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Les styles du tango

El Mundo du dimanche 1er octobre de 1944.

Il semble que tout a été dit sur les styles de tango. Je vous propose cependant un petit point, vu essentiellement sur l’aspect du tango de danse.

Ce qu’il convient de prendre en compte, c’est que les périodes généralement admises sont en fait toutes relatives.

Les orchestres ont, selon les cas, continué un style qui leur réussissait au-delà d’autres orchestres et a contrario, d’autres ont innové bien avant les autres, voire, sont revenus en arrière, remettant en avant des éléments disparus depuis plusieurs décennies.

On peut donc avoir deux enregistrements contemporains appartenant à des courants forts différents. C’est particulièrement sensible à partir des années 50, où la baisse de la pratique de danse a incité les orchestres à développer de nouveaux horizons, souvent en réchauffant des plats plus anciens.

Les origines (avant le tango)

Il ne s’agit pas ici de trancher dans un des nombreux débats entre spécialistes des origines. Du strict point de vue de la danse, les premiers tangos sont proche du style habanero et par conséquent, c’est plus du côté des habaneras qu’il convient de trouver la forme de danse.

La habanera

Vous connaissez ce rythme. DaaaTadaTaDaaa

Pour ceux qui ne sont pas lecteurs de la musique, les barres rouges (croches pointées) correspondent à 3 unités temporelles relatives (double croche), les barres bleues à une unité temporelle (double croche) et les barres vertes à une unité temporelle (croche). Les barres sont donc proportionnelles à la durée des notes. Au début de la portée, il y a l’indication 2/4. Cela signifie qu’il y a deux noires par mesure (espace entre deux barres verticales). Les croches valent la moitié d’une noire en durée et les doubles croches la moitié d’une croche. Voilà, vous connaissez la lecture du rythme en musique (ou pas…).
Rythme de la habanera au piano. retrouvez le DaaaTadaTaDaaa…

La habanera porte ce nom, car c’est une restitution d’un rythme cubain. L’inventeur du genre est Sebastián de Iradier qui a composé El arreglito (le petit arrangement) où il joue avec ce rythme. En voici un extrait et je suis sûr que cela va vous rappeler quelque chose.

Axivil Criollo – El Arreglito – Compositeur Sebastián de Iradier vers 1840.

Avez-vous trouvé ?

Oui, vous avez trouvé. Ce cher Georges Bizet a piqué la musique de Sebastián de Iradier.

Teresa Berganza chante la Habanera de Carmen de Bizet (le copieur 😉

Ce rythme, très présent dans les premiers tangos, est devenu plus discret, sauf pour les milongas qui l’ont largement exploité.

Dans la milonga criolla (ici par l’orchestre de Francisco Canaro 1936-10-06), on reconnait parfaitement le rythme de la habanera qui a été accélérée et est devenue une des pierres de construction des milongas.

Lorsque le tango de danse a perdu de son élan, les orchestres sont revenus à ces formes traditionnelles, au point que les compositeurs l’on réintroduit très largement.

Autres apports

En parallèle, des formes chantées, notamment par les payadors et des danses, traditionnelles, voire tribales, ont influencé ces prémices, donnant une grande richesse à ce qui deviendra le tango, notamment à travers ses trois formes dansées, le tango, la milonga et la valse.

Les payadors

On lit parfois que Gardel était un payador. Cependant, même s’il était ami de José Bettinotti, il n’a pas été directement l’un de ces chanteurs qui s’accompagnaient à la guitare en improvisant. Cependant, l’influence des payadors est indéniable pour le tango, comme vous pouvez en juger. Par cet extrait, qui avec ses relents d’habanera pourrait s’approcher d’une milonga lente ou d’un canyengue.

José Bettinotti, El cabrero circa 1913

Exemple d’influence africaine

Parmi les sources, on met en avant des origines africaines. Même si l’Argentine n’a pas été une terre d’esclavage très marquée, contrairement à beaucoup d’autres payés du continent américain, il y a eu une communauté d’origine africaine relativement importante au XIXe siècle. Celle-ci s’est atténuée par l’émigration, les mariages avec des populations d’autre origines et quelques faits guerriers où ils ont servi de chair à canon.

Même si l’Argentine a absorbé des éléments, c’est plutôt la province de l’Est, l’Uruguay qui a le plus été influencé par ces musiques, notamment les percussions.

Candombe solo para Uruguayos – Hugo Fattoruso – “Caminando” , Toma de Sonido Dario Ribeiro

Le candombé et la milonga candombé se retrouvent à la mode dans les années 50, bien avant que Juan Carlos Cacéres relance la mode.

Siga el baile 1953-10-28 – Alberto Castillo y su Orquesta Típica dirigé par Ángel Condercuri.

La dénomination “tango” est souvent associée à la déformation de “tambo” et désignait des lieux ou la communauté noire dansait. Il faut voir un jugement négatif par la bonne société blanche. Le terme est devenu synonyme de bamboche, de débauche, ou pour le moins de moeurs légères. La musique des faubourgs, même si elle n’était pas issue des Africains a hérité de ce vocable péjoratif, lorsque le tango s’est développé dans les bordels et autres lieux choquants pour la bonne société.

Les origines européennes

L’immigration européenne a apporté sa musique. Pour el vals, même criollo, on est très proche de la valse et des artistes comme Canaro ont même adopté des valses viennoises.

Pour la milonga, c”est un peu moins évident de retrouver des sources européennes, si ce n’est que la mode de la habanera en Europe et les échanges dans le monde latinoaméricain ont favorisé sa diffusion. La habanera symbolisait le marin pour l’Europe. La milonga, on devrait même écrire les milongas sont une salsa, un mélange d’influences.

Les débuts du tango dans les faubourgs et les milieux interlopes ont conduit celui-ci à des formes assez populaires, voire outrées que le canyengue d’aujourd’hui a du mal à retraduire en totalité.

La naissance européenne

Disons-le, tout bonnement, ce tango d’avant le tango n’est pas au sens strict du tango. À cela se rajoute que les rares enregistrements de l’époque ont été réalisés par voie acoustique et qu’ils ne sont donc pas du tout adaptés à nos oreilles contemporaines.

Voir les progrès de l’enregistrement pour plus d’informations sur l’enregistrement acoustique.

Vus les lieux où le tango était joué et malgré la fréquentation par des ninos bien (jeunes hommes de bonne famille), le tango ne s’est pas fait une place importante en Argentine avant d’acquérir ses lettres de noblesses en Europe et notamment en France.

Le style du tango, avant le tango…

Avant 1926, date des premiers enregistrements électriques, pas d’enregistrements utilisables en danse.

Argañaraz – Orquesta Típica Criolla Alfredo Gobbi (1913)

Comme vous pouvez vous en rendre compte, le style sommaire et monotone de la musique est renforcé par l’obligation de jouer de façon assez forte et peu nuancée pour que le pavillon puisse graver le support d’enregistrement. On retrouve cependant certains éléments « Canyengue » que l’on connaît par les enregistrements électriques.

Je vous propose à titre d’exemple, Zorro gris un enregistrement électrique de 1927 par Francisco Canaro.

Zorro gris 1927-08-22, Francisco Canaro (enregistrement électrique).

La vieille garde (Guardia vieja)

Gobbi et Canaro, dans la première partie de leur carrière, sont des représentants de ce que l’on a nommé la vieille garde. On ne peut pas réduire cela au canyengue, car dès les années 20 des rythmes différents avaient vu le jour. Se détachant progressivement du style claudicant du canyengue, les orchestres abandonnent la habanera, accélèrent le rythme. Des titres en canyengue deviennent des milongas, comme par exemple : Milonga de mis amores, ici dans la version de Canaro en 1937 et qui a encore des accents de canyengue :

Extrait de Milonga de mis amores 1937-05-26, Francisco Canaro

contrairement à la version de la même année par Pedro Laurenz :

Extrait de Milonga de mis amores 1937-07-14, Pedro Laurenz canta Héctor Farrel

Ou celle du même de 1944 :

Extrait de Milonga de mis amores 1944-01-14, Pedro Laurenz

Des orchestres anciens évoluent, comme Di Sarli ou d’Arienzo, notamment à l’arrivée de Biagi dans l’orchestre et on arrive à la grande période du tango, l’âge d’or.

L’âge d’or (Edad de oro)

C’est la période considérée comme la plus adaptée au tango de danse. C’est logique, car à l’époque, le tango était une danse à la mode et chaque semaine, plusieurs orchestres se produisaient.

El Mundo du dimanche 1er octobre de 1944. En rouge, les 4 piliers se produisent le même jour (Hoy). En bleu des orchestres de second plan, tout à fait dansables et en vert, des orchestres un peu moins pertinents pour la danse.

On voit l’énorme choix qui s’adressait aux danseurs. Les musiciens jouaient ensemble plusieurs fois par semaine et il y avait un climat d’émulation pour ne pas dire de compétition entre les orchestres.

On remarquera qu’en face de chacun des orchestres de tango, il y a un orchestre de « Jazz ». En effet, les bals de l’époque jouaient des genres variés et les orchestres se spécialisaient.

Certains comme Canaro avaient deux orchestres, ce qui lui permettait d’assurer les deux aspects de la soirée. D’ailleurs, Canaro utilise des cuivres dans son orchestre de tango, il jouait donc de la limite entre les deux formations. Vous avez pu écouter cela dans l’extrait de Milonga de mis amores, ci-dessus.

Chaque orchestre se distinguait par un style propre. Certains étaient plus intellectuels, comme Pugliese ou De Caro, d’autres plus joueurs, comme Rodriguez ou D’Arienzo, d’autres plus romantiques, comme Di Sarli ou Fresedo et d’autres plus urbains, comme Troilo.

Aujourd’hui, dans les milongas, le DJ s’arrange pour proposer ces quatre orientations pour éviter la monotonie et contenter les différentes sensibilités des danseurs.

Même si la production de l’époque est essentiellement tournée vers la danse, il y a également une production pour l’écoute.

Sur les disques de l’époque, il est facile de faire la différence, notamment pour les tangos avec chanteur. En effet, un tango à danser est indiqué : Nom de l’orchestre canta ou estribillo cantado por Nom du chanteur. Un tango à écouter est indiqué Nom du chanteur y su orquesta dirigido por ou con (avec) Nom de l’orchestre.

Nous n’entrerons pas dans les détails en ce qui concerne les styles des orchestres de l’âge d’or, cela fait l’objet d’un de mes cycles de cours/conférence (mini 3 h, voire 6 h). Il convient seulement de savoir reconnaître le tango de danse et de savoir apprécier les différences de style entre les orchestres.

Pour les DJ, il est important de tenir compte de l’évolution des styles du même orchestre. Il est souvent moins grave de mélanger deux orchestres enregistrés à la même époque que de mélanger deux enregistrements d’époques stylistiquement différentes du même orchestre.

Tango Nuevo

C’est celui initié par De Caro, repris ensuite par Troilo, Pugliese et Piazzolla, par exemple. Il est encore très vivant, notamment chez les orchestres de concert.

À noter que Pugliese et Troilo sont bien sûr des piliers du tango de bal et que leurs incursions nuevos, pas toujours pour la danse, ne doivent pas masquer leur importance dans le bal traditionnel.

N’oublions pas que Pugliese a aussi bien enregistré du canyengue, que du tango classique avant de faire du Nuevo… Curieusement, le tango dit nuevo reprend souvent des motifs les plus anciens, notamment la habanera des tout premiers titres du XIXe siècle.

Tango Electronico

Style Gotan Project. Il se caractérise principalement par une batterie et l’utilisation d’instruments électroniques. Curieusement, il est parfois assez proche, d’un point de vue rythmique, du tango musette qui est l’évolution européenne et notamment franco-italienne, du tango du début du XXe siècle.

Comme DJ, j’évite et en tout cas je n’en abuse pas car cette musique est très répétitive et ne covient pas aux danseurs avancés. Cependant, il faut reconnaître que cette musique a fait venir de nouveaux adeptes au tango.

Tango alternatif

Le tango alternatif consiste à danser avec des repères « tango » sur des musiques qui ne sont absolument pas conçues comme telles.

Par exemple, la Colegiala de Ramirez est un tango alternatif, puisqu’on le danse en “milonga” alors que c’est un fox-trot.

Certains DJ européens placent des zambas que les danseurs dansent en tango. Quel dommage quand on sait la beauté de la danse.

N’oublions pas la dynamique « néotango » qui consiste à danser sur toute musique, chanson, de tout style et de toute époque. Cela ouvre des horizons immenses, car la très grande majorité de la musique actuelle est à 4 temps et permet donc de marcher sur les temps.

Ce qui manque souvent à cette musique, c’est le support à l’improvisation. On peut lui reconnaître une forme de créativité dans la mesure où elle permet / oblige de sortir des repères et donc d’innover. Mais est-t-il vraiment possible d’innover en tango ? C’est un autre débat.

Pourquoi l’âge d’or est bien adapté à la danse

Si on étudie un tango de l’âge d’or, on y découvrira plusieurs qualités favorisant la danse :

  • La musique a plusieurs plans sonores. On peut choisir de danser sur un instrument (dont le chanteur), puis passer à un autre. On peut aussi choisir de danser uniquement la marcation (tempo). Les instruments se répondent. On peut ainsi se répartir les rôles avec les partenaires en reconstituant le dialogue en le dansant.
  • La musique se répète plusieurs fois, mais avec des variations. Cela permet de découvrir le tango au cas où il ne serait pas connu et la seconde fois, l’oreille est plus familière et l’improvisation est plus confortable. Cette reprise est en général différente de la première exposition, mais reste tout à fait comparable. Par exemple, la première fois le thème est joué au violon ou au bandonéon et la seconde fois, c’est le rôle du chanteur ou d’un autre instrument. Si c’est le même instrument, il y aura de légères différences dans l’orchestration qui rendra l’écoute moins monotone.
  • Les changements de rythme, phrases, parties, sont annoncés. Un danseur musicien ou exercé sait reconnaître les parties et peut « deviner » ce qui va suivre, ce qui lui permet d’improviser plus facilement sans dérouter sa partenaire. Je devrais plutôt mettre cela au pluriel, car les deux membres du couple participent à l’improvisation. Si la personne guidée a envie d’appuyer, de marquer un élément qui va arriver, elle a le temps d’alerter le guideur pour qu’il lui laisse un espace. Les musiques alternatives ou des musiques d’inspiration pus classiques, comme certaines compositions de Piazzolla » proposent souvent des surprises qui font qu’elles ne permettent pas de deviner la suite, ou au contraire, sont tellement répétitives, que quand revient le même thème de façon identique et mécanique, les danseurs n’ont pas de nouvelles idées et finissent par tomber dans une routine. Évidemment, les danseurs qui n’écoutent pas la musique et qui se contentent de dérouler des chorégraphies ne verront pas de différences entre les différents types de tango. Ceci explique le succès des pratiques neotango auprès des débutants, même si ces bals ont aussi du succès auprès de danseurs plus affirmés. En revanche, on ne fera jamais danser, même sous la menace, un Portègne sur ce type de musique, en tout cas, en tango…

Ne faut-il danser que sur des tangos de l’âge d’or ?

Non, bien sûr que non. Les canyengues et la vieille garde comportent des titres sublimes et très amusants ou intéressants à danser. Certains danseurs sont prêts à danser plusieurs heures d’affilé sur ces rythmes. Cependant, un DJ qui passerait ce genre de musique de façon un peu soutenue à Buenos Aires se ferait écharper…

Quelques musiques modernes donnent des idées agréables à danser. Pour ma part, je propose souvent une tanda de valses « originales ». Le rythme à trois temps de la valse reste le même que pour les tangos traditionnels et le besoin d’improvisation est moins important, car il s’agit surtout de… tourner.

Même si les danseurs avancés aiment moins danser sur les d’Arienzo des années 50 ou postérieures, ils n’y rechignent pas toujours et l’énergie de ces musiques plaît à de très nombreux danseurs. C’est donc un domaine à proposer aux danseurs. D’ailleurs, les orchestres qui font à la manière de du d’Arienzo sont particulièrement nombreux. C’est bien le signe que c’est toujours dans l’air du temps.

Pour terminer, je précise que je suis DJ et que par conséquent, mon travail est de rendre les danseurs heureux. J’adapte donc la musique à leur sensibilité.

Pour un DJ résident, en revanche, il est important d’ouvrir les oreilles des habitués. Dans certains endroits, le DJ met toujours le même type de musique, pas forcément de la meilleure qualité pour la danse. Le problème est qu’il habitue les danseurs à ce type de musique et que quand ces derniers vont aller dans un autre endroit, ils vont être déroutés par la musique.

L’innovation, c’est bien, mais il me semble qu’il faut toujours garder un fond de culture « authentique » pour que le tango reste du tango.

Carlos Gardel, enfant de France

Carlos Gardel à Albi en 1934

Même si la polémique semble éteinte, il reste quelques foyers de résistance refusant encore d’attribuer la naissance de Carlos Gardel à Toulouse.

Article publié le 14 NOVEMBRE 2016 sur l’ancien site
Depuis, un excellent site a vu le jour sur le sujet (Musée virtuel Gardel). Vous y trouverez des compléments.

Dans cette mise à jour, j’y fais quelques liens et références. 

La dispute sur la nationalité de Gardel

Plusieurs documents irréfutables existent pour prouver la nationalité d’origine de Carlos Gardel. Ils sont plus solides que les documents Uruguayens qui sont des déclarations très largement postérieures à la naissance de Gardel et qui avaient probablement des buts du genre, se faire oublier pendant la première guerre mondiale où il aurait été considéré comme déserteur, car né français et pour éviter (en 1920) certaines poursuites en se rendant blanc comme… plâtre (escayola) en s’inventant une filiation comme  » Carlos Escayola » fils de Carlos Escayola et María Gardel, ce Carlos Escayola étant rapproché d’un fils d’un second mariage d’un Colonel Carlos Escayola né en 1876 (soir 14 ans plus vieux que l’âge français de Gardel). À noter que les deux « parents » sont morts à la date de l’établissement de ces documents, ce qui semble pratique et peut convaincre qu’ils n’avaient pas connaissance de ce rejeton encombrant…

Consultez les documents du Musée virtuel Gardel sur la position militaire de Garde.

« En 1920 la compañía de Rosas lo convocó para viajar a España por una temporada teatral. Él estaba indocumentado, porque el hecho de no concurrir a la embajada para registrarse como ciudadano francés le impidió recibir la cartilla militar y el registro en gendarmería. Entonces, él decidió en 1920 inscribirse en el consulado uruguayo amparándose en una legislación muy particular para súbditos uruguayos residentes en otros países. Se registró como uruguayo nacido en Tacuarembó tres años antes de su verdadero nacimiento: se anotó como nacido el 11 de diciembre pero de 1887. En vez de poner Gardes, se inscribió como Gardel, su nombre artístico.«  En 1920, la compagnie de Rosas l’invite à voyager en Espagne pour une tournée théâtrale. Il était sans papier car il n’était pas allé se faire enregistrer à l’ambassade comme citoyen français et n’a donc pas reçu ses papiers (sinon, il aurait du partir faire la guerre en 1918 et aurait été arrêté comme déserteur s’il l’avait fait par la suite). Ainsi, décida-t-il de s’inscrire au consulat uruguayen en vertu d’une législation spéciale pour les sujets uruguayens résidant dans d’autres pays. Il a été inscrit comme étant né à Tacuarembó, trois ans avant sa date de naissance réelle, le 11 décembre de 1887. Au lieu de choisir Gardes, il pris son nom d’artiste, Gardel.

On attribue souvent à ce manquement à ses obligations militaires en France, la composition de silencio
« Dice la « leyenda », que Carlos Gardel y Alfredo Le Pera visitaron en Francia la tumba de 5 hermanos y su madre, que habrían muerto durante la Gran Guerra de 1914-18. Y que quedaron tan impresionados por lo visto, que esa misma noche compusieron la canción.«  La légende prétend que Carlos Gardel et Alfredo La Pera visitèrent en France la tombe de cinq frères et leur mère, tués pendant la grande guerre 14-18 et qu’ils ont été tellement impressionnés par cette visite qu’ils écrivirent la chanson la nuit même.

Vous trouverez en bas de page, des liens vers divers documents, comme des cartes postales écrites à sa famille française, cartes difficiles à expliquer s’il était effectivement uruguayen…

Revenons donc aux documents originaux, établis au noms de Charles Gardes :

Les preuves de la naissance à Toulouse d’un Charles Gardes

Acte de naissance de Charles Romuald Gardes à l’hôpital de la Grave à Toulouse

Acte de naissance de Charles Romuald Gardes à l’hôpital de la Grave à Toulouse Cet acte indique que le 11 décembre 1890, Charles Romuald est né à deux heures du matin à l’hôpital de la Grave.
Copie littérale de l’acte de naissance de Charles Romuald Gardes à l’hôpital de la Grave à Toulouse Cet acte indique que le 11 décembre 1890, Charles Romuald est né à deux heures du matin à l’hôpital de la Grave.
Registre de l’hospice de la Grave avec le nom de la mère de Charles Gardes.

Acte de Baptême de Carlos Gardel

Acte de baptême de Carlos Gardel, le 11 décembre, lendemain de sa naissance.

Ces quatre documents incontestables prouvent qu’un enfant de sexe male est né à Toulouse et qu’il s’appelait Charles Romuald Gardes. Reste à prouver que ce bambin est bien allé en Argentine.

Le document témoignant de son entrée en Argentine

Ce titre est émis par la Direction Générale de l’immigration de la République Argentine sous le numéro 122 (sa mère est sous le numéro 121).

Récipissé d’inscription dans les registres de l’immigration argentine en date du 11 mars 1893 établi au nom de Charles Gardes, âgé de 2 ans, en provenance de Bordeaux sur le vapeur Don Pedro.

Récipissé d’inscription dans les registres de l’immigration argentine en date du 11 mars 1893 établi au nom de Charles Gardes, âgé de 2 ans, en provenance de Bordeaux sur le vapeur Don Pedro.

Dans ce document Gardel, s’appelle encore Gardes et son prénom est Charles.
Le 11 mars 1893, Gardel est mentionné dans ce document comme ayant 2 ans, ce qui correspond, à trois mois près à son âge exact.
La bateau est le Don Pedro, un vapeur qui devait partir du Havre le 8 février 1893 (à destination de La Plata).
On trouve trace de ce voyage, le 10 février, départ effectif du Havre avec comme capitaine Vincent Marie Crecquer.
Le 14, ce bateau partait de Pauillac (où auraient embarqué Berthe et Charles) à destination de Santa Cruz de Tenerife où il arrive et repart le 20 février pour se lancer dans la traversée de l’Atlantique jusqu’en Uruguay.
Il arrive le 9 mars à Montevideo et en repart le 10 pour Buenos Aires où il arrive probablement le 11 mars si on tient compte de la durée de la traversée du Rio de la Plata et des dates des certificats d’immigration de Berthe et Charles.
Il y a un petit doute sur la date d’arrivée, les documents maritimes évoquant le 12 mars pour le débarquement. On peut très bien imaginer que les autorités d’immigration sont montés à bord le 11, à l’arrivée, mais que le désembarquement ne s’est effectué que le lendemain pour tenir compte des délais de quarantaine de 48 heures.
Le bateau est ensuite reparti pour le Havre, chargé de viande congelée…
Reste que certains documents manquent, comme les registres de l’immigration confiés au CEMLA et évaporés pour les années 1882-1925… Pour cette raison, on ne peut pas retrouver l’écriture correspondant au certificat 122 de l’immigration. Certains en profitent pour diminuer la force de l’origine française, s’appuyant aussi sur l’absence du registre de création des passeports français pour les années entourant le départ supposés des Gardes.

Courriers et interactions avec sa famille française

Carte postale envoyé à ses grands parents, en France

Carte postale de Carlos Gardel à ses grands-parents en France

Mes chers grands parents / Bonne et heureuse Année
Je vous envoie cette petite carte postale pour vous dire que toujours je pense à vous avec affection, ainsi qu’ à ma bonne tante Charlotte et à mon bon oncle Jean.
Ici, nous sommes trés contents que vous soyez en bonne santé. Nous allons bien, et bientôt, Si Dieu le veut, je reviendrai passer quelques moments avec vous.
Sans autre chose à ajouter, votre petit fils qui vous aime et n’oublie pas.

Carlos

Cité par Christiane Bricheteau dans son livre : Traduction Monique Ruffié pour le Musée Virtuel Gardel.

La famille française de Carlos Gardel

Carlos rendra également visite à sa famille en France, notamment à Toulouse et Albi. Là encore, ces documents sont précieux pour prouver ses origines. Quel serait l’intérêt d’un artiste célèbre comme Carlos Gardel de s’inventer une famille “bidon” en France.

Une des photos prises à Albi en 1934 avec à la gauche de Gardel (à droite sur la photo), son oncle Jean Marie Gardes et sa tante Charlotte Laurence, seconde femme de Jean et belle-sœur de Berthe.

Sur le Musée virutel Gardel, vous trouverez de nombreux autres éléments au sujet de sa famille albigeoise et toulousaine.

Arbre généalogique de Carlos Gardel réalisé par Georges Galopa en 2013 d’après celui d’Henri Brune. Ici dans sa version actualisée en 2020. Vous pouvez le consulter sur le site du musée virtuel Gardel.

Arbre généalogique de Carlos Gardel réalisé par Georges Galopa en 2013 d’après celui d’Henri Brune.

Pourquoi Gardel changea d’identités à plusieurs reprises…

Raúl Torre et Juan José Fenoglio  réalisèrent une enquête judiciaire, relevant notamment les empreintes de Carlos Gardel dans les documents judiciaires de l’époque, ce qui permet de confirmer que le Carlos Gardel chanteur du tango et le Carlos Gardez(s) né en France en 1890, sont bien le même.

Différentes empreintes de Carlos Gardel permettant de confirmer que l’on parle toujours du même.

Dans un article paru dans Pagina 12 en 2012, on retrouve les principales raisons qui ont fait que Gardel, escroc, se devait de changer régulièrement d’identité, y compris avec l’aide d’un président argentin (Marcelo T. de Alvear)…

L’article paru dans Pagina 12 se trouve ici : 
https://www.pagina12.com.ar/diario/elpais/1-207654-2012-11-12.html 
Copie de cet article au cas où ce lien se verrait à disparaître…
Un article de 2010 de la Dépêche évoque aussi cette étude.
Copie de cet article au cas où le lien se verrait à disparaître.

Empreintes de Carlos Gardel âgé de 13 ans et 6 mois, lors de sa fugue.

Le père naturel de Carlos Gardel

Si on retient l’origine française, le père le plus probable est Paul Lasserre. Ce jeune homme, alors âgé de 24 ans est parti pour Paris deux mois avant la naissance de Carlos Gardel.

Paul Lasserre, la véritable photo selon Todo Tango. En effet, la photo habituelle, serait celle de l’oncle et pas du père.

À Paris, il a intégré la bande des Ternes et finalement a écopé de trois ans de prison. De retour à Toulouse, il fonde une famille et meurt jeune. Sa fille, âgée de 2 ans à sa mort, dit qu’il est parti en Argentine pour aider à élever le jeune Gardel. Cependant, il n’était pas sur le bateau et ses exploits parisiens sont contemporains de cette aventure argentine.
Il me semble donc plus probable que devant deux faits gênants, la famille Lasserre a choisi le moins dérangeant. Partir trois ans en Argentine pour aider à élever son fils, même obtenu hors mariage (il était célibataire à l’époque), c’est moins déshonorant que de passer trois ans en prison.

Documents et références

Les éléments précédents sont en principe suffisants pour prouver que Carlos Gardel est le Charles Romuald Gardes né à Toulouse le 11 décembre 1890. Cependant, ce serait sans compter sur l’ingéniosité des Urugayens qui n’a d’égale que leur gentillesse.

La thèse urugayenne

En prenant les documents qui ont servi à établir une fausse identité à Carlos Gardel, comme nous l’avons évoqué ci-dessus, ils avaient monté une origine plausible.

Cependant, il devenait beaucoup plus difficile de remettre en doute les documents comme le certificat de naissance, le voyage en bateau et les visites à la famille.

D’autres documents que nous n’avons pas présentés sont d’autres témoignages de l’origine française, comme les certificats du consulat de France, son testament et autre. Ces documents sont remis en cause par certains Urugayens. Admettons, comme eux, que le testament est un faux établi pour s’accaparer la fortune de Gardel. Cela n’enlève rien à la force des premeirs documents. Voici donc en résumé la nouvelle thèse :

Il y a bien un Charles Gardes né en France, mais le Carlos Gardel, chanteur fameux est en fait une autre personne, le fameux Urugayen né à Valle Edén, Tacuarembó, aux alentours de 1882-1884, et qui serait le fils du Coronel Carlos Escayola y de María Lelia Oliva, sa belle soeur… Deux personnes qui rappellons-le étaient mortes au moment où Gardel avait fait établir cette identité pour pouvoir voyager en Europe.

Je vous passe d’autres versions selon laquelle Berte Gardes serait en fait sa maîtresse et pas sa mère et qu’avec le factotum, de Gardel, Armando Defino, elle aurait monté une entourloupe pour bénéficier de l’héritage.

En appui de la thèse française :

Documents divers

En guise de conclusion

Je laisse la conclusion au Docteur Marti, cet Urugayen pein de sagesse :

Hoy ya el mito está bien consolidado en sus lineamientos y no cambia por el detalle de que Gardel haya nacido en Toulouse y no haya sido el padre de Leguisamo ni el abuelo de Julio Sosa. Este hijo natural de una lavandera y de un padre desconocido no fue uruguayo ni argentino, pero pertenece de un modo más profundo y raigal que el accidente de un parto a las dos orillas del Plata, donde todo el mundo -sin distinción de clases sociales- lo escucha con una asiduidad y una devoción que ningún pueblo puede haber tenido nunca en mayor grado por ningún cantante que haya nacido en su suelo. Lo escucha y comprueba que, émulo lírico del Cid, cada día canta mejor.

Dr. Carlos Martínez Moreno

Traduction :
Aujourd’hui, le mythe est bien consolidé dans ses contours et ne change pas car Gardel est né à Toulouse et n’était pas le père de Leguisamo ni le grand-père de Julio Sosa.
Ce fils naturel d’une lavandière et d’un père inconnu n’était ni uruguayen ni argentin, mais il appartient d’une manière plus profonde et plus fondamentale que l’accident de l’accouchement sur les deux rives de la Plata, où tout le monde – sans distinction de classe sociale – l’écoute avec une assiduité et un dévouement qu’aucun peuple n’a jamais pu avoir à un plus haut degré pour un chanteur né sur son sol.
Il l’écoute et constate qu’en émule lyrique du Cid, il chante chaque jour un peu mieux.

Dr. Carlos Martínez Moreno

Les progrès de l’enregistrement de la musique de tango

Julio de Caro jouant de son violon à pavillon avec son orchestre.

Texte publié sur l’ancien site le 

Sur la qualité des enregistrements anciens…

Dans les milongas, on ne diffuse que des enregistrements postérieurs à 1926. Savez-vous pourquoi ?

  1. La vieja guardia n’est pas toujours intéressante à danser.
  2. Les orchestres ne jouaient pas vraiment du tango avant 1926.
  3. La qualité des enregistrements antérieurs n’est pas assez bonne.

La première raison n’est pas exacte. Si à Buenos Aires la Vieja guardia est très peu diffusée, c’est loin d’être le cas en Europe. Disons que ces enregistrements sont souvent un peu pauvres et moyens à danser, mais ils sont diffusables quand ils ont été enregistrés après 1926…

La seconde n’est pas exacte non plus. La combinaison entre les différents rythmes originaux, candombe, chansons de payador, habanera, canyengue et autres avait déjà donné naissance à de véritables tango (2X4 notamment). Certains morceaux assez lents ont été ensuite accélérés et sont devenus des milongas, d’autres ont gardé le caractère du tango. Donc, ce n’est pas la seconde raison.

L’enregistrement acoustique

Et oui, c’est la troisième solution la bonne. Les premiers enregistrements étaient effectué en émettant du son dans un pavillon collecteur, afin de concentrer les vibrations sonores vers une aiguille qui gravait un sillon dans un matériau ductile (comme la cire).
Voir l’article sur le premier enregistrement sonore pour des informations plus détaillées…

Phonographe Edison 1877. Il enregistrait sur un cylindre d’étain. Il servait aussi à la reproduction.
Phonographe à cylindre Pathé Le Coquet, 1903 (Collection Charles Cros)
Enregistrement d’un chef amérindien Pied Noir par Frances Densmore en 1916
Orchestre enregistrant en acoustique. Remarquez le grand pavillon pointant vers l’enregistreur et comment les musiciens sont « empilés » pour être en face du pavillon. Le violoniste au premier plan à un violon à pavillon qui permet de donner un son plus fort et plus directionnel.
Julio de Caro jouant de son violon à pavillon avec son orchestre.
Orchestre enregistrant en acoustique. Dans la cabine, l’enregistreur sur disque de cire.
Dans cet extrait on peut voir une reconstitution des condition d’enregistrement d’avant 1926.
« El último payador » de Homero Manzi et Ralph Pappier 1950 (scénario d’Homero Manzi). Hugo del Carril joue le rôle du payador José Bettinotti, enregistrant « Pobre mi madre querida » un des succès de Bettinotti.

Dans le film d’Homero Manzi, le son est bien sûr celui de 1950, pas celui de 1912 que l’on peut entendre ici :

José Bettinotti. Pobre mi madre quarida, Circa 1912

En 1925, l’enregistrement électrique va rapidement mettre au rebut ce type d’équipement… En Argentine, il faudra attendre 1926 pour trouver les premiers enregistrements électriques, les éditeurs cherchant à écouler leur vieux stock…

L’enregistrement électrique

En 1906, l’invention du microphone a un peu amélioré le dispositif, mais ce n’est qu’en 1925 que l’enregistrement électrique a vu le jour de façon industrielle.

Le microphone est associé à un amplificateur qui permet de graver avec une grande précision les masters (disques qui serviront après moulage au pressage des disques diffusés).

Orchestre Victor jouant devant un microphone à charbon
En coulisse, l’ingénieur du son surveille la gravure du master…

Les microphones, l’âme de l’enregistrement électrique

Microphone à charbon Voxia de 1925. Il est utilisé pour les premiers enregistrements électriques (1926 pour le tango) et jusqu’à la fin des années 20.
Microphone à condensateur Western Electric 47A, utilisé de 1928 à 1935 environ.
Microphone à ruban RCA 44 A (Brevet RCA de 1931). Il est utilisé de 1935 à 1949 environ. C’est le microphone de l’âge d’or du tango.
U47 de Georg Neumann GmbH. De 1947 à nos jour, ce microphone électrostatique (“the Telly” était le fétiche de Frank Sinatra).

Écoutons la différence entre acoustique et électrique

L’orchestre de Francisco Canaro a enregistré à deux reprises le tango Caricias. Une fois en 1924, avec un système d’enregistrement acoustique et une fois en 1927, avec un système électronique.

Il est très intéressant de voir comment la qualité a été améliorée en l’espace de quelques mois…

Écoutez la différence de qualité entre l’enregistrement acoustique et l’enregistrement électrique.

Voilà donc pourquoi on n’écoute généralement pas de tangos enregistrés avant 1926 dans les milongas

Pour vous en convaincre, écoutez ces deux extraits du même thème avec des interprétations très différentes et une qualité technique fort dissemblable.

Début de : El criollo falsificado (el Porteñito) 1906 – Alfredo Gobbi y Flora – Vous voyez-vous danser là-dessus ?
Début de : El Porteñito 1928-09-26. Típica Victor (direction Carabelli). Ce titre est tout à fait passable en milonga. La qualité d’exécution et technique est très satisfaisante. Évidemment, ce style canyengue n’est pas le plus raffiné, mais de temps à autre, dans une milonga, c’est sympa.
Fin de : El Porteñito 1943-03-23. Angel d’Agostino y Angel Vargas. On notera comme le rythme s’est également accéléré, passant du canyengue à la milonga. La qualité sonore est excellente, même si celle de la Típica Victor de 1928 n’a pas à rougir.

Le plus ancien enregistrement connu

Phonographe Edison 1877. Il enregistrait sur un cylindre d’étain. Il servait aussi à la reproduction.

Je pense que vous êtes nombreux à penser que les premiers enregistrements sonores datent environ de 1877, avec l’invention d’Edison et Marie qui a un petit agneau.

En effet, si le Phonographe d’Edison est probablement le plus ancien à avoir diffusé un son enregistré, deux inventions françaises antérieures l’ont précédé.

La première et la plus ancienne est celle d’Édouard-Léon Scott de Martinville qui permettait de voir le son grâce à son Phonautographe.

La demande de brevet a été déposée le 25 mars 1857 sous la référence 1 BB 31470.

Le Phonautographe d’Édouard-Léon Scott de Martinville

Phonautographe d’Édouard-Léon Scott de Martinville fabriqué par Rudolph Kœnig.

Édouard-Léon Scott de Martinville (1817-1879) a réalisé les premières captures de son dès 1853, soit 24 ans plus tôt qu’Edison. Mais alors, pourquoi ne lui donne-t-on pas la palme du premier enregistreur ?

Pour le comprendre, il faut étudier le fonctionnement de l’engin.

Dessin du phonautographe, joint au dossier de brevet de Scott de Martinville (version de 1859). Institut National de la Propriété Industrielle (INPI).

Un pavillon canalise les sons entrants. Ce système était courant, car le cornet acoustique utilisé par les personnes ayant une baisse de l’audition utilisait déjà ce principe depuis plusieurs siècles.

Antonias Nuck (1650—1692) Cornet en forme de cor de chasse équipé d’une poignée

Cependant, contrairement aux procédés ultérieurs d’Edison, le système de Scott de Martinville enregistre la déviation d’un faisceau lumineux sur une feuille de papier sensible à la lumière.

Phonautogramme réalisé par Scott de Martinville en 1859

Le catalogue de Rudolph Kœnig

Rudolph Kœnig, fabricant de matériel de laboratoire, obtient un accord d’exclusivité pour la fabrication des Phonautographes à partir de 1859. Voici comment il décrit ce matériel dans son catalogue. Tout d’abord, dans la préface :
« Dans le présent catalogue, j’ai ajouté aux instruments d’acoustique réunis dans la dernière édition du Catalogue de M. Marloye, de 1851, et aujourd’hui partout adoptés dans les cabinets de physique, un nombre assez considérable d’appareils nouveaux.
Une partie de ces appareils sont devenus, dans l’état actuel de la science, presque indispensables pour l’étude de l’acoustique ; les autres offrent encore assez d’intérêt pour figurer dans les cours et les collections, d’instruments de physique. Je crois devoir attirer particulièrement l’attention des savants sur l’appareil de phonautographie (fixation graphique du son) reposant sur les brevets de M. L. Scott, et dont je suis le seul constructeur, parce que cet instrument ne permet pas seulement de répéter une longue série d’expériences très-intéressantes, mais qu’il donne aussi le moyen de faire un grand nombre de recherches scientifiques qui jusqu’à présent étaient restées absolument inabordables. »

Puis vient la description de l’équipement :

48. Phonautographe de M. t. Scott. 500 »

49. Le même, avec cylindre et porte-membrane en bois. 400 »
Par les trois moyens sur lesquels s’appuient les brevets de M. L. Scott, c’est-à-dire : 1° l’emploi d’un style souple et tout à fait léger ; 2° l’application de ce style sur une membrane placée à l’extrémité d’un conduit ou récepteur du son, et 3° la fixation des figures obtenues sur un papier ou tissu revêtu d’une couche d’un noir de lampe spécial, il devient possible d’obtenir avec cet appareil non seulement le tracé de tous les mouvements vibratoires des corps solides d’une manière beaucoup plus facile et complète, et sur une étendue beaucoup plus grande qu’avec les deux instruments des Nos 46 et 47, mais on peut aussi imprimer directement tous les mouvements qui s’accomplissent dans l’air ou dans d’autres fluides, et c’est par là surtout que l’appareil ouvre un champ nouveau et vaste à des recherches de ce genre.
Dans le prospectus ci-joint de M. Scott, on trouve encore des détails sur cet instrument et l’énumération d’une série d’expériences qui nous ont déjà réussi au point de pouvoir être répétées sans difficulté par tout le monde, car le maniement de l’appareil est rendu excessivement facile par la manière dont il est disposé.

50. Collection d’épreuves de tout genre obtenues par l’appareil précédent.

Extrait du catalogue de Rudolph Kœnig 1859 – Page de couverture et fascicule sur le Phonautographe.
Phonautogramme des vibrations sonores émises par des tuyaux d’orgue (Rudolph Kœnig, 1862).

Ce principe de l’enregistrement optique est viable, car il a été utilisé pendant des décennies pour le cinéma, notamment pour les grands classiques hollywoodiens qui utilisaient le son optique (procédé Movietone).

Ce qui manquait à l’époque de Scott de Martinville, c’était le système de lecture de ce que l’on avait enregistré.

L’invention de Charles Cros

Il manquait donc la partie de reproduction du son enregistré avec le Phonautographe. Charles Hortensius Émile Cros a eu l’idée vers 1876 de graver par gravure chimique des tracés réalisés avec un Phonautographe. Les gravures obtenues devaient permettre d’être reproduite en faisant se déplacer une aiguille reliée à une membrane connectée à un pavillon.

Allant plus loin dans sa logique, il considère l’idée de graver directement, sans passer par l’étape optique. Il dépose alors le 18 octobre 1876, un document décrivant « un procédé d’enregistrement et de reproduction des phénomènes perçus par l’ouïe ». Ce document est finalement enregistré par l’Académie des sciences le 30 avril 1877 et ouvert le 8 décembre, à la demande de Charles Cros, soit deux jours après l’enregistrement d’Edison (Mary has a little lamb) et plus d’une semaine avant la demande de brevet d’Edison.

Son appareil qu’il a nommé Paléophone est constitué d’une membrane vibrante dotée en son centre d’une pointe qui repose sur un « disque animé d’un double mouvement de rotation et de progression rectiligne » (c’est le principe des platines à bras tangentiel pour disques vinyles).

Paléophone de Charles Cros. Il n’est pas sûr que ce matériel ait été fabriqué, même si l’abbé Lenoir a essayé sans succès de le réaliser.

Dans le dispositif décrit par Charles Cros, le son de la voix fait vibrer la membrane qui elle-même anime l’aiguille qui trace un sillon sur le disque. Lorsque l’aiguille parcourt le sillon produit, elle transmet une vibration à la membrane qui reproduit le son du départ.

Le petit doute sur la viabilité de la solution par rapport à celle d’Edison, c’est l’utilisation de la feuille d’étain ou cuivre mince qui n’est pas clairement mentionnée dans le brevet, mais dans des écrits antérieurs, non-déposés.

Contrairement au Phonautographe, le procédé est réversible. Il enregistre et restitue les sons.

Edison est-il inventeur ou copieur ?

Si on en croit les « on-dit », l’idée qu’Edison se serait approprié l’idée de Scott de Martinville et celle de Cros ne serait pas si étonnante, si on se souvient qu’on l’accuse d’avoir également volé les idées :

  • de la lampe à incandescence à Humphry Davy
  • de la chaise électrique à Harold P. Brown
  • de la caméra à William Dickson
  • du négatif sur papier ciré à Gustave Le Gray
  • de l’utilisation des rayons X (fluoroscope) à Wilhelm Röntgen

Je ne me lancerai pas dans le débat, c’est un peu comme Gardel qui, bien que né en France, est revendiqué par les Uruguayens. L’enregistrement sonore est né en France et Edison qui était parfaitement documenté a eu plusieurs mois pour avoir connaissance du procédé imaginé par Charles Cros, d’autant plus que ce dernier a été publié par l’abbé Lenoir dans la Semaine du Clergé et que donc Edison avait tous les éléments sous la main. Le Phonautographe de Scott de Martinville et la description du dispositif de Charles Cros.

Addendum 2016 : Un article de la porte ouverte reprend avec des détails cette histoire. Les curieux pourront s’y reporter

Récemment, FirstSound a essayé de donner la parole aux enregistrements de Scott Martinville. L’idée a été de transformer les tracés en sons.

Je n’entrerai pas dans le détail des deux méthodes employées, mais vous pourrez avoir des précisions dans le site de FirstSound.

Sur ce site, vous pourrez également entendre divers enregistrements restitués, comme « Au clair de la Lune » (dans deux versions de 1860).

Parmi les enregistrements restitués, j’attire votre attention sur « Diapason at 435 Hz – at sequential stages of restoration (1859 Phonautogram) [#33] ». On peut y écouter successivement différents états de restauration du signal, le dernier étant digne d’un enregistrement moderne. Cependant, il y a plusieurs biais dans leur restitution.

La première est que ce serait l’enregistrement d’un diapason à 435 Hz. Pour ma part, je pense qu’il s’agit plutôt du diapason à 512 Hz dans la mesure où dans son catalogue, Rudolph Kœnig vend sur la même page que le Phonautographe, un diapason à 512 Hz (Ut). Ce serait assez curieux qu’il utilise un autre matériel que celui qu’il vend pour son enregistrement…

C’est d’autant plus embêtant que cela discrédite un peu les restitutions. Ils sont partis de ce qu’ils voulaient obtenir pour faire « parler » l’enregistrement. On se fiera donc plutôt au début du fichier sonore en imaginant que Rudolph Kœnig a enregistré un son plus aigu que celui qu’ils restituent.

Pour les autres enregistrements, comme « Au clair de la Lune », il faut espérer que la part d’interprétation n’est pas exagérée.

Quoi qu’il en soit, avec un siècle et demi de retard, les enregistrements de Scott de Martinville parlent et même chantent.

Merci à FirstSound pour cet exploit et Monsieur Edison, arrêtez de piquer les idées des autres.

Dans un autre article, nous évoquons l’histoire des enregistrements de tango, domaine qui nous intéresse particulièrement. Vous le trouverez au bout de ce lien.

Quelques trésors du National Recording Preservation Board de la Library of Congress

https://www.loc.gov/programs/national-recording-preservation-board/recording-registry/complete-national-recording-registry-listing/

Nom du « trésor »AuteurDate d’enregistrement
PhonautogramsEdouard-Leon Stott de Martinville1853–1861 (circa)
The 1888 London cylinder recordings of Colonel George GouraudGeorge Gouraud1888
Edison Talking Doll cylinder (November 1888)n/a1888
The Lord’s PrayerEmile Berliner 
Twinkle Twinkle Little StarEmile Berliner 
Around the World on the PhonographThomas Edison1888–1889
Fifth Regiment MarchThomas Edison1888–1889
Pattison WaltzThomas Edison1888–1889

De l’humour dans le tango “Le tango, une pensée triste qui se danse.”

Pour certains, le tango est une musique compassée, triste, à la limite dépressive.

Cette impression est bien souvent causée par une méconnaissance de cette culture, ou pour le moins par la prise en compte d’une partie trop restreinte du répertoire.

En regardant rapidement dans ma collection, j’identifie environ 200 titres clairement à classer comme faisant preuve d’humour, voire à la limite de la farce.

Bien sûr, l’humour n’est pas universel et ce qui faisait rire les Argentins dans les années 40 n’est sans doute pas ce qui fait rire un européen d’aujourd’hui.

Tout d’abord, quand on est DJ, un des buts est que les gens s’amusent. Je sais que mon travail est réussi quand les gens sourient, voire rigolent.

Beaucoup de milongas son hilarantes à danser, mais aussi certaines valses et des tangos ne manquent pas d’humour. Même ce cher Pugliese a fait des enregistrements amusants.

Le DJ joue avec les sentiments pour alterner des tandas gaies et d’autres plus romantiques voire tristes, mais avec modération, les danseurs sont là pour s’amuser, pas pour ce couper les veines.

C’est d’ailleurs une grande différence entre les milongas d’Europe et celles de Buenos Aires. Dans les premières, on se prend au sérieux, dans les secondes, on vient passer un bon moment. C’est peut-être ce genre d’attitudes qui incitent certains DJs européens à adopter des répertoires peu euphorisants.

Avec plus de 20 ans d’expérience dans le domaine, je peux témoigner que même dans les plus sérieux encuentros, l’humour a sa place et que finalement, les danseurs apprécient les musiques divertissantes, même si leur proportion est sans doute moindre dans ce type d’événement.

La vie est trop courte pour la gâcher en étant triste, la milonga est une fête et oublier que le tango est avant tout un divertissement populaire est à mon sens une erreur.

Je pense que je vais faire un article sur le sujet pour mon blog, car cela me désole de voir des danseurs s’ennuyer avec des DJs dépressifs. Ces derniers croient bien faire, mais ainsi, ils desservent l’âme du tango et c’est dommage.

Entre la vulgarité d’un Rodriguez, la joie nostalgique d’un Firpo, l’énergie euphorisante de D’Arienzo ou l’éclectisme de Canaro il y a de quoi faire.

Rions le tango !

For some, tango is a piece of compassed, sad music, bordering on depression.

This impression is often caused by a lack of knowledge of this culture, or at least by considering too small a part of the repertoire.

By quickly looking through my collection, I identify about 200 titles clearly to classify as humorous, even bordering on farce.

Of course, humour is not universal and what made Argentines laugh in the ’40s is probably not what makes a European laugh today.

First, when you’re a DJ, one of the goals is for people to have fun. I know that my work is successful when people smile or even laugh.

Many milongas are hilarious to dance, but some waltzes and tangos do not lack humour. Even this dear Pugliese made some funny recordings.

The DJ plays with feelings to alternate cheerful tandas and other more romantic or even sad ones, but in moderation, the dancers are there to have fun, not to cut the veins.

This is also a big difference between the milongas of Europe and those of Buenos Aires. In the first, we take ourselves seriously, in the second, we come to have a good time. It is perhaps this kind of attitude that encourages some European DJs to adopt repertoires that are not very euphoric.

With more than 20 years of experience in the field, I can testify that even in the most serious encuentros, humour has its place and that finally, dancers appreciate entertaining music, even if their proportion is probably lower in this type of event.

Life is too short to ruin it by being sad, the milonga is a party, and forgetting that tango is above all a popular entertainment is, in my opinion, a mistake.

I think I’m going to do an article on the subject for my blog because it saddens me to see dancers bored with depressed DJs. The latter think they are doing well, but in this way, they serve the tango’s soul, which is a shame.

Between the vulgarity of a Rodriguez, the nostalgic joy of a Firpo, the euphoriant energy of D’Arienzo, or the eclecticism of Canaro there is plenty to do.

Let’s laugh at the tango!

Le tango, une pensée joyeuse qui se danse (DJ BYC Bernardo)

Quelles sont les qualités d’un bon DJ de tango ?

Réponse à une question de Sonia Devi :

Buenos Aires (Gricel) – DJ BYC Bernardo

« Il faut du travail, mais aussi de la sensibilité, sans doute la capacité à sortir des sentiers battus tout en guidant son public, une capacité de connexion avec le groupe, du sens psychologique, de la générositéquelles sont pour toi les qualités d’un bon DJ ? ».

Lien vers la discussion sur Facebook…

Sonia, je vais répondre sur chacun des points avec le code couleur que j’ai utilisé pour mettre en valeur ta question :

Il faut du travail

Moins qu’avant, car la musique est largement disponible, bien mieux classée et de meilleure qualité qu’il y a vingt ans ou trente ans.

L’ordinateur permet de gagner beaucoup de temps pour le classement, la facilité d’écoute et la recherche des musiques.

Les choses ont tellement été simplifiées sur ces plans que toute personne ayant mis la main sur une playlist de tango et ayant un ordinateur se déclare DJ.

Si c’était si simple, cela ferait longtemps que l’on aurait créé la « playlist idéale » et qu’on la passerait dans toutes les milongas du monde.

Les humains étant versatiles, différents, les conditions de bal, les cultures, les habitudes et autres différant d’un lieu à l’autre et d’un jour à l’autre, cette fameuse playlist idéale sera obsolète dès sa deuxième tentative d’utilisation.

Tout au plus, dans des milongas régulières, on peut se permettre de passer le même type de playlist chaque semaine.

Si on intervient sur un événement différent de sa zone habituelle, les ennuis vont être bien plus importants pour ces pseudo-DJ, car ils vont se confronter à d’autres goûts et attitudes.

Ils devront donc être capables de repérer le plus rapidement possible ce qui va rencontrer le public.

La sensibilité, une capacité de connexion avec le groupe, du sens psychologique, de la générosité

Pour déterminer les goûts des danseurs, il faut savoir observer, faire preuve d’empathie. Un DJ qui ferait cela pour sa « pomme » sera difficilement un excellent DJ, car il fera préférentiellement passer ses goûts avant ceux de son public, en admettant même qu’il s’en soucie…

La sensibilité, c’est aussi avoir une culture musicale permettant de se repérer dans les époques, les styles afin de pouvoir varier les musiques et éviter les « tunnels » (succession de tandas semblables qui génèrent l’ennui).

La connexion avec le groupe, cela dépend de la personnalité du DJ. Certains sont en retrait, ne cherchent pas l’interaction avec les danseurs, mais sont très attentifs à eux. C’est le cas d’un des meilleurs DJ de Buenos Aires, Daniel Borelli.

Un autre, très différent, est Marcelo Rojas (également de Buenos Aires, mais qui tourne dans le monde entier) qui va parler à son public et se tenir majoritairement debout.

Ceux qui me connaissent savent que j’abuse parfois de cette recherche de complicité avec les danseurs. Ceux qui préfèrent les DJ inertes ne me font pas venir ou me demandent d’être discret, ce que je peux faire, bien qu’avec difficulté 😉 Jeudi prochain, je serai DJ dans une milonga très traditionnelle de Buenos Aires et je serai discret, si, si…

Les goûts des danseurs sont différents et avoir un éventail de personnalités de DJ est intéressant.

En ce qui concerne le sens psychologique, je parlerai plutôt de sens de l’observation. Remarquer la hauteur des talons, les âges, les proportions de danseurs et danseuses, leurs capacités d’écoute de la musique, comment les gens sont entre eux, s’ils se connaissent, s’ils sont plutôt joyeux ou introvertis (le but peut être de les faire changer d’attitude s’ils sont un peu trop compassés ; —)

La capacité à sortir des sentiers battus tout en guidant son public

Une fois qu’on a mis en place les éléments précédents, c’est-à-dire que l’on a :

  • Une bonne diversité de musique en stock et bien sûr, tous les « incontournables »
  • Une excellente connaissance de sa base de musique
  • Une bonne détermination des goûts et attentes des danseurs
  • Une connexion intéressante avec le groupe

On peut alors essayer de sortir des sentiers battus. Cependant, il me semble qu’il faut développer ce point avant d’aller plus loin.

Le tango est une danse assez particulière, basée sur l’improvisation. Les couples évoluent sur la musique, sans aucune chorégraphie préalable et dans une construction mutuelle de la danse. Ils doivent également tenir compte des contraintes du lieu, des déplacements des autres couples et d’autres critères pouvant aller d’un trou dans le plancher à une personne assise avec les pieds qui traînent sur la piste en passant par le serveur qui passe avec un plateau chargé de verrerie.

Toutes ces « contraintes » sont en fait des enrichissements qui permettent d’innover, d’improviser sans avoir l’impression de faire toujours la même chose. Mais les plus grandes aides à l’improvisation sont bien sûr la musique et le (la) partenaire.

Le partenaire n’est pas du ressort du DJ, sauf s’il propose des tandas roses, américaines, des femmes, des bonbons ou d’autres suggestions et encouragements à ne pas être trop strict sur les règles d’invitation et acceptation de l’invitation. Ce levier est aussi aux mains de l’organisateur.

Tout cela pour en venir à la sortie des sentiers battus. Le DJ peut apporter une note de fantaisie, mais il me semble qu’il a également la responsabilité de conduire les danseurs vers « le tango » et pas vers une danse « créative », mais qui aurait perdu les caractères de la danse originale.

Je n’ai rien contre les milongas alternatives, j’en ai même musicalisé, cependant, je suis certain qu’il est quasiment impossible de danser le tango sur ces musiques. On peut faire des « figures » de tango, adopter un abrazo milonguero ou salón, mais il manquera l’impulsion, la variété compréhensible qui rend la musique propice à l’improvisation pour que les danseurs se sentent en sécurité avec la musique.

Si la musique est hyper connue, les danseurs pourront improviser. Si la musique n’est pas connue, il faudra que les danseurs soient capables de deviner la suite, de la pressentir. C’est la limite que devra s’imposer le DJ pour ne pas déstabiliser les danseurs et leur ouvrir de nouveaux horizons.

La plupart des musiques actuelles sont à quatre temps. On peut donc avoir l’impression qu’elles sont adaptées au tango. Ce n’est malheureusement pas souvent (jamais) le cas. C’est sans doute pour cela que les danseurs de Buenos Aires sont si « traditionnels ». Ils ne trouvent pas dans des musiques trop éloignées de leur zone de confort, ce qu’ils recherchent pour construire leur danse.

Avec des danseurs moins connaisseurs, les musiques alternatives ou les tangos plus « originaux » passent relativement bien, car très peu dansent la musique. Ils peuvent danser sur la musique, mais pas la musique.

Danser sur la musique, c’est poser les pieds sur les temps et faire des pauses quand la musique en fait. Danser la musique, c’est en avoir une écoute attentive pour danser tantôt sur un instrument, tantôt sur un autre (les tangos de danse proposent d’eux-mêmes une diversité d’interprétation dans les différentes reprises du même thème). C’est prévoir les variations de rythme pour préparer sa partenaire (ou se préparer si on préfère être suiveur.

Donc, sortir des sentiers battus, ça peut tout aussi bien être de proposer un tango traditionnel, mais plus rare ou proposer une musique qui n’est pas de tango, mais qui sera à la portée des danseurs. Dans ce dernier cas, on remarquera que le plus les danseurs sont familiers avec le tango et plus ils auront du mal à s’adapter à une musique trop « étrange ».

Sortir des sentiers battus, c’est cependant une responsabilité du DJ d’un lieu donné. Dans des communautés où il y a peu de diversité dans l’offre, il arrive qu’un DJ « forme » le goût des danseurs en leur proposant un type de musique atypique. Ces danseurs seront donc habitués à d’autres sentiers et le jour où ils iront dans une milonga plus classique, ils seront déroutés et perdront ce qui fait une des grandes richesses du tango, pouvoir danser avec n’importe qui dans le monde à condition de savoir guider et suivre. On pourrait dire la même chose des « professeurs », d’ailleurs.

Pour reprendre le chemin de la question initiale, un DJ invité devra à la fois se couler dans les habitudes du lieu, mais aussi apporter sa voix/voie originale. S’il passe la même musique que le DJ résident, quel est l’intérêt de le faire venir ? Il devra donc guider les danseurs vers son univers en créant un climat de confiance. À la limite, lorsque les blancs en neige auront pris, il pourra renverser le saladier, en faisant danser sur des musiques qui ne seraient pas venues à l’esprit des danseurs.

Sonia, j’aime ton dernier point « tout en guidant son public ». Le DJ est avant tout un animateur. Il provoque des envies, qu’il retarde pour mieux les satisfaire. Il construit ses tandas pour que les danseurs se séparent comblés. Par exemple, une des règles de base qui consiste à alterner les styles est une forme très simplifiée de « donner envie ».

Après une tanda énergique, comme une tanda de milongas, il est courant de proposer une tanda plus calme, voire romantique. Si on propose une tanda tonique à la place de cette tanda calme, il faudra qu’elle soit irrésistible. Les danseurs se jetteront alors sur la piste et le moment de calme sera repoussé à la tanda suivante. Ils ne l’apprécieront que mieux.

La construction de la tanda suscite aussi l’envie. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est plus facile de faire des tandas de quatre que de trois, car on a plus de graduation pour guider les danseurs. On peut commencer calme et terminer avec beaucoup d’énergie. Dans une tanda de trois, les transitions risquent d’être plus heurtées ou il faudra se limiter dans la progression.

En résumé, il y a tellement de facteurs à prendre en compte que toutes les qualités possibles seront utiles au DJ de tango qui n’est pas un créateur comme le DJ de boîte de nuit. Il est celui qui propose avec empathie, avec le seul but de faire passer une excellente soirée aux danseurs.

Un dernier point, il doit aussi être masochiste, car la responsabilité du DJ rend le travail très stressant et il est frustrant de ne pas pouvoir danser avec les danseurs quand le bal est magnifique.

Voir aussi :
DJ de tango, la grande incompréhension
Questionnaire DJ

Questionnaire DJ -— Est-ce que c’était bien ?

Est-ce que c’était bien ? Questionnaire DJ

(Traduction de la page https://mshedgehog.blogspot.com/2012/08/was-that-good-dj-questionnaire.html) réalisée par une danseuse de Londres et publiée le samedi 4 août 2012…

Être un bon DJ est une énorme quantité de travail. Posséder beaucoup de musique n’est pas suffisant. Cela nécessite également des connaissances, du goût et une préparation extrêmement longue. Ça ne m’intéresse pas de le faire, parce que c’est beaucoup trop de travail, et je préfère danser (l’article est écrit par une danseuse londonienne (NDT BYC). Il n’est bien fait que par des gens qui aiment vraiment le faire pour eux-mêmes, et qui aiment vraiment faire le travail qui est requis.

Les danseurs mal informés et sans attentes créent un mauvais DJing et l’aident à persister, et un mauvais DJing limite la qualité globale de la danse en rendant la danse sociale beaucoup plus difficile qu’elle ne devrait l’être.

J’aimerais que les DJ soient plus appréciés. Cette check-list a pour but d’aider le danseur, en particulier le débutant, à réfléchir au DJing. Il ne suppose pas plus de connaissances musicales que la capacité de faire la différence entre le tango, la milonga et la valse, mais il repose en partie sur le fait que la musique de tango a un sens pour vous et vous donne envie de bouger. Certaines sont très subjectives, mais d’autres ne le sont pas. Profitez des morceaux de grâce habituels.

Commencez à 0. Ajoutez ou déduisez des points comme indiqué pour comparer les DJ. Vous pouvez choisir plus d’une réponse pour certaines questions. Si vous vouliez le personnaliser en fonction de vos priorités, vous pouvez évidemment modifier les scores. J’ai tendance à pénaliser les mauvaises performances sur les choses les plus mécaniques et les plus mesurables, parce qu’il n’y a aucune bonne raison de se tromper.

Bases musicales
Est-ce que certaines musiques ne convenaient pas à la danse du tango en société ? Par exemple :

  • Elle vous demande de rester immobile et de poser, comme un pavé, plutôt que de danser
  • Il est impossible de s’y adapter à moins de connaître l’enregistrement particulier par cœur
  • Elle suggère fortement de grands mouvements dramatiques rapides et des changements soudains de vitesse qui sont grossiers et peu pratiques pour la danse sociale dans l’espace disponible
  • C’est de la bonne musique de danse, mais elle fait ressortir le pire des danseurs qui sont là.

En cas de doute, regardez la salle dans son ensemble : les indices sont que la ligne de danse cesse de se dérouler et sombre dans le chaos, il y a beaucoup de chutes, et la plupart des danseurs vraiment bons s’assoient, se cachent ou vont fumer à moins que quelqu’un ne les attrape. Si c’est ce à quoi ressemble normalement votre milonga, ajustez votre jugement en conséquence. [Édit. : Ce que vous cherchez, c’est si le DJ, ou une tanda individuelle font la différence].

  1. Aucun de ces problèmes ne s’est produit (+10)
  2. Un ou deux moments douteux (-5)
  3. Plusieurs sections douteuses (-7)
  4. Tanda après tanda, je m’ennuyais, j’ai reçu des coups, ou les deux (-10)

Avez-vous déjà été surpris par une pièce qui ne correspondait pas à cette tanda et qui vous a causé des difficultés, de l’embarras ou de la déception à vous ou à votre partenaire ? Par exemple :

  • Un changement d’humeur ou de style choquant au milieu de la tanda, de sorte que vous avez senti que vous deviez dévisser votre tête et la revisser
  • Une ouverture trompeuse qui signifiait que vous passiez à côté d’une tanda que vous auriez autrement aimée
  • Une pièce faible ou décevante au milieu, ou à finir
  • Changements de vitesse excessivement brusques
  • Une tanda mélangée de musique que vous auriez préféré danser avec deux personnes différentes – ou une partie pas du tout.
  1. Aucun de ces problèmes ne s’est produit (+10)
  2. Une ou deux fois, peut-être une question d’opinion (-3)
  3. Plus, peut-être une question d’opinion (-5)
  4. Une ou deux fois, sans aucun doute ! (-7)
  5. Plus que cela (-10)
  6. Tout le temps de retournement ! (-15)

Dans l’ensemble, sans se soucier de pistes spécifiques, quelle était la qualité du son ?

  1. Bon – j’ai pu sentir la musique et vraiment m’y plonger (+7)
  2. OK – Je l’entendais de partout (+5)
  3. Médiocre – je ne pouvais pas l’entendre assez clairement pour entrer dedans correctement – étouffé / pas de détail / pas de profondeur / trop silencieux / fort, mais boueux / déformé / trop fort parce que DJ est sourd (-5)
  4. Ne s’applique pas, l’équipement de ce lieu est médiocre, donc je ne peux pas le dire (0)

Y a-t-il eu de mauvais choix de pistes spécifiques, comme quelque chose de beaucoup trop rapide, beaucoup trop lent, ou avec une qualité sonore inacceptable ?

  1. Non (+5)
  2. Un ou deux, incertains (0)
  3. Plus que cela (-5)

Les cortinas vous ont-elles rendu heureux ?

  1. Oui (+5)
  2. Elles ont rendu les gens heureux, mais pas moi en particulier (+3)
  3. Non, elles étaient généralement ennuyeuses (-3)
  4. Elles n’ont pas fait le travail, je n’ai pas toujours pu dire ce qui était une cortina ou s’il y en a eu (-5)
  5. Ne s’applique pas – cette milonga a une politique de non-cortinas (0)

Il y avait-il suffisamment de tandas de vals (V) et milonga (M) par rapport au tango (T), et elles étaient-ils jouées de manière régulière pour que vous sachiez où vous étiez ?

  1. À peu près à droite – quelque part dans la gamme TTVTTM ou TTTTVTTTTM, tout ce qui avait du sens compte tenu de la longueur de cette milonga (+5)
  2. Pas assez – TTTTTTTTTTM ou quelque chose comme ça (-5)
  3. Trop – TVTMTVTMTVTM DJ WTF ? (-7)
  4. Tellement chaotique que je ne pouvais pas dire – TT VV TTTTVTTTTTMTMV, ou quelque chose comme ça. (-10)
  5. « Tanda » n’est pas le bon mot. (-15).

Les cortinas étaient-elles assez longues pour que vous puissiez dégager la piste et trouver votre prochain partenaire sans obstruer la vue de quelqu’un d’autre, compte tenu de la taille de la pièce, et en supposant qu’il y ait un endroit pour s’asseoir ?

  1. Oui (+3)
  2. Non (-3)

Le DJ a-t-il diffusé gracieusement à la fin avec de la musique qui n’est pas du tango pour que les gens se calment et s’éclaircissent, en supposant que cela soit possible ?

  1. Oui (+4)
  2. Non, il a utilisé le temps prévu et s’est arrêté là (0)

Professionnalisme

La musique a-t-elle retenu toute l’attention du DJ ?

  1. Oui, tout ou presque tout le temps (+5)
  2. Oui, autant que nécessaire dans la situation (+3)
  3. Moins que cela (-3)
  4. Non, il est sorti fumer et la musique s’est arrêtée (-10)
  5. Non, il a mis une playlist/CD et s’est fâché avec les danseurs (-20)

S’il y avait des problèmes avec l’équipement, le DJ les a-t-il traités calmement et avec compétence ?

  1. Oui, exceptionnel – par exemple, il est rentré chez lui et a acheté un meilleur équipement. Il a trouvé un autre ordinateur (+7)
  2. Satisfait aux attentes – contournement du problème et correction (+5)
  3. Un drame ! Mais il s’en est sorti (+3)
  4. Non (-5)
  5. Sans objet (0)

Le DJ a-t-il eu de la difficulté à utiliser l’équipement de sonorisation ?

  1. Non (+2)
  2. Il y a eu quelques conneries faites (-2)
  3. Il y a eu quelques problèmes, mais compréhensibles dans les circonstances (0)
  4. Le DJ n’était clairement pas préparé (-7)

Le DJ a-t-il semblé à un moment donné oublier pourquoi il/elle était là ? A-t-il, par exemple, suivi une performance de vingt minutes, dans une milonga de trois heures, avec une piste de jive de cinq minutes pour qu’un seul couple puisse danser dans une performance bonus non officielle, pendant que tous les autres attendaient comme des citrons, comme s’ils attendaient les photos d’un mariage qui se retourne, et dans la position inconfortable de devoir prétendre qu’ils n’étaient pas du tout ennuyés et qu’ils n’avaient rien de mieux à faire que de regarder cette vanité ?

  1. Non (0)
  2. Oui (-5)
  3. Oui, et ce couple se comprenait lui-même ou son conjoint/partenaire et/ou au moins un membre du couple qui venait de se produire (-10)
  4. Oui, mais, j’étais d’accord avec ça dans les circonstances (0)

S’il y avait un intermède de danse traditionnelle, comme la chacarera, ou une autre danse comme le jive ou la salsa, était-il bien programmé, pas trop long et agréable pour un nombre raisonnable de personnes présentes ?

  1. Oui, c’était amusant, ça m’a plu / ça ne m’a pas dérangé de regarder (0)
  2. Non, c’était un bordel fastidieux, personne ne pouvait danser dessus, ou ça prenait la dernière heure avant le dernier métro ! (-5)
  3. C’était ennuyeux, mais c’était exigé par les professeurs invités ou le lieu (0)

Questions

La musique était-elle :

  1. Prétentieusement salé avec l’indansable, l’obscur ou l’inapproprié (-10)
  2. Disposés de manière irréfléchie au fil du temps, avec de bonnes choses gâchées par le fait d’être trop proches les unes des autres (-5)
  3. D’accord, mais à un rythme, trop d’un genre de chose (+5)
  4. Bon, mais avec un style de DJ qui n’est tout simplement pas à mon goût (+10)
  5. Convenablement variée, avec un bon mélange entre rythmique et lyrique et dramatique, compte tenu de la situation (+15)
  6. Brillamment mixé, chaque tanda donnant l’impression d’être un changement parfait après le précédent (+20)

Qu’avez-vous ressenti par rapport à « l’énergie » dans la pièce ?

  1. Confus et chaotique. (-7)
  2. Bas. Ni moi ni mes partenaires préférés n’avons pu entrer dans la musique. (-5)
  3. Un peu plat, j’aimais bien la musique, mais je n’avais pas vraiment eu envie de m’y plonger (-2)
  4. Bien, ça se passait toujours bien (+5)
  5. Magnifique, il a réussi avec de bonnes sensations, variées (+10)
  6. Fantastique, j’ai passé une excellente soirée, tout le monde était en effervescence, tout coulait de source et j’étais aussi très heureux quand j’étais assis (+15)

Choisissez trois très bons danseurs sociaux qui étaient là, de préférence célibataires. À quel point semblaient-ils danser ?

  1. Pas du tout, peut-être une ou deux tandas avec la bonne personne (-5)
  2. Un peu, comme d’habitude en fait (0)
  3. Plus que d’habitude (+5)
  4. Tout le temps, et en prenant plus de risques que d’habitude avec le choix du partenaire (+10)

Subjectivement, qu’en avez-vous pensé ? Pas de scores ici – comparez avec ce que vous avez obtenu ci-dessus.

  1. C’était génial / ça a été une révélation pour moi / ça a transformé le lieu ou la situation pour le mieux.
  2. C’était très bien. J’en étais très content.
  3. C’était bien, mais il y avait quelques défauts, ou c’était bien fait, mais ce n’était pas mon truc.
  4. C’était bon et constant, je pouvais lui faire confiance, mais peut-être que ce n’était pas inspirant.
  5. C’était généralement inoffensif et ne m’a pas causé de problèmes sérieux.
  6. Pas bon – c’était faible ou m’a ennuyé plusieurs fois.
  7. C’était pauvre. Je ne pouvais pas lui faire confiance. Si quelque chose de bien se présentait, je devais prendre quelqu’un.
  8. C’était mauvais – moi, ou mes partenaires envisagés, nous ne voulions tout simplement pas danser. Inutile de rester.

Je tracerais la ligne de démarcation entre 4 et 5.

Article original (en anglais) https://mshedgehog.blogspot.com/2012/08/was-that-good-dj-questionnaire.html
Article original dans Web Archives (au cas où il disparaitrait du blog d’origine) https://web.archive.org/web/20231120051440/https://mshedgehog.blogspot.com/2012/08/was-that-good-dj-questionnaire.html

DJ de tango, la grande incompréhension…

“Il suffit de secouer un arbre pour que 10 DJ en tombent

L’article original avait été publié en 2014 sur mon ancien site

Un organisateur me disait il y a quelques temps qu’il suffisait de secouer un arbre pour que 10 “DJ” en tombent.
L’arrivée de l’ordinateur dans le DJiing et la diffusion de tangos via Internet ont très clairement démocratisé le métier de DJ de tango. Il suffit désormais de télécharger des playlists pour se dire DJ.

C’est un peu facile, mais est-ce souhaitable pour les danseurs ?
Bien sûr, ce phénomène existait auparavant avec les compilations organisées en tandas, vendues par certaines milongas et DJ portègnes, ou par divers autres canaux. Ce qui est nouveau maintenant, c’est que la facilité d’utilisation de l’ordinateur permet de mélanger ces morceaux, sans avoir à maîtriser les outils en temps réel.
Et c’est là que le bât blesse. En effet, une compilation, qu’elle soit en provenance d’une milonga de Buenos Aires, ou qu’elle ait été réalisée à la maison par l’apprenti DJ, NE PEUT CONVENIR À COUP SÛR À LA MILONGA en cours de musicalisation.

Sentir la milonga

Le rôle du DJ est de diffuser le bon morceau au bon moment. Si c’est pour diffuser une playlist, il suffit d’un CD gravé, d’un lecteur mp3 ou d’un ordinateur. Je me demande quel peut être l’intérêt pour le DJ qui reste 5 heures ou plus derrière son ordi à faire semblant de bricoler une playlist qui est de toute façon immuable…

Je comprends mieux les motivations de ce DJ qui se contente de couper la fin de la cortina sur son lecteur mp3 pour être le premier sur la piste. Lui, il veut danser sur les musiques qu’il aime et peu importe le vécu des danseurs (ou non-danseurs qui voient le DJ, s’agiter sur la piste alors qu’eux attendent un titre à peu près à leur goût).

Pour moi, le DJ doit sentir la milonga, regarder ceux qui ne dansent pas, repérer ce qui fait lever certains et pas d’autres, afin que chaque sensibilité puisse trouver de quoi avoir envie de danser. Il pourra faire des tests, par exemple en variant les cortinas, ou en observant les réactions devant un morceau un peu plus surprenant.

Mais dans tous les cas, c’est l’adéquation entre les envies des danseurs et la programmation qui fera le succès de la soirée.

Le choix du DJ

J’ai été très interpelé il y a quelque temps en discutant avec un organisateur qui me disait qu’il sélectionnait ses DJ par rapport à leur style. Je crois qu’il pensait que mettre un DJ « catalogué » d’un style proche de sa milonga était un gage de qualité. De fait, s’il lui arrive de faire venir de bons DJ, il recrute finalement, surtout des maniaques de la playlist.

Vous avez tous en tête certains DJ capables de musicaliser un festival, une milonga de Buenos Aires ou un encuentro milonguero avec le même bonheur, mais pas avec la même musique. C’est que ce DJ sait jouer des paramètres offerts par la musique et des moyens techniques à sa disposition pour s’adapter réellement à son public.

Paramètres à la disposition du DJ pour adapter sa musicalisation

Les orchestres sont la première variable. Il est possible de varier les orchestres pour éviter la monotonie.

Les styles des orchestres est un facteur important. Notons aussi qu’un même orchestre, suivant les périodes peut avoir des ambiances différentes.

Les formes de tangos (chantés, instrumentaux, canyengue ou autres) sont très directement ressenties par les danseurs. Cependant, globalement, les titres chantés sont majoritaires car ils sont plus plaisants à danser à condition de choisir des tangos chantés et pas des chansons de tango, ce qui est une erreur beaucoup trop fréquente chez les apprentis DJ et qui plombent assurément la tanda…

L’énergie des morceaux est sans doute le paramètre essentiel et souvent mal géré. Il ne faut en effet pas confondre énergie et vitesse. Des morceaux d’apparence calmes comme certains titres de Calo peuvent être très énergiques et inversement, des tangos bruyants et rapides peuvent être complètement plats à danser. Certains DJ confondent ces paramètres et vont diffuser des orchestres de style ou sonorité différents, mais qui ont tous la même énergie. Cela créé l’ennui à coup sûr…

L’organisation des tandas est très importante selon moi. En effet, si le premier morceau est destiné à faire se lever le plus de danseurs que possible, il ne faut pas que les autres déçoivent. Ils doivent être donc d’une énergie semblable et de préférence ascendante. Les danseurs ne doivent pas non plus subir de choc causés par des titres mal assemblés.

Réactivité et adaptation sont très importantes. Il m’arrive fréquemment de changer une tanda en cours de diffusion en fonction de ce qui se passe sur et autour de la piste. Si le premier titre n’a pas fait lever assez de monde, je place un second titre plus efficace, voire, je change l’ambiance de la tanda en la faisant évoluer. Je pense par exemple à une tanda de canyengue qui peut selon les publics passer parfaitement ou bien fatiguer. Je fais alors évoluer la tanda vers des canyengues plus rapides, voire plus du tout canyengue si cela n’a pas du tout de succès.

L’organisation des tandas en ronda est aussi un élément sur lequel le DJ peut jouer. Pour ma part, je diffuse quasiment toujours des tandas de quatre, y compris pour les valses et sauf pour les milongas ou des titres nuevos parfois plus longs. J’adopte cependant parfois les tandas de trois, sur une partie de la milonga, par exemple lorsque la durée est très courte et s’il y a un gros déséquilibre des partenaires. C’est cependant quelque chose que je répugne un peu à faire car cela entre dans la mode du « zapping » et l’on s’éloigne du tango. Il me semble préférable de faire des milongas qui durent plus longtemps afin d’offrir à tout le monde une chance de bien danser (c’est d’ailleurs le choix effectué par les portègnes…). La ronda comporte traditionnellement des successions de styles du type T T V T T M ou T = Tango, V = Vals et M = Milonga). Pour les milongas courtes où quand je veux donner beaucoup d’énergie, il m’arrive de faire T V T M, ou T V T T M. Il n’est pas possible d’utiliser cette ronda toute une milonga, car elle est très fatigante pour les danseurs… D’autres DJ vont multiplier au contraire les tandas de tango pour diminuer le nombre de Vals et Milongas.

Le volume sonore est aussi très important à considérer. Il arrive souvent que les cortinas soient plus fortes que les morceaux dansés. Je trouve cela illogique. C’est à mon avis les tandas qui doivent donner l’ambiance. Les cortinas sont là pour échanger quelques mots et se préparer à la prochaine tanda. Je pense aussi que la musique doit être jouée suffisamment forte pour que l’on puisse enter dedans sans être obligé de tendre l’oreille. Une cortina moins forte permettra de se reposer l’oreille et évitera d’avoir à pousser exagérément le volume de la tanda suivante pour couvrir les conversations qui auront été poussées pour couvrir le bruit de la cortina.

Je reste bref sur le choix des morceaux pour chaque compositeur et orchestre. C’est un des rôles majeur du DJ, mais ce n’est pas souvent là qu’est le plus gros problème (si on excepte la question des chansons diffusées comma tangos chantés). Le sérieux point noir vient de ce que ces morceaux sont diffusés dans un ordre hasardeux ou à mauvais escient. Deux excellentes tandas peuvent se tuer si elles se succèdent car elles peuvent être d’une énergie trop proche (ou trop différente).

L’utilisation de l’ordinateur conduit aussi à ne pas exploiter un des facteurs qui est l’intervalle entre les morceaux. Par défaut, j’ai un intervalle de 3,7 secondes entre les titres, mais il m’arrive de raccourcir ou prolonger cette durée en fonction du lieu, des danseurs et de l’énergie à diffuser. Par exemple, dans une tanda où il y a une dynamique mécanique très entraînante comme dans certains vals de d’Arienzo, il peut être intéressant de ne pas laisser de trop grands blancs pour que l’énergie reste en progression constante.

La longueur des cortinas est aussi à prendre en considération. Trop courtes, elles empêchent d’avoir le temps de retourner s’assoir, ce qui pénalise le renouvellement des couples. Il faut avoir le temps de raccompagner sa danseuse et de préparer la suite… Il ne faut pas qu’elle soit trop longue non plus. Une fois que les plus rapides ont fait leur choix, il est intéressant de lancer la tanda suivante…

Dans la pratique, il y a des dizaines d’autres paramètres que doit pouvoir estimer et maîtriser le DJ. Je prendrai juste pour exemple la diffusion d’une tanda de milonga dans la dernière heure d’une soirée. Certains DJ se l’interdisent par principe. En fait, c’est assez idiot dans la mesure où, où la milonga est appréciée, cette dernière tanda sera hyper bien vécue, dans le style éclate finale. Il m’arrive dans d’autres endroits, de remplacer une tanda de milonga par des vals, ou plus rarement l’inverse.

Aux organisateurs

J’espère que ces petits éléments vous permettront de voir plus clair sur comment choisir un DJ. Lorsque je suis danseur, j’ai envie de passer une bonne soirée et si je peux faire des kilomètres pour un DJ et même si tous les danseurs ne sont pas aussi exigeants, ils sont globalement tous sensibles à la musique et ils passeront, ou pas, une excellente soirée, avec fatigue, ou sans. Le DJ doit donc pouvoir veiller sur eux, en les ménageant ou en les tonifiant en fonction de l’ambiance du moment.

Un bon DJ a effectué un énorme travail en amont pour connaître et organiser sa musique, de façon à pouvoir programmer avec efficacité en direct. Ce travail mérite salaire et il me semble que l’on devrait payer le DJ en fonction de sa réussite. J’ai proposé à certains organisateurs un paiement à l’entrée. Curieusement, cela en gène beaucoup. Pourtant, quand le DJ fait venir deux fois plus de monde que le public habituel, il semblerait logique qu’il soit mieux payé.

A minima, faîtes ce petit questionnaire :

Aux DJ débutants

Bienvenue dans cette merveilleuse activité qui consiste à faire danser le tango en choisissant des musiques. Je vous conseille très vite d’abandonner les playlists pour vous concentrer sur ce qui se passe dans la salle (y compris autour de la piste).

Vous pouvez en revanche organiser des tandas toutes faites, que vous diffuserez dans l’ordre qui convient à l’ambiance du moment. C’est un premier pas vers l’adaptation. Ainsi, si vous avez besoin d’une tanda plus calme ou plus tonique, vous en aurez quelques-unes toutes prêtes que vous pourrez diffuser en confiance, sachant que vous en ferez pas de grave faute de goût.

Lorsque vous aurez acquis de l’assurance, vous pourrez vous détacher de ces tandas préfabriquées pour en créer de nouvelles en direct. Pour acquérir cette liberté, il vous faut deux choses :

  1. Bien connaître votre musique
  2. Avoir bien organisé sa musique (rien de plus bête que de passer une milonga ou une ranchera au milieu d’une tanda de vals car on a mal étiqueté sa musique…).

Cela ne vous dispensera pas de la pré-écoute, notamment pour les cortinas… En général, j’ai au moins deux musiques en même temps dans les oreilles.
La musique de la salle, la musique de la cortina et/ou la tanda que je suis en train de préparer.
Il faut éviter de s’isoler de la salle pour toujours avoir conscience de la qualité sonore de la diffusion. Même si j’utilise en général des casques avec réduction de bruit, je n’active cette fonctionnalité que quelques instants, par exemple pour caler le début d’un morceau dont je ne souhaite pas diffuser l’introduction.

Existe-t-il des tandas “classiques” ?

Réponse à un message d’un danseur que je citerai s’il se reconnaît…
Je crois que sa question était en lien avec l’article tandas 5-4-3-2 ou 1

Existe-t-il une influence des vinyles sur l’ordre des morceaux d’une tanda ?

Byc Bernardo j’ai lu avec intérêt ton article. Concernant l’apport des vinyles, je me suis fait la remarque que certaines tandas « classiques » que l’on entend parfois (du genre où on peut prédire le morceau suivant) semblaient correspondre à l’ordre des morceaux sur un vinyle d’origine. Je me suis donc demandé si certains DJ à l’époque, peut-être par facilité, laissaient les quatre morceaux dans l’ordre du disque (un peu comme pour les cassettes) et que, par habitude auditive, certains DJ actuels reprenaient ce même ordre sans forcément savoir qu’il avait été dicté par.un aspect pratique au début. Qu’en penses-tu ? As-tu pu observer cela ?

Danseur anonyme, car je ne me souviens pas…

Ma réponse…

Excellente question, dont la réponse est facile à donner, c’est non 😉

Les disques des tangos de l’âge d’or étaient des 78 tours qui ne comportaient qu’un morceau par face. Il n’y avait donc pas d’obligation d’enchaîner deux morceaux.

Les publications vinyles étaient réalisées par des éditeurs qui ne cherchaient pas forcément à satisfaire les danseurs. Les morceaux sont dans un ordre quelconque, ou plutôt, ils sont organisés d’un point de vue « esthétique », pas du tout par tanda.

Le concept de disque tanda est même assez récent et quelques orchestres comme la Romantica Milonguera se sont lancés dans cette stratégie. C’est d’ailleurs un problème pour les orchestres contemporains qui n’ont pas leur style propre, ils font un morceau dans le style de d’Arienzo, un dans le style de Di Sarli et ainsi de suite et il est impossible d’en faire une belle tanda. Évidemment, les orchestres monostyles, comme la Juan d’Arienzo, sont plus faciles à utiliser.

Sur l’organisation à l’identique de tandas par différents « DJs », j’attribuerai cela plutôt à l’origine commune des tandas. À Buenos Aires, chaque DJ arrondit ses fins de mois en vendant des Playlists, y compris avec les cortinas toutes faites.

Tu l’auras compris, c’est du tout-venant et rarement de bonne qualité, les DJ conservent jalousement leurs meilleurs atouts.

D’autres récupèrent des playlists sur YouTube ou autres endroits, cela ne relève pas le niveau.

Mais, on peut en dire plus…

Cependant, il y a des logiques.

  • Les titres d’une tanda ne sont pas mis en œuvre de façon aléatoire. Pour moi, c’est comme une exposition de peinture, il doit y avoir une harmonie d’ensemble. Cela peut se faire en ayant des titres de la même période, mais ce n’est pas totalement sûr, les orchestres pouvant avoir enregistré le même jour une version à écouter et une à danser, ou des titres à la mode qui n’ont rien à voir. Après la pandémie, à Buenos Aires, plusieurs DJ s’étaient mis à mélanger dans les tandas des tangos instrumentaux et des chantés. C’est un peu passé de mode maintenant. Depuis la pandémie, beaucoup de choses ont changé et les organisateurs/DJ, cherchent des formules pour attirer la manne des touristes qui ont un taux de change très avantageux.
  • Une tanda est un voyage. On propose au début un morceau qui donne envie de se lever, puis on propose une progression. Le couple augmente en compétence et la dernière pièce est donc une apothéose, les danseurs étant parfaitement accordés, il est possible de se « lâcher » (ce qui est étonnant si on considère que l’abrazo est serré). Lorsque l’orchestre est très prolifique, il y a beaucoup de façon d’organiser les thèmes. Quand il a moins enregistré, c’est plus compliqué. Si on respecte l’harmonie des titres et le voyage, il reste peu de choix et donc, la redite est probable.

La cassette, ferait-elle un coupable idéal ?

Maintenant que j’ai donné plusieurs pistes, je vais te donner une raison bien plus probable. En effet, lorsque Philips a sorti la cassette, les DJ se sont jetés dessus. Pour des raisons de solidité, les DJ utilisaient uniquement les C60 qui avaient 30 minutes par face. Elles permettaient donc de caser 2X5 titres sur une face.

Ainsi, sur une cassette D’Arienzo, il y avait 4 tandas possibles (de 5 titres chacune). Cela conduisait à lire les titres dans le même ordre et pire, les tandas dans le même ordre. Car il est impossible de rembobiner les K7 en cours de milonga. On passe donc la première tanda, ensuite la cortina sur une autre cassette (qui elle est rembobinée à chaque passage pour revenir au début de la cortina qui était toujours la même). Ensuite, le DJ choisissait la cassette d’un autre orchestre et quand il voulait revenir à D’Arienzo, il jouait la deuxième tanda de la première face de la disquette.

Pour en savoir plus sur ce thème et la raison du nombre de titres d’une tanda, je t’invite à lire un article que j’ai proposé sur le sujet : https://dj-byc.com/tandas-de-5-4-3-2-ou-1/

Je pourrai rajouter plusieurs explications, du genre, la paresse de certains qui fabriquent des playlists à l’avance et qui ne se donnent pas la peine de composer les tandas en direct. Dans une certaine mesure, ils ont raison, si les organisateurs font appel à eux et dépensent de l’argent pour payer quelqu’un qui pourrait être remplacé par un lecteur de CD… ils auraient tort de se priver. J’ai vu certains de ces DJ passer des playlists qui portaient le nom d’autres événements, ou qui passent toujours les mêmes titres, car ils sont itinérants et que donc personne ne se rend compte qu’ils passent toujours la même chose.

Je pense que si tu as participé à une milonga que j’anime tu as eu un peu plus de mal à deviner ce qui va suivre, car justement, j’essaye de proposer des titres moins connus ou de les enchaîner de façon plus originale pour susciter l’intérêt et la curiosité. Ce sont les danseurs qui me donnent des idées et je tire le fil. Un titre s’impose à moi et selon le moment, je trouve de quoi l’accompagner pour renforcer le thème. Par exemple, hier, plusieurs thèmes me sont passés par la tête, comme les oiseaux (au jardin Massey à Tarbes), le café (pour la buvette du jardin).

Ensuite, le DJ conduit aussi les danseurs. En mettant un titre qui en évoque un autre, il place à l’insu des danseurs, l’idée du titre plus connu et quand celui-ci arrive, c’est comme une délivrance (au sens paysan du terme ; —)

Hommage à un extraordinaire DJ

Mon DJ préféré, Daniel Borelli (Buenos Aires) est un as dans la composition des tandas et dans la succession des tandas. Ma grande fierté est de deviner quel orchestre il va mettre après la tanda qu’il vient de passer. Cela fait près de quinze ans que je le suis, et il arrive toujours à me surprendre dans la composition des tandas, mais plus rarement dans l’enchaînement des tandas 😉

Chacarera pour/for/para tango DJS (Conseils/Tips/Consejos)

Choisir une chacarera / Elegir una chacarera / To choose a chacarera

Dans la plupart des milongas portègnes, on pratique des danses folkloriques. Depuis une quinzaine d’années, j’essaye de proposer une tanda de folklore dans les milongas que j’anime. La chacarera commence à bien prendre et j’ai même eu le bonheur de voir des zambas dansées en France.
Pour aider au développement du phénomène, je vous propose quelques conseils pour choisir des chacareras qui ne vont pas dérouter les danseurs novices.

In most milongas of Buenos Aires, folk dances are performed.
For the past fifteen years, I have been trying to offer a tanda of folklore in the milongas that I do. The chacarera is starting to take well and I even had the pleasure to see zambas danced in France.
To help develop the phenomenon, I offer some tips for choosing chacareras that will not confuse novice dancers.

En la mayoría de las milongas porteñas hay bailes tradicionales.
Durante los últimos quince años, he tratado ofrecer una tanda del folclore en las milongas que asumo. La chacarera está empezando a tomar bien y tuve el placer ver zambas bailado en Francia también.
Para ayudar a desarrollar el fenómeno, doy acá algunos consejos para elegir chacareras que no confundirán a los principiantes.

Animer une chacarera / Guiar a una chacarera / How to help for a chacarera

Animer une chacarera

Lorsque les danseurs sont peu familiers avec la chacarera, il est utile de les aider pour que le résultat ne vire pas à la pagaille. Voici quelques conseils.

Annoncer l’intermède de folklore

Il faut laisser le temps aux danseurs de se placer. Le mieux est de lancer une introduction bien marquée qui signifiera aux danseurs que l’on va danser une chacarera. Cette introduction peut être une introduction spécifique ou le début d’une chacarera, pas forcément celle que l’on dansera.
Attention à ne pas laisser se dérouler plus que les introductions pour éviter que les danseurs plus avancés commencent. On peut mettre une intro en boucle pour quand les danseurs sont longs à s’organiser.

Penser à annoncer de se munir d’un pañuelo si on a prévu une zamba dans l’intermède de folklore.

Positionner les danseurs

En général, on place les hommes sur une ligne en face d’une ligne de femmes. Il est souvent utile de proposer que les danseurs se positionnent à un endroit précis. Par exemple : « Les hommes du côté des fenêtres ». Les femmes se positionneront en face de leur partenaire.

Si les danseurs sont nombreux, on peut proposer de faire deux ou plusieurs lignes. Mais en général, quand ils sont nombreux, ils savent à peu près s’organiser.

Les danseurs sont dans leurs lignes, face à leurs partenaires. Le DJ peut lancer la musique de la chacarera qui sera dansée.

Annoncer le début « adentro »

Même à Buenos Aires, il est courant d’annoncer le début de la danse par « adentro ». Si vos danseurs ont lu le guide pour choisir les chacareras, ils n’auront pas besoin de cette aide, car ils auront écouté l’introduction. Cependant, beaucoup de musiques de folklore contiennent l’adentro annoncé par l’orchestre.

Cela me semble donc indispensable de l’annoncer, même si l’orchestre le dit, car les danseurs européens ne sont pas tous bien familiers avec cela.

Cela permet un départ plutôt franc et le résultat d’ensemble aura plus de chance d’être harmonieux.

Pour mémoire, voici la chorégraphie. On peut annoncer les différentes phases si les danseurs se décalent et plus particulièrement ce qui est en gras, car c’est le début et l’annonce du final. Cela évite que certains commencent trop tard ou termine trop tard…

Voz preventiva: Adentro
1º Figura : Avance y retroceso   4 compases
2º Figura : Giro – 4  Compases
3º Figura : Vuelta entera — 6 u 8 compases
4º Figura : Zapateo y zarandeo – 8 compases
5º Figura : Vuelta entera — 6 u 8 compases
6º Figura : Zapateo y Zarandeo – 8 compases
Voz preventiva: Aura
7º Figura : Media vuelta – 4 compases
8º Figura : Giro y coronación   4 compases

Pour la seconde partie, on peut en général se contenter de adentro et aura.

Et après la première chacarera

Si tout s’est bien passé et qu’il y a une bonne partie des danseurs sur la piste, on fait en général une seconde chacarera.

Pas de consigne particulière. On peut encourager le frappé des mains en annonçant palmas. Pour ma part, je marque le rythme avec des claquements de langue au microphone.

Il me semble moins utile de le faire pour la première chacarera, car les danseurs se mettent en place et on peut avoir des consignes à donner. Cela peut aussi gêner pour l’écoute du nombre de compases (6 ou 8).

Pour la seconde, cela me semble utile, car ça permet d’entretenir l’ambiance et d’éviter que les danseurs retournent à leur place. On peut aussi en profiter pour encourager les timides qui n’ont pas dansé la première chacarera à rejoindre la piste.

En général, on propose toujours une chacarera à 8 compases pour la première et si on décide de proposer une chacarera à 6 compases pour la seconde, c’est que le niveau est satisfaisant, mais il faudra veiller à ce que les danseurs ne se laissent pas surprendre en terminant trop tard leurs vueltas.

Si on a la chance d’être dans un lieu où les danseurs pratiquent aussi la zamba, on terminera l’intermède de folklore par une zamba. Le fait d’avoir annoncé de prendre le pañuelo à l’avance permet de savoir si la proposition d’une zamba est pertinente.

Si personne ne danse la zamba, cela fera une belle cortina…

En général, je laisse la zamba même s’il n’y a qu’un ou deux couples. Cela fait un peu démo, mais c’est une façon d’encourager le développement de cette danse magnifique.

Michèle et Christophe, deux danseurs ayant dansé magnifiquement une zamba dans une milonga que j’animais. Sûr qu’ils ont créé des vocations car depuis, je passe un peu plus de zambas…

Archives de l’ancien site DJ BYC Bernardo (Avant 2023)

dj-byc.com est sur WebArchive

Web Archive est un service qui mémorise des millions de sites Internet. Par chance, il a enregistré le site à différentes reprises, ce qui peut vous permettre de retrouver d’anciens articles qui ont été détruits suite au piratage du site.

Vous pouvez retrouver la plupart des anciens articles

Le premier site a été mis en ligne au tout début des années 2000 et a été à maintes reprises remanié. Web Archive a gardé des traces de certaines ces versions.

Si vous recherchez un article plus ancien, vous pourrez donc le retrouver grâce à Web Archive : https://web.archive.org/web/20221129045910/https://dj-byc.com/

Web Archives a sauvegardé une grande partie de l’ancien site, ce qui vous permet de consulter les articles qui n’ont pas été rétablis.

Les modifications de 2022 et 2023 ont surtout été marquées par les tentatives de déjouer les pirates…

Les anciens articles qui sont toujours d’actualité seront réécris progressivement. Vous pouvez toutefois me réclamer les articles que vous souhaitez retrouver en priorité en me contactant.

Le plus beau, de tous les tangos du Monde…

Je ne vais pas vous parler de la chanson de Vincent Scotto et René Sarvil, le Plus Beau Tango du Monde, mais des tangos préférés des danseurs de tango.


Comme DJ, dès que je capte une information sur les goûts d’un danseur, je le
note dans les commentaires du fichier. Ainsi, lors d’une milonga où est présent
ce danseur, je peux annoncer que je lui dédicace le titre ou la tanda.

Je vais ainsi passer le plus beau tango du Monde,
pour ce danseur. Mais il n’est pas seul sur la piste. Je ne parle pas des bras qu’il
devra trouver pour le danser, mais de tous les autres participants de la
milonga.

En général, quand j’annonce cette dédicace, la communauté de bal fait preuve
d’empathie et est prête à danser sur le tango proposé. Parfois, j’annonce que
si ça ne plaît pas il faudra aller se plaindre à l’inspirateur de la tanda,
mais en fait, personne ne va se plaindre.

En effet, la seconde partie et le sujet que je souhaite traiter ici est, quel
est le meilleur tango de danse ?

Bien que je ne sois pas Normand, je vais répondre par ça dépend.
Ce « ça dépend » fait qu’il est utile d’avoir un DJ pour animer la milonga.
Sinon, cela ferait longtemps que l’on aurait une playlist « parfaite » que l’on
pourrait la servir en toutes les occasions.

Les goûts changent d’une milonga à l’autre, d’une ville à l’autre, d’un pays à l’autre. La musique des milongas italienne ne ressemble pas à celles d’Angleterre. La musique d’un encuentro milonguero n’est pas identique à celle d’un festival et selon l’âge des danseurs, les goûts diffèrent également. Pour entrer plus en avant dans la complexité, les goûts évoluent d’un jour à l’autre et même durant la milonga.

1 Ces statistiques de 2014 ont été établies par Tango Tecnia. CE qui nous intéresse ici, ce ne sont pas les résultats, mais l’observation que selon différents critères, comme la zone géographique, le sexe ou l’âge, les résultats sont différents.

Le DJ, en découvrant une milonga, fera rapidement une analyse en fonction des personnes présentes, les vêtements, les chaussures, l’âge et il pourra s’aider de connaissances dont il connaît les goûts. L’organisateur lui-même pourra avoir donné des consignes, mais le DJ doit savoir les interpréter et relativiser…

Durant la milonga, il continuera son évaluation, enregistrant ce qui semble mieux fonctionner pour proposer d’autres tandas de ce type plus tard dans la milonga.

Des sondages en direct

Ces tests des danseurs s’appuient sur l’expérience du DJ, mais aussi sur des méthodes. Pour simplifier, disons qu’il existe quatre grands types musiques. Les musiques à dominante intellectuelles comme la musique classique, la musique sentimentale, les musiques urbaines et les musiques de divertissement.

Ces quatre types de musique se rencontrons en tango et ont donné lieu aux quatre piliers du tango. Le classique, c’est le courant Pugliese (De Caro…), le romantique, Di Sarli (Calo…), l’urbain, Troilo et le ludique, D’Arienzo.

On considère que ces quatre orchestres sont incontournables dans une milonga, car ils représentent les quatre aspects, émotions, qui permettent d’éviter la monotonie et qui donnent satisfaction aux quatre principales sensibilités de danseurs.

Bien sûr, certains pourraient danser cinq heures sur du d’Arienzo ou des musiques de la même catégorie, mais dans une milonga, il y a forcément des danseurs qui aiment mieux d’autres styles et il convient de les identifier et d’alterner les tendances.

On entend parfois qu’il faut proposer une tanda rythmique, puis une plus lyrique, ce n’est pas faux, mais c’est une simplification de ce qui précède. Le ludique et l’urbain en opposition à l’intellectuel et au romantique. On peut/doit, entrer plus dans les détails quand on est DJ pour éviter le gros problème des milongas, les danseurs qui restent deux tandas d’affilé sans danser…

Le DJ remarquera, par exemple, que les danseurs sont plutôt ludiques. Il proposera donc plus de tandas d’un style comparable à d’Arienzo et ainsi de suite. En fin de milonga, il y a parfois besoin de plus d’intimité et de romantisme. Le DJ va progressivement baisser « le feu » pour terminer avec une tanda hyper romantique. D’autres fois c’est l’inverse. Il faut donner la pêche quand les gens vont devoir faire de la route pour rentrer chez eux afin qu’ils restent avec des étoiles dans les yeux le plus longtemps possible.

Il n’y a donc pas de règle absolue… Le plus beau tango du Monde ne sera pas le même dans les deux cas.

Mais quel est le plus beau tango du Monde ?

Je ne vais pas vous demander de relire ce que j’ai écrit au-dessus, je vais vous donner des indications. De nombreux sites, pages Facebook, ont fait ce type d’enquêtes, avec des résultats très divers.

La réalité est qu’il s’agit de données très instables. Ainsi, les statistiques de TangoTecnia donnaient des scores disproportionnés pour le Sexteto Milonguero. En analysant plus précisément les données, on se rendait compte que les femmes aimaient deux fois plus cet orchestre que les hommes. Je pense que le charisme et la voix de Javier di Ciriaco ne sont pas étrangers à ces statistiques.

Le fait de passer par un orchestre contemporain (même si ce sexteto n’existe plus) permet d’avoir une autre source de données, les musiques jouées par les orchestres.

D’Arienzo et souvent les d’Arienzo tardifs ont la faveur des orchestres de danse. Anibal Troilo et Pugliese sont aussi surreprésentés dans les orchestres actuels.

Les danseurs en entendant régulièrement les mêmes thèmes, s’y habituent, les dansent mieux, car ils deviennent plus faciles à improviser et finalement, il en résulte une meilleure impression et une montée dans le classement.

Les DJ, notamment ceux qui utilisent des playlists, en passant toujours les mêmes titres, augmentent cet effet de reconnaissance.

Hier, le DJ résidant d’une milonga de Buenos Aires a passé deux fois de suite Poema (Canaro Maida), par suite d’une mauvaise manipulation dans son logiciel. Les danseurs ont souri et ont dansé une deuxième fois Poema, d’autant plus que le DJ dansait avec sa fiancée et qu’on pouvait pardonner ce doublon romantique. Lorsque Poema a commencé pour la troisième fois, le DJ a couru à son poste pour lancer Invierno. Les danseurs ont pris la chose avec beaucoup de sympathie et ont beaucoup applaudi le DJ (ce qui est rare à Buenos Aires).

Ce type de raté sur un titre moyennement apprécié aurait été plus sévèrement apprécié.

Poema est en effet un des tangos préférés des danseurs, comme en témoignait une enquête de 2014 de TangoTecnia qui indiquait que près de 18 % des sondés en faisaient leur tango préféré.

2 Tangos préférés pour danser (liste établie par TangoTecnia en 2014 sur un panel de 1282 votants).

Si vous prenez la peine de consulter cette liste qui a désormais dix ans, vous constaterez tout de même que la plupart des titres proposés sont encore dans le domaine des titres qui « marchent ».

Dans cette observation, on peut découvrir l’empreinte des DJ qui ont forcément encouragé les titres à succès, ce qui a renforcé l’estime pour ces titres.

D’autres titres ont été victimes de ce succès, car ils correspondaient à un effet de mode, par exemple car il a été mis en avant par un orchestre à succès.

Prenons l’exemple de Mi Vieja Linda (ne la cherchez pas dans cette liste, elle n’y est pas, car en 2014, personne n’aimait ce titre qui avait été peu enregistré avant que le « Sexteto Cristal » en fasse un tube (en 2018). Dans un autre genre, le phénomène Sexteto Milonguero de l’époque est totalement éteint aujourd’hui et même chez les femmes, ce n’est plus le premier orchestre du Monde.

Une autre source de données est constituée par les publications de musique. Certains titres ont été enregistrés par dix orchestres et parfois à plusieurs reprises et d’autres n’ont été enregistrés qu’une fois. Les dates d’enregistrements sont également très utiles pour retracer les modes au vingtième siècle. Un titre va être enregistré cinq ou six fois en deux ou trois ans, puis devenir silencieux pour ne réapparaître que dix ou vingt ans plus tard.

Un excellent outil pour découvrir cela est la base de données de tango-dj.at. Dans la copie d’écran suivante, on peut voir la discographie de Poema qui a été enregistré principalement dans les années 30, mais qui est resté sur le devant de la scène et parfois de façon renouvelée grâce à des orchestres contemporains comme la Romantica Milonguera.

3 Dans la base de données de tango-dj.at, on trouve Poema enregistré 29 fois par 28 orchestres (Héctor Pacheco l’a enregistré deux fois).

Les spécialistes se pencheront sur les catalogues des éditeurs de l’époque, mais il faut suivre les orchestres quand ils ont changé d’éditeur et la compilation pour un orchestre donnée n’existe pas toujours si on excepte des sommes, comme le catalogue Canaro de Christoph Lanner.
https://sites.google.com/site/franciscocanarodiscografia/prefacio

4 Les enregistrements de Francisco Canaro (le chef d’orchestre qui a le plus enregistré) représentent 200 pages de données. Le formidable travail de Christoph Lanner vous permettra de vous y retrouver si vous vous passionnez pour son œuvre.

Signalons aussi tango.info qui n’est pas très complet, mais que vous croiserez sûrement si vous faites une recherche Google… https://tango.info/T0030142643 pour y trouver Poema…

5 Les statistiques selon les goûts des visiteurs du site El Recodo tango.

Une enquête plus récente puisqu’elle est mise à jour en temps réelle est celle qui est réalisée par le site El Recodo. Poema n’est pas dans la liste. On découvre à la place une sélection bien différente et par certains aspects surprenants, mais qui témoignent d’une évolution.

Par exemple, en 2014, année du centenaire de sa naissance, Troilo était peu joué en France, ce qui n’était pas le cas à Buenos Aires où il est adoré. Je me souviens cette année avoir fait une année Troilo avec parfois cinq tandas de lui dans une milonga. Ma petite pierre et celle d’autres collègues DJ et de certains orchestres ont fait que désormais, Troilo est incontournable en France, également.

En regardant cette liste, on se rend compte que beaucoup de titres sont classés des deux côtés, tangos à écouter et à danser. Certains, superbes à danser, sont seulement du côté de l’écoute, comme Café Dominguez (qui a cependant la difficulté d’être difficile à caser dans une tanda cohérente et que l’on va généralement associer à des titres plus anciens avec Vargas). Je pense qu’il manque une véritable liste de tangos à écouter et qui ne seraient pas à danser et que la liste des tangos à danser pourrait être optimisée. Garua apparaissant deux fois dans les plus dansables peut être surprenant, ainsi que le peu de titres de d’Arienzo ou Di Sarli en regard du nombre de titres de Calo…

Faisons bouger les lignes

Le rôle du DJ n’est pas seulement de savoir proposer ce qui plaît, mais aussi d’éduquer les danseurs en les poussant à aborder des musiques moins familières.

Ce type de statistiques est donc utile pour définir les genres, les tendances du moment, mais cela ne dispense pas le DJ d’interroger le riche répertoire pour trouver des équivalents.

Lorsqu’un tango peu connu fait un succès lors d’un événement, le titre monte rapidement en renommée, car le monde du tango est tout petit. Rapidement, il fera le tour du Monde et finira par devenir un incontournable ou une scie, voire de retomber dans l’oubli.

Le « bon tango » est le tango d’un moment. Pour être un excellent tango de danse, il doit disposer de qualités propres permettant d’enrichir l’improvisation. C’est surtout important là où il y a d’excellents danseurs (ceux qui dansent avec la musique ou plutôt, qui dansent la musique). Ces derniers sont très exigeants et s’ils dansent avec conviction sur les grands succès des milongas, ils seront enchantés lorsque le DJ lui proposera un titre moins ressassé, voire inconnu, mais qui a toutes les qualités pour être Le plus beau tango du Monde pour la tanda en cours.

DJ BYC Bernardo, Buenos Aires, 2024-01-07