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Les styles du tango

El Mun­do du dimanche 1er octo­bre de 1944.

Il sem­ble que tout a été dit sur les styles de tan­go. Je vous pro­pose cepen­dant un petit point, vu essen­tielle­ment sur l’aspect du tan­go de danse.

Ce qu’il con­vient de pren­dre en compte, c’est que les péri­odes générale­ment admis­es sont en fait toutes rel­a­tives.

Les orchestres ont, selon les cas, con­tin­ué un style qui leur réus­sis­sait au-delà d’autres orchestres et a con­trario, d’autres ont innové bien avant les autres, voire, sont revenus en arrière, remet­tant en avant des élé­ments dis­parus depuis plusieurs décen­nies.

On peut donc avoir deux enreg­istrements con­tem­po­rains appar­tenant à des courants forts dif­férents. C’est par­ti­c­ulière­ment sen­si­ble à par­tir des années 50, où la baisse de la pra­tique de danse a incité les orchestres à dévelop­per de nou­veaux hori­zons, sou­vent en réchauf­fant des plats plus anciens.

Les origines (avant le tango)

Il ne s’agit pas ici de tranch­er dans un des nom­breux débats entre spé­cial­istes des orig­ines. Du strict point de vue de la danse, les pre­miers tan­gos sont proche du style habanero et par con­séquent, c’est plus du côté des habaneras qu’il con­vient de trou­ver la forme de danse.

La habanera

Vous con­nais­sez ce rythme. DaaaTa­daTaDaaa

Pour ceux qui ne sont pas lecteurs de la musique, les bar­res rouges (croches pointées) cor­re­spon­dent à 3 unités tem­porelles rel­a­tives (dou­ble croche), les bar­res bleues à une unité tem­porelle (dou­ble croche) et les bar­res vertes à deux unités tem­porelles (croche). Les bar­res sont donc pro­por­tion­nelles à la durée des notes. Au début de la portée, il y a l’indication 2/4. Cela sig­ni­fie qu’il y a deux noires par mesure (espace entre deux bar­res ver­ti­cales). Les croches valent la moitié d’une noire en durée et les dou­bles croches la moitié d’une croche. Voilà, vous con­nais­sez la lec­ture du rythme en musique (ou pas…).
Rythme de la habanera au piano. retrou­vez le DaaaTa­daTaDaaa…

La habanera porte ce nom, car c’est une resti­tu­tion d’un rythme cubain. L’inventeur du genre est Sebastián de Iradier qui a com­posé El arregli­to (le petit arrange­ment) où il joue avec ce rythme. En voici un extrait et je suis sûr que cela va vous rap­pel­er quelque chose.

Axiv­il Criol­lo — El Arregli­to — Com­pos­i­teur Sebastián de Iradier vers 1840.

Avez-vous trou­vé ?

Oui, vous avez trou­vé. Ce cher Georges Bizet a piqué la musique de Sebastián de Iradier.

Tere­sa Bergan­za chante la Habanera de Car­men de Bizet (le copieur 😉

Ce rythme, très présent dans les pre­miers tan­gos, est devenu plus dis­cret, sauf pour les milon­gas qui l’ont large­ment exploité.

Dans la milon­ga criol­la (ici par l’orchestre de Fran­cis­co Canaro 1936-10-06), on recon­nait par­faite­ment le rythme de la habanera qui a été accélérée et est dev­enue une des pier­res de con­struc­tion des milon­gas.

Lorsque le tan­go de danse a per­du de son élan, les orchestres sont revenus à ces formes tra­di­tion­nelles, au point que les com­pos­i­teurs l’on réin­tro­duit très large­ment.

Autres apports

En par­al­lèle, des formes chan­tées, notam­ment par les payadors et des dans­es, tra­di­tion­nelles, voire trib­ales, ont influ­encé ces prémices, don­nant une grande richesse à ce qui devien­dra le tan­go, notam­ment à tra­vers ses trois formes dan­sées, le tan­go, la milon­ga et la valse.

Les payadors

On lit par­fois que Gardel était un payador. Cepen­dant, même s’il était ami de José Bet­tinot­ti, il n’a pas été directe­ment l’un de ces chanteurs qui s’ac­com­pa­g­naient à la gui­tare en impro­visant. Cepen­dant, l’influence des payadors est indé­ni­able pour le tan­go, comme vous pou­vez en juger. Par cet extrait, qui avec ses relents d’ha­banera pour­rait s’ap­procher d’une milon­ga lente ou d’un canyengue.

José Bet­tinot­ti, El cabrero cir­ca 1913

Exemple d’influence africaine

Par­mi les sources, on met en avant des orig­ines africaines. Même si l’Ar­gen­tine n’a pas été une terre d’esclavage très mar­quée, con­traire­ment à beau­coup d’autres payés du con­ti­nent améri­cain, il y a eu une com­mu­nauté d’o­rig­ine africaine rel­a­tive­ment impor­tante au XIXe siè­cle. Celle-ci s’est atténuée par l’émi­gra­tion, les mariages avec des pop­u­la­tions d’autre orig­ines et quelques faits guer­ri­ers où ils ont servi de chair à canon.

Même si l’Ar­gen­tine a absorbé des élé­ments, c’est plutôt la province de l’Est, l’U­ruguay qui a le plus été influ­encé par ces musiques, notam­ment les per­cus­sions.

Can­dombe solo para Uruguayos — Hugo Fat­toru­so — “Cam­i­nan­do” , Toma de Sonido Dario Ribeiro

Le can­dombe et la milon­ga can­dombe se retrou­vent à la mode dans les années 50, bien avant que Juan Car­los Cacéres relance la mode.

Siga el baile 1953-10-28 — Alber­to Castil­lo y su Orques­ta Típi­ca dirigé par Ángel Con­der­curi.

La dénom­i­na­tion “tan­go” est sou­vent asso­ciée à la défor­ma­tion de “tam­bo” et désig­nait des lieux ou la com­mu­nauté noire dan­sait. Il faut voir un juge­ment négatif par la bonne société blanche. Le terme est devenu syn­onyme de bam­boche, de débauche, ou pour le moins de moeurs légères. La musique des faubourgs, même si elle n’é­tait pas issue des Africains a hérité de ce voca­ble péjo­ratif, lorsque le tan­go s’est dévelop­pé dans les bor­dels et autres lieux choquants pour la bonne société.

Les origines européennes

L’im­mi­gra­tion européenne a apporté sa musique. Pour el vals, même criol­lo, on est très proche de la valse et des artistes comme Canaro ont même adop­té des valses vien­nois­es.

Pour la milon­ga, c”est un peu moins évi­dent de retrou­ver des sources européennes, si ce n’est que la mode de la habanera en Europe et les échanges dans le monde lati­noaméri­cain ont favorisé sa dif­fu­sion. La habanera sym­bol­i­sait le marin pour l’Eu­rope. La milon­ga, on devrait même écrire les milon­gas sont une sal­sa, un mélange d’in­flu­ences.

Les débuts du tan­go dans les faubourgs et les milieux inter­lopes ont con­duit celui-ci à des formes assez pop­u­laires, voire out­rées que le canyengue d’aujourd’hui a du mal à retraduire en total­ité.

La naissance européenne

Dis­ons-le, tout bon­nement, ce tan­go d’avant le tan­go n’est pas au sens strict du tan­go. À cela se rajoute que les rares enreg­istrements de l’époque ont été réal­isés par voie acous­tique et qu’ils ne sont donc pas du tout adap­tés à nos oreilles con­tem­po­raines.

Voir les pro­grès de l’en­reg­istrement pour plus d’in­for­ma­tions sur l’en­reg­istrement acous­tique.

Vu les lieux où le tan­go était joué et mal­gré la fréquen­ta­tion par des ninos bien (jeunes hommes de bonne famille), le tan­go ne s’est pas fait une place impor­tante en Argen­tine avant d’ac­quérir ses let­tres de noblesse en Europe et notam­ment en France.
Il y a une théorie dif­férente qui se base sur un film réal­isé en 1900 à Buenos Aires par Eugene Py. Le prob­lème est que si Py a bien réalise un film, on ne l’a pas retrou­vé. Un film est con­sid­éré par cer­tains comme le film de Py qui aurait été retrou­vé.

Dans ce film, on voit deux danseurs dans un décor pra­ti­quer une forme de tan­go. Ce film est par­fois qual­i­fié de pre­mier film de tan­go qui cor­re­spondrait à un film enreg­istré en 1900 par Eugène Py. La qual­ité de l’im­age, le vête­ment de la femme, le style de danse font plutôt dater ce film des années 1920. Les par­ti­sans de l’at­tri­bu­tion à Eugène Py indique que le film orig­i­nal a été réal­isé en extérieur, sur la ter­rasse de l’en­tre­prise Casa Lep­age À Buenos Aires. On peut voir qu’i­ci, il s’ag­it d’un décor qui peut avoir été placé en extérieur pour faire croire a un intérieur. Cela sem­ble un peu exagéré pour ce type de film. En admet­tant que ce soit le cas, les danseurs seraient des gens de la haute société. Aus­si, pourquoi servi­raient-ils de fig­u­rants ? Il est plus sim­ple d’imag­in­er que ce sont des danseurs qui jouent un rôle. Donc, si ce film est de 1900 (ce dont je doute), il peut s’a­gir de danseurs fig­u­rants. Si le film est de 1920, il peut s’a­gir de per­son­nes plus for­tunées qui présen­tent leurs per­for­mances de danse. Je pro­pose donc de rester sur les témoignages écrits et nom­breux et de ne pas suiv­re l’hy­pothèse qui ferait de ce film la preuve que le tan­go était dan­sé dans la haute société dès 1900.

Le style du tango, avant le tango… (Prototango)

Avant 1926, date des pre­miers enreg­istrements élec­triques, pas d’enregistrements util­is­ables en danse.

Argañaraz — Orques­ta Típi­ca Criol­la Alfre­do Gob­bi (1913)

Comme vous pou­vez vous en ren­dre compte, le style som­maire et monot­o­ne de la musique est ren­for­cé par l’obligation de jouer de façon assez forte et peu nuancée pour que le pavil­lon puisse graver le sup­port d’enregistrement. On retrou­ve cepen­dant cer­tains élé­ments « Canyengue » que l’on con­naît par les enreg­istrements élec­triques.

Je vous pro­pose à titre d’exemple, Zor­ro gris un enreg­istrement élec­trique de 1927 par Fran­cis­co Canaro.

Zor­ro gris 1927-08-22, Fran­cis­co Canaro (enreg­istrement élec­trique).

La vieille garde (Guardia vieja)

Gob­bi et Canaro, dans la pre­mière par­tie de leur car­rière, sont des représen­tants de ce que l’on a nom­mé la vieille garde. On ne peut pas réduire cela au canyengue, car dès les années 20 des rythmes dif­férents avaient vu le jour. Se détachant pro­gres­sive­ment du style clau­di­cant du canyengue, les orchestres aban­don­nent la habanera, accélèrent le rythme. Des titres en canyengue devi­en­nent des milon­gas, comme par exem­ple : Milon­ga de mis amores, ici dans la ver­sion de Canaro en 1937 et qui a encore des accents de canyengue :

Extrait de Milon­ga de mis amores 1937-05-26, Fran­cis­co Canaro

con­traire­ment à la ver­sion de la même année par Pedro Lau­renz :

Extrait de Milon­ga de mis amores 1937-07-14, Pedro Lau­renz can­ta Héc­tor Far­rel

Ou celle du même de 1944 :

Extrait de Milon­ga de mis amores 1944-01-14, Pedro Lau­renz

Des orchestres anciens évolu­ent, comme Di Sar­li ou d’Arien­zo, notam­ment à l’ar­rivée de Bia­gi dans l’orchestre et on arrive à la grande péri­ode du tan­go, l’âge d’or.

L’âge d’or (Edad de oro)

C’est la péri­ode con­sid­érée comme la plus adap­tée au tan­go de danse. C’est logique, car à l’époque, le tan­go était une danse à la mode et chaque semaine, plusieurs orchestres se pro­dui­saient.

El Mun­do du dimanche 1er octo­bre de 1944. En rouge, les 4 piliers se pro­duisent le même jour (Hoy). En bleu des orchestres de sec­ond plan, tout à fait dans­ables et en vert, des orchestres un peu moins per­ti­nents pour la danse.

On voit l’énorme choix qui s’adressait aux danseurs. Les musi­ciens jouaient ensem­ble plusieurs fois par semaine et il y avait un cli­mat d’émulation pour ne pas dire de com­péti­tion entre les orchestres.

On remar­quera qu’en face de cha­cun des orchestres de tan­go, il y a un orchestre de « Jazz ». En effet, les bals de l’époque jouaient des gen­res var­iés et les orchestres se spé­cial­i­saient.

Cer­tains comme Canaro avaient deux orchestres, ce qui lui per­me­t­tait d’assurer les deux aspects de la soirée. D’ailleurs, Canaro utilise des cuiv­res dans son orchestre de tan­go, il jouait donc de la lim­ite entre les deux for­ma­tions. Vous avez pu écouter cela dans l’ex­trait de Milon­ga de mis amores, ci-dessus.

Chaque orchestre se dis­tin­guait par un style pro­pre. Cer­tains étaient plus intel­lectuels, comme Pugliese ou De Caro, d’autres plus joueurs, comme Rodriguez ou D’Arienzo, d’autres plus roman­tiques, comme Di Sar­li ou Frese­do et d’autres plus urbains, comme Troi­lo.

Aujourd’hui, dans les milon­gas, le DJ s’arrange pour pro­pos­er ces qua­tre ori­en­ta­tions pour éviter la monot­o­nie et con­tenter les dif­férentes sen­si­bil­ités des danseurs.

Même si la pro­duc­tion de l’époque est essen­tielle­ment tournée vers la danse, il y a égale­ment une pro­duc­tion pour l’écoute.

Sur les dis­ques de l’époque, il est facile de faire la dif­férence, notam­ment pour les tan­gos avec chanteur. En effet, un tan­go à danser est indiqué : Nom de l’orchestre can­ta ou estri­bil­lo can­ta­do por Nom du chanteur. Un tan­go à écouter est indiqué Nom du chanteur y su orques­ta dirigi­do por ou con (avec) Nom de l’orchestre.

Nous n’entrerons pas dans les détails en ce qui con­cerne les styles des orchestres de l’âge d’or, cela fait l’objet d’un de mes cycles de cours/conférence (mini 3 h, voire 6 h). Il con­vient seule­ment de savoir recon­naître le tan­go de danse et de savoir appréci­er les dif­férences de style entre les orchestres.

Pour les DJ, il est impor­tant de tenir compte de l’évolution des styles du même orchestre. Il est sou­vent moins grave de mélanger deux orchestres enreg­istrés à la même époque que de mélanger deux enreg­istrements d’époques styl­is­tique­ment dif­férentes du même orchestre.

Tango Nuevo

C’est celui ini­tié par De Caro, repris ensuite par Troi­lo, Pugliese et Piaz­zol­la, par exem­ple. Il est encore très vivant, notam­ment chez les orchestres de con­cert.

À not­er que Pugliese et Troi­lo sont bien sûr des piliers du tan­go de bal et que leurs incur­sions nuevos, pas tou­jours pour la danse, ne doivent pas mas­quer leur impor­tance dans le bal tra­di­tion­nel.

N’oublions pas que Pugliese a aus­si bien enreg­istré du canyengue, que du tan­go clas­sique avant de faire du Nue­vo… Curieuse­ment, le tan­go dit nue­vo reprend sou­vent des motifs les plus anciens, notam­ment la habanera des tout pre­miers titres du XIXe siè­cle.

Tango Electronico

Style Gotan Project. Il se car­ac­térise prin­ci­pale­ment par une bat­terie et l’utilisation d’instruments élec­tron­iques. Curieuse­ment, il est par­fois assez proche, d’un point de vue ryth­mique, du tan­go musette qui est l’évolution européenne et notam­ment fran­co-ital­i­enne, du tan­go du début du XXe siè­cle.

Comme DJ, j’évite et en tout cas je n’en abuse pas, car cette musique est très répéti­tive et ne con­vient pas aux danseurs avancés. Cepen­dant, il faut recon­naître que cette musique a fait venir de nou­veaux adeptes au tan­go.

Tango alternatif (neotango)

Le tan­go alter­natif con­siste à danser avec des repères « tan­go » sur des musiques qui ne sont absol­u­ment pas conçues comme telles.

Par exem­ple, la Cole­giala de Ramirez est un tan­go alter­natif, puisqu’on le danse en “milon­ga” alors que c’est un fox-trot.

Cer­tains DJ européens pla­cent des zam­bas que les danseurs dansent en tan­go. Quel dom­mage quand on sait la beauté de la danse.

N’oublions pas la dynamique « néotan­go » qui con­siste à danser sur toute musique, chan­son, de tout style et de toute époque. Cela ouvre des hori­zons immenses, car la très grande majorité de la musique actuelle est à 4 temps et per­met donc de marcher sur les temps.

Ce qui manque sou­vent à cette musique, c’est le sup­port à l’improvisation. On peut lui recon­naître une forme de créa­tiv­ité dans la mesure où elle per­met / oblige de sor­tir des repères et donc d’in­nover. Mais est-t-il vrai­ment pos­si­ble d’in­nover en tan­go ? C’est un autre débat.

Pourquoi l’âge d’or est bien adapté à la danse

Si on étudie un tan­go de l’âge d’or, on y décou­vri­ra plusieurs qual­ités favorisant la danse :

  • La musique a plusieurs plans sonores. On peut choisir de danser sur un instru­ment (dont le chanteur), puis pass­er à un autre. On peut aus­si choisir de danser unique­ment la mar­ca­tion (tem­po). Les instru­ments se répon­dent. On peut ain­si se répar­tir les rôles avec les parte­naires en recon­sti­tu­ant le dia­logue en le dansant.
  • La musique se répète plusieurs fois, mais avec des vari­a­tions. Cela per­met de décou­vrir le tan­go au cas où il ne serait pas con­nu et la sec­onde fois, l’oreille est plus famil­ière et l’improvisation est plus con­fort­able. Cette reprise est en général dif­férente de la pre­mière expo­si­tion, mais reste tout à fait com­pa­ra­ble. Par exem­ple, la pre­mière fois le thème est joué au vio­lon ou au ban­donéon et la sec­onde fois, c’est le rôle du chanteur ou d’un autre instru­ment. Si c’est le même instru­ment, il y aura de légères dif­férences dans l’orchestration qui ren­dra l’écoute moins monot­o­ne.
  • Les change­ments de rythme, phras­es, par­ties, sont annon­cés. Un danseur musi­cien ou exer­cé sait recon­naître les par­ties et peut « devin­er » ce qui va suiv­re, ce qui lui per­met d’improviser plus facile­ment sans dérouter sa parte­naire. Je devrais plutôt met­tre cela au pluriel, car les deux mem­bres du cou­ple par­ticipent à l’improvisation. Si la per­son­ne guidée a envie d’appuyer, de mar­quer un élé­ment qui va arriv­er, elle a le temps d’alerter le guideur pour qu’il lui laisse un espace. Les musiques alter­na­tives ou des musiques d’inspiration pus clas­siques, comme cer­taines com­po­si­tions de Piaz­zol­la » pro­posent sou­vent des sur­pris­es qui font qu’elles ne per­me­t­tent pas de devin­er la suite, ou au con­traire, sont telle­ment répéti­tives, que quand revient le même thème de façon iden­tique et mécanique, les danseurs n’ont pas de nou­velles idées et finis­sent par tomber dans une rou­tine. Évidem­ment, les danseurs qui n’écoutent pas la musique et qui se con­tentent de dérouler des choré­gra­phies ne ver­ront pas de dif­férences entre les dif­férents types de tan­go. Ceci explique le suc­cès des pra­tiques neotan­go auprès des débu­tants, même si ces bals ont aus­si du suc­cès auprès de danseurs plus affir­més. En revanche, on ne fera jamais danser, même sous la men­ace, un Portègne sur ce type de musique, en tout cas, en tan­go…

Ne faut-il danser que sur des tangos de l’âge d’or ?

Non, bien sûr que non. Les canyengues et la vieille garde com­por­tent des titres sub­limes et très amu­sants ou intéres­sants à danser. Cer­tains danseurs sont prêts à danser plusieurs heures d’af­filée sur ces rythmes. Cepen­dant, un DJ qui passerait ce genre de musique de façon un peu soutenue à Buenos Aires se ferait écharp­er…

Quelques musiques mod­ernes don­nent des idées agréables à danser. Pour ma part, je pro­pose sou­vent une tan­da de valses « orig­i­nales ». Le rythme à trois temps de la valse reste le même que pour les tan­gos tra­di­tion­nels et le besoin d’improvisation est moins impor­tant, car il s’agit surtout de… tourn­er.

Même si les danseurs avancés aiment moins danser sur les d’Arienzo des années 50 ou postérieures, ils n’y rechig­nent pas tou­jours et l’énergie de ces musiques plaît à de très nom­breux danseurs. C’est donc un domaine à pro­pos­er aux danseurs. D’ailleurs, les orchestres qui font à la manière de du d’Arienzo sont par­ti­c­ulière­ment nom­breux. C’est bien le signe que c’est tou­jours dans l’air du temps.

Pour ter­min­er, je pré­cise que je suis DJ et que par con­séquent, mon tra­vail est de ren­dre les danseurs heureux. J’adapte donc la musique à leur sen­si­bil­ité.

Pour un DJ rési­dent, en revanche, il est impor­tant d’ouvrir les oreilles des habitués. Dans cer­tains endroits, le DJ met tou­jours le même type de musique, pas for­cé­ment de la meilleure qual­ité pour la danse. Le prob­lème est qu’il habitue les danseurs à ce type de musique et que quand ces derniers vont aller dans un autre endroit, ils vont être déroutés par la musique.

L’innovation, c’est bien, mais il me sem­ble qu’il faut tou­jours garder un fond de cul­ture « authen­tique » pour que le tan­go reste du tan­go.

Carlos Gardel, enfant de France

Car­los Gardel à Albi en 1934

Même si la polémique sem­ble éteinte, il reste quelques foy­ers de résis­tance refu­sant encore d’attribuer la nais­sance de Car­los Gardel à Toulouse.

Arti­cle pub­lié le 14 NOVEMBRE 2016 sur l’an­cien site
Depuis, un excel­lent site a vu le jour sur le sujet (Musée virtuel Gardel). Vous y trou­verez des com­plé­ments.

Dans cette mise à jour, j’y fais quelques liens et références. 

La dispute sur la nationalité de Gardel

Plusieurs doc­u­ments irréfuta­bles exis­tent pour prou­ver la nation­al­ité d’o­rig­ine de Car­los Gardel. Ils sont plus solides que les doc­u­ments Uruguayens qui sont des déc­la­ra­tions très large­ment postérieures à la nais­sance de Gardel et qui avaient prob­a­ble­ment des buts du genre, se faire oubli­er pen­dant la pre­mière guerre mon­di­ale où il aurait été con­sid­éré comme déser­teur, car né français et pour éviter (en 1920) cer­taines pour­suites en se ren­dant blanc comme… plâtre (escay­ola) en s’inventant une fil­i­a­tion comme  » Car­los Escay­ola » fils de Car­los Escay­ola et María Gardel, ce Car­los Escay­ola étant rap­proché d’un fils d’un sec­ond mariage d’un Colonel Car­los Escay­ola né en 1876 (soir 14 ans plus vieux que l’âge français de Gardel). À not­er que les deux « par­ents » sont morts à la date de l’établissement de ces doc­u­ments, ce qui sem­ble pra­tique et peut con­va­in­cre qu’ils n’avaient pas con­nais­sance de ce reje­ton encom­brant…

Con­sul­tez les docu­ments du Musée virtuel Gardel sur la posi­tion mil­i­taire de Garde.

« En 1920 la com­pañía de Rosas lo con­vocó para via­jar a España por una tem­po­ra­da teatral. Él esta­ba indoc­u­men­ta­do, porque el hecho de no con­cur­rir a la emba­ja­da para reg­is­trarse como ciu­dadano francés le impidió recibir la car­tilla mil­i­tar y el reg­istro en gen­darmería. Entonces, él decidió en 1920 inscribirse en el con­sula­do uruguayo amparán­dose en una leg­is­lación muy par­tic­u­lar para súb­di­tos uruguayos res­i­dentes en otros país­es. Se reg­istró como uruguayo naci­do en Tacuarem­bó tres años antes de su ver­dadero nacimien­to: se anotó como naci­do el 11 de diciem­bre pero de 1887. En vez de pon­er Gardes, se inscribió como Gardel, su nom­bre artís­ti­co.«  En 1920, la com­pag­nie de Rosas l’invite à voy­ager en Espagne pour une tournée théâ­trale. Il était sans papi­er car il n’était pas allé se faire enreg­istr­er à l’ambassade comme citoyen français et n’a donc pas reçu ses papiers (sinon, il aurait du par­tir faire la guerre en 1918 et aurait été arrêté comme déser­teur s’il l’avait fait par la suite). Ain­si, déci­da-t-il de s’inscrire au con­sulat uruguayen en ver­tu d’une lég­is­la­tion spé­ciale pour les sujets uruguayens rési­dant dans d’autres pays. Il a été inscrit comme étant né à Tacuarem­bó, trois ans avant sa date de nais­sance réelle, le 11 décem­bre de 1887. Au lieu de choisir Gardes, il pris son nom d’artiste, Gardel.

On attribue sou­vent à ce man­que­ment à ses oblig­a­tions mil­i­taires en France, la com­po­si­tion de silen­cio
« Dice la « leyen­da », que Car­los Gardel y Alfre­do Le Pera vis­i­taron en Fran­cia la tum­ba de 5 her­manos y su madre, que habrían muer­to durante la Gran Guer­ra de 1914–18. Y que quedaron tan impre­sion­a­dos por lo vis­to, que esa mis­ma noche com­pusieron la can­ción.«  La légende pré­tend que Car­los Gardel et Alfre­do La Pera vis­itèrent en France la tombe de cinq frères et leur mère, tués pen­dant la grande guerre 14–18 et qu’ils ont été telle­ment impres­sion­nés par cette vis­ite qu’ils écrivirent la chan­son la nuit même.

Vous trou­verez en bas de page, des liens vers divers doc­u­ments, comme des cartes postales écrites à sa famille française, cartes dif­fi­ciles à expli­quer s’il était effec­tive­ment uruguayen…

Revenons donc aux doc­u­ments orig­in­aux, étab­lis au noms de Charles Gardes :

Les preuves de la naissance à Toulouse d’un Charles Gardes

Acte de nais­sance de Charles Romuald Gardes à l’hôpital de la Grave à Toulouse

Acte de nais­sance de Charles Romuald Gardes à l’hôpital de la Grave à Toulouse Cet acte indique que le 11 décem­bre 1890, Charles Romuald est né à deux heures du matin à l’hôpital de la Grave.
Copie lit­térale de l’acte de nais­sance de Charles Romuald Gardes à l’hôpital de la Grave à Toulouse Cet acte indique que le 11 décem­bre 1890, Charles Romuald est né à deux heures du matin à l’hôpital de la Grave.
Reg­istre de l’hos­pice de la Grave avec le nom de la mère de Charles Gardes.

Acte de Bap­tême de Car­los Gardel

Acte de bap­tême de Car­los Gardel, le 11 décem­bre, lende­main de sa nais­sance.

Ces qua­tre doc­u­ments incon­testa­bles prou­vent qu’un enfant de sexe male est né à Toulouse et qu’il s’ap­pelait Charles Romuald Gardes. Reste à prou­ver que ce bam­bin est bien allé en Argen­tine.

Le document témoignant de son entrée en Argentine

Ce titre est émis par la Direc­tion Générale de l’immigration de la République Argen­tine sous le numéro 122 (sa mère est sous le numéro 121).

Récipis­sé d’inscription dans les reg­istres de l’immigration argen­tine en date du 11 mars 1893 établi au nom de Charles Gardes, âgé de 2 ans, en prove­nance de Bor­deaux sur le vapeur Don Pedro.

Récipis­sé d’inscription dans les reg­istres de l’immigration argen­tine en date du 11 mars 1893 établi au nom de Charles Gardes, âgé de 2 ans, en prove­nance de Bor­deaux sur le vapeur Don Pedro.

Dans ce doc­u­ment Gardel, s’appelle encore Gardes et son prénom est Charles.
Le 11 mars 1893, Gardel est men­tion­né dans ce doc­u­ment comme ayant 2 ans, ce qui cor­re­spond, à trois mois près à son âge exact.
La bateau est le Don Pedro, un vapeur qui devait par­tir du Havre le 8 févri­er 1893 (à des­ti­na­tion de La Pla­ta).
On trou­ve trace de ce voy­age, le 10 févri­er, départ effec­tif du Havre avec comme cap­i­taine Vin­cent Marie Crec­quer.
Le 14, ce bateau par­tait de Pauil­lac (où auraient embar­qué Berthe et Charles) à des­ti­na­tion de San­ta Cruz de Tener­ife où il arrive et repart le 20 févri­er pour se lancer dans la tra­ver­sée de l’Atlantique jusqu’en Uruguay.
Il arrive le 9 mars à Mon­te­v­ideo et en repart le 10 pour Buenos Aires où il arrive prob­a­ble­ment le 11 mars si on tient compte de la durée de la tra­ver­sée du Rio de la Pla­ta et des dates des cer­ti­fi­cats d’immigration de Berthe et Charles.
Il y a un petit doute sur la date d’arrivée, les doc­u­ments mar­itimes évo­quant le 12 mars pour le débar­que­ment. On peut très bien imag­in­er que les autorités d’immigration sont mon­tés à bord le 11, à l’arrivée, mais que le désem­bar­que­ment ne s’est effec­tué que le lende­main pour tenir compte des délais de quar­an­taine de 48 heures.
Le bateau est ensuite repar­ti pour le Havre, chargé de viande con­gelée…
Reste que cer­tains doc­u­ments man­quent, comme les reg­istres de l’immigration con­fiés au CEMLA et éva­porés pour les années 1882–1925… Pour cette rai­son, on ne peut pas retrou­ver l’écriture cor­re­spon­dant au cer­ti­fi­cat 122 de l’immigration. Cer­tains en prof­i­tent pour dimin­uer la force de l’origine française, s’appuyant aus­si sur l’absence du reg­istre de créa­tion des passe­ports français pour les années entourant le départ sup­posés des Gardes.

Courriers et interactions avec sa famille française

Carte postale envoyé à ses grands parents, en France

Carte postale de Car­los Gardel à ses grands-par­ents en France

Mes chers grands par­ents / Bonne et heureuse Année
Je vous envoie cette petite carte postale pour vous dire que tou­jours je pense à vous avec affec­tion, ain­si qu’ à ma bonne tante Char­lotte et à mon bon oncle Jean.
Ici, nous sommes trés con­tents que vous soyez en bonne san­té. Nous allons bien, et bien­tôt, Si Dieu le veut, je reviendrai pass­er quelques moments avec vous.
Sans autre chose à ajouter, votre petit fils qui vous aime et n’ou­blie pas.

Car­los

Cité par Chris­tiane Bricheteau dans son livre : Tra­duc­tion Monique Ruf­fié pour le Musée Virtuel Gardel.

La famille française de Carlos Gardel

Car­los ren­dra égale­ment vis­ite à sa famille en France, notam­ment à Toulouse et Albi. Là encore, ces doc­u­ments sont pré­cieux pour prou­ver ses orig­ines. Quel serait l’in­térêt d’un artiste célèbre comme Car­los Gardel de s’in­ven­ter une famille “bidon” en France.

Une des pho­tos pris­es à Albi en 1934 avec à la gauche de Gardel (à droite sur la pho­to), son oncle Jean Marie Gardes et sa tante Char­lotte Lau­rence, sec­onde femme de Jean et belle-sœur de Berthe.

Sur le Musée viru­tel Gardel, vous trou­verez de nom­breux autres élé­ments au sujet de sa famille albi­geoise et toulou­saine.

Arbre généalogique de Car­los Gardel réal­isé par Georges Galopa en 2013 d’après celui d’Henri Brune. Ici dans sa ver­sion actu­al­isée en 2020. Vous pou­vez le con­sul­ter sur le site du musée virtuel Gardel.

Arbre généalogique de Car­los Gardel réal­isé par Georges Galopa en 2013 d’après celui d’Henri Brune.

Pourquoi Gardel changea d’identités à plusieurs reprises…

Raúl Torre et Juan José Fenoglio  réal­isèrent une enquête judi­ci­aire, rel­e­vant notam­ment les empreintes de Car­los Gardel dans les doc­u­ments judi­ci­aires de l’époque, ce qui per­met de con­firmer que le Car­los Gardel chanteur du tan­go et le Car­los Gardez(s) né en France en 1890, sont bien le même.

Dif­férentes empreintes de Car­los Gardel per­me­t­tant de con­firmer que l’on par­le tou­jours du même.

Dans un arti­cle paru dans Pag­i­na 12 en 2012, on retrou­ve les prin­ci­pales raisons qui ont fait que Gardel, escroc, se devait de chang­er régulière­ment d’identité, y com­pris avec l’aide d’un prési­dent argentin (Marce­lo T. de Alvear)…

L’article paru dans Pag­i­na 12 se trou­ve ici : 
https://www.pagina12.com.ar/diario/elpais/1–207654-2012–11-12.html 
Copie de cet arti­cle au cas où ce lien se ver­rait à dis­paraître…
Un arti­cle de 2010 de la Dépêche évoque aus­si cette étude.
Copie de cet arti­cle au cas où le lien se ver­rait à dis­paraître.

Empreintes de Car­los Gardel âgé de 13 ans et 6 mois, lors de sa fugue.

Le père naturel de Carlos Gardel

Si on retient l’o­rig­ine française, le père le plus prob­a­ble est Paul Lasserre. Ce jeune homme, alors âgé de 24 ans est par­ti pour Paris deux mois avant la nais­sance de Car­los Gardel.

Paul Lasserre, la véri­ta­ble pho­to selon Todo Tan­go. En effet, la pho­to habituelle, serait celle de l’on­cle et pas du père.

À Paris, il a inté­gré la bande des Ternes et finale­ment a écopé de trois ans de prison. De retour à Toulouse, il fonde une famille et meurt jeune. Sa fille, âgée de 2 ans à sa mort, dit qu’il est par­ti en Argen­tine pour aider à élever le jeune Gardel. Cepen­dant, il n’é­tait pas sur le bateau et ses exploits parisiens sont con­tem­po­rains de cette aven­ture argen­tine.
Il me sem­ble donc plus prob­a­ble que devant deux faits gênants, la famille Lasserre a choisi le moins dérangeant. Par­tir trois ans en Argen­tine pour aider à élever son fils, même obtenu hors mariage (il était céli­bataire à l’époque), c’est moins déshon­o­rant que de pass­er trois ans en prison.

Documents et références

Les élé­ments précé­dents sont en principe suff­isants pour prou­ver que Car­los Gardel est le Charles Romuald Gardes né à Toulouse le 11 décem­bre 1890. Cepen­dant, ce serait sans compter sur l’ingéniosité des Uru­gayens qui n’a d’é­gale que leur gen­til­lesse.

La thèse urugayenne

En prenant les doc­u­ments qui ont servi à établir une fausse iden­tité à Car­los Gardel, comme nous l’avons évo­qué ci-dessus, ils avaient mon­té une orig­ine plau­si­ble.

Cepen­dant, il deve­nait beau­coup plus dif­fi­cile de remet­tre en doute les doc­u­ments comme le cer­ti­fi­cat de nais­sance, le voy­age en bateau et les vis­ites à la famille.

D’autres doc­u­ments que nous n’avons pas présen­tés sont d’autres témoignages de l’o­rig­ine française, comme les cer­ti­fi­cats du con­sulat de France, son tes­ta­ment et autre. Ces doc­u­ments sont remis en cause par cer­tains Uru­gayens. Admet­tons, comme eux, que le tes­ta­ment est un faux établi pour s’ac­ca­parer la for­tune de Gardel. Cela n’en­lève rien à la force des pre­meirs doc­u­ments. Voici donc en résumé la nou­velle thèse :

Il y a bien un Charles Gardes né en France, mais le Car­los Gardel, chanteur fameux est en fait une autre per­son­ne, le fameux Uru­gayen né à Valle Edén, Tacuarem­bó, aux alen­tours de 1882–1884, et qui serait le fils du Coro­nel Car­los Escay­ola y de María Lelia Oli­va, sa belle soeur… Deux per­son­nes qui rap­pel­lons-le étaient mortes au moment où Gardel avait fait établir cette iden­tité pour pou­voir voy­ager en Europe.

Je vous passe d’autres ver­sions selon laque­lle Berte Gardes serait en fait sa maîtresse et pas sa mère et qu’avec le fac­to­tum, de Gardel, Arman­do Defi­no, elle aurait mon­té une entour­loupe pour béné­fici­er de l’héritage.

En appui de la thèse française :

Documents divers

En guise de conclusion

Je laisse la con­clu­sion au Doc­teur Mar­ti, cet Uru­gayen pein de sagesse :

Hoy ya el mito está bien con­sol­i­da­do en sus lin­eamien­tos y no cam­bia por el detalle de que Gardel haya naci­do en Toulouse y no haya sido el padre de Leguisamo ni el abue­lo de Julio Sosa. Este hijo nat­ur­al de una lavan­dera y de un padre descono­ci­do no fue uruguayo ni argenti­no, pero pertenece de un modo más pro­fun­do y rai­gal que el acci­dente de un par­to a las dos oril­las del Pla­ta, donde todo el mun­do ‑sin dis­tin­ción de clases sociales- lo escucha con una asiduidad y una devo­ción que ningún pueblo puede haber tenido nun­ca en may­or gra­do por ningún can­tante que haya naci­do en su sue­lo. Lo escucha y com­prue­ba que, ému­lo líri­co del Cid, cada día can­ta mejor.

Dr. Car­los Martínez Moreno

Tra­duc­tion :
Aujour­d’hui, le mythe est bien con­solidé dans ses con­tours et ne change pas car Gardel est né à Toulouse et n’é­tait pas le père de Leguisamo ni le grand-père de Julio Sosa.
Ce fils naturel d’une lavandière et d’un père incon­nu n’é­tait ni uruguayen ni argentin, mais il appar­tient d’une manière plus pro­fonde et plus fon­da­men­tale que l’ac­ci­dent de l’ac­couche­ment sur les deux rives de la Pla­ta, où tout le monde — sans dis­tinc­tion de classe sociale — l’é­coute avec une assiduité et un dévoue­ment qu’au­cun peu­ple n’a jamais pu avoir à un plus haut degré pour un chanteur né sur son sol.
Il l’é­coute et con­state qu’en émule lyrique du Cid, il chante chaque jour un peu mieux.

Dr. Car­los Martínez Moreno

Les progrès de l’enregistrement de la musique de tango

Julio de Caro jouant de son vio­lon à pavil­lon avec son orchestre.

Texte pub­lié sur l’an­cien site le 

Sur la qualité des enregistrements anciens…

Dans les milon­gas, on ne dif­fuse que des enreg­istrements postérieurs à 1926. Savez-vous pourquoi ?

  1. La vie­ja guardia n’est pas tou­jours intéres­sante à danser.
  2. Les orchestres ne jouaient pas vrai­ment du tan­go avant 1926.
  3. La qual­ité des enreg­istrements antérieurs n’est pas assez bonne.

La pre­mière rai­son n’est pas exacte. Si à Buenos Aires la Vie­ja guardia est très peu dif­fusée, c’est loin d’être le cas en Europe. Dis­ons que ces enreg­istrements sont sou­vent un peu pau­vres et moyens à danser, mais ils sont dif­fus­ables quand ils ont été enreg­istrés après 1926…

La sec­onde n’est pas exacte non plus. La com­bi­nai­son entre les dif­férents rythmes orig­in­aux, can­dombe, chan­sons de payador, habanera, canyengue et autres avait déjà don­né nais­sance à de véri­ta­bles tan­go (2X4 notam­ment). Cer­tains morceaux assez lents ont été ensuite accélérés et sont devenus des milon­gas, d’autres ont gardé le car­ac­tère du tan­go. Donc, ce n’est pas la sec­onde rai­son.

L’enregistrement acoustique

Et oui, c’est la troisième solu­tion la bonne. Les pre­miers enreg­istrements étaient effec­tué en émet­tant du son dans un pavil­lon col­lecteur, afin de con­cen­tr­er les vibra­tions sonores vers une aigu­ille qui gra­vait un sil­lon dans un matéri­au duc­tile (comme la cire).
Voir l’ar­ti­cle sur le pre­mier enreg­istrement sonore pour des infor­ma­tions plus détail­lées…

Phono­graphe Edi­son 1877. Il enreg­is­trait sur un cylin­dre d’étain. Il ser­vait aus­si à la repro­duc­tion.
Phono­graphe à cylin­dre Pathé Le Coquet, 1903 (Col­lec­tion Charles Cros)
Enreg­istrement d’un chef amérin­di­en Pied Noir par Frances Dens­more en 1916
Orchestre enreg­is­trant en acous­tique. Remar­quez le grand pavil­lon pointant vers l’enregistreur et com­ment les musi­ciens sont « empilés » pour être en face du pavil­lon. Le vio­loniste au pre­mier plan à un vio­lon à pavil­lon qui per­met de don­ner un son plus fort et plus direc­tion­nel.
Julio de Caro jouant de son vio­lon à pavil­lon avec son orchestre.
Orchestre enreg­is­trant en acous­tique. Dans la cab­ine, l’enregistreur sur disque de cire.
Dans cet extrait on peut voir une recon­sti­tu­tion des con­di­tion d’en­reg­istrement d’a­vant 1926.
« El últi­mo payador » de Home­ro Manzi et Ralph Pap­pi­er 1950 (scé­nario d’Homero Manzi). Hugo del Car­ril joue le rôle du payador José Bet­tinot­ti, enreg­is­trant « Pobre mi madre queri­da » un des suc­cès de Bet­tinot­ti.

Dans le film d’Home­ro Manzi, le son est bien sûr celui de 1950, pas celui de 1912 que l’on peut enten­dre ici :

José Bet­tinot­ti. Pobre mi madre quar­i­da, Cir­ca 1912

En 1925, l’enregistrement élec­trique va rapi­de­ment met­tre au rebut ce type d’équipement… En Argen­tine, il fau­dra atten­dre 1926 pour trou­ver les pre­miers enreg­istrements élec­triques, les édi­teurs cher­chant à écouler leur vieux stock…

L’enregistrement électrique

En 1906, l’invention du micro­phone a un peu amélioré le dis­posi­tif, mais ce n’est qu’en 1925 que l’enregistrement élec­trique a vu le jour de façon indus­trielle.

Le micro­phone est asso­cié à un amplifi­ca­teur qui per­met de graver avec une grande pré­ci­sion les mas­ters (dis­ques qui servi­ront après moulage au pres­sage des dis­ques dif­fusés).

Orchestre Vic­tor jouant devant un micro­phone à char­bon
En coulisse, l’ingénieur du son sur­veille la gravure du mas­ter…

Les microphones, l’âme de l’enregistrement électrique

Micro­phone à char­bon Vox­ia de 1925. Il est util­isé pour les pre­miers enreg­istrements élec­triques (1926 pour le tan­go) et jusqu’à la fin des années 20.
Micro­phone à con­den­sa­teur West­ern Elec­tric 47A, util­isé de 1928 à 1935 env­i­ron.
Micro­phone à ruban RCA 44 A (Brevet RCA de 1931). Il est util­isé de 1935 à 1949 env­i­ron. C’est le micro­phone de l’âge d’or du tan­go.
U47 de Georg Neu­mann GmbH. De 1947 à nos jour, ce micro­phone élec­tro­sta­tique (“the Tel­ly” était le fétiche de Frank Sina­tra).

Écoutons la différence entre acoustique et électrique

L’orchestre de Fran­cis­co Canaro a enreg­istré à deux repris­es le tan­go Cari­cias. Une fois en 1924, avec un sys­tème d’enregistrement acous­tique et une fois en 1927, avec un sys­tème élec­tron­ique.

Il est très intéres­sant de voir com­ment la qual­ité a été améliorée en l’espace de quelques mois…

Écoutez la dif­férence de qual­ité entre l’en­reg­istrement acous­tique et l’en­reg­istrement élec­trique.

Voilà donc pourquoi on n’écoute généralement pas de tangos enregistrés avant 1926 dans les milongas

Pour vous en con­va­in­cre, écoutez ces deux extraits du même thème avec des inter­pré­ta­tions très dif­férentes et une qual­ité tech­nique fort dis­sem­blable.

Début de : El criol­lo fal­si­fi­ca­do (el Porteñi­to) 1906 — Alfre­do Gob­bi y Flo­ra — Vous voyez-vous danser là-dessus ?
Début de : El Porteñi­to 1928-09-26. Típi­ca Vic­tor (direc­tion Cara­bel­li). Ce titre est tout à fait pass­able en milon­ga. La qual­ité d’exé­cu­tion et tech­nique est très sat­is­faisante. Évidem­ment, ce style canyengue n’est pas le plus raf­finé, mais de temps à autre, dans une milon­ga, c’est sym­pa.
Fin de : El Porteñi­to 1943-03-23. Angel d’Agosti­no y Angel Var­gas. On notera comme le rythme s’est égale­ment accéléré, pas­sant du canyengue à la milon­ga. La qual­ité sonore est excel­lente, même si celle de la Típi­ca Vic­tor de 1928 n’a pas à rou­gir.

Le plus ancien enregistrement connu

Phono­graphe Edi­son 1877. Il enreg­is­trait sur un cylin­dre d’étain. Il ser­vait aus­si à la repro­duc­tion.

Je pense que vous êtes nom­breux à penser que les pre­miers enreg­istrements sonores datent env­i­ron de 1877, avec l’invention d’Edison et Marie qui a un petit agneau.

En effet, si le Phono­graphe d’Edison est prob­a­ble­ment le plus ancien à avoir dif­fusé un son enreg­istré, deux inven­tions français­es antérieures l’ont précédé.

La pre­mière et la plus anci­enne est celle d’Édouard-Léon Scott de Mar­t­inville qui per­me­t­tait de voir le son grâce à son Pho­nau­to­graphe.

La demande de brevet a été déposée le 25 mars 1857 sous la référence 1 BB 31470.

Le Phonautographe d’Édouard-Léon Scott de Martinville

Pho­nau­to­graphe d’É­douard-Léon Scott de Mar­t­inville fab­riqué par Rudolph Kœnig.

Édouard-Léon Scott de Mar­t­inville (1817–1879) a réal­isé les pre­mières cap­tures de son dès 1853, soit 24 ans plus tôt qu’Edison. Mais alors, pourquoi ne lui donne-t-on pas la palme du pre­mier enreg­istreur ?

Pour le com­pren­dre, il faut étudi­er le fonc­tion­nement de l’engin.

Dessin du pho­nau­to­graphe, joint au dossier de brevet de Scott de Mar­t­inville (ver­sion de 1859). Insti­tut Nation­al de la Pro­priété Indus­trielle (INPI).

Un pavil­lon canalise les sons entrants. Ce sys­tème était courant, car le cor­net acous­tique util­isé par les per­son­nes ayant une baisse de l’audition util­i­sait déjà ce principe depuis plusieurs siè­cles.

Anto­nias Nuck (1650—1692) Cor­net en forme de cor de chas­se équipé d’une poignée

Cepen­dant, con­traire­ment aux procédés ultérieurs d’Edison, le sys­tème de Scott de Mar­t­inville enreg­istre la dévi­a­tion d’un fais­ceau lumineux sur une feuille de papi­er sen­si­ble à la lumière.

Pho­nau­to­gramme réal­isé par Scott de Mar­t­inville en 1859

Le catalogue de Rudolph Kœnig

Rudolph Kœnig, fab­ri­cant de matériel de lab­o­ra­toire, obtient un accord d’exclusivité pour la fab­ri­ca­tion des Pho­nau­to­graphes à par­tir de 1859. Voici com­ment il décrit ce matériel dans son cat­a­logue. Tout d’abord, dans la pré­face :
« Dans le présent cat­a­logue, j’ai ajouté aux instru­ments d’acoustique réu­nis dans la dernière édi­tion du Cat­a­logue de M. Mar­loye, de 1851, et aujourd’hui partout adop­tés dans les cab­i­nets de physique, un nom­bre assez con­sid­érable d’appareils nou­veaux.
Une par­tie de ces appareils sont devenus, dans l’état actuel de la sci­ence, presque indis­pens­ables pour l’étude de l’acoustique ; les autres offrent encore assez d’intérêt pour fig­ur­er dans les cours et les col­lec­tions, d’instruments de physique. Je crois devoir attir­er par­ti­c­ulière­ment l’attention des savants sur l’appareil de pho­nau­to­gra­phie (fix­a­tion graphique du son) reposant sur les brevets de M. L. Scott, et dont je suis le seul con­struc­teur, parce que cet instru­ment ne per­met pas seule­ment de répéter une longue série d’expériences très-intéres­santes, mais qu’il donne aus­si le moyen de faire un grand nom­bre de recherch­es sci­en­tifiques qui jusqu’à présent étaient restées absol­u­ment inabor­d­ables. »

Puis vient la descrip­tion de l’équipement :

48. Pho­nau­to­graphe de M. t. Scott. 500 »

49. Le même, avec cylin­dre et porte-mem­brane en bois. 400 »
Par les trois moyens sur lesquels s’appuient les brevets de M. L. Scott, c’est-à-dire : 1° l’emploi d’un style sou­ple et tout à fait léger ; 2° l’application de ce style sur une mem­brane placée à l’extrémité d’un con­duit ou récep­teur du son, et 3° la fix­a­tion des fig­ures obtenues sur un papi­er ou tis­su revê­tu d’une couche d’un noir de lampe spé­cial, il devient pos­si­ble d’obtenir avec cet appareil non seule­ment le tracé de tous les mou­ve­ments vibra­toires des corps solides d’une manière beau­coup plus facile et com­plète, et sur une éten­due beau­coup plus grande qu’avec les deux instru­ments des Nos 46 et 47, mais on peut aus­si imprimer directe­ment tous les mou­ve­ments qui s’accomplissent dans l’air ou dans d’autres flu­ides, et c’est par là surtout que l’appareil ouvre un champ nou­veau et vaste à des recherch­es de ce genre.
Dans le prospec­tus ci-joint de M. Scott, on trou­ve encore des détails sur cet instru­ment et l’énumération d’une série d’expériences qui nous ont déjà réus­si au point de pou­voir être répétées sans dif­fi­culté par tout le monde, car le maniement de l’appareil est ren­du exces­sive­ment facile par la manière dont il est dis­posé.

50. Col­lec­tion d’épreuves de tout genre obtenues par l’appareil précé­dent.

Extrait du cat­a­logue de Rudolph Kœnig 1859 — Page de cou­ver­ture et fas­ci­cule sur le Pho­nau­to­graphe.
Pho­nau­to­gramme des vibra­tions sonores émis­es par des tuyaux d’orgue (Rudolph Kœnig, 1862).

Ce principe de l’enregistrement optique est viable, car il a été util­isé pen­dant des décen­nies pour le ciné­ma, notam­ment pour les grands clas­siques hol­ly­woo­d­i­ens qui util­i­saient le son optique (procédé Movi­etone).

Ce qui man­quait à l’époque de Scott de Mar­t­inville, c’était le sys­tème de lec­ture de ce que l’on avait enreg­istré.

L’invention de Charles Cros

Il man­quait donc la par­tie de repro­duc­tion du son enreg­istré avec le Pho­nau­to­graphe. Charles Hort­en­sius Émile Cros a eu l’idée vers 1876 de graver par gravure chim­ique des tracés réal­isés avec un Pho­nau­to­graphe. Les gravures obtenues devaient per­me­t­tre d’être repro­duite en faisant se déplac­er une aigu­ille reliée à une mem­brane con­nec­tée à un pavil­lon.

Allant plus loin dans sa logique, il con­sid­ère l’idée de graver directe­ment, sans pass­er par l’étape optique. Il dépose alors le 18 octo­bre 1876, un doc­u­ment décrivant « un procédé d’enregistrement et de repro­duc­tion des phénomènes perçus par l’ouïe ». Ce doc­u­ment est finale­ment enreg­istré par l’Académie des sci­ences le 30 avril 1877 et ouvert le 8 décem­bre, à la demande de Charles Cros, soit deux jours après l’enregistrement d’Edison (Mary has a lit­tle lamb) et plus d’une semaine avant la demande de brevet d’Edison.

Son appareil qu’il a nom­mé Paléo­phone est con­sti­tué d’une mem­brane vibrante dotée en son cen­tre d’une pointe qui repose sur un « disque ani­mé d’un dou­ble mou­ve­ment de rota­tion et de pro­gres­sion rec­tiligne » (c’est le principe des platines à bras tan­gen­tiel pour dis­ques vinyles).

Paléo­phone de Charles Cros. Il n’est pas sûr que ce matériel ait été fab­riqué, même si l’ab­bé Lenoir a essayé sans suc­cès de le réalis­er.

Dans le dis­posi­tif décrit par Charles Cros, le son de la voix fait vibr­er la mem­brane qui elle-même ani­me l’aiguille qui trace un sil­lon sur le disque. Lorsque l’aiguille par­court le sil­lon pro­duit, elle trans­met une vibra­tion à la mem­brane qui repro­duit le son du départ.

Le petit doute sur la via­bil­ité de la solu­tion par rap­port à celle d’Edi­son, c’est l’u­til­i­sa­tion de la feuille d’é­tain ou cuiv­re mince qui n’est pas claire­ment men­tion­née dans le brevet, mais dans des écrits antérieurs, non-déposés.

Con­traire­ment au Pho­nau­to­graphe, le procédé est réversible. Il enreg­istre et restitue les sons.

Edison est-il inventeur ou copieur ?

Si on en croit les « on-dit », l’idée qu’Edison se serait appro­prié l’idée de Scott de Mar­t­inville et celle de Cros ne serait pas si éton­nante, si on se sou­vient qu’on l’accuse d’avoir égale­ment volé les idées :

  • de la lampe à incan­des­cence à Humphry Davy
  • de la chaise élec­trique à Harold P. Brown
  • de la caméra à William Dick­son
  • du négatif sur papi­er ciré à Gus­tave Le Gray
  • de l’utilisation des rayons X (flu­o­ro­scope) à Wil­helm Rönt­gen

Je ne me lancerai pas dans le débat, c’est un peu comme Gardel qui, bien que né en France, est revendiqué par les Uruguayens. L’enregistrement sonore est né en France et Edi­son qui était par­faite­ment doc­u­men­té a eu plusieurs mois pour avoir con­nais­sance du procédé imag­iné par Charles Cros, d’autant plus que ce dernier a été pub­lié par l’abbé Lenoir dans la Semaine du Clergé et que donc Edi­son avait tous les élé­ments sous la main. Le Pho­nau­to­graphe de Scott de Mar­t­inville et la descrip­tion du dis­posi­tif de Charles Cros.

Adden­dum 2016 : Un arti­cle de la porte ouverte reprend avec des détails cette his­toire. Les curieux pour­ront s’y reporter

Récem­ment, First­Sound a essayé de don­ner la parole aux enreg­istrements de Scott Mar­t­inville. L’idée a été de trans­former les tracés en sons.

Je n’entrerai pas dans le détail des deux méth­odes employées, mais vous pour­rez avoir des pré­ci­sions dans le site de First­Sound.

Sur ce site, vous pour­rez égale­ment enten­dre divers enreg­istrements resti­tués, comme « Au clair de la Lune » (dans deux ver­sions de 1860).

Par­mi les enreg­istrements resti­tués, j’attire votre atten­tion sur « Dia­pa­son at 435 Hz – at sequen­tial stages of restora­tion (1859 Pho­nau­to­gram) [#33] ». On peut y écouter suc­ces­sive­ment dif­férents états de restau­ra­tion du sig­nal, le dernier étant digne d’un enreg­istrement mod­erne. Cepen­dant, il y a plusieurs biais dans leur resti­tu­tion.

La pre­mière est que ce serait l’enregistrement d’un dia­pa­son à 435 Hz. Pour ma part, je pense qu’il s’agit plutôt du dia­pa­son à 512 Hz dans la mesure où dans son cat­a­logue, Rudolph Kœnig vend sur la même page que le Pho­nau­to­graphe, un dia­pa­son à 512 Hz (Ut). Ce serait assez curieux qu’il utilise un autre matériel que celui qu’il vend pour son enreg­istrement…

C’est d’autant plus embê­tant que cela dis­crédite un peu les resti­tu­tions. Ils sont par­tis de ce qu’ils voulaient obtenir pour faire « par­ler » l’enregistrement. On se fiera donc plutôt au début du fichi­er sonore en imag­i­nant que Rudolph Kœnig a enreg­istré un son plus aigu que celui qu’ils restituent.

Pour les autres enreg­istrements, comme « Au clair de la Lune », il faut espér­er que la part d’interprétation n’est pas exagérée.

Quoi qu’il en soit, avec un siè­cle et demi de retard, les enreg­istrements de Scott de Mar­t­inville par­lent et même chantent.

Mer­ci à First­Sound pour cet exploit et Mon­sieur Edi­son, arrêtez de piquer les idées des autres.

Dans un autre arti­cle, nous évo­quons l’histoire des enreg­istrements de tan­go, domaine qui nous intéresse par­ti­c­ulière­ment. Vous le trou­verez au bout de ce lien.

Quelques trésors du National Recording Preservation Board de la Library of Congress

https://www.loc.gov/programs/national-recording-preservation-board/recording-registry/complete-national-recording-registry-listing/

Nom du « tré­sor »AuteurDate d’enregistrement
Pho­nau­to­gramsEdouard-Leon Stott de Mar­t­inville1853–1861 (cir­ca)
The 1888 Lon­don cylin­der record­ings of Colonel George GouraudGeorge Gouraud1888
Edi­son Talk­ing Doll cylin­der (Novem­ber 1888)n/a1888
The Lord’s PrayerEmile Berlin­er 
Twin­kle Twin­kle Lit­tle StarEmile Berlin­er 
Around the World on the Phono­graphThomas Edi­son1888–1889
Fifth Reg­i­ment MarchThomas Edi­son1888–1889
Pat­ti­son WaltzThomas Edi­son1888–1889

De l’humour dans le tango “Le tango, une pensée triste qui se danse.”

Pour cer­tains, le tan­go est une musique com­passée, triste, à la lim­ite dépres­sive.

Cette impres­sion est bien sou­vent causée par une mécon­nais­sance de cette cul­ture, ou pour le moins par la prise en compte d’une par­tie trop restreinte du réper­toire.

En regar­dant rapi­de­ment dans ma col­lec­tion, j’identifie env­i­ron 200 titres claire­ment à class­er comme faisant preuve d’humour, voire à la lim­ite de la farce.

Bien sûr, l’humour n’est pas uni­versel et ce qui fai­sait rire les Argentins dans les années 40 n’est sans doute pas ce qui fait rire un européen d’aujourd’hui.

Tout d’abord, quand on est DJ, un des buts est que les gens s’amusent. Je sais que mon tra­vail est réus­si quand les gens souri­ent, voire rigo­lent.

Beau­coup de milon­gas son hila­rantes à danser, mais aus­si cer­taines valses et des tan­gos ne man­quent pas d’humour. Même ce cher Pugliese a fait des enreg­istrements amu­sants.

Le DJ joue avec les sen­ti­ments pour altern­er des tan­das gaies et d’autres plus roman­tiques voire tristes, mais avec mod­éra­tion, les danseurs sont là pour s’amuser, pas pour ce couper les veines.

C’est d’ailleurs une grande dif­férence entre les milon­gas d’Europe et celles de Buenos Aires. Dans les pre­mières, on se prend au sérieux, dans les sec­on­des, on vient pass­er un bon moment. C’est peut-être ce genre d’attitudes qui inci­tent cer­tains DJs européens à adopter des réper­toires peu eupho­risants.

Avec plus de 20 ans d’expérience dans le domaine, je peux témoign­er que même dans les plus sérieux encuen­tros, l’humour a sa place et que finale­ment, les danseurs appré­cient les musiques diver­tis­santes, même si leur pro­por­tion est sans doute moin­dre dans ce type d’événement.

La vie est trop courte pour la gâch­er en étant triste, la milon­ga est une fête et oubli­er que le tan­go est avant tout un diver­tisse­ment pop­u­laire est à mon sens une erreur.

Je pense que je vais faire un arti­cle sur le sujet pour mon blog, car cela me désole de voir des danseurs s’ennuyer avec des DJs dépres­sifs. Ces derniers croient bien faire, mais ain­si, ils desser­vent l’âme du tan­go et c’est dom­mage.

Entre la vul­gar­ité d’un Rodriguez, la joie nos­tal­gique d’un Fir­po, l’énergie eupho­risante de D’Arienzo ou l’éclectisme de Canaro il y a de quoi faire.

Rions le tan­go !

For some, tan­go is a piece of com­passed, sad music, bor­der­ing on depres­sion.

This impres­sion is often caused by a lack of knowl­edge of this cul­ture, or at least by con­sid­er­ing too small a part of the reper­toire.

By quick­ly look­ing through my col­lec­tion, I iden­ti­fy about 200 titles clear­ly to clas­si­fy as humor­ous, even bor­der­ing on farce.

Of course, humour is not uni­ver­sal and what made Argen­tines laugh in the ’40s is prob­a­bly not what makes a Euro­pean laugh today.

First, when you’re a DJ, one of the goals is for peo­ple to have fun. I know that my work is suc­cess­ful when peo­ple smile or even laugh.

Many milon­gas are hilar­i­ous to dance, but some waltzes and tan­gos do not lack humour. Even this dear Pugliese made some fun­ny record­ings.

The DJ plays with feel­ings to alter­nate cheer­ful tan­das and oth­er more roman­tic or even sad ones, but in mod­er­a­tion, the dancers are there to have fun, not to cut the veins.

This is also a big dif­fer­ence between the milon­gas of Europe and those of Buenos Aires. In the first, we take our­selves seri­ous­ly, in the sec­ond, we come to have a good time. It is per­haps this kind of atti­tude that encour­ages some Euro­pean DJs to adopt reper­toires that are not very euphor­ic.

With more than 20 years of expe­ri­ence in the field, I can tes­ti­fy that even in the most seri­ous encuen­tros, humour has its place and that final­ly, dancers appre­ci­ate enter­tain­ing music, even if their pro­por­tion is prob­a­bly low­er in this type of event.

Life is too short to ruin it by being sad, the milon­ga is a par­ty, and for­get­ting that tan­go is above all a pop­u­lar enter­tain­ment is, in my opin­ion, a mis­take.

I think I’m going to do an arti­cle on the sub­ject for my blog because it sad­dens me to see dancers bored with depressed DJs. The lat­ter think they are doing well, but in this way, they serve the tango’s soul, which is a shame.

Between the vul­gar­i­ty of a Rodriguez, the nos­tal­gic joy of a Fir­po, the eupho­ri­ant ener­gy of D’Arienzo, or the eclec­ti­cism of Canaro there is plen­ty to do.

Let’s laugh at the tan­go!

Le tan­go, une pen­sée joyeuse qui se danse (DJ BYC Bernar­do)

Quelles sont les qualités d’un bon DJ de tango ?

Réponse à une question de Sonia Devi :

Buenos Aires (Gri­cel) — DJ BYC Bernar­do

« Il faut du tra­vail, mais aus­si de la sen­si­bil­ité, sans doute la capac­ité à sor­tir des sen­tiers bat­tus tout en guidant son pub­lic, une capac­ité de con­nex­ion avec le groupe, du sens psy­chologique, de la générositéquelles sont pour toi les qual­ités d’un bon DJ ? ».

Lien vers la dis­cus­sion sur Face­book…

Sonia, je vais répon­dre sur cha­cun des points avec le code couleur que j’ai util­isé pour met­tre en valeur ta ques­tion :

Il faut du travail

Moins qu’avant, car la musique est large­ment disponible, bien mieux classée et de meilleure qual­ité qu’il y a vingt ans ou trente ans.

L’ordinateur per­met de gag­n­er beau­coup de temps pour le classe­ment, la facil­ité d’écoute et la recherche des musiques.

Les choses ont telle­ment été sim­pli­fiées sur ces plans que toute per­son­ne ayant mis la main sur une playlist de tan­go et ayant un ordi­na­teur se déclare DJ.

Si c’était si sim­ple, cela ferait longtemps que l’on aurait créé la « playlist idéale » et qu’on la passerait dans toutes les milon­gas du monde.

Les humains étant ver­sa­tiles, dif­férents, les con­di­tions de bal, les cul­tures, les habi­tudes et autres dif­férant d’un lieu à l’autre et d’un jour à l’autre, cette fameuse playlist idéale sera obsolète dès sa deux­ième ten­ta­tive d’utilisation.

Tout au plus, dans des milon­gas régulières, on peut se per­me­t­tre de pass­er le même type de playlist chaque semaine.

Si on inter­vient sur un événe­ment dif­férent de sa zone habituelle, les ennuis vont être bien plus impor­tants pour ces pseu­do-DJ, car ils vont se con­fron­ter à d’autres goûts et atti­tudes.

Ils devront donc être capa­bles de repér­er le plus rapi­de­ment pos­si­ble ce qui va ren­con­tr­er le pub­lic.

La sensibilité, une capacité de connexion avec le groupe, du sens psychologique, de la générosité

Pour déter­min­er les goûts des danseurs, il faut savoir observ­er, faire preuve d’empathie. Un DJ qui ferait cela pour sa « pomme » sera dif­fi­cile­ment un excel­lent DJ, car il fera préféren­tielle­ment pass­er ses goûts avant ceux de son pub­lic, en admet­tant même qu’il s’en soucie…

La sen­si­bil­ité, c’est aus­si avoir une cul­ture musi­cale per­me­t­tant de se repér­er dans les épo­ques, les styles afin de pou­voir vari­er les musiques et éviter les « tun­nels » (suc­ces­sion de tan­das sem­blables qui génèrent l’ennui).

La con­nex­ion avec le groupe, cela dépend de la per­son­nal­ité du DJ. Cer­tains sont en retrait, ne cherchent pas l’interaction avec les danseurs, mais sont très atten­tifs à eux. C’est le cas d’un des meilleurs DJ de Buenos Aires, Daniel Borel­li.

Un autre, très dif­férent, est Marce­lo Rojas (égale­ment de Buenos Aires, mais qui tourne dans le monde entier) qui va par­ler à son pub­lic et se tenir majori­taire­ment debout.

Ceux qui me con­nais­sent savent que j’abuse par­fois de cette recherche de com­plic­ité avec les danseurs. Ceux qui préfèrent les DJ inertes ne me font pas venir ou me deman­dent d’être dis­cret, ce que je peux faire, bien qu’avec dif­fi­culté 😉 Jeu­di prochain, je serai DJ dans une milon­ga très tra­di­tion­nelle de Buenos Aires et je serai dis­cret, si, si…

Les goûts des danseurs sont dif­férents et avoir un éven­tail de per­son­nal­ités de DJ est intéres­sant.

En ce qui con­cerne le sens psy­chologique, je par­lerai plutôt de sens de l’observation. Remar­quer la hau­teur des talons, les âges, les pro­por­tions de danseurs et danseuses, leurs capac­ités d’écoute de la musique, com­ment les gens sont entre eux, s’ils se con­nais­sent, s’ils sont plutôt joyeux ou intro­ver­tis (le but peut être de les faire chang­er d’attitude s’ils sont un peu trop com­passés ; —)

La capacité à sortir des sentiers battus tout en guidant son public

Une fois qu’on a mis en place les élé­ments précé­dents, c’est-à-dire que l’on a :

  • Une bonne diver­sité de musique en stock et bien sûr, tous les « incon­tourn­ables »
  • Une excel­lente con­nais­sance de sa base de musique
  • Une bonne déter­mi­na­tion des goûts et attentes des danseurs
  • Une con­nex­ion intéres­sante avec le groupe

On peut alors essay­er de sor­tir des sen­tiers bat­tus. Cepen­dant, il me sem­ble qu’il faut dévelop­per ce point avant d’aller plus loin.

Le tan­go est une danse assez par­ti­c­ulière, basée sur l’improvisation. Les cou­ples évolu­ent sur la musique, sans aucune choré­gra­phie préal­able et dans une con­struc­tion mutuelle de la danse. Ils doivent égale­ment tenir compte des con­traintes du lieu, des déplace­ments des autres cou­ples et d’autres critères pou­vant aller d’un trou dans le planch­er à une per­son­ne assise avec les pieds qui traî­nent sur la piste en pas­sant par le serveur qui passe avec un plateau chargé de ver­rerie.

Toutes ces « con­traintes » sont en fait des enrichisse­ments qui per­me­t­tent d’innover, d’improviser sans avoir l’impression de faire tou­jours la même chose. Mais les plus grandes aides à l’improvisation sont bien sûr la musique et le (la) parte­naire.

Le parte­naire n’est pas du ressort du DJ, sauf s’il pro­pose des tan­das ros­es, améri­caines, des femmes, des bon­bons ou d’autres sug­ges­tions et encour­age­ments à ne pas être trop strict sur les règles d’invitation et accep­ta­tion de l’invitation. Ce levi­er est aus­si aux mains de l’organisateur.

Tout cela pour en venir à la sor­tie des sen­tiers bat­tus. Le DJ peut apporter une note de fan­taisie, mais il me sem­ble qu’il a égale­ment la respon­s­abil­ité de con­duire les danseurs vers « le tan­go » et pas vers une danse « créa­tive », mais qui aurait per­du les car­ac­tères de la danse orig­i­nale.

Je n’ai rien con­tre les milon­gas alter­na­tives, j’en ai même musi­cal­isé, cepen­dant, je suis cer­tain qu’il est qua­si­ment impos­si­ble de danser le tan­go sur ces musiques. On peut faire des « fig­ures » de tan­go, adopter un abra­zo milonguero ou salón, mais il man­quera l’impulsion, la var­iété com­préhen­si­ble qui rend la musique prop­ice à l’improvisation pour que les danseurs se sen­tent en sécu­rité avec la musique.

Si la musique est hyper con­nue, les danseurs pour­ront impro­vis­er. Si la musique n’est pas con­nue, il fau­dra que les danseurs soient capa­bles de devin­er la suite, de la pressen­tir. C’est la lim­ite que devra s’imposer le DJ pour ne pas désta­bilis­er les danseurs et leur ouvrir de nou­veaux hori­zons.

La plu­part des musiques actuelles sont à qua­tre temps. On peut donc avoir l’impression qu’elles sont adap­tées au tan­go. Ce n’est mal­heureuse­ment pas sou­vent (jamais) le cas. C’est sans doute pour cela que les danseurs de Buenos Aires sont si « tra­di­tion­nels ». Ils ne trou­vent pas dans des musiques trop éloignées de leur zone de con­fort, ce qu’ils recherchent pour con­stru­ire leur danse.

Avec des danseurs moins con­nais­seurs, les musiques alter­na­tives ou les tan­gos plus « orig­in­aux » passent rel­a­tive­ment bien, car très peu dansent la musique. Ils peu­vent danser sur la musique, mais pas la musique.

Danser sur la musique, c’est pos­er les pieds sur les temps et faire des paus­es quand la musique en fait. Danser la musique, c’est en avoir une écoute atten­tive pour danser tan­tôt sur un instru­ment, tan­tôt sur un autre (les tan­gos de danse pro­posent d’eux-mêmes une diver­sité d’interprétation dans les dif­férentes repris­es du même thème). C’est prévoir les vari­a­tions de rythme pour pré­par­er sa parte­naire (ou se pré­par­er si on préfère être suiveur.

Donc, sor­tir des sen­tiers bat­tus, ça peut tout aus­si bien être de pro­pos­er un tan­go tra­di­tion­nel, mais plus rare ou pro­pos­er une musique qui n’est pas de tan­go, mais qui sera à la portée des danseurs. Dans ce dernier cas, on remar­quera que le plus les danseurs sont fam­i­liers avec le tan­go et plus ils auront du mal à s’adapter à une musique trop « étrange ».

Sor­tir des sen­tiers bat­tus, c’est cepen­dant une respon­s­abil­ité du DJ d’un lieu don­né. Dans des com­mu­nautés où il y a peu de diver­sité dans l’offre, il arrive qu’un DJ « forme » le goût des danseurs en leur pro­posant un type de musique atyp­ique. Ces danseurs seront donc habitués à d’autres sen­tiers et le jour où ils iront dans une milon­ga plus clas­sique, ils seront déroutés et per­dront ce qui fait une des grandes richess­es du tan­go, pou­voir danser avec n’importe qui dans le monde à con­di­tion de savoir guider et suiv­re. On pour­rait dire la même chose des « pro­fesseurs », d’ailleurs.

Pour repren­dre le chemin de la ques­tion ini­tiale, un DJ invité devra à la fois se couler dans les habi­tudes du lieu, mais aus­si apporter sa voix/voie orig­i­nale. S’il passe la même musique que le DJ rési­dent, quel est l’intérêt de le faire venir ? Il devra donc guider les danseurs vers son univers en créant un cli­mat de con­fi­ance. À la lim­ite, lorsque les blancs en neige auront pris, il pour­ra ren­vers­er le sal­adier, en faisant danser sur des musiques qui ne seraient pas venues à l’esprit des danseurs.

Sonia, j’aime ton dernier point « tout en guidant son pub­lic ». Le DJ est avant tout un ani­ma­teur. Il provoque des envies, qu’il retarde pour mieux les sat­is­faire. Il con­stru­it ses tan­das pour que les danseurs se sépar­ent comblés. Par exem­ple, une des règles de base qui con­siste à altern­er les styles est une forme très sim­pli­fiée de « don­ner envie ».

Après une tan­da énergique, comme une tan­da de milon­gas, il est courant de pro­pos­er une tan­da plus calme, voire roman­tique. Si on pro­pose une tan­da tonique à la place de cette tan­da calme, il fau­dra qu’elle soit irré­sistible. Les danseurs se jet­teront alors sur la piste et le moment de calme sera repoussé à la tan­da suiv­ante. Ils ne l’apprécieront que mieux.

La con­struc­tion de la tan­da sus­cite aus­si l’envie. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est plus facile de faire des tan­das de qua­tre que de trois, car on a plus de grad­u­a­tion pour guider les danseurs. On peut com­mencer calme et ter­min­er avec beau­coup d’énergie. Dans une tan­da de trois, les tran­si­tions risquent d’être plus heurtées ou il fau­dra se lim­iter dans la pro­gres­sion.

En résumé, il y a telle­ment de fac­teurs à pren­dre en compte que toutes les qual­ités pos­si­bles seront utiles au DJ de tan­go qui n’est pas un créa­teur comme le DJ de boîte de nuit. Il est celui qui pro­pose avec empathie, avec le seul but de faire pass­er une excel­lente soirée aux danseurs.

Un dernier point, il doit aus­si être masochiste, car la respon­s­abil­ité du DJ rend le tra­vail très stres­sant et il est frus­trant de ne pas pou­voir danser avec les danseurs quand le bal est mag­nifique.

Voir aus­si :
DJ de tan­go, la grande incom­préhen­sion
Ques­tion­naire DJ

Questionnaire DJ -— Est-ce que c’était bien ?

Est-ce que c’était bien ? Questionnaire DJ

(Tra­duc­tion de la page https://mshedgehog.blogspot.com/2012/08/was-that-good-dj-questionnaire.html) réal­isée par une danseuse de Lon­dres et pub­liée le same­di 4 août 2012…

Être un bon DJ est une énorme quan­tité de tra­vail. Pos­séder beau­coup de musique n’est pas suff­isant. Cela néces­site égale­ment des con­nais­sances, du goût et une pré­pa­ra­tion extrême­ment longue. Ça ne m’intéresse pas de le faire, parce que c’est beau­coup trop de tra­vail, et je préfère danser (l’article est écrit par une danseuse lon­doni­enne (NDT BYC). Il n’est bien fait que par des gens qui aiment vrai­ment le faire pour eux-mêmes, et qui aiment vrai­ment faire le tra­vail qui est req­uis.

Les danseurs mal infor­més et sans attentes créent un mau­vais DJing et l’aident à per­sis­ter, et un mau­vais DJing lim­ite la qual­ité glob­ale de la danse en ren­dant la danse sociale beau­coup plus dif­fi­cile qu’elle ne devrait l’être.

J’aimerais que les DJ soient plus appré­ciés. Cette check-list a pour but d’aider le danseur, en par­ti­c­uli­er le débu­tant, à réfléchir au DJing. Il ne sup­pose pas plus de con­nais­sances musi­cales que la capac­ité de faire la dif­férence entre le tan­go, la milon­ga et la valse, mais il repose en par­tie sur le fait que la musique de tan­go a un sens pour vous et vous donne envie de bouger. Cer­taines sont très sub­jec­tives, mais d’autres ne le sont pas. Prof­itez des morceaux de grâce habituels.

Com­mencez à 0. Ajoutez ou déduisez des points comme indiqué pour com­par­er les DJ. Vous pou­vez choisir plus d’une réponse pour cer­taines ques­tions. Si vous vouliez le per­son­nalis­er en fonc­tion de vos pri­or­ités, vous pou­vez évidem­ment mod­i­fi­er les scores. J’ai ten­dance à pénalis­er les mau­vais­es per­for­mances sur les choses les plus mécaniques et les plus mesurables, parce qu’il n’y a aucune bonne rai­son de se tromper.

Bases musi­cales
Est-ce que cer­taines musiques ne con­ve­naient pas à la danse du tan­go en société ? Par exem­ple :

  • Elle vous demande de rester immo­bile et de pos­er, comme un pavé, plutôt que de danser
  • Il est impos­si­ble de s’y adapter à moins de con­naître l’en­reg­istrement par­ti­c­uli­er par cœur
  • Elle sug­gère forte­ment de grands mou­ve­ments dra­ma­tiques rapi­des et des change­ments soudains de vitesse qui sont grossiers et peu pra­tiques pour la danse sociale dans l’e­space disponible
  • C’est de la bonne musique de danse, mais elle fait ressor­tir le pire des danseurs qui sont là.

En cas de doute, regardez la salle dans son ensem­ble : les indices sont que la ligne de danse cesse de se dérouler et som­bre dans le chaos, il y a beau­coup de chutes, et la plu­part des danseurs vrai­ment bons s’as­soient, se cachent ou vont fumer à moins que quelqu’un ne les attrape. Si c’est ce à quoi ressem­ble nor­male­ment votre milon­ga, ajustez votre juge­ment en con­séquence. [Édit. : Ce que vous cherchez, c’est si le DJ, ou une tan­da indi­vidu­elle font la dif­férence].

  1. Aucun de ces prob­lèmes ne s’est pro­duit (+10)
  2. Un ou deux moments dou­teux (-5)
  3. Plusieurs sec­tions dou­teuses (-7)
  4. Tan­da après tan­da, je m’en­nuyais, j’ai reçu des coups, ou les deux (-10)

Avez-vous déjà été sur­pris par une pièce qui ne cor­re­spondait pas à cette tan­da et qui vous a causé des dif­fi­cultés, de l’embarras ou de la décep­tion à vous ou à votre parte­naire ? Par exem­ple :

  • Un change­ment d’humeur ou de style choquant au milieu de la tan­da, de sorte que vous avez sen­ti que vous deviez déviss­er votre tête et la reviss­er
  • Une ouver­ture trompeuse qui sig­nifi­ait que vous passiez à côté d’une tan­da que vous auriez autrement aimée
  • Une pièce faible ou déce­vante au milieu, ou à finir
  • Change­ments de vitesse exces­sive­ment brusques
  • Une tan­da mélangée de musique que vous auriez préféré danser avec deux per­son­nes dif­férentes — ou une par­tie pas du tout.
  1. Aucun de ces prob­lèmes ne s’est pro­duit (+10)
  2. Une ou deux fois, peut-être une ques­tion d’opin­ion (-3)
  3. Plus, peut-être une ques­tion d’opin­ion (-5)
  4. Une ou deux fois, sans aucun doute ! (-7)
  5. Plus que cela (-10)
  6. Tout le temps de retourne­ment ! (-15)

Dans l’ensem­ble, sans se souci­er de pistes spé­ci­fiques, quelle était la qual­ité du son ?

  1. Bon — j’ai pu sen­tir la musique et vrai­ment m’y plonger (+7)
  2. OK — Je l’en­tendais de partout (+5)
  3. Médiocre — je ne pou­vais pas l’en­ten­dre assez claire­ment pour entr­er dedans cor­recte­ment — étouf­fé / pas de détail / pas de pro­fondeur / trop silen­cieux / fort, mais boueux / défor­mé / trop fort parce que DJ est sourd (-5)
  4. Ne s’ap­plique pas, l’équipement de ce lieu est médiocre, donc je ne peux pas le dire (0)

Y a‑t-il eu de mau­vais choix de pistes spé­ci­fiques, comme quelque chose de beau­coup trop rapi­de, beau­coup trop lent, ou avec une qual­ité sonore inac­cept­able ?

  1. Non (+5)
  2. Un ou deux, incer­tains (0)
  3. Plus que cela (-5)

Les corti­nas vous ont-elles ren­du heureux ?

  1. Oui (+5)
  2. Elles ont ren­du les gens heureux, mais pas moi en par­ti­c­uli­er (+3)
  3. Non, elles étaient générale­ment ennuyeuses (-3)
  4. Elles n’ont pas fait le tra­vail, je n’ai pas tou­jours pu dire ce qui était une corti­na ou s’il y en a eu (-5)
  5. Ne s’ap­plique pas — cette milon­ga a une poli­tique de non-corti­nas (0)

Il y avait-il suff­isam­ment de tan­das de vals (V) et milon­ga (M) par rap­port au tan­go (T), et elles étaient-ils jouées de manière régulière pour que vous sachiez où vous étiez ?

  1. À peu près à droite — quelque part dans la gamme TTVTTM ou TTTTVTTTTM, tout ce qui avait du sens compte tenu de la longueur de cette milon­ga (+5)
  2. Pas assez — TTTTTTTTTTM ou quelque chose comme ça (-5)
  3. Trop — TVTMTVTMTVTM DJ WTF ? (-7)
  4. Telle­ment chao­tique que je ne pou­vais pas dire — TT VV TTTTVTTTTTMTMV, ou quelque chose comme ça. (-10)
  5. « Tan­da » n’est pas le bon mot. (-15).

Les corti­nas étaient-elles assez longues pour que vous puissiez dégager la piste et trou­ver votre prochain parte­naire sans obstruer la vue de quelqu’un d’autre, compte tenu de la taille de la pièce, et en sup­posant qu’il y ait un endroit pour s’asseoir ?

  1. Oui (+3)
  2. Non (-3)

Le DJ a‑t-il dif­fusé gra­cieuse­ment à la fin avec de la musique qui n’est pas du tan­go pour que les gens se cal­ment et s’é­clair­cis­sent, en sup­posant que cela soit pos­si­ble ?

  1. Oui (+4)
  2. Non, il a util­isé le temps prévu et s’est arrêté là (0)

Pro­fes­sion­nal­isme

La musique a‑t-elle retenu toute l’at­ten­tion du DJ ?

  1. Oui, tout ou presque tout le temps (+5)
  2. Oui, autant que néces­saire dans la sit­u­a­tion (+3)
  3. Moins que cela (-3)
  4. Non, il est sor­ti fumer et la musique s’est arrêtée (-10)
  5. Non, il a mis une playlist/CD et s’est fâché avec les danseurs (-20)

S’il y avait des prob­lèmes avec l’équipement, le DJ les a‑t-il traités calme­ment et avec com­pé­tence ?

  1. Oui, excep­tion­nel — par exem­ple, il est ren­tré chez lui et a acheté un meilleur équipement. Il a trou­vé un autre ordi­na­teur (+7)
  2. Sat­is­fait aux attentes — con­tourne­ment du prob­lème et cor­rec­tion (+5)
  3. Un drame ! Mais il s’en est sor­ti (+3)
  4. Non (-5)
  5. Sans objet (0)

Le DJ a‑t-il eu de la dif­fi­culté à utilis­er l’équipement de sonori­sa­tion ?

  1. Non (+2)
  2. Il y a eu quelques con­ner­ies faites (-2)
  3. Il y a eu quelques prob­lèmes, mais com­préhen­si­bles dans les cir­con­stances (0)
  4. Le DJ n’é­tait claire­ment pas pré­paré (-7)

Le DJ a‑t-il sem­blé à un moment don­né oubli­er pourquoi il/elle était là ? A‑t-il, par exem­ple, suivi une per­for­mance de vingt min­utes, dans une milon­ga de trois heures, avec une piste de jive de cinq min­utes pour qu’un seul cou­ple puisse danser dans une per­for­mance bonus non offi­cielle, pen­dant que tous les autres attendaient comme des cit­rons, comme s’ils attendaient les pho­tos d’un mariage qui se retourne, et dans la posi­tion incon­fort­able de devoir pré­ten­dre qu’ils n’é­taient pas du tout ennuyés et qu’ils n’avaient rien de mieux à faire que de regarder cette van­ité ?

  1. Non (0)
  2. Oui (-5)
  3. Oui, et ce cou­ple se com­pre­nait lui-même ou son conjoint/partenaire et/ou au moins un mem­bre du cou­ple qui venait de se pro­duire (-10)
  4. Oui, mais, j’é­tais d’ac­cord avec ça dans les cir­con­stances (0)

S’il y avait un inter­mède de danse tra­di­tion­nelle, comme la chacar­era, ou une autre danse comme le jive ou la sal­sa, était-il bien pro­gram­mé, pas trop long et agréable pour un nom­bre raisonnable de per­son­nes présentes ?

  1. Oui, c’é­tait amu­sant, ça m’a plu / ça ne m’a pas dérangé de regarder (0)
  2. Non, c’é­tait un bor­del fas­ti­dieux, per­son­ne ne pou­vait danser dessus, ou ça pre­nait la dernière heure avant le dernier métro ! (-5)
  3. C’é­tait ennuyeux, mais c’é­tait exigé par les pro­fesseurs invités ou le lieu (0)

Ques­tions

La musique était-elle :

  1. Pré­ten­tieuse­ment salé avec l’in­dans­able, l’ob­scur ou l’i­nap­pro­prié (-10)
  2. Dis­posés de manière irréfléchie au fil du temps, avec de bonnes choses gâchées par le fait d’être trop proches les unes des autres (-5)
  3. D’ac­cord, mais à un rythme, trop d’un genre de chose (+5)
  4. Bon, mais avec un style de DJ qui n’est tout sim­ple­ment pas à mon goût (+10)
  5. Con­ven­able­ment var­iée, avec un bon mélange entre ryth­mique et lyrique et dra­ma­tique, compte tenu de la sit­u­a­tion (+15)
  6. Bril­lam­ment mixé, chaque tan­da don­nant l’im­pres­sion d’être un change­ment par­fait après le précé­dent (+20)

Qu’avez-vous ressen­ti par rap­port à « l’én­ergie » dans la pièce ?

  1. Con­fus et chao­tique. (-7)
  2. Bas. Ni moi ni mes parte­naires préférés n’avons pu entr­er dans la musique. (-5)
  3. Un peu plat, j’aimais bien la musique, mais je n’avais pas vrai­ment eu envie de m’y plonger (-2)
  4. Bien, ça se pas­sait tou­jours bien (+5)
  5. Mag­nifique, il a réus­si avec de bonnes sen­sa­tions, var­iées (+10)
  6. Fan­tas­tique, j’ai passé une excel­lente soirée, tout le monde était en effer­ves­cence, tout coulait de source et j’é­tais aus­si très heureux quand j’é­tais assis (+15)

Choi­sis­sez trois très bons danseurs soci­aux qui étaient là, de préférence céli­bataires. À quel point sem­blaient-ils danser ?

  1. Pas du tout, peut-être une ou deux tan­das avec la bonne per­son­ne (-5)
  2. Un peu, comme d’habi­tude en fait (0)
  3. Plus que d’habi­tude (+5)
  4. Tout le temps, et en prenant plus de risques que d’habi­tude avec le choix du parte­naire (+10)

Sub­jec­tive­ment, qu’en avez-vous pen­sé ? Pas de scores ici — com­parez avec ce que vous avez obtenu ci-dessus.

  1. C’é­tait génial / ça a été une révéla­tion pour moi / ça a trans­for­mé le lieu ou la sit­u­a­tion pour le mieux.
  2. C’é­tait très bien. J’en étais très con­tent.
  3. C’é­tait bien, mais il y avait quelques défauts, ou c’é­tait bien fait, mais ce n’é­tait pas mon truc.
  4. C’é­tait bon et con­stant, je pou­vais lui faire con­fi­ance, mais peut-être que ce n’é­tait pas inspi­rant.
  5. C’é­tait générale­ment inof­fen­sif et ne m’a pas causé de prob­lèmes sérieux.
  6. Pas bon — c’é­tait faible ou m’a ennuyé plusieurs fois.
  7. C’é­tait pau­vre. Je ne pou­vais pas lui faire con­fi­ance. Si quelque chose de bien se présen­tait, je devais pren­dre quelqu’un.
  8. C’é­tait mau­vais — moi, ou mes parte­naires envis­agés, nous ne voulions tout sim­ple­ment pas danser. Inutile de rester.

Je trac­erais la ligne de démar­ca­tion entre 4 et 5.

Arti­cle orig­i­nal (en anglais) https://mshedgehog.blogspot.com/2012/08/was-that-good-dj-questionnaire.html
Arti­cle orig­i­nal dans Web Archives (au cas où il dis­paraitrait du blog d’o­rig­ine) https://web.archive.org/web/20231120051440/https://mshedgehog.blogspot.com/2012/08/was-that-good-dj-questionnaire.html

DJ de tango, la grande incompréhension…

“Il suffit de secouer un arbre pour que 10 DJ en tombent

L’ar­ti­cle orig­i­nal avait été pub­lié en 2014 sur mon ancien site

Un organ­isa­teur me dis­ait il y a quelques temps qu’il suff­i­sait de sec­ouer un arbre pour que 10 “DJ” en tombent.
L’arrivée de l’ordinateur dans le DJi­ing et la dif­fu­sion de tan­gos via Inter­net ont très claire­ment démoc­ra­tisé le méti­er de DJ de tan­go. Il suf­fit désor­mais de télécharg­er des playlists pour se dire DJ.

C’est un peu facile, mais est-ce souhaitable pour les danseurs ?
Bien sûr, ce phénomène exis­tait aupar­a­vant avec les com­pi­la­tions organ­isées en tan­das, ven­dues par cer­taines milon­gas et DJ portègnes, ou par divers autres canaux. Ce qui est nou­veau main­tenant, c’est que la facil­ité d’utilisation de l’ordinateur per­met de mélanger ces morceaux, sans avoir à maîtris­er les out­ils en temps réel.
Et c’est là que le bât blesse. En effet, une com­pi­la­tion, qu’elle soit en prove­nance d’une milon­ga de Buenos Aires, ou qu’elle ait été réal­isée à la mai­son par l’apprenti DJ, NE PEUT CONVENIR À COUP SÛR À LA MILONGA en cours de musi­cal­i­sa­tion.

Sentir la milonga

Le rôle du DJ est de dif­fuser le bon morceau au bon moment. Si c’est pour dif­fuser une playlist, il suf­fit d’un CD gravé, d’un lecteur mp3 ou d’un ordi­na­teur. Je me demande quel peut être l’intérêt pour le DJ qui reste 5 heures ou plus der­rière son ordi à faire sem­blant de bricol­er une playlist qui est de toute façon immuable…

Je com­prends mieux les moti­va­tions de ce DJ qui se con­tente de couper la fin de la corti­na sur son lecteur mp3 pour être le pre­mier sur la piste. Lui, il veut danser sur les musiques qu’il aime et peu importe le vécu des danseurs (ou non-danseurs qui voient le DJ, s’agiter sur la piste alors qu’eux atten­dent un titre à peu près à leur goût).

Pour moi, le DJ doit sen­tir la milon­ga, regarder ceux qui ne dansent pas, repér­er ce qui fait lever cer­tains et pas d’autres, afin que chaque sen­si­bil­ité puisse trou­ver de quoi avoir envie de danser. Il pour­ra faire des tests, par exem­ple en vari­ant les corti­nas, ou en obser­vant les réac­tions devant un morceau un peu plus sur­prenant.

Mais dans tous les cas, c’est l’adéquation entre les envies des danseurs et la pro­gram­ma­tion qui fera le suc­cès de la soirée.

Le choix du DJ

J’ai été très inter­pelé il y a quelque temps en dis­cu­tant avec un organ­isa­teur qui me dis­ait qu’il sélec­tion­nait ses DJ par rap­port à leur style. Je crois qu’il pen­sait que met­tre un DJ « cat­a­logué » d’un style proche de sa milon­ga était un gage de qual­ité. De fait, s’il lui arrive de faire venir de bons DJ, il recrute finale­ment, surtout des mani­aques de la playlist.

Vous avez tous en tête cer­tains DJ capa­bles de musi­calis­er un fes­ti­val, une milon­ga de Buenos Aires ou un encuen­tro milonguero avec le même bon­heur, mais pas avec la même musique. C’est que ce DJ sait jouer des paramètres offerts par la musique et des moyens tech­niques à sa dis­po­si­tion pour s’adapter réelle­ment à son pub­lic.

Paramètres à la disposition du DJ pour adapter sa musicalisation

Les orchestres sont la pre­mière vari­able. Il est pos­si­ble de vari­er les orchestres pour éviter la monot­o­nie.

Les styles des orchestres est un fac­teur impor­tant. Notons aus­si qu’un même orchestre, suiv­ant les péri­odes peut avoir des ambiances dif­férentes.

Les formes de tan­gos (chan­tés, instru­men­taux, canyengue ou autres) sont très directe­ment ressen­ties par les danseurs. Cepen­dant, glob­ale­ment, les titres chan­tés sont majori­taires car ils sont plus plaisants à danser à con­di­tion de choisir des tan­gos chan­tés et pas des chan­sons de tan­go, ce qui est une erreur beau­coup trop fréquente chez les appren­tis DJ et qui plombent assuré­ment la tan­da…

L’énergie des morceaux est sans doute le paramètre essen­tiel et sou­vent mal géré. Il ne faut en effet pas con­fon­dre énergie et vitesse. Des morceaux d’apparence calmes comme cer­tains titres de Calo peu­vent être très énergiques et inverse­ment, des tan­gos bruyants et rapi­des peu­vent être com­plète­ment plats à danser. Cer­tains DJ con­fondent ces paramètres et vont dif­fuser des orchestres de style ou sonorité dif­férents, mais qui ont tous la même énergie. Cela créé l’ennui à coup sûr…

L’organisation des tan­das est très impor­tante selon moi. En effet, si le pre­mier morceau est des­tiné à faire se lever le plus de danseurs que pos­si­ble, il ne faut pas que les autres déçoivent. Ils doivent être donc d’une énergie sem­blable et de préférence ascen­dante. Les danseurs ne doivent pas non plus subir de choc causés par des titres mal assem­blés.

Réac­tiv­ité et adap­ta­tion sont très impor­tantes. Il m’arrive fréquem­ment de chang­er une tan­da en cours de dif­fu­sion en fonc­tion de ce qui se passe sur et autour de la piste. Si le pre­mier titre n’a pas fait lever assez de monde, je place un sec­ond titre plus effi­cace, voire, je change l’ambiance de la tan­da en la faisant évoluer. Je pense par exem­ple à une tan­da de canyengue qui peut selon les publics pass­er par­faite­ment ou bien fatiguer. Je fais alors évoluer la tan­da vers des canyengues plus rapi­des, voire plus du tout canyengue si cela n’a pas du tout de suc­cès.

L’organisation des tan­das en ron­da est aus­si un élé­ment sur lequel le DJ peut jouer. Pour ma part, je dif­fuse qua­si­ment tou­jours des tan­das de qua­tre, y com­pris pour les valses et sauf pour les milon­gas ou des titres nuevos par­fois plus longs. J’adopte cepen­dant par­fois les tan­das de trois, sur une par­tie de la milon­ga, par exem­ple lorsque la durée est très courte et s’il y a un gros déséquili­bre des parte­naires. C’est cepen­dant quelque chose que je répugne un peu à faire car cela entre dans la mode du « zap­ping » et l’on s’éloigne du tan­go. Il me sem­ble préférable de faire des milon­gas qui durent plus longtemps afin d’offrir à tout le monde une chance de bien danser (c’est d’ailleurs le choix effec­tué par les portègnes…). La ron­da com­porte tra­di­tion­nelle­ment des suc­ces­sions de styles du type T T V T T M ou T = Tan­go, V = Vals et M = Milon­ga). Pour les milon­gas cour­tes où quand je veux don­ner beau­coup d’énergie, il m’arrive de faire T V T M, ou T V T T M. Il n’est pas pos­si­ble d’utiliser cette ron­da toute une milon­ga, car elle est très fati­gante pour les danseurs… D’autres DJ vont mul­ti­pli­er au con­traire les tan­das de tan­go pour dimin­uer le nom­bre de Vals et Milon­gas.

Le vol­ume sonore est aus­si très impor­tant à con­sid­ér­er. Il arrive sou­vent que les corti­nas soient plus fortes que les morceaux dan­sés. Je trou­ve cela illogique. C’est à mon avis les tan­das qui doivent don­ner l’ambiance. Les corti­nas sont là pour échang­er quelques mots et se pré­par­er à la prochaine tan­da. Je pense aus­si que la musique doit être jouée suff­isam­ment forte pour que l’on puisse enter dedans sans être obligé de ten­dre l’oreille. Une corti­na moins forte per­me­t­tra de se repos­er l’oreille et évit­era d’avoir à pouss­er exagéré­ment le vol­ume de la tan­da suiv­ante pour cou­vrir les con­ver­sa­tions qui auront été poussées pour cou­vrir le bruit de la corti­na.

Je reste bref sur le choix des morceaux pour chaque com­pos­i­teur et orchestre. C’est un des rôles majeur du DJ, mais ce n’est pas sou­vent là qu’est le plus gros prob­lème (si on excepte la ques­tion des chan­sons dif­fusées com­ma tan­gos chan­tés). Le sérieux point noir vient de ce que ces morceaux sont dif­fusés dans un ordre hasardeux ou à mau­vais escient. Deux excel­lentes tan­das peu­vent se tuer si elles se suc­cè­dent car elles peu­vent être d’une énergie trop proche (ou trop dif­férente).

L’utilisation de l’ordinateur con­duit aus­si à ne pas exploiter un des fac­teurs qui est l’intervalle entre les morceaux. Par défaut, j’ai un inter­valle de 3,7 sec­on­des entre les titres, mais il m’arrive de rac­cour­cir ou pro­longer cette durée en fonc­tion du lieu, des danseurs et de l’énergie à dif­fuser. Par exem­ple, dans une tan­da où il y a une dynamique mécanique très entraî­nante comme dans cer­tains vals de d’Arienzo, il peut être intéres­sant de ne pas laiss­er de trop grands blancs pour que l’énergie reste en pro­gres­sion con­stante.

La longueur des corti­nas est aus­si à pren­dre en con­sid­éra­tion. Trop cour­tes, elles empêchent d’avoir le temps de retourn­er s’assoir, ce qui pénalise le renou­velle­ment des cou­ples. Il faut avoir le temps de rac­com­pa­g­n­er sa danseuse et de pré­par­er la suite… Il ne faut pas qu’elle soit trop longue non plus. Une fois que les plus rapi­des ont fait leur choix, il est intéres­sant de lancer la tan­da suiv­ante…

Dans la pra­tique, il y a des dizaines d’autres paramètres que doit pou­voir estimer et maîtris­er le DJ. Je prendrai juste pour exem­ple la dif­fu­sion d’une tan­da de milon­ga dans la dernière heure d’une soirée. Cer­tains DJ se l’interdisent par principe. En fait, c’est assez idiot dans la mesure où, où la milon­ga est appré­ciée, cette dernière tan­da sera hyper bien vécue, dans le style éclate finale. Il m’arrive dans d’autres endroits, de rem­plac­er une tan­da de milon­ga par des vals, ou plus rarement l’inverse.

Aux organisateurs

J’espère que ces petits élé­ments vous per­me­t­tront de voir plus clair sur com­ment choisir un DJ. Lorsque je suis danseur, j’ai envie de pass­er une bonne soirée et si je peux faire des kilo­mètres pour un DJ et même si tous les danseurs ne sont pas aus­si exigeants, ils sont glob­ale­ment tous sen­si­bles à la musique et ils passeront, ou pas, une excel­lente soirée, avec fatigue, ou sans. Le DJ doit donc pou­voir veiller sur eux, en les ménageant ou en les tonifi­ant en fonc­tion de l’ambiance du moment.

Un bon DJ a effec­tué un énorme tra­vail en amont pour con­naître et organ­is­er sa musique, de façon à pou­voir pro­gram­mer avec effi­cac­ité en direct. Ce tra­vail mérite salaire et il me sem­ble que l’on devrait pay­er le DJ en fonc­tion de sa réus­site. J’ai pro­posé à cer­tains organ­isa­teurs un paiement à l’entrée. Curieuse­ment, cela en gène beau­coup. Pour­tant, quand le DJ fait venir deux fois plus de monde que le pub­lic habituel, il sem­blerait logique qu’il soit mieux payé.

A min­i­ma, faîtes ce petit ques­tion­naire :

Aux DJ débutants

Bien­v­enue dans cette mer­veilleuse activ­ité qui con­siste à faire danser le tan­go en choi­sis­sant des musiques. Je vous con­seille très vite d’abandonner les playlists pour vous con­cen­tr­er sur ce qui se passe dans la salle (y com­pris autour de la piste).

Vous pou­vez en revanche organ­is­er des tan­das toutes faites, que vous dif­fuserez dans l’ordre qui con­vient à l’ambiance du moment. C’est un pre­mier pas vers l’adaptation. Ain­si, si vous avez besoin d’une tan­da plus calme ou plus tonique, vous en aurez quelques-unes toutes prêtes que vous pour­rez dif­fuser en con­fi­ance, sachant que vous en fer­ez pas de grave faute de goût.

Lorsque vous aurez acquis de l’assurance, vous pour­rez vous détach­er de ces tan­das pré­fab­riquées pour en créer de nou­velles en direct. Pour acquérir cette lib­erté, il vous faut deux choses :

  1. Bien con­naître votre musique
  2. Avoir bien organ­isé sa musique (rien de plus bête que de pass­er une milon­ga ou une ranchera au milieu d’une tan­da de vals car on a mal éti­queté sa musique…).

Cela ne vous dis­pensera pas de la pré-écoute, notam­ment pour les corti­nas… En général, j’ai au moins deux musiques en même temps dans les oreilles.
La musique de la salle, la musique de la corti­na et/ou la tan­da que je suis en train de pré­par­er.
Il faut éviter de s’isol­er de la salle pour tou­jours avoir con­science de la qual­ité sonore de la dif­fu­sion. Même si j’u­tilise en général des casques avec réduc­tion de bruit, je n’ac­tive cette fonc­tion­nal­ité que quelques instants, par exem­ple pour caler le début d’un morceau dont je ne souhaite pas dif­fuser l’in­tro­duc­tion.

Existe-t-il des tandas “classiques” ?

Réponse à un mes­sage d’un danseur que je cit­erai s’il se recon­naît…
Je crois que sa ques­tion était en lien avec l’ar­ti­cle tan­das 5–4‑3–2 ou 1

Existe-t-il une influence des vinyles sur l’ordre des morceaux d’une tanda ?

Byc Bernar­do j’ai lu avec intérêt ton arti­cle. Con­cer­nant l’apport des vinyles, je me suis fait la remar­que que cer­taines tan­das « clas­siques » que l’on entend par­fois (du genre où on peut prédire le morceau suiv­ant) sem­blaient cor­re­spon­dre à l’ordre des morceaux sur un vinyle d’origine. Je me suis donc demandé si cer­tains DJ à l’époque, peut-être par facil­ité, lais­saient les qua­tre morceaux dans l’ordre du disque (un peu comme pour les cas­settes) et que, par habi­tude audi­tive, cer­tains DJ actuels repre­naient ce même ordre sans for­cé­ment savoir qu’il avait été dic­té par.un aspect pra­tique au début. Qu’en pens­es-tu ? As-tu pu observ­er cela ?

Danseur anonyme, car je ne me sou­viens pas…

Ma réponse…

Excel­lente ques­tion, dont la réponse est facile à don­ner, c’est non 😉

Les dis­ques des tan­gos de l’âge d’or étaient des 78 tours qui ne com­por­taient qu’un morceau par face. Il n’y avait donc pas d’obligation d’enchaîner deux morceaux.

Les pub­li­ca­tions vinyles étaient réal­isées par des édi­teurs qui ne cher­chaient pas for­cé­ment à sat­is­faire les danseurs. Les morceaux sont dans un ordre quel­conque, ou plutôt, ils sont organ­isés d’un point de vue « esthé­tique », pas du tout par tan­da.

Le con­cept de disque tan­da est même assez récent et quelques orchestres comme la Roman­ti­ca Milonguera se sont lancés dans cette stratégie. C’est d’ailleurs un prob­lème pour les orchestres con­tem­po­rains qui n’ont pas leur style pro­pre, ils font un morceau dans le style de d’Arienzo, un dans le style de Di Sar­li et ain­si de suite et il est impos­si­ble d’en faire une belle tan­da. Évidem­ment, les orchestres mono­styles, comme la Juan d’Arienzo, sont plus faciles à utilis­er.

Sur l’organisation à l’identique de tan­das par dif­férents « DJs », j’attribuerai cela plutôt à l’origine com­mune des tan­das. À Buenos Aires, chaque DJ arrondit ses fins de mois en ven­dant des Playlists, y com­pris avec les corti­nas toutes faites.

Tu l’auras com­pris, c’est du tout-venant et rarement de bonne qual­ité, les DJ con­ser­vent jalouse­ment leurs meilleurs atouts.

D’autres récupèrent des playlists sur YouTube ou autres endroits, cela ne relève pas le niveau.

Mais, on peut en dire plus…

Cepen­dant, il y a des logiques.

  • Les titres d’une tan­da ne sont pas mis en œuvre de façon aléa­toire. Pour moi, c’est comme une expo­si­tion de pein­ture, il doit y avoir une har­monie d’ensemble. Cela peut se faire en ayant des titres de la même péri­ode, mais ce n’est pas totale­ment sûr, les orchestres pou­vant avoir enreg­istré le même jour une ver­sion à écouter et une à danser, ou des titres à la mode qui n’ont rien à voir. Après la pandémie, à Buenos Aires, plusieurs DJ s’étaient mis à mélanger dans les tan­das des tan­gos instru­men­taux et des chan­tés. C’est un peu passé de mode main­tenant. Depuis la pandémie, beau­coup de choses ont changé et les organisateurs/DJ, cherchent des for­mules pour attir­er la manne des touristes qui ont un taux de change très avan­tageux.
  • Une tan­da est un voy­age. On pro­pose au début un morceau qui donne envie de se lever, puis on pro­pose une pro­gres­sion. Le cou­ple aug­mente en com­pé­tence et la dernière pièce est donc une apothéose, les danseurs étant par­faite­ment accordés, il est pos­si­ble de se « lâch­er » (ce qui est éton­nant si on con­sid­ère que l’abrazo est ser­ré). Lorsque l’orchestre est très pro­lifique, il y a beau­coup de façon d’organiser les thèmes. Quand il a moins enreg­istré, c’est plus com­pliqué. Si on respecte l’harmonie des titres et le voy­age, il reste peu de choix et donc, la red­ite est prob­a­ble.

La cassette, ferait-elle un coupable idéal ?

Main­tenant que j’ai don­né plusieurs pistes, je vais te don­ner une rai­son bien plus prob­a­ble. En effet, lorsque Philips a sor­ti la cas­sette, les DJ se sont jetés dessus. Pour des raisons de solid­ité, les DJ util­i­saient unique­ment les C60 qui avaient 30 min­utes par face. Elles per­me­t­taient donc de cas­er 2X5 titres sur une face.

Ain­si, sur une cas­sette D’Arienzo, il y avait 4 tan­das pos­si­bles (de 5 titres cha­cune). Cela con­dui­sait à lire les titres dans le même ordre et pire, les tan­das dans le même ordre. Car il est impos­si­ble de rem­bobin­er les K7 en cours de milon­ga. On passe donc la pre­mière tan­da, ensuite la corti­na sur une autre cas­sette (qui elle est rem­bobinée à chaque pas­sage pour revenir au début de la corti­na qui était tou­jours la même). Ensuite, le DJ choi­sis­sait la cas­sette d’un autre orchestre et quand il voulait revenir à D’Arienzo, il jouait la deux­ième tan­da de la pre­mière face de la dis­quette.

Pour en savoir plus sur ce thème et la rai­son du nom­bre de titres d’une tan­da, je t’invite à lire un arti­cle que j’ai pro­posé sur le sujet : https://dj-byc.com/tandas-de‑5–4‑3–2‑ou‑1/

Je pour­rai rajouter plusieurs expli­ca­tions, du genre, la paresse de cer­tains qui fab­riquent des playlists à l’avance et qui ne se don­nent pas la peine de com­pos­er les tan­das en direct. Dans une cer­taine mesure, ils ont rai­son, si les organ­isa­teurs font appel à eux et dépensent de l’argent pour pay­er quelqu’un qui pour­rait être rem­placé par un lecteur de CD… ils auraient tort de se priv­er. J’ai vu cer­tains de ces DJ pass­er des playlists qui por­taient le nom d’autres événe­ments, ou qui passent tou­jours les mêmes titres, car ils sont itinérants et que donc per­son­ne ne se rend compte qu’ils passent tou­jours la même chose.

Je pense que si tu as par­ticipé à une milon­ga que j’anime tu as eu un peu plus de mal à devin­er ce qui va suiv­re, car juste­ment, j’essaye de pro­pos­er des titres moins con­nus ou de les enchaîn­er de façon plus orig­i­nale pour sus­citer l’intérêt et la curiosité. Ce sont les danseurs qui me don­nent des idées et je tire le fil. Un titre s’impose à moi et selon le moment, je trou­ve de quoi l’accompagner pour ren­forcer le thème. Par exem­ple, hier, plusieurs thèmes me sont passés par la tête, comme les oiseaux (au jardin Massey à Tarbes), le café (pour la buvette du jardin).

Ensuite, le DJ con­duit aus­si les danseurs. En met­tant un titre qui en évoque un autre, il place à l’insu des danseurs, l’idée du titre plus con­nu et quand celui-ci arrive, c’est comme une délivrance (au sens paysan du terme ; —)

Hommage à un extraordinaire DJ

Mon DJ préféré, Daniel Borel­li (Buenos Aires) est un as dans la com­po­si­tion des tan­das et dans la suc­ces­sion des tan­das. Ma grande fierté est de devin­er quel orchestre il va met­tre après la tan­da qu’il vient de pass­er. Cela fait près de quinze ans que je le suis, et il arrive tou­jours à me sur­pren­dre dans la com­po­si­tion des tan­das, mais plus rarement dans l’enchaînement des tan­das 😉

Chacarera pour/for/para tango DJS (Conseils/Tips/Consejos)

Choisir une chacarera / Elegir una chacarera / To choose a chacarera

Dans la plu­part des milon­gas portègnes, on pra­tique des dans­es folk­loriques. Depuis une quin­zaine d’années, j’essaye de pro­pos­er une tan­da de folk­lore dans les milon­gas que j’anime. La chacar­era com­mence à bien pren­dre et j’ai même eu le bon­heur de voir des zam­bas dan­sées en France.
Pour aider au développe­ment du phénomène, je vous pro­pose quelques con­seils pour choisir des chacar­eras qui ne vont pas dérouter les danseurs novices.

In most milon­gas of Buenos Aires, folk dances are per­formed.
For the past fif­teen years, I have been try­ing to offer a tan­da of folk­lore in the milon­gas that I do. The chacar­era is start­ing to take well and I even had the plea­sure to see zam­bas danced in France.
To help devel­op the phe­nom­e­non, I offer some tips for choos­ing chacar­eras that will not con­fuse novice dancers.

En la may­oría de las milon­gas porteñas hay bailes tradi­cionales.
Durante los últi­mos quince años, he trata­do ofre­cer una tan­da del fol­clore en las milon­gas que asumo. La chacar­era está empezan­do a tomar bien y tuve el plac­er ver zam­bas baila­do en Fran­cia tam­bién.
Para ayu­dar a desar­rol­lar el fenó­meno, doy acá algunos con­se­jos para ele­gir chacar­eras que no con­fundirán a los prin­cipi­antes.

Animer une chacarera / Guiar a una chacarera / How to help for a chacarera

Animer une chacarera

Lorsque les danseurs sont peu fam­i­liers avec la chacar­era, il est utile de les aider pour que le résul­tat ne vire pas à la pagaille. Voici quelques con­seils.

Annoncer l’intermède de folklore

Il faut laiss­er le temps aux danseurs de se plac­er. Le mieux est de lancer une intro­duc­tion bien mar­quée qui sig­ni­fiera aux danseurs que l’on va danser une chacar­era. Cette intro­duc­tion peut être une intro­duc­tion spé­ci­fique ou le début d’une chacar­era, pas for­cé­ment celle que l’on dansera.
Atten­tion à ne pas laiss­er se dérouler plus que les intro­duc­tions pour éviter que les danseurs plus avancés com­men­cent. On peut met­tre une intro en boucle pour quand les danseurs sont longs à s’organiser.

Penser à annon­cer de se munir d’un pañue­lo si on a prévu une zam­ba dans l’intermède de folk­lore.

Positionner les danseurs

En général, on place les hommes sur une ligne en face d’une ligne de femmes. Il est sou­vent utile de pro­pos­er que les danseurs se posi­tion­nent à un endroit pré­cis. Par exem­ple : « Les hommes du côté des fenêtres ». Les femmes se posi­tion­neront en face de leur parte­naire.

Si les danseurs sont nom­breux, on peut pro­pos­er de faire deux ou plusieurs lignes. Mais en général, quand ils sont nom­breux, ils savent à peu près s’organiser.

Les danseurs sont dans leurs lignes, face à leurs parte­naires. Le DJ peut lancer la musique de la chacar­era qui sera dan­sée.

Annoncer le début « adentro »

Même à Buenos Aires, il est courant d’annoncer le début de la danse par « aden­tro ». Si vos danseurs ont lu le guide pour choisir les chacar­eras, ils n’auront pas besoin de cette aide, car ils auront écouté l’introduction. Cepen­dant, beau­coup de musiques de folk­lore con­ti­en­nent l’adentro annon­cé par l’orchestre.

Cela me sem­ble donc indis­pens­able de l’annoncer, même si l’orchestre le dit, car les danseurs européens ne sont pas tous bien fam­i­liers avec cela.

Cela per­met un départ plutôt franc et le résul­tat d’ensemble aura plus de chance d’être har­monieux.

Pour mémoire, voici la choré­gra­phie. On peut annon­cer les dif­férentes phas­es si les danseurs se déca­lent et plus par­ti­c­ulière­ment ce qui est en gras, car c’est le début et l’annonce du final. Cela évite que cer­tains com­men­cent trop tard ou ter­mine trop tard…

Voz pre­ven­ti­va: Aden­tro
1º Figu­ra : Avance y retro­ce­so   4 com­pas­es
2º Figu­ra : Giro — 4  Com­pas­es
3º Figu­ra : Vuelta entera — 6 u 8 com­pas­es
4º Figu­ra : Zap­ateo y zaran­deo — 8 com­pas­es
5º Figu­ra : Vuelta entera — 6 u 8 com­pas­es
6º Figu­ra : Zap­ateo y Zaran­deo — 8 com­pas­es
Voz pre­ven­ti­va: Aura
7º Figu­ra : Media vuelta – 4 com­pas­es
8º Figu­ra : Giro y coro­nación   4 com­pas­es

Pour la sec­onde par­tie, on peut en général se con­tenter de aden­tro et aura.

Et après la première chacarera

Si tout s’est bien passé et qu’il y a une bonne par­tie des danseurs sur la piste, on fait en général une sec­onde chacar­era.

Pas de con­signe par­ti­c­ulière. On peut encour­ager le frap­pé des mains en annonçant pal­mas. Pour ma part, je mar­que le rythme avec des claque­ments de langue au micro­phone.

Il me sem­ble moins utile de le faire pour la pre­mière chacar­era, car les danseurs se met­tent en place et on peut avoir des con­signes à don­ner. Cela peut aus­si gên­er pour l’écoute du nom­bre de com­pas­es (6 ou 8).

Pour la sec­onde, cela me sem­ble utile, car ça per­met d’entretenir l’ambiance et d’éviter que les danseurs retour­nent à leur place. On peut aus­si en prof­iter pour encour­ager les timides qui n’ont pas dan­sé la pre­mière chacar­era à rejoin­dre la piste.

En général, on pro­pose tou­jours une chacar­era à 8 com­pas­es pour la pre­mière et si on décide de pro­pos­er une chacar­era à 6 com­pas­es pour la sec­onde, c’est que le niveau est sat­is­faisant, mais il fau­dra veiller à ce que les danseurs ne se lais­sent pas sur­pren­dre en ter­mi­nant trop tard leurs vueltas.

Si on a la chance d’être dans un lieu où les danseurs pra­tiquent aus­si la zam­ba, on ter­min­era l’intermède de folk­lore par une zam­ba. Le fait d’avoir annon­cé de pren­dre le pañue­lo à l’avance per­met de savoir si la propo­si­tion d’une zam­ba est per­ti­nente.

Si per­son­ne ne danse la zam­ba, cela fera une belle corti­na…

En général, je laisse la zam­ba même s’il n’y a qu’un ou deux cou­ples. Cela fait un peu démo, mais c’est une façon d’encourager le développe­ment de cette danse mag­nifique.

Michèle et Christophe, deux danseurs ayant dan­sé mag­nifique­ment une zam­ba dans une milon­ga que j’an­i­mais. Sûr qu’ils ont créé des voca­tions car depuis, je passe un peu plus de zam­bas…

Archives de l’ancien site DJ BYC Bernardo (Avant 2023)

dj-byc.com est sur WebArchive

Web Archive est un ser­vice qui mémorise des mil­lions de sites Inter­net. Par chance, il a enreg­istré le site à dif­férentes repris­es, ce qui peut vous per­me­t­tre de retrou­ver d’an­ciens arti­cles qui ont été détru­its suite au piratage du site.

Vous pouvez retrouver la plupart des anciens articles

Le pre­mier site a été mis en ligne au tout début des années 2000 et a été à maintes repris­es remanié. Web Archive a gardé des traces de cer­taines ces ver­sions.

Si vous recherchez un arti­cle plus ancien, vous pour­rez donc le retrou­ver grâce à Web Archive : https://web.archive.org/web/20221129045910/https://dj-byc.com/

Web Archives a sauve­g­ardé une grande par­tie de l’an­cien site, ce qui vous per­met de con­sul­ter les arti­cles qui n’ont pas été rétab­lis.

Les mod­i­fi­ca­tions de 2022 et 2023 ont surtout été mar­quées par les ten­ta­tives de déjouer les pirates…

Les anciens arti­cles qui sont tou­jours d’ac­tu­al­ité seront réécris pro­gres­sive­ment. Vous pou­vez toute­fois me réclamer les arti­cles que vous souhaitez retrou­ver en pri­or­ité en me con­tac­tant.

Le plus beau, de tous les tangos du Monde…

Je ne vais pas vous par­ler de la chan­son de Vin­cent Scot­to et René Sarvil, le Plus Beau Tan­go du Monde, mais des tan­gos préférés des danseurs de tan­go.


Comme DJ, dès que je capte une infor­ma­tion sur les goûts d’un danseur, je le
note dans les com­men­taires du fichi­er. Ain­si, lors d’une milon­ga où est présent
ce danseur, je peux annon­cer que je lui dédi­cace le titre ou la tan­da.

Je vais ain­si pass­er le plus beau tan­go du Monde,
pour ce danseur. Mais il n’est pas seul sur la piste. Je ne par­le pas des bras qu’il
devra trou­ver pour le danser, mais de tous les autres par­tic­i­pants de la
milon­ga.

En général, quand j’annonce cette dédi­cace, la com­mu­nauté de bal fait preuve
d’empathie et est prête à danser sur le tan­go pro­posé. Par­fois, j’annonce que
si ça ne plaît pas il fau­dra aller se plain­dre à l’inspirateur de la tan­da,
mais en fait, per­son­ne ne va se plain­dre.

En effet, la sec­onde par­tie et le sujet que je souhaite traiter ici est, quel
est le meilleur tan­go de danse ?

Bien que je ne sois pas Nor­mand, je vais répon­dre par ça dépend.
Ce « ça dépend » fait qu’il est utile d’avoir un DJ pour ani­mer la milon­ga.
Sinon, cela ferait longtemps que l’on aurait une playlist « par­faite » que l’on
pour­rait la servir en toutes les occa­sions.

Les goûts changent d’une milon­ga à l’autre, d’une ville à l’autre, d’un pays à l’autre. La musique des milon­gas ital­i­enne ne ressem­ble pas à celles d’Angleterre. La musique d’un encuen­tro milonguero n’est pas iden­tique à celle d’un fes­ti­val et selon l’âge des danseurs, les goûts dif­fèrent égale­ment. Pour entr­er plus en avant dans la com­plex­ité, les goûts évolu­ent d’un jour à l’autre et même durant la milon­ga.

1 Ces sta­tis­tiques de 2014 ont été établies par Tan­go Tec­nia. CE qui nous intéresse ici, ce ne sont pas les résul­tats, mais l’observation que selon dif­férents critères, comme la zone géo­graphique, le sexe ou l’âge, les résul­tats sont dif­férents.

Le DJ, en décou­vrant une milon­ga, fera rapi­de­ment une analyse en fonc­tion des per­son­nes présentes, les vête­ments, les chaus­sures, l’âge et il pour­ra s’aider de con­nais­sances dont il con­naît les goûts. L’organisateur lui-même pour­ra avoir don­né des con­signes, mais le DJ doit savoir les inter­préter et rel­a­tivis­er…

Durant la milon­ga, il con­tin­uera son éval­u­a­tion, enreg­is­trant ce qui sem­ble mieux fonc­tion­ner pour pro­pos­er d’autres tan­das de ce type plus tard dans la milon­ga.

Des sondages en direct

Ces tests des danseurs s’appuient sur l’expérience du DJ, mais aus­si sur des méth­odes. Pour sim­pli­fi­er, dis­ons qu’il existe qua­tre grands types musiques. Les musiques à dom­i­nante intel­lectuelles comme la musique clas­sique, la musique sen­ti­men­tale, les musiques urbaines et les musiques de diver­tisse­ment.

Ces qua­tre types de musique se ren­con­trons en tan­go et ont don­né lieu aux qua­tre piliers du tan­go. Le clas­sique, c’est le courant Pugliese (De Caro…), le roman­tique, Di Sar­li (Calo…), l’urbain, Troi­lo et le ludique, D’Arienzo.

On con­sid­ère que ces qua­tre orchestres sont incon­tourn­ables dans une milon­ga, car ils représen­tent les qua­tre aspects, émo­tions, qui per­me­t­tent d’éviter la monot­o­nie et qui don­nent sat­is­fac­tion aux qua­tre prin­ci­pales sen­si­bil­ités de danseurs.

Bien sûr, cer­tains pour­raient danser cinq heures sur du d’Arienzo ou des musiques de la même caté­gorie, mais dans une milon­ga, il y a for­cé­ment des danseurs qui aiment mieux d’autres styles et il con­vient de les iden­ti­fi­er et d’alterner les ten­dances.

On entend par­fois qu’il faut pro­pos­er une tan­da ryth­mique, puis une plus lyrique, ce n’est pas faux, mais c’est une sim­pli­fi­ca­tion de ce qui précède. Le ludique et l’urbain en oppo­si­tion à l’intellectuel et au roman­tique. On peut/doit, entr­er plus dans les détails quand on est DJ pour éviter le gros prob­lème des milon­gas, les danseurs qui restent deux tan­das d’affilé sans danser…

Le DJ remar­quera, par exem­ple, que les danseurs sont plutôt ludiques. Il pro­posera donc plus de tan­das d’un style com­pa­ra­ble à d’Arienzo et ain­si de suite. En fin de milon­ga, il y a par­fois besoin de plus d’intimité et de roman­tisme. Le DJ va pro­gres­sive­ment baiss­er « le feu » pour ter­min­er avec une tan­da hyper roman­tique. D’autres fois c’est l’inverse. Il faut don­ner la pêche quand les gens vont devoir faire de la route pour ren­tr­er chez eux afin qu’ils restent avec des étoiles dans les yeux le plus longtemps pos­si­ble.

Il n’y a donc pas de règle absolue… Le plus beau tan­go du Monde ne sera pas le même dans les deux cas.

Mais quel est le plus beau tango du Monde ?

Je ne vais pas vous deman­der de relire ce que j’ai écrit au-dessus, je vais vous don­ner des indi­ca­tions. De nom­breux sites, pages Face­book, ont fait ce type d’enquêtes, avec des résul­tats très divers.

La réal­ité est qu’il s’agit de don­nées très insta­bles. Ain­si, les sta­tis­tiques de Tan­goTec­nia don­naient des scores dis­pro­por­tion­nés pour le Sex­te­to Milonguero. En analysant plus pré­cisé­ment les don­nées, on se rendait compte que les femmes aimaient deux fois plus cet orchestre que les hommes. Je pense que le charisme et la voix de Javier di Ciri­a­co ne sont pas étrangers à ces sta­tis­tiques.

Le fait de pass­er par un orchestre con­tem­po­rain (même si ce sex­te­to n’existe plus) per­met d’avoir une autre source de don­nées, les musiques jouées par les orchestres.

D’Arienzo et sou­vent les d’Arienzo tardifs ont la faveur des orchestres de danse. Ani­bal Troi­lo et Pugliese sont aus­si sur­représen­tés dans les orchestres actuels.

Les danseurs en enten­dant régulière­ment les mêmes thèmes, s’y habituent, les dansent mieux, car ils devi­en­nent plus faciles à impro­vis­er et finale­ment, il en résulte une meilleure impres­sion et une mon­tée dans le classe­ment.

Les DJ, notam­ment ceux qui utilisent des playlists, en pas­sant tou­jours les mêmes titres, aug­mentent cet effet de recon­nais­sance.

Hier, le DJ rési­dant d’une milon­ga de Buenos Aires a passé deux fois de suite Poe­ma (Canaro Mai­da), par suite d’une mau­vaise manip­u­la­tion dans son logi­ciel. Les danseurs ont souri et ont dan­sé une deux­ième fois Poe­ma, d’autant plus que le DJ dan­sait avec sa fiancée et qu’on pou­vait par­don­ner ce dou­blon roman­tique. Lorsque Poe­ma a com­mencé pour la troisième fois, le DJ a cou­ru à son poste pour lancer Invier­no. Les danseurs ont pris la chose avec beau­coup de sym­pa­thie et ont beau­coup applau­di le DJ (ce qui est rare à Buenos Aires).

Ce type de raté sur un titre moyen­nement appré­cié aurait été plus sévère­ment appré­cié.

Poe­ma est en effet un des tan­gos préférés des danseurs, comme en témoignait une enquête de 2014 de Tan­goTec­nia qui indi­quait que près de 18 % des sondés en fai­saient leur tan­go préféré.

2 Tan­gos préférés pour danser (liste établie par Tan­goTec­nia en 2014 sur un pan­el de 1282 votants).

Si vous prenez la peine de con­sul­ter cette liste qui a désor­mais dix ans, vous con­staterez tout de même que la plu­part des titres pro­posés sont encore dans le domaine des titres qui « marchent ».

Dans cette obser­va­tion, on peut décou­vrir l’empreinte des DJ qui ont for­cé­ment encour­agé les titres à suc­cès, ce qui a ren­for­cé l’estime pour ces titres.

D’autres titres ont été vic­times de ce suc­cès, car ils cor­re­spondaient à un effet de mode, par exem­ple car il a été mis en avant par un orchestre à suc­cès.

Prenons l’exemple de Mi Vie­ja Lin­da (ne la cherchez pas dans cette liste, elle n’y est pas, car en 2014, per­son­ne n’aimait ce titre qui avait été peu enreg­istré avant que le « Sex­te­to Cristal » en fasse un tube (en 2018). Dans un autre genre, le phénomène Sex­te­to Milonguero de l’époque est totale­ment éteint aujourd’hui et même chez les femmes, ce n’est plus le pre­mier orchestre du Monde.

Une autre source de don­nées est con­sti­tuée par les pub­li­ca­tions de musique. Cer­tains titres ont été enreg­istrés par dix orchestres et par­fois à plusieurs repris­es et d’autres n’ont été enreg­istrés qu’une fois. Les dates d’enregistrements sont égale­ment très utiles pour retrac­er les modes au vingtième siè­cle. Un titre va être enreg­istré cinq ou six fois en deux ou trois ans, puis devenir silen­cieux pour ne réap­pa­raître que dix ou vingt ans plus tard.

Un excel­lent out­il pour décou­vrir cela est la base de don­nées de tango-dj.at. Dans la copie d’écran suiv­ante, on peut voir la discogra­phie de Poe­ma qui a été enreg­istré prin­ci­pale­ment dans les années 30, mais qui est resté sur le devant de la scène et par­fois de façon renou­velée grâce à des orchestres con­tem­po­rains comme la Roman­ti­ca Milonguera.

3 Dans la base de don­nées de tango-dj.at, on trou­ve Poe­ma enreg­istré 29 fois par 28 orchestres (Héc­tor Pacheco l’a enreg­istré deux fois).

Les spé­cial­istes se pencheront sur les cat­a­logues des édi­teurs de l’époque, mais il faut suiv­re les orchestres quand ils ont changé d’éditeur et la com­pi­la­tion pour un orchestre don­née n’existe pas tou­jours si on excepte des sommes, comme le cat­a­logue Canaro de Christoph Lan­ner.
https://sites.google.com/site/franciscocanarodiscografia/prefacio

4 Les enreg­istrements de Fran­cis­co Canaro (le chef d’orchestre qui a le plus enreg­istré) représen­tent 200 pages de don­nées. Le for­mi­da­ble tra­vail de Christoph Lan­ner vous per­me­t­tra de vous y retrou­ver si vous vous pas­sion­nez pour son œuvre.

Sig­nalons aus­si tango.info qui n’est pas très com­plet, mais que vous crois­erez sûre­ment si vous faites une recherche Google… https://tango.info/T0030142643 pour y trou­ver Poe­ma…

5 Les sta­tis­tiques selon les goûts des vis­i­teurs du site El Reco­do tan­go.

Une enquête plus récente puisqu’elle est mise à jour en temps réelle est celle qui est réal­isée par le site El Reco­do. Poe­ma n’est pas dans la liste. On décou­vre à la place une sélec­tion bien dif­férente et par cer­tains aspects sur­prenants, mais qui témoignent d’une évo­lu­tion.

Par exem­ple, en 2014, année du cen­te­naire de sa nais­sance, Troi­lo était peu joué en France, ce qui n’était pas le cas à Buenos Aires où il est adoré. Je me sou­viens cette année avoir fait une année Troi­lo avec par­fois cinq tan­das de lui dans une milon­ga. Ma petite pierre et celle d’autres col­lègues DJ et de cer­tains orchestres ont fait que désor­mais, Troi­lo est incon­tourn­able en France, égale­ment.

En regar­dant cette liste, on se rend compte que beau­coup de titres sont classés des deux côtés, tan­gos à écouter et à danser. Cer­tains, superbes à danser, sont seule­ment du côté de l’écoute, comme Café Dominguez (qui a cepen­dant la dif­fi­culté d’être dif­fi­cile à cas­er dans une tan­da cohérente et que l’on va générale­ment associ­er à des titres plus anciens avec Var­gas). Je pense qu’il manque une véri­ta­ble liste de tan­gos à écouter et qui ne seraient pas à danser et que la liste des tan­gos à danser pour­rait être opti­misée. Garua appa­rais­sant deux fois dans les plus dans­ables peut être sur­prenant, ain­si que le peu de titres de d’Arienzo ou Di Sar­li en regard du nom­bre de titres de Calo…

Faisons bouger les lignes

Le rôle du DJ n’est pas seule­ment de savoir pro­pos­er ce qui plaît, mais aus­si d’éduquer les danseurs en les pous­sant à abor­der des musiques moins famil­ières.

Ce type de sta­tis­tiques est donc utile pour définir les gen­res, les ten­dances du moment, mais cela ne dis­pense pas le DJ d’interroger le riche réper­toire pour trou­ver des équiv­a­lents.

Lorsqu’un tan­go peu con­nu fait un suc­cès lors d’un événe­ment, le titre monte rapi­de­ment en renom­mée, car le monde du tan­go est tout petit. Rapi­de­ment, il fera le tour du Monde et fini­ra par devenir un incon­tourn­able ou une scie, voire de retomber dans l’oubli.

Le « bon tan­go » est le tan­go d’un moment. Pour être un excel­lent tan­go de danse, il doit dis­pos­er de qual­ités pro­pres per­me­t­tant d’enrichir l’improvisation. C’est surtout impor­tant là où il y a d’excellents danseurs (ceux qui dansent avec la musique ou plutôt, qui dansent la musique). Ces derniers sont très exigeants et s’ils dansent avec con­vic­tion sur les grands suc­cès des milon­gas, ils seront enchan­tés lorsque le DJ lui pro­posera un titre moins ressas­sé, voire incon­nu, mais qui a toutes les qual­ités pour être Le plus beau tan­go du Monde pour la tan­da en cours.

DJ BYC Bernar­do, Buenos Aires, 2024-01-07