Archives par étiquette : No quiero verte llorar

Les succès de la radio en 1937

Ediciones musicales Julio Korn

Lorsque nous avons par­lé de la par­ti­tion de No quiero verte llo­rar, nous avions remar­qué que la qua­trième de cou­ver­ture présen­tait les plus grands suc­cès radio­phoniques du moment. J’ai trou­vé amu­sant de vous faire écouter ce que les Argentins aimaient en 1937…

Sur cette pub­lic­ité, les 12 suc­cès des édi­tions Julio Korn. Évidem­ment, ils ne par­lent pas des suc­cès édités par d’autres maisons d’édition…

Les éditions Julio Korn

Julio Korn (1906​-07–19 – 1983-04-18) était à la tête d’un empire de la presse. Il pub­li­ait en 1937, six heb­do­madaires, Radi­olan­dia, Ante­na, Goles, Voso­tras, TV Guía et Anteo­ji­to. Son seul con­cur­rent sérieux était Héc­tor Gar­cía qui pub­li­ait Así. Il était donc en sit­u­a­tion de qua­si-mono­pole.

« Mi inten­ción fue siem­pre lle­gar a la gran masa del pueblo, sin pre­tender instru­ir­la sino entreten­er­la »

«Mon inten­tion a tou­jours été d’atteindre la grande masse du peu­ple, sans pré­ten­dre l’instruire, mais pour la diver­tir». Devise que les Cit­i­zen Kane d’aujourd’hui per­pétuent.

Julio Korn est le pro­to­type du self-made man. Orphe­lin à 9 ans, il tra­vaille dans une imprimerie ce qui lui per­met de sauver de l’asile son jeune frère. À 15 ans (1921), il se rend à Mon­te­v­ideo pour pro­pos­er à Edgar­do Dona­to de devenir son édi­teur musi­cal. Il devait être du genre con­va­in­cant, car il rem­por­ta l’affaire et obtint un prêt pour s’acheter la presse des­tinée à imprimer les par­ti­tions. Huit ans plus tard, il avait imprimé 35 000 par­ti­tions.
En 1924, il avait créé une revue musi­cale, La Can­ción Mod­er­na, dont il était égale­ment le rédac­teur en chef.

À gauche, le numéro du 30 juin 1936 de Radi­olan­da (La Can­ción Mod­er­na) où est annon­cée la saga Gardel. La cou­ver­ture du 6 juin 1936 avec Gardel et le pre­mier des arti­cles sur les con­fi­dences de Berta sur la vie de son fils.

En juin 1936, La Can­ción Mod­er­na qui est devenu Radi­olan­dia pub­lie la vie de Car­los Gardel qui était mort l’année précé­dente en exploitant le côté sen­ti­men­tal du témoignage de Berta Gardes, la mère de Gardel qui a d’ailleurs cédé gra­tu­ite­ment les droits de repro­duc­tion. Et pan dans les dents de la thèse uruguayenne de l’origine de Car­los Gardel qui pré­tend que Berta se serait déclaré sa mère pour touch­er l’héritage en étab­lis­sant de faux papiers… Gardel enfant de France.
Cet arti­cle est un bon exem­ple de la lit­téra­ture pop­u­laire des revues de Julio Korn.
Mais revenons à la par­ti­tion de No quiero verte llo­rar et à sa qua­trième de cou­ver­ture.

Par­ti­tion de No Quiero Verte Llo­rar des Édi­tions Julio Korn.

Lorsque nous avons par­lé de la par­ti­tion de No quiero verte llo­rar, nous avions remar­qué que la qua­trième de cou­ver­ture présen­tait les plus grands suc­cès radio­phoniques du moment. J’ai trou­vé amu­sant de vous faire écouter ce que les Argentins aimaient en 1937…

Les succès de la radio en 1937

Les suc­cès de la radio 01

Milonga triste (Sebastián Piana Letra: Homero Manzi)

Milon­ga triste 1937-02-19 — Mer­cedes Simone con acomp. de su Trío Típi­co
Milon­ga triste 1937-08-10 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro

Amor (Carlos Gardel Letra Luis Rubistein)

Amor 1936-07-14 – Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Rober­to Mai­da. Avec des airs de Silen­cio, du même Gardel.

Milagro (Luis Rubistein, paroles et musique)

Mila­gro 1936-11-27 — Mer­cedes Simone con acomp. de su Trío Típi­co
Mila­gro 1937-02-19 – Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Rober­to Mai­da

Arrepentido (Rodolfo Sciammarella, paroles et musique)

Arrepen­ti­do 1937-05-26 — Lib­er­tad Lamar­que con orques­ta. Comme il est pré­cisé « Tan­go chan­son », il s’agit prob­a­ble­ment de cette ver­sion qui avait du suc­cès à la radio.

Comme il est pré­cisé « Tan­go chan­son », il s’agit prob­a­ble­ment de cette ver­sion qui avait du suc­cès à la radio. Cepen­dant, l’année précé­dente, il y a eu deux enreg­istrements qui peu­vent très bien pass­er à la radio et par­ticiper au suc­cès de la com­po­si­tion de Sci­ammarel­la :

Arrepen­ti­do 1936–09- 18 — Orques­ta Rober­to Fir­po con Car­los Varela.

Car­los Varela que nous avions enten­du avec Fir­po dans No quiero verte llo­rar.

Arrepen­ti­do 1936-09-04 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to con Jorge Omar
Les suc­cès de la radio 02
Las per­las de tu boca 1935-10-08 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to con Jorge Omar.

Il est indiqué Boléro sur la par­ti­tion, mais il s’agit ici d’un enreg­istrement en rum­ba. Ce titre a été beau­coup enreg­istré, bien sûr en boléro, mais aus­si en Danzón (par Rey Cabr­era). Dif­fi­cile de savoir quel enreg­istrement était la référence. Il peut aus­si tout sim­ple­ment s’agir d’une erreur, en effet le terme boléro comme le terme Jazz est générique et peut éventuelle­ment ne pas dif­férenci­er deux types de danse.
Je vous pro­pose tout de même un exem­ple, par le chanteur d’opéra, mex­i­cain, Alfon­so Ortiz Tira­do.

Las per­las de tu boca 1934 — Alfon­so Ortiz Tira­do. C’est un enreg­istrement RCA Vic­tor réal­isé à Buenos Aires.

Por el camino adelante (Lucio Demare ; Roberto Fugazot ; Agustín Irusta Letra: Joaquín Dicenta (Joaquín Dicenta Alonso)

Por el camino ade­lante 1930 — Agustín Irus­ta y Rober­to Fuga­zot con acomp. de piano por Lucio Demare.

Por el camino ade­lante 1930 — Agustín Irus­ta y Rober­to Fuga­zot con acomp. de piano por Lucio Demare. Avec cette chan­son on est plutôt dans le domaine du folk­lore, mais après tout, le tan­go n’est pas la seule musique qui passe à la radio. Je n’ai pas trou­vé d’enregistrement de 1936 ou 1937. Il se peut donc que ce soit une autre ver­sion qui avait du suc­cès en 1937.

Rosa de otoño [Guillermo Desiderio Barbieri Letra: José Rial, hijo]

Rosa de otoño 1930-12-05 — Car­los Gardel con acomp. de la orques­ta de Fran­cis­co Canaro.

Rosa de otoño 1930-12-05 — Car­los Gardel con acomp. de la orques­ta de Fran­cis­co Canaro. Encore un enreg­istrement un peu ancien, mais la mort de Gardel deux ans plus tôt a sans doute relancé ses inter­pré­ta­tions. On est là encore à la lim­ite du tant avec un vals criol­lo. C’est Di Sar­li en 1942 qui fera sor­tir cette valse du domaine folk­lorique, mais c’est une autre his­toire…

Les suc­cès de la radio 03

En blanco y negro [Néstor Feria Letra: Fernán Silva Valdéz]

En blan­co y negro 1936-05-06 — Alber­to Gómez con acomp. de su Cuar­te­to de Gui­tar­ras

Une milon­ga, mais une milon­ga criol­la. Décidé­ment le folk­lore avait la côte…

Falsedad [Héctor María Artola Letra: Alfredo Navarrine]

Falsedad 1936-10-25 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Rober­to Mai­da.

On revient dans le domaine du tan­go avec ce très beau titre, sans doute un peu oublié dans les milon­gas d’aujourd’hui, même dans celles qui abusent de la vieille garde ; -)

Monotonía (Hugo Gutiérrez Letra : Andrés Carlos Bahr)

Monot­o­nía 1936-12-03 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to con Jorge Omar.

Encore Lomu­to et Omar en vedette avec ce tan­go de Hugo Gutiér­rez et Andrés Car­los Bahr. Le titre ne donne pas très envie de danser, la musique non plus. Cela devait être plus agréable de vaquer dans son apparte­ment avec cette musique de fond à la radio.

Pienso en ti (Julio De Caro Letra : Jesús Fernández Blanco)

Pien­so en ti 1936-08-10 — Orques­ta Julio De Caro con Vio­le­ta y Lidia Desmond (Las her­manas Desmond).

Las her­manas Desmond (les sœurs Desmond) nous offrent une fin enjouée. Une valse pas trop tan­go. Elle est indiquée comme valse chan­son et son auteur pour­rait vous sur­pren­dre, car il s’agit de Julio de Caro, comme quoi il ne faut pas trop vite met­tre les com­pos­i­teurs et musi­ciens dans des tiroirs.

En guise de conclusion

Comme nous l’avons vu, les édi­tions de Julio Korn ne sont pas le seul édi­teur de musique. On peut légitime­ment penser qu’ils met­tent en avant leurs poulains et passent sous silence les artistes qui font éditer leurs par­ti­tions chez des con­cur­rents.
Un autre biais est que les orchestres ne jouent pas for­cé­ment des tan­gos qui vien­nent d’être écrits. S’ils jouent un titre qui a dix ou vingt ans, voire plus, il ne sera pas néces­saire­ment réédité.
Le dernier biais et qu’il s’agit des titres qui passent à la radio. La qual­ité sonore de la radio à l’époque était assez médiocre, la FM n’était pas encore de mise et les danseurs pou­vaient ren­con­tr­er leurs orchestres favoris toutes les semaines. Les pro­grammes étaient donc plutôt des­tinés à la vie de famille et une dif­fu­sion régulière et sans trop de relief était sans doute mieux adap­tée à cet usage.
En résumé, il ne faut pas tir­er la con­clu­sion que les suc­cès men­tion­nés ici sont des suc­cès abso­lus, notam­ment du point de vue des danseurs. On peut juste affirmer qu’à côté d’autres styles, le tan­go avait sa place dans le quo­ti­di­en des Argentins, comme c’est tou­jours le cas où des airs de tan­go ayant près d’un siè­cle con­tin­u­ent de s’élever dans le bon air de Buenos Aires. On n’imagine pas dans tous les pays la pop­u­la­tion écouter des dis­ques aus­si anciens, sauf peut-être dans le domaine de la musique clas­sique.
Pour estimer le suc­cès des titres du point de vue des danseurs, je pense que la présence de nom­breux enreg­istrements du même titre à quelques semaines d’intervalle est un bon indice. Cer­tains tan­gos ont 20, 30 ou beau­coup plus d’enregistrements pour des mon­stres comme la Cumpar­si­ta, et d’autres sont fils uniques. Ces fils uniques qui ont raté leur lance­ment à l’époque sont par­fois rat­trapés, comme c’est le cas de la milon­ga Mi vie­ja lin­da (Ernesto Cés­pedes Polan­co, musique et paroles), qui avant qu’elle soit reprise par le Sex­te­to Cristal était incon­nue de la majorité des danseurs, bien qu’il en existe une belle ver­sion par la Orques­ta Emilio Pelle­jero con Enal­mar De María

Mi vie­ja lin­da 1941 — Orques­ta Emilio Pelle­jero con Enal­mar De María
Mi vie­ja lin­da 2018-05-01 — Sex­te­to Cristal con Guiller­mo Rozen­thuler

Mon tra­vail de DJ est aus­si de réveiller, révéler, des mer­veilles qui dor­ment dans quelque pochette de disque de pâte.

À propos de l’illustration de couverture

Voici la pho­to orig­i­nale qui m’a servi pour réalis­er l’illustration de cou­ver­ture. Vous pou­vez vous livr­er au jeu des sept erreurs, mais il y a bien plus que sept dif­férences entre les deux images 😉

Une radio portable (on voit la poignée près de la main droite de Gardel). Il s’agit d’un mod­èle « Mendez », copie du Mc Michael anglais.

Dans la par­tie droite, les deux bou­tons rotat­ifs per­me­t­tant la syn­ton­i­sa­tion (choix de la sta­tion de radio). Le haut-par­leur (dans la par­tie gauche est pro­tégé pen­dant le trans­port, par la par­tie de droite qui se replie dessus. On voit les ver­rous qui main­ti­en­nent la mal­lette fer­mée de part et d’autre de l’appareil.
Vous aurez recon­nu les per­son­nages dès la pho­to de cou­ver­ture, qui est un mon­tage de ma part avec une fausse radio, je trou­vais celle d’origine man­quant un peu de classe.
Au cas où vous auriez un doute, je vous présente la fine équipe qui entoure le poste de radio, de gauche à droite :
José Maria Aguilar, Guiller­mo Bar­bi­eri, José Ricar­do, les trois gui­taristes de Gardel, et Car­los Gardel. La pho­to date de 1928, soit 8 ans avant la mort de Gardel et 9 ans avant la par­ti­tion de No quiero verte llo­rar faisant la pub­lic­ité pour les suc­cès de l’année 1937. Cette image et la cou­ver­ture ne sont donc pas tout à fait d’actualité, mais comme 1937 est l’année où l’éditeur Julio Korn fait son gros coup sur Gardel, je pense que cela peut se jus­ti­fi­er.
De plus, on notera que dans les suc­cès de 1937, il y a un tan­go écrit par Gardel, Amor et un vals criol­lo, Rosa de otoño, chan­té par lui.

À demain les amis !

Voici la cou­ver­ture pour ceux qui veu­lent jouer au jeu des sept erreurs…

No quiero verte llorar 1937-05-12 — Orquesta Osvaldo Fresedo con Roberto Ray

Agustín Magaldi Letra : Rodolfo Sciammarella

Osval­do Frese­do, un vieux de la vieille, mais qui a eu une car­rière très longue (60 ans) avec une évo­lu­tion remar­quable de son style, a pro­duit dans les années 30, notam­ment avec Rober­to Ray des chefs d’œuvres dont notre tan­go du jour est un par­fait exem­ple. Avec Frese­do, on est dans un tan­go élé­gant, loin des faubourgs bagar­reurs et inter­lopes (idée reçue?).

Osvaldo Fresedo et Roberto Ray

Osval­do Frese­do a fait ses pre­miers enreg­istrements en 1920 et les derniers en 1980. 60 ans de disque, c’est un des records des orchestres de tan­go.
Pen­dant près de 10 ans, Frese­do et Ray ont col­laboré (1931–1939). Mais Ray n’est pas le pre­mier chanteur de Frese­do. Rien que par le disque, on peut prou­ver qu’il a enreg­istré avec Ernesto Famá, Luis Diaz, Teó­fi­lo Ibáñez, Juan Car­los Thor­ry, Anto­nio Buglione, Agustín Mag­a­l­di, Car­los Viván (pour le jazz) et même Ada Fal­cón.
Cepen­dant, l’arrivée de Ray en 1931 va mar­quer une tran­si­tion pour les tan­gos chan­tés de Frese­do, lui qui avait essen­tielle­ment enreg­istré de l’instrumenta aupar­a­vant.
Pour bien com­pren­dre la tran­si­tion entre la pre­mière vague de chanteurs et l’arrivée de Rober­to Ray, il suf­fit de s’intéresser au 23 févri­er 1932. Ce jour, Frese­do réalise un enreg­istrement avec son « ancien » chanteur Teó­fi­lo Ibáñez et un autre avec le nou­veau, Rober­to Ray.
Voici les deux enreg­istrements :

Desen­gaños 1932-02-23 — Orques­ta Osval­do Frese­do con Teó­fi­lo Ibáñez (Ramón Gutiér­rez Del Bar­rio Letra: Gus­ta­vo Dur­val Gogiose)

La voix de Ibáñez sans être vul­gaire a une pointe d’accent pop­u­laire, est plus agres­sive et les effets de voix sont mar­qués.

El rebelde 1932-02-23 — Orques­ta Osval­do Frese­do con Rober­to Ray (Juan José Riverol Letra : Fran­cis­co Anto­nio Loiá­cono)

Il faut patien­ter, comme de cou­tume avec les tan­gos de danse, chan­tés pour enten­dre la voix de Ray. Elle n’arrive qu’à 1 : 40… Mais la dif­férence explose immé­di­ate­ment. Pour­tant, les paroles n’ont rien de la joliesse appar­ente que sem­ble exprimer Ray. Il en effet curieux d’avoir choisi un texte en lun­far­do pour lancer son nou­veau chanteur raf­finé.

Se murió el vago Amar­gu­ra,
está en cana Lan­galay
y a tu rante arqui­tec­tura
la están tiran­do a matar.
Te dio la bia­ba el pro­gre­so
un rasc­cielo bacán
dejó como cin­co ‘e que­so
a una casita ter­rán

En gras les mots argo­tiques, mais l’organisation du texte en entier est pour le moins pop­u­laire. Rien n’est raf­finé dans ce texte qui regrette le temps passé, ou le paresseux est désor­mais rem­placé par le tireur de char­rette de Lan­galay (entre­prise de trans­port) et où les masures des clochards ont été détru­ites.
Ray dit, chante le texte, comme si c’était un poème de la pléi­ade.
Ce qui es sûr est que ceux qui pense que Frese­do est tout lisse, un orchestre pour mar­quis­es dans leur salon vont être un peu décoif­fés s’ils com­pren­nent les paroles.
Remar­quez aus­si le mag­nifique vio­lon (prob­a­ble­ment Adol­fo Muzzi), qui comme la voix de Ray est raf­finé.
Puisque l’on est entre amis, une petite digres­sion, le même titre chan­té par une femme qui bal­ance toutes les paroles de lun­far­do. C’est Mer­cedes Carné accom­pa­g­née par Di Sar­li…

Rebelde 1931- Mer­cedes Carné acomp. de Sex­te­to Car­los Di Sar­li.

Rober­to Ray se lance ensuite comme soliste et il ne revien­dra que très briève­ment en 1948–1950 avec Frese­do, mais à cette époque, le style de Frese­do a com­plète­ment changé et la magie n’est plus là.
D’ailleurs, les puristes ne voient de Frese­do que la péri­ode « Rober­to Ray ». Son sec­ond chanteur le plus emblé­ma­tique, Ricar­do Ruiz avec qui il col­lab­o­rait à la même époque pour le jazz et qui a pris la relève en 1939 avec des résul­tats divers, a don­né de très belles choses comme Viejo faroli­to, Mi gitana, Si no me engaña el corazón, Inqui­etud, Cuar­ti­to azul, Vida queri­da, Alas ou Buscán­dote.

Extrait musical

Ne pleurez plus, voici enfin le tan­go du jour.

No quiero verte llo­rar 1937-05-12 — Orques­ta Osval­do Frese­do con Rober­to Ray

Ray com­mence à chanter à 1 :39 et nous sommes là en présence du plus beau “NO” de l’histoire du tan­go. La façon dont Ray lance son “NO” et com­ment il pour­suit piano est osée et géniale. On retrou­ve un peu cela dans d’autres ver­sions, mais à mon avis avec une inten­sité bien moin­dre. Je dois avouer que je suis fan et que pour moi c’est très dif­fi­cile de ne pas chanter en même temps que Ray.

No quiero verte llo­rar. Par­ti­tion pour piano.

En pho­to, sur la cou­ver­ture, Agustin Mag­a­l­di. Remar­quez les pubs en 4e de cou­ver­ture pour les grands suc­cès de la radio. Nous y revien­drons…

Paroles

Antes era yo el que tor­tura­ba tu exis­ten­cia
con mis celos y no te deja­ba en paz.
Yo escuch­a­ba tus protes­tas
sin poder­lo reme­di­ar.
Antes era yo el que te seguía y no tenia
la ale­gría de un min­u­to en mi vivir.
Hoy que logré feli­ci­dad al ten­erte fe,
dudas de mí.

No,
no quiero verte sufrir.
No,
no quiero verte llo­rar.
No quiero que haya dudas,
no quiero que haya som­bras
que empañen los encan­tos
de nue­stro dulce hog­ar.
No,
no quiero verte llo­rar.
No,
no quiero verte sufrir.
Amor mío,
debes ten­er con­fi­an­za,
vos sos toda mi esper­an­za,
mi ale­gría de vivir.

Quiero repe­tirte las pal­abras que vos antes
me decías cuan­do me encon­tra­ba así.
Por nue­stro amor te lo pido.
No debes dudar de mí.
Yo que sé las noches de tor­tu­ra que es vivir
obse­sion­a­do por los celos del amor,
quiero evi­tarte de una vez tan­to pesar,
tan­to dolor.

Agustín Mag­a­l­di Letra: Rodol­fo Sci­ammarel­la

En gras, le refrain chan­té par Rober­to Ray

Traduction libre

Avant, j’étais celui qui tor­tu­rait ton exis­tence avec ma jalousie et ne te lais­sais pas tran­quille.
J’ai écouté tes protes­ta­tions sans pou­voir m’en empêch­er.
Avant, j’étais celui qui te suiv­ait et je n’avais pas une minute de joie dans ma vie.
Main­tenant que j’ai atteint le bon­heur en ayant foi en toi, tu doutes de moi.

Non, je ne veux pas te voir souf­frir.
Non, je ne veux pas te voir pleur­er.
Je ne veux pas qu’il y ait de doutes, je ne veux pas qu’il y ait des ombres qui ternissent les charmes de notre doux foy­er.
Non, je ne veux pas te voir pleur­er.
Non, je ne veux pas te voir souf­frir.
Mon amour, tu dois avoir con­fi­ance, tu es toute mon espérance, ma joie de vivre
.

Je peux te répéter les mots que tu me dis­ais quand j’étais comme ain­si.
Pour notre amour, je te le demande.
Tu ne dois pas douter de moi.
Je sais les nuits de tor­ture que c’est de vivre obsédé par la jalousie de l’amour, je veux t’épargner d’un coup, tant de cha­grin, tant de douleur.

Autres versions

No quiero verte llo­rar 1937-05-12 — Orques­ta Osval­do Frese­do con Rober­to Ray

C’est notre tan­go du jour. J’en pense le plus grand bien…

No quiero verte llo­rar 1937-06-03 — Agustín Mag­a­l­di con orques­ta.

C’est la ver­sion par l’auteur de la musique, enreg­istrée moins d’un mois après celle de Frese­do et Ray. On ne peut pas dire que ce soit vilain. La man­do­line donne un air orig­i­nal à ce tan­go, la voix de Mag­a­l­di, n’est pas désagréable, mais elle ne sort pas vic­to­rieuse de la con­fronta­tion avec celle de Rober­to Ray. Comme le résul­tat n’est pas fameux pour la danse non plus, il y a de fortes chances que cette ver­sion retourne dans l’ombre d’où je l’ai extir­pée. Remer­cions tout de même Mag­a­l­di d’avoir écrit ce titre…

No quiero verte llo­rar 1937-06-11 Orques­ta Rober­to Fir­po con Car­los Varela.

Sans le « mod­èle » de Frese­do et Ray, cette ver­sion pour­rait bien faire le bon­heur des danseurs. Car­los Varela a fait l’essentiel de sa car­rière de chanteur avec Fir­po et il ne sem­ble pas avoir enreg­istré avec les autres orchestres, comme celui de José Gar­cía avec qui il tra­vail­lait à la fin des années 40.

No quiero verte llo­rar 1937-06-17 — Mer­cedes Simone con acomp. de su Trío Típi­co.

Mer­cedes Simone effectue une mag­nifique presta­tion. Dif­fi­cile de ne pas être très ému par son inter­pré­ta­tion. Bien sûr, c’est une chan­son, pas un tan­go de danse, mais votre dis­cothèque sera hon­orée d’accueillir cette mag­nifique chan­son.

Il faut savoir arrêter

Vous l’aurez com­pris, ma ver­sion préférée est notre tan­go du jour enreg­istré par Frese­do et Ray en 1937, comme tous les autres titres.

Je vous ai prévenu, n’écoutez pas les titres qui suiv­ent…

Passé l’année 1937, on n’entend plus par­ler du titre, du moins pour l’enregistrement. C’est sou­vent le cas quand un orchestre fait une ver­sion de référence. Les autres n’osent pas s’y coller. Dans notre cas, Mag­a­l­di et Simone ont don­né les ver­sions chan­son avec un résul­tat tout à fait sat­is­faisant dans ce but. Pour la danse, Fir­po n’a pas démérité, mais Frese­do lui dame le pion.
Il faut atten­dre plus de 40 ans pour trou­ver une nou­velle ver­sion enreg­istrée. C’est celle d’Osvaldo Ribó accom­pa­g­né par les gui­tares d’Hugo Rivas et Rober­to Grela.

No quiero verte llo­rar 1978 — Osval­do Ribó con Hugo Rivas y Rober­to Grela (gui­tares).

Cette ver­sion est intéres­sante, même si elle n’apporte pas grand-chose de plus autres ver­sions en chan­son, par Mag­a­l­di et Simone.

No quiero verte llo­rar 1997 — Orques­ta Alber­to Di Paulo con Osval­do Rivas.

Là, j’ai vrai­ment un doute. Est-ce que l’on va dans le sens du pro­grès ? Le moins que l’on puisse dire est que je n’aime pas cette ver­sion. Je suis peut-être un peu trop déli­cat et d’autres se toqueront pour elle.
Quoi qu’il en soit, je vous pro­pose de vous laver les oreilles et réé­coutant la ver­sion du jour…

No quiero verte llo­rar 1937-05-12 — Orques­ta Osval­do Frese­do con Rober­to Ray

À demain, les amis!

No quiero verte llo­rar