
así se irá esfu­man­do
¡mi doliente juven­tud!…
Julio De Caro; Pedro Lau­renz Letra: Juan Miguel Velich

Traduction libre des paroles de la version standard

À cause de ta mau­vaise ren­con­tre, tu t’es per­due, bébé et ta perte nous cause, des larmes, du cha­grin…
On t’a par­lé d’une vie souri­ante et à la fin… tu as oublié ta mère et mon amour…
Dans la fièvre folle, des parures men­songères se brûlèrent tes ailes divines et neigeuses…
Dans ton avid­ité de luxe et d’orgies, tu as cou­vert d’ag­o­nies (amer­tumes, douleurs, cha­grins) ma vie et ta mai­son…
Tu étais l’ange de mes heures de bohème, le bien de mon espérance, le rêve ten­dre et enchanteur ;
et je ne puis étouf­fer ma neurasthénie quand je pense au change­ment de ton amour cru­el…
(réc­i­tatif)
Pau­vre de moi… que sur mes épaules, avec ma grande croix, errant, je dois marcher le long de mon obscur sen­tier ;
Sans la chaleur de cette lumière écla­tante que ton regard a dis­per­sée dans mon cœur !
(chant)
Des rêves de gloire qui res­teront tron­qués et me lais­sèrent blessé dans des brouil­lards de douleur…
À cause de ta mau­vaise ren­con­tre, tu t’es per­due, bébé et ta perte nous cause, des larmes, du cha­grin…
Pour suiv­re tes folles ambi­tions, mes illu­sions dorées, pour tou­jours, je les ai per­dues…
Une sainte mère en délire crie et, avec elle, mon affec­tion, sup­plie, appelle…
Le par­don t’at­tend avec un bais­er si tu nous ramènes avec ton retour, la joie de vivre…
Tes sou­venirs s’ac­cu­mu­lent dans mon esprit, ton image m’ob­sède, je te con­tem­ple dans mon angoisse ;
Et je te nomme en soupi­rant tris­te­ment, mais en vain… ton âme sans pitié ne réag­it pas…
Et comme le cygne qui meurt en chan­tant ain­si s’évanouira, ma douloureuse jeunesse…

On voit les dif­férences entre les deux ver­sions des paroles. Il se peut que les deux soient de Juan Miguel Velich, à moins que Mag­a­l­di ait adap­té les paroles à son goût. C’est un petit mys­tère, mais cela me sem­ble très mar­gin­al dans la mesure où l’intérêt prin­ci­pal de cette com­po­si­tion est dans la musique.

Autres versions

Mala jun­ta 1927-09-13 — Orques­ta Julio De Caro.

Cette ver­sion per­met de retrou­ver les deux com­pos­i­teurs avec Julio de Caro au vio­lon (son vio­lon à cor­net) et Pedro Lau­renz au ban­donéon. Ce dernier avait inté­gré l’orchestre de De Caro en 1924 en rem­place­ment de Luis Petru­cel­li.
On notera, après les rires, le début sif­flé. Cette ver­sion, la plus anci­enne enreg­istrée en notre pos­ses­sion, a déjà tous les élé­ments de moder­nité que l’on attribuera deux ou trois décen­nies plus tard à Osval­do Pugliese qui se con­sid­érait comme l’humble héri­ti­er de De Caro.
Voici la com­po­si­tion du sex­te­to pour cet enreg­istrement :

  • Pedro Lau­renz et Arman­do Blas­co au ban­donéon.
  • Fran­cis­co De Caro au piano.
  • Julio De Caro et Alfre­do Cit­ro au vio­lon.
  • Enrique Krauss à la con­tre­basse.
Disque Vic­tor de la ver­sion enreg­istrée par De Caro en 1927.
Mala jun­ta 1928-06-18 — Agustín Mag­a­l­di con orques­ta.

Comme nous l’avons vu, Mag­a­l­di chante des paroles dif­férentes, mais l’histoire est la même. C’est bien sûr un enreg­istrement des­tiné à l’écoute, à la lim­ite de la pièce de théâtre.

Mala jun­ta 1928-12 — Orques­ta Típi­ca Brod­man-Alfaro. Orig­i­nal Colum­bia L 1349–1 Matrice D 19172.

Le titre com­mence avec les sif­flets, mais sans les rires. Cette ver­sion com­porte un pas­sage avec une scie musi­cale. Finale­ment, ce n’est pas vilain, mais sans doute plus curieux que cap­ti­vant.

À gauche, le disque offi­ciel édité par la Colum­bia en 1929 (enreg­istrement de décem­bre 1928). À droite, un disque pirate du même enreg­istrement réal­isé dans le courant de 1929.

Quelqu’un a‑t-il réus­si à se pro­cur­er la matrice D 19172 et à en faire une copie sous le numéro de matrice bidon N300028 ?
La moins bonne qual­ité de la copie pirate peut aus­si laiss­er penser qu’elle a été réal­isée à par­tir d’un disque édité. Bien sûr, il est dif­fi­cile de juger, car il faudrait plusieurs copies de la ver­sion pirate, pour véri­fi­er que cela vient de la fab­ri­ca­tion et pas de l’usure du disque.

Mala Jun­ta 1928-12 — Orques­ta Tipi­ca Brod­man Alfaro. Copie pirate d’Omnia (Disque X27251 — Matrice N300028).

Même enreg­istrement, mais ici, la copie pirate d’Omnia (Disque X27251 — Matrice N300028). La qual­ité est sen­si­ble­ment plus faible, est-ce le fait de la copie d’un disque orig­i­nal ou tout sim­ple­ment de l’usure plus impor­tante de ce disque ? Petit rap­pel. Les dis­ques sont réal­isés à par­tir d’une matrice, elle-même issue de l’enregistrement sur une galette de cire. La cire était directe­ment gravée par la pres­sion acous­tique (pour les pre­miers enreg­istrements) et par le déplace­ment d’un burin soumis aux vibra­tions obtenues par voie élec­trique (micro­phone à char­bon, par exem­ple). Cette cire ser­vait à réalis­er un con­tre­type, la matrice qui ser­vait ensuite à réalis­er les dis­ques par pres­sage. Sans cette matrice, il faut par­tir d’un disque déjà pressé, ce qui engen­dre à la fois la perte de détails qui avaient été déjà atténués à cause de l’impression orig­i­nale, mais cela peut égale­ment ajouter les défauts du disque s’il a été util­isé aupar­a­vant. La copie pirate est donc oblig­a­toire­ment de moins bonne qual­ité dans ce cas, d’autant plus que le matéri­au du disque peut égale­ment être choisi de moins bonne qual­ité, ce qui engen­dr­era plus de bruit de fond, mais ce qui per­me­t­tra de réduire le prix de fab­ri­ca­tion de cette arnaque.
On notera que, de nos jours, les édi­teurs par­tent sou­vent de dis­ques qui sont eux-mêmes des copies et qu’ils ajoutent des traite­ments numériques sup­posés de redonner une jeunesse à leurs pro­duits. Le résul­tat est sou­vent mon­strueux et se détecte par la men­tion « remas­tered » sur le disque. Mal­heureuse­ment, cela tend à devenir la norme dans les milon­gas, mal­gré les sonorités hor­ri­bles que ces traite­ments mal exé­cutés pro­duisent.

Mala jun­ta 1938-07-11 — Orques­ta Típi­ca Bernar­do Ale­many.

Le prin­ci­pal intérêt de cette ver­sion est qu’elle ouvre une sec­onde péri­ode d’enregistrements, une décen­nie plus tard. On peut cepen­dant ne pas être embal­lé par le résul­tat, sans doute trop con­fus.

Mala jun­ta 1938-11-16 — Orques­ta Julio De Caro.

De Caro réen­reg­istre sa créa­tion, cette fois, les rires et les sif­fle­ments sont reportés à la sec­onde par­tie. Cela per­met de met­tre en valeur la com­po­si­tion musi­cale assez com­plexe. Cette com­plex­ité même qui fera que ce titre, mal­gré sa beauté, aura du mal à ren­dre les danseurs heureux. On le réservera donc à l’écoute.

Mala jun­ta 1943–08-27- Orques­ta Osval­do Pugliese.

Con­traire­ment à son mod­èle, Pugliese a con­servé les rires en début d’œuvre, mais a égale­ment sup­primé les sif­fle­ments qui n’interviendront que dans la sec­onde par­tie. L’interprétation est d’une grande régu­lar­ité et avant le solo du dernier tiers de l’œuvre, on pour­ra trou­ver que l’interprétation manque d’originalité, ce n’est en effet que dans la dernière par­tie que Pugliese déchaîne son orchestre avec des ban­donéons excités sur­volés par le vio­lon tran­quille. Au crédit de cet enreg­istrement, on pour­ra indi­quer qu’il est dans­able et que la fin énergique pour­ra faire oubli­er un début man­quant un peu d’expression.

Mala jun­ta 1947-01-16 — Orques­ta Pedro Lau­renz. C’est notre tan­go du Jour.
Mala jun­ta 1949-10-10 — Orques­ta Julio De Caro.

De Caro, après la ver­sion de Pugliese et celle de Lau­renz, son coau­teur, enreg­istre une ver­sion dif­férente. Comme pour celle de 1938, il ne con­serve pas les rires et sif­flets ini­ti­aux. C’est encore plus abouti musi­cale­ment, mais tou­jours plus pour l’écoute que pour la danse. Conser­vons cela en tête pour décou­vrir, la réponse de Pugliese…

Mala jun­ta 1952-11-29 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Tou­jours les rires, sans sif­fle­ments au début de cet enreg­istrement et dans la sec­onde par­tie, ce sont les sif­fle­ments qui rem­pla­cent les rires. L’affirmation de la Yum­ba dans l’interprétation et la struc­ture de cette orches­tra­tion nous pro­pose un Pugliese bien for­mé et « typ­ique » qui devrait plaire à beau­coup de danseurs, car l’improvisation y est facil­itée, même si la richesse peut ren­dre dif­fi­cile la tâche à des danseurs peu expéri­men­tés.

La ver­sion de 1952 a été éditée en disque 33 tours. Mala jun­ta est la pre­mière plage de la face A du disque LDS 103.
Mala jun­ta 1957-09-02 — Quin­te­to Pir­in­cho dir. Fran­cis­co Canaro.

Dis­ons-le claire­ment, j’ai un peu honte de vous présen­ter cette ver­sion après celle de Pugliese. Cette ver­sion sautil­lante ne me sem­ble pas adap­tée au thème. Je ne ten­terai donc pas de la pro­pos­er en milon­ga. Je ne ver­rai donc jamais les danseurs trans­for­més en petits duen­des (lutins) gam­badants comme je l’imagine à l’écoute.

Mala jun­ta 1968 — Pedro Lau­renz con su Quin­te­to.

Pedro Lau­renz enreg­istre une dernière ver­sion de sa créa­tion. Il y a de jolis pas­sages, mais je ne suis pas pour ma part très con­va­in­cu du résul­tat.
On a l’impression que les instru­ments jouent cha­cun dans leur coin, sans trop s’occuper de ce que font les autres. Atten­tion, je ne par­le pas d’instrumentistes médiocres qui ne jouent pas ensem­ble, mais du lance­ment de traits jux­ta­posés et super­posés qui sem­blent être lâchés sans cohérence. Si cela peut plaire à l’oreille de cer­tains, c’est sûr que cela posera des dif­fi­cultés aux danseurs qui souhait­ent danser la musique et pas seule­ment faire des pas sur la musique.

Je vous pro­pose de ter­min­er avec Pugliese, qui est incon­testable­ment celui qui a le plus con­cou­ru à faire con­naitre ce titre. Je vous pro­pose une vidéo réal­isée au théâtre Colón de Buenos Aires, point d’orgue de la car­rière du maître qui rap­pelle que ses fans cri­aient « Al Colón » quand ils l’écoutaient. Finale­ment, Pugliese est arrivé au Colón et cette vidéo en témoigne…

Mala jun­ta — Osval­do Pugliese — Teatro Colón 1985.

Il y a d’autres ver­sions, y com­pris par Pugliese, notam­ment réal­isées au cours de dif­férents voy­ages, mais je pense que l’essentiel est dit et, pour ma part, je reste sur la ver­sion de 1952 pour la danse, tout en ayant un faible pour ver­sion tant nova­trice (pour l’époque) de 1927 de De Caro et la ver­sion intéres­sante de Lau­renz, qui con­stitue notre tan­go du jour.

À bien­tôt, les amis !

Homenajes

Aujourd’hui, nous allons nous intéress­er aux hom­mages. C’est en effet un thème récur­rent du tan­go. On célèbre l’ami, le maître, le grand homme ou la grande femme, la mère, sou­vent. Voici quelques hom­mages et le dernier va sans doute vous éton­ner.

Je n’évoquerai pas les dédi­caces que l’on trou­ve notam­ment sur les par­ti­tions. Ce ne sont pas tou­jours à pro­pre­ment par­ler des hom­mages, car sou­vent les per­son­nes payaient pour être men­tion­nées. Je n’évoquerai pas non plus les dis­ques d’hommage à…, puisqu’il s’agit de com­pi­la­tions et pas de titres créés spé­ciale­ment.
J’évoque donc ici, les thèmes musi­caux et les paroles qui ren­dent hom­mage, évo­quent, citent, des per­son­nes, au sens large.

Hommage avec le nom dans le titre

Une pre­mière forme est de tout sim­ple­ment déclar­er dans le titre le nom de la per­son­ne à qui on souhaite ren­dre hom­mage.
Atten­tion toute­fois à ne pas com­met­tre d’erreurs. En effet, les noms de per­son­nal­ités publiques font le plus sou­vent référence à un lieu, à une rue, et pas au per­son­nage qui a don­né son nom à cet endroit. Par exem­ple, Rodriguez Peña ou Te espero en Rodriguez Peña ne par­lent pas du prési­dent argentin, mais de la rue et plus par­ti­c­ulière­ment du salon qui y était fameux.
Très sou­vent, ces hom­mages com­men­cent par A pour indi­quer la dédi­cace, mais ce n’est pas tou­jours le cas. Voici une petite liste, bien sûr très incom­plète, notam­ment, je n’évoque pas les tan­gos qui n’ont pas l’objet dans le titre, ou ceux dont le titre vient d’une dédi­cace postérieure, comme El Entr­erri­ano.

  • A Alfre­do Belusi
  • A Ángel Amadeo Labruna
  • A Belis­ario Roldán
  • A Don Agustín Bar­di
  • A Don Guiller­mo
  • A Don Javier
  • A Don Juan Manuel
  • A Don Nicanor Pare­des
  • A Don Pedro Maf­fia
  • A Don Pedro San­til­lán
  • A Don Pir­in­cho Canaro
  • A Ernesto Sába­to
  • A Evaris­to Car­riego
  • A Fir­po
  • A Franci­ni-Pon­tier
  • A Fran­cis­co
  • A Fran­cis­co de Caro
  • A Gabi­no Sosa
  • A Home­ro
  • A Home­ro Manzi
  • A Hora­cio Sal­gan
  • A Orlan­do Goñi
  • A Ire­neo Leguisamo (“El Pulpo” o “El Mae­stro”)
  • A Juan Car­los Copes,
  • A Leopol­do Fed­eri­co
  • A Lo Pir­in­cho
  • A Luci­na y Joe
  • A Luis Luchi
  • A Mag­a­l­di
  • A Man­cu­so
  • A Mar­ta Rosa
  • A Mar­tin Fier­ro
  • A Mer­cedes
  • A Natalio Pes­cia
  • A Orlan­do Goñi (Orlan­do Goñi)
  • A Pedro Maf­fia
  • A Quin­quela Mar­tin
  • A Raúl Berón
  • A Ricar­do Cate­na
  • A Rober­to Ari
  • A Rober­to Grela
  • A Rober­to Peppe
  • A Rober­to Per­fumo
  • A Ros­alía
  • A Sal­vador Allende
  • Adiós Aro­las (Se llam­a­ba Eduar­do Aro­las)
  • Ángel Var­gas (El ruiseñor)
  • Aníbal Troi­lo
  • Aro­las
  • Calle­jas solo (A Alfre­do Calle­jas)
  • Cele­do­nio
  • Con T de Troi­lo
  • Cum­br­era (Car­los Gardel)
  • D’Arienzo vos sos el rey
  • D’Arienzo y Pal­i­to
  • Dis­cos de Gardel
  • Don José Maria
  • Don Juan
  • Don Orlan­do
  • El fueye de Aro­las
  • El pol­lo Ricar­do
  • El Tigre
  • El Yakaré (Elías Antúnez)
  • Gardel
  • Gardel que estas en los cie­los
  • Gardel – Raz­zano (El moro­cho y el Ori­en­tal)
  • Ger­ar­do Matos Rodriguez
  • Gri­cel
  • La negri­ta María
  • Luís maría
  • Mar­go
  • Mar­got
  • María
  • María Bar­ri­en­to
  • María Cristi­na
  • María de Buenos Aires
  • María Del Car­men
  • María Dolores
  • María Esther
  • María Lan­do
  • María Reme­dios
  • María Trinia
  • Mar­i­ana
  • Mar­ián­gel
  • Mar­i­an­i­to
  • Madame Ivone
  • Mi Ana María
  • Mi maría Rosa
  • Mi Mar­i­anela
  • Milon­ga para Gardel
  • Negra María
  • Para Eduar­do Aro­las
  • Peri­con por María
  • Pir­in­cho (Canaro)
  • Que le parece Dona María
  • Retra­to de Alfre­do Gob­bi
  • Rincón por María
    Tan­go a Pugliese
  • Un ADN a Gardel
  • Vio­lín
  • Zor­ro platea­do (Máx­i­mo Acos­ta)

Personnes difficiles à identifier

On par­le d’une per­son­ne pré­cise, mais il est dif­fi­cile d’être sûr de la per­son­ne évo­quée, il s’agit par­fois d’un être imag­iné à par­tir de plusieurs per­son­nes, comme Zor­ro Gris.

  • A lo Mag­dale­na
  • A lo Mega­ta
  • A mi mar­i­u­cho
  • Grise­ta
  • La Mar­i­anel­la
  • María celosa
  • María la del portón
  • María more­na
  • Mari­posa (papil­lon)
  • Otario que andas penan­do
  • Pobre Mar­got
  • Señori­ta María
  • Tu nom­bre es María
  • Yo soy María
  • Zor­ro gris

Dédicaces génériques

Elles peu­vent être util­isées pour dif­férentes per­son­nes, par exem­ple, les mères en général

  • A la mujer argenti­na
  • A los ami­gos
  • A los artis­tas plás­ti­cos
  • A los mae­stros
  • A los míos
  • A los mucha­chos
  • A los obreros grá­fi­cos
  • A los payadores
  • A los que se fueron
  • A mi esposa
  • A mi madre
  • A mi madrecita
  • A mi padre
  • A mi vie­ja
  • A mis com­pañeros
  • A mis tíos
  • A mis viejos
  • A su memo­ria
  • A un seme­jante
  • El inge­niero (ingénieurs diplômés dans les uni­ver­sités argen­tines).

Les dédicaces à Canaro

  • A Don Pir­in­cho Canaro (déjà cité)
  • A lo Pir­in­cho
  • Canaro
  • Canaro en Cór­do­ba
  • Canaro en Japón
  • Canaro en Paris
  • Pir­in­cho

Les sélections

Les selec­ciones sont des titres qui mélan­gent plusieurs morceaux. On les appelle aus­si Pop­urri (Pots-pour­ris).
Il en existe de dif­férents auteurs et/ou com­pos­i­teurs, par exem­ple Aro­las, Canaro, De Caro, Delfi­no, Di Sar­li, Dis­ce­po­lo, Gardel, Mar­i­ano Mores, Piaz­zol­la, Troi­lo… C’est une forme d’hommage qui con­siste à met­tre en valeur des com­po­si­tions ou textes d’un com­pos­i­teur ou auteur par­ti­c­uli­er.
Sans le titre selec­cion ou pop­urri, on trou­ve égale­ment

  • Hom­e­na­je a Car­los Gardel
  • Recor­dan­do a Dis­ce­po­lo
  • Hom­e­na­je a Eduar­do Rovi­ra

Les à la manière de

Il s’agit d’œuvres où on imite le style de la per­son­ne à qui on souhaite ren­dre hom­mage. Je par­le de com­po­si­tions, pas des orchestres qui jouent à la manière de…

  • Engob­biao (Alfre­do Gob­bi)
  • Pichuque­an­do (Canaro)
  • Pugliese­an­do  (Pugliese)
  • Tan­go a Pugliese (Pugliese)

San Pugliese

Vous vous êtes peut-être demandé pourquoi on dis­ait « San Pugliese », ce qui veut dire Saint Pugliese.
Don Osval­do était athée, com­mu­niste de sur­croît et donc, dif­fi­cile­ment canon­is­able, du moins par le Vat­i­can, même avec un Pape d’origine argen­tine.
Mais les Argentins ont de la ressource et l’idée de créer une image « pieuse » (Estampi­ta) à l’image de Pugliese est venue à Car­los Vil­l­a­ba à la vue des images pieuses qui se dis­tribuent dans les églis­es.
Il con­fia le texte à Alber­to Muñoz qui souhai­ta garder l’anonymat et c’est pour cette rai­son qu’il n’est pas signé. Ce qui est amu­sant, c’est que plusieurs per­son­nes ont revendiqué l’écriture, ce qui, pour Alber­to était la preuve que cela fonc­tion­nait.
L’image d’origine est con­sti­tuée d’une pho­to de Pugliese sur laque­lle un œil­let a été ajouté. C’est l’œillet qui était placé sur le piano quand Pugliese était absent (générale­ment en prison…) lors des con­certs.

San Pugliese. À gauche, Rec­to et ver­so de l’im­age « pieuse » orig­i­nale (estampi­ta). À droite, trois ver­sions plus récentes.

La men­tion « San Pugliese », reprend le principe des images pieuses, comme celle de San Expe­d­i­to, le saint des caus­es justes et urgentes…

Une image pieuse dédiée à San Expos­i­to.

Un doc­u­men­taire est sor­ti il y a quelques mois sur San Pugliese. Je vous invite à le voir, si vous en avez l’occasion, il est pas­sion­nant.

Bande annonce de San Pugliese

https://filmfreeway.com/SanPugliese
Le site et la bande annonce de San Pugliese.

https://www.facebook.com/sanpugliesedocumental
La page Face­book est égale­ment intéres­sante

Texte de la prière à Saint Pugliese

Pro­tégenos de todo aquel que no escucha. Ampára­nos de la mufa de los que insis­ten con la pati­ta de pol­lo nacional. Ayú­danos a entrar en la armonía e ilumí­nanos para que no sea la des­gra­cia la úni­ca acción coop­er­a­ti­va. Llé­vanos con tu mis­te­rio hacia una pasión que no par­ta los hue­sos y no nos deje en silen­cio miran­do un ban­doneón sobre una sil­la

Traduction libre de la prière à Saint Pugliese

« Pro­tège-nous tous ceux qui n’écoutent pas. Pro­tège-nous de la mufa (mau­vaise humeur) de ceux qui insis­tent avec la cuisse de poulet nationale. Aide-nous à entr­er en har­monie et éclaire-nous afin que le mal­heur ne soit pas la seule action coopéra­tive. Emmène-nous avec ton mys­tère vers une pas­sion qui ne brise pas les os et ne nous laisse pas en silence regar­dant un ban­donéon sur une chaise ».

Comment utiliser la prière à San Pugliese

Les musi­ciens argentins, même ceux qui n’ont rien à voir avec le tan­go respectent San Pugliese et l’invoquent pour que tout se passe bien. Sur les scènes, on peut voir des images de San Pugliese et quand tout ne se passe pas pour le mieux, il con­vient de con­jur­er le mau­vais sort en cri­ant Pugliese – Pugliese – Pugliese. Ne croyez pas que c’est une super­sti­tion, cela fonc­tionne et beau­coup d’artistes et de tech­ni­ciens ont la Estampi­ta dans leur porte­feuille, placée sur la con­sole ou sur leur instru­ment.

Clin d’œil final…

Le principe des images pieuses détournées con­tin­ue d’être util­isée en Argen­tine et je vous présente pour ter­min­er une image qui me fait mourir de rire. Le nom de l’homme poli­tique San­toro a été découpé en faire San Toro. Jaja­ja.

San­toro (en un seul mot) est un homme poli­tique argentin, enseignant de for­ma­tion. La prière demande à ce que les enfants puis­sent avoir une plave (van­cante) à l’é­cole publique.

Selección de tangos de Julio de Caro 1949-07-22 — Orquesta Aníbal Troilo

Julio De Caro – Aníbal Troilo

Hier, je vous ai pro­posé un titre « pop­urrí ». C’est-à-dire qu’il était con­sti­tué par l’assemblage de plusieurs tan­gos. Cet exer­ci­ce est pra­tiqué par dif­férents orchestres. Troi­lo en a fait plusieurs. Notre pot-pour­ri du jour s’appelle Selec­ción de tan­gos de Julio de Caro, il est con­sti­tué de sept com­po­si­tions de… Julio de Caro, bra­vo, vous avez dev­iné.

Extrait musical

Selec­ción de tan­gos de Julio de Caro 1949-07-22 — Orques­ta Aníbal Troi­lo.

Avez-vous recon­nu tous les thèmes présen­tés ?

Voici les titres sur des par­ti­tions qui sont bien sûr toutes des com­po­si­tions de Julio de Caro. Elles datent des années 20 du vingtième siè­cle.

Selec­ción de tan­gos de Julio de Caro. Les cou­ver­tures des par­ti­tions des com­po­si­tions de De Caro util­isé dans cette sélec­tion.

Les pièces du puzzle

Voici toutes les pièces, dans l’ordre. Le tan­go du jour a été enreg­istré en 1949. Ani­bal Troi­lo avait donc comme mod­èles, les ver­sions antérieures, mais n’oublions pas que ce n’est pas parce qu’il n’y a pas d’enregistrement que les orchestres ne jouaient pas leurs titres. Troi­lo peut très bien avoir enten­du jouer Julio de Caro au moment où il assem­blait le pot-pour­ri. Il avait donc des références qui ne nous sont plus acces­si­bles.

Buen Amigo

Buen ami­go 1925-05-12 — Orques­ta Julio De Caro
Buen ami­go 1930-02-26 – Orques­ta Julio De Caro
Buen ami­go 1942-09-16 – Orques­ta Julio De Caro con Agustín Volpe
Buen ami­go 1950-12-18 – Orques­ta Julio De Caro con Orlan­do Ver­ri

Mala pinta

Mala pin­ta (Mala estam­pa) 1928-08-27 – Orques­ta Julio De Caro
Mala pin­ta (Mala estam­pa) 1951-11-16 – Orques­ta Julio De Caro

Guarda vieja

Guardia vie­ja 1926-10-06 — Orques­ta Julio De Caro
Guardia vie­ja 1943-09-07 — Orques­ta Julio De Caro
Guardia vie­ja 1949-11-18 — Orques­ta Julio De Caro

Boedo

Boe­do 1928-11-16 – Orques­ta Julio De Caro
Boe­do 1939-07-07 – Orques­ta Julio De Caro con pal­abras de Héc­tor Far­rel
Boe­do 1950-08-09 – Orques­ta Julio De Caro
Boe­do 1952-09-17 — Orques­ta Julio De Caro. J’aime beau­coup le début, mais par la suite, je trou­ve que ça fait un peu fouil­lis. Ce n’est pas pour la danse, alors je vous laisse au plaisir d’écouter ou d’écourter.

Tierra querida

Tier­ra queri­da 1927-09-12 – Orques­ta Julio De Caro
Tier­ra queri­da 1936-12-15 – Quin­te­to Los Vir­tu­osos Fran­cis­co De Caro (piano), Pedro Maf­fia et Ciri­a­co Ortiz (ban­donéon), Julio De Caro (vio­lon à cor­net), Elvi­no Var­daro (vio­lon). Si Elvi­no Vara­do mérite l’épithète de vir­tu­ose, c’est un peu moins le cas pour Julio de Caro et son vio­lon par­ti­c­uli­er (avec un cor­net).
Tier­ra queri­da 1952-11-27 — Orques­ta Julio De Caro

El monito

Je vous pro­pose de vous reporter à l’anecdote sur El moni­to pour en savoir plus sur ce titre.

El moni­to 1925-07-23 — Orques­ta Julio De Caro. On notera les par­ties sif­flées.
El moni­to 1928-07-19 — Julio De Caro y su Orques­ta Típi­ca.
El moni­to 1939-05-23 — Orques­ta Julio De Caro. Une ver­sion énergique. On retrou­ve les sif­fle­ments et appa­raît un dia­logue “Raah­h­hh, Moni­to / Si / Quieres Café? / No / Por qué?”. C’est sans doute un sou­venir du tan­go humoris­tique. On imag­ine que les clients devaient s’amuser lorsque l’orchestre évo­quait le titre. Peut-être que l’idée vient d’un client imi­tant le singe et que cette scénette impro­visée au départ s’est invitée dans la presta­tion de l’orchestre.
El moni­to 1949-09-29 — Orques­ta Julio De Caro. Une dizaine d’années plus tard, De Caro nous offre une nou­velle ver­sion superbe. Les simil­i­tudes avec Pugliese sont encore plus mar­quées, notam­ment avec le tem­po net­te­ment plus lent et proche de celui de Pugliese. On retrou­ve toute­fois le dia­logue de la ver­sion de 1939, dans une ver­sion un plus large. “Ah, ah ah, Moni­to / Si / Quieres Café? / No / Por qué? / Quiero carame­lo” (je veux un bon­bon). Avec ces dia­logues imi­tant la « voix » d’un singe, De Caro s’éloigne des paroles de Juan Car­los Maram­bio Catán en renouant avec le côté tan­go humoris­tique. Mais tous les orchestres se sont éloignés des paroles, du moins pour l’enregistrement, car toutes les ver­sions disponibles aujourd’hui sont instru­men­tales (si on excepte Rober­to Díaz).
Ce qui est sûr est que cette ver­sion con­vient par­faite­ment à la danse, ce qui fait men­tir ceux qui classe De Caro dans le défini­tive­ment indans­able.

Mala junta

Mala jun­ta 1927-09-13 – Orques­ta Julio De Caro
Mala jun­ta 1938-11-16 – Orques­ta Julio De Caro
Mala jun­ta 1949-10-10 – Orques­ta Julio De Caro

Assembler le puzzle

Il y a des pots-pour­ris beau­coup plus sim­ples à repér­er que celui-ci. Troi­lo a fait œuvre de créa­tion avec des ponts (tran­si­tion entre les dif­férentes pièces du puz­zle) rel­a­tive­ment élaborés et en sélec­tion­nant des par­ties pas for­cé­ment prin­ci­pales des œuvres citées.
Vous devriez arriv­er à résoudre le puz­zle en véri­fi­ant les ver­sions des titres que vous con­nais­sez moins bien (De Caro ne passe qua­si­ment jamais en milon­ga, mais ses com­po­si­tions, si). Indice, par­fois, c’est la par­tie chan­tée qui est util­isée. Par­fois, c’est une ver­sion plus anci­enne qu’il faut pren­dre comme référence et dans quelques cas, une ver­sion postérieure, ce qui con­firme que Troi­lo con­nais­sait l’état des inter­pré­ta­tions de De Caro à l’époque, même si elles n’ont pas été enreg­istrées. Il se peut aus­si que De Caro ait copié en reprenant les idées de Troi­lo. C’est le principe de l’émulation entre deux grands musi­ciens qui se respec­taient.
On peut le véri­fi­er en con­statant que Troi­lo a réal­isé ces hom­mages à De Caro (les sélec­tions) et que De Caro a com­posé « Aníbal Troi­lo » qu’il a d’ailleurs été le seul à enreg­istr­er.

Aníbal Troi­lo 1949-09-29 — Orques­ta Julio De Caro.

Autres versions

Ani­bal Troi­lo a réal­isé plusieurs pop­urri (Selec­ción). Une seule utilise les mêmes titres, la ver­sion de 1966. Vous allez pou­voir com­par­er les deux ver­sions.

Selec­ción de tan­gos de Julio de Caro 1949-07-22 — Orques­ta Aníbal Troi­lo. C’est notre tan­go, ou notre paquet de tan­gos du jour.
Selec­ción de Julio de Caro 1966-12-06 — Orques­ta Aníbal Troi­lo.

À demain, les amis !

El bajel 1948-06-24 — Orquesta Osmar Maderna

Francisco De Caro; Julio De Caro

Le bateau à voiles, el bajel et ses com­pagnons plus tardifs à char­bon, ont été les instru­ments de la décou­verte des Amériques par les Européens. Notre tan­go du jour lui rend hom­mage. C’est un tan­go plutôt rare, écrit par deux des frères De Caro. Si les deux sont nés à Buenos Aires, leurs par­ents José De Caro et Mar­i­ana Ric­cia­r­di sont nés en Ital­ie et donc venus en bateau. Mais peut-être ne savez-vous pas qu’on vous mène en bateau quand on vous vante les qual­ités de com­pos­i­teur et de nova­teur de Julio De Caro. Nous allons lever le voile et hiss­er les voiles pour nous lancer à a décou­verte de notre tan­go du jour.

Ce week-end, j’ai ani­mé une milon­ga organ­isée par un cap­i­taine de bateau. Je lui dédie cette anec­dote. Michel, c’est pour toi et pour Del­phine, que vous puissiez voguer, comme les pio­nniers à la ren­con­tre des mer­veilles que recè­lent la mer et les ter­res loin­taines au com­pas y al com­pás de un tan­go.

Sex­te­to de Julio De Caro vers 1927.

Au pre­mier plan à gauche, Émilio de Caro au vio­lon, Arman­do Blas­co, ban­donéon, Vin­cent Scia­r­ret­ta, Con­tre­basse, Fran­cis­co De Caro, piano; Julio De Caro, vio­lin à Cor­net et Pedro Lau­renz au ban­donéon. Emilio est le plus jeune et Fran­cis­co le plus âgé des trois frères présents dans le sex­te­to. Julio avec son vio­lon à cor­net domine l’orchestre

Extrait musical

Par­ti­tion de El bajel signée Fran­cis­co et Julio De Caro… Notez qu’il est désigné par le terme “Tan­go de Salon” et qu’il est dédi­cacé à Pedro Maf­fia et Luis Con­sen­za.
El bajel 1948-06-24 — Orques­ta Osmar Mader­na.

Ce n’est assuré­ment pas un tan­go de danse. Il est d’ailleurs annon­cé comme tan­go de salon. Con­traire­ment aux tan­gos de danse où la struc­ture est claire, par exem­ple du type A+B, ou A+A+B ou autre, ici, on est devant un déploiement musi­cal comme on en trou­ve en musique clas­sique. Pour des danseurs, il manque le repère de la pre­mière annonce du thème, puis celle de la reprise. Ici, le développe­ment est con­tinu et donc il est impos­si­ble de devin­er ce qui va suiv­re, sauf à con­naître déjà l’œuvre.
C’est une des car­ac­téris­tiques qui per­met de mon­tr­er que la part de Fran­cis­co et bien plus grande que celle de son petit frère dans l’affaire, ce dernier étant plus tra­di­tion­nel, comme nous le ver­rons ci-dessous, par exem­ple dans le tan­go 1937 qui est de con­cep­tion « nor­male ». Entrée musi­cale, chanteur qui reprend le thème avec le refrain…

Autres versions

El bajel 1948-06-24 — Orques­ta Osmar Mader­na. C’est notre tan­go du jour.
El bajel Hora­cio Sal­gán au piano. C’est un enreg­istrement de la radio, la qual­ité est médiocre et de plus, le pub­lic était enrhumé.
El bajel — Hora­cio Sal­gán (piano) et Ubal­do De Lío (gui­tare). Une ver­sion de bonne qual­ité sonore avec en plus la gui­tare de Ubal­do De Lío.
El bajel 2013 — Orques­ta Típi­ca Sans Souci.

L’orchestre Sans Souci sort de sa zone de con­fort qui est de jouer dans le style de Miguel Caló. Le résul­tat fait que c’est le seul tan­go de notre sélec­tion qui soit à peu près dans­able. On notera en fin de musique, le petit chapelet de notes qui est la sig­na­ture de Miguel Caló, mais que l’on avait égale­ment dans l’enregistrement de Mader­na…

El bajel 2007 — Trio Peter Brein­er, Boris Lenko y Stano Palúch.

Une ver­sion tirant forte­ment du côté de la musique clas­sique. Mais c’est une ten­dance de beau­coup de musi­ciens que de tir­er vers le clas­sique qu’ils trou­vent par­fois plus intéres­sant à jouer que les arrange­ments plus som­maires du tan­go de bal.

Julio ou Francisco ?

Si le prénom de Julio a été retenu dans les his­toires de tan­go, c’est qu’il était, comme Canaro, un entre­pre­neur, un homme d’affaires qui savait faire marcher sa bou­tique et se met­tre en avant. Son frère Fran­cis­co, aîné d’un an, n’avait pas ce tal­ent et est resté toute sa vie au sec­ond plan, mal­gré ses qual­ités excep­tion­nelles de pianiste et com­pos­i­teur. Il a fail­li créer un sex­te­to avec Clausi, mais le pro­jet n’a pas abouti, juste­ment, par manque de capac­ité entre­pre­neuri­ale. Nous évo­querons en fin d’article un autre sex­te­to dont il est à l’origine, sans lui avoir don­né son prénom.
En tan­go comme ailleurs, ce n’est pas tout que de bien faire, encore faut-il le faire savoir. C’est dom­mage, mais ceux qui tirent les mar­rons du feu ne sont pas tou­jours ceux qui les man­gent.
Julio, était donc un homme avec un car­ac­tère plutôt fort et il savait men­er sa bar­que, ou son bajel dans le cas présent. Il a su utilis­er les tal­ents de son grand frère pour faire marcher sa bou­tique.
Fran­cis­co est mort pau­vre et Pedro Lau­renz qui, comme Fran­cis­co a beau­coup don­né à Julio, a aus­si con­nu une fin économique­ment dif­fi­cile.
Julio a signé ou cosigné des titres avec Maf­fia, Fran­cis­co (son frère) et Lau­renz, sans tou­jours faire la part des par­tic­i­pa­tions respec­tives, qui pou­vaient être nulles dans cer­tains cas, mal­gré son nom en vedette.
Par exem­ple ; El arranque, Boe­do ou Tier­ra queri­da sont signés par Julio Caro alors qu’ils sont de Pedro Lau­renz qui n’est même pas men­tion­né.

Sex­te­to De Caro — Julio de Caro (vio­loniste et directeur d’orchestre, Emilio De Caro (vio­loniste), Pedro Maf­fia (ban­donéon­iste), Leopol­do Thomp­son (con­tre­bassiste), Fran­cis­co De Caro (pianiste), Pedro Lau­renz (ban­donéon­iste).

Sur cette image tirée de la cou­ver­ture d’une par­ti­tion de La revan­cha de Pedro Lau­renz on trou­ve l’équipe de com­pos­i­teurs asso­ciée à Julio De Caro :

  • Emilio De Caro, le petit frère qui a com­posé une dizaine de titres joués par l’orchestre de Julio.
  • Fran­cis­co De Caro, le grand frère qui est prob­a­ble­ment le com­pos­i­teur prin­ci­pal de l’orchestre de Julio, que ce soit sous son nom, en col­lab­o­ra­tion de Julio ou comme com­pos­i­teur « caché ».
  • Pedro Maf­fia, qui « don­na » quelques titres à Julio quand il tra­vail­lait pour le sex­te­to
  • Pedro Lau­renz, qui fut égale­ment un four­nisseur de titres pour l’orchestre.
  • Je pour­rais rajouter Ruper­to Leopol­do Thomp­son (le con­tre­bassiste) qui a don­né Cati­ta enreg­istré par l’orchestre de Julio de Caro en 1932. Con­traire­ment aux com­po­si­tions des frères de Julio, de Maf­fia et de Lau­renz, c’est un tan­go tra­di­tion­nel, pas du tout nova­teur.

Quelques indices proposés à l’écoute

Avancer que Julio De Caro n’est pas for­cé­ment la tête pen­sante de l’évolution decari­enne, mérite tout de même quelques preuves. Je vous pro­pose de le faire en musique. Voici quelques titres inter­prétés, quand ils exis­tent, par l’orchestre de Julio de Caro pour ne pas fauss­er la com­para­i­son… Vous en recon­naîtrez cer­tains qui ont eu des ver­sions pres­tigieuses, notam­ment par Pugliese.

Tangos écrits par Julio de Caro seul :

Viña del mar 1936-12-13 – Orques­ta Julio De Caro con Pedro Lau­ga.

Après l’annonce, le thème qui sera repris ensuite par le chanteur, Pedro Lau­ga. Une com­po­si­tion clas­sique de tan­go.

1937 (Mil nove­cien­tos trein­ta y siete) 1938-01-10 — Orques­ta Julio de Caro con Luis Díaz.

Le tan­go est encore com­posé de façon très tra­di­tion­nelle, sans les inno­va­tions que son frère apporte, comme dans Flo­res negras que vous pour­rez enten­dre ci-dessous.

Ja, ja, ja 1951-06-01 — Orques­ta Julio De Caro con Orlan­do Ver­ri. Des rires que l’on retrou­vera dans Mala jun­ta.

Je vous laisse méditer sur l’intérêt de ces enreg­istrements.

Atten­tion, pour ces titres, comme pour les suiv­ants, il ne s’agit pas de musique de danse. Ce n’est donc pas l’aune de la dans­abil­ité qu’il faut les appréci­er, mais plutôt sur leur apport à l’évolution du genre musi­cal, ce qui per­met de voir que l’apport de Julio dans ce sens n’est peut-être pas aus­si impor­tant que ce qu’il est con­venu de con­sid­ér­er.

Tangos cosignés avec Francisco De Caro (en réalité écrits par Francisco)

Mala pin­ta (Mala estam­pa) 1928-08-27 — Orques­ta Julio De Caro.

Si on con­sid­ère que c’est un enreg­istrement de 1928, on mesure bien la moder­nité de cette com­po­si­tion. Pugliese l’enregistrera en 1944.

La mazor­ca 1931-01-07 — Orques­ta Julio De Caro
El bajel 1948-06-24 — Orques­ta Osmar Mader­na. C’est notre tan­go du jour,

Tangos écrits seulement par Francisco De Caro

Sueño azul 1926-11-29 — Orques­ta Julio De Caro.

On pensera à la mag­nifique ver­sion de Osval­do Frese­do (celle de 1961, bien sûr, pas celle de 1937 écrite par Tibor Bar­czy (T. Bare­si) avec des paroles de Tibor Bar­czy et Rober­to Zer­ril­lo et qu’a si mer­veilleuse­ment inter­prété Rober­to Ray.
La ver­sion de 1961 n’est pas pour la danse, c’est plutôt une œuvre “sym­phonique” et qui s’in­scrit dans la lignée de Fran­cis­co De Caro, objet de mon arti­cle. Mer­ci à Fred, TDJ, qui m’incite à don­ner cette pré­ci­sion que j’au­rais dû faire, d’au­tant plus que l’u­nivers de De Caro est sou­vent moins con­nu, voire méprisé par les danseurs.

Flo­res negras 1927-09-13 — Orques­ta Julio De Caro.

S’il fal­lait une seule preuve du tal­ent de Fran­cis­co, je con­vo­querai à la barre ce titre. On peut enten­dre com­ment com­mence le titre, avec ces élans des cordes que l’on retrou­vera chez Pugliese bien plus tard, tout comme les sols de pianos de Fran­cis­co seront ressus­cités par Pugliese en son temps. La con­tre­basse de Thomp­son mar­que le com­pas, mais avec des éclipses, tout comme le fera Pugliese dans ces alter­nances de pas­sages ryth­mées et d’autres glis­sés. Si vous faites atten­tion, vous pour­rez dis­tinguer la dif­férence entre le vio­lon d’Emilio et celui de son grand frère Julio qui utilise encore le cor­net de l’époque acous­tique.
Cette dif­férence de sonorité per­met d’attribuer avec cer­ti­tude les traits plus vir­tu­os­es à Emilio. Même si on n’est pas vrai­ment dans la danse, ce titre pour­ra curieuse­ment plaire aux ama­teurs des tan­gos de Pugliese des années 50, ce qui démon­tre l’avancée de Fran­cis­co par rap­port à ses con­tem­po­rains.
Par rap­port à notre tan­go du jour, il reste un peu de la struc­ture tra­di­tion­nelle, mais avec de telles vari­a­tions que cela rendrait la tâche des danseurs très com­pliquée s’ils leur pre­naient l’envie de le danser en impro­vi­sa­tion.
Cette mag­nifique mélodie fait par­tie de la bande-son du film La puta y la bal­lena (2004). De Ange­lis, et Frese­do en ont des ver­sions intéres­santes et fort dif­férentes. Celle de De Ange­lis est même tout à fait dansante.

Je rajoute un enreg­istrement de qual­ité très moyenne, mais qui est un excel­lent témoignage de l’admiration d’Osval­do Pugliese pour Fran­cis­co De Caro.

Flo­res negras — Osval­do Pugliese (solo de piano).

Encore une ver­sion enreg­istrée à la radio et avec un pub­lic enrhumé.

Loca bohemia 1928-09-14 — Orques­ta Julio De Caro
Un poe­ma 1930-01-08 Sex­te­to Julio De Caro.

Si on com­pare avec une com­po­si­tion de Julio, même plus tar­dive, comme Viña del mar (1936), on voit bien qui est le nova­teur des deux.

Tangos cosignés par Francisco De Caro et Pedro Laurenz

Esque­las 1932-04-07 — Orques­ta Julio De Caro con Luis Díaz

Tangos écrits par Pedro Laurenz et signés Julio De Caro

Tier­ra queri­da 1927-09-12 — Orques­ta Julio De Caro
Boe­do 1928-11-16 — Orques­ta Julio De Caro
Boe­do, une com­po­si­tion de Pedro Lau­renz, signée Julio de Caro et inter­prété par son orchestre en novem­bre 1928.

Sur les dis­ques, c’est le nom de l’orchestre qui prime. S’il c’é­taiSur les dis­ques, c’est le nom de l’orchestre qui prime. S’il c’était appelé Her­manos De Caro ou tout sim­ple­ment De Caro, peut-être que la con­tri­bu­tion majeure de Fran­cis­co De Caro serait plus con­nue aujourd’hui. Sur le disque, seul le nom de Julio De Caro appa­raît pour la com­po­si­tion, alors que c’est une œuvre de Pedro Lau­renz. On com­prend qu’à un moment ce dernier ait égale­ment quit­té l’orchestre.

El arranque 1934-01-04 — Orques­ta Julio De Caro

Tan­go cosigné avec Pedro Lau­renz (avec apports de Lau­renz majori­taires, voire totaux)

Orgul­lo criol­lo 1928-09-17 — Orques­ta Julio De Caro
Mala jun­ta 1927-09-13 — Orques­ta Julio De Caro

Tangos cosignés avec Pedro Maffia (en réalité écrits par Maffia)

Chi­clana 1936-12-15 — Quin­te­to Los Vir­tu­osos.

Quin­te­to Los Vir­tu­osos (Fran­cis­co De Caro (piano), Pedro Maf­fia et Ciri­a­co Ortiz (ban­donéon), Julio De Caro et Elvi­no Var­daro (vio­lon)

Tiny 1945-12-18 Orques­ta Osval­do Pugliese.

Pas de ver­sion enreg­istrée par Julio de Caro.

Tangos co-écrits avec Maffia et Laurenz mais signés par Julio de Caro

Buen ami­go 1925-05-12 — Orques­ta Julio De Caro.

On pensera aux ver­sions de Troi­lo ou Pugliese pour se ren­dre compte de la moder­nité de la com­po­si­tion de Maf­fia et Lau­renz. L’enregistrement acous­tique rend toute­fois dif­fi­cile l’appréciation de la sub­til­ité de la com­po­si­tion.

Pho­tographiés en 1927, de gauche à droite : Fran­cis­co De Caro, Man­lio Fran­cia, Julio De Caro et Pedro Lau­renz.

Le vio­loniste Man­lio Fran­cia com­posa deux tan­gos qui furent joués par l’orchestre de Julio De Car­ro, Fan­tasias (1929) et Pasion­ar­ia (1927).

Mais alors, pourquoi on parle de Julio et pas de Francisco ?

J’ai évo­qué la per­son­nal­ité forte de Julio. En fait, l’orchestre ini­tial a été for­mé par Fran­cis­co qui a demandé à ses deux frères de se join­dre à son sex­te­to, en décem­bre 1923. Le suc­cès aidant, l’orchestre a obtenu dif­férents con­trats per­me­t­tant à l’orchestre de grossir, notam­ment pour le car­naval (oui, encore le car­naval) jusqu’à devenir une com­po­si­tion mon­strueuse d’une ving­taine de musi­ciens. Ceci explique que le sex­te­to est générale­ment appelé orques­ta típi­ca, même si ce terme est générale­ment réservé aux com­po­si­tions ayant plus d’instrumentistes (ban­donéon­istes et vio­lonistes).
Au départ, cet orchestre mon­té par Fran­cis­co n’ayant pas de nom, il s’annonçait juste « sous la direc­tion de Julio De Caro. Mais un jour, dans une pub­lic­ité du club Vogue ou se pro­dui­sait l’orchestre, l’orchestre était annon­cé comme l’orchestre « Julio De Caro. Cela n’a pas plut à Maf­fia et Petru­cel­li qui décidèrent alors d’abandonner l’orchestre ne sup­por­t­ant plus le car­ac­tère, fort, de Julio et sa volon­té de domin­er.
Ceux qui con­nais­sent les Dal­tons penseront sans doute à la per­son­nal­ité de Joe Dal­ton pour la com­par­er à celle de Julio De Caro.

Joe, c’est assuré­ment Julio. Fran­cis­co était-il Averell ?

Plus tard, Gabriel Clausi et Pedro Lau­renz quit­teront l’orchestre à cause du car­ac­tère de Julio. Ces derniers ont gardé des attach­es avec Fran­cis­co et lorsque Osval­do Pugliese s’est chargé de faire pass­er à la postérité l’héritage des frères De Caro, c’est à Fran­cis­co qu’il se référait.
Donc, ce qui était clair à l’époque, est un peu tombé dans l’oubli, notam­ment à cause des dis­ques qui por­tent unique­ment le nom de Julio De Caro, puisque tous les orchestres étaient à son nom, ce dernier ayant tou­jours refusé le partage, Maf­fia-De Caro ou De Caro-Lau­renz, même pas en rêve pour lui.

Orchestre De Caro sur un bateau ?

Cette pho­to est en général éti­quetée comme étant l’orchestre de Julio De Caro en route pour l’Europe en mars 1931. Cepen­dant on recon­naît Thomp­son, mort en août 1925.
La pho­to est donc à dater entre 1924 et cette date si c’est l’orchestre De Caro.
Je pro­pose de plac­er cette pho­to sur un bateau se ren­dant en Uruguay ou qui en revient. Julio de Caro avait, à divers­es repris­es, tra­vail­lé en Uruguay, avec Eduar­do Aro­las, Enrique Delfi­no et Minot­to Di Cic­co (dans l’orchestre duquel Fran­cis­co était pianiste).
Comme Thom­son était avec Juan Car­los Cobián en 1923 et aupar­a­vant avec Osval­do Frese­do, cela con­firme que cette pho­to est au plus tôt de décem­bre 1923.
Lorsque Fran­cis­co du mon­ter son orchestre (qui prit le prénom de son frère), il fit appel out­re à ses frères, Emilio et Julio, à Thomp­son, Luis Petru­cel­li (ban­donéon) puis Pedro Láurenz en sep­tem­bre 1924 Pedro Maf­fia (ban­donéon) rem­placé en 1926 par Arman­do Blas­co et Alfre­do Cit­ro (vio­lon). Il y a peu de pho­tos des artistes en 1924 et les por­traits que j’ai trou­vés ne per­me­t­tent pas de garan­tir les noms des autres per­son­nes présentes.
Quoi qu’il en soit, je ter­mine cette anec­dote avec une pho­to prise sur un bateau, même si ce n’est prob­a­ble­ment pas un bajel…