Archives par étiquette : Fulvio Salamanca

Una vez 1946-11-08 — Orquesta Osvaldo Pugliese con Alberto Morán

Osvaldo Pugliese Letra : Cátulo Castillo

Nous avons vu le 9 août un tan­go du même titre Una vez inter­prété par la Orques­ta Típi­ca Vic­tor dirigée par Mario Mau­ra­no avec le chant de Orte­ga Del Cer­ro. La ver­sion du jour est celle com­posée par Osval­do Pugliese et n’a donc rien à voir avec celle de Car­los Mar­cuc­ci. Je vous pro­pose d’en savoir un peu plus sur cette œuvre roman­tique et mag­nifique.

Extrait musical

Una vez 1946-11-08 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Alber­to Morán (Osval­do Pugliese Letra : Cátu­lo Castil­lo).
Par­ti­tion de Una vez de Osval­do Pugliese et Cátu­lo Castil­lo. Alfre­do Gob­bi est en pho­to avec son vio­lon en haut à gauche et en bas à droite, le sourire de Mar­i­ano Mores.

Un pre­mier appel est lancé par les ban­donéons, qui est repris par les cordes et le piano. Rapi­de­ment, les cordes passent en pizzi­cati et Morán lance sa voix charmeuse et cares­sante. On retrou­ve donc un peu le principe de la ver­sion de Mar­cuc­ci avec la voix en con­tre­point avec les cordes. L’harmonie est cepen­dant plus tra­vail­lée, avec un enchevêtrement des par­ties plus com­plexe. Le soliste laisse par­fois la place aux instru­ments qui don­nent le motif avec leur voix pro­pre. On notera que Morán chante durant toute la durée du morceau, ce qui n’était pas si courant à l’époque pour les tan­gos de danse. On pour­rait en déduire qu’il était plus conçu pour l’écoute, mais aujourd’hui, les danseurs sont telle­ment habitués à ce type de com­po­si­tion qu’ils seraient bien frus­trés si le DJ se les inter­di­s­ait.

Paroles

Una vez fue su amor que llamó
y después sobre el abis­mo rodó,
la que amé más que a mí mis­mo fue.
Luz de su mira­da, siem­pre, siem­pre hela­da.
Sabor de sins­a­bor, mi amor,
amor que no era nada.
Pequeñez de su burla mor­daz,
una vez, sólo en la vida, una vez.

Pudo lla­marse Renée
o aca­so fuera Manón,
ya no me impor­ta quien fue,
Manón o Renée, si la olvidé…
Muchas lle­garon a mí,
pero pasaron igual,
un mal quer­er me hizo así,
gané en el perder, ya no creí.

Luz lejana y mansa
que ya no me alcan­za.
Mi voz gritó ayer,
hoy, amor, sin esper­an­za.
Una vez, fue su espina tenaz
una vez, sólo en la vida, una vez.
Osval­do Pugliese Letra : Cátu­lo Castil­lo

Traduction libre

Une fois, c’é­tait son amour qui m’ap­pelait puis vagabondait au-dessus de l’abîme, celle que j’aimais plus que moi-même.
La lumière de son regard, tou­jours, tou­jours glaciale.
Le goût sans goût, mon amour, amour qui n’é­tait rien.
La petitesse de sa moquerie mor­dante, une fois, seule­ment dans la vie, une fois.
Elle aurait pu s’ap­pel­er Renée ou peut-être que c’é­tait Manón, je m’en moque de qui c’é­tait, Manón ou Renée, si je l’ai oubliée…
Beau­coup sont venues à moi, mais elles sont passés égale­ment, un mau­vais amour m’a fait comme ça, j’ai gag­né en per­dant, je n’y croy­ais plus.
Lumière loin­taine et douce qui ne m’atteint plus.
Ma voix a crié hier, aujour­d’hui, amour, sans espoir.
Une fois, ce fut son aigu­il­lon tenace une fois, seule­ment dans la vie, une fois.

Autres versions

Con­traire­ment à la ver­sion de Car­los Mar­cuc­ci, il y a divers enreg­istrements de ce titre com­posé par Pugliese avec des paroles de Castil­lo.

Una vez 1945 — Orques­ta Edgar­do Dona­to con Osval­do Morel.

Un an avant Pugliese, Dona­to pro­pose son enreg­istrement. Si on retrou­ve la puis­sance de la com­po­si­tion de l’antimufa, la voix de Morel a un peu de mal à con­va­in­cre, mal­gré son prénom d’Osvaldo. Le résul­tat n’est pas vilain, mais à mon avis, ce n’est pas trop per­ti­nent pour Dona­to d’avoir voulu met­tre à son réper­toire, ce titre qui s’éloigne trop de son style, style qu’il cher­chait à mod­erniser pour rat­trap­er l’évolution.

Una vez 1946-10-31 — Orques­ta Osmar Mader­na con Pedro Dáti­la.

Précé­dant de peu la ver­sion enreg­istrée par Pugliese, celle de Mader­na avec Pedro Dáti­la est intéres­sante. Le piano de Mader­na est plus déco­ratif que celui de Pugliese et la voix de Pedro Dáti­la est expres­sive, sans doute autant que celle de Alber­to Morán, si on peut préfér­er ce dernier, c’est peut-être aus­si, car sa voix nous est plus famil­ière. Même si on préfère la ver­sion de Pugliese, celle de Mader­na est tout à fait dansante, voire plus que celle de l’auteur de la musique.

Una vez 1946-11-08 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Alber­to Morán. C’est notre tan­go du jour.
Una vez 1964 — Orques­ta Ful­vio Sala­man­ca con Luis Roca.

Sala­man­ca n’a pas la répu­ta­tion de faire de la musique pour la danse et cet enreg­istrement ne con­tredi­ra pas ce fait. Cela n’interdit pas d’aimer cette ver­sion et de détester le DJ qui vous la pro­poserait en bal 😉

Una vez 1968-05-31 — Alber­to Morán accom­pa­g­né par una Orques­ta dirigée par Arman­do Cupo.

Si Cupo a fait quelques enreg­istrements intéres­sants et que le chanteur, Morán, est le même que dans la ver­sion de Pugliese (24 ans plus tard), il est dif­fi­cile de s’enthousiasmer pour cette ver­sion.

Photos

Le fait que ce soit Mores et Gob­bi sur la par­ti­tion m’a don­né l’idée de vous pro­pos­er des pho­tos de Pugliese et de Castil­lo.

Pugliese, Pugliese, Pugliese, lancé par les artistes et tech­ni­ciens du spec­ta­cle pour con­jur­er le mau­vais sort. Pugliese, antim­u­fa…
Castil­lo, Castil­lo, Castil­lo, mais là, cela n’a aucun effet antim­u­fa (anti-poisse).

Y suma y sigue… 1952-08-13 — Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto Echagüe

Juan D’Arienzo ; Fulvio Salamanca (Fulvio Werfil Salamanca); Carlos Bahr (Carlos Andrés Bahr)

Quand les auteurs de tan­go se lan­cent dans la philoso­phie de la vie, cela donne cela ; des con­seils pour nav­iguer entre les canailles et les giles. Juan D’Arienzo et son pianiste de l’époque, Ful­vio Sala­man­ca se sont asso­ciés avec Car­los Bahr pour éla­bor­er la musique et les paroles. Pour les danseurs, la philoso­phie est sim­ple, sauter sur la piste aux pre­mières notes et s’éclater à danser ce titre énergique servi par l’orchestre de D’Arienzo et la voix prenante de Echagüe.

La bande des auteurs

Générale­ment, on attribue à D’Arienzo et Sala­man­ca la musique et à Car­los Bahr les paroles, mais l’enregistrement à la SADAIC (Société des auteurs argentins) donne la pater­nité aux trois pour les deux élé­ments.

Reg­istre de la SADAIC indi­quant l’en­reg­istrement de l’œu­vre le 20 avril 1953.

On notera que pour les trois, la men­tion est auteur et com­pos­i­teur. Les pour­cent­ages pour cha­cun des trois ne sont pas déter­minés. C’est qu’ils esti­maient avoir col­laboré de façon com­pa­ra­ble et qu’ils devraient donc recevoir à parts égales les droits afférents.
On notera au pas­sage les pseu­do­nymes de Sala­man­ca et Bahr. Tony Cayena pour le pre­mier et Alfas et Luke J Y C pour le sec­ond.

Car­los Bahr, Juan D’Arien­zo et Ful­vio Sala­man­ca, les trois auteurs, com­pos­i­teurs du tan­go du jour.

Ce tra­vail à trois n’est pas éton­nant dans la mesure où Sala­man­ca et Bahr étaient des amis proches et que D’Arienzo aimait met­tre en musique les textes de Bahr. Ce trio a d’ailleurs réal­isé dans les mêmes con­di­tions d’autres titres joués par l’orchestre de D’Arienzo, comme : Ganzúa, La son­risa de mamá, Sin balur­do, Tomá estas mon­edas!, Tram­pa et notre tan­go du jour, Y suma y sigue…
D’autres titres ont été com­posés par D’Arienzo et Sala­man­ca avec un texte de Bahr comme : Hoy me vas a escuchar, Nece­si­to tu car­iño et Se-Pe-Ño-Po-Ri-Py-Ta-Pa et d’autres, enfin, ont été créé par Bahr (texte) et Sala­man­ca (musique) sans l’apport de D’Arienzo, comme : Amar­ga sospecha, Aqui he venido a can­tar, Dale dale, cabal­li­to, Des­de aque­l­la noche et Eter­na.

De gauche à droite, debout : Héc­tor Varela, Juan D’Arien­zo, Arman­do Labor­de, Alber­to Echagüe et Ful­vio Sala­man­ca au piano.

Y suma y sigue

Le titre peut inter­roger. Ce terme venant des livres compt­a­bles invite à tourn­er la page pour con­sul­ter la suite d’un compte, mais il a plusieurs autres sig­ni­fi­ca­tions.

  • Expres­sion indi­quant en bas de page, que le cal­cul va se con­tin­uer sur la page suiv­ante.
  • Équiv­a­lent de etc. du latín et cetera, pour indi­quer que la liste pour­rait con­tin­uer (et le reste, et les autres choses).
  • Indique que ça va con­tin­uer à aug­menter.
  • Indique que quelque chose se répète.

Je vous laisse choisir votre inter­pré­ta­tion à la présen­ta­tion des paroles ci-dessous.

Extrait musical

Y suma y sigue… 1952-08-13 — Orques­ta Juan D’Arien­zo con Alber­to Echagüe.
Par­ti­tion de Suma y sigue…

Paroles

No me gus­ta andar con vivos y a los giles les doy pase
a los otros si es pre­ciso los atien­do y se acabó.
Si la mala se encabri­ta me la aguan­to has­ta que amanse
y aunque siem­pre hay un ami­go, curo a solas mi dolor.
Me enseñó la mala racha que la suerte es mina ilusa,
Que, al final, se que­da siem­pre con aquel que está gril­lao.
Y aprendí en los des­en­can­tos, que si aflo­ja el de la zur­da,
es mejor que te amasi­jes porque al fin irás pal­mao.

Aunque seas bien dere­cho si andas seco te dan pifia.
Tra­ba­jan­do sos cualquiera y afanan­do sos señor.
Porque, al fin, has­ta la grela que com­parte tu cobi­ja
cuan­do ve man­gos en fila solo pien­sa “¿cuán­tos son?”.
Además, nadie pre­gun­ta de que “lao” llegó la bue­na,
la impor­tan­cia está en los man­gos aunque sal­gan de lo peor.
Y apren­des al triste pre­cio de tu cre­do en esta feria
que ni tiñe la vergüen­za, ni la gui­ta tiene hon­or.

Me enseñaron los ami­gos que estas firme si hay rebusque,
aprendí de los extraños que hay que abrirse del favor.
Y la vez, que por humano le di cuar­ta a un gil “cualunque”,
me dejó en la puer­ca vía sin con­fi­an­za y sin colchón.
Los demás te ven sacan­do por la pin­ta, como al naipe,
y al mar­carte “gil en puer­ta”, preg­o­nan­do que hay amor,
te saque­an has­ta el alma y después te dan el raje…
¡Pero nadie mira nun­ca que tenés un corazón!
Juan D’Arien­zo ; Ful­vio Sala­man­ca (Ful­vio Wer­fil Sala­man­ca); Car­los Bahr (Car­los Andrés Bahr)

Traduction libre

Je n’aime pas aller avec les canailles et aux giles (XXXX voir anec­dote sur le sujet) je donne un lais­sez-pass­er, quant aux autres si néces­saire, je m’oc­cupe d’eux et c’est tout.
Si le mau­vais se déchaîne, je le sup­porte jusqu’à ce qu’il se lève et bien qu’il y ait tou­jours un ami, je guéris ma douleur seul.
La mau­vaise série m’a appris que la chance est une gamine illu­soire, qu’à la fin, elle reste tou­jours avec celui qui est gril­lé.
Et j’ai appris dans les décep­tions, que si le sincère se détend, cela vaut mieux que de se pétrir (de coups), car à la fin vous finis­sez dans les pommes (pal­mao de pal­ma­do est endormir en lun­far­do).
Même si tu es très droit, si tu es sec, ils se moquent de toi.
En tra­vail­lant, tu es quel­conque et en trompant (arnaquant, volant), tu es un Mon­sieur.
Parce qu’en fin de compte, même la gonzesse (femme) qui partage votre cou­ver­ture (lit) quand elle voit des bif­fe­tons (bil­lets de 1 peso) alignés elle pense unique­ment à « com­bi­en il y en a ? ».
D’ailleurs, per­son­ne ne demande de quel côté vient le bon, l’im­por­tant ce sont les bil­lets même s’ils sor­tent du pire.
Et tu apprends au triste prix de ton cre­do dans cette foire qui ni la honte tache, ni le flouze (l’argent) n’a d’hon­neur.
Les amis m’ont appris à être ferme s’il y a une petite occa­sion (rebusque est un petit tra­vail sup­plé­men­taire, voire un amour pas­sager), j’ai appris d’in­con­nus qu’il faut s’ou­vrir à la faveur (peut aus­si sig­ni­fi­er prof­iter sex­uelle­ment).
Et la fois, que pour être humain, j’ai porté assis­tance à un gil quel­conque, il m’a lais­sé des scro­fules, sans con­fi­ance et sans mate­las (je ne suis pas sûr du sens).
Les autres te voient venir pour l’allure, comme aux cartes, et dès qu’ils te mar­quent « gil à la porte », procla­mant qu’il y a de l’amour, ils te pil­lent jusqu’à l’âme et ensuite ils te jet­tent dehors…
Mais per­son­ne ne voit jamais que tu as un cœur !
Ces con­seils de vie, se ter­mi­nent par Mais per­son­ne ne voit jamais que tu as un cœur ! Les con­seils cachent en fait un regard cri­tique et dés­abusé sur le monde con­tem­po­rain, sur les rela­tions humaines. En cela, ce tan­go rejoint d’autres tan­gos comme cam­bal­ache, tor­men­ta et tant d’autres qui dénon­cent les injus­tices et les abus.

Autres versions

Il n’y a pas d’autre enreg­istrement de ce titre, mais D’Arienzo et Echagüe ont enreg­istré plusieurs tan­gos faisant appel au lun­far­do. En 1964, RCA a édité une sélec­tion de 12 de ces tan­gos dans un disque 33 tours.

Acad­e­mia del lun­far­do (1964). 12 tan­gos avec des paroles en lun­far­do par D’Arien­zo et Echagüe. Notre tan­go du jour est le pre­mier titre de la face 2.
Joyas del Lun­far­do (1996) reprend les 12 titres de 1964 et en rajoute 8.

Voici la liste des 20 titres du CD. Ceux qui sont en gras étaient dans le CD de 1964

1 Cartón junao (Juan D‘Arienzo/Héctor Varela/Carlos Waiss)
2 Chichipía(Juan (D‘Arienzo / Héc­tor Varela / Car­los Waiss)
3 Bien pulen­ta (Car­los Waiss)
4 El nene del Abas­to (Ela­dio Blanco/Raúl Hor­maza)
5 Sarampión (Ela­dio Blanco/Raúl Hor­maza)
6 Cam­bal­ache (Enrique San­tos Dis­cépo­lo)
7 Pitu­ca (Enrique Cadícamo/José Fer­reyra)

8 El raje (Juan D‘Arienzo/Héctor Varela)
9 Amar­ro­to (Miguel Buci­no / Juan Cao)
10 Bara­jan­do (Eduar­do Escaris Mendez)
11 Don Juan Mon­di­o­la (Anto­nio Oscar Arona)
12 Farabute (Joaquín Bar­reiro / Anto­nio Cas­ciani)
13 Cor­ri­entes y Esmer­al­da (Cele­do­nio Flo­res / Fran­cis­co Pracáni­co)
14 Y suma y sigue (Car­los Bahr / Juan D‘Arienzo / Ful­vio Sala­man­ca)
15 Che exis­ten­cial­ista (Mario Lan­di / Rodol­fo Mar­t­in­cho)
16 Pan comi­do (Enrique Dizeo)
17 Las cuarenta (Froilán Gor­rindo)
18 Que mufa che (Jorge Sturla (Tito Pueblo) / Luis Zam­bal­di)
19 Mi queri­da Sisebu­ta (Arman­do Gat­ti / Car­los Láz­zari / Anto­nio Poli­to)
20 Peringundín (Pin­tín Castel­lanos)

Voilà, les amis, c’est tout pour aujourd’hui.

Je ne vous dis pas à demain, car je vais faire une pause dans les anec­dotes, notam­ment pour essay­er de résoudre les prob­lèmes avec Face­book que cela énerve, mais aus­si, car le site sat­ure et que mon hébergeur me fait aus­si les gros yeux.

Un abra­zo énorme, des­de Buenos Aires où il fait encore bien froid…

9 de Julio (Nueve de Julio) 2009 — La Tuba Tango

1908 ou 1916 José Luis Padula Letra : 1916 ou 1919 Ricardo M. Llanes 1930 — 1931 Eugenio Cárdenas 1931 Lito Bayardo (Manuel Juan García Ferrari)

Le 9 juil­let pour les Argentins, c’est le 4 juil­let des Éta­suniens d’Amérique, le 14 juil­let des Français, c’est la fête nationale de l’Argentine. Elle com­mé­more l’indépendance vis-à-vis de l’Espagne. José Luis Padu­la était assez bien placé pour écrire ce titre, puisque la sig­na­ture de la Déc­la­ra­tion d’indépendance a été effec­tuée à San Miguel de Tucumán, son lieu natal, le 9 juil­let 1816.

Padu­la pré­tend avoir écrit ce tan­go en 1908, à l’âge de 15 ans, sans titre par­ti­c­uli­er et qu’il a décidé de le dédi­er au 9 juil­let dont on allait fêter le cen­te­naire en 1916.
Dif­fi­cile de véri­fi­er ses dires. Ce qu’on peut en revanche affirmer c’est que Rober­to Fir­po l’a enreg­istrée en 1916 et qu’on y entend les cris de joie (étranges) des sig­nataires (argentins) du traité.

Sig­na­ture de la déc­la­ra­tion d’indépendance au Con­gre­so de Tucumán (San Miguel de Tucumán) le 9 juil­let 1816. Aquarelle de Anto­nio Gonzáles Moreno (1941).
José Luis Padu­la 1893 – 1945. Il a débuté en jouant de l’har­mon­i­ca et de la gui­tare dès son plus jeune âge (son père était mort quand il avait 12 ans et a donc trou­vé cette activ­ité pour gag­n­er sa vie). L’image de gauche est une illus­tra­tion, ce n’est pas Padu­la. Au cen­tre, Padu­la vers 1931 sur une par­ti­tion de 9 de Julio avec les paroles de Lito Bayardo et à droite une pho­to peu avant sa mort, vers 1940.

Extrait musical

Par­ti­tion pour piano de 9 de Julio. L’évocation de l’indépendance est man­i­feste sur les deux cou­ver­tures. On notera sur celle de droite la men­tion de Car­de­nas pour les paroles.
Autre exem­ple de par­ti­tion avec un agran­disse­ment de la dédi­cace au procu­rador tit­u­lar Señor Ger­va­sio Rodriguez. Il n’y a pas de men­tion de paroli­er sur ces paroles.
9 de Julio (Nueve de Julio) 2009 — La Tuba Tan­go.

Dès les pre­mières notes, on note la tru­cu­lence du tuba et l’ambiance fes­tive que crée cet instru­ment. J’ai choisi cette ver­sion pour fêter le 9 juil­let, car il n’existait pas d’enregistrement intéres­sant du 9 juil­let. C’est que c’est un jour férié et les orchestres devaient plutôt ani­mer la fête plutôt que d’enregistrer. L’autre rai­son est que le tuba est asso­cié à la fan­fare, au défilé et que donc, il me sem­blait adap­té à l’occasion. Et la dernière rai­son et d’encourager cet orchestre créé en 1967 et qui s’est don­né pour mis­sion de retrou­ver la joie des ver­sions du début du vingtième siè­cle. Je trou­ve qu’il y répond par­faite­ment et vous pou­vez lui don­ner un coup de pouce en achetant pour un prix mod­ique ses albums sur Band­camp.

Paroles

Vous avez sans doute remar­qué que j’avais indiqué plusieurs paroliers. C’est qu’il y a en fait qua­tre ver­sions. C’est beau­coup pour un titre qui a surtout été enreg­istré de façon instru­men­tale… C’est en fait un phénomène assez courant pour les titres les plus célèbres, dif­férents auteurs ajoutent des paroles pour être inscrits et touch­er les droits afférents. Dans le cas présent, les héri­tiers de Padu­la ont fait un procès, preuve que les his­toires de sous exis­tent aus­si dans le monde du tan­go. En effet, avec trois auteurs de paroles au lieu d’un, la part de la redis­tri­b­u­tion aux héri­tiers de Padu­la était d’autant dimin­uée.
Je vous pro­pose de retrou­ver les paroles en fin d’article pour abor­der main­tenant les 29 ver­sions. La musique avant tout… Ceux qui sont intéressés pour­ront suiv­re les paroles des rares ver­sions chan­tées avec la tran­scrip­tion cor­re­spon­dante en la trou­vant à la fin.

Autres versions

9 de Julio (Nueve de Julio) 1916 — Orques­ta Rober­to Fir­po.

On y entend les cris de joie des sig­nataires, des espèces de roucoule­ments que je trou­ve étranges, mais bon, c’était peut-être la façon de man­i­fester sa joie à l’époque. L’interprétation de la musique, mal­gré son antiq­ui­té, est par­ti­c­ulière­ment réussie et on ne ressent pas vrai­ment l’impression de monot­o­nie des très vieux enreg­istrements. On entend un peu de cuiv­res, cuiv­res qui sont totale­ment à l’honneur dans notre tan­go du jour avec La Tuba Tan­go.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1927-06-03 — Orques­ta Rober­to Fir­po.

Encore Fir­po qui nous livre une autre belle ver­sion anci­enne une décen­nie après la précé­dente. L’enregistrement élec­trique améliore sen­si­ble­ment le con­fort d’écoute.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1928-10-11 — Guiller­mo Bar­bi­eri, José María Aguilar, José Ricar­do (gui­tar­ras).

Vous aurez recon­nu les gui­taristes de Gardel. Cet enreg­istrement a été réal­isé à Paris en 1928. C’est un plaisir d’entendre les gui­taristes sans la voix de leur « maître ». Cela per­met de con­stater la qual­ité de leur jeu.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1929-12-04 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro.

Je trou­ve cette ver­sion un peu pesante mal­gré les beaux accents du piano de Luis Ric­cardi. C’est un titre à réserv­er aux ama­teurs de canyengue, tout au moins les deux tiers, la dernière vari­a­tion plus allè­gre voit les ban­donéons s’illuminer. J’aurais préféré que tout le titre soit à l’aune de sa fin. Mais bon, Canaro a décidé de le jouer ain­si…

9 de Julio (Nueve de Julio) 1930-04-04 — Orques­ta Luis Petru­cel­li.

Le décès à seule­ment 38 ans de Luis Petru­cel­li l’a cer­taine­ment privé de la renom­mée qu’il méri­tait. Il était un excel­lent ban­donéon­iste, mais aus­si, comme en témoigne cet enreg­istrement, un excel­lent chef d’orchestre. Je pré­cise toute­fois qu’il n’a pas enreg­istré après 1931 et qu’il est décédé en 1941. Ces dernières 10 années furent con­sacrées à sa car­rière de ban­donéon­iste, notam­ment pour Frese­do.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1931 — Agustín Mag­a­l­di con orques­ta.

Mag­a­l­di n’appréciant pas les paroles de Euge­nio Cár­de­nas fit réalis­er une ver­sion par Lito Bayardo.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1931-08-15 — Orques­ta Típi­ca Colum­bia con Ernesto Famá.

Famá chante le pre­mier cou­plet de Bayardo.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1935-12-31 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

C’est une des ver­sions les plus con­nues, véri­ta­ble star des milon­gas. L’impression d’accélération con­tin­ue est sans doute une des clefs de son suc­cès.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1939-07-04 – Char­lo (accordéon et gui­tare).

Je ne sais pas d’où vient cet ovni. Je l’avais dans ma musique, extrait d’un CD Colec­ción para enten­di­dos – Época de oro vol. 6 (1926–1939). Char­lo était pianiste en plus d’être chanteur (et acteur). Tout comme les gui­taristes de Gardel qui ont enreg­istré 9 de Julio sous le nom de Gardel (voir ci-dessus l’enregistrement du 11 octo­bre 1928), il se peut qu’il s’agisse de la même chose. Le même jour, Char­lo enreg­is­trait comme chanteur avec ses gui­taristes Diva­gan­do, No hay tier­ra como la mía, Sola­mente tú et un autre titre accordéon et gui­tare sans chant, la valse Año­ran­do mi tier­ra.
On trou­ve d’autres titres sous la men­tion Char­lo avec accordéon et gui­tare. La cumpar­si­ta et Recuer­dos de mi infan­cia le 12 sep­tem­bre 1939, Pin­ta bra­va, Don Juan, Ausen­cia et La pol­ca del ren­gui­to le 8 novem­bre 1940. Il faut donc cer­taine­ment en con­clure que Char­lo jouait aus­si de l’accordéon. Pour le prou­ver, je verserai au dossier, une ver­sion éton­nante de La cumpar­si­ta qu’il a enreg­istrée en duo avec Sabi­na Olmos avec un accordéon soliste, prob­a­ble­ment lui…

9 de Julio (Nueve de Julio) 1948 — Orques­ta Héc­tor Stam­poni.

Une jolie ver­sion avec une mag­nifique vari­a­tion finale. On notera l’annonce, une pra­tique courante à l’époque où un locu­teur annonçait les titres.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1950-05-15 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

D’Arienzo nous donne une autre ver­sion. Il y a de jolis pas­sages, mais je trou­ve que c’est un peu plus con­fus que la ver­sion de 1935 qui devrait être plus sat­is­faisante pour les danseurs. Ful­vio Sala­man­ca relève l’ensemble avec son piano, piano qui est générale­ment l’épine dor­sale de D’Arienzo.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1950-07-20 — Orques­ta Alfre­do De Ange­lis.

Chez De Ange­lis, le piano est aus­si essen­tiel, mais c’est lui qui en joue, il est donc libre de don­ner son inter­pré­ta­tion mag­nifique, sec­ondé par ses excel­lents vio­lonistes. Pour ceux qui n’aiment pas De Ange­lis, ce titre pour­rait les faire chang­er d’avis.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1957-04-08 — Orques­ta Héc­tor Varela.

Varela nous pro­pose une intro­duc­tion orig­i­nale.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1953 — Hora­cio Sal­gán y su Orques­ta Típi­ca.

Une ver­sion sans doute pas évi­dente à danser.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1953-03-03 — Ariel Ped­ern­era y su Quin­te­to Típi­co.

Une belle ver­sion, mal­heureuse­ment cette copie a été mas­sacrée par le « col­lec­tion­neur ». J’espère trou­ver un disque pour vous pro­pos­er une ver­sion cor­recte en milon­ga, car ce thème le mérite large­ment.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1953-09-10 — Orques­ta José Sala.

Pour l’écoute, bien sûr, mais des pas­sages très sym­pas

9 de Julio (Nueve de Julio) 1954-05-13 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Pugliese a mis un peu de temps à enreg­istr­er sa ver­sion du thème. C’est une superbe réal­i­sa­tion, mais qui alterne des pas­sages sans doute trop var­iés pour les danseurs, mais je suis sûr que cer­tains seront ten­tés par l’expérience.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1959 — Luis Macha­co.

Une ver­sion tran­quille et plutôt jolie par un orchestre oublié. Le con­tre­point entre le ban­donéon en stac­ca­to et les vio­lons en lega­to est par­ti­c­ulière­ment réus­si.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1964 — Alber­to Mari­no con la orques­ta de Osval­do Taran­ti­no.

Alber­to Mari­no chante les paroles de Euge­nio Cár­de­nas. Ce n’est bien sûr pas une ver­sion pour la danse.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1966-06-21 — Orques­ta Florindo Sas­sone.
9 de Julio (Nueve de Julio) 1966-08-03 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

Une ver­sion bien con­nue par D’Arien­zo, dans le style sou­vent pro­posé par les orchestres con­tem­po­rains. Spec­tac­u­laire, mais, y‑a-t-il un mais ?

9 de Julio (Nueve de Julio) 1967-08-10 (Ranchera-Per­icón) — Orques­ta Enrique Rodríguez.

Sec­ond OVNI du jour, cette ranchera-Per­icón nacional avec ses flon­flons, bien prop­ice à faire la fête. Peut-être une corti­na pour demain (aujourd’hui pour vous qui lisez, demain pour moi qui écrit).

9 de Julio (Nueve de Julio) 1968 — Cuar­te­to Juan Cam­bareri.

Une ver­sion vir­tu­ose et ent­hou­si­as­mante. Pensez à prévoir des danseurs de rechange après une tan­da de Cam­bareri… Si cela sem­ble lent pour du Cam­bareri, atten­dez la vari­a­tion finale et vous com­pren­drez pourquoi Cam­bareri était nom­mé le mage du ban­donéon.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1970 — Orques­ta Arman­do Pon­tier.

Une ver­sion orig­i­nale, mais pas for­cé­ment indis­pens­able, mal­gré le beau ban­donéon d’Arman­do Pon­tier.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1971 — Orques­ta Dona­to Rac­ciat­ti.

Même si la Provin­cia Ori­en­tale tombait en 1916 sous la coupe du Por­tu­gal / Brésil, les Uruguayens sont sen­si­bles à l’é­man­ci­pa­tion d’avec le vieux monde et donc, les orchestres uruguayens ont aus­si pro­posé leurs ver­sions du 9 juil­let.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1971 — Paler­mo Trío.

Avec un trio, for­cé­ment, c’est plus léger. Ici, la danse n’est pas au pro­gramme.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1971-08-04 — Miguel Vil­las­boas y su Sex­te­to Típi­co.

Dans le style hési­tant de Vil­las­boas entre tan­go et milon­ga qu’af­fec­tion­nent les Uruguayens. Le type de musique qui a fait dire que le tan­go avait été inven­té par un indé­cis…

9 de Julio (Nueve de Julio) 1973-11-29 — Miguel Vil­las­boas y Wásh­ing­ton Quin­tas Moreno (dúo de pianos).

L’autre jour, au sujet de La rosa­ri­na 1975-01-06, un lecteur a dit qu’il avait appré­cié la ver­sion en duo de piano de Vil­las­boas et Wásh­ing­ton. Pour ce lecteur, voici 9 de Julio par les mêmes.

Et il est temps de clore cette longue liste avec notre orchestre du jour et dans deux ver­sions :

9 de Julio (Nueve de Julio) 1991 — Los Tubatan­go.

Cet orchestre orig­i­nal par la présence du tuba et sa volon­té de retrou­ver l’ambiance du tan­go des années 1900 a été créé par Guiller­mo Inchausty. C’est le même orchestre que celui de notre tan­go du jour qui est désor­mais dirigé par Lucas Kohan sous l’appellation La Tuba Tan­go au lieu du nom orig­i­nal de Los Tubatan­go.

9 de Julio (Nueve de Julio) 2009 — La Tuba Tan­go.

C’est notre tan­go du jour. Les musi­ciens en sont : Igna­cio Ris­so (tuba), Matias Rul­lo (ban­donéon), Gon­za­lo Braz (clar­inette) et Lucas Kohan (Direc­tion et gui­tare).

Cette longue liste de 29 titres, mais qui aurait pu être facile­ment deux fois plus longue mon­tre la diver­sité de la pro­duc­tion du tan­go.
En ce qui con­cerne la danse, nous nous sommes habitués à danser sur un ou deux de ces titres, mais je pense que vous aurez remar­qué que d’autres étaient aus­si intéres­sants pour le bal. La ques­tion est surtout de savoir les pro­pos­er au bon moment et aux bons danseurs. C’est toute la richesse et l’intérêt du méti­er de DJ.
Pour moi, un bon DJ n’est pas celui qui met des titres incon­nus et étranges afin de recueil­lir les applaud­isse­ments des néo­phytes, mais celui qui met la bonne musique au bon moment en sachant pren­dre des risques mesurés afin d’aider les danseurs à mag­ni­fi­er leur impro­vi­sa­tion et leur plaisir de danser.

Je reviens main­tenant, comme promis aux qua­tre ver­sions des paroles…

Paroles de Lito Bayardo (1931)

Sin un solo adiós
dejé mi hog­ar cuan­do partí
porque jamás quise sen­tir
un sol­lozar por mí.
Triste amanecer
que nun­ca más he de olvi­dar
hoy para qué remem­o­rar
todo lo que sufrí.

Lejano Nueve de Julio
de una mañana div­ina
mi corazón siem­pre fiel quiso can­tar
y por el mun­do poder pere­gri­nar,
infati­ga­ble vagar de soñador
marchan­do en pos del ide­al con todo amor
has­ta que al fin dejé
mi madre y el quer­er
de la mujer que adoré.

Yo me prometi
lleno de glo­ria regre­sar
para podérsela brindar
a quien yo más amé
y al retornar
triste, ven­ci­do y sin fe
no hal­lé mi amor ni hal­lé mi hog­ar
y con dolor lloré.

Cual vagabun­do car­ga­do de pena
yo lle­vo en el alma la desilusión
y des­de entonces así me con­de­na
la angus­tia infini­ta de mi corazón
¡Qué puedo hac­er si ya mis horas de ale­gría
tam­bién se fueron des­de aquel día
que con las glo­rias de mis tri­un­fos yo soñara,
sueños lejanos de mi loca juven­tud!

José Luis Padu­la Letra: Lito Bayardo (Manuel Juan Gar­cía Fer­rari)

C’est la ver­sion que chante Mag­a­l­di, vu qu’il l’a demandé à Bayardo
Famá, chante égale­ment cette ver­sion, mais seule­ment le pre­mier cou­plet.

Traduction libre des paroles de Lito Bayardo

Sans un seul au revoir, j’ai quit­té ma mai­son quand je suis par­ti parce que je ne voulais jamais ressen­tir un san­glot pour moi.
Une triste aube que je n’oublierai jamais aujourd’hui, pour qu’elle se sou­vi­enne de tout ce que j’ai souf­fert.
Loin­tain 9 juil­let, d’un matin divin, mon cœur tou­jours fidèle a voulu chanter et à tra­vers le monde faire le pèleri­nage,
infati­ga­ble errance d’un rêveur marchant à la pour­suite de l’idéal avec tout l’amour jusqu’à ce qu’enfin je quitte ma mère et l’amour de la femme que j’adorais.
Je me suis promis une fois plein de gloire de revenir pour pou­voir l’offrir à celle que j’aimais le plus et quand je suis revenu triste, vain­cu et sans foi je n’ai pas trou­vé mon amour ni ma mai­son et avec douleur j’ai pleuré.
Comme un vagabond acca­blé de cha­grin, je porte la décep­tion dans mon âme, et depuis lors, l’angoisse infinie de mon cœur me con­damne.
Que pour­rais-je faire si mes heures de joie sont déjà par­ties depuis ce jour où j’ai rêvé des gloires de mes tri­om­phes, rêves loin­tains de ma folle jeunesse ?

Paroles de Ricardo M. Llanes (1916 ou 1919)

De un con­ven­til­lo mugri­en­to y fulero,
con un can­flinfero
te espi­antaste vos ;
aban­donaste a tus pobres viejos
que siem­pre te daban
con­se­jos de Dios;
aban­donaste a tus pobres her­manos,
¡tus her­man­i­tos,
que te querían!
Aban­donastes el negro laburo
donde gan­abas el pan con hon­or.

Y te espi­antaste una noche
escab­ul­l­i­da en el coche
donde esper­a­ba el bacán;
todo, todo el con­ven­til­lo
por tu espi­ante ha sol­loza­do,
mien­tras que vos te has mez­cla­do
a las far­ras del gotán;
¡a dónde has ido a parar!
pobrecita milonguera
que soñaste con la glo­ria
de ten­er un buen bulín;
pobre pebe­ta inocente
que engrup­i­da por la far­ra,
te metiste con la bar­ra
que vive en el cafetín.

Tal vez mañana, pia­doso,
un hos­pi­tal te dé cama,
cuan­do no brille tu fama
en el salón;
cuan­do en el “yiro” no hagas
más “sport”;
cuan­do se canse el cafi­sio
de tu amor ;
y te espi­ante rechi­fla­do
del bulín;
cuan­do te den el “oli­vo“
los que hoy tan­to te aplau­den
en el gran cafetín.

Entonces, triste con tu deca­den­cia,
per­di­da tu esen­cia,
tu amor, tu cham­pagne ;
sólo el recuer­do quedará en tu vida
de aque­l­la per­di­da
glo­ria del gotán;
y entonces, ¡pobre!, con lágri­mas puras,
tus amar­guras
der­ra­marás;
y sen­tirás en tu noche enfer­miza,
la ingra­ta risa
del primer bacán.

José Luis Padu­la Letra: Ricar­do M. Llanes

Traduction libre des paroles de Ricardo M. Llanes

D’un immeu­ble (le con­ven­til­lo est un sys­tème d’habitation pour les pau­vres où les familles s’entassent dans une pièce desservie par un cor­ri­dor qui a les seules fenêtres sur l’extérieur) sale et vilain, avec un prox­énète, tu t’es enfuie ;
tu as aban­don­né tes pau­vres par­ents qui t’ont tou­jours prodigué des con­seils de Dieu ;
Tu as aban­don­né tes pau­vres frères, tes petits frères, qui t’aimaient !
Tu as aban­don­né le tra­vail noir où tu gag­nais ton pain avec hon­neur.
Et tu t’es enfuie une nuit en te fau­fi­lant dans la voiture où le bacán (homme qui entre­tient une femme) attendait ;
Tout, tout l’immeuble à cause de ta fuite a san­gloté, tan­dis que toi tu t’es mêlée aux fêtes du Gotan (Tan­go) ;
Mais où vas-tu t’arrêter ?
Pau­vre milonguera qui rêvait de la gloire et d’avoir un bon logis ;
Pau­vre fille inno­cente qui, enflée par la fête, s’est aco­quinée avec la bande qui vit dans le café.
Peut-être que demain, pieuse­ment, un hôpi­tal te don­nera un lit, quand ta renom­mée ne brillera pas dans ce salon ;
quand dans le « yiro » (pros­ti­tu­tion) vous ne faites plus de « sport » ;
quand le voy­ou de ton amour se fatigue ;
et tu t’évades folle du logis ;
Quand ils te ren­voient (dar el oli­vo = ren­voy­er en lun­far­do), ceux qui vous applaud­is­sent tant aujourd’hui dans le Grand Cafetín.
Puis, triste avec ta déca­dence, perte de ton essence, de ton amour, de ton cham­pagne ;
Seul le sou­venir de cette perte restera dans ta vie
Gloire du Gotan ;
et alors, pau­vre créa­ture, avec des larmes pures, ton amer­tume tu déverseras ;
Et tu sen­ti­ras dans ta nuit mal­adive, le rire ingrat du pre­mier Bacán.

Paroles de Eugenio Cárdenas (version 1 de 1930)

Mien­tras los clar­ines tocan diana
y el vibrar de las cam­panas
reper­cute en los con­fines,
mil recuer­dos a los pechos
los infla­ma la ale­gría
por la glo­ria de este día
que nun­ca se ha de olvi­dar.
Deja, con su músi­ca, el pam­pero
sobre los patrios aleros
una belleza que encan­ta.
Y al con­juro de sus notas
las campiñas se lev­an­tan
salu­dan­do, rev­er­entes,
al sol de la Lib­er­tad.

Bro­ta, majes­tu­oso, el Him­no
de todo labio argenti­no.
Y las almas trem­u­lantes de emo­ción,
a la Patria sólo saben ben­de­cir
mien­tras los ecos repiten la can­ción
que dos genios han lega­do al por­venir.
Que la her­mosa can­ción
por siem­pre vivirá
al calor del corazón.

Los cam­pos están de fies­ta
y por la flo­res­ta
el sol se der­ra­ma,
y a sus destel­los de mág­i­cas lum­bres,
el llano y la cum­bre
se envuel­ven de lla­mas.
Mien­tras que un criol­lo patri­ar­cal
nar­ra las horas
de las cam­pañas
lib­er­ta­do­ras,
cuan­do los hijos de este sue­lo
amer­i­cano
por jus­ta causa
demostraron
su val­or.

José Luis Padu­la Letra: Euge­nio Cár­de­nas

C’est la ver­sion chan­tée par Alber­to Mari­no en 1964.

Traduction libre des paroles de Eugenio Cárdenas (version 1 de 1930)

Tan­dis que les clairons son­nent le réveil et que la vibra­tion des cloches résonne aux con­fins,
mille sou­venirs enflam­ment de joie les poitrines pour la gloire de ce jour qui ne sera jamais oublié.
Avec sa musique, le pam­pero laisse sur les patri­otes alliés une beauté qui enchante.
Et sous le charme de ses notes, la cam­pagne se lève avec révérence, au soleil de la Lib­erté.
L’hymne de chaque lèvre argen­tine germe, majestueux.
Et les âmes, trem­blantes d’émotion, ne savent que bénir la Patrie tan­dis que les échos répè­tent le chant que deux génies ont légué à l’avenir.
Que la belle chan­son vivra à jamais dans la chaleur du cœur.
Les cam­pagnes sont en fête et le soleil se déverse à tra­vers la forêt, et avec ses éclairs de feux mag­iques, la plaine et le som­met sont envelop­pés de flammes.
Tan­dis qu’un criol­lo patri­ar­cal racon­te les heures des cam­pagnes de libéra­tion, lorsque les enfants de ce sol améri­cain pour une cause juste ont démon­tré leur courage.

Paroles de Eugenio Cárdenas (version 2 de 1931)

Hoy sien­to en mí
el des­per­tar de algo feliz.
Quiero evo­car aquel ayer
que me brindó plac­er,
pues no he de olvi­dar
cuan­do tem­bló mi corazón
al escuchar, con emo­ción,
esta feliz can­ción:

Bro­ta, majes­tu­oso, el Him­no
de todo labio argenti­no.
Y las almas trem­u­lantes de emo­ción,
a la Patria sólo saben ben­de­cir
mien­tras los ecos repiten la can­ción
que dos genios han lega­do al por­venir.
Que la her­mosa can­ción
por siem­pre vivirá
al calor del corazón.

En los ran­chos hay
un revivir de mocedad;
los criol­los ven en su
pasión
todo el amor lle­gar.
Por las huel­las van
llenos de fe y de ilusión,
los gau­chos que oí can­tar
al res­p­lan­dor lunar.

Los cam­pos están de fies­ta
y por la flo­res­ta
el sol se der­ra­ma,
y a sus destel­los de mág­i­cas lum­bres,
el llano y la cum­bre
se envuel­ven de lla­mas.
Mien­tras que un criol­lo patri­ar­cal
nar­ra las horas
de las cam­pañas
lib­er­ta­do­ras,
cuan­do los hijos de este sue­lo
amer­i­cano
por jus­ta causa
demostraron
su val­or.

José Luis Padu­la Letra: Euge­nio Cár­de­nas

Traduction libre des paroles de Eugenio Cárdenas (version 2 de 1931)

Aujourd’hui je sens en moi l’éveil de quelque chose d’heureux.
Je veux évo­quer cet hier qui m’a offert du plaisir, car je ne dois pas oubli­er quand mon cœur a trem­blé quand j’ai enten­du, avec émo­tion, cette chan­son joyeuse :
L’hymne de chaque lèvre argen­tine germe, majestueux.
Et les âmes, trem­blantes d’émotion, ne savent que bénir la Patrie tan­dis que les échos répè­tent le chant que deux génies ont légué à l’avenir.
Que la belle chan­son vivra à jamais dans la chaleur du cœur.
Dans les baraques (mai­son som­maire, pas un ranch…), il y a un regain de jeunesse ;
Les Criol­los voient dans leur pas­sion tout l’amour arriv­er.
Sur les traces (empreintes de pas ou de roues), ils sont pleins de foi et d’illusion, les gau­chos que j’ai enten­dus chanter au clair de lune.
Les cam­pagnes sont en fête et le soleil se déverse à tra­vers la forêt, et avec ses éclairs de feux mag­iques, la plaine et le som­met sont envelop­pés de flammes.
Tan­dis qu’un criol­lo patri­ar­cal racon­te les heures des cam­pagnes de libéra­tion, quand les enfants de ce sol améri­cain pour une juste cause ont démon­tré leur courage.

Vous êtes encore là ? Alors, à demain, les amis !

Pensalo bien 1938-06-22 — Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto Echagüe

Juan José Visciglio Letra : Nolo López ; Julio Alberto Cantuarias

Pen­sa­lo bien, pense-le bien, ce titre est qua­si indis­so­cia­ble de la ver­sion du jour par Juan D’Arienzo et Alber­to Echagüe. Nous nous fer­ons donc un plaisir d’écouter ce titre qui fête aujourd’hui ses 86 ans, sans une ride. Il faut dire qu’il est bien né avec le trio D’Arienzo, Bia­gi et Echagüe.

Pour ce qui est de la par­tic­i­pa­tion de Rodol­fo Bia­gi à la réal­i­sa­tion de ce chef‑d’œuvre, c’était juste, car c’est le tout dernier enreg­istrement de Bia­gi avec D’Arienzo. Pour être pré­cis, c’est l’avant-dernier, car le même jour, D’Arienzo enreg­istre Cham­pagne tan­go qui porte le numéro de matrice suiv­ant (12 364 con­tre 12 363 pour Pen­sa­lo bien). Les enreg­istrements suiv­ants se fer­ont avec Juan Poli­to, D’Arienzo ayant mis à la porte Bia­gi, car il ne voulait pas deux vedettes dans son orchestre.

Extrait musical

Penb­sa­lo bien. Juan José Vis­ciglio Letra: Nolo López; Julio Alber­to Can­tu­ar­ias. Arrange­ment de Charles Gor­czyn­s­ki. Il est indiqué Calvera sur la par­ti­tion au lieu de Vis­ciglio, mais c’est bien la par­ti­tion de la ver­sion de Vis­ciglio… À droite, une appli­ca­tion intéres­sante, Chordi­fy, qui per­met d’avoir les accords qui s’affichent en même temps que la lec­ture de la musique.
Pen­sa­lo bien 1938-06-22 — Orques­ta Juan D’Arienzo con Alber­to Echagüe.

Le début stac­ca­to des ban­donéons, suivi de tous les instru­ments en appui, lance le titre. Pas d’introduction, nous sommes directe­ment dans le dur de la danse. C’est du D’Arienzo effi­cace. Des phras­es des vio­lons adoucis­sent et con­trastent ce mar­quage appuyé du rythme.
Le thème prin­ci­pal appa­raît à 30 sec­on­des. L’ensemble de l’orchestre le joue avec des con­tre­points du piano. À 1:25, Echagüe reprend le thème avec sa voix ferme. Il ne chante que 25 sec­on­des… Heureuse­ment qu’il y a eu deux pris­es de ce titre le même jour, cela lui a per­mis de chanter 50 sec­on­des…. À par­tir de 1:51, les ban­donéons explosent la cadence en pas­sant à des stac­catos en dou­bles croches. La vitesse n’a pas changé, mais l’impression de vitesse, si.
C’est sim­ple, effi­cace, dansant. Du bon tan­go de danse, le fait que son suc­cès ne se démente pas 86 ans plus tard le prou­ve. Tant qu’il y aura des danseurs pour sauter sur la piste aux pre­mières notes de ce thème, le tan­go vivra.

Paroles

No te pido expli­ca­ciones
No me gus­tan las esce­nas,
¿Decís que vas a dejarme?
Andá, qué le voy a hac­er.
Si es cier­to que has de mar­charte
Me causará mucha pena,
Mas pre­fiero esa fran­queza
A un inno­ble pro­ced­er.
No me expli­co por qué causa
Decidiste dar tal paso,
Si ayer mis­mo me juraste:
“Sos el dueño de mi amor.”
¿Te ha cansa­do la pobreza ?
¿Ya no me quieres, aca­so?
O encon­traste quien te quiera
Con más car­iño y fer­vor.

Pen­sa­lo bien
Antes de dar ese paso,
Que tal vez mañana aca­so
No puedas retro­ced­er.
Pen­sa­lo bien,
Ya que tan­to te he queri­do,
Y lo has echa­do al olvi­do
Tal vez por otro quer­er.

Te agradez­co los momen­tos
Más felices de mi vida,
Yo sé que vos me tra­jiste
La luz en mi soledad.
Ya ciego cor­rí a tu encuen­tro
A des­cansar en tus bra­zos,
Y mis noches angus­tiosas
Con tu paz, las bor­ré.
Es por eso que te imploro
De rodil­las : « No te vayas. »
Más que nun­ca yo pre­ciso
Las cari­cias de tu amor.
Escuchame… te supli­co
Por mi vieji­ta queri­da,
¡No te vayas!, Acor­date
Que vos juraste por Dios.

Juan José Vis­ciglio Letra: Nolo López ; Julio Alber­to Can­tu­ar­ias

Echagüe ne chante que ce qui est gras. 25 sec­on­des qui restent dans l’oreille, une mer­veille.

Les paroles du refrain dites par Fer­nan­do Ser­ra­no.

Traduction libre

Je ne te demande pas d’explications, je n’aime pas les scènes.
Tu dis que tu vas me quit­ter ?
Va. Qu’est-ce que je vais faire ?
S’il est vrai que tu dois par­tir, cela me causera beau­coup de cha­grin.
Mais je préfère cette fran­chise à un igno­ble procédé.
Je ne com­prends pas pourquoi vous avez décidé de franchir un tel pas, si hier tu me jurais :
« Tu es le pro­prié­taire de mon amour. »
La pau­vreté t’a fatiguée ?
Tu ne m’aimes plus, peut-être ?
Ou tu as ren­con­tré quelqu’un qui t’aime avec plus d’affection et de fer­veur.

Réfléchi bien avant de franchir ce pas, que peut-être demain tu ne pour­ras pas revenir en arrière.
Pense-le bien.
Puisque je t’ai tant aimée et que tu l’as jeté à l’oubli, peut-être pour un autre amour.

Je te remer­cie pour les moments les plus heureux de ma vie.
Je sais que tu m’as apporté de la lumière dans ma soli­tude.
Alors aveu­gle, j’ai cou­ru à ta ren­con­tre pour me repos­er dans tes bras.
Et mes nuits angois­sées, avec ta paix, je les avais effacées.
C’est pourquoi je t’implore à genoux : « Ne t’en va pas. »
Plus que jamais j’ai besoin des caress­es de ton amour.
Écoute-moi… Je t’en sup­plie pour ma chère mère.
Ne pars pas !
Rap­pelle-toi que tu as juré par Dieu.

Autres versions

Il existe trois tan­gos por­tant le titre Pen­sa­lo Bien, mais un seul enreg­istrement nous restitue la créa­tion de Juan José Vis­ciglio, Nolo López et Julio Alber­to Can­tu­ar­ias à l’époque de l’âge d’or du tan­go de danse. On ne s’en plaint pas, c’est notre tan­go du jour. Bien sûr, des orchestres con­tem­po­rains se sont depuis lancés sur ce titre, je vous en pro­pose deux.

Mais aupar­a­vant, je vais vous présen­ter les « faux » Pen­sa­lo bien.

Les « faux » Pensalo bien

Évidem­ment, ils ne sont pas faux. Ils ont juste le même titre et n’ont pas con­nu le même suc­cès que notre tan­go du jour.

Pensalo bien composé par Edgardo Donato

Pen­sa­lo bien 1926-12-14 — Orques­ta Osval­do Frese­do.

Cette ver­sion instru­men­tale a été com­posée par Edgar­do Dona­to. Dès les pre­mières sec­on­des, on se rend compte que ce titre n’a rien à voir et comme il est instru­men­tal, per­son­ne ne pour­ra penser qu’il a le même titre que notre tan­go du jour.

Pensalo bien composé par Alberto Calvera avec des paroles de Enrique López

C’est la ver­sion éti­quetée par erreur dans la par­ti­tion pub­liée par Charles Gor­czyn­s­ki. On remar­quera tout de suite que cette ver­sion n’a rien à voir avec la par­ti­tion présen­tée qui est bien celle de la ver­sion de Juan José Vis­ciglio (notre tan­go du jour).

Pen­sa­lo bien 1929-10-10 — Orques­ta Rober­to Fir­po con Teó­fi­lo Ibáñez.
Pen­sa­lo bien 1929-10-23 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Char­lo.
Pen­sa­lo bien 1929-12-17 — Ada Fal­cón con acomp. de Fran­cis­co Canaro.

Comme bien sou­vent, Canaro enreg­istre une ver­sion de danse et une ver­sion chan­son. Cette dernière avec Ada Fal­cón.

Pen­sa­lo bien 1959-09-21 — Orques­ta Ful­vio Sala­man­ca con Luis Cor­rea.

30 ans plus tard, Sala­man­ca pro­pose cette ver­sion qui, je le recon­nais, aurait pu ne pas faire par­tie de ma sélec­tion…

Le « vrai » Pensalo bien

Pen­sa­lo bien 1938-06-22 — Orques­ta Juan D’Arienzo con Alber­to Echagüe. C’est notre tan­go du jour.
Pen­sa­lo Bien — Sex­te­to Milonguero con Javier di Ciri­a­co.

Pen­sa­lo Bien — Sex­te­to Milonguero con Javier di Ciri­a­co. Ce sex­te­to, aujourd’hui dis­paru, avait pro­posé des ver­sions per­son­nelles des grands suc­cès du tan­go. Ici, Pen­sa­lo Bien, chan­té par son leader, Javier Di Ciri­a­co. L’orchestre est un peu léger, ce n’est qu’un sex­te­to et de la part de cet orchestre, on pour­rait atten­dre une ver­sion un peu plus énergique, mais c’est sym­pa­thique tout de même.

Pour ter­min­er, une ver­sion un peu « cabo­tine » de Fer­nan­do Ser­ra­no… 

Pen­sa­lo bien 2020, Fer­nan­do Ser­ra­no

C’est dans­able et si tout comme la ver­sion du Sex­te­to Milonguero, ça ne peut pas faire oubli­er l’interprétation de D’Arienzo et Echagüe, c’est tout à fait recev­able danse une milon­ga. L’avantage de cette vidéo, c’est qu’elle mon­tre les deux instru­men­tistes (pianiste et ban­donéon­iste) à l’œuvre.

Pensez‑y bien, et à demain les amis !

Ana María y Lilián 1944-05-17 — Orquesta Juan D’Arienzo con Héctor Mauré

Fulvio Salamanca – Nolo López y Héctor Varela – Luis Rafael Caruso

Cer­tains ont dû faire des bonds en voy­ant le titre de l’anecdote du jour. Quoi, un tan­go que je ne con­nais pas ? J’espère qu’ils ne se sont pas cognés au pla­fond. En effet, aujourd’hui, je vais vous par­ler de deux titres enreg­istrés le même jour et par les mêmes artistes. J’ai donc créé cette ami­tié entre Ana María, la noire et Lil­ián la blonde qui dure depuis 80 ans.
Le 17 mai 1944, Juan D’Arienzo enreg­istre qua­tre thèmes très dif­férents, dont trois avec Héc­tor Mau­ré. J’ai choisi deux d’entre eux, car ce sont des por­traits de femmes, des femmes très dif­férentes, mais aux des­tins par­al­lèles.
Vous aurez tout de même droit aux deux autres titres, dont l’un qui va vous faire dress­er les cheveux sur la tête.

Extraits musicaux

Lil­ián 1944-05-17 – Orques­ta Juan D’Arienzo con Héc­tor Mau­ré (Musique Héc­tor Varela, paroles de Luis Rafael Caru­so).

Lil­ián est un titre sou­vent passé. C’est un D’Arienzo plutôt calme, mais très expres­sif. On notera l’utilisation de Lil­ián en leit­mo­tiv, en évo­ca­tion et son rem­place­ment finale­ment par amor. Comme on le ver­ra avec les paroles, il s’agit ici, espoir de reprise d’une rela­tion d’une nuit.

Ana María 1944-05-17 – Orques­ta Juan D’Arienzo con Héc­tor Mau­ré (Musique de Ful­vio Sala­man­ca, paroles de Nolo López [Manuel Nor­ber­to López]).

Il s’agit, ici, d’une milon­ga can­dom­bé. Comme nous le ver­rons, les paroles vont égale­ment dans ce sens. C’est presque un pon­cif, lorsque l’on par­le de per­son­nes noires, c’est sou­vent à tra­vers une milon­ga can­dom­bé. C’est une des raisons pour lesquels cer­tains revendiquent une orig­ine noire pour le tan­go, par exem­ple Juan Car­los Cac­eres qui fait des milon­gas can­dombe, même s’il les nomme « tan­go », comme Tan­go negro, Tocá Tangó, Tan­go retan­go, ou Cum­tan­go

Paroles de Ana María

Ana María, la rosa mula­ta
Bajo su bata esconde un dolor,
Nació con luna de pla­ta
Por los Cuar­te­les del sol.

Novia queri­da de aquel tam­borero
Un entr­erri­ano de corazón,
Los dos col­maron sus sueños
Con un romance de amor.

Cuán­tos par­dos se sin­tieron
Pri­sioneros por su amor,
Dos mulatos la quisieron
Pero ella dijo: No.
A sus ojos, un poeta
Le can­tó su madri­gal,
Flo­recía la more­na
Entre rosas de un ros­al.

Ful­vio Sala­man­ca –  Nolo López (Manuel Nor­ber­to López)

Traduction libre de Ana María

Ana Maria, la rose noire (mula­ta désigne des femmes d’origine noire, ou métisse de noirs, con­traire­ment à Negra, qui sig­ni­fie sim­ple­ment à la peau plus som­bre et qui peut témoign­er d’origines des peu­ples pre­miers d’Argentine), cache une douleur sous son peignoir.
Elle est née avec une lune d’argent près de la caserne du Soleil.

Petite amie bien-aimée de ce tam­borero (joueur de tam­bour. On con­naît l’affection des Uruguayens pour les per­cus­sions), un entr­erri­ano (de la province d’Entre Rios) de cœur.
Les deux ont réal­isé leurs rêves avec une romance amoureuse.

Com­bi­en de noirs se sen­taient, pris­on­niers de son amour.
Deux mulâtres l’aimaient, mais elle a dit : « Non ».
Dans ses yeux, un poète lui chan­tait son madri­gal.
La noire fleuris­sait par­mi les ros­es d’un rosier.

Paroles de Lilián

Lil­ián,
rubia y dulce, Lil­ián.
Pasión,
de un romance casu­al…
Esa noche yo esta­ba tan solo
y tú llenaste mi soledad.
Lil­ián,
rubia y dulce, Lil­ián.
No estás.
Esta noche no estás.
Y me sien­to más solo que nun­ca
sin el azul de tus ojos, Lil­ián.

Que tris­teza hay en mi cuar­to.
Que amar­gu­ra en mi inte­ri­or.
He lle­ga­do a amarte tan­to,
que no vivo sin tu amor.
Con el beso siem­pre joven,
mi quer­er te esper­ará
y a la luz de tus can­ciones,
mis ilu­siones revivirán.
Porque hay algo que me dice,
que no olvi­daste, mi amor, Lil­ián…

Lil­ián,
rubia y dulce, Lil­ián.
Amor.
Que hizo triste un adiós,
cuan­do todo era un can­to a la vida,
la mis­ma vida nos sep­a­ró.

Lil­ián,
rubia y dulce, Lil­ián.
Mi amor,
esperán­dote está,
y esperan­do me ven las auro­ras,
sin el azul de tus ojos, Lil­ián.

Héc­tor Varela — Luis Rafael Caru­so

Mau­ré ne chante pas ce qui est en orange.

Traduction libre de Lilián

Lil­ián, blonde et douce, Lil­ián.
Pas­sion, d’une romance occa­sion­nelle…
Cette nuit-là, j’étais si seul et tu as comblé ma soli­tude.
Lil­ián, blonde et douce, Lil­ián.
Tu n’es pas là.
Ce soir, tu n’es pas ici.
Et je me sens plus seul que jamais sans le bleu de tes yeux, Lil­ián.

Quelle tristesse il y a dans ma cham­bre !
Quelle amer­tume en moi !
J’en suis venu à t’aimer telle­ment que je ne peux pas vivre sans ton amour.
Avec le bais­er tou­jours jeune, mon amour t’attendra et à la lumière de tes chants, mes illu­sions seront ravivées.
Parce qu’il y a quelque chose qui me dit que tu n’as pas oublié mon amour, Lil­ián…

Lil­ián, blonde et douce, Lil­ián.
Amour.
Comme fut triste un adieu, alors que tout était un hymne à la vie, la même vie nous sépara.
Lil­ián, blonde et douce, Lil­ián.
Mon amour t’attend, et les aurores me voient atten­dre, sans le bleu de tes yeux, Lil­ián.

Les enregistrements de D’Arienzo du 17 mai 1944

El apache argenti­no 1944-05-17 – Orques­ta Juan D’Arienzo (Musique Manuel Gre­go­rio Aróztegui).

C’est un tan­go instru­men­tal. Les Apach­es, sont, en Argen­tine, aus­si, des déli­quants, mem­bres de ban­des sou­vent vio­lentes. Ils n’ont rien de com­mun avec les Indi­ens des USA. D’Arienzo avait étren­né ce tan­go en 1930, lors du car­naval. On repar­lera un jour des car­navals, car ce sont des événe­ments très impor­tants pour les orchestres de tan­go…

Las doce 1944-05-17 – Orques­ta Juan D’Arienzo con Héc­tor Mau­ré (Musique Juan D’Arienzo, paroles de Nolo López [Manuel Nor­ber­to López]).

Cette musique com­mence par une cita­tion du célèbre chant de Noël Jin­gle bells. On imag­ine quelques flo­cons de neige, un hiv­er qui débute. Bien sûr, Buenos Aires étant dans l’hémisphère sud, les Noëls sont chauds. Je pense que c’est surtout pour apporter une note « enfan­tine » au thème qui com­mence donc très légère­ment. Nous allons avoir avec les paroles que cela se gâte rapi­de­ment :

Paroles de Las doce

Llueve y hace frío
Crudo es el invier­no
Cru­jen los por­tales
Sil­ba el ven­daval

Pasa preg­o­nan­do
El viejo diarero
Car­reras y fobal
La guer­ra mundi­al

Tiem­blan los cristales
De un café noc­turno
Sue­na la pianola
Un boni­to vals

Mien­tras en mí cuar­to
Mi lecho sin man­tas
Me acosa el invier­no
Aumen­ta mi mal

Las doce, medi­anoche
Don Mateo con su coche
Va camino al cor­ralón
Las doce
Y la llu­via
Arrimán­dose a su paso
El per­fume del malvón
Las doce se agi­gan­ta
Y va exten­di­en­do su man­to
En los vidrios de un farol

Juan D’Arienzo Letra : Nolo López (Manuel Nor­ber­to López)

Traduction libre de Las doce (âmes sensibles s’abstenir)

Minu­it (12 heures)

Il pleut et il fait froid. L’hiver est rude. Les por­tails grin­cent. La bise sif­fle. (Rien d’étonnant jusque-là, on s’imagine avec Jin­gle bells que l’on est en hiv­er de l’hémisphère nord).

Passe en annonçant, le vieux vendeur de jour­naux, cours­es et foot­ball (fobal est la forme de Fút­bol en lun­far­do), la guerre mon­di­ale (Là, l’évocation du con­flit mon­di­al jette un autre froid, la fable du tan­go de Noël com­mence à se fendiller. On pense par­fois que l’Argentine était loin de la guerre, en fait, même si elle est restée neu­tre, le sort des familles qui n’avaient pas émi­gré fai­sait que les Argentins se sen­taient con­cernés).

Les fenêtres d’un café de nuit trem­blent, le pianola joue une belle valse (le pianola est un piano qui peut jouer seul des airs à l’aide d’un mécan­isme lisant des cartes per­forées. Nous l’avons déjà évo­qué à pro­pos de Loren­zo. Là, si l’histoire de la guerre nous a échap­pé, on se ras­sure, on s’imagine danser la valse dans le bistro­quet).

Dans ma cham­bre, ma litière sans cou­ver­tures, l’hiver m’assaille, il aug­mente mon mal. (Là, nou­veau coup de froid, le tan­go n’a plus l’air d’un con­te de Noël, tout au plus on pour­rait penser à la petite marchande d’allumettes d’Andersen).

12 heures, minu­it. (12 heures, en fait, 24 h ou 0 h, minu­it, l’heure du crime selon le dic­ton).

Don Mateo (Il existe au moins deux tan­gos nom­més Don Mateo, dont un avec des paroles de José Ponzio, dénonçant un crim­inel ayant tué 6 per­son­nes de sa famille et 2 employés de ferme. Il s’agit en fait d’un notable, pro­prié­taire ter­rien, Mateo Banks. C’était un fils d’émigrés irlandais, qui ayant per­du aux jeux, arnaque sa famille et les tue pour obtenir leur argent. La scène décrite dans ce tan­go doit donc se dérouler le 18 avril 1822, date des faits) avec sa voiture va au cor­ralón (ce terme est poly­sémique, ici, cela peut être un endroit où on entre­pose des matéri­aux de con­struc­tion, un des lieux de ses crimes).

Minu­it et la pluie. S’accroche à ses pas, le par­fum de l’homme mau­vais. (Non seule­ment il tue huit per­son­nes et devient donc le pre­mier ser­i­al killer argentin, mais il essaye de faire accuser un de ses péones, employés de ferme. Il est con­damné à per­pé­tu­ité, mais sort finale­ment de prison. L’ironie de cette his­toire est qu’il se tue en glis­sant sur une savon­nette en se cog­nant la tête sur sa baig­noire. Je vous avais prévenu, l’histoire est ter­ri­ble).
Minu­it s’agrandit et étend son man­teau sur les vit­res d’un lam­padaire. (On a fait mieux en matière de con­te de Noël).


Avec Ironie, D’Arienzo qui a fait chanter l’intégralité de l’histoire à Mau­ré reprend avec le motif de Jin­gle bells, comme s’il ne s’était rien passé qu’une petite chan­son de Noël.
Je crois que ce tan­go est assez rare, sans doute à cause de l’évocation de Mateo Banks. Cepen­dant, si les danseurs n’écoutent pas avec atten­tion les paroles, il doit être util­is­able. C’est un titre qui peut faire un milieu de tan­da sat­is­faisant.
Si vous voulez en savoir plus sur cette his­toire, je vous pro­pose deux sites :
La macabra his­to­ria del estanciero argenti­no que mató a san­gre fría a toda su famil­ia para quedarse con su for­tu­na — Infobae qui vous don­nera des détails sur les faits.
https://web.archive.org/web/20200813025004/https://ana-turon.blogspot.com/2016/05/el-tango-en-la-provincia-de-buenos-aires.html Je vous pro­pose la ver­sion archivée en 2020, car le site a depuis été cor­rompu. Vous y trou­verez notam­ment des textes de tan­go ou chan­sons par­lant du crime.

Et nos deux titres du jour

Pour revenir à des sujets plus sym­pa­thiques, je vous pro­pose de ter­min­er par nos deux titres du jour. D’abord Lil­ián, puis Ana María pour finir dans un rythme plus joueur et nous laver la tête de l’horreur des crimes de Don Mateo.

Lil­ián 1944-05-17 – Orques­ta Juan D’Arienzo con Héc­tor Mau­ré (Musique Héc­tor Varela, paroles de Luis Rafael Caru­so). Un de nos titres du jour.
Ana María 1944-05-17 – Orques­ta Juan D’Arienzo con Héc­tor Mau­ré (Musique de Ful­vio Sala­man­ca, paroles de Nolo López [Manuel Nor­ber­to López]). Un de nos titres du jour.

Ces qua­tre œuvres, fort dif­férentes mon­tr­er la diver­sité dont peu­vent être capa­bles les grands orchestres de l’âge d’or.

À demain les amis !

Ana María y Lil­ián. Deux des­tins de femmes.

El cisne 1950-05-15 (Vals) – Orquesta Juan D’Arienzo

Antonio Anselmi (Musique et paroles)

Un cygne peut en cacher un autre. Celui que nous allons évo­quer aujourd’hui, s’est fait faire une toi­lette par D’Arienzo, le 15 mai 1950, il y a 74 ans. Mais il avait déjà adop­té un autre cygne, 12 ans plus tôt, presque jour pour jour. Allons faire un tour avec les vilains petits canards, canards que l’orchestre ne fait pas.

Une petite pré­ci­sion pour les lecteurs qui sont en ver­sion traduite, en français, un canard est une fausse note. Juan D’Arienzo fait donc tout pour éviter que ses musi­ciens en fassent.

Extrait musical

La par­ti­tion de El cisne, dans la ver­sion d’Anto­nio Ansel­mi. La dédi­cace sem­ble éton­nante. En effet elle est adressée à José Gomez, qui était juste­ment un ami de Jose Maria Riz­zu­ti, l’auteur d’un autre « El cisne », mais en tan­go. Il peut toute­fois s’agir d’un homonyme, mais la coïn­ci­dence est amu­sante…
El cisne 1950-05-15 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

Une valse entraî­nante, mais D’Arienzo sait-il en faire d’un autre type ? Au piano, Ful­vio Sala­man­ca, inter­vient tou­jours selon le principe négo­cié avec Bia­gi quinze ans. Comme c’est de cou­tume, la fin paraît s’accélérer, mais c’est tou­jours la même méth­ode. Le tem­po reste sta­ble, mais les notes sont dou­blées, ce qui entraîne les danseurs dans un galop final effréné.
Il est presque impos­si­ble, voire com­plète­ment impos­si­ble de devin­er les paroles en enten­dant la musique de cette valse. Mais il est temps d’en par­ler.

Paroles

La ver­sion de D’Arienzo est instru­men­tale. Cepen­dant Anto­nio Ansel­mi a égale­ment écrit les paroles que voici :

En un lago cristal­i­no
hacia la oril­la costan­do
un blan­co cisne nadan­do
del lago dueño y señor,
lle­ga hacia el bosque veci­no
a sat­u­rarse de arome
porque espera a su palo­ma
para una cita de amor.

Como hace rato que espera
ya la impa­cien­cia lo inqui­eta
por la palo­ma coque­ta
que a la cita no llegó
y abrien­do sus blan­cas alas
medi­ta el cisne arro­gante
¿será ver­dad que otro amante
su car­iño me robó?

Pero después de un momen­to
des­de la veci­na loma
se ve lle­gar la palo­ma
en un vue­lo seño­r­i­al;
y como el cisne pre­gun­ta:
¿dónde te has entretenido?,
con­tes­ta: Con mi queri­do
a la som­bra de un sauzal.

Que es lo que has dicho, palo­ma,
que bien no lo he com­pren­di­do,
has habla­do de un queri­do
y te olvi­das quién soy yo.
De pron­to el cisne celoso,
muy encegue­ci­do aca­so
de un ter­ri­ble pico­ta­zo
a su palo­ma mató.

Car­go a su pre­sa en el pico
y allá en el lugar más hon­do
fue a sumer­girse has­ta el fon­do
del lago, dueño y señor.
Des­de entonces en la noche
cuan­do todo está dormi­do
se oye del cisne un gemi­do
porque llo­ra de amor.

Anto­nio Ansel­mi (Musique et paroles)

Traduction libre

Dans un lac cristallin, vers la rive voi­sine, un cygne blanc nage, du lac maître et seigneur. Il arrive à la forêt voi­sine pour se sat­ur­er d’arome, car il attend sa colombe pour un ren­dez-vous amoureux.
Comme ça fait un moment qu’il attend, l’impatience l’inquiète pour la colombe coquette qui n’est pas arrivée au ren­dez-vous et ouvrant ses ailes blanch­es, le cygne arro­gant médite. Serait-il vrai qu’un autre amant m’aurait volé son affec­tion ?
Mais au bout d’un moment, de la colline voi­sine, on voit la colombe venir d’un vol majestueux ; et comme le cygne demande : « Où vous êtes-vous amusée ? » elle répond : « Avec mon chéri à l’ombre de saules pleureurs. »

Qu’as-tu dit, colombe, que je n’ai pas bien com­pris ? Tu as par­lé d’un être cher et tu oublies qui je suis. Aus­sitôt, le cygne jaloux, peut-être très aveuglé, d’un ter­ri­ble coup de bec sur sa colombe, la tua. Il chargea sa proie sur le bec et là, dans l’endroit le plus pro­fond, il alla plonger jusqu’au fond du lac, maître et seigneur. Depuis cela, la nuit, quand tout dort, on entend le cygne gémir parce qu’il pleure d’amour.

Autres versions

Si vous enten­dez cette valse, il est fort prob­a­ble qu’elle soit inter­prétée par Juan D’Arienzo, car il n’en existe pas d’autres enreg­istrements his­toriques, pas même une petite chan­son pour enten­dre com­ment les paroles s’harmonisent avec la musique.
En revanche, vous pou­vez enten­dre el Cisne sous forme de tan­go. Par D’Arienzo et par Frese­do.
Atten­tion, ce cygne n’est pas com­posé par Anto­nio Ansel­mi, mais par Jose Maria Riz­zu­ti. C’est donc une œuvre qui n’a de com­mun que le titre.

La par­ti­tion avec sa cou­ver­ture de El cisne, mais cette fois par Jose Maria Riz­zu­ti. Un tan­go sans paroles.

Avant de retrou­ver D’Arienzo, une petite pépite. Un enreg­istrement de 1922. Il y a donc plus d’un siè­cle que Frese­do l’a enreg­istré.

El cisne 1922-08-25 — Orques­ta Osval­do Frese­do.

Mal­gré un enreg­istrement acous­tique, ancien, la musique est plutôt mag­nifique. Un très beau Frese­do, que l’on serait presque ten­té de pass­er en milon­ga.
Pour ter­min­er, on retrou­ve D’Arienzo, avec le cygne en tan­go sur une musique de Riz­zu­ti.

El cisne 1938-05-06 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

C’est un des derniers enreg­istrements de Bia­gi dans l’orchestre de D’Arienzo. Sa place est bien établie. Il a toutes les petites paus­es pour ajouter ses petites fior­i­t­ures. Il sur­nage par moment sur l’orchestre et s’il n’a pas de par­tie en soliste, con­traire­ment aux vio­lons, il est tou­jours présent et ponctue le com­pas. Je trou­ve amu­sant de con­stater que 15 ans plus tard, la façon de faire de Bia­gi a con­tin­ué d’être util­isée par D’Arienzo et ses pianistes, comme nous l’avons con­statée pour notre valse du jour, que du coup, je vous replace ici. Quand on aime, on ne compte pas.

El cisne 1950-05-15 — Orques­ta Juan D’Arienzo. C’est notre valse du jour.

À demain, les amis !

El cisne. Mon his­toire est pliée pour aujourd’hui.

Maipo 1939-04-18 — Orquesta Juan D’Arienzo

Eduardo Arolas Letra Gabriel Clausi

Le théâtre Maipo est un célèbre théâtre de Buenos Aires. En plus de sa grande salle, il dis­pose de plusieurs étages où il est pos­si­ble d’assister à des spec­ta­cles en prenant une petite merien­da (goûter) pen­dant le spec­ta­cle. Plusieurs orchestres y ont joué, dont celui de Fir­po qui fut un des pre­miers à enreg­istr­er ce titre, en 1918. Mais êtes-vous sûr que ce tan­go par­le bien de ce théâtre ?

Brève histoire du théâtre Maipo de Buenos Aires

Si on en croit l’historique dévelop­pé sur le site du théâtre, voici quelques dates :

  • 1908-05-07, il a été inau­guré sous le nom de Scala.
  • 1915-09-30, il est renom­mé en Esmer­al­da (il est d’ailleurs rue Esmer­al­da au 443).
  • 1922-08-15, il prend le nom actuel de Maipo.

Ce tan­go ne devrait donc pas être antérieur à 1922. Cepen­dant, Rober­to Fir­po y a joué en 1920 et il a enreg­istré le tan­go Maipo en 1918, ce qui est logique. Je vous don­nerai l’explication plus loin…
Pour chang­er, je vous pro­pose de voir un doc­u­men­taire sur son his­toire.
Il est en espag­nol, mais il y a des sous-titres mul­ti­lingues…

Extrait musical

Maipo 1939-04-18 — Orques­ta Juan D’Arienzo. C’est notre tan­go du jour.

Paroles

Les paroles ne sont pas con­tem­po­raines de la musique. Elles témoignent en fait d’un change­ment de dédi­cace du tan­go.
En effet, le tan­go écrit par Aro­las fêtait le cen­te­naire de la bataille de Maipo ou Maipú, une bataille gag­née con­tre les Espag­nols dans les guer­res d’indépendance.
1918, c’est aus­si l’année de la créa­tion de la ban­dera, le dra­peau argentin avec le soleil de Mai.
Cette gravure de Géri­cault existe aus­si en couleur avec une ban­dera argenti­na… Je ne me suis donc pas fait prier pour en met­tre dans mon illus­tra­tion de cou­ver­ture. J’ai voulu jouer sur les deux tableaux, le théâtre Maipo et le théâtre des opéra­tions mil­i­taires, mais ce n’est pas très réus­si…

Vuelve a mí, recuer­do del ayer
con el bril­lar de luces en esce­na;
siem­pre el mis­mo ful­gor,
las vie­jas can­dile­jas
son como estrel­las…
Otra vez, vibra en la noche aquel
sueño de amor y can­to del pasa­do;
som­bras que cor­retean
por este viejo tabla­do de ayer.

Mar­quesinas de mis sueños,
mil destel­los de col­ores,
fig­uras escul­tur­ales,
nom­bres que están olvi­da­dos…
corre el tiem­po y el recuer­do
se entre­laza con la pena…
el sabor de cosas de antes
guardadas con tan­to amor…

El viejo Maipo nos vio bajo sus luces
aque­l­los días tan llenos de ter­nuras
soñar amores que fueron embe­le­so…
con toda el alma, con toda la ilusión,
con estas notas, con este tan­go triste,
quiero con­tarte teatro de mi pueblo
aque­l­lo que guardé en mi corazón,
tal como lo viví… tan lleno de emo­ción.

Eduar­do Aro­las (Avant 1918 Letra de Gabriel Clausi plus tar­dive 1953 ?)

Traduction libre et indications

Cela me revient, un sou­venir d’hier avec le scin­tille­ment des lumières sur la scène ; tou­jours la même lumi­nosité, les vieilles lam­pes sont comme des étoiles…
De nou­veau, le rêve d’amour et le chant du passé vibrent dans la nuit ; des ombres qui courent autour de cette vieille scène d’hier.

Des ver­rières de mes rêves, mille éclats de couleurs, des fig­ures sculp­turales, des noms oubliés… Le temps passe et le sou­venir se mêle au cha­grin… le goût des choses du passé gardées avec tant d’amour…


Le vieux Maipo nous voy­ait sous ses lumières, ces jours si pleins de ten­dresse, rêvant d’amours ravies… De toute mon âme, de toute mon illu­sion, avec ces notes, avec ce triste tan­go, j’ai envie de te dire, théâtre de mon vil­lage, ce que j’ai gardé dans mon cœur, comme je l’ai vécu… telle­ment plein d’émotion.

Autres versions

Maipo 1918 — Orques­ta Rober­to Fir­po.

Une ver­sion com­mé­mora­tive de la bataille de Maipo ou Maipú ou Maïpu. Fir­po jouera juste­ment cette œuvre dans ce théâtre en 1920, alors qu’il s’appelle encore Esper­al­da, du nom de la rue où il est. Il ne pren­dra le nom de Maipo, qu’en 1922. J’imagine que Maipo qui est équiv­a­lent à Maipú peut venir du nom de la rue de la même man­zana (bloc urbain de 100mx100m encadré par 4 rues). Le théâtre appar­tient au bloc délim­ité par l’avenue Cor­ri­entes et les rues Esmer­al­da (où il a sa porte prin­ci­pale), Maipù et Lavalle.

Maipo 1928-03-28 — Orques­ta Julio De Caro.

Une ver­sion un peu nos­tal­gique, qui pour­rait coller aux paroles, mais en 1928, le théâtre n’était pas un « vieux théâtre ». Il a subi un incendie en 1928, mais c’était en novem­bre, en mars, les paroles ne pou­vaient pas le regret­ter.

Maipo 1936-07-24 — Orques­ta Pedro Maf­fia.

Huit ans plus tard, un thème très nos­tal­gique. Une ver­sion douce et jolie, avec des vents et un piano agile. Une belle ver­sion qui entraîne bien.

Maipo 1939-04-18 — Orques­ta Juan D’Arienzo. C’est notre tan­go du jour.
Maipo 1941-09-02 — Orques­ta Julio De Caro.

Jolis vio­lons, sur­volant le piano et l’orchestre plus per­cus­sif. Cette ver­sion, plus tonique que celle de 1928, s’accommode plus d’un thème mil­i­taire ou fes­tif (évo­ca­tion des spec­ta­cles du théâtre) que nos­tal­gique.

Maipo 1953-04-10 — Orques­ta Julio De Caro.

Une ver­sion un peu étrange. Com­pat­i­ble avec le thème du théâtre. Gabriel Clausi dont on ne con­naît pas la date d’écriture des paroles pour­rait aus­si l’avoir écrit en 1953, à son retour de dix ans au Chili. Il retrou­ve le théâtre et la nos­tal­gie fait le reste.

Maipo 1962-09-13 — Cuar­te­to Troi­lo-Grela.

Avec Aníbal Troi­lo (ban­donéon), Rober­to Grela (gui­tar­ra), Ernesto Báez (gui­tar­rón), Euge­nio Pro (con­tra­ba­jo). Une très belle ver­sion, à écouter.

Maipo 1964 — Orques­ta Ful­vio Sala­man­ca
Maipo 2024-01-12 — Orques­ta Roman­ti­ca Milonguera.

La toute dernière ver­sion, une ver­sion orig­i­nale comme sait en faire cet orchestre.

Finale­ment, peu de ver­sions col­lent aux paroles. La musique est plutôt tonique et pas nos­tal­gique dans la plu­part des ver­sions.
Elle peut être tonique pour évo­quer la bataille de Maipo, mais aus­si pour présen­ter les spec­ta­cles qui se déroulaient dans la salle.
Je vous laisse donc en plan. Si vous trou­vez la réponse et notam­ment la date d’écriture des paroles par Gabriel Clausi, je suis pre­neur.

À demain, les amis !

El huracán 1950-04-14 – Orquesta Edgardo Donato instrumental y con Carlos Almada

Osvaldo Donato; Edgardo Donato Letra: Nolo López (Manuel López)

Ce 14 avril est un jour faste, je vous pro­pose deux tan­gos du jour. Ils por­tent le même nom, El huracán, ils sont com­posés par les mêmes frères Dona­to et ils ont été enreg­istrés le même jour. La seule dif­férence est que l’un des deux est chan­té par Car­los Alma­da.

Extrait musical

Voici les deux tan­gos enreg­istrés par Dona­to, le com­pos­i­teur, le 14 avril 1950, il y a 74 ans.

El huracán 1950-04-14 — Orques­ta Edgar­do Dona­to instru­men­tal
El huracán 1950-04-14 — Orques­ta Edgar­do Dona­to con Car­los Alma­da

Ces deux ver­sions sont incroy­able­ment dif­férentes. Les instru­ments s’amusent énor­mé­ment dans la pre­mière ver­sion, instru­men­tale. Les nuances sont plus mar­quées.

La ver­sion chan­tée par Car­los Alma­da a un rythme plus soutenu. La voix de Car­los Alma­da dit presque plus que chante les paroles. Cette ver­sion tonique décoiffe plus que la précé­dente, mais perd sans doute un peu de son inten­sité musi­cale. Il fau­dra écouter les deux.

Les paroles

El huracán desar­raigó con cru­el­dad
el ros­al que plan­té en el jardín
de mi amor que cuidé con afán
y, al nac­er una flor, la traición
le cortó sin piedad su raíz
y el ros­al nun­ca más flo­re­ció.
Como al ros­al mi ilusión la mató
un amor de mujer que mintió.
Cristo soy con mi cruz al andar,
com­pasión solo doy al pasar.
Ven­daval que arrasó mi quer­er,
huracán trans­for­ma­do en mujer.

Fueron sus cari­cias
llenas de mal y traición,
labios que mintieron despi­ada­dos
y al besar su fal­sa boca
se me hela­ba el corazón.
Ilusión que se fue,
amor que mató.
Una mala mujer que lle­va
el veneno escon­di­do
en su negro corazón.

Te per­doné porque odi­ar yo no sé,
ni ren­cor para ti guardaré
sólo sé que su mal der­rum­bó
el Edén que hil­vané con fer­vor,
luz de amor que jamás volverá
a alum­brar a mi fiel corazón.
Vago sin fe con mi cruz de dolor,
hoy vivir para mí es cru­el­dad
juven­tud que le di sin dudar
y jugó sin piedad con mi amor.
Ven­daval que arrasó mi quer­er,
huracán trans­for­ma­do en mujer.

Osval­do Dona­to; Edgar­do Dona­to Letra: Nolo López (Manuel López)

Traduction libre

L’ouragan a cru­elle­ment dérac­iné le rosier que j’avais plan­té dans le jardin de mon amour que j’ai entretenu avec empresse­ment, et quand une fleur est née, la trahi­son a impi­toy­able­ment coupé sa racine et le rosier n’a plus jamais fleuri.
Comme le rosier, mon illu­sion a été tuée par l’amour d’une femme qui a men­ti.
Christ je suis avec ma croix quand je marche, la com­pas­sion je ne donne qu’en pas­sant.
Un coup de vent qui a arasé mon amour, un oura­gan trans­for­mé en femme.


Ses caress­es étaient pleines de mal et de trahi­son, ses lèvres qui men­taient impi­toy­able­ment, et embrass­er sa bouche, fausse me glaçait le cœur. L’illusion qui s’en est allée, l’amour qui tua.

Une mau­vaise femme qui porte le poi­son caché dans son cœur noir.

Je t’ai par­don­né parce que je ne sais pas haïr, je ne garderai pas de rancœur envers toi, ce que je sais c’est que ta mau­vaiseté a fait s’effondrer l’Eden que j’avais arrosé avec fer­veur, une lumière d’amour qui n’illuminera plus jamais mon cœur fidèle.

J’erre sans foi avec ma croix de douleur, aujourd’hui vivre pour moi, est une cru­elle jeunesse que je lui ai don­née sans hési­ta­tion et que j’ai jouée sans pitié avec mon amour.
Un coup de vent qui a arasé mon amour, un oura­gan trans­for­mé en femme.

Autres versions par Donato

Dona­to a enreg­istré deux ver­sions en 1950, mais il nous a lais­sé égale­ment deux ver­sions en 1932. Voici cette dou­blette :

El huracán 1932-12-09 — Orques­ta Edgar­do Dona­to con Félix Gutiér­rez — Prise 1.
El huracán 1932-12-09 — Orques­ta Edgar­do Dona­to con Félix Gutiér­rez — Prise 2.

Pour infor­ma­tion, c’est la ver­sion inau­gu­rale qui a été jouée avant cet enreg­istrement au Salón San Martín (en 1928), plus con­nu sous le nom de Salón Rodríguez Peña et aujourd’hui, Teatro El Vit­ral.
Pour mémoire, voici nos deux tan­gos du jour :

El huracán 1950-04-14 — Orques­ta Edgar­do Dona­to instru­men­tal
El huracán 1950-04-14 — Orques­ta Edgar­do Dona­to con Car­los Alma­da

Dona­to l’enregistrera une dernière fois en 1961 avec la voix d’Andrés Galarce.

El huracán 1961-11-01 — Orques­ta Edgar­do Dona­to con Andrés Galarce

Autres versions par d’autres orchestres

El huracán 1943 — Tres Gui­tar­ras Argenti­nas Dir. Guiller­mo Neira.

Une ver­sion incroy­able, com­ment les gui­tares vir­tu­os­es arrivent à pro­duire le son de la tem­pête. Main­tenant, un orchestre dont on pour­rait qu’il soit à la mesure du défi de la tem­pête, celui de Juan D’Arienzo.

El huracán 1944-07-07 — Orques­ta Juan D’Arienzo. D’Arienzo pro­duit une belle presta­tion, notam­ment grâce au piano de Ful­vio Sala­man­ca.
El huracán 1948-09-21 — Orques­ta Alfre­do De Ange­lis.

De Ange­lis, avec son piano encore plus présent que dans la ver­sion de D’Arienzo de 1944 donne une belle ver­sion. Le ren­du de la tem­pête avec les cordes ren­dant l’ef­fet de vent en com­pag­nie du piano est assez dif­férent. Une ver­sion qui défile, emportée par le vent, jusqu’à la dernière note.

El huracán 1952 — Orques­ta Tito Martín.

Pour représen­ter les années 50, j’ai choisi l’orchestre de Tito Martín, rarement dif­fusé en milon­ga. Il faut dire qu’il s’inscrit dans la lignée de ces orchestres à la manière de D’Arienzo et que donc on peut (doit ?) préfér­er pass­er l’original. Cepen­dant, il ne démérite pas et je pense que beau­coup de danseurs ne remar­queront pas qu’il ne s’agit pas de D’Arienzo… Ah ! vous pensez que l’on ne peut pas tromper les danseurs ? Lisez cette anec­dote jusqu’au bout et vous serez sur­pris…

El huracán 1967 — Orques­ta Ful­vio Sala­man­ca.

L’ancien pianiste de D’Arienzo fait sa ver­sion per­son­nelle, assez orig­i­nale. Il récidi­vera avec une ver­sion sem­blable 8 ans plus tard.

El huracán 1973 — Orques­ta Florindo Sas­sone.

Sas­sone, tou­jours à la recherche du temps per­du. Sa recherche de joliesse nuit sans doute à la force du mes­sage. Pour moi, ce n’est pas une ver­sion con­va­in­cante. Le vent manque de con­vic­tion, dif­fi­cile de se faire emporter comme le rosier par son souf­fle.

El huracán 1987 — Los Solis­tas de D’Arienzo dir. by Car­los Laz­zari.

La majorité des DJ passent ce titre en annonçant qu’il est de D’Arienzo. C’est bien sûr faux, D’Arienzo étant mort en 1976, soit plus de 11 ans avant cet enreg­istrement… Cepen­dant, le chef d’orchestre est Car­los Laz­zari, ban­donéon­iste et arrangeur de D’Arienzo dans ses dernières années. Les musi­ciens sont égale­ment en grande par­tie ceux de l’orchestre. C’est donc un héritage et le men­songe n’est pas trop fort. Cela per­met de pro­pos­er une ver­sion plus énergique que celle de 1944, qui est un peu déce­vante sur ce point, bien que tout à fait con­ven­able pour la danse.

Je vous laisse donc tour­bil­lon­ner aux sons du ter­ri­fi­ant oura­gan qui déracine les rosiers.

Vous pou­vez con­tin­uer avec la plu­part des orchestres con­tem­po­rains qui con­tin­u­ent d’enregistrer de nou­velles ver­sions de ce titre, la plu­part dans l’esprit de D’Arienzo, mais le mieux, c’est de les danser en présence des orchestres, ce qui est pos­si­ble très sou­vent à Buenos Aires.

Milonga sentimental 1933-02-09 (Canyengue — Milonga) — Orquesta Francisco Canaro con Ernesto Famá y Ángel Ramos

Sebastián Piana Letra : Homero Manzi (Homero Nicolás Manzione Prestera)

Otros se que­jan llo­ran­do, yo can­to por no llo­rar. Tu amor se secó de golpe, nun­ca dijiste por qué. Yo me con­sue­lo pen­san­do que fue traición de mujer.

À not­er que mal­gré son titre de “milon­ga” et que beau­coup de DJ pro­pose ce titre comme une milon­ga, il s’ag­it plutôt d’un rythme de canyengue ou pour le moins d’un rythme bâtard entre le tan­go et la milon­ga que des orchestres comme celui de Miguel Vil­las­boas adoreront utilis­er plus tard.
Canaro le décrivait comme un milon­gon, une de ses inven­tions ryth­miques qui n’ont pas eu de suc­cès.

Extrait musical

Milon­ga sen­ti­men­tal 1933-02-09 — Fran­cis­co Canaro con Ernesto Famá y Ángel Ramos

L’archive sonore présen­tée ici, l’est à titre d’ex­em­ple didac­tique. La qual­ité sonore est réduite à cause de la plate­forme de dif­fu­sion qui n’ac­cepte pas les fichiers que j’u­tilise en milon­ga et qui sont env­i­ron 50 fois plus gros et de bien meilleure qual­ité. Je pense toute­fois que cet extrait vous per­me­t­tra de décou­vrir le titre en atten­dant que vous le trou­viez dans une qual­ité audio­phile.

Paroles

Milon­ga pa’ recor­darte,
milon­ga sen­ti­men­tal.
Otros se que­jan llo­ran­do,
yo can­to por no llo­rar.
Tu amor se secó de golpe,
nun­ca dijiste por qué.
Yo me con­sue­lo pen­san­do
que fue traición de mujer.

Varón, pa’ quer­erte mucho,
varón, pa’ desearte el bien,
varón, pa’ olvi­dar agravios
porque ya te per­doné.
Tal vez no lo sepas nun­ca,
tal vez no lo puedas creer,
¡tal vez te provoque risa
verme tirao a tus pies!

Es fácil pegar un tajo
pa’ cobrar una traición,
o jugar en una daga
la suerte de una pasión.
Pero no es fácil cor­tarse
los tien­tos de un mete­jón,
cuan­do están bien amar­ra­dos
al palo del corazón.

Milon­ga que hizo tu ausen­cia.
Milon­ga de evo­cación.
Milon­ga para que nun­ca
la can­ten en tu bal­cón.
Pa’ que vuel­vas con la noche
y te vayas con el sol.
Pa’ decirte que sí a veces
o pa’ gri­tarte que no.

Sebastián Piana Letra : Home­ro Manzi (Home­ro Nicolás Manzione Prestera)

Traduction

Milon­ga pour me sou­venir de toi, milon­ga sen­ti­men­tale.
D’au­cuns se plaig­nent en pleu­rant, moi, je chante pour ne pas pleur­er.
Ton amour s’est soudaine­ment tari, tu n’as jamais dit pourquoi.
Je me con­sole en pen­sant que ce fut trahi­son de femme.

Varón (mec, homme, mâle), pour t’aimer beau­coup, Varón, pour te souhaiter le bien, Varón, pour oubli­er les griefs, parce que je t’ai déjà par­don­née.
Peut-être que tu ne le sauras jamais, peut-être que tu ne le pour­ras pas croire, peut-être que cela te fera rire de me voir jeté à tes pieds !

Il est facile de faire une entaille pour faire pay­er une trahi­son, ou de jouer avec un poignard la chance d’une pas­sion.
Mais il n’est pas facile de couper les liens d’un amour pas­sion­né, lorsqu’ils sont bien attachés au bâton du cœur
(tien­to, palo peu­vent se référ­er au mem­bre vir­il et tajo à son pen­dant féminin).

Milon­ga qui a fait ton absence.
Milon­ga d’évo­ca­tion.
Milon­ga pour que nul ne la chante jamais à ton bal­con.
Pour que tu revi­ennes avec la nuit et que tu partes avec le soleil.
Pour te dire oui par­fois ou pour te crier non.

Autres enregistrements

Je ne dresserai pas la liste des enreg­istrements de Milon­ga sen­ti­men­tale, il y a en a des dizaines. Cer­tains, comme la ver­sion de Canaro, sont proches du canyengue et d’autres sont de véri­ta­bles milon­gas.
Voici juste quelques per­les :

Milon­ga sen­ti­men­tal 1932-10-04 — Mer­cedes Simone con orques­ta.

Une belle ver­sion assez rapi­de par Mer­cedes Simone. Mal­gré la sim­plic­ité de l’accompagnement avec flute ban­donéon et gui­tare, cette ver­sion pour­rait être pro­posée en milon­ga pour « laver les oreilles » des danseurs qui ne se con­tenteraient pas de la ver­sion du jour.

Milon­ga sen­ti­men­tal 1932-12-12 (Milon­ga Tanguea­da) — Ada Fal­cón con acomp. de Fran­cis­co Canaro.

Après la ver­sion de Mer­cedes Simone, Ada Fal­cón, nous pro­pose une jolie ver­sion, plus canyengue, mais un peu molle pour la danse à mon goût, ce qui n’est pas éton­nant, car c’est une chan­son et pas un enreg­istrement de danse.

Milon­ga sen­ti­men­tal 1932-12-30 — Orques­ta Adol­fo Cara­bel­li con Car­los Lafuente.

Une ver­sion bien canyengue, mais qui peut chang­er de notre ver­sion du jour, même si la voix plus acide de Lafuente peut ne pas plaire à tous.

Milon­ga sen­ti­men­tal 1933-01-23 — Car­los Gardel accom­pa­g­né à la gui­tare par Guiller­mo Bar­bi­eri, Domin­go Riverol, Domin­go Julio Vivas et Hora­cio Pet­torossi.

Pas pour la danse, mais des pas­sages avec la voix de Gardel se retrou­vent dans cer­taines ver­sions de Otros Aires au vingt unième siè­cle…

Milon­ga sen­ti­men­tal 1933-01-25 — Alber­to Gómez y Augus­to “Tito” Vila con acomp. de gui­tar­ras.

C’est la pre­mière ver­sion enreg­istrée en duo. Même si on est dans le domaine de la chan­son, c’est presque dans­able et finale­ment assez agréable à écouter.

Milon­ga sen­ti­men­tal 1933-02-09 — Fran­cis­co Canaro con Ernesto Famá y Ángel Ramos. C’est notre titre du jour.
Milon­ga sen­ti­men­tal 1958-09-18 — Orques­ta Ful­vio Sala­man­ca con Arman­do Guer­ri­co y Mario Luna.

On doit recon­naître à Sala­man­ca d’avoir été un des pre­miers à pro­pos­er une ver­sion rapi­de. En plus le duo qui reprend le principe de notre enreg­istrement du jour par Canaro est plutôt sym­pa­thique. Cette ver­sion qui peut être atti­rante à la pre­mière écoute, n’est cepen­dant pas totale­ment sat­is­faisante pour la danse.

Milon­ga sen­ti­men­tal 1987C — Miguel Vil­las­boas y su Orques­ta Típi­ca.

Le style sautil­lant et allè­gre de Vil­las­boas est très typ­ique de cer­tains orchestres uruguayens. Ce n’est sans doute pas la meilleure ver­sion, mais ce n’est pas désagréable à écouter, voire à danser.

Les orchestres con­tem­po­rains jouent sys­té­ma­tique­ment ce titre et nous avons donc une pléthore d’enregistrements qui hési­tent entre les ver­sions en chan­son, les ver­sions en canyengue et celles en milon­ga. Je vous pro­pose juste pour le vingt-unième siè­cle une ver­sion très dif­férente…

Milon­ga sen­ti­men­tal 2005 — Otros Aires Con Car­los Gardel.

J’indique Car­los Gardel, mais bien sûr, c’est juste sa voix qui est citée dans cet enreg­istrement de Otros Aires, un orchestre qui a eu son heure de gloire en appor­tant un style éton­nant, mais qui n’a pas sût se renou­vel­er.

Voilà, À bien­tôt, les amis !

Yo can­to por no llo­rar / Je chante pour ne pas pleur­er.