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La siete de abril (zamba)

Andrés Avelino Chazarreta et Pedro Evaristo Díaz, ou Ñato Carrillo, ou Agenor Reynoso ou Gómez Carrillo ou El Ciego Chazaou…

Les Argentins adorent avoir des règles pour pou­voir les trans­gress­er. Comme le jour de la zam­ba est le 29 sep­tem­bre (anniver­saire de Gus­ta­vo «Cuchi» Leguiza­món) et le jour nation­al du folk­loriste argentin le 29 mai (anniver­saire de Andrés Aveli­no Chaz­arreta, auteur [pos­si­ble] de cette zam­ba), ils fêtent la zam­ba le 7 avril, jour men­tion­né dans le titre de cette zam­ba qui est la «Cumpar­si­ta» (selon l’expression de Daniel Borel­li) des danseurs de zam­ba. ¡A bailar la zam­ba chicos!

Pour vous per­me­t­tre d’avoir une idée de cette danse, je vous pro­pose cette inter­pré­ta­tion de zam­ba par Car­ol Reta­moso et Juan Manuel Sote­lo.

Zam­ba dan­sée par Car­ol Reta­moso et Juan Manuel Sote­lo. Musi­ciens : Cris­t­ian Bautista (vio­lon) ; Alef Car­do­zo Madaf (gui­tare) Eduar­do Lobos, (Bom­bo).

Qui est l’auteur de cette zamba ?

L’auteur de cette zam­ba n’est pas vrai­ment con­nu. J’ai listé les créa­teurs poten­tiels, mais le nom générale­ment retenu est le pre­mier qui l’a déposé à la SADAIC (société des auteurs argentins), Andrés Aveli­no Chaz­arreta.
Manuel Gomez Car­il­lo l’a col­lec­tée et déposée à son tour en 1923. Il n’en est donc pas l’auteur, il l’a seule­ment col­lec­tée et sur sa ver­sion, Manuel Val­ladares Leda a rajouté des paroles postérieure­ment. Plusieurs autres ver­sions exis­tent.
L’auteur orig­i­nal, s’il n’est pas Chaz­arreta peut-être Pedro Evaris­to Díaz, ou Ñato Car­ril­lo, ou Agenor Reynoso ou Gómez Car­ril­lo ou El Ciego Chaza­ou ou un autre qui reste anonyme. Cela n’a pas beau­coup d’intérêt en fait.

Extrait musical

Il y a des dizaines de ver­sions de cette zam­ba. En voici quelques-unes, rel­a­tive­ment dif­férentes, mais c’est une toute petite par­tie de celles qui exis­tent. Si vous êtes en Argen­tine le 7 avril, vous allez l’entendre de tout côté…

La 7 de abril — Los Manseros San­ti­agueños. Sans doute la plus con­nue.
La 7 de abril — Pitin Salazar. Avec annonce des fig­ures de la choré­gra­phie. Comme DJ, cette ver­sion peut aider les danseurs un peu frag­iles dans la pra­tique de la zam­ba, mais le DJ peut aus­si faire les annonces.
La 7 de abril — .
La 7 de abril — Dino Saluzzi
La 7 de abril — Andrés Chaz­arreta à la gui­tare. Je ne pro­poserai pas cette ver­sion à la danse, mais elle est intéres­sante, car inter­prétée par « l’auteur ».

ZZZ’avez dit zamba ou samba ?

Zamba, comme vous l’avez con­staté avec la vidéo, cette danse n’a absol­u­ment rien à voir avec la danse brésili­enne qui enflamme les rues de Rio durant le car­naval, pas plus que la zem­ba, sem­ba ou la zum­ba.
Cette danse, orig­i­naire de… Bon, on se retrou­ve devant une autre dif­fi­culté. Les reven­di­ca­tions sont nom­breuses. Des orig­ines africaines (j’imagine que les auteurs con­fondent avec la sam­ba ou la zem­ba, sem­ba) ou des orig­ines péru­vi­ennes. En effet, on attribue sou­vent à l’évolution de la zamacue­ca en une ver­sion plus rapi­de, l’origine de la zam­ba. J’écris la zam­ba, mais il y a en fait des zam­bas. Pour éviter de me met­tre à dos la moitié des danseurs de folk­lore argentins, je vais rester vague et juste dire que cette danse se pra­tique avec des foulards (pañue­los) dans toutes les provinces argen­tines et même à Buenos Aires.
Il y a d’ailleurs beau­coup plus de danseurs de folk­lore en Argen­tine que de danseurs de tan­go.

Comment ça se danse ?

C’est un peu la suite de la ques­tion précé­dente. Il n’y a pas une, mais, des zam­bas. Pour sim­pli­fi­er, on dit que les rythmes sont un peu dif­férents d’une province à l’autre, mais les choré­gra­phies sont égale­ment var­iées.
En fait, il s’agit d’une danse tra­di­tion­nelle et chaque groupe eth­nique l’a mise à sa sauce, l’a conçue, l’a con­stru­ite et décon­stru­ite. Les eth­no­logues et musi­co­logues ont figé ces dans­es dans des choré­gra­phies, ce qui a appau­vri la diver­sité, car c’est de ces col­lectes que sont par­tis les groupes folk­loriques pour mon­ter leurs spec­ta­cles. Je con­nais bien le phénomène, étant maître de dans­es tra­di­tion­nelles et ayant fait mon mémoire, juste­ment sur ce sujet…
La base de la danse est une danse de cou­ple, sans con­tact. C’est une danse de séduc­tion. L’homme et la femme se dépla­cent en agi­tant leur mou­choir (foulard). Dans la pre­mière par­tie, la femme rejette les avances de l’homme, mais, dans la sec­onde, elle se fait plus tolérante et finale­ment se laisse con­quérir.
Les deux par­ties sont donc dis­tinctes. Dans la pre­mière, l’homme est entre­prenant, il mobilise son foulard et essaye d’attirer l’attention de la dame. La femme est pudique, se masque le vis­age, n’accepte pas l’invitation. Elle donne même sou­vent le dos à la fin de la pre­mière par­tie. Dans la sec­onde par­tie, en revanche, elle devient plus entre­prenante et accepte les avances. Sou­vent, les danseurs jouent les deux par­ties de la même façon, ou toute la durée est en séduc­tion réciproque, ce qui est à mon avis une petite trahi­son de l’esprit de cette danse.
D’autres la dansent comme si c’était une choré­gra­phie de coun­try, mais c’est une autre his­toire…

Je pen­sais vous faire un petit cours de zam­ba et me suis plongé dans ma bib­lio­thèque à la recherche de quelque manuel d’où je pour­rais tir­er des élé­ments utiles. Las, ces petits dessins sem­blent telle­ment com­pliqués à com­pren­dre que j’ai aban­don­né l’idée.
Je vais juste vous men­tion­ner les fig­ures de la forme la plus courante à Buenos Aires, qui est très loin d’être l’endroit où elle se danse le plus, mais dans les milon­gas, il y a sou­vent un inter­mède de folk­lore com­por­tant chacar­era et zam­ba et comme vous me suiv­ez pour le tan­go, vous avez cer­taine­ment une atti­rance pour cette ville.
Les phras­es musi­cales sont de 8 temps. Elles don­nent la durée des « fig­ures ».
L’introduction. On peut frap­per dans les mains.
La pre­mière vuelta. Elle com­mence avec le chant (quand c’est une zam­ba chan­tée, bien sûr). À la fin de la pre­mière phrase, on a un échange de place avec sa parte­naire. À la fin de la sec­onde, on est ren­tré dans une sorte de spi­rale et on s’arrête, on change de direc­tion (arresto) au début de la troisième phrase et on revient au point de départ en faisant l’escargot à l’envers.
On revient au cen­tre et ont fait trois arrestos (ce qui donne l’impression que les parte­naires se tour­nent autour), puis ont revient au point de départ.
La musique change de tonal­ité, de car­ac­tère. Cela annonce le dernier escar­got.
Et sur la dernière phrase, le cou­ple se réu­nit au cen­tre (la femme dos à l’homme dans la pre­mière par­tie et de face et com­plice dans la sec­onde).
Je pense que vous n’aurez rien com­pris, ce n’est pas grave car en admet­tant que vous ayez com­pris la choré­gra­phie, il vous resterait à acquérir la manip­u­la­tion du foulard et c’est tout un autre univers. Toute­fois, pour le foulard, on peut amélior­er son jeu en jouant l’histoire de la danse. Dans la pre­mière par­tie, l’homme cherche à capter l’attention et la femme se cache et rejette, dans la sec­onde, ils s’accordent et peu­vent enlac­er les foulard, se caress­er avec…

La siete de abril

Le titre peut sem­bler est une date (7 avril). On se demande alors immé­di­ate­ment qu’à cette date par­ti­c­ulière pour qu’on en fasse une zam­ba (ou même une chan­son).
Une date prob­a­ble est le 7 avril 1840, où Mar­cos Avel­lane­da qui dirigeait une insur­rec­tion (la Ligue du Nord) a per­du la tête qui a été exposée par l’armée de Rosas sur la place cen­trale de San Miguel de Tucumán.
La défaite de l’insurrection a eu lieu à Famail­lá, mais Avel­lane­da s’est enfuit vers le Nord et il se peut que ce soit sur l’emplacement de 7 de Abril qu’il a été rat­trapé et décapité.

Cette local­ité qui compte aujourd’hui un mil­li­er de per­son­nes s’était dévelop­pée à prox­im­ité d’une sta­tion de chemin de fer des­tinée à trans­porter vers des lieux plus peu­plés, la canne à sucre pro­duite ici et le bois récolté dans les bois avoisi­nants.

Quoi qu’il en soit, il est dif­fi­cile de faire le lien entre cet événe­ment sanglant et la zam­ba. Il reste deux hypothès­es. La belle est de 7 de Abril, où il s’agit d’un 7 de Abril, date d’une ren­con­tre et donc, une date plutôt d’ordre privé.
Tournons-nous du côté des paroles pour voir si on a d’autres pistes.

Les paroles

Il y a en fait divers­es paroles. La ver­sion la plus courante aujourd’hui est celle de Pedro Evaris­to Díaz sur la musique déposée par Andrés Aveli­no Chaz­arreta.

Triste y con penas me voy
Voy can­tan­do mi can­ción
{Bus­can­do con­sue­lo en una zam­ba
Porque me ha pedi­do el corazón} bis
Lejos se escucha una (mi) voz
Y ella dice en su can­tar
{En aque­l­las noches silen­ciosas
Can­to porque aliv­io mi pesar} bis
Estri­bil­lo
Otros andarán por ahí
Igual­i­tos como yo
{Can­tan­do triste sus penas
Zam­ba sos mi can­ción} bis

Como el per­fume de flor
Suave, acom­pasa­da sos
{Has hecho bailar a muchos criol­los
Hacien­do vivir la tradi­ción} bis
Tus melodías quizás
Siem­pre han sido para mí
{La que muchas noches he soña­do
Y así la nom­bré siete de abril} bis

Andrés Aveli­no Chaz­arreta Letra : Pedro Evaris­to Díaz

Si vous voulez con­naître d’autres ver­sions, mais qui ne don­nent pas plus d’indication sur l’origine, vous pou­vez con­sul­ter cet excel­lent arti­cle :

https://raicesmusical.blogspot.com/p/zambas-y-sus-versiones.html

Ver­sion archivée au cas où la page deviendrait indisponible : https://web.archive.org/web/20220909213526/https://raicesmusical.blogspot.com/p/zambas-y-sus-versiones.html

Traduction libre

Triste et chargé de peine je m’en vais
Je m’en vais en chan­tant ma chan­son
Cher­chant du récon­fort dans une zam­ba
{Parce que mon cœur me l’a demandé} bis
Au loin s’entend une voix
Et elle dit dans sa chan­son
{Dans ces nuits silen­cieuses
Je chante pour alléger mon cha­grin} bis
Refrain
D’autres vien­dront par là
Tous égaux, comme moi
{Chan­tant tris­te­ment leurs peines
Zam­ba tu es ma chan­son} bis

Comme le par­fum de la fleur
Tu es douce et ryth­mée
{Tu as fait danser beau­coup de criol­los
Faisant revivre la tra­di­tion} bis
Tes mélodies peut-être
Ont tou­jours été pour moi
{Celle dont j’ai rêvé de nom­breuses nuits
C’est ain­si que je l’ai nom­mée 7 avril} bis

Alors, allez-vous danser la zamba ?

Comme DJ, j’adore voir les danseurs danser une belle zam­ba. Ce plaisir est rare en Europe, alors j’espère que vous vous y met­trez, pour me faire plaisir, mais surtout pour vous faire plaisir.
J’essaye tou­jours de plac­er un inter­mède de folk­lore dans les milon­gas que j’anime. En Europe, ça a rarement du suc­cès et ça se ter­mine en corti­na, mais désor­mais, la chacar­era est bien ren­trée dans les mœurs. La zam­ba, c’est un peu plus dif­fi­cile, mais j’ai eu quelques occa­sions, donc celle qui m’a servi pour la pho­to de cou­ver­ture où deux danseurs français ont réal­isé une très belle zam­ba. Ils se sont retrou­vés seuls sur la piste, mais ils ont pro­duit une vive émo­tion et je suis sûr que cela a don­né une petite envie à cer­tains.
L’an dernier à Tarbes, j’ai aus­si pu faire danser quelques cou­ples sur une zam­ba.

Une autre zamba pour vous décider à la danser, par Argentino Luna

Il existe des cen­taines de Zam­bas, cha­cune dans de nom­breuses ver­sions. C’est un champ immense.

Gal­li­tos del aire par Argenti­no Luna. Les Gal­li­tos del Aire (petits coqs de l’air) sont les foulards.

Les Gal­li­tos del Aire (petits coqs de l’air) sont les foulards.

À Buenos Aires, cette ver­sion plaît beau­coup.

Je vous en donne les paroles et leur tra­duc­tion, car ce titre décrit exacte­ment la danse et son sen­ti­ment.

Paroles de Gallitos del aire

Comen­zó la zam­ba y con el pañue­lo
Te invité a bailar­la y fue como un ruego
Cuan­do te acer­caste, casi sin alien­to
Con mucha vergüen­za, dijiste baile­mos
Y así comen­zamos a bailar la zam­ba
Ponien­do en el baile, el cuer­po y el alma

La Luna traviesa bril­l­a­ba en tu pelo
Yo te pre­sen­tía palo­ma en ace­cho
En la media vuelta me puse a tu lado
Bus­can­do tus ojos, mis ojos jugaron
Giraste y te fuiste, tími­da y calla­da
Tem­blorosa­mente bai­lan­do la zam­ba

Una vuelta entera, nos puso de frente
Mis labios desea­ban tus labios ardi­entes
Gal­li­tos del aire fueron los pañue­los
Que en blan­co y celeste pin­taron el cielo
Ya la media zam­ba mar­ca­ba el final
Y yo pre­sen­tía tus ganas de amar

Se va la segun­da, dijo el musi­quero
Y yo enam­ora­do seguía tu vue­lo
Pre­sen­tí tus miedos casi con asom­bro
Mien­tras me mirabas por arri­ba del hom­bro
Con la mano izquier­da me toque el som­brero
Como pa’ decirte aquí voy de nue­vo

Lo demás fue un juego de amagues y esquives
Un tan­tear de cer­ca, tu cuer­po de mim­bre
For­man­do un arresto, mi pañue­lo blan­co
Lo entre­lazó al tuyo que and­a­ba volan­do
Y fue con el baile, vio­lín y gui­tar­ra
La noche más noche, la zam­ba más zam­ba

Una vuelta entera nos puso de frente
Mis labios desea­ban tus labios ardi­entes
Gal­li­tos del aire, fueron los pañue­los
Que en blan­co y celeste pin­taron el cielo
Mi pañue­lo blan­co te tra­jo hacia mí
Y tú enam­ora­da dijiste que sí

Argenti­no Luna

Traduction libre de Gallitos del aire et indications

La zam­ba a com­mencé et avec le foulard
Je t’ai invitée à la danser et c’était comme une prière
Quand tu t’es approchée, presque essouf­flée
Avec beau­coup de honte, tu as dit, dan­sons
C’est ain­si que nous avons com­mencé à danser la zam­ba
Met­tant dans la danse corps et âme

La lune coquine bril­lait dans tes cheveux
J’ai sen­ti que tu étais une colombe traquée
Dans la media vuelta (fig­ure de la zam­ba), je me tenais à ton côté
Mes yeux jouant à chercher tes yeux
Tu t’es retourné et tu es par­tie, timide et silen­cieuse
Dansant la zam­ba en trem­blant

Un vuelta entera (fig­ure de zam­ba, tour entier), nous a mis face à face
Mes lèvres désir­aient tes lèvres brûlantes
Les coqs de l’air étaient les foulards
Qui en blanc et bleu céleste ont peint le ciel. (Ce sont les couleurs de la ban­dera argen­tine. Les femmes ont tra­di­tion­nelle­ment le foulard céleste et les hommes le blanc. Les foulard sont agités en l’air et don­nent l’impression de pein­dre le ciel)
Déjà la demi-zam­ba mar­quait la fin
Et j’ai pressen­ti ton désir d’aimer. (C’est la fin de la pre­mière par­tie. Le danseur rac­com­pa­gne la femme et la sec­onde par­tie com­mence).

La sec­onde démarre, dit le musi­cien (il annonce la sec­onde par­tie)
Et moi, amoureux, j’ai suivi ton vol
J’ai sen­ti tes craintes presque avec éton­nement
Alors que tu me regar­dais par-dessus ton épaule
De ma main gauche, j’ai touché mon cha­peau
Comme pour te dire que je reviens.

Le reste n’était qu’un jeu de feintes et d’esquives
Une sen­sa­tion de prox­im­ité, ton corps en osier
For­mant une arresto (fig­ure de la zam­ba con­sis­tant à chang­er de sens, comme une sim­u­la­tion de court après-moi que je t’attrape), mon foulard blanc
Je l’ai entrelacé avec le tien qui allait, volant
Et ce fut avec la danse, le vio­lon et la gui­tare
La nuit la plus nuit, la zam­ba la plus zam­ba

Un tour entier nous a mis face à face
Mes lèvres désir­aient tes lèvres brûlantes
Coqs de l’air, c’étaient les foulards
Qui en blanc et bleu clair ont peint le ciel
Mon foulard blanc t’a amené jusqu’à moi
Et toi, énamourée, tu as dit oui.