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Un bus de la ligne 23 en 2021. Colectivos, bondis de Buenos Aires

Colectivos, bondis de Buenos Aires

Les Portègnes appel­lent leurs bus, des colec­tivos et plus affectueuse­ment encore, des bondis.

Nos tan­gos du jour sont de sim­ples évo­ca­tions à l’occasion de la fer­me­ture d’une ligne que j’aimais bien. Voici donc quelques anec­dotes qui peu­vent intéress­er ou amuser les touristes qui décou­vrent cette mer­veilleuse ville de Buenos Aires.

Nous serons accom­pa­g­nés par deux tan­gos chan­sons dont vous trou­verez les paroles et leurs tra­duc­tions en fin d’article.

Pour commencer en musique

Ce ne sont pas des tan­gos de danse, mais ils évo­quent le colec­ti­vo. Je donne les paroles et leurs tra­duc­tions en fin d’article.

Tan­go del colec­ti­vo 1968-12-04 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Rober­to Goyeneche. Musique de Arman­do Pon­tier et paroles de Fed­eri­co Sil­va.
Se rechi­flo el colec­ti­vo 2013 — Hora­cio Fer­rer Acc. piano por Juan Trepi­ana. Musique de Osval­do Taran­ti­no et paroles de Hora­cio Fer­rer.

Un tout petit peu d’histoire

Si el tran­via (tramway) a don­né lieu à plus de paroles de tan­go que le colec­ti­vo, ce moyen de trans­port fait égale­ment par­tie de l’histoire de la ville. Les pre­miers trans­ports étaient tirés par des chevaux, ce qu’on appelle ici, « à moteur de sang », que ce soient les tramways ou les bus.

Si les tramways sont lente­ment passés à l’électricité, l’apparition du moteur saluée par les défenseurs des ani­maux a apporté son lot de bruit et de pol­lu­tion à la ville.

Aujourd’hui, à toute heure du jour et de la nuit, des bus cir­cu­lent. Cer­tains com­men­cent à expéri­menter l’énergie élec­trique, mais d’autres dis­parais­sent.

Payer son billet, une aventure

Une machine distributrice de tickets. Le chauffeur donnait le ticket correspondant à la distance à parcourir.
Une machine dis­trib­utrice de tick­ets. Le chauf­feur don­nait le tick­et cor­re­spon­dant à la dis­tance à par­courir.

Jusque dans les années 90, le chauf­feur fai­sait pay­er chaque pas­sager. Il lui remet­tait un tick­et en échange. Cette façon de procéder avait plusieurs incon­vénients :

  • C’était rel­a­tive­ment lent. Le chauf­feur devait ren­dre le change et comme il ten­tait de faire cela en roulant, c’était donc égale­ment dan­gereux et il y avait régulière­ment des acci­dents pour cette rai­son.
  • Il était ten­tant pour les malan­drins d’attaquer les chauf­feurs pour récupér­er les pièces.
En 1967, Elena Konovaluk a été la première conductrice de colectivo. (ligne 310 puis 9) On imagine la difficulté de distribuer les tickets et de conduire en même temps.
En 1967, Ele­na Kono­valuk a été la pre­mière con­duc­trice de colec­ti­vo. (ligne 310 puis 9) On imag­ine la dif­fi­culté de dis­tribuer les tick­ets et de con­duire en même temps.

Le 2 mai 1994, un nou­veau sys­tème est apparu. Un sys­tème semi-automa­tique. Il fal­lait don­ner sa des­ti­na­tion au chauf­feur. Celui-ci paramé­trait sur son pupitre le prix à pay­er et l’usager devait gliss­er les pièces cor­re­spon­dantes dans la machine.

Le type de machine apparu à partir de 1994. On indiquait la destination au chauffeur. Il programmait le prix et on devait verser les pièces correspondantes dans l'entonnoir du haut de la machine, puis récupérer le billet et sa monnaie.
Le type de machine apparu à par­tir de 1994. On indi­quait la des­ti­na­tion au chauf­feur. Il pro­gram­mait le prix et on devait vers­er les pièces cor­re­spon­dantes dans l’en­ton­noir du haut de la machine, puis récupér­er le bil­let et sa mon­naie.

Ce sys­tème n’était pas par­fait et, pour tout dire un peu com­pliqué dans la mesure où les pièces étaient rares et dif­fi­ciles à obtenir. Dans les com­merces, per­son­ne ne voulait se sépar­er de ses pré­cieuses pièces au point qu’ils fai­saient cadeau de quelques cen­times plutôt que de devoir ren­dre le change et se trou­ver dému­ni de pièces. Mon truc était d’aller au dépôt (ter­mi­nus) où ils échangeaient volon­tiers les bil­lets con­tre des pièces. Cer­tains essayaient d’attendrir le chauf­feur en ten­dant un bil­let, ce qui se ter­mi­nait soit par un pas­sage gra­tu­it, soit par une expul­sion du bus.

À par­tir de 2009, la SUBE a fait pro­gres­sive­ment son appari­tion. Sur les pre­mières lignes équipées, il suff­i­sait d’annoncer sa des­ti­na­tion au chauf­feur et de présen­ter la carte devant la machine, sans avoir à sor­tir de pièces. La SUBE fonc­tionne égale­ment pour le métro et pour le train de ban­lieue et dans cer­taines provinces d’Argentine. On peut aus­si emprunter avec une bicy­clette, c’est donc une carte très utile et une inno­va­tion intel­li­gente.

Une machine de validation de la carte SUBE (il en existe de nombreux modèles). Il suffit de la plaquer sur la zone dédiée pour que son solde soit débité du montant du trajet. On peut lire sur l’afficheur le tarif, le prix réellement débité et le solde de la carte.
Une machine de val­i­da­tion de la carte SUBE (il en existe de nom­breux mod­èles). Il suf­fit de la pla­quer sur la zone dédiée pour que son sol­de soit débité du mon­tant du tra­jet. On peut lire sur l’afficheur le tarif, le prix réelle­ment débité et le sol­de de la carte.

Pour le chauf­feur, cela ne change rien au sys­tème de 1994, il doit tou­jours sélec­tion­ner le prix sur son pupitre (en fait la dis­tance, mais on en repar­lera). Pour l’usager ce sys­tème sem­ble par­fait.

Cepen­dant, il y a un petit point qu’il faut tenir en mémoire. Il faut charg­er sa carte SUBE et c’est là que le bât blesse. Pen­dant longtemps, cela pou­vait se faire dans les kiosques, qui sont nom­breux, puis les kiosques n’ont plus eu le droit de le faire et ce sont désor­mais les lieux de loterie qui per­me­t­tent de recharg­er la carte et ils sont moins nom­breux. On peut se faire avoir, car de nom­breux kiosques ont con­servé l’affichette SUBE et cer­tains con­tin­u­ent de ven­dre la carte vierge, mais pas la recharge…

Mais, trou­ver un point de recharge ne suf­fit pas, car il faut avoir la somme exacte que l’on souhaite dépos­er sur la carte. Si vous avez un gros bil­let, il fau­dra tout met­tre. Ah, non, ce n’est pas si sim­ple (je sais, je l’ai déjà écrit). Si le bil­let est trop gros, on va vous le refuser.

En effet, les lieux de vente ont des quo­tas. Ils ne peu­vent pas ven­dre plus que ce qui leur est autorisé. Les verse­ments max­i­mums sont donc lim­ités et, même avec cette pré­cau­tion, il arrive que le lieu ait atteint son quo­ta de la journée. Si c’est le cas, il fau­dra revenir le lende­main en espérant que ce ne soit pas le début d’un long week-end, une autre spé­cial­ité argen­tine qui fait que, si un jour férié tombe un dimanche, on le reporte au lun­di.

Il reste alors la pos­si­bil­ité d’aller dans une sta­tion de métro (Subte à ne pas con­fon­dre avec SUBE) ou de train. Là, deux pos­si­bil­ités s’offrent au voyageur, une machine ou un pré­posé, mais ce dernier est assez rarement dis­posé à recharg­er la carte.

Il y a une autre pos­si­bil­ité pour ceux qui ont un compte ban­caire argentin, la recharge en ligne. Il faut ensuite valid­er son sol­de sur une machine, par exem­ple dans une banque…

Pour en ter­min­er avec la SUBE sous forme de carte, sig­nalons la dif­fi­culté de l’obtenir, car il y a par­fois une pénurie. Mieux vaut ne pas la per­dre à ce moment.

Mais voyons main­tenant une autre inno­va­tion qui va dans le bon sens.

Depuis 2024, on peut payer à partir de son téléphone et de l'application SUBE. C'est sans doute un autre progrès.
Depuis 2024, on peut pay­er à par­tir de son télé­phone et de l’ap­pli­ca­tion SUBE. C’est sans doute un autre pro­grès.

Depuis 2024, on peut charg­er sa carte et la faire valid­er auprès du chauf­feur et même pay­er directe­ment depuis l’application SUBE sur son télé­phone. Cette dernière est une option un peu risquée dans la mesure où les vols sont tout de même assez fréquents, surtout aux abor­ds des portes, le mal­fai­teur sautant du bus et s’enfuyant à toutes jambes, à moins qu’il repère sim­ple­ment votre télé­phone pour le sub­tilis­er dis­crète­ment lors d’une petite bous­cu­lade en arrivant à un arrêt. Dans tous les cas, si vous tenez à votre télé­phone, évitez de l’utiliser près des portes.

Un pas en avant et deux pas en arrière ?

L’arrivée de la machine à pièces, puis de la SUBE et main­tenant de l’application facilite la vie des usagers. Cepen­dant, un autre dan­ger les guette ; la hausse des prix.

Le ser­vice de trans­port est assuré par des entre­pris­es privées, mais, comme c’est le gou­verne­ment de gauche de Cristi­na Fer­nan­dez qui l’a mis en place, les prix sont unifiés entre les com­pag­nies et les bil­lets sont sub­ven­tion­nés.

Le résul­tat a été un prix des trans­ports publics de voyageurs très raisonnable, même pour ceux, très nom­breux, qui vien­nent de province pour tra­vailler à la cap­i­tale fédérale et qui doivent pren­dre deux ou trois trans­ports (bus, métro, train).

Un petit rap­pel, Buenos Aires est une très grande province dont la cap­i­tale est La Pla­ta et la ville de Buenos Aires est une ville autonome, entourée par cette province sans en faire par­tie…

Ceux qu’on appellerait les ban­lieusards à Paris font sou­vent une à deux heures de tra­jet pour aller tra­vailler, ce qui est aggravé par le fait que nom­bre d’entre eux ont deux activ­ités pour join­dre les deux bouts.

Évo­quons main­tenant le pas en arrière. Fin 2023, un prési­dent d’extrême droite et lib­er­taire a été élu, Milei et sa tronçon­neuse. Pour lui, les sub­ven­tions sont un vol. Cha­cun doit pay­er ce qu’il utilise. Donc, les trans­ports, l’éducation, la médecine, les travaux publics ; le gaz, l’électricité et même les retraites sont con­sid­érés comme des domaines qui ne doivent plus être sub­ven­tion­nés, abondés.

Les prix de ces ser­vices explosent donc. On remar­quera toute­fois que, si Milei ne veut pas enten­dre par­ler de sub­ven­tion, il pro­pose tout de même aux plus rich­es qui ont leurs enfants dans les écoles privées des aides (ver­sées directe­ment aux écoles).

Pour les hôpi­taux publics, c’est une cat­a­stro­phe. Même les médecins doivent avoir deux métiers. Par exem­ple, hier, la télé présen­tait l’un deux qui com­plète ses revenus en tra­vail­lant pour Uber (un ser­vice de trans­port de per­son­nes assuré par des par­ti­c­uliers qui utilisent leur voiture per­son­nelle).

Pour revenir pro­gres­sive­ment à nos bus, les chauf­feurs assurent des ser­vices très longs pour gag­n­er plus, ce qui provoque des acci­dents. Si vous avez essayé de con­duire à Buenos Aires, imag­inez que vous le faites 12 heures de rang (suiv­ies de 12 heures de pause et avec un repos heb­do­madaire de 35 heures), avec une pause toi­lette en bout de ligne si vous n’êtes pas arrivé en retard, le tout au volant d’un gros machin d’apparence antédilu­vi­enne qui tourne qua­si­ment en per­ma­nence et dont beau­coup mérit­eraient une sérieuse révi­sion.

La semaine dernière, un ado­les­cent est tombé du bus, car la fenêtre a cédé. Et je ne vous par­le pas des bruits de freins, des portes qui fonc­tion­nent quand elles le déci­dent et des panach­es de fumées qu’émettent cer­tains des bondis. Alors, si un chauf­feur est un peu moins souri­ant, prenez sur vous et met­tez-vous à sa place (pas sur son siège, je par­le au fig­uré).

La fin des subventions aux transports en commun

Puisque les sub­ven­tions sont un vol fait aux rich­es qui n’utilisent pas les trans­ports publics au prof­it de ceux qui les utilisent, ces sub­ven­tions ont été très forte­ment dimin­uées et, par con­séquent, le prix du bil­let a explosé, comme d’ailleurs celui de la nour­ri­t­ure, mais sans doute pour d’autres raisons… La hausse des prix sur les pro­duits de base ignore les chiffres de l’inflation don­nés par le gou­verne­ment (moins de 2 % en mai). Seuls les pro­duits de luxe (voitures, télé­phones et autres biens de con­fort) voient effec­tive­ment leurs prix baiss­er, pas les légumes, la viande, les trans­ports, les médica­ments…

Voici donc un tableau reprenant le prix du tra­jet en bus, au moment de la prise de fonc­tion de Milei et à la date d’aujourd’hui.

Entre fin 2023, date d'arrivée du président Milei au pouvoir et aujourd'hui (fin juin 2025), le prix du billet a été multiplié par 8.
Entre fin 2023, date d’ar­rivée du prési­dent Milei au pou­voir et aujour­d’hui (fin juin 2025), le prix du bil­let a été mul­ti­plié par 8.

Ce tableau demande quelques expli­ca­tions. La colonne de gauche indique des dis­tances. Par exem­ple, 0 à 3 km, ce qui est en fait 1 à 30 pâtés de maisons (man­zana en espag­nol, bloc en anglais…). Un voy­age d’un kilo­mètre en décem­bre 2023 coû­tait donc 52,96 pesos, soit 0,06 euro (voir dans la par­tie droite du tableau, entourée de bleu). Le prix était donc très réduit, du moins pour un Européen ou un Améri­cain du Nord. Pour un Argentin qui avait moins de 200 € de revenus, c’était tout de même une somme, surtout pour ceux qui devaient pren­dre deux ou trois trans­ports pour aller tra­vailler. Les tar­ifs sont toute­fois un peu dégres­sifs si on utilise plusieurs bus dans une péri­ode de deux heures.

La diminu­tion dras­tique des sub­ven­tions aux entre­pris­es de trans­port imposée par le nou­veau gou­verne­ment fait que les prix ont énor­mé­ment aug­men­té. C’est le résul­tat de la logique qui veut que ceux qui utilisent les trans­ports en com­mun doivent en pay­er le coût, pas ceux qui roulent en taxi ou dans des voitures par­ti­c­ulières.

Pour revenir à l’étude du tableau, on observe deux nou­velles caté­gories « util­isa­teurs enreg­istrés » et « util­isa­teurs non enreg­istrés ». Cette dis­tinc­tion per­met deux choses :

  • Suiv­re les déplace­ments des util­isa­teurs. Chaque carte enreg­istrée est asso­ciée au doc­u­ment d’identité du pos­sesseur. Cela per­met de con­naître mieux les déplace­ments de cha­cun.
  • Les sub­ven­tions ont été forte­ment dimin­uées, ce qui explique en grande par­tie la hausse des prix. Les sub­ven­tions sont totale­ment sup­primées pour les util­isa­teurs qui ne sont pas enreg­istrés selon la logique ; s’ils ne sont pas enreg­istrés, c’est qu’ils veu­lent cacher leurs déplace­ments ou qu’ils sont étrangers et que, par con­séquent, les Argentins « de bien » n’ont pas à pay­er pour eux.

Nous avons évo­qué à pro­pos de l’anecdote Bailarín de con­traseña, le fait que cer­taines milon­gas fai­saient pay­er moins chers les autochtones, cela peut donc se com­pren­dre. D’ailleurs, en Europe, on fait pay­er une taxe par nuitée aux gens de pas­sage.

L’augmentation en un an et demi est donc d’environ 800 % pour un Argentin enreg­istré. Pour ceux qui ne le sont pas, c’est une aug­men­ta­tion de presque 13 fois. Cela com­mence à faire. Cer­tains ban­lieusards ont aban­don­né leur tra­vail, pass­er la moitié de la journée à tra­vailler pour gag­n­er à peine le prix du tra­jet aller-retour n’était plus rentable.

Cepen­dant, pour un Européen qui utilise l’Euro, la baisse de valeur du Peso argentin fait qu’au final, l’augmentation est un peu inférieure à 9 fois et pour un étranger qui a une carte SUBE enreg­istrée ou tout sim­ple­ment anci­enne, c’est seule­ment 5,5 fois. Quand on con­naît le prix des trans­ports à Paris, cela reste très, très mod­este, alors, ne râlez pas…

Un adieu à la ligne 23 ?

Le AD 706 SU qui a assuré le service de la ligne 23 jusqu'en… 2023. C’est aussi la vedette de l’image de couverture de cet article.
Le AD 706 SU qui a assuré le ser­vice de la ligne 23 jusqu’en… 2023. C’est aus­si la vedette de l’image de cou­ver­ture de cet arti­cle.

Pour aller à Nue­vo Chique, j’étais habitué à pren­dre la ligne 23 qui était assurée par la société Trans­porte Rio Grande SA.C.I.F.

Cette ligne au moment de sa fer­me­ture (annon­cée ?), dimanche dernier, com­por­tait encore neuf véhicules.

Cinq bus de 25 places assis­es datant de 2019 AD 672 OW/AD 672 PF/AD 672 PD/AD 672 PG et AD 882 PX.

Un bus de 35 places datant de 2023 AF 957 UO.

Et trois bus de 35 places datant de 2024 AG 708 WP/AG 835 IX et AG 946 ZZ.

Dimanche dernier cette ligne a cessé son activ­ité :

Vidéo réal­isée par un des derniers util­isa­teurs de la ligne.

La ligne, tout au moins le ser­vice qu’elle assur­ait, va-t-il com­plète­ment dis­paraître ? Il est dif­fi­cile de le dire. Lors de la sup­pres­sion de la ligne 5, la ligne 8 a pris le relai en créant un « ramal » (branche) sup­plé­men­taire. Ces branch­es sont un autre piège pour ceux qui ne sont pas habitués. Il faut regarder le numéro du bus, mais aus­si la pan­car­te qui indique la branche qui va être pra­tiquée. Si vous ne le faites pas, vous risquez de vous retrou­ver bien loin de la des­ti­na­tion espérée, notam­ment si vous vous ren­dez dans la province. De même, si vous prenez un omnibus au lieu d’un semi-rapi­de, vous risquez de pass­er beau­coup plus de temps dans le bus que néces­saire lorsque vous faites une longue dis­tance en ban­lieue.

Hier, pour aller à Nuevo Chique, j'ai pris ce bus. Un numéro 115, mais avec une étiquette indiquant qu'il assurait en fait le service de la ligne 23. Encore un piège pour ceux qui sont peu attentifs… J’ai juste eu le temps de prendre une photo en en descendant, au moment où il redémarrait.
Hier, pour aller à Nue­vo Chique, j’ai pris ce bus. Un numéro 115, mais avec une éti­quette indi­quant qu’il assur­ait en fait le ser­vice de la ligne 23. Encore un piège pour ceux qui sont peu atten­tifs… J’ai juste eu le temps de pren­dre une pho­to en en descen­dant, au moment où il redé­mar­rait.

Donc, en atten­dant, il sem­blerait qu’il faille pren­dre le 115 qui porte une pan­car­te indi­quant qu’il fait le ser­vice du 23. Cepen­dant, s’il y avait 9 bus en cir­cu­la­tion pour la ligne 23, il sem­blerait que ce soit bien plus réduit pour cette nou­velle ligne, déjà que le 115 n’est pas un des plus four­nis (c’est un des bus que je prends pour aller à El Beso…).

Une actualisation sur la ligne 23

Il con­tin­ue de pass­er des bus verts 23. Selon les chauf­feurs inter­rogés, la com­pag­nie est en fail­lite (quiebra) et con­tin­ue sur son rythme de tan­go hési­tant et lent, un pas en avant et un pas en arrière.

Petit problème mathématique

Voici le trajet qui était effectué par la ligne 23 entre Villa Soldati (en bas) et Retiro (en haut). Environ 12 km.
Voici le tra­jet qui était effec­tué par la ligne 23 entre Vil­la Sol­dati (en bas) et Retiro (en haut). Env­i­ron 12 km.

Il y avait 9 bus en cir­cu­la­tion pour effectuer les 12 kilo­mètres de la ligne. Les horaires indi­quant un temps de par­cours de 50 min­utes et les chauf­feurs avaient 10 min­utes de repos aux deux extrémités. Ce n’était plus tout à fait vrai pour Sol­dati, le ter­mi­nus y était tou­jours, mais les chauf­feurs, depuis le 5 mai (2025) pre­naient leur ser­vice à Lugano (tiens, c’est juste­ment à côté du départ de la ligne 115…).

  • Pre­mière ques­tion : Quelle est la vitesse de cir­cu­la­tion moyenne ?
  • Deux­ième ques­tion : Quel est le temps moyen d’attente entre chaque bus si on con­sid­ère que les 9 étaient en ser­vice et qu’ils étaient espacés régulière­ment.

Pour la réponse, retournez l’ordinateur…

Non, par­don, je plaisante, voici les répons­es :

  • 12 km en 50 min­utes, cela donne 14,4 km/h de moyenne. Ce n’est pas énorme, mais il passe par moment dans des dédales un peu com­pliqués.
  • Pour la sec­onde réponse, je cherche la réponse tout en l’écrivant. Un bus part de Sol­dati et arrive 50 min­utes plus tard à Retiro. Il attend 10 min­utes et arrive donc de nou­veau à Sol­dati 100 min­utes après son départ où le chauf­feur prend de nou­veau 10 min­utes de pause. Ces 120 min­utes sont donc à divis­er par le nom­bre de bus, ce qui donne 120/9 = 13,33 min­utes, ce qui cor­re­spond assez bien au quart d’heure véri­fié à l’arrêt. Sur des lignes mieux rem­plies, on peut voir des bus cir­culer à bien plus grande fréquence et sou­vent des « trains » de deux ou trois bus qui se « suiv­ent », enfin, à la mode portègne, c’est-à-dire qu’ils se dépassent, se klax­on­nent, se redé­passent, se côtoient et dis­cu­tent aux feux rouges. Oui, désor­mais, la plu­part des bus s’arrêtent aux feux rouges, ce qui peut sur­pren­dre ceux qui étaient habitués à con­sid­ér­er qu’il s’agissait d’accessoires de déco­ra­tion. Ras­surez-vous, il reste les pan­neaux STOP (PARE) qui ne sont pas du tout respec­tés, ni par les bus, ni par les autres, d’ailleurs. C’est le plus incon­scient qui passe le pre­mier et ce n’est pas tou­jours le bus qui gagne.

Se repérer pour prendre le bon bus

Avant l’arrivée des appli­ca­tions sur télé­phone, il y avait dans les annu­aires télé­phoniques des plans de Buenos Aires quadrillés, avec le nord en bas (donc à l’inverse des cartes habituelles). Dans chaque case numérotée, comme pour la bataille navale, il y avait des arrêts de bus. Ces derniers n’étaient pas indiqués sur le plan, mais listés dans la légende. Par exem­ple, dans la case B5,il y avait un arrêt des bus 12, 8, 48, 96. Avec cette indi­ca­tion approx­i­ma­tive, il fal­lait faire preuve de logique. Les rues étant générale­ment à sens unique, si on voulait aller vers le sud (le haut de la carte), il con­ve­nait d’identifier une rue qui avait le sens de cir­cu­la­tion vers le sud.

Ce n’était pas for­cé­ment sim­ple et la dif­fi­culté était ren­for­cé par le fait que le point d’arrêt n’était mar­qué que par un numéro sur la façade d’un immeu­ble, un petit auto­col­lant sur un poteau, voire, par rien du tout. Il fal­lait donc sou­vent deman­der où était l’emplacement de l’arrêt quand on s’aventurait dans un quarti­er moins con­nu.

L’autre jeu qui com­plique les choses est que les chauf­feurs font preuve de créa­tiv­ité et il est fréquent de voir des bus en maraude. Par­fois, c’est jus­ti­fié par une route coupée, mais à d’autres moments, c’est pour gag­n­er du temps. Par exem­ple le 115 évite sou­vent de s’engager dans Bar­tolomé Mitre (la rue encom­brée par des étals, des véhicules mal garés et des bou­tiques de tis­sus) pour rejoin­dre directe­ment Cor­ri­entes par Pueyrredón. Ce n’est pas trop grave pour ceux qui sont dans le bus, mais peut-être moins drôle pour ceux qui atten­dent le bus dans cette zone où il ne passera pas.

Faut-il rajouter des trucs ?

Ce court arti­cle, très impar­fait, ne donne qu’un mai­gre aperçu de toutes les sub­til­ités qu’il faut con­naître pour bien voy­ager en bus. Il vous fau­dra faire votre expéri­ence, en vous repérant dans la ville, ce qui est bien plus facile que dans une ville Européenne pour savoir où deman­der l’arrêt en appuyant sur le bou­ton con­cerné, cepen­dant, la plu­part des chauf­feurs sont prêts à vous aider et peu­vent même vous rap­pel­er le moment de descen­dre.

En atten­dant, voici quelques trucs, en vrac.

Si vous n’avez pas une for­ma­tion d’alpiniste chevron­né, évitez de descen­dre par la porte arrière de cer­tains bus dont la marche inférieure est à une hau­teur encore ver­tig­ineuse. Cepen­dant, la plu­part de bus ont un accès et des places pour les fau­teuils roulants.

Pensez à regarder vers l’arrière du bus au moment d’en descen­dre, car ils s’arrêtent rarement au bord du trot­toir, notam­ment car les arrêts de bus sont sou­vent con­sid­érés comme des places de sta­tion­nement par les auto­mo­bilistes. Il se peut donc qu’au moment de descen­dre, une moto décide de pass­er à toute vitesse par la droite du bus. C’est mieux de la voir venir et de retarder de quelques frac­tions de sec­onde le saut depuis le bus. Aus­si, pour cette rai­son, des per­son­nes ren­con­trant des dif­fi­cultés à marcher deman­dent au chauf­feur de sor­tir par l’avant, ils se sen­tent plus en sécu­rité. Cette habi­tude va sans doute s’atténuer, car désor­mais, les bus s’arrêtent com­plète­ment pour pren­dre et dépos­er les pas­sagers. Ils ne doivent plus ouvrir les portes lorsque le bus est en mou­ve­ment. Je sais, le folk­lore perd de sa saveur, c’était bien amu­sant de se fau­fil­er entre les voitures en sta­tion­nement pour sauter dans un bus qui ne fai­sait que ralen­tir et de descen­dre en essayant de ne pas atter­rir dans une poubelle, un véhicule en sta­tion­nement (voire en marche) ou con­tre un de ces dia­boliques câbles en diag­o­nale qui sont ancrés au sol pour tenir je ne sais quel poteau et qui sont peu vis­i­bles de nuit, même quand ils sont recou­verts d’une gaine jaune.

Voici une autre curiosité. Il y a désor­mais de nom­breux arrêts qui dis­posent d’un abribus. N’imaginez pas qu’il est là pour vous per­me­t­tre d’attendre le bus. En effet, la queue se fait par rap­port au poteau et donc, les gens sont à la file, face à l’arrivée poten­tielle du bus et donc tous, hors de l’édicule… Cepen­dant, les Argentins sont très respectueux. Si vous êtes arrivés le pre­mier (ce qui veut dire que vous venez de rater le bus précé­dent), vous pou­vez prof­iter du banc de l’arrêt de bus. Le pre­mier au poteau vous lais­sera pass­er sans dis­cuter. D’ailleurs, il n’y a pas de lutte à l’entrée, très sou­vent un pas­sager plus avant dans la file vous laisse pass­er.

Atten­tion, utilis­er le banc est aus­si un piège, car, si le bus qui arrive n’a pas à s’arrêter pour dépos­er un pas­sager, il passera sans vous pren­dre en compte. Dans la pra­tique, il faut donc s’assurer qu’il y a quelqu’un qui veut pren­dre le même bus afin de prof­iter en toute tran­quil­lité de ce siège. Cela peut sem­bler éton­nant, car on peut imag­in­er voir le bus arriv­er de loin. Hélas, non, car les véhicules en sta­tion­nement coupent toute vis­i­bil­ité à ceux qui sont assis et même sou­vent à ceux qui sont debout et à tous les arrêts, vous ver­rez des intrépi­des se lancer au milieu de la rue pour voir si le bus arrive au loin.

Pour être effi­cace à ce jeu, il faut avoir une bonne vue et s’aider du code de couleurs (le bus 23 était vert, le 115 est rouge, d’autres sont bleus ou jaunes).

Vous devez lever de façon très vis­i­ble le bras pour inciter le con­duc­teur à s’arrêter. Si le feu est au vert, il arrive qu’il ne s’arrête pas pour en prof­iter. Il s’arrêtera de l’autre côté du car­refour pour dépos­er les pas­sagers qui voulaient descen­dre et vous, vous devrez atten­dre le prochain. Le prochain peut être une autre ligne qui passe aus­si par votre point d’arrivée. Cepen­dant, l’arrêt de cette autre ligne peut-être à une dizaine de mètres. Si le chauf­feur de l’autre ligne se rend compte que vous venez de l’arrêt du con­cur­rent, il y a fort à pari­er qu’il ne s’arrêtera pas. Vous devez être à l’arrêt quand il vous voit. Quand l’arrêt est situé à un feu rouge, il arrive qu’on arrive à atten­drir le chauf­feur, qui prend toute­fois le temps de ter­min­er un truc impor­tant sur son télé­phone portable avant de vous ouvrir la porte. Cela ne lui coûte rien, puisque le feu l’a juste empêché de repar­tir, mais c’est le prix à pay­er pour la faveur qu’il vous fait.

Une fois dans le bus, il peut être agréable de trou­ver une place assise. Il y a des places réservées aux per­son­nes qui en ont besoin et c’est plutôt bien respec­té. En revanche, pour les autres places, c’est le pre­mier qui la prend. Celles près des portes sont exposées au vol à la tire. Cer­taines sont dos à la route, ce qui est désagréable pour les per­son­nes sujettes au mal de mer. Rap­pelez-vous que le bus se déplace comme un esquif pris dans une tem­pête. Il faut donc avoir le cœur bien accroché et être très bien accroché quand on est debout.

Il y a des cein­tures de sécu­rité pour les places situées totale­ment à l’arrière, face au couloir. Même si presque per­son­ne ne les utilise, elles peu­vent vous éviter de tra­vers­er à plat ven­tre tout le bus lors d’un freinage bru­tal ou d’un acci­dent.

On notera que, pour agré­menter la chute, la plu­part des bus ont un escalier dans la par­tie arrière, ce qui ajoute au plaisir de l’expérience.

Voilà, j’espère que je vous ai don­né envie de pren­dre le colec­ti­vo de Buenos Aires, que je ne vous ai pas trop refroidis, je laisse cela aux soins de la clim à fond ou un coup de chaleur, ce que je laisse aux soins de la clim en panne ou absente.

Cer­taines lignes ont des décors sur­prenants avec des ten­tures, des filetea­d­os, d’autres sont plus sobres. Les sièges des con­duc­teurs sont sou­vent faits de fil ten­du entre deux bar­res de métal, je n’envie pas du tout ces valeureux chauf­feurs et leurs con­di­tions de tra­vail effroy­ables. Je plains égale­ment les ban­lieusards qui restent sou­vent une heure debout dans des bus bondés après avoir atten­du dans une queue de 50 mètres de long.

Pour toutes ces raisons, les rich­es pren­nent leur voiture, un Uber, et à la lim­ite, un taxi et ne s’aventurent jamais dans les bus ni dans le métro. Pour cette rai­son, ils ne com­pren­nent sans doute pas pourquoi on sub­ven­tion­nerait ces moyens de trans­port alors qu’eux, ils payent leur ser­vice.

Il y aurait sans doute à dire sur l’esclavage des taxis et des chauf­feurs Uber, mais ce sera pour une autre fois si vous le voulez bien.

À bien­tôt les amis, mais en guise de cadeau, voici les paroles des deux tan­gos évo­qués et leur tra­duc­tion.

Paroles de Tango del colectivo

Aho­ra es ‘Cin­ta Scotch’
En vez de cua­tro chinch­es
Porque la vida pasa…
El tiem­po cam­bia.
Pero siem­pre Gardel,
Son­risa, esmo­quin
Gardel y los mucha­chos…
Esos mucha­chos…
Que son de algu­na for­ma
Iguales a la rubia,
De los tex­tos abier­tos
Y los ojos cer­ra­dos.

Se sube en la primera
Cor­rién­dose hacia el fon­do,
Y empu­ja cuan­do baja
Como toda la gente.
Las manos
Ya cansadas de apre­tar
La bron­ca…
De pedir sin que te den,
Y al fin perder las cosas
Que te impor­tan.

Las cosas de ver­dad que tan­to impor­tan,
El sol sobre los ojos me hace mal,
Por eso es que me has vis­to lagrimear
No ves la ciu­dad viene y se va,
Y las veredas son de todos
Como el pan.
Arman­do Pon­tier (Arman­do Fran­cis­co Pun­turero) Letra: Fed­eri­co Sil­va (René Fed­eri­co Sil­va Iraluz)

Traduction de Tango del colectivo

Main­tenant, c’est du « ruban adhésif scotch » au lieu de qua­tre punais­es (les chinch­es sont les punais­es de lit et on con­sid­érait que s’il y en avait 4 par mètre car­ré, il fal­lait pren­dre des mesures. Mais en lun­far­do, les chinch­es sont des per­son­nes qui dérangent, voire qui ont une mal­adie vénéri­enne, j’avoue ne pas savoir quelle sig­ni­fi­ca­tion don­ner à ces 4 punais­es), parce que la vie passe…
Les temps changent.
Mais tou­jours Gardel, a le sourire, le smok­ing Gardel et les garçons (mucha­chos, peut-être ceux à qui il a dit adieu dans sa chan­son adios mucha­chos, un titre de Julio César Sanders avec des paroles de César Felipe Vedani qu’ont enreg­istré Agustín Mag­a­l­di, Igna­cio Corsi­ni et finale­ment Car­los Gardel à París, ce qui a con­sacré le titre).
Ces gars-là…
Qui sont d’une cer­taine façon comme la blonde, avec les textes ouverts et les yeux fer­més (ici, c’est un jeu de mot entre les textes ouverts qui sont des textes ouverts à plusieurs inter­pré­ta­tions, à dou­ble sens, ces textes qui pul­lu­lent aux épo­ques de cen­sure, dans la tra­di­tion d’Ésope ou de Jean de la Fontaine. Dans le cas con­traire, on par­le de textes fer­més, mais là, ce sont les yeux qui sont fer­més).
Il grimpe le pre­mier (dans le bus) en courant vers le fond, et pousse quand il descend comme tout le monde. (Cette par­tie du texte évoque donc le colec­ti­vo et jus­ti­fie le titre, mais c’est bien sûr, une allé­gorie des pra­tiques de cer­tains…).
Les mains déjà fatiguées de ser­rer la colère…
De deman­der sans qu’on vous le donne, et à la fin de per­dre les choses qui comptent pour vous (sans doute une évo­ca­tion du poing fer­mé, geste des humil­iés qui récla­ment de quoi vivre, un sym­bole tant d’actualité en Argen­tine aujourd’hui au moment où y renait la dic­tature).
Les vraies choses qui comptent tant, le soleil me fait mal aux yeux, c’est pour cela que vous m’avez vu pleur­er, tu ne vois pas la ville aller et venir, et les trot­toirs appar­ti­en­nent à tout le monde comme le pain.

Paroles de Se rechiflo el colectivo

Se rechi­fló el colec­ti­vo que tomé para tu casa
yo vi que el colec­tivero, por San­di­a­blo, bocin­a­ba
raros tan­gos que Alfon­si­na con Ray Brad­bury bail­a­ba
sobre el capó entre un tumul­to de camelias y galax­i­as
y perdió, de tum­bo en tum­bo, la vergüen­za y las fre­nadas.
Y voló al din­tel del sueño donde está mi noche bra­va.
Se rechi­fló, pero a muerte, porque al ir para tu casa,
supo que vos me querías con reloj, suel­do y cor­ba­ta

¡Qué ton­ta… pero qué ton­ta!

¡A mí, que un lás­er de ver­sos me calien­ta has­ta la bar­ba!
y car­go al hom­bro mi tum­ba para morir de amor
¡Mañana!…
y Chopín y Alfre­do Gob­bi pobres como las arañas,
en mi bulín la for­tu­na de sus penas, me regala.

Se negó a lle­varme a vos, colec­ti­vo de mi alma,
en las tor­res de Retiro se embaló por las fachadas
y de un puente de alboro­to cayó al Río de la Pla­ta,
cuan­do mi río es mis tri­pas y es mi vino y es mi magia.

Se rechi­fló el colec­ti­vo que tomé para tu casa:
y en el techo yo reía y en la glo­ria te gri­ta­ba:
¡Se rechi­fló… pobre de vos!
¡Se rechi­fló… gra­cias a Dios!
Osval­do Taran­ti­no Letra: Hora­cio Fer­rer

Traduction de Se rechiflo el colectivo

Il serait très pré­ten­tieux de ma part d’essayer de retran­scrire la poésie de Fer­rer. Cette tra­duc­tion est donc plus un guide pour aigu­iller dans la direc­tion, mais vous devrez faire le par­cours poé­tique vous-même.

Le bus que j’ai pris pour ren­tr­er chez toi s’est moqué. J’ai vu que le chauf­feur, par San­di­a­blo (Saint Dia­ble est un oxy­more inven­té par Fer­rer pour exprimer la folie), klax­on­nait d’é­tranges tan­gos qu’Al­fon­si­na (Alfon­si­na Storni qui s’est sui­cidée en se jetant à la mer à Mar de Pla­ta, comme dans un de ses poèmes, et qui a don­né lieu à la mer­veilleuse zam­ba, Alfon­si­na y el mar immor­tal­isée par Mer­cedes Sosa) avec Ray Brad­bury (c’est bien sûr l’auteur de Fahrein­heit 451, qui évoque la destruc­tion des livres, dans la droite lignée de ce que font les régimes fas­cistes comme la dic­tature mil­i­taire argen­tine de l’époque, ou l’actuelle ou les par­ti­sans de Milei brû­lent des livres qu’ils croient per­ni­cieux faute de les avoir lus) dan­sait sur le capot (une est morte noyée et l’autre par­le d’un pom­pi­er et de feu, le sym­bole de Fer­rer est fort) au milieu d’un tumulte de camélias et de galax­ies et per­dait, de cul­bute en cul­bute, la honte et les freins.
Et il s’en­vola vers le lin­teau du som­meil où se trou­ve ma folle nuit.
Il s’est moqué, mais à mort, parce que, lorsqu’il s’est arrêté chez toi, il savait que tu m’aimais avec une mon­tre, un salaire et une cra­vate.
Quelle idiote, mais quelle idiote !
Pour moi, qu’un laser de vers me réchauffe jusqu’à la barbe !
Et je charge sur mes épaules ma tombe pour mourir d’amour
Demain !…
Et Chopin et Alfre­do Gob­bi, pau­vres comme les araignées, dans ma cham­brette m’offrent la for­tune de leurs cha­grins.
Il a refusé de me con­duire à toi, le colec­ti­vo de mon âme, dans les tours de Retiro (sta­tion de train, où allait juste­ment le bus 23…), il a chargé à tra­vers les façades et d’un pont de tumulte (émeute) il est tombé dans le Río de la Pla­ta, quand mon fleuve est mes tripes et qu’il est mon vin et qu’il est ma magie.
Le bus que j’ai pris pour aller chez toi s’est moqué :
Et sur le toit, je riais et, dans la gloire, je te cri­ais :
Il s’est moqué… Pau­vre de toi !
Il s’est moqué… Dieu mer­ci !

Sonorisation d'une milonga

Sonorisation d’une milonga

Comme DJ, on ren­con­tre une grande var­iété dans la qual­ité des sys­tèmes de sonori­sa­tion pro­posés par les organ­isa­teurs. Il me sem­ble que rap­pel­er quelques points peut être utile pour opti­miser l’équipement et amélior­er le con­fort des danseurs.

La sonori­sa­tion fait par­tie d’une chaîne qui va de la musique à dif­fuser, jusqu’à l’oreille de l’auditeur, danseur dans notre cas. Il con­vient donc de traiter cha­cun des points, car le plus faible mail­lon lim­ite la qual­ité de la chaîne en entier.

La musique

Si on ren­con­tre encore des musiques effroy­ables, notam­ment sur des ser­vices comme Spo­ti­fy ou YouTube, dans l’ensemble, la qual­ité a bien aug­men­té ces dernières années. Il est donc très impor­tant d’avoir de la bonne musique, mais je pars du principe que les organ­isa­teurs vont faire venir un bon DJ et que, donc, ce point est traité de façon sat­is­faisante. Voir l’article sur la musique trichée pour plus d’informations sur ce point.

L’ordinateur ou le matériel du DJ

Même si un phénomène de mode peut faire utilis­er des platines tourne-dis­ques, des lecteurs de CD ou de cas­settes, l’ordinateur est devenu la norme et, comme ses capac­ités sur­passent en tous points celles des autres sys­tèmes, il ne con­vient pas de faire de dif­férence à ce niveau de la chaîne. Ce qui sera bon pour l’ordinateur le sera égale­ment pour tous les autres matériels.

La carte son (DAC)

Cer­tains DJ, notam­ment ceux qui font des playlists à l’avance, utilisent le jack pour rac­corder leur ordi­na­teur à la sono. Cette organ­i­sa­tion est forte­ment décon­seil­lée, car elle ne per­met pas la préé­coute et donc, le DJ ne peut que suiv­re sa playlist en faisant d’éventuelles mod­i­fi­ca­tions dans l’ordre de ses tan­das ou en choi­sis­sant des tan­das toutes prêtes au lieu de les con­stru­ire sur mesure.

Il faut donc une carte son qui per­met d’avoir deux sources de dif­fu­sion. Une dirigée vers le casque (générale­ment la sor­tie jack de l’ordi) et une via la carte son qui ira vers la con­sole de mix­age.

Pour exploiter ce sys­tème, il faut un logi­ciel spé­ci­fique pour DJ qui per­met d’assigner des sor­ties dif­férentes pour la préé­coute et pour la dif­fu­sion, ou à la rigueur, deux logi­ciels con­fig­urés de façon dif­férente, mais c’est se com­pli­quer la vie.

Cer­tains dis­cu­tent de la qual­ité des dif­férents DAC, mais ce n’est pas si essen­tiel si on con­sid­ère les lim­ites de la musique que l’on passe en milon­ga. Bien sûr, le DJ qui veut le top pour­ra acquérir un équipement plus per­for­mant et il y aura de petites dif­férences, mais je pense que d’autres points sont à pren­dre en compte.

  1. La présence d’un bou­ton de réglage du vol­ume. Cela sem­ble tout bête, mais c’est plus sim­ple à faire sur le DAC que dans le logi­ciel. Tous les DAC n’en sont pas pourvus.
  2. Une sor­tie via deux XLR, deux jacks 6,35 ou à la rigueur au for­mat RCA (Cinch).
  3. Une entrée USB, prob­a­ble­ment USB‑C si on achète un matériel récent.
  4. Pren­dre un sys­tème qui se rac­corde par câble, plutôt qu’un sys­tème qui se branche, comme une clef USB, un faux mou­ve­ment pour­rait bris­er ce dis­posi­tif. En revanche, il est impor­tant de scotch­er tous les câbles au gaffeur pour éviter une coupure du son en cas de manip­u­la­tion mal­adroite pen­dant la milon­ga.
  5. Une entrée micro­phone peut être pra­tique, avec son réglage de vol­ume et une bal­ance entre le micro­phone et la musique.
Quatre DAC que j’utilise.
Qua­tre DAC que j’utilise.

J’utilise dif­férents sys­tèmes, mais le plus sou­vent un DAC Audi­ent iD4 qui est léger et de bonne qual­ité. Son gros bou­ton de vol­ume est pra­tique. J’ai enlevé le cabo­chon du bou­ton de mute pour éviter d’appuyer dessus par erreur durant la milon­ga. En cas de besoin, il suf­fit d’appuyer sur la par­tie qui reste avec le gras du doigt, mais je n’ai jamais eu à le faire.

Acheté à Buenos Aires, j’ai un MidiPlus Stu­dio M qui est plus léger que le Audi­ent, mais le bou­ton de vol­ume est petit et trop proche du bou­ton du vol­ume casque. Je le trou­ve donc moins pra­tique. Cepen­dant son poids peut être un élé­ment de choix et de plus, et il est disponible en Argen­tine à bon prix…

J’utilise aus­si un DAC Trak­tor Z1 qui a l’avantage d’avoir des bou­tons de réglage aigus, médi­ums et bass­es. Cela peut dépan­ner en l’absence de con­sole de mix­age. En revanche, il n’a pas d’entrée micro.

Même s’il est prévu pour le logi­ciel Trak­tor, on peut le con­fig­ur­er dans MIXXX, pour que le déplace­ment du curseur en butée change de morceau. C’est pra­tique pour ter­min­er la corti­na et enchaîn­er à l’intervalle souhaité les morceaux d’une tan­da. Cepen­dant, il est assez lourd et encom­brant et moins utile si on a une con­sole.

En sécu­rité, j’ai tou­jours de petits DAC, dans l’étui des casques audio, dans ceux des cartes sons) qui peu­vent me per­me­t­tre d’avoir un dépan­nage sans me sur­charg­er en avion avec un sec­ond DAC Adap­ta­teur de Prise de Casque USB C à 3,5 mm. https://amzn.to/4k7fRJb Je n’ai jamais eu à utilis­er en milon­ga, mais peut-être qu’un jour, en cas de panne du DAC prin­ci­pal, l’un d’eux me ren­dra ser­vice…

La console de mixage

Jusqu’à présent, on était dans le domaine du DJ. Ici, on est dans la tran­si­tion entre le DJ et le sonorisa­teur. Pour ma part, quand je le peux, j’apporte ma pro­pre con­sole (table de mix­age) et cela pour deux raisons. Celles qui sont pro­posées par les organ­isa­teurs ne sont pas tou­jours ter­ri­bles et j’aime tra­vailler avec une con­sole numérique, ce qui est rarement disponible en dehors des gros fes­ti­vals, et encore…

On trou­ve assez sou­vent ce type de con­sole analogique.

Cette petite console semble disposer de tout ce qui faut pour un DJ, entrée ligne, microphones, voire instruments complémentaires. Les trois réglages de tonalité permettent une intervention correcte sur le rendu.
Cette petite con­sole sem­ble dis­pos­er de tout ce qui faut pour un DJ, entrée ligne, micro­phones, voire instru­ments com­plé­men­taires. Les trois réglages de tonal­ité per­me­t­tent une inter­ven­tion cor­recte sur le ren­du.

La con­sole Behringer Qx1204Usb pour­rait être par­faite, si les ingénieurs de Behringer avaient prévu son util­i­sa­tion en carte son…

Les points forts :

  • Réglages tonal­ité 3 ban­des (aigus, médi­ums et bass­es). Cela ne vaut pas un semi-paramétrique ou un paramétrique, mais c’est mieux que rien. Pour le même prix, Yama­ha ne pro­pose que deux ban­des de con­trôle de tonal­ité.
  • Réglage du gain d’entrée.
  • Panoramique per­me­t­tant de dif­fuser le sig­nal en mono, ce qui est intéres­sant pour le bal.

Le point faible

  • Elle ne peut pas servir de carte son avec réglage de tonal­ité, car l’entrée USB ne sert que pour envoy­er le son directe­ment à la sor­tie. Il est donc impos­si­ble de régler le vol­ume ou la tonal­ité de l’entrée USB, ce qui la rend inutile pour un DJ de tan­go.
    Il y aurait peut-être une astuce con­sis­tant à ren­voy­er le sig­nal USB vers les con­necteurs 2‑track et, de là, branch­er une con­nex­ion vers les entrées des tranch­es nor­males, mais je n’ai pas testé. Si ça marche, cela évit­erait d’avoir à se trim­baler une carte son tout en ayant un con­trôle de vol­ume et de tonal­ité.
    Ce point faible reste à rel­a­tivis­er, il oblige seule­ment à avoir une carte son en plus. C’est juste dom­mage de ne pas avoir tout inté­gré…

Ce que devrait avoir une console a minima

  • Une entrée stéréo avec réglage vol­ume, con­trôle de tonal­ité et bal­ance gauche-droite.
  • Une entrée micro­phone

Ce que pourrait avoir une console de préférence

  • Une entrée USB per­me­t­tant de régler la tonal­ité, le vol­ume et la bal­ance. Cela per­met de se pass­er d’une carte son. C’est ce qui manque à la petite Behringer.

Ce que devrait avoir une console dans l’idéal

En plus des points précé­dents, la con­sole pour­rait dis­pos­er d’un égaliseur graphique, paramétrique ou semi-paramétrique. Toute­fois, si la con­sole dis­pose d’une sor­tie et entrée pour une boucle aux­il­i­aire, il est pos­si­ble d’avoir cet élé­ment séparé­ment.

  • L’égaliseur graphique est intéres­sant pour le réglage de la salle en per­me­t­tant de sup­primer les fréquences de réso­nance (modes pro­pres de la salle).
En général on utilise l’égaliseur graphique pour compenser les résonances propres du local. Par exemple, si la structure vibre à 300 Hz, on baissera en conséquence le curseur correspondant. En stéréo, il faut le faire sur les deux canaux.
En général on utilise l’égaliseur graphique pour com­penser les réso­nances pro­pres du local. Par exem­ple, si la struc­ture vibre à 300 Hz, on bais­sera en con­séquence le curseur cor­re­spon­dant. En stéréo, il faut le faire sur les deux canaux.
  • L’égaliseur paramétrique est lui plus util­isé pour cor­riger une musique à un moment don­né. Par exem­ple, un De Ange­lis dont les vio­lons sif­flent. On sélec­tionne la fréquence, par exem­ple, 4500 Hz et on dimin­ue le vol­ume de cette fréquence. Un égaliseur dis­posant du réglage de la fréquence d’action et du vol­ume de réglage de cette fréquence est dit semi-paramétrique.
  • Un égaliseur paramétrique dis­pose en plus du réglage de la pente de la courbe (fac­teur Q comme Qual­ité). Quand on baisse le vol­ume d’une fréquence, cela agit sur les fréquences voisines. En réglant le fac­teur Q, on peut choisir de baiss­er unique­ment cette fréquence ou une bande plus large. C’est très com­mode. On peut l’utiliser pour lim­iter le bruit de sur­face d’un disque avec une pente très ser­rée, pour ne pas détru­ire les fréquences voisines de la musique ou de façon plus large, pour enrichir, par exem­ple, les bass­es d’un morceau qui en manque.
Un égaliseur paramétrique permet de choisir une fréquence pour augmenter son volume ou le baisser. Un paramètre supplémentaire est la pente du filtre (Facteur Q). Une valeur élevée fait agir le volume sur une bande de fréquence très resserrée autour de celle réglée. Une valeur faible permet de moduler une zone de fréquence plus large. À gauche, il n’y a que deux réglages du facteur Q, étroit ou large). À droite, on peut le faire varier en continu.
Un égaliseur paramétrique per­met de choisir une fréquence pour aug­menter son vol­ume ou le baiss­er. Un paramètre sup­plé­men­taire est la pente du fil­tre (Fac­teur Q). Une valeur élevée fait agir le vol­ume sur une bande de fréquence très resser­rée autour de celle réglée. Une valeur faible per­met de mod­uler une zone de fréquence plus large. À gauche, il n’y a que deux réglages du fac­teur Q, étroit ou large). À droite, on peut le faire vari­er en con­tinu.

Les con­soles de moyenne gamme ont en général une seule fréquence en semi-paramétrique. D’autres en ont trois ou qua­tre, mais c’est moins intéres­sant pour nous, DJ de tan­go, car on a rarement besoin de régler plusieurs fréquences en même temps.

Toute­fois, une con­sole numérique apporte un grand con­fort d’utilisation, notam­ment avec l’affichage des fréquences de la musique qui est jouée.

Chaque cercle de couleur est un point de contrôle. On peut le placer vers le haut (augmenter le volume de sa fréquence) ou vers le bas. On peut choisir la pente, par exemple, pour modifier une fréquence très précise ou une plus grande partie du spectre sonore. On voit en gris sous la courbe, le spectrogramme (RTA) en temps réel de la musique.
Chaque cer­cle de couleur est un point de con­trôle. On peut le plac­er vers le haut (aug­menter le vol­ume de sa fréquence) ou vers le bas. On peut choisir la pente, par exem­ple, pour mod­i­fi­er une fréquence très pré­cise ou une plus grande par­tie du spec­tre sonore. On voit en gris sous la courbe, le spec­tro­gramme (RTA) en temps réel de la musique.

La con­sole SOUNDCRAFT UI12 est celle que j’utilise depuis plusieurs années qui me per­met à la fois de sonoris­er un petit orchestre ou plusieurs DJ (8 entrées) et de musi­calis­er de façon pré­cise en ajus­tant de façon visuelle les élé­ments de l’égaliseur paramétrique.

J’aime beaucoup ma console numérique SOUNDCRAFT UI12. Je l’associe parfois à un petit contrôleur midi Korg pour avoir un contrôle rapide sur le volume lors de mixages (en plus des contrôles par écran tactile).
J’aime beau­coup ma con­sole numérique SOUNDCRAFT UI12. Je l’associe par­fois à un petit con­trôleur midi Korg pour avoir un con­trôle rapi­de sur le vol­ume lors de mix­ages (en plus des con­trôles par écran tac­tile).

Les points forts :

  • Pos­si­bil­ité de régler les paramètres à dis­tance (Wi-Fi) afin de véri­fi­er que, sur la piste on a bien le son par­fait, car sou­vent l’emplacement du DJ ne per­met pas de pren­dre com­plète­ment con­science du son qu’ont les danseurs.
  • Présence de l’analyseur de spec­tre en temps réel. Un pic dans une fréquence est vis­i­ble et on peut le « tuer » en appli­quant un coup de son excel­lent égaliseur paramétrique, tout en voy­ant le résul­tat. Si on branche un micro de mesure, on peut aus­si analyser le ren­du dans la salle (il ne faut bien sûr pas rerouter ce micro vers la sor­tie prin­ci­pale…).

Les points faibles :

  • La con­sole ne dis­pose pas d’écran. Il faut donc utilis­er celui d’une tablette, d’un télé­phone (Wi-Fi) ou un ordi­na­teur. Le réglage sur un écran tac­tile est assez pra­tique, moins si on doit utilis­er une souris.
    J’utilise par­fois un con­trôleur midi Korg KOH Nanokon­trol2-WH, ce qui me per­met de régler facile­ment les dif­férents poten­tiomètres, comme sur une con­sole tra­di­tion­nelle.
  • C’est un peu lourd (ali­men­ta­tion séparée, éventuel con­trôleur midi, il faut un écran pour l’utiliser, donc a min­i­ma un télé­phone, mieux une tablette ou, dans l’idéal un ordi avec un grand écran tac­tile).

Amplification et diffusion

La sor­tie de l’ordinateur, de la carte son ou de la con­sole de mix­age est trop faible pour atta­quer directe­ment des haut-par­leurs. Il faut donc ampli­fi­er le sig­nal.

Il existe deux sys­tèmes (pour sim­pli­fi­er). Un avec des amplis et des enceintes pas­sives et un avec des enceintes ampli­fiées (qui peu­vent être actives ou pas­sives).

Pour un DJ ou un organ­isa­teur qui trans­porte son matériel, ce sont assuré­ment des enceintes ampli­fiées qui sont à prévoir. Je ne vais donc évo­quer que ce type de matériel, car un organ­isa­teur qui veut équiper sa salle aura tout intérêt à deman­der les con­seils d’un pro­fes­sion­nel s’il souhaite utilis­er un ampli séparé (ce qui est plus pra­tique pour une instal­la­tion fixe), car l’appariement des HP et des amplis est un domaine com­pliqué.

On trou­ve des matériels d’un poids raisonnable 10 à 25 kg et qui ont une bande pas­sante suff­isante pour la musique de tan­go.

Au besoin, un cais­son de basse peut amélior­er les choses en déchargeant les enceintes prin­ci­pales des bass­es fréquences. Cela améliore la pureté du son. Un seul cais­son de basse est néces­saire, les enceintes étant direc­tives.

Un bon équipement, constitué de deux enceintes pour les aigus et médiums, placés en hauteur (au-dessus de la tête des danseurs) et un caisson de basse.
Un bon équipement, con­sti­tué de deux enceintes pour les aigus et médi­ums, placés en hau­teur (au-dessus de la tête des danseurs) et un cais­son de basse.

Les points à pren­dre en compte :

  • En pre­mier, l’idéal est d’écouter les enceintes avant de les acheter…
  • En général, ces enceintes ont deux voies. Une pour les aigus et une pour les médi­ums, voire les bass­es pour les plus gros mod­èles.
  • En général, un haut-par­leur de 10 ou 12 pouces peut con­venir pour la musique de tan­go qui n’a pas de bass­es très pro­fondes. Si vous utilisez des haut-par­leurs plus petits, il sera préférable d’ajouter un cais­son de bass­es avec des HP de 12 pouces.

Atten­tion toute­fois à avoir un ensem­ble cohérent. La musique de tan­go est plus à traiter comme de la musique clas­sique que comme de la musique de var­iété. Il faut un ren­du rel­a­tive­ment plat et homogène. Les enceintes pour la musique de var­iété ont sou­vent des aigus stri­dents et des bass­es qui man­gent tout. On veut enten­dre le boum boum.

Le résul­tat en tan­go est minable et très dif­fi­cile à rat­trap­er, car on a un trou dans les fréquences prin­ci­pales du tan­go et des chanteurs.

Exemple d’enceintes que je déteste, les aigus sont stridents et les basses pesantes. C’est à mon avis peu adapté à la musique de tango traditionnelle, même si c’est génial pour les cortinas…
Exem­ple d’enceintes que je déteste, les aigus sont stri­dents et les bass­es pesantes. C’est à mon avis peu adap­té à la musique de tan­go tra­di­tion­nelle, même si c’est génial pour les corti­nas…

Conseils supplémentaires pour la sonorisation

La salle est un acteur de la sonori­sa­tion. S’il y a beau­coup de réver­béra­tion (écho), le son risque d’être con­fus. Pour lim­iter ce prob­lème, il y a plusieurs pistes :

Meubler la pièce

Avec des ten­tures non-feu, bien sûr, fer­mer les rideaux, plac­er des meubles absorbants ou beau­coup de danseurs…

Choisir des enceintes relativement directives

Il faut éviter de pro­jeter le son vers les parois ou le pla­fond. Une enceinte direc­tive per­met de cibler la zone de la piste de danse en lim­i­tant les réflex­ions par­a­sites. Cela con­cerne surtout les aigus, les bass­es ne sont pas direc­tives et ray­on­nent dans toutes les direc­tions.

Positionner les enceintes à la bonne hauteur

Tout d’abord, éviter les enceintes à hau­teur d’oreilles des danseurs. C’est mau­vais pour la dif­fu­sion du son, absorbé par les danseurs et désagréable pour les oreilles. Si on a une grande hau­teur sous pla­fond, on place les enceintes le plus haut pos­si­ble et a min­i­ma à 2 m. Si les pieds ne sont pas assez hauts, on peut les pos­er sur la scène.
L’idéal est une instal­la­tion en hau­teur, plongeante, mais cela n’est pas facile à réalis­er pour une instal­la­tion tem­po­raire. On adoptera en revanche ce type d’installation pour les salles per­ma­nentes.

Le caisson de basse doit être posé au sol. Les autres enceintes doivent être plus hautes que les têtes des danseurs. L’idéal, pour une installation fixe, est une installation plongeante.
Le cais­son de basse doit être posé au sol. Les autres enceintes doivent être plus hautes que les têtes des danseurs. L’idéal, pour une instal­la­tion fixe, est une instal­la­tion plongeante.

Le cais­son de basse est tou­jours posé au sol pour favoris­er le ray­on­nement des bass­es. On évite de le pos­er sur la scène, car il risque de la faire vibr­er. Si on a plusieurs cais­sons de basse, il est préférable de les regrouper plutôt que de les plac­er sous chaque haut-par­leur de médi­ums et aigus. Si la salle est très grande, on peut les plac­er de part et d’autre de la salle.

Orientation des enceintes

S’il con­vient de diriger les enceintes vers les danseurs depuis une posi­tion haute, il est égale­ment impor­tant de bien les ori­en­ter hor­i­zon­tale­ment.

Plac­er les enceintes dans les angles peut ren­forcer leur puis­sance, mais c’est rarement la meilleure solu­tion. Pour les mêmes raisons, on évite de les plac­er trop près des murs. Dans beau­coup de milon­gas, la piste de danse est entourée de tables et donc le meilleur endroit est au bord de la piste, ori­en­té vers la piste. Cela dimin­ue un peu le vol­ume sonore aux tables, ce qui facilite les dis­cus­sions.

La forme idéale de la salle est presque carrée. On dirige les deux haut-parleurs à 2/3 de la distance du fond de la salle. Il faut veiller que les HP soient branchés de la même façon (en phase).
La forme idéale de la salle est presque car­rée. On dirige les deux haut-par­leurs à 2/3 de la dis­tance du fond de la salle. Il faut veiller que les HP soient branchés de la même façon (en phase).

Les salles très en longueur

Chaque fois que c’est pos­si­ble, on plac­era seule­ment deux haut-par­leurs, du même côté de la salle. Pour les très grandes salles, on peut con­serv­er ce principe à con­di­tion de pou­voir plac­er les haut-par­leurs suff­isam­ment haut. D’ailleurs, pour les très gros con­certs de var­iété, les sys­tèmes d’enceintes sont regroupés et pas dis­per­sés dans tout le stade.

Cepen­dant, si la salle est très en longueur, on est dans la plus mau­vaise con­fig­u­ra­tion pos­si­ble. Il fau­dra prob­a­ble­ment utilis­er plus d’enceintes.

Pour une salle très en longueur, il faudra probablement multiplier les haut-parleurs pour éviter d’avoir une différence de volume trop importante d’un bout à l’autre. Si on a que deux HP, on peut en mettre un à une extrémité et un autre au milieu, orienté vers le fond de la pièce.
Pour une salle très en longueur, il fau­dra prob­a­ble­ment mul­ti­pli­er les haut-par­leurs pour éviter d’avoir une dif­férence de vol­ume trop impor­tante d’un bout à l’autre. Si on a que deux HP, on peut en met­tre un à une extrémité et un autre au milieu, ori­en­té vers le fond de la pièce.

Ici, une pos­si­bil­ité avec deux enceintes prin­ci­pales et d’autres, plus faibles, pour équili­br­er le vol­ume. Les enceintes sec­ondaires devraient être réglées à un vol­ume plus faible pour garder la cohérence de la venue du son depuis les enceintes prin­ci­pales. Pour ma part, je les ori­ente dans la même direc­tion afin d’éviter les ven­tres et les nœuds acous­tiques (zones où le son s’additionne ou s’annule).

Pour une grande taille, il faut ménag­er des délais dif­férents selon les enceintes afin que l’auditeur ait l’impression que toutes les enceintes, proches ou éloignées, réson­nent en même temps. Mal­heureuse­ment, ce type de réglage n’est pos­si­ble que sur des équipements pro­fes­sion­nels et ils seront donc réservés aux événe­ments dis­posant d’un sonorisa­teur com­pé­tent. Dans les autres cas, réduire le vol­ume des aux­il­i­aires per­met de faire pass­er le mon­tage comme sup­port­able.

Une autre possibilité consiste à poser les enceintes face à face, à chaque extrémité de la pièce. Dans ce cas, il est important de mettre les enceintes en opposition de phase pour éviter un nœud au centre de la pièce.
Une autre pos­si­bil­ité con­siste à pos­er les enceintes face à face, à chaque extrémité de la pièce. Dans ce cas, il est impor­tant de met­tre les enceintes en oppo­si­tion de phase pour éviter un nœud au cen­tre de la pièce.
Mise en phase des haut-parleurs.
Mise en phase des haut-par­leurs.

En haut, les HP sont branchés de la même façon. Les ondes sont syn­chro­nisées. Un audi­teur situé à égale dis­tance des deux HP aura une écoute opti­male. Lorsqu’il est à une dis­tance dif­férente des deux HP, il entend le sig­nal d’un côté un peu décalé. Cela peut pos­er un manque de clarté, mais cela donne aus­si une impres­sion de vol­ume et, si c’est dans des pro­por­tions raisonnables, ce n’est pas un prob­lème. Dans une salle très pro­fonde avec des haut-par­leurs très dis­tants, l’effet peut être désagréable si on n’ajuste pas les délais.

Lorsque les HP sont en oppo­si­tion de phase, les ondes sonores qu’ils émet­tent ten­dent à s’annuler, ce qui crée un nœud. Comme l’effet est vari­able selon les fréquences, le résul­tat peut être très désagréable, notam­ment pour les danseurs qui vont se déplac­er dans la salle et pass­er par des suc­ces­sions de nœuds et ven­tres.

Il existe plusieurs façons d’inverser la phase. La plus simple est de sélectionner la commande correspondante sur l’enceinte. Sur des systèmes grand public, on peut inverser le fil rouge et le noir sur le bornier. Pour des connexions en XLR ou Speakon, il faut utiliser un adaptateur spécifique (ce dernier tend à disparaître au profit du réglage sur les enceintes).
Il existe plusieurs façons d’inverser la phase. La plus sim­ple est de sélec­tion­ner la com­mande cor­re­spon­dante sur l’enceinte. Sur des sys­tèmes grand pub­lic, on peut invers­er le fil rouge et le noir sur le bornier. Pour des con­nex­ions en XLR ou Speakon, il faut utilis­er un adap­ta­teur spé­ci­fique (ce dernier tend à dis­paraître au prof­it du réglage sur les enceintes).

Connexion entre la console et les enceintes amplifiées

Les principales sorties d’une console de mixage. RCA (connecteur blanc pour la gauche et rouge pour la droite). Connecteurs jacks 6,35 avec moins de risque d’arrachement accidentel et XLR, le seul système vraiment professionnel et qui, idéalement, est symétrique lorsque l’on a besoin d’une grande longueur de câble entre la console et les enceintes.
Les prin­ci­pales sor­ties d’une con­sole de mix­age. RCA (con­necteur blanc pour la gauche et rouge pour la droite). Con­necteurs jacks 6,35 avec moins de risque d’arrachement acci­den­tel et XLR, le seul sys­tème vrai­ment pro­fes­sion­nel et qui, idéale­ment, est symétrique lorsque l’on a besoin d’une grande longueur de câble entre la con­sole et les enceintes.
Dans une liaison symétrique, le signal passe dans deux des conducteurs du câble en opposition de phase. À l’arrivée, les deux signaux sont remis en phase et combinés. Si un bruit causé par une interférence sur le câble apparait, il est automatiquement supprimé, car il est en opposition de phase sur les deux fils. Cela permet de grandes longueurs de câble et c’est donc la liaison idéale entre la console de mixage et des haut-parleurs amplifiés qui peuvent être assez loin dans la salle.
Dans une liai­son symétrique, le sig­nal passe dans deux des con­duc­teurs du câble en oppo­si­tion de phase. À l’arrivée, les deux sig­naux sont remis en phase et com­binés. Si un bruit causé par une inter­férence sur le câble appa­rait, il est automa­tique­ment sup­primé, car il est en oppo­si­tion de phase sur les deux fils. Cela per­met de grandes longueurs de câble et c’est donc la liai­son idéale entre la con­sole de mix­age et des haut-par­leurs ampli­fiés qui peu­vent être assez loin dans la salle.

La puissance des enceintes

Une règle empirique pour­rait être de mul­ti­pli­er les W par 10 par le nom­bre de danseurs. Ain­si, 100 danseurs 1000W ; 300 danseurs 3000W et 10 danseurs… 100W 😉 On musi­calise générale­ment le tan­go à moins de 85 dB et il n’y a pas de graves puis­sants, deman­deurs de puis­sance. Cette base empirique peut donc suf­fire.

2 enceintes de 1000 à 2000 W peu­vent donc être l’équipement de base d’un organ­isa­teur ou d’un DJ itinérant.

Pour une instal­la­tion en fixe, il est préférable d’optimiser les paramètres en fonc­tion de la salle. C’est un tout autre domaine qui demande d’étudier beau­coup de paramètres et qui ne peut se résoudre sim­ple­ment par la seule sonori­sa­tion.

Tester le son dans la salle

Pour véri­fi­er que le posi­tion­nement des enceintes est cor­rect, que l’égalisation est bien effec­tuée (com­pen­sa­tion des modes pro­pres de la salle), il y a plusieurs étapes, plutôt sim­ples.

Vérifier le signal gauche droite.

  • En tan­go, comme on dif­fuse générale­ment en qua­si-mono, ce n’est pas déter­mi­nant, sauf si on a plus que deux haut-par­leurs pour véri­fi­er que les groupes sont cohérents. Cela per­met aus­si de véri­fi­er qu’un côté n’est pas plus fort que l’autre. Pour cela, on peut envoy­er un sig­nal alter­na­tive­ment à gauche et à droite. Par exem­ple, un sig­nal de 1000 kHz. Si on souhaite que la gauche soit réelle­ment la gauche et la droite, la droite, on peut enreg­istr­er une piste qui annonce gauche/droite, mais encore une fois, en tan­go et pour la danse où on se déplace, ce n’est pas pri­mor­dial.

Vérifier l’absence de ventres et de nœuds à toutes les fréquences

  • Là, en revanche, c’est absol­u­ment essen­tiel si on est face à une sonori­sa­tion impro­visée. Les organ­isa­teurs n’aiment pas tou­jours que le DJ déplace les enceintes et bal­ance du bruit rose dans la salle, mais c’est le prix à pay­er pour une sonori­sa­tion de qual­ité. Dans une salle pro­fes­sion­nelle avec un sonorisa­teur, ces pré­cau­tions peu­vent être super­flues. Tous ces réglages ont été effec­tués en amont au mieux des capac­ités de la salle.
  • Pour effectuer cela, on envoie un bruit rose à un vol­ume per­ti­nent par rap­port à l’utilisation finale (par exem­ple 80 dB).
 Bruits rose et blanc, très utiles pour vérifier la qualité d’une installation de sonorisation.
Bruits rose et blanc, très utiles pour véri­fi­er la qual­ité d’une instal­la­tion de sonori­sa­tion.

On par­le dans le pub­lic, plus sou­vent de bruit blanc qui est un bruit de puis­sance équiv­a­lente à toutes les fréquences. Cepen­dant, pour la mesure d’une salle, il est préférable d’envoyer un bruit rose, car il pos­sède une énergie con­stante par octave. C’est-à-dire qu’il a 50 % d’énergie (3 dB) en moins à chaque dou­ble­ment de la fréquence.

L’utilisation du bruit rose a deux avan­tages :

  • Il suf­fit de véri­fi­er que le sig­nal est hor­i­zon­tal, sans pics ou creux pour véri­fi­er que toutes les fréquences sont bien représen­tées dans la salle.
  • Du fait des pro­priétés de l’oreille, il donne à l’écoute la sen­sa­tion d’une inten­sité sem­blable à toutes les fréquences.
Même sans équipement sophistiqué, on peut, avec une simple application sur un téléphone, avoir une représentation du profil de la musique en cours. Même si le téléphone n’est pas hyper précis, il est suffisant pour la musique de tango qui se trouve dans la plage de fréquence où le microphone du téléphone donne de bons résultats.
Même sans équipement sophis­tiqué, on peut, avec une sim­ple appli­ca­tion sur un télé­phone, avoir une représen­ta­tion du pro­fil de la musique en cours. Même si le télé­phone n’est pas hyper pré­cis, il est suff­isant pour la musique de tan­go qui se trou­ve dans la plage de fréquence où le micro­phone du télé­phone donne de bons résul­tats.
  • En blanc, les fréquences émis­es à un instant T. Cette ligne évolue donc rapi­de­ment.
  • En jaune, le canal gauche et en vert, le droit avec une iner­tie. C’est-à-dire que, si le son s’arrête, les lignes jaune et verte descen­dent pro­gres­sive­ment vers le bas.
  • Le fond bleu cor­re­spond aux max­i­ma ren­con­trés. Par exem­ple, on remar­que qu’il y a eu un pic à 800 Hz ici.

Si on utilise cette appli­ca­tion pour mesur­er le bruit rose, on doit avoir un résul­tat aus­si plat que pos­si­ble. Pour y arriv­er, il fau­dra éventuelle­ment chang­er la place des haut-par­leurs et agir sur l’égaliseur graphique en mon­tant ou bais­sant les curseurs des fréquences défectueuses. Par exem­ple, dans cette illus­tra­tion (qui n’est pas une mesure de bruit rose), on bais­serait le curseur des 800 Hz sur l’égaliseur graphique.

On se déplace dans la salle pour véri­fi­er que la courbe est bien plate dans tous les emplace­ments. On véri­fie aus­si que le niveau sonore est homogène. Une dif­férence de 12 dB est à mon avis accept­able entre les zones les plus fortes et les plus faibles de la piste de danse. L’idéal est bien sûr de rester dans la lim­ite de 3 dB, mais c’est presque impos­si­ble à réalis­er. Je ne m’occupe pas du vol­ume sonore hors de la piste, pour deux raisons. La pre­mière est qu’il est générale­ment plus faible que sur la piste et que les danseurs sont a pri­ori sur la piste. Si on cherche à aug­menter le vol­ume près des murs pour les per­son­nes aux tables, on va aug­menter la réver­béra­tion et nuire à la qual­ité de la musique sur la piste.

Une autre mesure que j’adore faire est de dif­fuser un sig­nal pas­sant de 10 Hz à 20 kHz, voire d’un dou­ble sig­nal avec un son en sens con­traire. Quand la salle est par­faite­ment réglée, la courbe résul­tante est par­faite­ment hor­i­zon­tale.

Bien sûr, ces mesures sont dif­fi­ciles à faire quand il y a du pub­lic dans la salle, car ces « bruits » peu­vent déranger. C’est pour cela que les organ­isa­teurs sont bien avisés quand ils respectent les pos­si­bil­ités de bal­ance pour les DJ égale­ment. Sou­vent, seuls les orchestres peu­vent en béné­fici­er et ceux-ci font plutôt des répéti­tions que des bal­ances, ce qui fait que le DJ n’a que rarement 5 min­utes pour faire ses réglages.

Faut-il une conclusion ?

J’ai bien con­science que c’est grotesque d’évoquer l’acoustique et la sonori­sa­tion d’une façon aus­si sim­pliste. C’est un méti­er à part entière et il n’est pas ques­tion que les organ­isa­teurs et les DJ se for­ment à cette dis­ci­pline. Cepen­dant, ces quelques con­seils pour­raient amélior­er les choses en don­nant aux danseurs une expéri­ence plus agréable pour leurs oreilles et pour con­clure, je rap­pellerai qu’il est ques­tion d’une chaîne et que, donc, tous les mail­lons doivent être à la hau­teur.

Il y a aus­si l’ambiance qui joue. Je prendrai l’exemple de la cig­a­rette. Comme non-fumeur, je suis très dérangé par la moin­dre odeur de cig­a­rette, même à plusieurs mètres dans la rue. Pour­tant, quand il s’agit d’une activ­ité pas­sion, comme le DJing ou la danse, on est beau­coup moins dérangé. C’était en ren­trant à la mai­son ou l’hôtel que l’on se rendait compte que les vête­ments empes­taient le tabac. Cepen­dant, à Buenos Aires, l’interdiction de fumer en milon­ga, qui date de 2006 n’expose plus à cet incon­vénient et c’est un exem­ple à suiv­re.

Peut-on éviter que meure le tango ?

Peut-on éviter que meure le tango ?

Le paradoxe du tango à Buenos Aires ; héritage mondial et abandon local

Le point de départ de mon arti­cle est une pub­li­ca­tion de Chris­t­ian Mar­tinez, qui est un organ­isa­teur de tan­go con­tem­po­rain. Le para­doxe du tan­go à Buenos Aires ; héritage mon­di­al et aban­don local.

Je ne pro­pose pas une lec­ture ou une analyse détail­lée de cet arti­cle. Je l’utilise juste comme pré­texte pour don­ner quelques pistes pour que ne meure pas notre tan­go.

Faut-il évoluer pour être un patrimoine de l’humanité ?

Chris­t­ian Martínez regrette que la poli­tique cul­turelle argen­tine n’appuie pas la créa­tion dans le domaine du tan­go. Il par­le d’absence de finance­ment et on ne peut que le suiv­re quand on con­state qu’avec le gou­verne­ment actuel, tout ce qui est cul­turel ne va plus être sub­ven­tion­né. Rap­pelons tout de même que cer­taines milon­gas sont aidées par la Ville de Buenos Aires, notam­ment pour financer des presta­tions d’orchestres.

Il émet la thèse que les finance­ments per­me­t­tent de soutenir la créa­tion artis­tique, indis­pens­able à la survie du tan­go, tout du moins, de son tan­go, un tan­go con­tem­po­rain et en recherche d’un autre souf­fle.

Dans son arti­cle, il prend l’exemple du chamamé, une musique et une danse cen­trées sur la province de Cor­ri­entes et que les Européens dansent en milon­ga… Il rap­pelle que le chamamé vient de sor­tir du champ du pat­ri­moine cul­turel immatériel de l’Unesco, pour n’être pas suff­isam­ment nova­teur, pas assez var­ié.

Qui a fait même un très court séjour dans la Province de Cor­ri­entes aura enten­du du chamamé à longueur de journée. Le fait qu’il ne soit pas devenu un élé­ment pour touriste et au con­traire, qu’il rem­plisse l’âme des Cor­renti­nos devrait, à mon avis, ren­forcer son titre de pat­ri­moine.

Cela est inquié­tant pour le tan­go, car, si ce critère pré­domine, ce sera une accéléra­tion de la dénat­u­ra­tion de ce pat­ri­moine, la recherche d’originalité et de nou­veauté au détri­ment de la nature pro­fonde du tan­go.

Ce titre serait alors plutôt une pierre tombale, tout comme le sont en France les appel­la­tions con­trôlées de fro­mages où on oblige à indus­tri­alis­er les procédés de fab­ri­ca­tion pour uni­formiser le goût d’un pro­duc­teur à l’autre. C’est le principe de Mac Don­ald ; un ham­burg­er doit avoir le même goût à New York, Paris, Rome ou Tokyo. Le chamamé et bien­tôt le tan­go doivent se fon­dre dans cette cul­ture de masse mon­di­ale pour être recon­nus comme pat­ri­moine cul­turel.

Éléments sur la situation du tango à Buenos Aires et ailleurs

Pour par­ler d’argent, À Buenos Aires, chaque musi­cien d’un orchestre de tan­go est payé autour de 50 000 pesos (moins de 50 €/$) par presta­tion, tout comme le DJ, mais ce dernier assure plus d’heures…

Pour les danseurs, le prob­lème est surtout l’inflation qui fait que les prix explosent. Les milon­gas coû­tent désor­mais entre 5 000 et 10 000 pesos plus 3 000 pesos pour une bois­son, qua­si oblig­a­toire, ce qui rejoint les prix européens. Mal­heureuse­ment, les revenus men­su­els, notam­ment chez les retraités qui sont une part impor­tante des milongueros portègnes, tour­nent autour de 600 000 pesos, voire la moitié dans bien des cas.
Le résul­tat est que les Portègnes ne dansent plus qu’une ou deux fois par semaine là où ils dan­saient tous les jours.

Les organ­isa­teurs cherchent à bouch­er les trous en atti­rant les touristes, tan­das de trois, orchestres qui n’étaient pas joués aupar­a­vant comme Sas­sone. Ces manœu­vres éloignent encore plus les milongueros. Les étrangers en vien­nent à danser entre eux ou avec des taxis dancers (sans le savoir dans la plu­part des cas, car il y a 2 à 10 % de taxis dancers payés par les organ­isa­teurs). Rap­pelons que leur « paye » peut être l’entrée gra­tu­ite et une bois­son. Comme l’évoquent les paroles écrites par Car­los Lucero pour Bailarín de con­traseña inter­prété par Ángel D’Agostino et Ángel Var­gas, on trou­ve des expé­di­ents pour pou­voir danser…

Curieuse­ment, les entrées gra­tu­ites ou à prix réduit pour les habitués (lire les Autochtones) sont décriées par les touristes comme étant de la dis­crim­i­na­tion. Mais c’est pour­tant une mesure qui peut sauver les milon­gas en y con­ser­vant quelques véri­ta­bles danseurs portègnes et éviter que les milon­gas soient toutes des Dis­ney­lands où des touristes vien­nent voir bouger en savourant un café, une coupe de « cham­pagne » et des médi­alu­nas, des sim­u­lacres de tan­go pra­tiqués par des débu­tants et des touristes.

Le tan­go de danse est un art pop­u­laire, qui a ses sources dans l’âme du peu­ple. Il a été forgé essen­tielle­ment en Argen­tine. Les intel­lectuels qui théorisent ce diver­tisse­ment le ren­dent sou­vent insipi­de.

Reste à par­ler du rôle du DJ (et des organ­isa­teurs). Le partage entre faire du vul­gaire pour attir­er les mass­es et faire de la qual­ité pour con­serv­er les danseurs qui s’intéressent à la musique n’est pas si facile, du moins en apparence.

En effet, on se rend rapi­de­ment compte que les bons tan­gos de danse de l’âge d’or sont suff­isants pour don­ner du plaisir aux danseurs étrangers et qu’ils n’ont pas besoin de retrou­ver les titres médiocres (ou mal agencés) qu’ils peu­vent avoir chez eux. Sinon, pourquoi faire plusieurs mil­liers de kilo­mètres pour retrou­ver la même bouil­lie qu’à la mai­son ?

Il est donc essen­tiel que le DJ et l’organisateur fassent fonc­tion­ner un bon pat­ri­moine. Cela n’exclut pas les orchestres con­tem­po­rains, même si la majorité d’entre eux sont des clones des orchestres de l’âge d’or. Un bon orchestre en vivo fait venir du monde, de même qu’un bon DJ rem­plit les milon­gas portègnes.

Les milon­gas qui sont rem­plies au for­ceps (accords avec des voy­ag­istes, par exem­ple), sont à moyen terme con­damnées. Les danseurs ne trou­vent pas de table libre et la piste est encom­brée par des touristes, sac à main en ban­doulière, qui ges­tic­u­lent comme des déments. Les bons danseurs ne vien­nent plus ou alors ne s’intéressent qu’aux belles étrangères qui peu­vent leur apporter un espoir d’émigration. Du coup, les danseuses portègnes ne vien­nent plus et seule la per­fu­sion des entrées des touristes per­met de faire fonc­tion­ner ce mécan­isme à vide.

Le raison­nement pour­rait être le même pour les milon­gas hors de Buenos Aires, mais peut-être avec la rai­son sup­plé­men­taire que pour cer­tains organ­isa­teurs, le but unique est de gag­n­er de l’argent. Cela n’est pas un mal en soi, c’est un méti­er comme un autre. En revanche, cela devient néfaste quand la volon­té de lucre en vient à dimin­uer la qual­ité de l’événement en offrant des presta­tions médiocres, voire franche­ment nulles.

Par­fois, c’est une ques­tion de choix. On dépense beau­coup pour un orchestre de 10 musi­ciens et on met des DJ locaux avec des playlists médiocres pour occu­per la majorité des créneaux de danse. Si l’orchestre est excep­tion­nel, cela peut pass­er, mais sou­vent, les économies se font aus­si sur l’orchestre et là, c’est au DJ de sauver l’événement. S’il ne peut pas le faire, cela fait d’autres danseurs qui vont s’éloigner de cet événe­ment, puis, à force de retrou­ver le prob­lème, même en se déplaçant par­fois très loin, c’est le tan­go qu’ils aban­don­nent.

Pour éviter cela, il reste (ou restait ?), Buenos Aires. Il est donc impor­tant que la com­mu­nauté portègne prenne en charge son héritage et le val­orise et arrête de som­br­er dans des con­ces­sions au tourisme pour rede­venir un généra­teur, un régénéra­teur du tan­go à l’échelle mon­di­ale.

Il y a ici d’immenses pro­fes­sion­nels et c’est désolant de voir comme ils peu­vent être noyés dans une médi­ocrité crois­sante qui tend à devenir la norme.

Le tan­go se mérite. Il demande beau­coup d’efforts pour le com­pren­dre, l’aimer, le servir, l’adorer. Je crois qu’il faudrait donc veiller à soutenir la flamme de ceux qui veu­lent décou­vrir cet univers. Mal­heureuse­ment, on leur pro­pose surtout des douch­es froides, des événe­ments tristes, com­passés, asep­tisés, ennuyeux et par-dessus tout pré­ten­tieux, comme ces grands fes­ti­vals financés par une col­lec­tiv­ité com­plaisante et qui peu­vent sur­vivre par ce moyen, même sans jamais avoir en pri­or­ité le plaisir des danseurs.

Heureuse­ment, il y a des événe­ments qui redonnent du bon­heur et de l’envie et, bien sûr, plusieurs milon­gas portègnes, même si les pro­por­tions bais­sent.

Alors, tous ensem­ble, dans ce monde dés­espérant sur bien trop de plans, essayons de nous forg­er un petit par­adis de tan­go.

Que les danseurs appren­nent à écouter la musique pour ne plus se con­tenter de bruits médiocres, pro­posés dans n’importe quel ordre ou tou­jours dans la même organ­i­sa­tion, celle de la playlist récupérée.

Que les DJ appren­nent à étudi­er la piste de danse, à mar­quer de l’empathie pour les danseurs et qu’ils enrichissent leurs con­nais­sances pour sauve­g­arder l’héritage, mais en le gar­dant vivant.

Il serait bien aus­si que tous les pro­fesseurs enseignent le tan­go comme une danse sociale, appuyée sur une musique dédiée et dans le respect de l’harmonie du bal.

Enfin, le som­met serait que les organ­isa­teurs veil­lent au con­fort des danseurs avec, notam­ment de bons inter­venants, une sonori­sa­tion de qual­ité, un planch­er sat­is­faisant et un accueil chaleureux, voire ami­cal, pour que chaque danseur se sente comme mem­bre de la grande famille du tan­go.

Nous avons du boulot, mais le tan­go le mérite…

Les fioritures : une approche de leur compréhension

Par la professeure Olga Besio (Buenos Aires n/a – Buenos Aires, 2024-10-30)

Biogra­phie d’Ol­ga Besio sur Todo Tan­go

Olga Besio, était pro­fesseure, danseuse, choré­graphe et direc­trice de troupe de danse. Elle nous a quit­té le 30 octo­bre 2024, mais son enseigne­ment lais­sera des traces, comme on peut en juger par cet arti­cle essen­tiel sur les fior­i­t­ures.
Je pense que mes sta­giaires des cours de musi­cal­ité retrou­veront des repères…

Texte original d’Olga Besio

“Para hablar de adorno –y como sus­ten­to de todo lo que pue­da venir después- debe­mos, en primer lugar, hur­gar en los orí­genes de la esen­cia y exis­ten­cia del tan­go y de la dan­za.
Es nece­sario dejar bien claro que la pal­abra “dan­za” no tiene sola­mente una acep­ción que con­no­ta téc­ni­ca. Muy por el con­trario, su sen­ti­do más amplio y gen­er­al refiere a toda for­ma de dan­za (en sen­ti­do par­tic­u­lar) y de baile. Y alude a lo más nat­ur­al, prim­i­ti­vo, remo­to, vis­cer­al y has­ta ani­mal del ser humano. Y en este sen­ti­do es muy ante­ri­or, tan­to históri­ca, cronológ­i­ca, como ontológi­ca­mente, a toda con­cep­ción téc­ni­ca.
Si enten­demos la dan­za como un hecho pro­fun­da­mente nat­ur­al, que nace con el ser humano –y hablam­os así de la dan­za pop­u­lar, de la cual el tan­go baila­do es quizás nue­stro ejem­p­lo más intrínseco‑, inmedi­ata­mente que­da descar­ta­do todo lo super­fluo.
Entonces, ¿qué es el tan­go? Lo que ya todos sabe­mos: un baile de a dos, una pro­fun­da comu­ni­cación con el otro, y con la músi­ca, y.., y.… y “des­cub­ri­mos” así la idea de diál­o­go. El diál­o­go de la pare­ja de baile, el diál­o­go con la músi­ca, el diál­o­go de los pies entre sí y con el piso dibu­jan­do los famosos “ochos” y mil cosas más – y, si cuadra, el diál­o­go de los pies y las pier­nas con el aire, dibu­jan­do con pre­cisión boleos de for­mas clara­mente definidas, creadas y recreadas cada vez.
Pero ¿en qué con­siste el “adorno”, tam­bién lla­ma­do a veces –pos­te­ri­or­mente- “embel­lec­imien­to”, “expre­sivi­dad”…? El adorno con­siste, pre­cisa­mente, en expre­sar la esen­cia del tan­go. De nada sirve hac­er adornos medi­ante pro­ced­imien­tos mera­mente téc­ni­cos, si no se com­prende real­mente “de qué se tra­ta”. Las pier­nas de la baila­r­i­na (y ATENCIÓN: tam­bién las del bailarín) equiv­alen a una pare­ja de tan­go. Se abrazan, se jun­tan, dialo­gan, se acari­cian… téc­ni­ca­mente, esto se logra a par­tir de un juego de rota­ciones de las artic­u­la­ciones. Pero este juego de rota­ciones no debe tomarse como algo fría­mente téc­ni­co, sino como algo abso­lu­ta­mente nat­ur­al y lógi­co, tan nat­ur­al y tan lógi­co como cualquier lengua­je. Las pier­nas “expre­san”, “son expre­si­vas”, cuan­do tienen un lengua­je; no cuan­do mera­mente se mueven.
Así, acabamos de der­rib­ar var­ios mitos.

  • Uno, es el de que los adornos son “movimien­tos que hay que apren­der” o “copi­ar”. De ningu­na man­era. El apren­diza­je téc­ni­co es impor­tan­tísi­mo, pero no bas­ta. Hay mar­avil­losos bailar­ines y bailar­i­nas que hacen del adorno una ver­dadera emo­ción, pero tam­bién vemos, lam­en­ta­ble­mente, la mera repeti­ción de movimien­tos o copias de tal o cual bailarín/a, sin haber enten­di­do real­mente su esen­cia; en estos casos, gen­eral­mente el bailarín o baila­r­i­na “orig­i­nal” es exce­lente, y las copias resul­tan intrascen­dentes, y a veces has­ta desagrad­ables e inclu­so grotescas.
  • Otro, el de que el adorno es “cuestión de mujeres”. De ningu­na man­era. Adorno es todo lo que hacen el hom­bre y/o la mujer sin inter­ferir en la mar­cación, ni en el paso, figu­ra, secuen­cia, etc., incluyén­do­lo con exac­ti­tud en la músi­ca y sin pro­ducir ningún tipo de vibración ni tiro­neo. Para esto, es abso­lu­ta­mente nece­sario saber lle­var y seguir, y ten­er muy buen oído musi­cal. (siem­pre les digo a mis alumnos/as que el compañero/a tiene que enter­arse de que su pare­ja hace adornos, cuan­do los ve en un video. Esto le pasó a un famoso bailarín, que un día se vio fil­ma­do y des­cubrió lo que hacía su com­pañera y por qué había tan buenos comen­tar­ios acer­ca de ella).
  • Otro: el de que “para que la mujer adorne, el hom­bre le tiene que dar tiem­po”. Esto vale cuan­do se tra­ta de una core­ografía, que se puede elab­o­rar de común acuer­do o en for­ma uni­lat­er­al, o bien por un ter­cero. Pero en el tan­go impro­visa­do, está en la inteligen­cia, en la habil­i­dad, en la “tangueri­dad” de la mujer, el saber decidir si cor­re­sponde, y en caso afir­ma­ti­vo cuán­do, cómo y qué adorno o tipo de adorno es el más ade­cua­do según las cir­cun­stan­cias. Por supuesto, si la baila­r­i­na tiene poca expe­ri­en­cia no es acon­se­jable que lo intente en la milon­ga; para eso están las clases y las prác­ti­cas.
  • Uno más: hablan­do de oído y musi­cal­i­dad, algunos bailarines/as (o apren­dices) con­sid­er­an que es sufi­ciente “escuchar el rit­mo”. Otros, más avan­za­dos o exquis­i­tos, hablan de “bailar la frase”. Hay que aclarar que esto no bas­ta; es nece­sario com­pren­der tam­bién la melodía y la pecu­liar expre­sivi­dad de cada pieza musi­cal, de cada arreg­lo, de cada ver­sión… Y en este sen­ti­do, la musi­cal­i­dad que nece­si­tan el bailarín y la baila­r­i­na va mucho más allá del reconocimien­to del “rit­mo”, el “com­pás”, el “tiem­po fuerte”, el “débil”, el “con­tratiem­po” y todas esas cosas de las que habit­ual­mente se habla (a veces inclu­so mez­clán­dolas o con­fundién­dolas). La musi­cal­i­dad que aquí se requiere es un ver­dadero lengua­je que pue­da tra­ducir, sobre inven­tar y volver a crear una y mil veces el sen­timien­to, la estruc­tura com­pos­i­ti­va, la esen­cia de esta obra en par­tic­u­lar que este hom­bre y esta mujer tienen la dicha de poder bailar aquí y aho­ra.
    Por últi­mo, es nece­sario men­cionar que el adorno no se limi­ta al movimien­to, y tam­poco se limi­ta a los pies y/o a las pier­nas –si bien éstos son quizás lo más visible‑, sino que es de todo el cuer­po, es una acti­tud, una qui­etud, un cer­rar los ojos, una pausa, una suce­sión de cam­bios de veloci­dad y mil cosas más que pueden y muchas veces nece­si­tan tra­ba­jarse téc­ni­ca­mente, metodológi­ca­mente, pero que en defin­i­ti­va mues­tran el amor y la pasión de bailar el tan­go como cada una, cada uno y cada pare­ja es capaz de sen­tir­lo.

Olga Besio

Traduction libre du texte d’Olga Besio

« Pour par­ler d’orne­ment, de fior­i­t­ure – et comme matière pour tout ce qui peut venir ensuite – nous devons, en pre­mier lieu, nous plonger dans les orig­ines de l’essence et de l’ex­is­tence du tan­go et de la danse.
Il est néces­saire de pré­cis­er que le mot « danse » n’a pas seule­ment un sens qui con­note de la tech­nique. Bien au con­traire, son sens le plus large et le plus général se réfère à toutes les formes d’expression cor­porelle (dans un sens par­ti­c­uli­er) et de danse. Et il fait référence aux aspects les plus naturels, prim­i­tifs, loin­tains, vis­céraux et même ani­maux de l’être humain. Et en ce sens, il est beau­coup plus ancien, à la fois his­torique­ment, chronologique­ment et ontologique­ment, à toute con­cep­tion tech­nique.
Si nous com­prenons la danse comme un fait pro­fondé­ment naturel, qui naît avec l’être humain – et nous par­lons de la danse pop­u­laire, dont le tan­go dan­sé est peut-être notre exem­ple le plus intrin­sèque – tout ce qui est super­flu est immé­di­ate­ment écarté.
Alors, qu’est-ce que le tan­go ? Ce que nous savons tous déjà : une danse en cou­ple, une com­mu­ni­ca­tion pro­fonde l’un avec l’autre, et avec la musique, et.., et…. Et c’est ain­si que nous avons « décou­vert » l’idée de dia­logue. Le dia­logue du cou­ple de danseurs, le dia­logue avec la musique, le dia­logue des pieds entre eux et avec le sol en dessi­nant les fameux « huit » et mille autres choses — et, si cela con­vient, le dia­logue des pieds et des jambes avec l’air, dessi­nant avec pré­ci­sion des boléos de formes claire­ment définies, créées et recréées à chaque fois.
Mais en quoi con­siste « l’ornement » (adorno), aus­si par­fois appelé – plus tard – « embel­lisse­ment », « expres­siv­ité »… ? L’orne­ment con­siste, pré­cisé­ment, à exprimer l’essence du tan­go. Il ne sert à rien de faire des fior­i­t­ures par des procédés pure­ment tech­niques, si l’on ne com­prend pas vrai­ment « de quoi il s’ag­it ». Les jambes de la danseuse (et ATTENTION : égale­ment celles du danseur) sont équiv­a­lentes à un cou­ple de tan­go. Elles s’étreignent, se retrou­vent, dia­loguent, se caressent… Tech­nique­ment, cela est réal­isé à par­tir d’un jeu de rota­tions des artic­u­la­tions. Mais ce jeu de rota­tions ne doit pas être pris comme quelque chose de froide­ment tech­nique, mais comme quelque chose d’ab­sol­u­ment naturel et logique, aus­si naturel et aus­si logique que n’im­porte quelle langue. Les jambes « expri­ment », « sont expres­sives », quand elles ont un lan­gage ; pas quand elles se con­tentent de bouger.
Ain­si, nous venons de déboulon­ner plusieurs mythes :

  • L’un d’en­tre eux est que les embel­lisse­ments sont des « mou­ve­ments à appren­dre » ou à « copi­er ». En aucune façon. L’ap­pren­tis­sage tech­nique est très impor­tant, mais ce n’est pas suff­isant. Il y a de mer­veilleux danseurs et danseuses qui font de l’orne­ment une véri­ta­ble émo­tion, mais on voit aus­si, mal­heureuse­ment, la sim­ple répéti­tion de mou­ve­ments ou de copies de tel/telle ou tel/telle danseur/danseuse, sans en avoir vrai­ment com­pris l’essence ; dans ces cas-là, le danseur ou la danseuse « original(e) » est générale­ment excellent(e), et les copies sont incon­séquentes, et par­fois même désagréables, voire grotesques.
  • Un autre que l’embellissement est « une affaire de femmes ». En aucune façon. La fior­i­t­ure est tout ce que l’homme et/ou la femme font sans inter­fér­er ni avec le guidage ni le pas, fig­ure, séquence, etc., en l’in­clu­ant avec pré­ci­sion dans la musique et sans pro­duire aucun type de vibra­tion ou de trac­tion. Pour cela, il faut absol­u­ment savoir pro­pos­er et suiv­re, et avoir une très bonne oreille musi­cale. (Je dis tou­jours à mes élèves que le danseur/danseuse doit décou­vrir que sa/son parte­naire fait des fior­i­t­ures, quand il les voit dans une vidéo. C’est ce qui est arrivé à un danseur célèbre qui, un jour, s’est vu filmé et a décou­vert ce que fai­sait sa com­pagne et pourquoi il y avait tant de bons com­men­taires à son sujet).
  • Un autre : que « pour que la femme s’exprime dans la fior­i­t­ure, l’homme doit lui don­ner du temps ». C’est vrai lorsqu’il s’ag­it d’une choré­gra­phie, qui peut être élaborée d’un com­mun accord ou uni­latérale­ment, ou avec un tiers. Mais dans le tan­go impro­visé, c’est dans l’in­tel­li­gence, dans l’ha­bileté, dans la « tanguer­ité » (ndt : l’attitude tanguera) de la femme, de savoir décider si c’est appro­prié, et, si oui, quand, com­ment et quelle fior­i­t­ure ou type de fior­i­t­ure est le plus appro­prié selon les cir­con­stances. Bien sûr, si la danseuse a peu d’ex­péri­ence, il ne lui est pas con­seil­lé de s’es­say­er dans la milon­ga ; pour cela, il y a les cours et les pra­tiques.
  • Encore un : en par­lant d’é­coute et de musi­cal­ité, cer­tains danseurs/danseuses (ou appren­tis) con­sid­èrent qu’il suf­fit d’« écouter le rythme ». D’autres, plus avancés ou mûrs, par­lent de « danser la phrase ». Il con­vient de pré­cis­er que cela ne suf­fit pas ; Il faut aus­si com­pren­dre la mélodie et l’ex­pres­siv­ité par­ti­c­ulière de chaque morceau de musique, de chaque arrange­ment, de chaque ver­sion… Et en ce sens, la musi­cal­ité dont le danseur a besoin va bien au-delà de la recon­nais­sance du « rythme », du « tem­po », du « temps fort », du « faible », du « con­tretemps » et de toutes ces choses dont on par­le habituelle­ment (par­fois même en les mélangeant ou en les con­fon­dant). La musi­cal­ité qui est req­uise ici est un véri­ta­ble lan­gage qui peut traduire, inven­ter et recréer mille fois le sen­ti­ment, la struc­ture de la com­po­si­tion, l’essence de cette œuvre en par­ti­c­uli­er que cet homme et cette femme ont la joie de pou­voir danser ici et main­tenant.
    Pour ter­min­er, il faut men­tion­ner que la fior­i­t­ure ne se lim­ite pas au mou­ve­ment, ni aux pieds et/ou aux jambes – bien que ceux-ci soient peut-être les plus vis­i­bles – mais qu’elle con­cerne tout le corps, c’est une atti­tude, une tran­quil­lité, une fer­me­ture des yeux, une pause, une suc­ces­sion de change­ments de vitesse et mille autres choses qui peu­vent et doivent sou­vent être tra­vail­lées tech­nique­ment, méthodique­ment, mais qui mon­trent en défini­tive l’amour et la pas­sion de danser le tan­go tel que cha­cune, cha­cun et chaque cou­ple est capa­ble de le ressen­tir.
Olga Besio, d’après une pho­to de https://demilongas.com.

Sur la question du choix du diapason au dix-neuvième siècle

Choisir le bon dia­pa­son quand on restau­re des dis­ques anciens peut avoir son util­ité. Cepen­dant, c’est une véri­ta­ble jun­gle et aujour­d’hui encore, les DJ, édi­teurs de musique et même les musi­ciens con­tin­u­ent de se quereller au sujet de ce fameux dia­pa­son.
Pour vous amuser, je vous pro­pose d’en­tr­er dans un débat qui a eu lieu en 1859…

Pour vous faciliter la lec­ture, vous pou­vez aus­si télécharg­er le texte inté­gral au for­mat PDF (en fin de cet arti­cle).

Entrons dans le débat…

Je vous pro­pose trois élé­ments pour juger du débat qui ani­me tou­jours les musi­ciens d’aujourd’hui… C’est un exem­ple français, mais à voca­tion large­ment européenne par les élé­ments traités et l’accueil fait aux deman­des de la com­mis­sion ayant établi le rap­port.

  1. Un rap­port étab­lis­sant des con­seils pour l’établissement d’un dia­pa­son musi­cal uni­forme.
  2. Le décret met­tant en place ce dia­pa­son uni­forme.
  3. Les cri­tiques con­tre le dia­pa­son uni­forme…

Rapport présenté à S. Exc. Le ministre d’État par la commission chargée d’établir en France un diapason musical uniforme

Paris, le 1er févri­er 1859

Mon­sieur le min­istre,

Vous avez chargé une com­mis­sion « de rechercher les moyens d’établir en France un dia­pa­son musi­cal uni­forme, de déter­min­er un étalon sonore, qui puisse servir de type invari­able, et d’indiquer les mesures à pren­dre pour en assur­er l’adoption et la con­ser­va­tion.

Votre arrêté était fondé sur ces con­sid­éra­tions :

« Que l’élévation tou­jours crois­sante du dia­pa­son présente des incon­vénients dont l’art musi­cal, les com­pos­i­teurs de musique, les artistes et les fab­ri­cants d’instruments ont égale­ment à souf­frir ; et que la dif­férence qui existe entre les dia­pa­sons des divers pays, des divers étab­lisse­ments musi­caux et des divers­es maisons de fac­ture est une source con­stante d’embarras pour la musique d’ensemble, et de dif­fi­cultés dans les rela­tions com­mer­ciales. »

La com­mis­sion a ter­miné son tra­vail. Elle vous doit compte de ses opéra­tions, de la marche qu’elle a suiv­ie ; elle soumet à l’appréciation de Votre Excel­lence le résul­tat auquel elle est arrivée.

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Cette com­mis­sion était com­posée de :

Jules Bernard Joseph Pel­leti­er, con­seiller d’État, secré­taire général du min­istère d’État, prési­dent de la com­mis­sion ;
Jacques Fro­men­tal Halévy, mem­bre de l’Institut, secré­taire per­pétuel de l’Académie des beaux-arts, rap­por­teur de la com­mis­sion ;
Daniel-François-Esprit Auber, mem­bre de l’Institut, directeur du Con­ser­va­toire impér­i­al de musique et de décla­ma­tion (et qui a sa rue qui donne sur l’Opéra de Paris) ;
Louis Hec­tor Berlioz, mem­bre de l’Institut ;
César-Man­suète Despretz, mem­bre de l’Institut, pro­fesseur de physique à la Fac­ulté des sci­ences.
Camille Doucet, chef de la divi­sion des théâtres au min­istère d’État ;
Jules Antoine Lis­sajous, pro­fesseur de physique au lycée Saint-Louis, mem­bre du con­seil de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale ;
Le Général Émile Mellinet, chargé de l’organisation des musiques mil­i­taires ;
Désiré-Guil­laume-Édouard Mon­nais, com­mis­saire impér­i­al près les théâtres lyriques et le Con­ser­va­toire ;
Gia­co­mo Meyer­beer, com­pos­i­teur alle­mand, mais vivant à Paris où il mour­ra en 1871 ;
Gioachi­no Rossi­ni, Com­pos­i­teur ital­ien, mais vivant à Paris où il mour­ra en 1872 ;
Ambroise Thomas, com­pos­i­teur français et mem­bre de l’Institut.
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I

Il est cer­tain que dans le cours d’un siè­cle, le dia­pa­son s’est élevé par une pro­gres­sion con­stante. Si l’étude des par­ti­tions de Gluck ne suff­i­sait pas à démon­tr­er, par la manière dont les voies sont dis­posées, que ces chefs‑d’œuvre ont été écrits sous l’influence d’un dia­pa­son beau­coup moins élevé que le nôtre, le témoignage des orgues con­tem­po­raines en fourni­rait une preuve irré­cus­able. La com­mis­sion a voulu d’abord se ren­dre compte de ce fait sin­guli­er, et de même qu’un médecin pru­dent s’efforce de remon­ter aux sources du mal ayant d’essayer de le guérir, elle a voulu rechercher, ou au moins exam­in­er les caus­es qui avaient pu amen­er l’exhaussement du dia­pa­son. On pos­sède les élé­ments néces­saires pour éval­uer cet exhausse­ment. Les orgues dont nous avons par­lé accusent une dif­férence d’un ton au-dessous du dia­pa­son actuel. Mais ce dia­pa­son si mod­éré ne suff­i­sait pas à la pru­dence de l’Opéra de cette époque : Rousseau, dans son dic­tio­n­naire de musique (arti­cle Ton), dit que le ton de l’Opéra à Paris était plus bas que le ton de chapelle. Par con­séquent, le dia­pa­son, ou plutôt le ton de l’Opéra était, au temps de Rousseau, de plus d’un ton inférieur au dia­pa­son d’aujourd’hui.

Cepen­dant les chanteurs de ce temps, au rap­port de beau­coup d’écrivains, forçaient leur voix. Soit défaut d’études, soit défaut de goût, soit désir de plaire au pub­lic, ils cri­aient. Ces chanteurs, qui trou­vaient moyen de crier si fort avec un dia­pa­son si bas, n’avaient aucun intérêt à deman­der un ton plus élevé, qui aurait exigé de plus grands efforts ; et, en général, à nulle époque, dans aucun pays, aujourd’hui comme alors, jamais le chanteur, qu’il chante bien ou mal, n’a d’intérêt à ren­con­tr­er un dia­pa­son élevé, qui altère sa voix, aug­mente sa fatigue, et abrège sa car­rière théâ­trale. Les chanteurs sont donc hors de cause, et l’élévation du dia­pa­son ne peut leur être attribuée.

Les com­pos­i­teurs, quoi qu’aient pu dire ou penser des per­son­nes qui n’ont pas des choses de la musique, une idée bien nette, ont un intérêt tout con­traire à l’élévation du dia­pa­son. Trop élevé, il les gêne. Plus le dia­pa­son est haut, et plus tôt le chanteur arrive aux lim­ites de sa voix dans les cordes aiguës ; le développe­ment de la phrase mélodique est donc entravé plutôt que sec­ondé. Le com­pos­i­teur a dans sa tête, dans son imag­i­na­tion, on peut dire dans son cœur, le type naturel des voix. La phrase qu’il écrit lui est dic­tée par un chanteur que lui seul entend, et ce chanteur chante tou­jours bien. Sa voix, sou­ple, pure, intel­li­gente et juste, est fixée d’après un dia­pa­son mod­éré et vrai qui habite l’oreille du com­pos­i­teur. Le com­pos­i­teur a donc tout avan­tage à se mou­voir dans une gamme com­mode aux voix, qui le laisse plus libre, plus maître des effets qu’il veut pro­duire, et sec­onde ain­si son inspi­ra­tion. Et d’ailleurs, quel moyen pos­sède-t-il d’élever le dia­pa­son ? Fab­rique-t-il, fait-il fab­ri­quer ces petits instru­ments per­fides, ces bous­soles qui égar­ent ? Est-ce lui qui vient don­ner le la aux orchestres et nous n’avons jamais appris ou enten­du dire qu’un mae­stro, mécon­tent de la trop grande réserve d’un dia­pa­son, en ait fait fab­ri­quer un à sa con­ve­nance, un dia­pa­son per­son­nel, à l’effet d’élever le ton d’un orchestre tout entier. Il ren­con­tr­erait mille résis­tances, mille impos­si­bil­ités. Non, le com­pos­i­teur ne crée pas le dia­pa­son, il le subit. On ne peut donc non plus l’accuser d’avoir excité la marche ascen­sion­nelle de la tonal­ité.

Remar­quons que cette marche ascen­sion­nelle, en même temps qu’elle a été con­stante, a été générale ; qu’elle ne s’est pas bornée à la France ; que les Alpes, les Pyrénées, l’Océan n’y ont pas fait obsta­cle. Il ne faut donc pas, comme nous l’avons enten­du faire, en accuser spé­ciale­ment la France, qu’on charge assez volon­tiers des méfaits qui se pro­duisent de temps à autre dans le monde musi­cal. Notre pays n’a eu que sa part dans cette grande inva­sion du dia­pa­son mon­tant, et s’il était com­plice du mal, il en était en même temps vic­time. Les caus­es de cette inva­sion, qui agis­saient partout avec suite, ensem­ble, per­sévérance, on pour­rait dire avec prémédi­ta­tion, ne sauraient être ni acci­den­telles, ni par­ti­c­ulières à un pays. Elles devaient tenir à un principe déter­mi­nant, à un intérêt. En ver­tu d’un axiome bien con­nu, il faut donc rechercher ceux qui avaient un intérêt évi­dent à surélever ain­si le la qu’e­spéraient nous léguer nos ancêtres. Ceux qui fab­riquent ou font fab­ri­quer les dia­pa­sons, voilà les auteurs, les maîtres de la sit­u­a­tion. Ce sont les fac­teurs d’in­stru­ments, et on com­prend qu’ils ont à élever le dia­pa­son, un intérêt légitime et hon­or­able. Plus le ton sera élevé, plus le son sera bril­lant. Le fac­teur ne fab­ri­quera donc pas tou­jours ses instru­ments d’après le dia­pa­son ; il fera quelque­fois son dia­pa­son d’après l’in­stru­ment qu’il aura jugé sonore et écla­tant. Car il se pas­sionne pour la sonorité, qui est la fin de son œuvre, et il cherche sans cesse à aug­menter la force, la pureté, la trans­parence de voix qu’il sait créer. Le bois qu’il façonne, le métal qu’il forge, obéis­sant aux lois de la réso­nance, pren­dront des tim­bres intel­li­gents, qu’un· artiste habile, et quelque­fois inspiré, ani­mera bien­tôt de son archet, de son souf­fle, de son doigté, léger, sou­ple ou puis­sant. L’in­stru­men­tiste et le fac­teur sont donc deux alliés, leurs intérêts se com­bi­nent et se sou­ti­en­nent. Intro­duits à l’orchestre, ils le domi­nent, ils y règ­nent, et l’en­traî­nent facile­ment vers les hau­teurs où ils se plaisent. En effet, l’orchestre est à eux, ou plutôt ils sont l’orchestre, et c’est l’in­stru­men­tiste qui, en don­nant le ton, règle, sans le vouloir, les études, les efforts, les des­tinées du chanteur.

La grande sonorité acquise aux instru­ments à vent trou­va bien­tôt une appli­ca­tion directe, et en reçut un essor plus grand encore. La musique, qui se prête à tout et prend partout sa place, marche avec les rég­i­ments ; elle chante aux sol­dats ces airs qui les ani­ment et leur rap­pel­lent la patrie. Il faut alors qu’elle résonne haut et ferme, et que sa voix reten­tisse au loin. Les corps de musique mil­i­taire, s’emparant du dia­pa­son pour l’élever encore, propagèrent dans toute l’Eu­rope le mou­ve­ment qui l’en­traî­nait sans cesse.

Mais aujour­d’hui la musique mil­i­taire pour­rait, sans rien crain­dre, descen­dre quelque peu de ce dia­pa­son qu’elle a surex­cité. Sa fierté n’en souf­frirait pas, ses fan­fares ne seraient ni moins mar­tiales, ni moins écla­tantes. Le grand nom­bre d’in­stru­ments de cuiv­re dont elle dis­pose main­tenant lui ont don­né plus de corps, plus de fer­meté, et un relief à la fois solide et bril­lant qui lui man­quait autre­fois. Espérons d’ailleurs que de nou­veaux pro­grès dans la fac­ture affranchi­ront bien­tôt cer­tains instru­ments d’en­trav­es regret­ta­bles, et leur ouvriront l’ac­cès des rich­es tonal­ités qui leur sont inter­dites. L’honor­able général qui représente dans la com­mis­sion l’or­gan­i­sa­tion des corps de musique sec­on­derait de tous ses efforts cette amélio­ra­tion désir­able, ce pro­grès véri­ta­ble, qui apporterait aux orchestres mil­i­taires des ressources nou­velles, et vari­erait l’é­clat de leur sonorité.

Nous croyons avoir établi, mon­sieur le min­istre, que l’élé­va­tion du dia­pa­son est due aux efforts de l’in­dus­trie et de l’exé­cu­tion instru­men­tales ; que ni les com­pos­i­teurs ni les chanteurs n’y ont par­ticipé en rien. La musique religieuse, la musique dra­ma­tique ont subi le mou­ve­ment sans pou­voir s’en défendre, ou sans chercher à s’y dérober. On pour­rait donc, dans une cer­taine mesure, abaiss­er le dia­pa­son, avec la cer­ti­tude de servir les véri­ta­bles, les plus grands intérêts de l’art.

II

Nous avions l’as­sur­ance que ce fait de l’élé­va­tion tou­jours crois­sante du dia­pa­son ne s’é­tait pas pro­duit en France seule­ment, que le monde musi­cal tout entier avait subi cet entraîne­ment, mais il fal­lait en acquérir des preuves authen­tiques ; il fal­lait aus­si savoir dans quelle mesure, à quels degrés dif­férents s’é­tait fait sen­tir cette influ­ence dans les divers pays, dans les cen­tres prin­ci­paux. Nous avons donc pen­sé, mon­sieur le min­istre, que, pour men­er à bonne fin l’é­tude que votre Excel­lence nous avait con­fiée, il fal­lait com­mencer par nous ren­seign­er au dehors et autour de nous, inter­roger les chefs des étab­lisse­ments impor­tants en France et à l’é­tranger, pren­dre con­nais­sance de l’é­tat général du dia­pa­son, faire en un mot une sorte d’en­quête. Cette con­duite nous était d’ailleurs tracée par l’ar­rêté même qui nous institue, dans lequel vous sig­nalez avec juste rai­son « la dif­férence qui existe entre les dia­pa­sons des divers pays comme une source con­stante d’embarras. »

Nous nous sommes donc adressés sous vos aus­pices, et par l’or­gane de notre prési­dent, partout où il y a l’opéra, un grand étab­lisse­ment musi­cal, dans les villes où l’art est cul­tivé avec amour, avec suc­cès, pra­tiqué avec éclat, et qu’on peut nom­mer les cap­i­tales de la musique, deman­dant qu’on voulût bien nous ren­seign­er sur la marche du ton, nous envoy­er les dia­pa­sons en usage aujour­d’hui, et d’an­ciens dia­pa­sons, s’il était pos­si­ble, pour en mesur­er exacte­ment l’é­cart. En même temps, nous deman­dions aux hommes éclairés à qui nous nous adres­sions de_ nous faire con­naître leur opin­ion, sur l’é­tat actuel du dia­pa­son, et leurs dis­po­si­tions favor­ables ou con­traires à un abaisse­ment. à une mod­éra­tion dans le ton. La musique est un art d’ensem­ble, une sorte de langue uni­verselle. Toutes les nation­al­ités dis­parais­sent devant l’écri­t­ure musi­cale, puisqu’une nota­tion unique suf­fit à tous les peu­ples, puisque des signes, partout les mêmes, représen­tent les sons qui dessi­nent la mélodie ou se groupent en accords, les rythmes qui mesurent le temps, les nuances qui col­orent la pen­sée ; le silence même s’écrit dans cet alpha­bet prévoy­ant. N’est-il pas désir­able qu’un dia­pa­son uni­forme et désor­mais invari­able vienne ajouter un lien suprême à celte com­mu­nauté intel­li­gente, et qu’un la, tou­jours le même, réson­nant sur toute la sur­face du globe avec les mêmes vibra­tions, facilite les rela­tions musi­cales et les rende plus har­monieuses encore ?

C’est dans ce sens que nous avons écrit en Alle­magne, en Angleterre, en Bel­gique, en Hol­lande, en Ital­ie, jusqu’en Amérique, et nos cor­re­spon­dants nous ont envoyé des répons­es con­scien­cieuses, des ren­seigne­ments utiles, des sou­venirs intéres­sants. Quelques-uns nous adres­saient d’an­ciens dia­pa­sons âgés d’un demi-siè­cle, aujour­d’hui dépassés ; d’autres des dia­pa­sons con­tem­po­rains, var­iés dans leur into­na­tion. Tous, recon­nais­sant et repous­sant l’ex­agéra­tion actuelle, nous envoy­aient leur cor­diale adhé­sion. Trois d’en­tre eux, nos com­pa­tri­otes 1, tout en partageant l’opin­ion générale, deman­dent, il est vrai, qu’on fixe le dia­pa­son à l’é­tat actuel de celui de Paris, mais c’est pour l’ar­rêter dans sa pro­gres­sion ascen­dante, et eu faire un obsta­cle à de nou­veaux envahisse­ments : obsta­cle impuis­sant, à notre avis, qui pro­tège le mal, l’op­pose à lui-même, et le con­sacre au lieu de le détru­ire. Les autres sont unanimes à désir­er un dia­pa­son moins élevé, uni­forme, inaltérable, véri­ta­ble dia­pa­son inter­na­tion­al, autour duquel viendraient se ral­li­er, dans un accord invari­able, chanteurs, instru­men­tistes, fac­teurs de tous les pays. La plu­part de nos cor­re­spon­dants étrangers joignent à leur appro­ba­tion l’éloge de l’ini­tia­tive : » Je vous dois des remer­ciements, nous écrit-on, pour la cause impor­tante que vous avez entre­pris de plaider : il est bien temps d’ar­rêter les dérè­gle­ments aux­quels on se laisse emporter. »

  • J’adopte la somme entière de vos sages réflex­ions, nous dit un autre maître de chapelle des plus dis­tin­gués, en espérant que toute l’Eu­rope applaudi­ra vive­ment à la com­mis­sion insti­tuée par S. Exc. Je min­istre d’É­tat, à l’ef­fet d’établir un dia­pa­son uni­forme. La grande élé­va­tion du dia­pa­son détru­it et efface l’ef­fet et le car­ac­tère de la musique anci­enne, des chefs-d’œu­vre de Mozart, Gluck, Beethoven.
  • Je ne doute pas, écrit-on encore, que la com­mis­sion ne réus­sisse dans celle ques­tion impor­tante. Ce sera un nou­veau ser­vice ren­du par votre nation à l’art et au com­merce.
  • L’élé­va­tion pro­gres­sive du dia­pa­son, dit un autre de nos hon­or­ables cor­re­spon­dants, est non seule­ment préju­di­cia­ble à la voix humaine, mais aus­si à tous les instru­ments. Ce sont surtout les instru­ments à cordes qui ont beau­coup per­du pour le son, depuis que l’on est obligé, à cause de cette élé­va­tion, d’employer des cordes très-minces, les cordes fortes ne pou­vant résis­ter à cette ten­sion exagérée de là, ce ton, qui au lieu de se rap­procher de la voix humaine, s’en éloigne de plus en plus. »
  • Fix­er le dia­pa­son une fois pour toutes, dit un cinquième, ce serait met­tre fin à bien des doutes, à une mul­ti­tude d’in­con­vénients et même de caprices. Je vous témoigne le vif intérêt que nous por­tons dans toute l’Alle­magne musi­cale à l’exé­cu­tion de votre pro­jet.
  • Vous avez bien dit, écrit-on encore, que l’Eu­rope entière est intéressée aux recherch­es des moyens d’établir un dia­pa­son uni­forme. Le monde musi­cal a sen­ti depuis longtemps la néces­sité urgente d’une réforme, et il remer­cie la France d’avoir pris l’ini­tia­tive. M. Drou­et, maître de chapelle du grand-duc de Saxe-Cobourg-Gotha, nous a envoyé trois dia­pa­sons d’époque et d’élé­va­tion dif­férentes, et une note intéres­sante : Enfin nous avons reçu de deux hommes très com­pé­tents, M. W Wieprecht, directeur de la musique mil­i­taire de Prusse, à Berlin, et M. le doc­teur Furke des mémoires où la matière est traitée avec une véri­ta­ble con­nais­sance de cause. Les auteurs s’as­so­cient entière­ment à la pen­sée qui a insti­tué la com­mis­sion.

Ces nom­breuses adhé­sions, émanées d’au­torités si con­sid­érables, nous don­nent l’as­sur­ance qu’une propo­si­tion d’abaisse­ment dans le dia­pa­son sera bien accueil­lie dans toute l’Alle­magne. Il faut d’ailleurs rap­pel­er ici que déjà, en 1834, des musi­ciens alle­mands réu­nis à Stuttgart avaient exprimé le vœu d’un affaib­lisse­ment du dia­pa­son, et recom­mandé l’adop­tion d’un la plus sen­si­ble­ment plus bas que notre la actuel. Certes, il y aura d’abord des dif­fi­cultés qui naîtront surtout de la divi­sion de l’Alle­magne en un si grand nom­bre d’É­tats dif­férents. C’est une opin­ion qui nous a été exprimée ; mais il y a lieu de penser qu’après quelques oscil­la­tions, un type invari­able et com­mun s’établi­ra dans ce pays, qui pèse d’un grand poids dans les des­tinées de l’art musi­cal.

Nous n’avons encore reçu d’I­tal­ie qu’une seule let­tre. Elle est de M. Coc­cia, directeur de l’a­cadémie phil­har­monique de Turin, maître de chapelle de la cathé­drale de Novare. M. Coc­cia a bien voulu nous adress­er le dia­pa­son usité à Turin, un peu plus bas que celui de Paris, et le plus doux (il più mite), dit M. Coc­cia, qu’il ait ren­con­tré jusqu’à présent. Il en recom­mande l’adop­tion. M. Coc­cia est donc aus­si de l’avis d’un adoucisse­ment dans le ton, et c’est d’un bon augure pour l’opin­ion de l’I­tal­ie, dont il faut tenir grand compte.

Nous avons reçu de Lon­dres une com­mu­ni­ca­tion de MM. Broad­wood, célèbres fac­teurs de pianos. Ils ont eu l’oblig­eance de nous adress­er trois dia­pa­sons, employés tous les trois dans leur étab­lisse­ment, cha­cun d’eux affec­té à un ser­vice spé­cial.

Le pre­mier, plus bas d’un grand quart de ton que le dia­pa­son de Paris, était, il y a vingt-cinq ou trente ans, celui de la Société phil­har­monique de Lon­dres. Il a été judi­cieuse­ment con­servé par MM. Broad­wood comme plus con­ven­able aux voix, et ils accor­dent, d’après le ton extrême­ment mod­éré qu’il four­nit, les pianos des­tinés à l’ac­com­pa­g­ne­ment des con­certs vocaux. Le sec­ond, beau­coup plus haut, puisqu’il est plus élevé que le nôtre, est celui d’après lequel MM. Broad­wood accor­dent, en général, leurs pianos, parce qu’il est à peu près con­forme à l’ac­cord des har­mo­ni­ums, des flûtes, etc. : c’est le dia­pa­son des instru­men­tistes. Enfin le troisième, encore plus élevé, est celui dont se sert aujour­d’hui la Société phil­har­monique. Cette extrême lib­erté du dia­pa­son doit avoir ses incon­vénients, et peut bien faire courir quelques hasards à la justesse absolue. Aus­si MM. Broad­wood font-ils des vœux « pour la réus­site de nos recherch­es, si intéres­santes et si impor­tantes pour tout le monde musi­cal.

M. Ben­der, directeur de la musique du roi des Belges et du rég­i­ment des guides, voudrait deux dia­pa­sons, à la dis­tance d’un demi-ton : le plus élevé, à l’usage des musiques mil­i­taires ; l’autre, des­tiné aux théâtres. M. Ben­der pra­tique son sys­tème ; le dia­pa­son de la musique des guides n’est pas applic­a­ble à la musique vocale. C’est le plus élevé de tous ceux que nous avons reçus.

M. Daus­soigne-Méhul, directeur du Con­ser­va­toire roy­al de Liège, n’adresse pas de dia­pa­son, celui qu’il emploie étant sem­blable à celui de Paris. Il est un des trois cor­re­spon­dants qui con­clu­ent à l’adop­tion défini­tive de ce dia­pa­son, comme lim­ite extrême, comme sauve­g­arde, et ne fut-ce, dit M. Daus­soigne Méhul, que pour arrêter ses dis­po­si­tions ascen­dantes.

M. Lubeck, directeur du Con­ser­va­toire roy­al de La Haye, en nous envoy­ant son dia­pa­son, un peu moins élevé que le nôtre, nous assure de son adhé­sion et de son con­cours. Vous voyez, mon­sieur le min­istre, com­bi­en de sym­pa­thies et d’ap­pro­ba­tions ren­con­tre voire désir de l’étab­lisse­ment d’un dia­pa­son uni­forme.

Nous avions écrit en Amérique. New York n’a pas encore répon­du. M. E. Prévost, chef d’orchestre de l’Opéra-Français de La Nou­velle-Orléans, nous a adressé une let­tre d’ad­hé­sion, et un dia­pa­son qui ne nous est pas par­venu.

Nous avons reçu de quelques-unes des grandes villes de France, où la musique est en hon­neur, des ren­seigne­ments com­mu­niqués par des artistes dis­tin­gués.

Le dia­pa­son qui nous a été envoyé par M. Vic­tor Mag­nien, directeur de l’A­cadémie impéri­ale de musique de Lille est, après celui de M. Ben­der et après ceux de Lon­dres, le plus élevé des dia­pa­sons qu’on nous a adressés. Il est plus haut par con­séquent que celui de Paris. Sans doute il a subi, par un procédé de bon voisi­nage, l’in­flu­ence de la musique des guides de Brux­elles. Aus­si· M. Mag­nien se ral­lie-t-il avec empresse­ment à la demande d’un dia­pa­son plus mod­éré.

M. Méz­erai, chef d’orchestre du grand théâtre de Bor­deaux, nous a com­mu­niqué son dia­pa­son, moins élevé que celui de Paris. M. Méz­erai avait d’abord adop­té celui-ci, mais, nous dit-il, il fatiguait trop les chanteurs.

Le dia­pa­son de Lyon est celui de Paris, celui de Mar­seille est très peu plus bas. M. Georges Hainl, chef d’orchestre de Lyon, croit qu’il faut main­tenir le dia­pa­son de Paris, mal­gré son élé­va­tion, dans la crainte d’af­faib­lir l’é­clat de l’orchestre. M. Aug. Morel, directeur de l’É­cole com­mu­nale de Mar­seille, incline vers cet avis. Ces deux artistes for­ment, avec M. D. Méhul, le groupe que nous avons men­tion­né, pro­posant l’é­tat actuel comme terme défini­tif.

Toulouse nous a adressé deux dia­pa­sons : celui du théâtre, moins élevé que le nôtre, presque sem­blable à celui de Bor­deaux, et le dia­pa­son de l’É­cole de musique, plus bas d’en­v­i­ron un quart de ton ; dif­férence remar­quable, qu’il importe d’au­tant plus de con­stater, que Toulouse· est une de ces villes à l’in­stinct musi­cal, où le chant est pop­u­laire, où l’har­monie abonde, et qui, de tout temps, a fourni à nos théâtres des artistes à la voix mélodieuse et sonore.

Le dia­pa­son de l’É­cole de Toulouse est, avec celui du théâtre grand-ducal de Carl­sruhe (sic), dont il ne dif­fère que de qua­tre vibra­tions, le plus bas de tous les dia­pa­sons qui nous ont été com­mu­niqués. Celui de la musique des guides de Brux­elles, qui compte neuf cent onze vibra­tions par sec­onde, est, à l’aigu, le terme extrême de ces dia­pa­sons ; celui de Carl­sruhe, qui ne fait que huit cent soix­ante-dix vibra­tions, en est le terme au grave. Entre cet écart, qui n’est pas beau­coup moin­dre d’un demi-ton, se meu­vent les dia­pa­sons en usage aujour­d’hui, et, par con­séquent, les orchestres, les corps de musique, les ensem­bles de voix dont ils sont la règle et la loi, et dont ils résu­ment pour ain­si dire l’ex­pres­sion.

Ain­si la France compte à ses deux extrémités un des dia­pa­sons les plus élevés, celui de Lille, un des dia­pa­sons les plus graves, celui de l’É­cole de Toulouse. On peut suiv­re sur la carte la route que suit en France le dia­pa­son ; il s’élève et s’abaisse avec la lat­i­tude. De Paris à Lille, il monte ; il descend de Paris à Toulouse. Nous voyons le nord soumis évidem­ment au con­tact, à la pré­dom­i­nance de l’art instru­men­tal, tan­dis que le midi reste fidèle aux con­ve­nances et deux bonnes tra­di­tions des études vocales.

Nous vous avons présen­té, mon­sieur le min­istre, le résumé fidèle des infor­ma­tions qui nous ont été trans­mis­es : nous vous avons fait con­naître les impres­sions que nous en avons reçues. En présence des opin­ions presque unanimes exprimées pour une mod­éra­tion dans le ton, et des opin­ions unanimes pour l’adop­tion d’un dia­pa­son uni­forme, c’est-à-dire pour un niv­elle­ment général du dia­pa­son, libre­ment con­sen­ti ; en présence des dif­férences remar­quables qui exis­tent entre les divers dia­pa­sons que nous avons pu com­par­er, dif­férences mesurées avec toute la pré­ci­sion de la sci­ence en nom­bre de vibra­tions, el con­signées dans un des tableaux annexés à ce rap­port, la com­mis­sion, après avoir dis­cuté, a adop­té en principe, et à l’u­na­nim­ité des voix ; les deux propo­si­tions suiv­antes :

Il est désir­able que le dia­pa­son soit abais­sé.

Il est désir­able que le dia­pa­son abais­sé soit adop­té générale­ment comme régu­la­teur invari­able.

III

Il restait à déter­min­er la quan­tité dont le dia­pa­son pour­rait être abais­sé, en lui ménageant les meilleures chances prob­a­bles d’une adop­tion générale comme régu­la­teur invari­able.

Il était évi­dent que le plus grand abaisse­ment pos­si­ble était d’un demi-ton, qu’un écart plus con­sid­érable n’é­tait ni prat­i­ca­ble ni néces­saire ; et sur ce point, la com­mis­sion se mon­trait unanime. Mais le demi-ton ren­con­tra des adver­saires, et trois sys­tèmes se trou­vèrent en présence : abaisse­ment d’un demi-ton, abaisse­ment d’un quart de ton, abaisse­ment moin­dre que ce dernier.

Un seul mem­bre pro­po­sait l’abaisse­ment moin­dre que le quart de ton. Craig­nant surtout de voir les rela­tions com­mer­ciales trou­blées, il pro­po­sait un abaisse­ment très mod­éré, et qui devait tout au plus, dans sa plus grande ampli­tude, attein­dre un demi-quart de ton.

La ques­tion des rela­tions com­mer­ciales est assez impor­tante pour qu’on s’y arrête un instant. D’ailleurs, mon­sieur le min­istre, en nous insti­tu­ant, vous l’avez sig­nalée à notre atten­tion.

Par­mi les doc­u­ments qui nous ont été remis, fig­ure une let­tre signée de nos prin­ci­paux, de nos plus célèbres fac­teurs d’in­stru­ments de tout genre. Dans cette let­tre, adressée à Votre Excel­lence, sont exposés tous les embar­ras résul­tants de l’élé­va­tion tou­jours crois­sante du dia­pa­son et de la dif­férence des dia­pa­sons. On vous demande de met­tre un terme à ces embar­ras en étab­lis­sant un sys­tème uni­forme de dia­pa­son. “Il appar­tient à Votre Excel­lence, dis­ent les sig­nataires, de faire cess­er cette sorte d’a­n­ar­chie, et de ren­dre au monde musi­cal un ser­vice aus­si impor­tant que celui ren­du autre­fois au monde indus­triel par la créa­tion d’un sys­tème uni­forme de mesures.” La com­mis­sion prend en haute con­sid­éra­tion les intérêts de notre grande fab­ri­ca­tion d’in­stru­ments, c’est une des richess­es de la France, une indus­trie intel­li­gente dans ses pro­duits, heureuse dans ses résul­tats. Les hommes habiles qui la diri­gent et l’ont élevée au pre­mier rang ne peu­vent douter de notre sol­lic­i­tude ; ils savent que nous sommes amis de celte indus­trie qui four­nit à quelques-uns des mem­bres de la com­mis­sion de pré­cieux et char­mants aux­il­i­aires. Mais si, par­mi ces maîtres fac­teurs qui ont si bien sig­nalé à Votre Excel­lence “les embar­ras” résul­tant de la diver­gence et de l’élé­va­tion tou­jours crois­sante, » quelques-uns, comme il nous a été dit, craig­nent main­tenant « les embar­ras » résul­tant des mesures qu’on veut pren­dre pour les con­tenter, que faudrait-il faire ? Puisqu’ils ont demandé, avec tout le monde musi­cal, un dia­pa­son uni­forme, com­ment le choix d’un dia­pa­son, des­tiné dans nos espérances et dans les leurs à devenir· uni­forme, peut-il trou­bler « les rela­tions com­mer­ciales » déjà trou­blées, à leur avis, par la diver­gence des dia­pa­sons ? L’étab­lisse­ment d’un dia­pa­son uni­forme implique néces­saire­ment le choix d’un dia­pa­son, d’un seul. Or, nous avons reçu, enten­du, com­paré, mesuré, vingt-cinq dia­pa­sons dif­férents, tous en activ­ité, tous usités aujour­d’hui. De tant de la, lequel choisir ? Le nôtre apparem­ment.

Mais pourquoi ? De ces vingt-cinq dia­pa­sons, aucun ne demande à mon­ter, beau­coup aspirent à descen­dre, et quinze sont plus bas que celui de Paris. De quel droit diri­ons-nous à ces quinze dia­pa­sons, mon­tez jusqu’à nous ? N’est-ce pas alors que les rela­tions com­mer­ciales cour­raient grand risque d’être trou­blées ! N’est-il pas plus logique, plus raisonnable, plus sage, dans l’in­térêt de la grande con­cil­i­a­tion, que nous voulions ten­ter, de descen­dre vers cette majorité, et n’est-ce pas ain­si que nous avons la plus grande chance d’être écoutés des artistes étrangers dont nous avons réclamé le con­cours, et que nous remer­cions ici d’avoir répon­du à notre appel avec tant de cor­dial­ité et de sym­pa­thie ?

Pour don­ner à l’in­dus­trie instru­men­tale un témoignage de sa sol­lic­i­tude, la com­mis­sion con­vo­qua les prin­ci­paux fac­teurs, ceux qui avaient obtenu les pre­mières récom­pens­es à l’Ex­po­si­tion uni­verselle de 1855, c’est-à-dire ceux mêmes qui avaient écrit à Votre Excel­lence, et ce n’est qu’après avoir con­féré avec eux et plusieurs de nos chefs d’orchestre, que la com­mis­sion délibéra sur la quan­tité dont pour­rait être abais­sé le dia­pa­son.

Dans cette dis­cus­sion, l’abaisse­ment du quart de ton a réu­ni la grande majorité des suf­frages ; appor­tant une mod­éra­tion sen­si­ble aux études et aux travaux des chanteurs, sans jeter une trop grande per­tur­ba­tion dans les habi­tudes, il s’insin­uerait pour ain­si dire incog­ni­to en présence du pub­lic ; il rendrait plus facile l’exé­cu­tion des anciens chefs‑d’œuvre ; il nous ramèn­erait au dia­pa­son employé il y a env­i­ron trente ans, époque de la pro­duc­tion d’ou­vrages restés pour la plu­part au réper­toire, lesquels se retrou­veraient dans leurs con­di­tions pre­mières de com­po­si­tion et de représen­ta­tion. Il serait plus facile­ment accep­té à l’é­tranger que l’abaisse­ment du demi-ton. Ain­si amendé, le dia­pa­son se rap­procherait beau­coup du dia­pa­son élu, en 1834 à Stuttgart. Il avait déjà pour lui l’a­van­tage d’une pra­tique restreinte, il est vrai, mais dont on peut appréci­er les résul­tats.

La com­mis­sion a donc l’hon­neur de pro­pos­er à Votre Excel­lence d’in­stituer un dia­pa­son uni­forme pour tous les étab­lisse­ments musi­caux de France ; et de décider que ce dia­pa­son, don­nant le la, sera fixé à 870 vibra­tions par sec­onde.

Quant aux mesures à pren­dre pour assur­er l’adop­tion et la con­ser­va­tion du nou­veau dia­pa­son, la com­mis­sion a pen­sé, mon­sieur le min­istre, qu’il con­viendrait :

  1. Qu’un dia­pa­son type, exé­cu­tant 870 vibra­tions par sec­onde à la tem­péra­ture de 15 degrés centi­grades, fût con­stru­it sous la direc­tion d’hommes com­pé­tents, désignés par Votre Excel­lence.
  2. Que Votre Excel­lence déter­minât, pour Paris et les départe­ments, une époque à par­tir de laque­lle le nou­veau dia­pa­son deviendrait oblig­a­toire.
  3. Que l’é­tat des dia­pa­sons et instru­ments dans tous les théâtres, écoles et autres étab­lisse­ments musi­caux, fût con­stam­ment soumis à des véri­fi­ca­tions admin­is­tra­tives.

Nous espérons que vous voudrez bien, mon­sieur le min­istre, dans l’in­térêt de l’u­nité du dia­pa­son, pour com­pléter autant que pos­si­ble l’ensem­ble de ces mesures, inter­venir auprès de S. Exc. le min­istre de la guerre, pour l’adop­tion du dia­pa­son ain­si amendé dans les rég­i­ments ; auprès de S. Exc. le min­istre du Com­merce pour qu’à l’avenir, aux expo­si­tions de l’in­dus­trie, les instru­ments de musique con­formes à ce dia­pa­son soient seuls admis à con­courir pour les récom­pens­es ; nous sol­lici­tons aus­si l’in­ter­ven­tion de Votre Excel­lence pour qu’il soit seul autorisé et employé dans toutes les écoles com­mu­nales de la France où l’on enseigne la musique.

Enfin, la com­mis­sion vous demande encore, mon­sieur le min­istre, de vouloir bien inter­venir auprès de S. Exc. le min­istre de l’Instruction publique et des Cultes, pour qu’à l’avenir les orgues, dont il ordon­nera la con­struc­tion ou la répa­ra­tion, soient mis­es au ton du nou­veau dia­pa­son.

Telles sont, mon­sieur le min­istre, les mesures qui parais­sent néces­saires à la com­mis­sion pour assur­er et con­solid­er le suc­cès du change­ment que l’adop­tion d’un dia­pa­son uni­forme intro­duirait dans nos mœurs musi­cales. L’or­dre et la régu­lar­ité s’établi­raient où règ­nent par­fois le hasard, le caprice ou l’insouciance ; l’é­tude du chant s’ac­com­pli­rait dans des con­di­tions plus favor­ables ; la voix humaine, dont l’am­bi­tion serait moins excitée, serait soumise à de moins rudes épreuves. L’in­dus­trie des instru­ments, en s’as­so­ciant à ces mesures, trou­verait peut-être le moyen de per­fec­tion­ner encore ses pro­duits déjà si recher­chés. Il n’est pas indigne du Gou­verne­ment d’une grande nation de s’oc­cu­per de ces ques­tions qui peu­vent paraître futiles, mais qui ont leur impor­tance réelle. L’art n’est pas indif­férent aux soins qu’on a de lui ; il a besoin qu’on l’aime pour fruc­ti­fi­er, s’é­ten­dre, élever les cœurs et les esprits. Tout le monde sait avec quel amour, avec quelle inquié­tude ardente et rigoureuse les Grecs, qu’an­i­mait un sen­ti­ment de l’art si vif et si pro­fond, veil­laient au main­tien des lois de leur musique. En se préoc­cu­pant des dan­gers que peut faire courir à l’art musi­cal l’amour exces­sif de la sonorité, en cher­chant à établir une règle, une mesure, un principe, Votre Excel­lence a don­né une preuve nou­velle de l’in­térêt éclairé qu’elle porte aux beaux-arts. Les amis de la musique vous remer­cient, mon­sieur le min­istre, ceux qui lui ont don­né leur vie entière, et ceux qui lui don­nent leurs loisirs ; ceux qui par­lent la langue har­monieuse des sons, et ceux qui en com­pren­nent les beautés.

Nous avons l’hon­neur d’être avec respect,

Mon­sieur le min­istre,

De Votre Excel­lence

Les très hum­bles et très dévoués servi­teurs.

J. PELLETIER, prési­dent ; F. HALÉVY, rap­por­teur ; AUBER, BERLIOZ, DESPRETZ, CAMILLE DOUCET, LISSAJOUS, GÉNÉRAL MELLINET, MEYERBEER, Ed. MONNAIS, ROSSINI, AMBROISE THOMASTABLEAUX ANNEXÉS AU RAPPORT.

Tableau des dia­pa­sons en Europe en 1858 et tableau de l’élévation du dia­pa­son au cours du temps (tableau de droite). Extrait du rap­port présen­té à S. Exc. Le min­istre d’État par la com­mis­sion chargée d’établir en France un dia­pa­son musi­cal uni­forme (Arrêté du 17 juil­let 1858) — Paris, le 1er févri­er 1859.

Arrêté du 16 février 1859

Vu l’ar­rêté en date du 17 juil­let 1858 qui a insti­tué une com­mis­sion chargée de rechercher les moyens d’établir en France un dia­pa­son musi­cal uni­forme, de déter­min­er un étalon sonore qui puisse servir de type invari­able, et d’indi­quer les mesures à pren­dre pour en assur­er l’adop­tion et la con­ser­va­tion ;

Vu le rap­port de la com­mis­sion en date du 1er févri­er 1859,

Arrête :

Art. 1er. Il est insti­tué un dia­pa­son uni­forme pour tous les étab­lisse­ments musi­caux de France, théâtres impéri­aux el autres de Paris et des départe­ments, con­ser­va­toires, écoles, suc­cur­sales et con­certs publics autorisés par l’É­tat.

Art. 2. Ce dia­pa­son, don­nant le la adop­té pour l’ac­cord des instru­ments, est fixé à huit cent soix­ante-dix vibra­tions par sec­onde ; il pren­dra le titre de dia­pa­son nor­mal.

Art. 3. L’é­talon pro­to­type du dia­pa­son nor­mal sera déposé au Con­ser­va­toire impér­i­al de musique et de décla­ma­tion.

Art. 4. Tous les étab­lisse­ments musi­caux autorisés par l’É­tat devront être pourvus d’un dia­pa­son véri­fié et poinçon­né, con­forme à l’é­talon pro­to­type.

Art. 5. Le dia­pa­son nor­mal sera mis en vigueur à Paris le 1er juil­let prochain, et le 1er décem­bre suiv­ant dans les départe­ments.

À par­tir de ces épo­ques, ne seront admis dans les étab­lisse­ments musi­caux ci-dessus men­tion­nés que les instru­ments au dia­pa­son nor­mal, véri­fiés et poinçon­nés.

Art. 6. L’é­tat des dia­pa­sons et des instru­ments sera régulière­ment soumis à des véri­fi­ca­tions admin­is­tra­tives.

Art. 7. Le présent arrêté sera déposé au secré­tari­at général, pour être noti­fié à qui de droit.

Paris, le 16 févri­er 1859

ACHILLE FOULD.

Les critiques du rapport et de l’arrêté…

Le rap­port et l’ar­rêté min­istériel précé­dents, lui ordonne l’étab­lisse­ment d’un dia­pa­son mod­èle pour tous les théâtres et les étab­lisse­ments, lyriques de Paris et de la France, ont soulevé de nom­breuses récla­ma­tions. Les con­struc­teurs d’orgues, les fab­ri­cants d’instruments, les artistes qui se voient for­cés de renou­vel­er la flûte, le bas­son, le haut­bois, etc., etc., dont ils se ser­vent depuis longtemps ont fait aux con­clu­sions pra­tiques con­tenues dans le rap­port de la com­mis­sion de telles objec­tions, que l’ar­rêté min­istériel n’a pas encore reçu d’exé­cu­tion dans aucun théâtre de Paris. Un écrivain laborieux et très-ver­sé dans les matières qui touchent à la fab­ri­ca­tion des orgues et des autres instru­ments, M. Adrien de La Fage a pub­lié un opus­cule intéres­sant sous le titre de l’u­nité tonale, où il exam­ine, tant au point de vue his­torique que sous le rap­port prat­i­ca­ble de nos jours, les idées qui ont déter­miné la com­mis­sion à s’ar­rêter au nom­bre de 870 vibra­tions par sec­onde pour le dia­pa­son nor­mal de la France.

Il ne paraît pas, dit M. de La Fage, que les peu­ples anciens qui nous sont le mieux con­nus n’ont jamais songé à établir un son fixe qui servit de régu­la­teur aux voix et aux instru­ments. Les plus anci­ennes opéra­tions rel­a­tives au cal­cul des sons sont celles qu’on attribue à Pythagore qui vivait cinq cents ans avant l’ère vul­gaire. Il sem­ble résul­ter des recherch­es qu’on a faites dans l’his­toire des Chi­nois qu’ils ont été les pre­miers à pos­séder un sys­tème musi­cal d’une cer­taine régu­lar­ité. C’est sous le règne de l’empereur Hoang-ti, 2600 avant Jésus-Christ, qu’au­rait eu lieu la grande réforme de la musique chi­noise, sous la direc­tion d’un min­istre tout-puis­sant, Ling-lun. Au moyen âge, les idées exactes étaient trop rares pour que l’on s’oc­cupât d’une opéra­tion aus­si déli­cate que la fix­a­tion d’un son régu­la­teur. Les instru­ments s’ac­cor­daient à peu près au hasard et c’est à peine si l’on sait quelle était la dimen­sion des gros tuyaux des prin­ci­pales orgues de l’Eu­rope. Il faut arriv­er jusqu’aux pre­mières années du dix-sep­tième siè­cle, pour trou­ver quelques ren­seigne­ments pré­cis sur l’ob­jet qui nous occupe.

En effet, c’est en 1615 que Salomon de Caus pub­lia le pre­mier ouvrage qui ait été écrit sur la con­struc­tion des orgues ; mais c’est au P, Mersenne, dit M. de La Fage, que l’on doit la fix­a­tion exacte d’un son mod­èle et régu­la­teur. Le P. Mersenne, qui était un très savant homme, avait par­faite­ment con­science de l’u­til­ité de son opéra­tion, car il dit : « Tous les musi­ciens du monde fer­ont chanter une même pièce de musique selon l’in­ten­tion du com­pos­i­teur, c’est-à-dire, au ton qu’il veut qu’elle se chante, pourvu qu’il con­naisse la nature du son. » Le P. Mersenne, remar­que M. de La Fage, ne peut s’empêcher d’ad­mir­er son idée, car il ajoute : « Celte propo­si­tion est l’une des plus belles de la musique pra­tique, car si l’on envoy­ait une pièce de musique de Paris à Con­stan­tino­ple, en Perse, en Chine, encore que ceux qui enten­dent les notes et qui savent la com­po­si­tion ordi­naire le puis­sent faire chanter en gar­dant la mesure, néan­moins ils ne peu­vent savoir à quel ton chaque par­tie doit com­mencer, etc. » Ain­si donc, comme l’ob­serve fort judi­cieuse­ment M. de La Fage, le principe de la fix­a­tion sci­en­tifique d’un son mod­èle aurait pu être appliqué dès la pre­mière moitié du dix-sep­tième siè­cle ; mais le besoin ne s’en fit pas sen­tir, parce que la musique vocale était ren­fer­mée alors dans une por­tion assez restreinte de l’échelle sonore.

L’in­ven­tion du dia­pa­son tel que nous le con­nais­sons de nos jours, dit M. de La Fage, est due à un ser­gent-trompette de la mai­son royale d’An­gleterre, nom­mé John Shore. Il étu­dia la trompette avec tant de per­sévérance qu’il était par­venu à en tir­er des sons aus­si doux que ceux du haut­bois. John Shore fai­sait par­tie de la bande des trompettes roy­aux depuis 1711. À l’en­trée de Georges 1er, en 1741, il rem­plis­sait les fonc­tions de ser­gent, mon­tant, à la tête de sa petite troupe, un cheval riche­ment caparaçon­né. Le 8 août 1715, le per­son­nel de la chapelle ayant été aug­men­té, il y fut admis en qual­ité de luthiste. Il avait tou­jours avec lui le dia­pa­son dont il était inven­teur ; il s’en ser­vait pour accorder son luth. Le dia­pa­son eut dès lors la forme qu’il a main­tenant, et il se nom­mait en anglais tun­ing-fork, c’est-à-dire, fourchette d’ac­cord. Il fut adop­té par toute l’An­gleterre, d’où il se propagea en Ital­ie sous le nom de corista. (La corista vient en fait de cho­riste, un autre type de dia­pa­son con­sti­tué d’un sif­flet avec un pis­ton per­me­t­tant de faire vari­er la fréquence de référence.)  Il fut admis en France sous le nom grec de dia­pa­son. La dif­férence des dia­pa­sons admis dans les divers pays de l’Eu­rope était sou­vent très con­sid­érable…

M. de La Fage a pu con­stater qu’on ren­con­trait en Ital­ie deux dia­pa­sons qui offraient l’énorme dif­férence d’une tierce majeure. Le dia­pa­son de la Lom­bardie et de l’É­tat véni­tien était plus haut, et celui de Rome plus bas. À cette même époque, le dia­pa­son en usage à Paris était plus haut que celui de Rome et de la Lom­bardie.

D’après l’opin­ion de M. de La Fage, qui dif­fère de celle émise par la com­mis­sion, ce seraient les instru­ments à cordes qui seraient la cause de l’as­cen­sion tou­jours crois­sante du dia­pa­son. Je pense, dit l’au­teur de la brochure que nous analysons, que c’est la facil­ité qu’ont les instru­ments à cordes de mod­i­fi­er leur accord et de l’a­van­tage qu’ils trou­vent à le hauss­er, qu’est résulté l’as­cen­sion pro­gres­sive du dia­pa­son. C’est dire que je ne partage pas en ceci l’opin­ion de M. Lis­sajous, qui croit que ce résul­tat a été pro­duit par les instru­ments à vent. Chaque fois qu’un artiste nou­veau en rem­place un ancien dans un orchestre, dit M. Lis­sajous, il sub­stitue un instru­ment plus récent qui influe, pour sa part, sur le mou­ve­ment ascen­sion­nel du ton d’orchestre. Cet effet, insen­si­ble d’un jour à l’autre, se traduit, au bout d’un cer­tain temps, par une dif­férence notable.

Que ce soient les instru­ments à cordes ou les instru­ments à vent qui sont la cause de cette élé­va­tion où est arrivé le dia­pa­son mod­erne, ce qu’il fal­lait avant tout, c’est d’en arrêter l’as­cen­sion. II est évi­dent, comme le dit M. de La Fage, que ce ne sont pas les chanteurs qui ont con­tribué à l’élé­va­tion tou­jours pro­gres­sive du dia­pa­son dont ils sont les pre­mières vic­times. L’au­teur ajoute : « Si tant de voix per­dent aujour­d’hui prompte­ment leur fraîcheur prim­i­tive, ce n’est pas au dia­pa­son qu’il faut s’en pren­dre, mais aux com­pos­i­teurs, qui sont les maîtres d’écrire dans la véri­ta­ble éten­due de chaque voix. »

Qui les force à plac­er le cen­tre vocal dans la par­tie la plus élevée de l’échelle ? Non, ajoute M. de La Fage, ce n’est pas l’élé­va­tion du dia­pa­son qui empêche les voix de se pro­duire, et qui altère celles qui se pro­duisent ; ce sont les mau­vais maîtres de chant, les mau­vais com­pos­i­teurs ; c’est eux qu’il faut accuser, c’est eux qu’il faut pour­suiv­re ; et qu’on se hâte, car bien­tôt il faudrait accuser et pour­suiv­re tout le monde ; toutes ces choses réu­nies peu­vent avoir con­tribué au mal dont on se plaint ; l’essen­tiel, c’est d’y porter remède.

Dans le dix-neu­vième arti­cle de sa brochure, M. de La Fage donne l’analyse d’un instru­ment curieux de

M. Lis­sajous pour faire appréci­er à l’œil le nom­bre de vibra­tions que pro­duit la ten­sion d’une corde. Le but que se pro­pose l’au­teur, dit-il, est d’im­pos­er une méth­ode optique pro­pre à l’é­tude des mou­ve­ments vibra­toires. Cette méth­ode, fondée sur la per­sis­tance des sen­sa­tions usuelles et sur la com­po­si­tion de deux ou plusieurs mou­ve­ments vibra­toires simul­tanés,

per­met d’é­tudi­er, sans le sec­ours de l’or­eille, toute espèce de mou­ve­ments vibra­toires, et, par suite, toute espèce de sons. « Quoique M. Lis­sajous n’ait pas encore dévelop­pé expéri­men­tale­ment toutes les con­séquences de cette méth­ode, il pense qu’elle présen­tera une util­ité réelle pour la fab­ri­ca­tion des instru­ments de musique… M. de La Fage ter­mine sa brochure par des con­clu­sions qui sem­blent con­traires aux principes émis dans le rap­port de la com­mis­sion, et il serait d’avis qu’on eût fixé un dia­pa­son, mais en lais­sant à cha­cun la lib­erté de s’y con­former. Nous ne sauri­ons partager cette manière de voir, et nous pen­sons qu’après de vaines résis­tances de la part de cer­tains fab­ri­cants d’in­stru­ments, on se soumet­tra au dia­pa­son légal, et que l’ar­rêté min­istériel aura sa pleine et salu­taire exé­cu­tion.

Les ques­tions d’éru­di­tion, d’in­ves­ti­ga­tion et d’u­til­ité pra­tique sont à l’or­dre du jour, et vien­nent, de plus en plus, sol­liciter l’at­ten­tion de la cri­tique. Nous avons sous les yeux une réponse de M. Vin­cent, mem­bre de l’In­sti­tut, au mémoire de M. Fétis sur l’ex­is­tence de l’har­monie simul­tanée des sons de la musique des Grecs, dont nous avons par­lé dans le chapitre six­ième de ce vol­ume. Le titre de la brochure de M. Vin­cent qui vient de paraître tout récem­ment est : Réponse à M. Pétis et réfu­ta­tion de son mémoire· sur cette ques­tion : Les Grecs et les Romains ont-ils con­nu l’har­monie simul­tanée des sons ? Sans entr­er dans le fond du débat, nous sommes heureux de recon­naître que les con­clu­sions, qui ressor­tent du tra­vail très-ser­ré et très-savant de M. Vin­cent, sont con­formes à celles que nous avons émis­es en exam­i­nant le mémoire de M. Fétis. M. Vin­cent dit avec une haute rai­son (page 50 de sa brochure) : « Il est cer­tain que les tierces, quoiqu’elles ne fussent pas pris­es théorique­ment pour des con­so­nances, étaient con­sid­érées comme telles dans la pra­tique des artistes. » À la bonne heure, donc, voilà de la sci­ence qui ne con­tred­it pas le sens com­mun. M. Vin­cent ajoute un· peu après : « Or, dans les beaux-arts, les règles ne s’étab­lis­sent pas a pri­ori : c’est la pra­tique qui les dicte, la théorie ne fait que les enreg­istr­er. » Page 63, nous lisons encore ce pas­sage con­clu­ant : a Com­ment en défini­tive con­naître toutes les ressources d’un sys­tème d’har­monie pra­tiqué suiv­ant des règles que nous ignorons com­plète­ment, et qui étaient cer­taine­ment très dif­férentes des nôtres ? que ces règles fussent infin­i­ment moins com­plex­es et moins savantes que celles de nos jours, c’est un fait incon­testable ; mais cela ne suf­fit pas pour se refuser à recon­naître ici l’ex­is­tence d’une cer­taine har­monie, quelle qu’elle fût… Pour appuy­er celle idée fort juste, M. Vin­cent ajoute, page 6 : Quand on a vu de rus­tiques mon­tag­nards, qui n’avaient cer­taine­ment reçu les leçons d’au­cun Con­ser­va­toire, ameuter tout Paris sur les places publiques, rien qu’avec un chalumeau et une corne­muse, on a peine à con­cevoir que des hommes intel­li­gents per­sis­tent à dénier à un peu­ple splen­dide­ment doué pour tout le reste, jusqu’aux plus sim­ples élé­ments d’un art qui pos­sède, plus que tout autre, la puis­sance d’é­mou­voir cer­taines organ­i­sa­tions priv­ilégiées. En résumé, que récla­m­ons-nous ? la con­nais­sance des procédés, des finess­es, des déli­cat­esses de la sci­ence mod­erne ? Nulle­ment : que l’on nous accorde un sim­ple duo soutenu par un ou deux pédales, voilà toutes nos pré­ten­tions… Tout cela nous paraît trop raisonnable, trop fondé sur la nature des choses pour que M. Fétis n’en recon­naisse pas la vérité. La brochure de M. Vin­cent, écrite avec une extrême vivac­ité de paroles, est suiv­ie de quelques planch­es qui la ren­dent d’au­tant plus curieuse à con­sul­ter.

Le siè­cle que nous tra­ver­sons, et qui a déjà fourni plus de la moitié de sa car­rière peut se divis­er en deux épo­ques dont cha­cune sem­ble des­tinée à rem­plir une tâche dif­férente. La pre­mière qui com­mence à la Révo­lu­tion française a été une péri­ode de mou­ve­ment, de spon­tanéité et de créa­tion dans toutes les direc­tions de la pen­sée, dans tous les faits soumis à la volon­té de l’homme. La péri­ode qui va s’ac­com­plis­sant sous nos yeux paraît devoir être, au con­traire, une époque d’in­ves­ti­ga­tion, d’é­tudes et d’ap­pré­ci­a­tion his­torique. La musique a large­ment par­ticipé au mou­ve­ment créa­teur de la pre­mière époque, car elle a pro­duit Beethoven, Rossi­ni, Weber et tout un monde d’idées nou­velles. Il faut nous résign­er main­tenant à partager le sort com­mun, à étudi­er le passé, à en pénétr­er l’e­sprit jusqu’à ce que Dieu nous envoie un de ces révéla­teurs inspirés qui changent le cours des choses et vien­nent inau­gur­er, dans l’art, un nou­v­el idéal.

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Mozo guapo 1941-02-19 (Milonga) — Orquesta Ricardo Tanturi con Alberto Castillo

Ricardo Tanturi Letra : Eusebio Francisco López — RCA Victor  39228B, matrice 39813–1

Le tan­go du jour est une milon­ga, Mozo guapo, que l’on pour­rait traduire par beau gosse, mais ce serait enlever la note de frime et de matu­vu du com­padri­to, querelleur et armé de son couteau qu’il est prompt à sor­tir lorsque l’honneur est en jeu. Aujourd’hui, nous allons donc par­ler lun­far­do, l’argot des faubourgs de Buenos Aires.

Même s’il n’a pas les cheveux en bataille et sales, Gardel, dans Melodía de arra­bal (film du réal­isa­teur Français Louis J. Gas­nier, sor­ti le 4 avril 1933) est représen­tatif des mozos gua­pos

Les habitués de Buenos Aires savent qu’on y appelle les serveurs « mozo », de la même façon que se dit « garçon » en France. Il ne faut cepen­dant pas penser que cette milon­ga chante les mérites d’un serveur de bar ou de restau­rant…

En lun­far­do (argot de Buenos Aires), mozo peut aus­si sig­ni­fi­er l’amant ou celui qui fait le beau, et guapo, le beau, le vail­lant, le querelleur, mais avec un bon fond. Le célèbre tan­go « Don Juan » est par­fois sous-titré « Don Juan (Mozos gua­pos) », ce qui con­firme que notre héros du jour en est un.
Voici dressé le tableau de notre mozo et si une mina vous dit : « sos buen mozo, que chur­ro que sos », c’est prob­a­ble­ment que vous avez une touche.

Extrait musical

Mozo guapo 1941-02-19 — Ricar­do Tan­turi con Alber­to Castil­lo

Paroles

Un com­padri­to, con su mina. Un Don Juan avec sa poule.

Le lun­far­do peut provo­quer de nom­breuses erreurs d’interprétation. Je vous pro­pose donc, non pas une tra­duc­tion, mais plutôt une expli­ca­tion des ter­mes employés par Euse­bio Fran­cis­co López. Ne regardez pas la qual­ité lit­téraire de la colonne de droite, ce ne sont pas des paroles en français ; pour cela il faudrait un poète, que je ne suis pas.

Beau­coup de ter­mes de lun­far­do sont sibyllins. C’est une car­ac­téris­tique de tous les argots, dont le but est de par­ler de façon dis­crète pour ne pas être enten­dus des caves et des flics. J’ai donc fait des choix qui me sem­blaient cor­re­spon­dre aux ter­mes de la chan­son, mais il aurait été pos­si­ble de pren­dre des voies légère­ment dif­férentes, pour noir­cir plus le per­son­nage, ou le ren­dre roman­tique. Je vous laisse vous créer votre image.

Avec une cibiche (cig­a­rette) arro­gante
cares­sant ses lèvres,
le feu­tre taupé aux bor­ds lev­és (cha­peau mou, type Gardel)
Avec une démarche très portègne ;
Le regard suff­isant,
La crinière noire et ébou­rif­fée,
beau gosse des faubourgs
avec sa touche (son allure), sans pareille.

Cham­pi­on entouré de filles
pour son verbe tant fleuri,
ter­reur par­mi les mau­vais garçons
pour son couteau vibrant ; (il doit le tenir de manière fébrile pour intimider)
homme du pavé
con­nu des bal­cons
Droit dans ses bottes (sans dis­cus­sion, n’acceptant pas le com­pro­mis)
avec une âme de payador (chanteur impro­visa­teur)

Quand la nuit enrobe (entoure)
les ruelles du quarti­er
passe l’estampe du bel­lâtre,
pareil à un roi de la ban­lieue ;
bien­tôt une ombre s’approche,
il y a un frémisse­ment des lèvres
et un bais­er vibre dans l’âme
du Don Juan (guapo) du lieu.

La vie est courte

Le même jour, Castil­lo et Tan­turi ont enreg­istré un tan­go, La vida es cor­ta 1941-02-19. C’est égale­ment Ricar­do Tan­turi qui en a com­posé la musique, mais les paroles sont de Fran­cis­co Gor­rindo.
Mal­gré cette petite dif­férence, les deux titres vont bien ensem­ble (pas dans une tan­da, bien sûr), mais car le tan­go pour­rait être le dit du Mozo, du Don Juan, du Tai­ta, ce Shusheta (El aristócra­ta de Di Sar­li). Il dévoile à ses con­frères de fies­ta, sa philoso­phie de la vie, philoso­phie que de nom­breux tangueros dans le monde ont adop­tée…

La vida es cor­ta 1941-02-19 — Ricar­do Tan­turi con Alber­to Castil­lo

A ver mucha­chos, quiero ale­gría,
quiero atur­dirme, para no pen­sar.
La vida es cor­ta y hay que vivir­la,
dejan­do a un lado la real­i­dad.
Hay que olvi­darse del sac­ri­fi­cio,
que tan­to cues­ta ser, ten­er el pan.
Y en estas noches de far­ra y risa,
pon­er­le al alma nue­vo dis­fraz.

La vida es cor­ta y hay que vivir­la,
en el mañana no hay que con­fi­ar.
Si hoy la men­ti­ra se lla­ma sueño,
tal vez mañana sea la ver­dad.
La vida es cor­ta y hay que vivir­la,
feliz al lado de una mujer,
que, aunque nos mien­ta, frente a sus ojos,
razón de sobra hay para quer­er.

Ricar­do Tan­turi Letra : Fran­cis­co Gor­rindo

Traduction libre

Voyez les gars, je veux de la joie,
je veux être étour­di pour ne pas penser.
La vie est courte et il faut la vivre,
en lais­sant la réal­ité de côté.
Il faut oubli­er le sac­ri­fice,
Que c’est si dur d’avoir du pain.
Et dans ces nuits de réjouis­sance (danse, musique) et de rires,
se déguis­er l’âme.

La vie est courte et il faut la vivre,
il ne faut pas faire con­fi­ance à demain.
Si aujourd’hui le men­songe s’appelle rêve,
peut-être que demain ce sera la vérité.
La vie est courte et il faut la vivre,
heureux aux côtés d’une femme,
qui même si elle nous ment à la face (sous les yeux),
il y a plein de raisons d’aimer.

Autres enregistrements

Le 19 février, une date fétiche pour Tanturi ?

À la même date, une milon­ga et un tan­go, ce que nous venons de voir, mais l’année suiv­ante, peut-être à la même date (19 févri­er 1942) ou le 20 juil­let 1942 (la doc­u­men­ta­tion varie sur la date de cette ses­sion), deux autres titres enreg­istrés par Tan­turi et Castil­lo

Tan­go (Voz de tan­go) 1942-02-19 ou 1942-07-20 avec Castil­lo

Tan­go (Voz de tan­go) 1942-02-19 ou 1942-07-20 — Orques­ta Ricar­do Tan­turi con Alber­to Castil­lo

La copa del olvi­do 1942-02-19 ou 1942-07-20 avec Castil­lo)

La copa del olvi­do 1942–02-19- ‑Orques­ta Ricar­do Tan­turi con Alber­to Castil­lo

Pour ren­forcer cette idée de date fétiche, il a encore enreg­istré un 19 févri­er, mais cette fois en 1945 et avec le chanteur Enrique Cam­pos :

Me besó y se fue 1945-02-19 (valse), avec Enrique Cam­pos 

Me besó y se fué 1945-02-19 — Ricar­do Tan­turi con Enrique Cam­pos

Qué será de ti 1945-02-19 avec Enrique Cam­pos

Qué será de ti 1945-02-19 — Ricar­do Tan­turi con Enrique Cam­pos

Pour ce qui est de mozo guapo, on en trou­ve une ver­sion plus lente, dans le style lim­ite canyengue-milon­ga de Vil­la­soboas.
En effet, Miguel Vil­las­boas a enreg­istré en 1959 ce titre dans son style si par­ti­c­uli­er. J’aime l’interprétation au piano par Vil­las­boas, pleine de petites sur­pris­es.
Cette ver­sion est intéres­sante, car elle présente le dia­logue des deux faces du mozo décrite dans les paroles, le roman­tique (vio­lons) et le com­padri­to (piano), util­i­sa­tion de l’alternance de milon­ga lisa et traspie pour servir l’histoire.

La voici, pour ter­min­er mon ser­vice. Soy tu mozo (servi­teur). No te olvides de la propina (n’oublie pas le pour­boire, un com­men­taire fera l’affaire).

Mozo guapo 1959 — Miguel Vil­las­boas
DJ BYC, d’après la gravure sur bois, Los Com­padri­tos de Juan Anto­nio Spo­torno

Pourquoi le tango doit-il être dansé avec les orchestres des années 40 ?

Au creux de la polémique remise à jour en février 2024

En févri­er 2024, Guiller­mo Rever­beri (Guille de SMTan­go) a dif­fusé un texte “Pourquoi le tan­go doit-il se danser avec les orchestres des années 40 ?” Ce texte a beau­coup de suc­cès en ce moment et je pense qu’il est intéres­sant de ren­dre à César ce qui lui appar­tient.

Une fusée avec de multiples étages

En effet, cette resti­tu­tion se fait en plusieurs étapes:

  • Le tan­gomètre, édi­to­r­i­al de Ricar­do Schoua, pub­lié le 13 décem­bre 2009, dans le numéro 110 de la revue rosa­ri­na, Tan­go y Cul­tura Pop­u­lar (voir ici…)
  • Le “No-Tan­go”, édi­to­r­i­al du même Ricar­do Schoua, dans le numéro 134 de la même revue de mars 2012 (voir ici...)
  • Cour­ri­er du lecteur du mag­a­zine Tan­go y Cul­tura Pop­u­lar n° 135, un texte écrit par José Car­cione en réponse à l’édi­to­r­i­al du numéro 134. (repro­duit ci-dessous en rouge)
  • Más sobre el tan­go baila­do (Plus sur le tan­go dan­sé) édi­to­r­i­al du n°136 de la revue Tan­go y Cul­tura Pop­u­lar, tou­jours par Ricar­do Schoua en réponse au texte de José Car­cione.
  • ¿Por qué el tan­go se debe bailar con las orques­tas del 40? (Pourquoi le tan­go doit-il être dan­sé avec les orchestres des années 40 ?) pub­lié vers 2015 par José, Él de la quimera (Celui de la chimère), en fait José Car­cione, en ital­ien et en espag­nol. Pour la ver­sion française, c’est bien sûr ici
  • Porque al tan­go se lo baila con las orques­tas de los años 40 pub­lié en févri­er 2024 par Guiller­mo Rever­beri (Guille de SMTan­go) et qui est la reprise tu texte de 2015 de José el de la quimera avec un para­graphe sup­plé­men­taire.

Voilà un résumé de l’af­faire. C’est une grande fusée qui dure depuis décem­bre 2009, soit plus de 14 ans au moment où j’écris ces lignes.

On se reportera pour les pre­miers étages aux textes que j’ai déjà cités, Le tan­gomètre et Le “No-Tan­go”. La suite, est ci-dessous…

La version de février 2024 et ses différentes sources

Introduction de 2015 par José el de la quimera

Pourquoi le tan­go doit-il être dan­sé avec les orchestres des années 40 ?
Heureuse­ment, les 20 dernières années ont vu la résur­gence du tan­go dan­sé, car il existe des milon­gas dans presque tous les pays du monde, où les danseurs et les DJ « con­som­ment » con­tin­uelle­ment la cul­ture du tan­go et revivent le bon vieux temps avec des orchestres de tan­go. « Ils dansent sur la musique des morts », comme Piaz­zol­la l’a dit un jour à Troi­lo avec mépris, parce qu’en réal­ité la musique d’au­jour­d’hui n’est pas dansante ; ils voient des ten­ta­tives ratées comme le « Tan­go Nue­vo » ou la pré­ten­tion de tel ou tel DJ à « innover » en pro­posant des chan­sons soi-dis­ant mod­ernes de qual­ité musi­cale dou­teuse. Con­crète­ment, ce n’est pas le danseur qui doit s’adapter à la musique, mais la musique doit être dans­able. Dans une let­tre envoyée aux lecteurs du mag­a­zine numérique « Tan­go y Cul­tura Pop­u­lar », que je retran­scris ci-dessous, j’ai essayé d’ex­pli­quer pourquoi la « musique de tan­go » n’est pas pop­u­laire (ou n’ex­iste pas) comme elle l’é­tait dans la pre­mière moitié du XXe siè­cle, la décen­nie des années 40 étant la dernière et la plus représen­ta­tive :

Courrier du lecteur du magazine Tango y Cultura Popular n° 135, un texte écrit par José Carcione en réponse à l’éditorial du numéro 134

J’aimerais apporter quelque chose à l’ar­ti­cle de Ricar­do Schoua, « El No-Tan­go », du point de vue d’un milonguero (sim­ple­ment un danseur de tan­go social, je ne suis pas pro­fesseur), qui apparem­ment dit le con­traire, mais vous ver­rez que ce n’est pas comme ça. Je sym­pa­thise avec la « colère » de Ricar­do, mais d’un point de vue dif­férent. Le tan­go (dansant) est mort depuis longtemps. Aujour­d’hui, il n’y a pas de paroliers et de musi­ciens créat­ifs qui font de la musique pour danser. La musique post­mod­erne, post-âge d’or, est faite pour être écoutée. Piaz­zol­la lui-même a dit qu’il ne fal­lait pas danser sur sa musique. Cela s’est pro­duit dans les années 1950 pour divers­es raisons. À Buenos Aires, l’héri­ti­er du tan­go – en tant que musique et paroles qui inter­pré­taient la réal­ité du porteño – était le rock urbain, chan­té en « argentin », et cette musique n’a rien à voir avec les milon­gas. « Avel­lane­da Blues » de Javier Martínez, par exem­ple, a des paroles de tan­go, mais c’est un blues. Beau­coup de paroles de Fla­co Spinet­ta sont du tan­go. Peut-être que Piaz­zol­la et Fer­rer y ont con­tribué, mais comme je l’ai déjà dit, ce n’est pas du tan­go que de danser. Oui, vous pou­vez nom­mer Ela­dia Blasquez, Chico Novar­ro, Cacho Cas­taña et arrê­tons de compter, mais ce sont les cas qui con­fir­ment la règle, et ils n’ont pas fait de musique pour danser non plus. La scène musi­cale (dansante) qui va de 900 à 50 est infin­i­ment riche, heureuse­ment et les milongueros n’ont pas à s’in­quiéter. Le prob­lème réside dans le fait que peu de DJs étu­di­ent vrai­ment cela, car en général ils pro­posent peu d’orchestres et sou­vent la milon­ga n’a pas la bonne struc­ture, c’est-à-dire l’assem­blage cor­rect des tan­das et la suc­ces­sion appro­priée des orchestres. Ensuite, nous avons le « Tan­go Nue­vo » (en tant que phénomène de danse, je com­prends). C’est douloureux de voir des danseurs danser le nou­veau tan­go, ce n’est pas du tan­go social, c’est très dif­fi­cile, comme si on dan­sait de la danse clas­sique sans le savoir. Seuls quelques-uns, Frúm­boli, Arce, Naveira, qui pra­tiquent des heures par jour, peu­vent le danser avec une cer­taine décence, mais dans les milon­gas, ces milon­gas tra­di­tion­nelles, ils dansent le tan­go social comme nous tous. Ce n’est pas facile non plus, il y a la musi­cal­ité diverse de chaque orchestre qu’il faut respecter. Ceux qui ne savent pas danser appel­lent les extra­or­di­naires musiques de Bia­gi des « mar­chas » et sont ceux qui deman­dent un « nou­veau tan­go », avec des chan­sons de « Otros Aires », « Gotan project », Grace Jones, etc. Nous pour­rons danser sur de la musique con­tem­po­raine alors qu’il sera courant de danser le tan­go social, mais pour cela les Bia­gi, Lomu­to, Dona­to, Di Sar­li doivent revenir avec des paroliers tels que Cadí­camo, Romero, etc., car le tan­go dansant n’ex­iste plus. De plus, le « nou­veau » est de mau­vaise qual­ité. Si vous voulez le danser, vous devez d’abord appren­dre le tan­go social, avec sa musi­cal­ité var­iée. Comme il s’ag­it d’un proces­sus sans fin, où l’on décou­vre tou­jours quelque chose, vous ver­rez que c’est très grat­i­fi­ant et qu’il n’est pas néces­saire de danser le « Gotán » ou de le pro­pos­er dans une milon­ga pour se sen­tir à l’a­vant-garde et pré­ten­dre que l’on est « dedans » ou quelque chose de super créatif. Je dis plus, après avoir appris cela, vous n’allez pas aimer le « nou­veau ». Alors, qui est le DJ créatif ? celui qui joue du Tanghet­to, du Nar­cotan­go, (j’ai même enten­du Mozart), dans la milon­ga ? Où la plu­part des danseurs ressem­blent à des zom­bies et pensent qu’ils dansent de manière phénomé­nale sur la dernière mode du tan­go ? Celui qui pro­pose de la musique tra­di­tion­nelle n’est-il pas créatif ? DJs : étudiez et vous ver­rez que chaque orchestre a sa pro­pre musi­cal­ité, avec des pos­si­bil­ités infinies, où le chanteur n’est qu’un instru­ment comme les autres, ce qui n’é­tait plus le cas après les années 50, quand le chanteur est devenu la star. Nous, les danseurs, avons besoin de ténors, comme Rober­to Ray, Raúl Berón, Fran­cis­co Fiorenti­no, je peux même dire Goyeneche à ses débuts, et Nina Miran­da est par­faite­ment dansante, et pas de voix qui « dis­ent » ou « cri­ent » le tan­go. C’est bien, mais ils sont faits pour être écoutés. Enseignants : apprenez aux danseurs à marcher d’abord, les fig­ures seront décou­vertes par eux plus tard. Heureuse­ment, le tan­go revient dans les années 80 comme danse (milon­ga). Aujour­d’hui, « la musique des morts », comme l’ap­pelait autre­fois Piaz­zol­la, est dan­sée sur toute la planète. Il n’y a pas de grande ville où il n’y a pas de milon­gas. Des inno­va­teurs sérieux aujour­d’hui ? Mal­heureuse­ment il n’y en a pas, et s’ils vien­nent, ils iront dans une direc­tion, sinon la même, par­al­lèle à celle des anciens maîtres.

(NDT : un mae­stro en Argen­tine, est un pro­fesseur d’é­cole pri­maire. Je pro­pose donc la tra­duc­tion “maîtres”, mais vous pou­vez penser “mae­stros” si vous préférez.)

Más sobre el tango bailado (En savoir plus sur le tango dansé) éditorial du n°136 de la revue Tango y Cultura Popular, toujours par Ricardo Schoua en réponse au texte de José Carcione

Le texte de José de la quimera reprend seule­ment des par­ties de la réponse de Ricar­do Schoua. Je préfère vous don­ner la ver­sion com­plète. J’ai indiqué en gras et en bleu les pas­sages cités par José de la quimera et en italique les ajouts de José de la quimera dans sa ver­sion de 2015…

Le lecteur José Car­cione répond, dans le numéro précé­dent, à mon édi­to­r­i­al El No-Tan­go, du point de vue d’un milonguero, un danseur social. Cette réponse et d’autres choses qui me sont arrivées m’ont don­né l’occasion d’approfondir la ques­tion des préjugés, les miens et ceux des autres, autour de cette ques­tion.

Le lecteur dit que le tan­go dansant est mort depuis longtemps, se référant au fait que les nou­veaux com­pos­i­teurs n’écrivent pas de tan­gos pour danser. Ce n’est pas le cas, on ne peut pas le généralis­er.

Bien sûr, cela dépend de ce que vous con­sid­érez comme dansant. Pour le lecteur, le par­a­digme sem­ble être Rodol­fo Bia­gi, qu’il oppose à des mon­stres comme Gotan Project, mais ne men­tionne pas Pugliese ou Troi­lo…

Bia­gi n’est pas mon par­a­digme, c’est l’un de mes orchestres préférés, mais Pugliese et Troi­lo sont aus­si des années 40 ! Mes argu­ments ne sont donc pas con­tred­its.

Réponse de José de la quimera à Ricar­do Schoua

Il s’avère que dans de nom­breuses milon­gas, ils ne jouent pas de chan­sons de ces deux derniers orchestres — et de beau­coup d’autres — parce qu’ils pré­ten­dent que leur phrasé est inadéquat pour danser. À l’autre extrême, il y a ceux qui ne se soucient de rien, même si ce n’est pas le tan­go, parce qu’ils con­sid­èrent la musique comme un com­plé­ment à leurs expo­si­tions.

Le lecteur men­tionne que ceux qui ne savent pas danser trait­ent la musique de Bia­gi comme des « march­es ». La com­para­i­son ne m’était pas venue à l’esprit. Dans les défilés, les march­es sont util­isées, avec un rythme bien mar­qué, pour que tout le monde marche en même temps et se déplace comme un tout com­pact. Et les con­traintes d’espace des milon­gas, la néces­sité de se con­former har­monieuse­ment au mou­ve­ment en cer­cle, exi­gent quelque chose de sim­i­laire : un rythme sans « chocs ».

Mais il s’avère que ces lim­i­ta­tions d’espace finis­sent par lim­iter les danseurs eux-mêmes, généreuse­ment aidés par les règle­ments milonguero (« codes ») et par ceux qui, par com­mod­ité, ont élevé cette forme de danse à la caté­gorie de « style ». Et la vérité, c’est qu’il n’y a pas de « styles » dans le tan­go, c’est une inven­tion mar­ket­ing. Je n’aime pas danser sur une petite piste de danse, pleine comme un bus aux heures de pointe, mais tout le monde a le droit de faire ce qu’il veut.

Ce à quoi je réponds que ceux qui savent danser sur une petite piste de danse ou avec une piste de danse com­plète (par exem­ple, Salón Can­ning dans les milon­gas « pico »), savent danser sur n’im­porte quelle piste de danse, égale­ment dans Aeropar­que :>)

Réponse de José de la quimera à Ricar­do Schoua

Sans tomber dans les extrêmes, dans les milon­gas plus déten­dues, où l’on peut aus­si écouter Pugliese, Troi­lo ou Sal­gán, on danse sur leurs chan­sons avec plaisir et sans incon­vénient, et on danse aus­si sur Piaz­zol­la, bien sûr que quelques-unes des com­po­si­tions les plus con­nues. Mais il est très, très dif­fi­cile pour les œuvres de la nou­velle généra­tion d’être trans­mis­es. Il est vrai que, même avec un critère large, il y a des titres qui ne se prê­tent pas à la danse, mais ici l’habitude et l’ignorance jouent beau­coup.

Moi-même, qui ai par­fois l’habitude de met­tre en musique des milon­gas et d’inclure de nou­veaux orchestres et de nou­velles com­po­si­tions, je me suis retrou­vé à dire à un com­pos­i­teur qui a récem­ment sor­ti un CD avec de nou­veaux tan­gos de son auteur, que ses chan­sons devaient être plus dansantes. Et ce n’était pas vrai, ils sont très dansants. Ce qui se passe, c’est que j’ai aus­si des préjugés, parce que, étant don­né qu’ils ne sont pas très répan­dus, j’ai peur du rejet que je pour­rais recevoir si je les inclus dans un lot. (Et il y en a tou­jours un qui crie, vous voyez ?)

Pour éviter les prob­lèmes, seul ce qui est con­nu est mis en musique. Mais un danseur social ne devrait pas avoir de mal à danser un tan­go jamais enten­du aupar­a­vant. Après tout, dans les années 40, les tan­gos étaient créés en con­tinu.

Oui, mais avec les éti­quettes : « dansant ».

Réponse de José de la quimera à Ricar­do Schoua

Main­tenant, j’ai remar­qué que, lorsqu’un orchestre live est présen­té, ces lim­ites sont diluées et les gens dansent tout ce qu’on leur pro­pose, même si c’est nou­veau.

Il sem­ble que le secret pour par­venir à l’acceptation soit de com­bin­er, dans une présen­ta­tion, des thèmes tra­di­tion­nels, arrangés dans le style de l’orchestre, avec de nou­velles com­po­si­tions. Et pour ceux — nom­breux — lecteurs qui ani­ment des émis­sions de radio, je ne pense pas qu’il soit néces­saire d’insister sur l’importance de dif­fuser durable­ment la nou­veauté. Si vous avez besoin de matériel, comptez sur nous pour le gér­er.

En ter­mi­nant, je tiens à vous dire que je suis heureux de con­stater un intérêt gran­dis­sant pour notre mag­a­zine et nos espaces de médias soci­aux. Mer­ci beau­coup et ren­dez-vous dans le prochain numéro !

Ricar­do Schoua

La suite de la publication de 2015 par José de la quimera

Là, José n’est plus en réponse directe à Ricar­do Schoua, mais ses ajouts sont intéres­sants :

Mais si je le dis-le, ça n’en vaut pas la peine. Voyons ce que dit Maître Alfre­do de Ange­lis. Je viens de ter­min­er la lec­ture de sa biogra­phie, écrite par sa fille. Dans ce livre, De Ange­lis fait claire­ment référence au prob­lème de 1981, et ses mots sont actuels :

L’une des raisons est que les orchestres ne font plus de rythme, cela ressem­ble à de la musique espag­nole, qui n’a rien à voir avec le tan­go. La plu­part d’en­tre eux jouent de la même manière, les ban­donéons font tous la même chose. En dehors du rythme, ils n’ont pas la ligne mélodique du tan­go, le pub­lic n’aime pas ça et même s’ils veu­lent le leur impos­er, ils n’y arriveront pas.

Ce cas ne sera pas inver­sé jusqu’à ce qu’un orchestre sorte comme en 1935, lorsque D’Arien­zo est par­ti et a rompu avec toutes les nou­veautés de l’époque, la même chose se pro­duit aujour­d’hui. Le tan­go c’est pour danser, aujour­d’hui ils ont même changé le style de danse, les chanteurs cri­ent, je dis tou­jours que les dis­ques de Gardel durent, ils peu­vent obtenir le style de lui. Gardel n’a jamais crié et le temps le prou­ve. D’autres exem­ples sont Fiorenti­no, Dante et Var­gas.

À l’époque de Canaro, De Caro est sor­ti, mais il a fait du rythme, c’est ain­si que Troi­lo, D’Arien­zo et d’autres ont joué du « cuadra­do », c’est-à-dire que pour danser, Hora­cio Sal­gán est sor­ti avec un style très agréable, mod­ernisé, bien arrangé, et que s’est-il passé ? Après, plus rien d’autre n’est sor­ti, ils veu­lent nous impos­er un nou­veau style, mais tant qu’ils ne font pas de tan­go-tan­go, il ne se passe rien.

(Diario La Pren­sa, 11/1981, « Alfre­do de Ange­lis : Les orchestres ne font pas de rythme », note de Rober­to Per­tossi).

C’est on ne peut plus clair.

Pourquoi insis­tent-ils encore, dans de nom­breuses milon­gas, pour faire écouter des orchestres qui com­posent de la musique ? Parce que les danseurs ne savent pas danser, et ils pensent qu’ils savent. Les orchestres de tan­go ne dansent pas bien et font sem­blant de danser le tan­go « mod­erne ». Quelqu’un qui dis­tingue la musi­cal­ité de chaque orchestre, qui sait danser des syn­copes, des cadences et des silences, et qui ne danse pas « tout de la même manière », ne va pas à ces milon­gas, parce qu’il sait que ce ne sont pas vrai­ment des milon­gas, mais « un spec­ta­cle de danse de mau­vaise qual­ité ».
Per­son­nelle­ment, si je veux écouter un orchestre, je vais au théâtre où l’a­cous­tique est meilleure et où leur fonc­tion est pré­cisé­ment d’é­couter et d’ap­préci­er la musique.
Dans la milon­ga, je veux de la musique de danse et ne pas atten­dre pas­sive­ment la fin du « spec­ta­cle » pour pou­voir danser et pay­er plus. Les orchestres des années 1940 con­vo­quaient jusqu’à 6 000 per­son­nes aux milon­gas du car­naval parce qu’ils jouaient pour danser et que les danseurs avaient une fonc­tion active et non pas­sive, inter­pré­tant cor­recte­ment la musique, avec du rythme et de la mélodie comme le dit De Ange­lis. C’est le secret du suc­cès. Où sont les milon­gas de ces car­navals main­tenant ? Quelqu’un s’est-il demandé quelle en était la cause ? L’ab­sence de danseurs ou d’orchestres appro­priés ?
Fonte
De Ange­lis, Isabel, 2004, Alfre­do De Ange­lis. Le phénomène social. Le Tan­go Club. Ed. Cor­regi­dor.
Tan­go y Cul­tura Pop­u­lar, avril 2012, n° 135 ; www.tycp.com.ar.

José de la quimera en com­plé­ment de son arti­cle de 2015

Le paragraphe supplémentaire publié en février 2024 par Guillermo Reverberi (Guille de SMTango)

Haaaa, et enfin. Un danseur ou une danseuse de tan­go va à une Milon­ga pour danser TANGOOOOOOOOO, pas pour regarder des spec­ta­cles, des expo­si­tions et/ou danser d’autres rythmes. Cela ne fait que dis­paraître l’en­vie de con­tin­uer à danser, stress­er, déprimer sans le savoir et la Milon­ga finit dans un fias­co.

Les éléments originaux à télécharger

El tan­gometro (édi­to­r­i­al de TYCP 110 de décem­bre 2009). Voir l’ar­ti­cle sur le sujet sur ce blog.

El tan­gometro “No-Tan­go” (édi­to­r­i­al de TYCP 134 de mars 2012) . Voir l’ar­ti­cle sur le sujet sur ce blog.

Cour­ri­er du lecteur en réponse à Ricar­do Schoua par José Car­cione dans TYCP n°135 (Avril 2012)

Más sobre el tan­go baila­do (édi­to­r­i­al de TYCP 136, mai 2012)

Texte de José Car­cione, sous le pseu­do­nyme José de la quimera pub­lié en 2015

Texte dif­fusé par Guiller­mo Rever­beri (Guille de SMTan­go) en févri­er 2024

Le « No-Tango »

J’ai repro­duit dans le post le « Tan­gomètre », un édi­to­r­i­al de Ricar­do Schoua de décem­bre 2009. Ce nou­v­el édi­to­r­i­al du même auteur date de mars 2012, reprend le fil. Il l’a nom­mé No-Tan­go. Il me restera un texte à repro­duire, lui aus­si de 2012, texte qui cir­cule beau­coup en ce début de 2024, mais chut, revenons à mars 2012, dans le numéro 134 de la revue Tan­go y Cul­ture Pop­u­lar.

L’édi­to­r­i­al du n°134 de Tan­go y Cul­tura Pop­u­lar, inti­t­ulé Le “No-Tan­go”

Éditorial : Le “No-tango” par Ricardo Schoua

J’avais déjà fait remar­quer, dans des notes précé­dentes, qu’en ce qui con­cerne le tan­go et son développe­ment, il y a autant d’opinions que de per­son­nes. Je vais me référ­er à cer­taines de ces opin­ions d’une manière générale, sans iden­ti­fi­er les expédi­teurs, car ce qui m’intéresse, c’est de polémi­quer avec des idées, pas avec des per­son­nes.
Dans un édi­to­r­i­al précé­dent (*), j’ai souligné quels étaient, à mon avis, les aspects négat­ifs qui sur­gis­sent dans l’activité, et qui entra­vent son développe­ment. Je ne vais pas les répéter ici, mais j’aimerais dévelop­per cer­tains con­cepts.
Au sein de la nou­velle généra­tion d’auteurs, de com­pos­i­teurs et de musi­ciens, il y a ceux qui affir­ment que le tan­go est mort. La pre­mière chose qui me vient à l’esprit est « alors que font-ils ici, pourquoi con­tin­u­ent-ils à apporter des con­tri­bu­tions au genre ? » À tout le moins, on s’attend à un peu de cohérence, une ver­tu qui sem­ble égale­ment dépassée.

J’aime le tan­go, mais je ne con­sid­ère pas une cer­taine péri­ode comme lim­i­ta­tive. Il y a des tan­gos que je trou­ve très ennuyeux par­mi les anciens et aus­si par­mi les actuels. Les clas­siques le sont par leur pro­pre mérite, et non parce qu’ils appar­ti­en­nent à une cer­taine époque. Dans un rap­port que nous avons repro­duit, le tan­go Uno a été inter­rogé parce que « c’était déjà le cas ». Sur quelle base dis­ent-ils « c’est déjà le cas » ? Les paroles ont-elles per­du de leur per­ti­nence ?
Aujourd’hui, l’adage selon lequel « la lutte est cru­elle et il y en a beau­coup » est tout à fait val­able… Ou, l’est-il vrai­ment ?
Si le renou­veau du tan­go va se baser sur l’interdiction de l’exécution des clas­siques, nous allons très mal, avec une ori­en­ta­tion désas­treuse, qui sem­ble cacher l’idée que ceux qui le promeu­vent ne se sen­tent pas capa­bles de sur­pass­er les réal­i­sa­tions de ceux qui les ont précédés.
Et il faut regarder les atti­tudes de ceux qu’ils pré­ten­dent admir­er (admi­ra­tion qui n’est pas cohérente non plus). Ou, peut-on imag­in­er une posi­tion sim­i­laire chez Osval­do Pugliese ?
Ou Piaz­zol­la a‑t-il renié Troi­lo, Pugliese, Sal­gán, Di Sar­li …?
Il y a aus­si ceux qui pos­tu­lent que la mélodie et l’accompagnement ne sont « plus ». Dans quel manuel l’avez-vous lu ? Tout le monde a le droit d’expérimenter, mais pas de dis­qual­i­fi­er gra­tu­ite­ment. Et de ne pas se fâch­er si le résul­tat de leur expéri­ence ne les mène pas au som­met de la gloire.
J’ai écouté de « nou­veaux tan­gos » qui, musi­cale­ment, peu­vent faire preuve d’un haut niveau de vir­tu­osité, mais, comme je ne trou­ve pas la mélodie, je ne peux pas les fre­donner ou les sif­fler et, par con­séquent, je ne peux pas m’en sou­venir. La musique pop­u­laire, pas seule­ment le tan­go, est sim­ple et s’adresse à tout le monde, pas seule­ment aux musi­ciens pro­fes­sion­nels. Il n’est pas facile d’atteindre cette sim­plic­ité et cette accep­ta­tion.
George Mar­tin, surnom­mé « le cinquième Bea­t­les », dis­ait que la musique doit danser pour vous, ce qui ne veut pas dire qu’elle est dans­able, mais qu’elle fait bouger quelque chose en nous, qui nous trans­porte. Ce n’est pas que je ne com­prenne pas cer­taines « querelles » de ceux qui ten­tent de renou­vel­er le genre. Con­stituer un réper­toire d’une ving­taine de numéros con­nus, tou­jours les mêmes, sans en incor­por­er de nou­veaux, c’est aus­si une façon de com­bat­tre le tan­go de l’intérieur, quand on dit qu’il le défend. Cela con­tribue à la même chose de ne pas chercher à mod­i­fi­er les for­mats de dif­fu­sion et de pro­gram­ma­tion. Et l’attitude de cer­tains DJ qui n’osent pas pro­pos­er quelque chose de dif­férent, de peur de « per­dre la clien­tèle ».
Main­tenant, cette chose de décrire le tan­go comme mort ou péri et d’essayer de le trans­former en quoi que ce soit m’amène à sug­gér­er que, pour être cohérent, au lieu d’ajouter des qual­i­fi­cat­ifs tels que « de rup­tura » ou « alter­na­ti­vo », ils enca­drent leurs créa­tions dans un nou­veau genre : le No-Tan­go.

Mer­ci beau­coup,

Ricar­do Schoua

Éditorial de la revue Tango y Cultural Popular n°134

Lire la revue en entier…

Le Tangomètre (éditorial de Tango y Cultura Popular n°110)

Cet édi­to­r­i­al a été pub­lié le 13 décem­bre 2009, dans le numéro 110 de la revue rosa­ri­na, Tan­go y Cul­tura Pop­u­lar.
J’ai choisi de le repro­duire ici, car en ce moment cir­cu­lent des textes qui ne repren­nent pas les sources et je pense utile de ren­dre à César ce qui lui appar­tient (même si dans le cas présent il s’ap­pelle Ricar­do Schoua).
Ce sera le pre­mier d’une série de textes polémiques sur le tan­go et son évo­lu­tion.
Bonne lec­ture.

Vous trou­verez le texte orig­i­nal, en espag­nol, en fin d’ar­ti­cle

Le Tan­gomètre (édi­to­r­i­al)

Logo de Tan­go y Cul­tura Pop­u­lar, la revue de tan­go de Rosario (Argen­tine)

L’inscription au pat­ri­moine mon­di­al, la mul­ti­pli­ca­tion des fes­ti­vals, l’ouverture de nou­velles milon­gas, le fait que de nom­breux jeunes musi­ciens soient enclins à ce genre indiquent un essor du tan­go. Mais, comme toute man­i­fes­ta­tion de la cul­ture pop­u­laire, cet essor con­tient beau­coup d’impuretés et s’inscrit dans une lutte per­ma­nente con­tre les con­cep­tions qui ten­dent à la lim­iter ou à la vider de son con­tenu.

La ques­tion est de savoir dans quelle mesure nous com­prenons ce que sig­ni­fie la cul­ture pop­u­laire. Ce n’est pas un sujet facile à com­pren­dre, c’est pourquoi beau­coup se réfugient dans des con­cep­tions dog­ma­tiques. Je pense que c’est une tâche quo­ti­di­enne d’apprendre, avec un esprit ouvert, de quoi il s’agit. Et c’est un proces­sus d’apprentissage sans fin.

Je vais essay­er d’énumérer les élé­ments qui, à mon avis, sont, en ce moment, un obsta­cle à un développe­ment authen­tique du tan­go en tant qu’expression pop­u­laire.

1.— Les opin­iono­logues qui n’admettent pas de change­ments au-delà de ce que furent les années 40, oubliant que cette époque se dis­tingue pré­cisé­ment par le boom de l’innovation et du renou­veau. Sou­vent, cette pos­ture de « défenseurs à tout prix » du tan­go cache la médi­ocrité con­sciente de ceux qui l’adoptent comme éten­dard. L’attitude est com­pa­ra­ble à celle d’un patron, dans n’importe quel tra­vail, qui s’entoure de gens médiocres pour s’assurer qu’ils ne « bougent pas le sol », parce qu’il sait qu’il est lui-même médiocre.

La résis­tance au change­ment est exploitée, et ce n’est pas nou­veau. Hora­cio Fer­rer racon­te dans son livre El gran Troi­lo que, lorsque Pichu­co a créé Respon­so à Mon­te­v­ideo, l’un des spec­ta­teurs lui a crié : « Gor­do, arrête de jouer des pasodobles ! »

2.— Ceux qui, au nom d’un sup­posé « nou­veau tan­go », se pla­cent à l’extrême opposé des précé­dents, c’est-à-dire qu’ils nient les antécé­dents. Par­mi eux, ceux qui ont l’intention de fusion­ner le tan­go (qui est le pro­duit d’une fusion naturelle et évo­lu­tive) avec d’autres gen­res, en par­ti­c­uli­er le jazz. Pugliese a défi­ni : « Le tan­go est un mélange de la cam­pagne avec l’expression pop­u­laire de la ville. Beau­coup de choses peu­vent être soulevées, dans dif­férentes direc­tions. Vous pou­vez venir de Gardel, Bar­di, Cobián, Maf­fia, Lau­renz, mais vous ne pou­vez jamais arrêter les étapes ni per­dre de vue les sources. Ceux qui veu­lent s’exprimer dans le tan­go doivent se référ­er à la con­ti­nu­ité, sans s’en détach­er. Le reste n’est pas du tan­go. C’est de la musique, d’autres musiques.

Et Atahual­pa Yupan­qui a dit : « Pour que les enfants vivent, il n’est pas néces­saire de tuer leurs par­ents. »

Des musi­ciens qui écrivent pour des musi­ciens, qui sem­blent croire que plus la par­ti­tion a de notes, mieux c’est. Ils ont pour cor­rélat les danseurs « de scène », pour qui l’important sem­ble être le nom­bre de fig­ures par sec­onde et non la danse elle-même.

Encore une fois, je cite Yupan­qui : « Il y a des gens qui éblouis­sent et d’autres qui illu­mi­nent, je préfère illu­min­er. »

4.— Le soi-dis­ant « tan­go élec­tron­ique », un pro­duit dérivé d’une étude de marché, l’une des nom­breuses pier­res que la con­tre-cul­ture médi­a­tique met sur le chemin.

5.— Les méth­odes de danse égale­ment qual­i­fiées de « neo tan­go » qui, au nom de la tech­nique et de la pro­preté sup­posée, décon­nectent totale­ment le danseur de la musique et de l’émotion.

6.— L’arrogance avec laque­lle beau­coup de ceux qui défend­ent l’une ou l’autre des posi­tions décrites sont traités.

Eh bien, avec cela, j’ai déjà gag­né la haine de tout le monde. Si j’en ai man­qué, faites-le-moi savoir…

Sérieuse­ment, même si nous n’aimons pas les résul­tats, toute pour­suite sincère est saine et devrait être encour­agée et cri­tiquée en même temps.

Les goûts de cha­cun sont respecta­bles, mais ce n’est pas une ques­tion de goût ici.

Et il n’existe pas de «tan­gomètre», bien que si un lecteur veut en con­cevoir un pour nous, nous le fer­ons volon­tiers savoir.

La pire chose qui puisse nous arriv­er, c’est que notre cerveau s’atrophie. De nou­velles propo­si­tions con­tribuent à la péren­nité. […]

Le Directeur (Ricar­do Schoua)

Le tango est international, alors, le site est désormais multilingue

Un des mir­a­cles du tan­go est que l’on peut danser avec des per­son­nes ayant appris à danser à plus de 10 ou 20 000 km de dis­tance et que l’on peut s’entendre par­faite­ment en quelques sec­on­des.

Yo no entender

Mal­heureuse­ment, il n’est pas de même pour l’expression orale ni même écrite, alors j’ai décidé de pro­pos­er une cinquan­taine de langues pour le site.
Nor­male­ment, lorsque vous l’ouvrez, c’est la langue par défaut de votre nav­i­ga­teur qui est affichée.
Si vous souhaitez affich­er une langue dif­férente, il vous suf­fit de cli­quer sur le globe bleu situé en haut à droite.

En cli­quant sur le globe situé en haut à droite, vous faites appa­raître une cinquan­taine de dra­peaux per­me­t­tant de choisir les langues cor­re­spon­dantes.

Il y a une cinquan­taine de langues et je peux en ajouter en fonc­tion des deman­des.

Le site est écrit en français et les paroles de tango en espagnol

Si vous avez un doute sur la tra­duc­tion, pensez à revenir au français pour véri­fi­er ce qui pour­rait avoir été mal traduit, en par­ti­c­uli­er les par­ties en espag­nol.
Choisir le dra­peau français vous restituera les textes dans d’autres langues dans la langue d’o­rig­ine.

Errare humanum est, perseverare diabolicum

Errare humanum est, per­se­ver­are dia­bolicum

Comme dis­ait le vieux Sénèque, à moins que je me trompe, les œuvres humaines ne sont pas par­faites. Les tra­duc­tions peu­vent donc être sujettes à cau­tion et je vous con­seille de véri­fi­er les pas­sages dou­teux en affichant la langue d’o­rig­ine (majori­taire­ment le français, l’es­pag­nol ou l’anglais).

Qui a peur de poser des questions a honte d’apprendre

Den, der er bange for at stille spørgsmål, skam­mer sig over at lære.

(Proverbe danois)

Vous pou­vez me pos­er les ques­tions, deman­der des ren­seigne­ments ou écrire des com­men­taires dans votre langue préférée.
La musique est un lan­gage uni­versel, même si nous n’avons pas tous les mêmes goûts, cela per­met d’adoucir les mœurs dans ce monde en folie.
Au plaisir de vous lire, les amis !

Au plaisir de te lire, cher ami.

Quelles sont les dates de l’âge d’or en tango de danse ?

What are the dates of the golden age of dance tango?

Pour un DJ, l’âge d’or, c’est prin­ci­pale­ment l’époque ou le tan­go de danse était à la mode. Mais pour qu’un âge d’or arrive, il faut dif­férents élé­ments précurseurs et pour qu’il se ter­mine, il faut que l’élan s’épuise. Nous allons voir l’évolution de ce phénomène.

For a DJ, the gold­en age is main­ly the time when dance tan­go was in fash­ion. But for a gold­en age to come, there must be dif­fer­ent pre­cur­sors, and for it to end, the momen­tum must be exhaust­ed. We will see how this phe­nom­e­non evolves.

L’âge d’or du tan­go

Le prototango, le tango d’avant le tango

Dans l’article sur les styles du tan­go, vous trou­verez des traces de l’histoire musi­cale, mais la musique n’est qu’un des aspects. Pour que l’âge d’or se man­i­feste, il faut égale­ment que la pra­tique de cette cul­ture sorte des cer­cles restreints où elle est née.
L’Europe et par­ti­c­ulière­ment la France ont joué un rôle cer­tain dans cette nais­sance. L’exposition uni­verselle de 1900 a été l’occasion pour de nom­breux Argentins argen­tés, de faire de Paris, leur point de chute, ou de plaisir.
Un cer­tain nom­bre d’entre eux qui avaient goûté aux charmes du tan­go à la fin du 19e siè­cle l’ont encour­agé à Paris. Un des exem­ples les plus con­nus est celui de Beni­no Macias, auquel on attribue le lance­ment de la furie du tan­go à Paris. Que ce soit cette his­toire ou d’autres, il est cer­tain que dès 1911, le tan­go était entré dans les mœurs à Paris. On pou­vait le danser tous les jours dans plusieurs lieux, ce qui a attiré les orchestres argentins, même s’ils devaient se pro­duire déguisés en gau­chos, car les orchestres étrangers n’étaient autorisés qu’à la con­di­tion d’être «folk­loriques». Le cos­tume était réservé aux orchestres européens.

Prototango, the tango before the tango

In the arti­cle on tan­go styles, you will find traces of musi­cal his­to­ry, but music is only one aspect. In order for the gold­en age to man­i­fest itself, the prac­tice of this cul­ture must also come out of the restrict­ed cir­cles in which it was born.

Europe and par­tic­u­lar­ly France played a cer­tain role in this birth. The Uni­ver­sal Exhi­bi­tion of 1900 was an oppor­tu­ni­ty for many sil­ver-lov­ing Argen­tini­ans to make Paris their place of stay, or of plea­sure. A num­ber of them who had tast­ed the charms of tan­go at the end of the 19th cen­tu­ry encour­aged him in Paris. One of the best-known exam­ples is that of Beni­no Macias, who is cred­it­ed with launch­ing the Tan­go Fury in Paris. Whether it is this sto­ry or oth­ers, it is cer­tain that by 1911, tan­go had become part of the cus­toms in Paris. It could be danced every day in sev­er­al venues, which attract­ed Argen­tine orches­tras, even if they had to per­form dis­guised as gau­chos, as for­eign orches­tras were only allowed on the con­di­tion that they were “folk­loric”. The cos­tume was reserved for Euro­pean bands.

Pourquoi Pas, revue wal­lonne de Louis Dumont-Wilden, George Gar­nir et Léon Souguenet (les « trois mous­ti­quaires ») du 4 octo­bre 1929.

La nais­sance du tan­go

Le chan­son­nier Fursv affirme, dans ses mémoires, avoir assisté, vers 1900, à la nais­sance du tan­go, l’Abbaye Albert », à Mont­martre.
— Par­mi les Argentins qui venaient là, con­te-t-i1, il y avait un cer­tain Beni­no Macias, for­mi­da­ble­ment riche, très nos­tal­gique.
» Un soir, ayant payé l’orchestre pour le sec­on­der dans son pro­jet, il se mit à danser, pour la galerie, une sorte de pas lent, et traîné, coupé de repos ryth­més, et accom­pa­g­né par une mélodie en mineur, d’une infinie mélan­col­ie.
~ Ce fut, sur le moment, de l’étonnement, mieux, de la stu­peur.
» Mais on applau­dit Beni­no Macias, qui dan­sait avec une cer­taine Loulou Christy, fort jolie.
» Huit jours après, il y avait vingt cou­ples qui fai­saient comme eux.» C’est ain­si que le tan­go a fait sa toute pre­mière appari­tion à Paris. »

Pourquoi Pas, revue wal­lonne de Louis Dumont-Wilden, George Gar­nir et Léon Souguenet (les « trois mous­ti­quaires ») du 4 octo­bre 1929.

The birth of tan­go

In his mem­oirs, the chan­son­nier Fursv claims to have wit­nessed, around 1900, the birth of the tan­go, the “Abbaye Albert” in Mont­martre.
“Among the Argen­tini­ans who came there,” he said, “was a cer­tain Beni­no Macias, tremen­dous­ly rich, very nos­tal­gic.
One evening, hav­ing paid the orches­tra to assist him in his project, he began to dance, for the gallery, a sort of slow, drawn-out step, inter­rupt­ed by rhyth­mic rests, and accom­pa­nied by a melody in minor, of infi­nite melan­choly.
~ It was, at the time, aston­ish­ment, or rather, amaze­ment.
But we applaud Beni­no Macias, who danced with a cer­tain Loulou Christy, who was very pret­ty.
Eight days lat­er, there were twen­ty cou­ples doing the same.This is how tan­go made its very first appear­ance in Paris. »

Pourquoi Pas, Wal­loon mag­a­zine by Louis Dumont-Wilden, George Gar­nir and Léon Souguenet (the “three mos­qui­to nets”) of 4 Octo­ber 1929.

Lorsque ces orchestres sont retournés en Argen­tine, auréolés de leurs suc­cès européens, cela a aidé à sor­tir le tan­go de ses lieux mal famés en Argen­tine.
Dans l’article « Une enquête sur le tan­go », vous trou­verez des élé­ments intéres­sants si vous vous intéressez à la ques­tion des débuts du tan­go en France. Vous pou­vez aus­si con­sul­ter le site milon­gaophe­lia, riche en doc­u­ments icono­graphiques.
Donc, pour la France, l’âge d’or se situe dans les années 1910–1935. Cepen­dant, ce tan­go s’y est figé dans le temps et s’est abâ­tar­di pour devenir le tan­go musette qui est une loin­taine réminis­cence du tan­go de style canyengue. Il con­vient donc de retra­vers­er l’Atlantique pour décou­vrir le véri­ta­ble âge d’or.

When these orches­tras returned to Argenti­na, bask­ing in the glo­ry of their Euro­pean suc­cess­es, it helped to bring tan­go out of its dis­rep­utable places in Argenti­na.
In the arti­cle “A sur­vey on tan­go “, you will find inter­est­ing ele­ments if you are inter­est­ed in the ques­tion of the begin­nings of tan­go in France. You can also con­sult the milon­gaophe­lia web­site, rich in icono­graph­ic doc­u­ments.
So, for France, the gold­en age is in the years 1910–1935. How­ev­er, this tan­go has been frozen in time and has bas­tardized to become the tan­go musette which is a dis­tant rem­i­nis­cence of the tan­go of the Canyengue style. It is there­fore appro­pri­ate to cross the Atlantic again to dis­cov­er the true gold­en age.

Les premiers orchestres dorés

Pas de musique sans orchestre.
Le phénomène tan­go se développe donc à Buenos Aires et dans sa jumelle rio­platense.
De nom­breux orchestres se créent, se ren­for­cent et pour accom­pa­g­n­er cette vague, les enreg­istrements se mul­ti­plient. Mal­heureuse­ment, les tech­niques rudi­men­taires de l’époque oblig­ent à jouer d’une façon mar­tiale, de crier plus que de chanter et la musique qui en résulte a du mal à sor­tir du bruit du disque pour don­ner de l’émotion.
On peut con­sid­ér­er que ces pre­miers enreg­istrements ne ren­dent pas jus­tice à ce que jouaient réelle­ment les orchestres devant le pub­lic. On se reportera à l’article sur les pro­grès de l’enregistrement pour en savoir plus.
Ce n’est qu’en 1926 que la qual­ité des enreg­istrements rend enfin jus­tice aux presta­tions des orchestres. Ce biais fait que l’on peut nég­liger le phénomène tan­go antérieur et que par con­séquent, on peut « louper » la détec­tion d’un âge d’or, faute d’enregistrements de qual­ité.
Cepen­dant, lorsque la qual­ité devient sat­is­faisante, la musique est pour sa part assez dif­férente de celle qui sera déployée dans les décen­nies suiv­antes. Des orchestres anciens, comme ceux de Cara­bel­li, Frese­do, Canaro font de fort belles choses, mais l’arrivée d’une nou­velle vague va révo­lu­tion­ner la musique.
Les orchestres devi­en­nent plus vir­tu­os­es à force de pra­ti­quer tous les jours et de se con­cur­rencer dans une vive ému­la­tion.

The First Golden Orchestras

There is no music with­out an orches­tra. The tan­go phe­nom­e­non is there­fore devel­op­ing in Buenos Aires and its Rio­platen­sian twin.
Many orches­tras were cre­at­ed, strength­ened, and to accom­pa­ny this wave, record­ings mul­ti­plied. Unfor­tu­nate­ly, the rudi­men­ta­ry tech­niques of the time forced you to play in a mar­tial way, to shout more than to sing and the result­ing music had dif­fi­cul­ty get­ting out of the noise of the record to give emo­tion.
It can be argued that these ear­ly record­ings do not do jus­tice to what the orches­tras actu­al­ly played in front of the audi­ence. Refer to the arti­cle on the progress of reg­is­tra­tion for more infor­ma­tion.
It was not until 1926 that the qual­i­ty of the record­ings final­ly did jus­tice to the orches­tras’ per­for­mances. This bias means that the pre­vi­ous tan­go phe­nom­e­non can be neglect­ed and that con­se­quent­ly, the detec­tion of a gold­en age can be “missed” due to a lack of qual­i­ty record­ings.
How­ev­er, when the qual­i­ty becomes sat­is­fac­to­ry, the music is quite dif­fer­ent from the one that will be deployed in the fol­low­ing decades. Old orches­tras, such as those of Cara­bel­li, Frese­do, Canaro did very beau­ti­ful things, but the arrival of a new wave rev­o­lu­tion­ized music. Orches­tras become more vir­tu­oso by dint of prac­tic­ing every day and com­pet­ing with each oth­er in live­ly emu­la­tion.

El Mun­do du dimanche 1er octo­bre de 1944.

Les quatre piliers

Le pre­mier orchestre à décoller est sans con­teste celui de Juan D’Arienzo, grâce à l’apport prov­i­den­tiel de Rodol­fo Bia­gi (arrangeur et pianiste) à par­tir de décem­bre 1935. Le départ rapi­de de Bia­gi de l’orchestre en 1938 ne rompt pas le nou­veau style de l’orchestre de D’Arienzo qui évoluera dans cette direc­tion jusqu’à la mort de son directeur en 1976.

The Four Pillars

The first orches­tra to take off was undoubt­ed­ly that of Juan D’Arien­zo, thanks to the prov­i­den­tial con­tri­bu­tion of Rodol­fo Bia­gi (arranger and pianist) from Decem­ber 1935. Biag­i’s rapid depar­ture from the orches­tra in 1938 did not break the new style of D’Arien­zo’s orches­tra, which would evolve in this direc­tion until the death of its con­duc­tor in 1976.

Juan d’Arien­zo — Gran Hotel Vic­to­ria (Hotel Vic­to­ria) 1935-07-02, avant Bia­gi.
Juan d’Arien­zo — El flete 1936-04-03, après Bia­gi. On entend les ding ding du piano de Bia­gi.

Peu après, Car­los Di Sar­li qui était à la tête d’un sex­te­to jusqu’au début des années 30 se lance avec un orchestre qui prend sa dimen­sion dans les décades des années 40 et 50.

Short­ly after­wards, Car­los Di Sar­li, who was at the head of a sex­tet until the ear­ly 1930s, launched him­self with an orches­tra that took on its dimen­sion in the 1940s and 1950s.

Car­los Di Sar­li (Sex­te­to) — T.B.C. 1928-11-26
Car­los Di Sar­li — El amanecer 1942-06-23
Car­los Di Sar­li — El amanecer 1951-09-26 — La ver­sion de 1954-08-31 aurait égale­ment pu être prise comme exam­ple.

Troi­lo arrive au début des années 40, suivi de près par Pugliese.

L’âge d’or peut être défi­ni comme la péri­ode d’activité max­i­male de ces qua­tre orchestres. Celle où l’on pou­vait danser chaque semaine avec des orchestres épous­tou­flants.

Troi­lo arrived in the ear­ly 1940s, close­ly fol­lowed by Pugliese.

The Gold­en Age can be defined as the peri­od of max­i­mum activ­i­ty of these four orches­tras. The one where you could dance every week with breath­tak­ing orches­tras.

La fin de l’âge d’or

The End of the Golden Age

Le rock et d’autres musiques vont chang­er les habi­tudes des danseurs et amorcer le déclin du tan­go.

Les années 40 voient les qua­tre piliers dans leur péri­ode de gloire. Dans les années 50, ils con­tin­u­ent leur évo­lu­tion, mais en par­al­lèle, l’arrivée de nou­veaux goûts chez les danseurs, notam­ment le rock, fait que la pra­tique com­mence à baiss­er est que les orchestres se tour­nent vers des formes plus con­cer­tantes.
Troi­lo et Pugliese pro­duisent dans leurs dernières années des titres nova­teurs et nos­tal­giques, à la recherche d’un sec­ond souf­fle, plus ori­en­té vers le con­cert que la danse.
Car­los Di Sar­li, peut-être plus dans l’air du temps qui demandait une musique plus roman­tique a con­tin­ué dans son style jusqu’à la fin des années 50, sans sac­ri­fi­er à la danse.
Quant à d’Arienzo, son style énergique en a fait une bête de scène qui lui per­me­t­tait d’animer des con­certs eupho­risants jusqu’à sa mort en 1976. Ses musi­ciens (sous la direc­tion de Car­los Laz­zari, ban­donéiste et arrangeur de D’Arienzo) puis de nom­breux orchestres con­tem­po­rains per­pétuent ce style fes­tif et énergique jusqu’à nos jours qui con­tin­u­ent d’enchanter les danseurs, comme les audi­teurs.
Cepen­dant, il est cer­tain que le rock et d’autres modes ayant éloigné les danseurs du tan­go, il est dif­fi­cile de faire con­tin­uer l’âge d’or après les années 50.

The 1940s saw the four pil­lars in their hey­day. In the 1950s, they con­tin­ued to evolve, but at the same time, the arrival of new tastes among dancers, espe­cial­ly rock, meant that the prac­tice began to decline and that orches­tras turned to more con­cer­tante forms.
In their last years, Troi­lo and Pugliese pro­duced inno­v­a­tive and nos­tal­gic tracks that were more ori­ent­ed towards con­cert than dance in search of a sec­ond wind.
Car­los Di Sar­li, per­haps more in tune with the times who demand­ed more roman­tic music, con­tin­ued in his style until the end of the 50s, with­out sac­ri­fic­ing dance.
As for d’Arien­zo, his ener­getic style made him a beast of the stage, allow­ing him to host euphor­ic con­certs until his death in 1976. Its musi­cians (under the direc­tion of Car­los Laz­zari, D’Arien­zo’s ban­doneist and arranger) and many con­tem­po­rary orches­tras per­pet­u­ate this fes­tive and ener­getic style to this day, which con­tin­ues to enchant dancers and lis­ten­ers alike. How­ev­er, rock and oth­er fash­ions have cer­tain­ly kept dancers away from tan­go, mak­ing it dif­fi­cult to con­tin­ue the gold­en age after the 1950s.

Le lancement du disque, ou la seconde mort du tango de danse

The launch of the LP, or the second death of dance tango

Le disque LP et la stéréo­phonie ont changé la musique de tan­go.

Un autre phénomène se développe dans les années 50, le microsil­lon et en 1958, le son stéréo. Cette inven­tion avec l’augmentation de la qual­ité de la musique, la plus grande durée de musique par disque (env­i­ron 8 fois plus par disque), fait que l’on peut pos­séder beau­coup plus de musique sans que cela devi­enne trop envahissant, d’autant plus que les dis­ques microsil­lons sont plus légers et fins que les anciens 78 tours en shel­lac.
Le son stéréo a rapi­de­ment for­mé les oreilles des audi­teurs, reléguant les anciens enreg­istrements au ray­on des antiq­ui­tés. Pour essay­er de con­tr­er ce mou­ve­ment et « mod­erniser » leur fond ancien, les édi­teurs de musique ont réédité les tan­gos des années 30 et 40 en vinyle (microsil­lon) en rajoutant de la réver­béra­tion. Cela donne une impres­sion d’espace et per­met de faire du « stéréo like » à peu de frais. Aujourd’hui ces vinyles sont très mal vus, car la réver­béra­tion nuit au mes­sage sonore.

Anoth­er phe­nom­e­non devel­oped in the 1950s, the LP, and in 1958, stereo sound. This inven­tion with the increase in the qual­i­ty of music, and the longer dura­tion of music per record (about 8 times more per record), means that one can own much more music with­out it becom­ing too intru­sive, espe­cial­ly since LP records are lighter and thin­ner than the old shel­lac 78s.
The stereo sound quick­ly trained lis­ten­ers’ ears, rel­e­gat­ing old record­ings to the antique shelf. To try to counter this move­ment and “mod­ern­ize” their old back­ground, music pub­lish­ers have reis­sued tan­gos from the 30s and 40s on vinyl (LP) by adding reverb. This gives the impres­sion of space and allows you to “stereo like” at lit­tle cost. Today, these vinyls are very frowned upon, because the reverb detracts from the sound mes­sage.

La valse de Juan D’Arien­zo — No llores madre de 1936-07-03 a été dif­fusée dans un pre­mier temps sur disque shel­lac. Lors de la réédi­tion en microsil­lon (LP), pour lui don­ner un air de “stéréo”, les ingénieurs du son ont rajouté de la réver­béra­tion, ce qui a pol­lué la musique orig­i­nale.

Ces deux don­nées expliquent aus­si le déclin des orchestres de bal. En effet, il deve­nait pos­si­ble de jouer de la musique de tan­go pen­dant une demi-heure, sans aucune manip­u­la­tion et sans avoir à pay­er un orchestre.

These two fac­tors also explain the decline of ball­room bands. Indeed, it became pos­si­ble to play tan­go music for half an hour, with­out any manip­u­la­tion and with­out hav­ing to pay for an orches­tra.

Le petit âge d’or, le moyen âge d’or et le grand âge d’or

The Little Golden Age, the Golden Age and the Great Golden Age

L’âge d’or du tan­go. Illus­tra­tion libre, ne pas y chercher une vérité his­torique… / The gold­en age of tan­go. Free illus­tra­tion, do not look for his­tor­i­cal truth…

Une déf­i­ni­tion très stricte de l’âge d’or est par­fois don­née et qui est bornée par la péri­ode où les 4 piliers jouaient, donc de 1943 (arrivée sur le marché du disque de Pugliese), jusqu’à l’arrivée du microsil­lon, aux alen­tours de 1955.
Comme on aime bien arrondir, on définit cette péri­ode comme courant de 1940 à 1955.
Cepen­dant, cela enlève les mer­veilleux enreg­istrements de D’Arienzo de la sec­onde moitié des années 30. Il est donc plus courant de définir un « moyen âge d’or » de 1935 à 1955. Les comptes sont ronds, vingt ans tout juste. En Europe, la nos­tal­gie et la famil­iar­ité avec le tan­go musette et ital­ien, font que la vieille garde est égale­ment appré­ciée. Cela per­met d’inclure des orchestres qui ont beau­coup de suc­cès dans les « encuen­tros milongueros », comme Canaro, Dona­to, Cara­bel­li ou Frese­do. Tou­jours pour favoris­er les comptes justes, on étend par­fois l’âge d’or de 1930 à 1955.

A very strict def­i­n­i­tion of the gold­en age is some­times giv­en which is lim­it­ed by the peri­od when the 4 pil­lars were play­ing, i.e. from 1943 (arrival on the mar­ket of the Pugliese record), until the arrival of the LP, around 1955.
Since we like to round up, we define this peri­od as cur­rent from 1940 to 1955.
How­ev­er, this takes away from the won­der­ful D’Arien­zo record­ings from the sec­ond half of the 1930s. It is there­fore more com­mon to define a “gold­en mid­dle” from 1935 to 1955. The accounts are round, just twen­ty years. In Europe, nos­tal­gia and famil­iar­i­ty with musette and Ital­ian tan­go mean that the old guard is also appre­ci­at­ed. This makes it pos­si­ble to include orches­tras that are very suc­cess­ful in the “encuen­tros milongueros”, such as Canaro, Dona­to, Cara­bel­li, or Frese­do. Also in order to pro­mote fair accounts, the gold­en age is some­times extend­ed from 1930 to 1955.

Le support de l’âge d’or

The support of the Golden Age

Un disque 78 tours en shel­lac. Ici, une valse de D’Arien­zo, En tu corazón. / A 78 rpm shel­lac record. Here, a waltz from D’Arien­zo, En tu corazón.

C’est le réper­toire qu’utilisent les DJ les plus « tra­di­tion­nels ».
Sig­nalons que dans ce mou­ve­ment « tra­di­tion­nel » cer­tains DJ revendiquent la dif­fu­sion en milon­ga à par­tir de dis­ques vinyle, un sup­port anachronique. Mais les modes ont-elles à se jus­ti­fi­er ? Quelques DJ utilisent des dis­ques shel­lac par souci de vérité his­torique. Mais là, c’est jouer avec le pat­ri­moine et cette pra­tique me sem­ble non recom­mand­able, car nuis­i­ble avec notre héritage, sans aucune valeur ajoutée en ter­mes de musique. Les véri­ta­bles col­lec­tion­neurs respectent ces tré­sors et ne les exposent pas à la ruine.

This is the reper­toire used by the most “tra­di­tion­al” DJs.
It should be not­ed that in this “tra­di­tion­al” move­ment, some DJs claim to broad­cast in milon­ga from vinyl records, an anachro­nis­tic medi­um. But do fash­ions have to be jus­ti­fied? Some DJs use shel­lac records for the sake of his­tor­i­cal truth. But in this case, it’s play­ing with her­itage and this prac­tice seems to me to be rec­om­mend­able, because it is harm­ful to our her­itage, with­out any added val­ue in terms of music. True col­lec­tors respect these trea­sures and do not expose them to ruin.

Vers un nouvel âge d’or ?

Towards a new golden age?

Vers un nou­v­el âge d’or du tan­go ? / Towards a new gold­en age?

Le tan­go est né et est ressus­cité à dif­férentes repris­es, sous des aspects légère­ment dif­férents à chaque fois.
Peut-être sommes-nous à l’aube d’un nou­v­el âge d’or du tan­go de danse ? Les avions n’ont jamais trans­porté autant de tangueros à Buenos Aires. En Europe, il n’y a pas une ville de quelque impor­tance sans une com­mu­nauté tanguera.
Cette com­mu­nauté est inter­na­tionale. Il est pos­si­ble de danser avec des parte­naires venus du monde entier et de s’entendre dès la pre­mière tan­da com­mune. C’est un des mir­a­cles du tan­go. Cepen­dant, ce pat­ri­moine est frag­ile, comme les dis­ques shel­lac. Il con­vient de le préserv­er et de ne pas le déna­tur­er en s’éloignant de ce qui fait la par­tic­u­lar­ité de la danse.

Tan­go was born and res­ur­rect­ed on dif­fer­ent occa­sions, in slight­ly dif­fer­ent aspects each time.
Maybe we are at the dawn of a new gold­en age of dance tan­go? Planes have nev­er car­ried so many tangueros to Buenos Aires. In Europe, there is not a city of any impor­tance with­out a tanguera com­mu­ni­ty.
This com­mu­ni­ty is inter­na­tion­al. It is pos­si­ble to dance with part­ners from all over the world and to hear each oth­er from the first tan­da togeth­er. This is one of the mir­a­cles of tan­go. How­ev­er, this her­itage is frag­ile, like shel­lac records. It should be pre­served and not dis­tort­ed by dis­tanc­ing one­self from what makes dance so spe­cial.

Épilogue

Epilogue

Dif­fi­cile d’imag­in­er ce que sera le tan­go dans un siè­cle. Espérons qu’il sera dans un nou­v­el âge d’or. / It’s hard to imag­ine what tan­go will be like in a cen­tu­ry. Hope­ful­ly it will be in a new gold­en age.

Un DJ actuel a le choix de qua­si­ment un siè­cle de musique pour ani­mer ses milon­gas. Il con­vient cepen­dant qu’il ne sépare pas les danseurs de ce qui est le plus pré­cieux, le tan­go de l’âge d’or. Il devra donc veiller à tou­jours don­ner à écouter et danser cette référence, les grands tan­gos de bals des années 35–55, ou 30–55, ou 40–55.
Charge aux danseurs et à leurs pro­fesseurs, de com­pren­dre ce qui fait du tan­go une danse si par­ti­c­ulière et pourquoi il est impor­tant de la reli­er à une musique par­faite pour lui. Pour ter­min­er, je souhaite rap­pel­er que le tan­go de danse n’est qu’une par­tie de la cul­ture tan­go et que je n’ai par­lé d’âge d’or que pour le DJ. Des ama­teurs de tan­go à écouter pour­raient plac­er leur âge d’or dans les années Piaz­zol­la. En effet, celui-ci crée son octe­to en 1955 et ses propo­si­tions musi­cales débuteront le cli­vage entre tra­di­tion et moder­nité. On pour­rait donc par­ler d’un âge d’or du tan­go d’écoute de 1955 à 1990…

A today DJ has the choice of almost a cen­tu­ry of music to liv­en up his milon­gas. How­ev­er, he should not sep­a­rate the dancers from what is most pre­cious, the tan­go of the gold­en age. He will there­fore have to make sure that he always gives to lis­ten to and dance to this ref­er­ence, the great balls of the years 35–55, or 30–55, or 40–55.
It is up to the dancers and their teach­ers to under­stand what makes tan­go such a spe­cial dance and why it is impor­tant to con­nect it to music that is per­fect for them. To con­clude, I would like to remind you that dance tan­go is only one part of the tan­go cul­ture and that I have only spo­ken of a gold­en age for the DJ. Tan­go lovers to lis­ten to could place their gold­en age in the Piaz­zol­la years. Indeed, he cre­at­ed his octe­to in 1955 and his musi­cal pro­pos­als began the divide between tra­di­tion and moder­ni­ty. We could there­fore speak of a gold­en age of lis­ten­ing tan­go from 1955 to 1990…

Tete Rusconi, cartas abiertas

Tete Rusconi

Tete Rus­coni avait l’habi­tude de dépos­er des let­tres ouvertes sur les tables des milon­gas pour expos­er sa vision du tan­go.
J’avais traduit deux de ces textes que je repro­duits ici :
- Une let­tre ouverte de Tete aux danseurs et aux pro­fesseurs en 2006.
- « Les Dits de Tete » à l’occasion de sa mort en 2010.

Apprenons à danser le tango — Aprendamos a bailar el tango

En 2006, j’avais traduit cette let­tre con­fiée par une amie, Régine C qui l’avait récupérée sur une table de Buenos Aires.
J’avais repro­duit ce texte sur le site de Tan­go Pas­sion, dont j’é­tais le créa­teur et le seul auteur à l’époque.

Let­tre de Tete dis­tribuée en 2006 à Buenos Aires. Mer­ci à Régine C qui l’avait rap­portée de Baires !
Apprenons à danser le tan­go
Aujourd’hui, 9 jan­vi­er 2006, avec toute l’affection et le respect que j’ai pour vous, j’aimerais vous deman­der quelque chose. Ce n’est pas un reproche, pour qui que ce soit. Ce que j’aimerais, c’est que les jeunes et tous ceux qui dansent le tan­go com­pren­nent mon point de vue : Il n’est point besoin de trav­e­s­tir le tan­go, en aucune manière, car cette musique, si pas­sion­née, nous donne vie, énergie, plaisir et ain­si nous nous sen­tons meilleurs. Depuis le temps que je vois des danseurs et des pro­fesseurs, je pense qu’il ne faut pas qu’il per­siste avec autant d’erreurs dans l’enseignement et les démon­stra­tions. Mon sen­ti­ment est que la musique est la base prin­ci­pale du Tan­go. Il faut ensuite appren­dre à marcher avec elle, en con­ser­vant l’équilibre et le rythme (caden­cia / cadence). Je ne peux pas affirmer que la tech­nique n’existe pas quand on danse, mais je crois qu’il serait prof­itable que l’on enseigne à danser plus libre­ment, pour soi-même… Là est le plaisir. Per­son­ne ne nous méjuge en nous regar­dant danser pour nous.
En cela, je dis que beau­coup trav­es­tis­sent le tan­go en ce qu’il n’est pas réelle­ment. Il est avant tout musi­cal­ité et ne se préoc­cupe pas ini­tiale­ment des pas. Nous ne devons pas com­met­tre l’erreur d’oublier d’enseigner com­ment marcher sur dif­férents rythmes en har­monie avec chaque orchestre. Trop de per­son­nes qui enseignent le tan­go devraient d’abord appren­dre à le danser pour ensuite pou­voir enseign­er en don­nant tout de soi. Ain­si, ils ne tromperaient pas leurs élèves, ni ne nuiraient à leur répu­ta­tion de pro­fesseur.
Le tan­go n’est pas un com­merce, con­traire­ment à ce qu’en font beau­coup. Le tan­go fait par­tie de notre vie, par­tie de nos ancêtres, pères, mères, frères et amis. Il est notre vie. Nous ne devons pas per­sis­ter dans l’erreur. Il faut le recon­quérir, lui que nous per­dons, faute de le respecter.
Chers amis, danseuses, danseurs, l’enseignement du tan­go est un tra­vail sup­plé­men­taire dans votre vie. Par respect pour vous-même, vous feriez mieux dans vos démon­stra­tions de danser plus de tan­go et faire moins d’acrobaties, de bal­let et de ces choses qui ne sont pas du tan­go. Je ne puis croire qu’avec les démon­stra­tions vous entriez en com­péti­tion en sachant que chaque cou­ple devrait créer son style. De plus, on ne devrait pas danser sur de la musique qui n’est pas du tan­go. Ain­si, on ne trompe per­son­ne, pas même soi. Voici un con­seil pour la com­mu­nauté tan­go d’Europe et du reste du Monde : Il me plairait que vous ouvriez les yeux sur la péd­a­gogie de la danse, en par­ti­c­uli­er les organ­isa­teurs de stages et les pro­fesseurs. De tout mon cœur, j’aimerais qu’ils sachent que quand ils organ­isent quelque chose, ils se doivent d’inviter les meilleurs danseuses et pro­fesseurs pour pou­voir enseign­er comme il se doit. Sans la musique, le rythme, la pos­ture et l’équilibre, les pas ne ser­vent à rien. Pour cela, il faut des danseurs et pro­fesseurs authen­tiques. Alors, enfin, du fond de mon cœur, avec un soupçon de tristesse, je voudrais que vous y pen­siez. Si vous avez quelque chose à me dire, j’aimerais que vous le fassiez, à tra­vers une revue ou ailleurs, où que ce soit. Si vous souhaitez vous plain­dre, par­lez-moi, je vais au bal, voyez-moi, par­lez-moi, inter­ro­gez-moi. Je répondrai à tous, n’ayez crainte. Je ne lais­serai per­son­ne sans réponse, mais s’il vous plait, changez de pra­tique, met­tons en place un sys­tème où nous seri­ons tous heureux, où nous pour­rions danser le tan­go, où nous seri­ons heureux en étant beau­coup plus nom­breux, sans plus ven­dre de men­songe à qui que ce soit. Main­tenant, j’envoie un bais­er et un abra­zo à vous tous en espérant que cette année qui com­mence sera la plus heureuse pour tous. Mer­ci,
Tete
Tra­duc­tion libre en 2006
(révisée en 2016)
par DJ Bernar­do BYC,
avec un grand Mer­ci à Françoise S.
Apren­damos a bailar el Tan­go
“Hoy 9 de enero del 2006 quisiera pasar a pedirles algo con el car­iño y respeto que sien­to por todos ust­edes. Esto no es un reproche para nadie, yo lo que quiero es que toda la juven­tud y todo aquel que baila tan­go entien­da mi moti­vo: No hay que dis­frazar al tan­go bajo ningún pun­to de vista, porque esta músi­ca tan apa­sio­n­ante nos da vida, energía, plac­er y así nos sen­ti­mos mejor. Después de muchos años de ver bailar­ines y mae­stros, pien­so que no puede haber tan­tos errores en la enseñan­za ni en las exhibi­ciones. Paso a con­tar­les cuál es mi idea. Siem­pre supe que la músi­ca es la base prin­ci­pal del tan­go. Tam­bién es apren­der a cam­i­nar con ella, tenien­do equi­lib­rio y caden­cia. No podría decir­les que no hay una téc­ni­ca cuan­do se baila, pero sí que sería mejor que se enseñara a bailar más libre­mente, para uno mis­mo… ahí está la diver­sión. Nadie nos com­pro­m­ete mirán­donos, porque bail­am­os para nosotros. En esto que digo pien­so que muchos están dis­frazan­do al tan­go de algo que no es ver­dad, porque el tan­go es músi­ca y no se empieza por los pasos, ni ten­emos que come­ter el error de no enseñar cómo cam­i­nar difer­entes com­pas­es musi­cales para recono­cer cada orques­ta. Mucha gente que está enseñan­do ten­dría que apren­der primero a bailar tan­go, para poder enseñar dan­do todo de sí mis­mo, para no defrau­dar a sus alum­nos ni dañar su ima­gen como pro­fe­sor. El tan­go no es un nego­cio, aunque muchos lo vean así. El tan­go es parte de nues­tra vida, parte de nue­stros abue­los, padres, madres, her­manos y ami­gos. Es nues­tra vida. No deberíamos equiv­o­carnos tan­to y ten­dríamos que volver a con­quis­tar­lo, ya que lo esta­mos per­di­en­do por no respetar­lo. Queri­dos ami­gos, bailar­i­nas y bailar­ines, como esto que hacen es un tra­ba­jo más en la vida de uno, por respeto a ust­edes mis­mos, en sus exhibi­ciones sería bueno que baila­ran más tan­go y menos acroba­cia, bal­let o cualquier cosa que no sea tan­go. No quiero creer que tam­bién con las exhibi­ciones com­piten; sabe­mos que cada pare­ja debería crear su esti­lo, y además no se debería bailar músi­ca que no es tan­go. En eso no se mien­tan a ust­edes mis­mos ni a la gente. Y para la comu­nidad tanguera de Europa y del resto del mun­do les doy un con­se­jo: me gus­taría que abri­er­an los ojos acer­ca de cómo apren­der a bailar, prin­ci­pal­mente a los orga­ni­zadores de stages y a los pro­fe­sores, de todo corazón, quiero que sep­an que, cuan­do se orga­ni­za algo, se tra­ta de lle­var los mejores bailar­ines y mae­stros, para poder enseñar como es debido. Sin la músi­ca, la caden­cia, la pos­tu­ra, el equi­lib­rio, de nada sir­ven los pasos y para eso nece­si­ta­mos mae­stros y pro­fe­sores autén­ti­cos. Así que bueno des­de el fon­do de mi corazón, con un poco de tris­teza, me gus­taría que ust­edes lo piensen y, si hay algo para decirme, me gus­taría que lo hicier­an ya sea por medio de revista o por donde sea, si quieren que­jarse háblen­me, yo voy al baile; me ven, me dicen, me pre­gun­tan y yo con­testo… les voy a con­tes­tar a todos, no ten­gan miedo, que no voy a dejar a nadie sin con­tes­tar, pero por favor cam­bi­en el sis­tema, pon­gan un sis­tema donde todos seamos ale­gres, donde podamos bailar el tan­go, donde seamos felices y donde podamos ten­er mucha más gente, sin vender­le ningu­na men­ti­ra más, yo des­de ya les man­do un beso y un abra­zo a todos ust­edes y espero que este año que ha empeza­do sea el más feliz para todos. Gra­cias,
Tete. 

Dits de Tete — Habla Tete

Dits de Tete
Pedro « Tete » Rus­coni
Je dis la vérité. Ne trav­es­tis­sons pas le tan­go car sinon nous l’envoyons à sa ruine. Sans vouloir offenser qui que ce soit, j’aime le tan­go. Je ne cri­tique per­son­ne mais ne déguisez pas le tan­go. Le tan­go se danse de mille façons, mais avant tout, on prend appui dans le sol, parce que dans le sol se trou­ve l’énergie et que c’est sur lui que l’on danse la musique. Ne per­dons pas le plaisir et l’amour pour la danse s’encrant au sol. Les jeunes d’aujourd’hui dansent dans les airs : vous pou­vez faire des choses très jolies, mais faîtes-les au sol, tout comme les grands maîtres. Le com­pas et la mélodie du tan­go sont très par­ti­c­uliers, c’est une souf­france de les per­dre. Que ce soit sur ou au pied de la scène, tou­jours le danseur doit vivre la musique. S’il vous plaît réveillez-vous et com­prenez ce qu’ils font avec la musique ou il vien­dra un temps où les Européens vont nous ven­dre le tan­go. Je par­le du cœur, je suis un mec qui danse. J’ai don­né des ate­liers pour les enseignants à l’étranger, je pen­sais qu’ils n’allaient jamais sur­pass­er nos danseurs… Là-bas, il y a des gens qui peu­vent danser furieuse­ment bien. Restons sur notre axe et n’allons pas en regar­dant le sol. Ne dan­sons pas pour le pub­lic, seule­ment pour nous. Quand on danse sur scène, il faut danser d’abord pour soi pour que ce soit plus lumineux. Ce n’est pas car je m’exhibe que je dois oubli­er qui je suis ou la musique. Le tan­go est une affaire à deux. Sans la femme, il n’y a pas de cav­a­lier qui puisse danser. La femme, de son côté, peut met­tre en valeur son parte­naire quand elle le com­prend vrai­ment. Même si l’enseignement du tan­go devient un tra­vail, on ne peut pas enseign­er un pas sans musique, On n’apprend pas un pas pour un pas. Sans musique, il y a ni danseur, ni tan­go, ni enseignant, ni élève. Le véri­ta­ble mae­stro ne peut trans­met­tre que ce que la musique lui a enseigné.
Tra­duc­tion DJ Bernar­do BYC 2010
Habla Tete
Pedro « Tete » Rus­coni
Yo digo la ver­dad. No dis­frace­mos el tan­go porque lo vamos a arru­inar. Sin quer­er ofend­er a nadie, yo amo el tan­go. No cas­ti­go a nadie, pero no dis­frace­mos el tan­go. El tan­go tiene mil for­mas de bailarse, pero primero pise­mos el sue­lo porque en el piso está la energía y es donde bail­am­os la músi­ca. No per­damos el plac­er y el amor por bailar pisan­do el sue­lo. Los chicos de hoy andan por el aire: todos ust­edes son capaces de hac­er cosas muy lin­das, hágan­las en el piso, como los grandes Mae­stros lo hicieron. Los com­pas­es y la melodía del tan­go son muy espe­ciales, es una lás­ti­ma perder­los. Sea arri­ba o aba­jo del esce­nario siem­pre que el bailarín baile debe vivir esa músi­ca. Por favor despiértense y com­pren­dan qué hacen con la músi­ca porque si no va a lle­gar un momen­to en que los europeos nos van a vender el tan­go a nosotros. Yo hablo de corazón, soy un tipo más que baila. Yo he dado talleres para mae­stros en el extran­jero, pen­sé que no iban a super­ar a nue­stros bailarines…Acá hay gente que puede bailar fer­oz­mente. Paré­monos en nue­stro eje y no vayamos miran­do el piso. No baile­mos para el públi­co sino para nosotros. Cuan­do se baila en el esce­nario hay que bailar primero para uno porque tam­bién luce mucho más. No por mostrarme me olvi­do de quién soy ni de la músi­ca. El tan­go es de a dos. Sin la mujer no hay bailarín que pue­da bailar. La mujer tam­bién luce al bailarín cuan­do lo com­prende. Aunque la enseñan­za del tan­go sea un tra­ba­jo, no se enseña el paso sin la músi­ca; no se enseña el paso por el paso. Sin la músi­ca no hay bailarín, ni tan­go, ni mae­stro, ni alum­no. Mae­stro es el que tiene una enseñan­za para dar, es la que le dejó la músi­ca.

Qui était Tete Rusconi ?

Tete Rus­coni était un danseur portègne, appré­cié dans les milon­gas. Il avait dévelop­pé un style per­son­nel, notam­ment pour les valses et avait un sens aigu de la musique.

Arti­cle de Silv­ina Dami­ani sur Tete Rus­coni dans l’ex­cel­lent site Todotango.com (Espag­nol ou anglais).

Une vidéo de 2000 (env­i­ron), prise à Mar­seille au théâtre Bom­pard. .Organ­isa­teur Michel Raous.
Teté Rus­coni, le danseur qui s’est envolé sur les pistes pour danser la valse. Chaîne Youtube du Canal de la Ciu­dad

Principe de la restauration de la musique de tango de l’âge d’or

La restau­ra­tion et la sauve­g­arde de la musique his­torique est un devoir.

Lorsque l’on est DJ de tan­go, on a en général à cœur d’utiliser la meilleure qual­ité de musique pos­si­ble. Cepen­dant, cela ne suf­fit pas à la réus­site d’une presta­tion de DJ. Il vaut mieux une excel­lente ani­ma­tion avec de la musique de qual­ité moyenne, qu’une dif­fu­sion mal­adroite de morceaux « par­faits ».

Ces con­seils sont donc pour ceux qui veu­lent, comme moi, essay­er d’avoir la meilleure musique au meilleur moment dans les milon­gas.

Utiliser un original de la meilleure qualité possible

Les sup­ports à utilis­er sont dans cet ordre de la meilleure qual­ité à la pire. En rouge, ce qui est déjà numérisé.

  1. Matrice orig­i­nale (il en reste très peu). C’est ce qui sert à press­er les dis­ques, c’est une forme d’original.
  2. Bande mag­né­tique orig­i­nale d’époque (si elle est de bonne qual­ité).
  3. Disque d’époque (78 tours en shel­lac). Mal­heureuse­ment, beau­coup sont en mau­vais état et les DJ qui passent ces dis­ques en milon­ga détru­isent un pat­ri­moine.
  4. CD ou FLAC d’après un disque d’époque (shel­lac) — ATTENTION, toutes les édi­tions ne se valent pas. Ces dernières années, plusieurs édi­teurs se sont lancés dans ce marché avec des for­tunes var­iées. C’est une façon économique de se con­stituer une base musi­cale.
  5. Disque vinyle, 33 ou 45 tours (si l’enregistrement n’a pas de réver­béra­tion ajoutée, car c’est presque impos­si­ble à sup­primer de façon cor­recte).
  6. CD ou FLAC d’après une copie d’un vinyle (33 tours)
  7. Cas­sette ou car­touche audio depuis un disque d’époque
  8. Ser­vice de musique en ligne, type Spo­ti­fy. C’est en général une très mau­vaise source, car les musiques sont mal éti­quetées. En revanche, ça peut servir pour trou­ver le meilleur disque à acheter.
  9. Musique numérique en MP3
  10. Tomas radi­ales (enreg­istré depuis la radio ou la télévi­sion). Elles sont rarement exploita­bles en milon­ga, car de qual­ité générale­ment médiocre, mais ce sont sou­vent des doc­u­ments intéres­sants d’un point de vue his­torique. Ces doc­u­ments sont en général sur ban­des, mais on en trou­ve des copies numériques.

Précaution pour utiliser la copie avant traitement

Copie de disque

  1. Net­toy­er la matrice ou le disque. C’est extrême­ment impor­tant et sou­vent nég­ligé par ceux qui numérisent des dis­ques. Il ne suf­fit pas de pass­er un coup de brosse anti­s­ta­tique…
    Voir cet arti­cle pour un net­toy­age effi­cace et non destruc­tif du disque orig­i­nal.
  2. Utilis­er un dia­mant adap­té et une pres­sion de bras adap­tée au disque util­isé. Pour ne pas endom­mager le disque, le dia­mant doit être en excel­lent état.
  3. Réglez la vitesse de la pla­tine avec son stro­bo­scope. Cepen­dant, cer­taines mar­ques n’étaient pas tout à fait à la bonne vitesse, notam­ment pour les dis­ques les plus anciens. Si la tonal­ité exacte du morceau vous intéresse, il vous fau­dra la chercher en vari­ant la vitesse, ou procéder à un traite­ment ultérieur après numéri­sa­tion. Pour un DJ, cela a peu d’importance, il est pos­si­ble de mod­i­fi­er ces paramètres à la volée lors de la dif­fu­sion et aucun danseur ne va remar­quer même un demi-ton d’écart.
  4. Réglez de façon opti­male la courbe d’égalisation. Pour la plu­part des dis­ques Odeon et les vinyles après 1955, c’est la courbe RIAA. Pour des dis­ques plus anciens, il vous fau­dra creuser en fonc­tion de la mar­que et de la date.
  5. Numéris­er dans un for­mat non destruc­tif (Loss­less), en 44 kHz ou 48 kHz. Il est inutile d’utiliser un taux d’échantillonnage supérieur, car les dis­ques ne trans­met­tent pas de fréquences supérieures à 20 000 Hz. Pour ma part, j’enregistre en stéréo, même si le disque est mono. Cela per­met d’avoir le choix entre deux ver­sions très légère­ment dif­férentes. C’est utile pour le traite­ment des scratchs ou de cer­tains défauts du sig­nal.
  6. Enreg­istr­er le bruit du disque ou du sup­port mag­né­tique avant la musique et après la musique).
  7. Ranger pré­cieuse­ment le disque et ne plus y touch­er (le stock­er ver­ti­cale­ment et légère­ment pressé à l’abri de l’humidité exces­sive et de la forte chaleur).

Voir l’ar­ti­cle sur le net­toy­age des dis­ques Shel­lac 78 tours.

Exem­ple de courbe de pré-égal­i­sa­tion (RIAA)

En bleu, lors de l’enregistrement, les bass­es sont dimin­uées, pour éviter que le stylet ne fasse de trop gross­es vibra­tions et les aigus sont aug­men­tés pour mar­quer plus les sil­lons afin que les mou­ve­ments soient plus faciles à provo­quer lors de la lec­ture. En rouge, les réglages opposés dimin­u­ent les aigus et ren­for­cent les graves qui avaient été forte­ment atténués lors de l’enregistrement. Sans la resti­tu­tion de la courbe d’origine, les aigus seraient cri­ards et les bass­es absentes.

Exem­ple de tables de cor­rec­tion

Jusqu’en 1955, chaque com­pag­nie util­i­sait ses pro­pres réglages. Cela con­duit, si on ne respecte pas le rétab­lisse­ment de la pré-égal­i­sa­tion à des sons infidèles. Une bonne resti­tu­tion d’un disque ancien com­mence par la recherche des paramètres util­isés par le fab­ri­cant pour rétablir le son d’origine.

Extrait min­i­mal de tableaux de car­ac­téris­tiques des réglages d’en­reg­istrement de dif­férentes firmes.

Copie de support analogique (cassette ou bande)

Les ban­des mag­né­tiques ont plusieurs défauts. Il peut y avoir une dupli­ca­tion de la spire antérieure, qui fait que l’on a une musique « fan­tôme », car la mag­néti­sa­tion d’une spire a « bavé » sur une autre. C’est surtout audi­ble avant un for­tis­si­mo, on l’entend quelques instants avant, de façon réduite.

Si les ban­des ou cas­settes ont été mal con­servées, le sup­port et/ou le liant qui main­tient les oxy­des métalliques se déli­tent, ce qui provoque des défauts dans le mag­nétisme de la bande aux endroits con­sid­érés et donc un son défectueux.

Si la bande est en bon état, il faut aus­si veiller à ce que le mag­né­to­phone le soit égale­ment.

Préparation du magnétophone

Pour les cas­settes, en général un bon mag­né­to­phone est suff­isant et ne demande pas de réglage par­ti­c­uli­er.

Il est cepen­dant recom­mandé d’utiliser un démag­né­tiseur de têtes de lec­ture pour enlever une mag­néti­sa­tion résidu­elle qui pour­rait don­ner du souf­fle et/ou endom­mager le sig­nal mag­né­tique de la bande mag­né­tique.

J’ai ce mag­né­tiseur depuis plus de quar­ante ans. Il est tou­jours en vente. Je l’utilisais surtout pour les mag­né­to­phones à bande, mais il est util­is­able pour les appareils à cas­settes.

Pour utilis­er un démag­né­tiseur, c’est assez sim­ple, mais il faut bien suiv­re la procé­dure.

  1. Débranch­er le mag­né­to­phone (s’il est à pile, enlever les piles).
  2. Branch­er le mag­né­tiseur, mais laiss­er le bou­ton en posi­tion OFF.
  3. Approcher le démag­né­tiseur aus­si près que pos­si­ble de la tête de lec­ture.
  4. Gliss­er le bou­ton en posi­tion ON.
  5. Effectuer des petits cer­cles autour de la tête de lec­ture, aus­si près que pos­si­ble, mais sans touch­er la tête de lec­ture. Pour un mag­né­to­phone à bande, il y a plusieurs têtes…
  6. Éloign­er lente­ment le démag­né­tiseur, le plus loin pos­si­ble, SANS l’ÉTEINDRE.
  7. Une fois qu’il est le plus loin pos­si­ble (le câble d’alimentation est un peu court, prévoir de l’organiser de façon à pou­voir éloign­er le démag­né­tiseur des têtes facile­ment), met­tre le bou­ton curseur sur OFF.

C’est tout pour la démag­néti­sa­tion. Il reste une autre étape pour net­toy­er le mag­né­to­phone, net­toy­er les têtes. Pour cela, utilisez un Coton-Tige imbibé d’alcool (iso­propy­lique ou à défaut 90°). Si cela fait un moment que vous ne l’avez pas fait, vous retir­erez un dépôt brun ou noirâtre. Ce sont des par­tic­ules arrachées aux ban­des et/ou de la saleté 😉

Atten­tion à ne pas faire couler d’alcool dans le mag­né­to­phone ou ailleurs que sur le coton tige humide.

Pour les lecteurs de cas­settes, il existe des cas­settes de net­toy­age.

  • Humid­i­fi­er la bande à tra­vers de la fenêtre (elle ne com­porte pas de vit­re, con­traire­ment aux cas­settes nor­males). Faire défil­er la bande. Cer­taines cas­settes con­ti­en­nent une zone plus abra­sive pour net­toy­er. Ne pas en abuser.
  • Ces cas­settes sont désor­mais assez chères (il faut les chang­er tous les qua­tre ou cinq util­i­sa­tions). Si les têtes de lec­ture sont acces­si­bles, il est plus économique d’utiliser des Cotons-Tiges et la procé­dure pour les mag­né­to­phones à bande. Lorsque les têtes sont sèch­es, vous pou­vez utilis­er le mag­né­to­phone (c’est instan­ta­né si vous avez util­isé de l’alcool iso­propy­lique).

La vitesse et l’enroulement des bandes magnétiques

Con­traire­ment aux cas­settes qui sont rel­a­tive­ment stan­dard­is­ées, les mag­né­to­phones à bande utilisent des vitesses dif­férentes et même des types d’enroulement dif­férent.

Il faut donc un mag­né­to­phone dis­posant des mêmes vitesses que l’appareil d’origine. Tous les mag­né­to­phones actuels n’ont pas ces vitesses. On pour­ra copi­er ces ban­des, mais il fau­dra restituer la vitesse orig­i­nale sur le sig­nal numérisé.

Sur les matériels anciens, la bande était par­fois enroulée avec l’oxyde mag­né­tique à l’extérieur de la bande. Sur d’autres matériels et sur les plus récents, l’oxyde est sur la par­tie intérieure de l’enroulement. Il peut donc être com­pliqué de lire une bande anci­enne sur un appareil plus mod­erne.

Une autre dif­fi­culté est l’utilisation d’alignements dif­férents des têtes de lec­ture. Les ban­des anci­ennes étaient nor­male­ment mono. Elles étaient enreg­istrées dans la par­tie inférieure de la bande, puis retournées pour lire l’autre côté. Il y a donc deux pistes, une dans chaque sens. Sur un matériel stéréo, il y a deux pistes. La lec­ture avec une tête mono fait qu’on lit égale­ment l’espace entre deux pistes, c’est-à-dire que l’on a un sig­nal moins bon.

Avec un mag­né­to­phone stéréo, on peut lire une piste mono à con­di­tion que les têtes soient en face de la piste. Au pire, on utilise qu’une seule des pistes.

Si le mag­né­to­phone dis­po­sait de plus que deux pistes dans chaque sens, il faut un mag­né­to­phone mul­ti­p­iste, ce qui est un matériel pro­fes­sion­nel. Dans ce cas, les pistes sont toutes dans le même sens. La bande ne se retourne pas quand on arrive au bout.

Un autre piège, ce sont les réglages du mag­né­to­phone en fonc­tion du type de bande. Si on dis­pose des boîtes orig­i­nales des ban­des, on trou­ve les indi­ca­tions. Sinon, il faut y aller par tâton­nement.

Un tout dernier point, cer­tains mag­né­to­phones util­i­saient un sys­tème de réduc­tion de bruit, type Dol­by. Il faut donc en tenir compte et utilis­er le décodeur adéquat. Avec les cas­settes, c’est assez sim­ple, avec les mag­né­to­phones à bande, il fau­dra peut-être acquérir un décodeur séparé.

Il a existé aus­si des car­touch­es, sortes de gross­es cas­settes. Pour ces ban­des, la dif­fi­culté sera de trou­ver un lecteur en bon état de marche.

En gros, récupér­er des ban­des anci­ennes, c’est com­pliqué, sauf pour les cas­settes.

Utilisation d’une copie déjà numérique

Vous avez acheté une copie numérique, ou vous avez procédé vous-même à l’enregistrement. Si la musique est par­faite, n’y touchez pas. Mais c’est rarement le cas.

Il ne faut pas oubli­er que vous allez créer des tan­das et que ces dernières doivent être homogènes. Pas ques­tion d’avoir un titre cri­ard, suivi d’un titre sourd, puis un titre très fort et à la lim­ite de la dis­tor­sion et ter­min­er sur un titre presque inaudi­ble.

Un autre point con­siste à nor­malis­er les débuts et les fins de morceaux. Pour ma part, j’ai 0,7 sec­onde au début de tous mes morceaux et 3 sec­on­des à la fin de tous mes morceaux. Cela évite que deux morceaux se choquent, ou qu’il faille atten­dre 10 sec­on­des entre deux titres.

Ordre des opérations pour le traitement des musiques numériques

  1. Faire une sauve­g­arde du sup­port numérique pour revenir à l’état ini­tial en cas d’erreur.
  2. Sélec­tion­ner une par­tie sans musique et avec le bruit de fond du disque. S’il y a des scratchs, les net­toy­er aupar­a­vant, un par un, ou mieux, sélec­tion­ner une zone entre deux scratchs.
  3. Faire une empreinte du bruit de fond, de préférence à la fin du disque et la sous­traire de l’enregistrement. ATTENTION à ne pas sous­traire uni­for­mé­ment, mais seule­ment dans les fréquences du bruit afin de ne pas touch­er la musique (on peut activ­er 100 % pour les fréquences très bass­es ou très hautes et dos­er les autres fréquences en fonc­tion de la musique). Cela demande un logi­ciel évolué, pas du type Audac­i­ty qui applique l’empreinte de façon égale sur toutes les fréquences). Il y a d’autres options à pren­dre en compte, ce tuto­riel est sim­pli­fié…
  4. Faire la même chose avec une empreinte au début du disque. Cepen­dant, atten­tion à bien choisir le lieu, car sou­vent le début du disque est abîmé par l’impact de la pointe de lec­ture lors des écoutes. L’empreinte ne sera pas représen­ta­tive de l’état du disque sur son inté­gral­ité. Si le début du disque n’est pas abîmé (ou si l’original était une matrice). Si la copie numérique ne com­porte pas des bouts d’amorce au début ou à la fin, essay­er d’utiliser un moment de silence. Atten­tion à ne pas pren­dre une par­tie avec un peu de son. Si c’est impos­si­ble, met­tre à zéro la déduc­tion d’empreinte sur les fréquences de la musique présente dans cette sélec­tion.
  5. Net­toy­er les scratchs sur la musique. C’est un tra­vail de patience. Sélec­tion­ner le scratch et appli­quer l’outil de cor­rec­tion sur les quelques mil­lisec­on­des néces­saires. Il existe des plu­g­ins de sup­pres­sion automa­tique de scratchs, mais ils sont sou­vent néfastes au mes­sage sonore. Il con­vient donc de ne pas en abuser.
    Ne pas utilis­er la sup­pres­sion de fréquence pour lim­iter le bruit (méth­ode la plus courante), car cela se fait égale­ment au détri­ment de la musique). C’est en revanche la seule méth­ode pos­si­ble lors de la dif­fu­sion en direct, par exem­ple si le morceau « orig­i­nal » fourni pour une démo est vrai­ment trop bruité.
  6. Revoir l’équilibre sonore du morceau. Cela con­siste à restituer la vitesse ini­tiale (au cas où l’original serait un disque 33 tours ou une copie numérique d’origine dou­teuse). On peut aus­si jouer sur les fréquences pour réhar­monis­er le morceau. Ce tra­vail se fait de préférence au casque. On véri­fie que les instru­ments se dis­tinguent bien. Je con­seille de véri­fi­er le résul­tat égale­ment sur une sono… Plus le morceau sera pro­pre et bien équili­bré et le moins il y aura besoin d’intervenir en milon­ga pour adapter le vol­ume et les fréquences.
  7. Enreg­istr­er le résul­tat dans un for­mat numérique sans perte (Loss­less).
  8. Éventuelle­ment, faire une copie pour l’utilisation en milon­ga, au min­i­mum MP3 à 320 kb/s si on n’a pas la place de con­serv­er l’original en HD. Pour ma part, je dif­fuse de l’ALAC, Loss­less, mais chaque fichi­er fait au moins 30 Mo…

Exem­ple de morceau avec restau­ra­tion :

Cet extrait est tiré de « Vio­lines gitanos » Musique : Enrique Maciel Orches­tra Rober­to Fir­po Enreg­istrement Odeon 8949 5611, enreg­istré à Buenos Aires le 21 mai 1930. On peut enten­dre l’enregistrement depuis le disque 78 tours orig­i­nal, avant et après retouche des scratchs. https://youtu.be/ZZWpox_lGbg

Ce qu’il ne faudrait pas faire

Acheter de la musique dite « Remasterized ».

C’est dans presque tous les cas très, très médiocre, y com­pris dans les CD du com­merce. Ces morceaux don­nent l’impression que la musique est jouée dans une salle de bain. Les sons sont étouf­fés. En un mot, c’est moche à écouter.

Cet extrait est tiré de « Vio­lines gitanos » Musique : Enrique Maciel Orches­tra Rober­to Fir­po Enreg­istrement Odeon 8949 5611, enreg­istré à Buenos Aires le 21 mai 1930. On peut enten­dre l’enregistrement depuis le disque 78 tours orig­i­nal, avant et après retouche des scratchs.

Mais c’est aus­si moche à voir…

À gauche, le morceau brut. Il y a des détails fins (qui peu­vent être des bruits de disque, mais on voit que les fréquences sont représen­tées. À droite, le traite­ment « Remas­ter­ized » qui est tant à la mode main­tenant et que l’on a pu écouter dans l’extrait ci-dessus. On dirait que la musique est érodée, comme de la neige qui aurait fon­du. Les cristaux de la musique sont désor­mais de la soupe.

Espérer qu’un morceau en MP3 va donner un excellent FLAC.

Si je con­seille d’enregistrer tout ce qu’on mod­i­fie dans un for­mat Loss­less, c’est juste pour ne pas per­dre en qual­ité à chaque enreg­istrement. Le morceau passé de MP3 à FLAC ne sera pas meilleur… C’est juste qu’il ne se dégradera pas si on l’enregistre plusieurs fois.

Conclusion

Avoir la meilleure musique est un respect pour les danseurs et con­traire­ment à ce que cer­tains dis­ent, ils s’en ren­dent compte, même de façon incon­sciente.

Les sonorisa­teurs s’en ren­dent égale­ment compte et cela per­met d’instaurer une rela­tion de con­fi­ance avec eux et ain­si, ils don­nent un peu plus de lib­erté au DJ pour inter­venir sur la sonori­sa­tion. Ils appré­cient d’avoir une presta­tion de niveau sonore tou­jours adap­té et de ne pas avoir à revoir sans cesse le vol­ume, voire l’égalisation quand le DJ a des musiques d’origines dif­férentes et incom­pat­i­bles.

Les styles du tango

El Mun­do du dimanche 1er octo­bre de 1944.

Il sem­ble que tout a été dit sur les styles de tan­go. Je vous pro­pose cepen­dant un petit point, vu essen­tielle­ment sur l’aspect du tan­go de danse.

Ce qu’il con­vient de pren­dre en compte, c’est que les péri­odes générale­ment admis­es sont en fait toutes rel­a­tives.

Les orchestres ont, selon les cas, con­tin­ué un style qui leur réus­sis­sait au-delà d’autres orchestres et a con­trario, d’autres ont innové bien avant les autres, voire, sont revenus en arrière, remet­tant en avant des élé­ments dis­parus depuis plusieurs décen­nies.

On peut donc avoir deux enreg­istrements con­tem­po­rains appar­tenant à des courants forts dif­férents. C’est par­ti­c­ulière­ment sen­si­ble à par­tir des années 50, où la baisse de la pra­tique de danse a incité les orchestres à dévelop­per de nou­veaux hori­zons, sou­vent en réchauf­fant des plats plus anciens.

Les origines (avant le tango)

Il ne s’agit pas ici de tranch­er dans un des nom­breux débats entre spé­cial­istes des orig­ines. Du strict point de vue de la danse, les pre­miers tan­gos sont proche du style habanero et par con­séquent, c’est plus du côté des habaneras qu’il con­vient de trou­ver la forme de danse.

La habanera

Vous con­nais­sez ce rythme. DaaaTa­daTaDaaa

Pour ceux qui ne sont pas lecteurs de la musique, les bar­res rouges (croches pointées) cor­re­spon­dent à 3 unités tem­porelles rel­a­tives (dou­ble croche), les bar­res bleues à une unité tem­porelle (dou­ble croche) et les bar­res vertes à deux unités tem­porelles (croche). Les bar­res sont donc pro­por­tion­nelles à la durée des notes. Au début de la portée, il y a l’indication 2/4. Cela sig­ni­fie qu’il y a deux noires par mesure (espace entre deux bar­res ver­ti­cales). Les croches valent la moitié d’une noire en durée et les dou­bles croches la moitié d’une croche. Voilà, vous con­nais­sez la lec­ture du rythme en musique (ou pas…).
Rythme de la habanera au piano. retrou­vez le DaaaTa­daTaDaaa…

La habanera porte ce nom, car c’est une resti­tu­tion d’un rythme cubain. L’inventeur du genre est Sebastián de Iradier qui a com­posé El arregli­to (le petit arrange­ment) où il joue avec ce rythme. En voici un extrait et je suis sûr que cela va vous rap­pel­er quelque chose.

Axiv­il Criol­lo — El Arregli­to — Com­pos­i­teur Sebastián de Iradier vers 1840.

Avez-vous trou­vé ?

Oui, vous avez trou­vé. Ce cher Georges Bizet a piqué la musique de Sebastián de Iradier.

Tere­sa Bergan­za chante la Habanera de Car­men de Bizet (le copieur 😉

Ce rythme, très présent dans les pre­miers tan­gos, est devenu plus dis­cret, sauf pour les milon­gas qui l’ont large­ment exploité.

Dans la milon­ga criol­la (ici par l’orchestre de Fran­cis­co Canaro 1936-10-06), on recon­nait par­faite­ment le rythme de la habanera qui a été accélérée et est dev­enue une des pier­res de con­struc­tion des milon­gas.

Lorsque le tan­go de danse a per­du de son élan, les orchestres sont revenus à ces formes tra­di­tion­nelles, au point que les com­pos­i­teurs l’on réin­tro­duit très large­ment.

Autres apports

En par­al­lèle, des formes chan­tées, notam­ment par les payadors et des dans­es, tra­di­tion­nelles, voire trib­ales, ont influ­encé ces prémices, don­nant une grande richesse à ce qui devien­dra le tan­go, notam­ment à tra­vers ses trois formes dan­sées, le tan­go, la milon­ga et la valse.

Les payadors

On lit par­fois que Gardel était un payador. Cepen­dant, même s’il était ami de José Bet­tinot­ti, il n’a pas été directe­ment l’un de ces chanteurs qui s’ac­com­pa­g­naient à la gui­tare en impro­visant. Cepen­dant, l’influence des payadors est indé­ni­able pour le tan­go, comme vous pou­vez en juger. Par cet extrait, qui avec ses relents d’ha­banera pour­rait s’ap­procher d’une milon­ga lente ou d’un canyengue.

José Bet­tinot­ti, El cabrero cir­ca 1913

Exemple d’influence africaine

Par­mi les sources, on met en avant des orig­ines africaines. Même si l’Ar­gen­tine n’a pas été une terre d’esclavage très mar­quée, con­traire­ment à beau­coup d’autres payés du con­ti­nent améri­cain, il y a eu une com­mu­nauté d’o­rig­ine africaine rel­a­tive­ment impor­tante au XIXe siè­cle. Celle-ci s’est atténuée par l’émi­gra­tion, les mariages avec des pop­u­la­tions d’autre orig­ines et quelques faits guer­ri­ers où ils ont servi de chair à canon.

Même si l’Ar­gen­tine a absorbé des élé­ments, c’est plutôt la province de l’Est, l’U­ruguay qui a le plus été influ­encé par ces musiques, notam­ment les per­cus­sions.

Can­dombe solo para Uruguayos — Hugo Fat­toru­so — “Cam­i­nan­do” , Toma de Sonido Dario Ribeiro

Le can­dombe et la milon­ga can­dombe se retrou­vent à la mode dans les années 50, bien avant que Juan Car­los Cacéres relance la mode.

Siga el baile 1953-10-28 — Alber­to Castil­lo y su Orques­ta Típi­ca dirigé par Ángel Con­der­curi.

La dénom­i­na­tion “tan­go” est sou­vent asso­ciée à la défor­ma­tion de “tam­bo” et désig­nait des lieux ou la com­mu­nauté noire dan­sait. Il faut voir un juge­ment négatif par la bonne société blanche. Le terme est devenu syn­onyme de bam­boche, de débauche, ou pour le moins de moeurs légères. La musique des faubourgs, même si elle n’é­tait pas issue des Africains a hérité de ce voca­ble péjo­ratif, lorsque le tan­go s’est dévelop­pé dans les bor­dels et autres lieux choquants pour la bonne société.

Les origines européennes

L’im­mi­gra­tion européenne a apporté sa musique. Pour el vals, même criol­lo, on est très proche de la valse et des artistes comme Canaro ont même adop­té des valses vien­nois­es.

Pour la milon­ga, c”est un peu moins évi­dent de retrou­ver des sources européennes, si ce n’est que la mode de la habanera en Europe et les échanges dans le monde lati­noaméri­cain ont favorisé sa dif­fu­sion. La habanera sym­bol­i­sait le marin pour l’Eu­rope. La milon­ga, on devrait même écrire les milon­gas sont une sal­sa, un mélange d’in­flu­ences.

Les débuts du tan­go dans les faubourgs et les milieux inter­lopes ont con­duit celui-ci à des formes assez pop­u­laires, voire out­rées que le canyengue d’aujourd’hui a du mal à retraduire en total­ité.

La naissance européenne

Dis­ons-le, tout bon­nement, ce tan­go d’avant le tan­go n’est pas au sens strict du tan­go. À cela se rajoute que les rares enreg­istrements de l’époque ont été réal­isés par voie acous­tique et qu’ils ne sont donc pas du tout adap­tés à nos oreilles con­tem­po­raines.

Voir les pro­grès de l’en­reg­istrement pour plus d’in­for­ma­tions sur l’en­reg­istrement acous­tique.

Vu les lieux où le tan­go était joué et mal­gré la fréquen­ta­tion par des ninos bien (jeunes hommes de bonne famille), le tan­go ne s’est pas fait une place impor­tante en Argen­tine avant d’ac­quérir ses let­tres de noblesse en Europe et notam­ment en France.
Il y a une théorie dif­férente qui se base sur un film réal­isé en 1900 à Buenos Aires par Eugene Py. Le prob­lème est que si Py a bien réalise un film, on ne l’a pas retrou­vé. Un film est con­sid­éré par cer­tains comme le film de Py qui aurait été retrou­vé.

Dans ce film, on voit deux danseurs dans un décor pra­ti­quer une forme de tan­go. Ce film est par­fois qual­i­fié de pre­mier film de tan­go qui cor­re­spondrait à un film enreg­istré en 1900 par Eugène Py. La qual­ité de l’im­age, le vête­ment de la femme, le style de danse font plutôt dater ce film des années 1920. Les par­ti­sans de l’at­tri­bu­tion à Eugène Py indique que le film orig­i­nal a été réal­isé en extérieur, sur la ter­rasse de l’en­tre­prise Casa Lep­age À Buenos Aires. On peut voir qu’i­ci, il s’ag­it d’un décor qui peut avoir été placé en extérieur pour faire croire a un intérieur. Cela sem­ble un peu exagéré pour ce type de film. En admet­tant que ce soit le cas, les danseurs seraient des gens de la haute société. Aus­si, pourquoi servi­raient-ils de fig­u­rants ? Il est plus sim­ple d’imag­in­er que ce sont des danseurs qui jouent un rôle. Donc, si ce film est de 1900 (ce dont je doute), il peut s’a­gir de danseurs fig­u­rants. Si le film est de 1920, il peut s’a­gir de per­son­nes plus for­tunées qui présen­tent leurs per­for­mances de danse. Je pro­pose donc de rester sur les témoignages écrits et nom­breux et de ne pas suiv­re l’hy­pothèse qui ferait de ce film la preuve que le tan­go était dan­sé dans la haute société dès 1900.

Le style du tango, avant le tango… (Prototango)

Avant 1926, date des pre­miers enreg­istrements élec­triques, pas d’enregistrements util­is­ables en danse.

Argañaraz — Orques­ta Típi­ca Criol­la Alfre­do Gob­bi (1913)

Comme vous pou­vez vous en ren­dre compte, le style som­maire et monot­o­ne de la musique est ren­for­cé par l’obligation de jouer de façon assez forte et peu nuancée pour que le pavil­lon puisse graver le sup­port d’enregistrement. On retrou­ve cepen­dant cer­tains élé­ments « Canyengue » que l’on con­naît par les enreg­istrements élec­triques.

Je vous pro­pose à titre d’exemple, Zor­ro gris un enreg­istrement élec­trique de 1927 par Fran­cis­co Canaro.

Zor­ro gris 1927-08-22, Fran­cis­co Canaro (enreg­istrement élec­trique).

La vieille garde (Guardia vieja)

Gob­bi et Canaro, dans la pre­mière par­tie de leur car­rière, sont des représen­tants de ce que l’on a nom­mé la vieille garde. On ne peut pas réduire cela au canyengue, car dès les années 20 des rythmes dif­férents avaient vu le jour. Se détachant pro­gres­sive­ment du style clau­di­cant du canyengue, les orchestres aban­don­nent la habanera, accélèrent le rythme. Des titres en canyengue devi­en­nent des milon­gas, comme par exem­ple : Milon­ga de mis amores, ici dans la ver­sion de Canaro en 1937 et qui a encore des accents de canyengue :

Extrait de Milon­ga de mis amores 1937-05-26, Fran­cis­co Canaro

con­traire­ment à la ver­sion de la même année par Pedro Lau­renz :

Extrait de Milon­ga de mis amores 1937-07-14, Pedro Lau­renz can­ta Héc­tor Far­rel

Ou celle du même de 1944 :

Extrait de Milon­ga de mis amores 1944-01-14, Pedro Lau­renz

Des orchestres anciens évolu­ent, comme Di Sar­li ou d’Arien­zo, notam­ment à l’ar­rivée de Bia­gi dans l’orchestre et on arrive à la grande péri­ode du tan­go, l’âge d’or.

L’âge d’or (Edad de oro)

C’est la péri­ode con­sid­érée comme la plus adap­tée au tan­go de danse. C’est logique, car à l’époque, le tan­go était une danse à la mode et chaque semaine, plusieurs orchestres se pro­dui­saient.

El Mun­do du dimanche 1er octo­bre de 1944. En rouge, les 4 piliers se pro­duisent le même jour (Hoy). En bleu des orchestres de sec­ond plan, tout à fait dans­ables et en vert, des orchestres un peu moins per­ti­nents pour la danse.

On voit l’énorme choix qui s’adressait aux danseurs. Les musi­ciens jouaient ensem­ble plusieurs fois par semaine et il y avait un cli­mat d’émulation pour ne pas dire de com­péti­tion entre les orchestres.

On remar­quera qu’en face de cha­cun des orchestres de tan­go, il y a un orchestre de « Jazz ». En effet, les bals de l’époque jouaient des gen­res var­iés et les orchestres se spé­cial­i­saient.

Cer­tains comme Canaro avaient deux orchestres, ce qui lui per­me­t­tait d’assurer les deux aspects de la soirée. D’ailleurs, Canaro utilise des cuiv­res dans son orchestre de tan­go, il jouait donc de la lim­ite entre les deux for­ma­tions. Vous avez pu écouter cela dans l’ex­trait de Milon­ga de mis amores, ci-dessus.

Chaque orchestre se dis­tin­guait par un style pro­pre. Cer­tains étaient plus intel­lectuels, comme Pugliese ou De Caro, d’autres plus joueurs, comme Rodriguez ou D’Arienzo, d’autres plus roman­tiques, comme Di Sar­li ou Frese­do et d’autres plus urbains, comme Troi­lo.

Aujourd’hui, dans les milon­gas, le DJ s’arrange pour pro­pos­er ces qua­tre ori­en­ta­tions pour éviter la monot­o­nie et con­tenter les dif­férentes sen­si­bil­ités des danseurs.

Même si la pro­duc­tion de l’époque est essen­tielle­ment tournée vers la danse, il y a égale­ment une pro­duc­tion pour l’écoute.

Sur les dis­ques de l’époque, il est facile de faire la dif­férence, notam­ment pour les tan­gos avec chanteur. En effet, un tan­go à danser est indiqué : Nom de l’orchestre can­ta ou estri­bil­lo can­ta­do por Nom du chanteur. Un tan­go à écouter est indiqué Nom du chanteur y su orques­ta dirigi­do por ou con (avec) Nom de l’orchestre.

Nous n’entrerons pas dans les détails en ce qui con­cerne les styles des orchestres de l’âge d’or, cela fait l’objet d’un de mes cycles de cours/conférence (mini 3 h, voire 6 h). Il con­vient seule­ment de savoir recon­naître le tan­go de danse et de savoir appréci­er les dif­férences de style entre les orchestres.

Pour les DJ, il est impor­tant de tenir compte de l’évolution des styles du même orchestre. Il est sou­vent moins grave de mélanger deux orchestres enreg­istrés à la même époque que de mélanger deux enreg­istrements d’époques styl­is­tique­ment dif­férentes du même orchestre.

Tango Nuevo

C’est celui ini­tié par De Caro, repris ensuite par Troi­lo, Pugliese et Piaz­zol­la, par exem­ple. Il est encore très vivant, notam­ment chez les orchestres de con­cert.

À not­er que Pugliese et Troi­lo sont bien sûr des piliers du tan­go de bal et que leurs incur­sions nuevos, pas tou­jours pour la danse, ne doivent pas mas­quer leur impor­tance dans le bal tra­di­tion­nel.

N’oublions pas que Pugliese a aus­si bien enreg­istré du canyengue, que du tan­go clas­sique avant de faire du Nue­vo… Curieuse­ment, le tan­go dit nue­vo reprend sou­vent des motifs les plus anciens, notam­ment la habanera des tout pre­miers titres du XIXe siè­cle.

Tango Electronico

Style Gotan Project. Il se car­ac­térise prin­ci­pale­ment par une bat­terie et l’utilisation d’instruments élec­tron­iques. Curieuse­ment, il est par­fois assez proche, d’un point de vue ryth­mique, du tan­go musette qui est l’évolution européenne et notam­ment fran­co-ital­i­enne, du tan­go du début du XXe siè­cle.

Comme DJ, j’évite et en tout cas je n’en abuse pas, car cette musique est très répéti­tive et ne con­vient pas aux danseurs avancés. Cepen­dant, il faut recon­naître que cette musique a fait venir de nou­veaux adeptes au tan­go.

Tango alternatif (neotango)

Le tan­go alter­natif con­siste à danser avec des repères « tan­go » sur des musiques qui ne sont absol­u­ment pas conçues comme telles.

Par exem­ple, la Cole­giala de Ramirez est un tan­go alter­natif, puisqu’on le danse en “milon­ga” alors que c’est un fox-trot.

Cer­tains DJ européens pla­cent des zam­bas que les danseurs dansent en tan­go. Quel dom­mage quand on sait la beauté de la danse.

N’oublions pas la dynamique « néotan­go » qui con­siste à danser sur toute musique, chan­son, de tout style et de toute époque. Cela ouvre des hori­zons immenses, car la très grande majorité de la musique actuelle est à 4 temps et per­met donc de marcher sur les temps.

Ce qui manque sou­vent à cette musique, c’est le sup­port à l’improvisation. On peut lui recon­naître une forme de créa­tiv­ité dans la mesure où elle per­met / oblige de sor­tir des repères et donc d’in­nover. Mais est-t-il vrai­ment pos­si­ble d’in­nover en tan­go ? C’est un autre débat.

Pourquoi l’âge d’or est bien adapté à la danse

Si on étudie un tan­go de l’âge d’or, on y décou­vri­ra plusieurs qual­ités favorisant la danse :

  • La musique a plusieurs plans sonores. On peut choisir de danser sur un instru­ment (dont le chanteur), puis pass­er à un autre. On peut aus­si choisir de danser unique­ment la mar­ca­tion (tem­po). Les instru­ments se répon­dent. On peut ain­si se répar­tir les rôles avec les parte­naires en recon­sti­tu­ant le dia­logue en le dansant.
  • La musique se répète plusieurs fois, mais avec des vari­a­tions. Cela per­met de décou­vrir le tan­go au cas où il ne serait pas con­nu et la sec­onde fois, l’oreille est plus famil­ière et l’improvisation est plus con­fort­able. Cette reprise est en général dif­férente de la pre­mière expo­si­tion, mais reste tout à fait com­pa­ra­ble. Par exem­ple, la pre­mière fois le thème est joué au vio­lon ou au ban­donéon et la sec­onde fois, c’est le rôle du chanteur ou d’un autre instru­ment. Si c’est le même instru­ment, il y aura de légères dif­férences dans l’orchestration qui ren­dra l’écoute moins monot­o­ne.
  • Les change­ments de rythme, phras­es, par­ties, sont annon­cés. Un danseur musi­cien ou exer­cé sait recon­naître les par­ties et peut « devin­er » ce qui va suiv­re, ce qui lui per­met d’improviser plus facile­ment sans dérouter sa parte­naire. Je devrais plutôt met­tre cela au pluriel, car les deux mem­bres du cou­ple par­ticipent à l’improvisation. Si la per­son­ne guidée a envie d’appuyer, de mar­quer un élé­ment qui va arriv­er, elle a le temps d’alerter le guideur pour qu’il lui laisse un espace. Les musiques alter­na­tives ou des musiques d’inspiration pus clas­siques, comme cer­taines com­po­si­tions de Piaz­zol­la » pro­posent sou­vent des sur­pris­es qui font qu’elles ne per­me­t­tent pas de devin­er la suite, ou au con­traire, sont telle­ment répéti­tives, que quand revient le même thème de façon iden­tique et mécanique, les danseurs n’ont pas de nou­velles idées et finis­sent par tomber dans une rou­tine. Évidem­ment, les danseurs qui n’écoutent pas la musique et qui se con­tentent de dérouler des choré­gra­phies ne ver­ront pas de dif­férences entre les dif­férents types de tan­go. Ceci explique le suc­cès des pra­tiques neotan­go auprès des débu­tants, même si ces bals ont aus­si du suc­cès auprès de danseurs plus affir­més. En revanche, on ne fera jamais danser, même sous la men­ace, un Portègne sur ce type de musique, en tout cas, en tan­go…

Ne faut-il danser que sur des tangos de l’âge d’or ?

Non, bien sûr que non. Les canyengues et la vieille garde com­por­tent des titres sub­limes et très amu­sants ou intéres­sants à danser. Cer­tains danseurs sont prêts à danser plusieurs heures d’af­filée sur ces rythmes. Cepen­dant, un DJ qui passerait ce genre de musique de façon un peu soutenue à Buenos Aires se ferait écharp­er…

Quelques musiques mod­ernes don­nent des idées agréables à danser. Pour ma part, je pro­pose sou­vent une tan­da de valses « orig­i­nales ». Le rythme à trois temps de la valse reste le même que pour les tan­gos tra­di­tion­nels et le besoin d’improvisation est moins impor­tant, car il s’agit surtout de… tourn­er.

Même si les danseurs avancés aiment moins danser sur les d’Arienzo des années 50 ou postérieures, ils n’y rechig­nent pas tou­jours et l’énergie de ces musiques plaît à de très nom­breux danseurs. C’est donc un domaine à pro­pos­er aux danseurs. D’ailleurs, les orchestres qui font à la manière de du d’Arienzo sont par­ti­c­ulière­ment nom­breux. C’est bien le signe que c’est tou­jours dans l’air du temps.

Pour ter­min­er, je pré­cise que je suis DJ et que par con­séquent, mon tra­vail est de ren­dre les danseurs heureux. J’adapte donc la musique à leur sen­si­bil­ité.

Pour un DJ rési­dent, en revanche, il est impor­tant d’ouvrir les oreilles des habitués. Dans cer­tains endroits, le DJ met tou­jours le même type de musique, pas for­cé­ment de la meilleure qual­ité pour la danse. Le prob­lème est qu’il habitue les danseurs à ce type de musique et que quand ces derniers vont aller dans un autre endroit, ils vont être déroutés par la musique.

L’innovation, c’est bien, mais il me sem­ble qu’il faut tou­jours garder un fond de cul­ture « authen­tique » pour que le tan­go reste du tan­go.

Les progrès de l’enregistrement de la musique de tango

Julio de Caro jouant de son vio­lon à pavil­lon avec son orchestre.

Texte pub­lié sur l’an­cien site le 

Sur la qualité des enregistrements anciens…

Dans les milon­gas, on ne dif­fuse que des enreg­istrements postérieurs à 1926. Savez-vous pourquoi ?

  1. La vie­ja guardia n’est pas tou­jours intéres­sante à danser.
  2. Les orchestres ne jouaient pas vrai­ment du tan­go avant 1926.
  3. La qual­ité des enreg­istrements antérieurs n’est pas assez bonne.

La pre­mière rai­son n’est pas exacte. Si à Buenos Aires la Vie­ja guardia est très peu dif­fusée, c’est loin d’être le cas en Europe. Dis­ons que ces enreg­istrements sont sou­vent un peu pau­vres et moyens à danser, mais ils sont dif­fus­ables quand ils ont été enreg­istrés après 1926…

La sec­onde n’est pas exacte non plus. La com­bi­nai­son entre les dif­férents rythmes orig­in­aux, can­dombe, chan­sons de payador, habanera, canyengue et autres avait déjà don­né nais­sance à de véri­ta­bles tan­go (2X4 notam­ment). Cer­tains morceaux assez lents ont été ensuite accélérés et sont devenus des milon­gas, d’autres ont gardé le car­ac­tère du tan­go. Donc, ce n’est pas la sec­onde rai­son.

L’enregistrement acoustique

Et oui, c’est la troisième solu­tion la bonne. Les pre­miers enreg­istrements étaient effec­tué en émet­tant du son dans un pavil­lon col­lecteur, afin de con­cen­tr­er les vibra­tions sonores vers une aigu­ille qui gra­vait un sil­lon dans un matéri­au duc­tile (comme la cire).
Voir l’ar­ti­cle sur le pre­mier enreg­istrement sonore pour des infor­ma­tions plus détail­lées…

Phono­graphe Edi­son 1877. Il enreg­is­trait sur un cylin­dre d’étain. Il ser­vait aus­si à la repro­duc­tion.
Phono­graphe à cylin­dre Pathé Le Coquet, 1903 (Col­lec­tion Charles Cros)
Enreg­istrement d’un chef amérin­di­en Pied Noir par Frances Dens­more en 1916
Orchestre enreg­is­trant en acous­tique. Remar­quez le grand pavil­lon pointant vers l’enregistreur et com­ment les musi­ciens sont « empilés » pour être en face du pavil­lon. Le vio­loniste au pre­mier plan à un vio­lon à pavil­lon qui per­met de don­ner un son plus fort et plus direc­tion­nel.
Julio de Caro jouant de son vio­lon à pavil­lon avec son orchestre.
Orchestre enreg­is­trant en acous­tique. Dans la cab­ine, l’enregistreur sur disque de cire.
Dans cet extrait on peut voir une recon­sti­tu­tion des con­di­tion d’en­reg­istrement d’a­vant 1926.
« El últi­mo payador » de Home­ro Manzi et Ralph Pap­pi­er 1950 (scé­nario d’Homero Manzi). Hugo del Car­ril joue le rôle du payador José Bet­tinot­ti, enreg­is­trant « Pobre mi madre queri­da » un des suc­cès de Bet­tinot­ti.

Dans le film d’Home­ro Manzi, le son est bien sûr celui de 1950, pas celui de 1912 que l’on peut enten­dre ici :

José Bet­tinot­ti. Pobre mi madre quar­i­da, Cir­ca 1912

En 1925, l’enregistrement élec­trique va rapi­de­ment met­tre au rebut ce type d’équipement… En Argen­tine, il fau­dra atten­dre 1926 pour trou­ver les pre­miers enreg­istrements élec­triques, les édi­teurs cher­chant à écouler leur vieux stock…

L’enregistrement électrique

En 1906, l’invention du micro­phone a un peu amélioré le dis­posi­tif, mais ce n’est qu’en 1925 que l’enregistrement élec­trique a vu le jour de façon indus­trielle.

Le micro­phone est asso­cié à un amplifi­ca­teur qui per­met de graver avec une grande pré­ci­sion les mas­ters (dis­ques qui servi­ront après moulage au pres­sage des dis­ques dif­fusés).

Orchestre Vic­tor jouant devant un micro­phone à char­bon
En coulisse, l’ingénieur du son sur­veille la gravure du mas­ter…

Les microphones, l’âme de l’enregistrement électrique

Micro­phone à char­bon Vox­ia de 1925. Il est util­isé pour les pre­miers enreg­istrements élec­triques (1926 pour le tan­go) et jusqu’à la fin des années 20.
Micro­phone à con­den­sa­teur West­ern Elec­tric 47A, util­isé de 1928 à 1935 env­i­ron.
Micro­phone à ruban RCA 44 A (Brevet RCA de 1931). Il est util­isé de 1935 à 1949 env­i­ron. C’est le micro­phone de l’âge d’or du tan­go.
U47 de Georg Neu­mann GmbH. De 1947 à nos jour, ce micro­phone élec­tro­sta­tique (“the Tel­ly” était le fétiche de Frank Sina­tra).

Écoutons la différence entre acoustique et électrique

L’orchestre de Fran­cis­co Canaro a enreg­istré à deux repris­es le tan­go Cari­cias. Une fois en 1924, avec un sys­tème d’enregistrement acous­tique et une fois en 1927, avec un sys­tème élec­tron­ique.

Il est très intéres­sant de voir com­ment la qual­ité a été améliorée en l’espace de quelques mois…

Écoutez la dif­férence de qual­ité entre l’en­reg­istrement acous­tique et l’en­reg­istrement élec­trique.

Voilà donc pourquoi on n’écoute généralement pas de tangos enregistrés avant 1926 dans les milongas

Pour vous en con­va­in­cre, écoutez ces deux extraits du même thème avec des inter­pré­ta­tions très dif­férentes et une qual­ité tech­nique fort dis­sem­blable.

Début de : El criol­lo fal­si­fi­ca­do (el Porteñi­to) 1906 — Alfre­do Gob­bi y Flo­ra — Vous voyez-vous danser là-dessus ?
Début de : El Porteñi­to 1928-09-26. Típi­ca Vic­tor (direc­tion Cara­bel­li). Ce titre est tout à fait pass­able en milon­ga. La qual­ité d’exé­cu­tion et tech­nique est très sat­is­faisante. Évidem­ment, ce style canyengue n’est pas le plus raf­finé, mais de temps à autre, dans une milon­ga, c’est sym­pa.
Fin de : El Porteñi­to 1943-03-23. Angel d’Agosti­no y Angel Var­gas. On notera comme le rythme s’est égale­ment accéléré, pas­sant du canyengue à la milon­ga. La qual­ité sonore est excel­lente, même si celle de la Típi­ca Vic­tor de 1928 n’a pas à rou­gir.

De l’humour dans le tango “Le tango, une pensée triste qui se danse.”

Pour cer­tains, le tan­go est une musique com­passée, triste, à la lim­ite dépres­sive.

Cette impres­sion est bien sou­vent causée par une mécon­nais­sance de cette cul­ture, ou pour le moins par la prise en compte d’une par­tie trop restreinte du réper­toire.

En regar­dant rapi­de­ment dans ma col­lec­tion, j’identifie env­i­ron 200 titres claire­ment à class­er comme faisant preuve d’humour, voire à la lim­ite de la farce.

Bien sûr, l’humour n’est pas uni­versel et ce qui fai­sait rire les Argentins dans les années 40 n’est sans doute pas ce qui fait rire un européen d’aujourd’hui.

Tout d’abord, quand on est DJ, un des buts est que les gens s’amusent. Je sais que mon tra­vail est réus­si quand les gens souri­ent, voire rigo­lent.

Beau­coup de milon­gas son hila­rantes à danser, mais aus­si cer­taines valses et des tan­gos ne man­quent pas d’humour. Même ce cher Pugliese a fait des enreg­istrements amu­sants.

Le DJ joue avec les sen­ti­ments pour altern­er des tan­das gaies et d’autres plus roman­tiques voire tristes, mais avec mod­éra­tion, les danseurs sont là pour s’amuser, pas pour ce couper les veines.

C’est d’ailleurs une grande dif­férence entre les milon­gas d’Europe et celles de Buenos Aires. Dans les pre­mières, on se prend au sérieux, dans les sec­on­des, on vient pass­er un bon moment. C’est peut-être ce genre d’attitudes qui inci­tent cer­tains DJs européens à adopter des réper­toires peu eupho­risants.

Avec plus de 20 ans d’expérience dans le domaine, je peux témoign­er que même dans les plus sérieux encuen­tros, l’humour a sa place et que finale­ment, les danseurs appré­cient les musiques diver­tis­santes, même si leur pro­por­tion est sans doute moin­dre dans ce type d’événement.

La vie est trop courte pour la gâch­er en étant triste, la milon­ga est une fête et oubli­er que le tan­go est avant tout un diver­tisse­ment pop­u­laire est à mon sens une erreur.

Je pense que je vais faire un arti­cle sur le sujet pour mon blog, car cela me désole de voir des danseurs s’ennuyer avec des DJs dépres­sifs. Ces derniers croient bien faire, mais ain­si, ils desser­vent l’âme du tan­go et c’est dom­mage.

Entre la vul­gar­ité d’un Rodriguez, la joie nos­tal­gique d’un Fir­po, l’énergie eupho­risante de D’Arienzo ou l’éclectisme de Canaro il y a de quoi faire.

Rions le tan­go !

For some, tan­go is a piece of com­passed, sad music, bor­der­ing on depres­sion.

This impres­sion is often caused by a lack of knowl­edge of this cul­ture, or at least by con­sid­er­ing too small a part of the reper­toire.

By quick­ly look­ing through my col­lec­tion, I iden­ti­fy about 200 titles clear­ly to clas­si­fy as humor­ous, even bor­der­ing on farce.

Of course, humour is not uni­ver­sal and what made Argen­tines laugh in the ’40s is prob­a­bly not what makes a Euro­pean laugh today.

First, when you’re a DJ, one of the goals is for peo­ple to have fun. I know that my work is suc­cess­ful when peo­ple smile or even laugh.

Many milon­gas are hilar­i­ous to dance, but some waltzes and tan­gos do not lack humour. Even this dear Pugliese made some fun­ny record­ings.

The DJ plays with feel­ings to alter­nate cheer­ful tan­das and oth­er more roman­tic or even sad ones, but in mod­er­a­tion, the dancers are there to have fun, not to cut the veins.

This is also a big dif­fer­ence between the milon­gas of Europe and those of Buenos Aires. In the first, we take our­selves seri­ous­ly, in the sec­ond, we come to have a good time. It is per­haps this kind of atti­tude that encour­ages some Euro­pean DJs to adopt reper­toires that are not very euphor­ic.

With more than 20 years of expe­ri­ence in the field, I can tes­ti­fy that even in the most seri­ous encuen­tros, humour has its place and that final­ly, dancers appre­ci­ate enter­tain­ing music, even if their pro­por­tion is prob­a­bly low­er in this type of event.

Life is too short to ruin it by being sad, the milon­ga is a par­ty, and for­get­ting that tan­go is above all a pop­u­lar enter­tain­ment is, in my opin­ion, a mis­take.

I think I’m going to do an arti­cle on the sub­ject for my blog because it sad­dens me to see dancers bored with depressed DJs. The lat­ter think they are doing well, but in this way, they serve the tango’s soul, which is a shame.

Between the vul­gar­i­ty of a Rodriguez, the nos­tal­gic joy of a Fir­po, the eupho­ri­ant ener­gy of D’Arienzo, or the eclec­ti­cism of Canaro there is plen­ty to do.

Let’s laugh at the tan­go!

Le tan­go, une pen­sée joyeuse qui se danse (DJ BYC Bernar­do)

Quelles sont les qualités d’un bon DJ de tango ?

Réponse à une question de Sonia Devi :

Buenos Aires (Gri­cel) — DJ BYC Bernar­do

« Il faut du tra­vail, mais aus­si de la sen­si­bil­ité, sans doute la capac­ité à sor­tir des sen­tiers bat­tus tout en guidant son pub­lic, une capac­ité de con­nex­ion avec le groupe, du sens psy­chologique, de la générositéquelles sont pour toi les qual­ités d’un bon DJ ? ».

Lien vers la dis­cus­sion sur Face­book…

Sonia, je vais répon­dre sur cha­cun des points avec le code couleur que j’ai util­isé pour met­tre en valeur ta ques­tion :

Il faut du travail

Moins qu’avant, car la musique est large­ment disponible, bien mieux classée et de meilleure qual­ité qu’il y a vingt ans ou trente ans.

L’ordinateur per­met de gag­n­er beau­coup de temps pour le classe­ment, la facil­ité d’écoute et la recherche des musiques.

Les choses ont telle­ment été sim­pli­fiées sur ces plans que toute per­son­ne ayant mis la main sur une playlist de tan­go et ayant un ordi­na­teur se déclare DJ.

Si c’était si sim­ple, cela ferait longtemps que l’on aurait créé la « playlist idéale » et qu’on la passerait dans toutes les milon­gas du monde.

Les humains étant ver­sa­tiles, dif­férents, les con­di­tions de bal, les cul­tures, les habi­tudes et autres dif­férant d’un lieu à l’autre et d’un jour à l’autre, cette fameuse playlist idéale sera obsolète dès sa deux­ième ten­ta­tive d’utilisation.

Tout au plus, dans des milon­gas régulières, on peut se per­me­t­tre de pass­er le même type de playlist chaque semaine.

Si on inter­vient sur un événe­ment dif­férent de sa zone habituelle, les ennuis vont être bien plus impor­tants pour ces pseu­do-DJ, car ils vont se con­fron­ter à d’autres goûts et atti­tudes.

Ils devront donc être capa­bles de repér­er le plus rapi­de­ment pos­si­ble ce qui va ren­con­tr­er le pub­lic.

La sensibilité, une capacité de connexion avec le groupe, du sens psychologique, de la générosité

Pour déter­min­er les goûts des danseurs, il faut savoir observ­er, faire preuve d’empathie. Un DJ qui ferait cela pour sa « pomme » sera dif­fi­cile­ment un excel­lent DJ, car il fera préféren­tielle­ment pass­er ses goûts avant ceux de son pub­lic, en admet­tant même qu’il s’en soucie…

La sen­si­bil­ité, c’est aus­si avoir une cul­ture musi­cale per­me­t­tant de se repér­er dans les épo­ques, les styles afin de pou­voir vari­er les musiques et éviter les « tun­nels » (suc­ces­sion de tan­das sem­blables qui génèrent l’ennui).

La con­nex­ion avec le groupe, cela dépend de la per­son­nal­ité du DJ. Cer­tains sont en retrait, ne cherchent pas l’interaction avec les danseurs, mais sont très atten­tifs à eux. C’est le cas d’un des meilleurs DJ de Buenos Aires, Daniel Borel­li.

Un autre, très dif­férent, est Marce­lo Rojas (égale­ment de Buenos Aires, mais qui tourne dans le monde entier) qui va par­ler à son pub­lic et se tenir majori­taire­ment debout.

Ceux qui me con­nais­sent savent que j’abuse par­fois de cette recherche de com­plic­ité avec les danseurs. Ceux qui préfèrent les DJ inertes ne me font pas venir ou me deman­dent d’être dis­cret, ce que je peux faire, bien qu’avec dif­fi­culté 😉 Jeu­di prochain, je serai DJ dans une milon­ga très tra­di­tion­nelle de Buenos Aires et je serai dis­cret, si, si…

Les goûts des danseurs sont dif­férents et avoir un éven­tail de per­son­nal­ités de DJ est intéres­sant.

En ce qui con­cerne le sens psy­chologique, je par­lerai plutôt de sens de l’observation. Remar­quer la hau­teur des talons, les âges, les pro­por­tions de danseurs et danseuses, leurs capac­ités d’écoute de la musique, com­ment les gens sont entre eux, s’ils se con­nais­sent, s’ils sont plutôt joyeux ou intro­ver­tis (le but peut être de les faire chang­er d’attitude s’ils sont un peu trop com­passés ; —)

La capacité à sortir des sentiers battus tout en guidant son public

Une fois qu’on a mis en place les élé­ments précé­dents, c’est-à-dire que l’on a :

  • Une bonne diver­sité de musique en stock et bien sûr, tous les « incon­tourn­ables »
  • Une excel­lente con­nais­sance de sa base de musique
  • Une bonne déter­mi­na­tion des goûts et attentes des danseurs
  • Une con­nex­ion intéres­sante avec le groupe

On peut alors essay­er de sor­tir des sen­tiers bat­tus. Cepen­dant, il me sem­ble qu’il faut dévelop­per ce point avant d’aller plus loin.

Le tan­go est une danse assez par­ti­c­ulière, basée sur l’improvisation. Les cou­ples évolu­ent sur la musique, sans aucune choré­gra­phie préal­able et dans une con­struc­tion mutuelle de la danse. Ils doivent égale­ment tenir compte des con­traintes du lieu, des déplace­ments des autres cou­ples et d’autres critères pou­vant aller d’un trou dans le planch­er à une per­son­ne assise avec les pieds qui traî­nent sur la piste en pas­sant par le serveur qui passe avec un plateau chargé de ver­rerie.

Toutes ces « con­traintes » sont en fait des enrichisse­ments qui per­me­t­tent d’innover, d’improviser sans avoir l’impression de faire tou­jours la même chose. Mais les plus grandes aides à l’improvisation sont bien sûr la musique et le (la) parte­naire.

Le parte­naire n’est pas du ressort du DJ, sauf s’il pro­pose des tan­das ros­es, améri­caines, des femmes, des bon­bons ou d’autres sug­ges­tions et encour­age­ments à ne pas être trop strict sur les règles d’invitation et accep­ta­tion de l’invitation. Ce levi­er est aus­si aux mains de l’organisateur.

Tout cela pour en venir à la sor­tie des sen­tiers bat­tus. Le DJ peut apporter une note de fan­taisie, mais il me sem­ble qu’il a égale­ment la respon­s­abil­ité de con­duire les danseurs vers « le tan­go » et pas vers une danse « créa­tive », mais qui aurait per­du les car­ac­tères de la danse orig­i­nale.

Je n’ai rien con­tre les milon­gas alter­na­tives, j’en ai même musi­cal­isé, cepen­dant, je suis cer­tain qu’il est qua­si­ment impos­si­ble de danser le tan­go sur ces musiques. On peut faire des « fig­ures » de tan­go, adopter un abra­zo milonguero ou salón, mais il man­quera l’impulsion, la var­iété com­préhen­si­ble qui rend la musique prop­ice à l’improvisation pour que les danseurs se sen­tent en sécu­rité avec la musique.

Si la musique est hyper con­nue, les danseurs pour­ront impro­vis­er. Si la musique n’est pas con­nue, il fau­dra que les danseurs soient capa­bles de devin­er la suite, de la pressen­tir. C’est la lim­ite que devra s’imposer le DJ pour ne pas désta­bilis­er les danseurs et leur ouvrir de nou­veaux hori­zons.

La plu­part des musiques actuelles sont à qua­tre temps. On peut donc avoir l’impression qu’elles sont adap­tées au tan­go. Ce n’est mal­heureuse­ment pas sou­vent (jamais) le cas. C’est sans doute pour cela que les danseurs de Buenos Aires sont si « tra­di­tion­nels ». Ils ne trou­vent pas dans des musiques trop éloignées de leur zone de con­fort, ce qu’ils recherchent pour con­stru­ire leur danse.

Avec des danseurs moins con­nais­seurs, les musiques alter­na­tives ou les tan­gos plus « orig­in­aux » passent rel­a­tive­ment bien, car très peu dansent la musique. Ils peu­vent danser sur la musique, mais pas la musique.

Danser sur la musique, c’est pos­er les pieds sur les temps et faire des paus­es quand la musique en fait. Danser la musique, c’est en avoir une écoute atten­tive pour danser tan­tôt sur un instru­ment, tan­tôt sur un autre (les tan­gos de danse pro­posent d’eux-mêmes une diver­sité d’interprétation dans les dif­férentes repris­es du même thème). C’est prévoir les vari­a­tions de rythme pour pré­par­er sa parte­naire (ou se pré­par­er si on préfère être suiveur.

Donc, sor­tir des sen­tiers bat­tus, ça peut tout aus­si bien être de pro­pos­er un tan­go tra­di­tion­nel, mais plus rare ou pro­pos­er une musique qui n’est pas de tan­go, mais qui sera à la portée des danseurs. Dans ce dernier cas, on remar­quera que le plus les danseurs sont fam­i­liers avec le tan­go et plus ils auront du mal à s’adapter à une musique trop « étrange ».

Sor­tir des sen­tiers bat­tus, c’est cepen­dant une respon­s­abil­ité du DJ d’un lieu don­né. Dans des com­mu­nautés où il y a peu de diver­sité dans l’offre, il arrive qu’un DJ « forme » le goût des danseurs en leur pro­posant un type de musique atyp­ique. Ces danseurs seront donc habitués à d’autres sen­tiers et le jour où ils iront dans une milon­ga plus clas­sique, ils seront déroutés et per­dront ce qui fait une des grandes richess­es du tan­go, pou­voir danser avec n’importe qui dans le monde à con­di­tion de savoir guider et suiv­re. On pour­rait dire la même chose des « pro­fesseurs », d’ailleurs.

Pour repren­dre le chemin de la ques­tion ini­tiale, un DJ invité devra à la fois se couler dans les habi­tudes du lieu, mais aus­si apporter sa voix/voie orig­i­nale. S’il passe la même musique que le DJ rési­dent, quel est l’intérêt de le faire venir ? Il devra donc guider les danseurs vers son univers en créant un cli­mat de con­fi­ance. À la lim­ite, lorsque les blancs en neige auront pris, il pour­ra ren­vers­er le sal­adier, en faisant danser sur des musiques qui ne seraient pas venues à l’esprit des danseurs.

Sonia, j’aime ton dernier point « tout en guidant son pub­lic ». Le DJ est avant tout un ani­ma­teur. Il provoque des envies, qu’il retarde pour mieux les sat­is­faire. Il con­stru­it ses tan­das pour que les danseurs se sépar­ent comblés. Par exem­ple, une des règles de base qui con­siste à altern­er les styles est une forme très sim­pli­fiée de « don­ner envie ».

Après une tan­da énergique, comme une tan­da de milon­gas, il est courant de pro­pos­er une tan­da plus calme, voire roman­tique. Si on pro­pose une tan­da tonique à la place de cette tan­da calme, il fau­dra qu’elle soit irré­sistible. Les danseurs se jet­teront alors sur la piste et le moment de calme sera repoussé à la tan­da suiv­ante. Ils ne l’apprécieront que mieux.

La con­struc­tion de la tan­da sus­cite aus­si l’envie. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est plus facile de faire des tan­das de qua­tre que de trois, car on a plus de grad­u­a­tion pour guider les danseurs. On peut com­mencer calme et ter­min­er avec beau­coup d’énergie. Dans une tan­da de trois, les tran­si­tions risquent d’être plus heurtées ou il fau­dra se lim­iter dans la pro­gres­sion.

En résumé, il y a telle­ment de fac­teurs à pren­dre en compte que toutes les qual­ités pos­si­bles seront utiles au DJ de tan­go qui n’est pas un créa­teur comme le DJ de boîte de nuit. Il est celui qui pro­pose avec empathie, avec le seul but de faire pass­er une excel­lente soirée aux danseurs.

Un dernier point, il doit aus­si être masochiste, car la respon­s­abil­ité du DJ rend le tra­vail très stres­sant et il est frus­trant de ne pas pou­voir danser avec les danseurs quand le bal est mag­nifique.

Voir aus­si :
DJ de tan­go, la grande incom­préhen­sion
Ques­tion­naire DJ

Questionnaire DJ -— Est-ce que c’était bien ?

Est-ce que c’était bien ? Questionnaire DJ

(Tra­duc­tion de la page https://mshedgehog.blogspot.com/2012/08/was-that-good-dj-questionnaire.html) réal­isée par une danseuse de Lon­dres et pub­liée le same­di 4 août 2012…

Être un bon DJ est une énorme quan­tité de tra­vail. Pos­séder beau­coup de musique n’est pas suff­isant. Cela néces­site égale­ment des con­nais­sances, du goût et une pré­pa­ra­tion extrême­ment longue. Ça ne m’intéresse pas de le faire, parce que c’est beau­coup trop de tra­vail, et je préfère danser (l’article est écrit par une danseuse lon­doni­enne (NDT BYC). Il n’est bien fait que par des gens qui aiment vrai­ment le faire pour eux-mêmes, et qui aiment vrai­ment faire le tra­vail qui est req­uis.

Les danseurs mal infor­més et sans attentes créent un mau­vais DJing et l’aident à per­sis­ter, et un mau­vais DJing lim­ite la qual­ité glob­ale de la danse en ren­dant la danse sociale beau­coup plus dif­fi­cile qu’elle ne devrait l’être.

J’aimerais que les DJ soient plus appré­ciés. Cette check-list a pour but d’aider le danseur, en par­ti­c­uli­er le débu­tant, à réfléchir au DJing. Il ne sup­pose pas plus de con­nais­sances musi­cales que la capac­ité de faire la dif­férence entre le tan­go, la milon­ga et la valse, mais il repose en par­tie sur le fait que la musique de tan­go a un sens pour vous et vous donne envie de bouger. Cer­taines sont très sub­jec­tives, mais d’autres ne le sont pas. Prof­itez des morceaux de grâce habituels.

Com­mencez à 0. Ajoutez ou déduisez des points comme indiqué pour com­par­er les DJ. Vous pou­vez choisir plus d’une réponse pour cer­taines ques­tions. Si vous vouliez le per­son­nalis­er en fonc­tion de vos pri­or­ités, vous pou­vez évidem­ment mod­i­fi­er les scores. J’ai ten­dance à pénalis­er les mau­vais­es per­for­mances sur les choses les plus mécaniques et les plus mesurables, parce qu’il n’y a aucune bonne rai­son de se tromper.

Bases musi­cales
Est-ce que cer­taines musiques ne con­ve­naient pas à la danse du tan­go en société ? Par exem­ple :

  • Elle vous demande de rester immo­bile et de pos­er, comme un pavé, plutôt que de danser
  • Il est impos­si­ble de s’y adapter à moins de con­naître l’en­reg­istrement par­ti­c­uli­er par cœur
  • Elle sug­gère forte­ment de grands mou­ve­ments dra­ma­tiques rapi­des et des change­ments soudains de vitesse qui sont grossiers et peu pra­tiques pour la danse sociale dans l’e­space disponible
  • C’est de la bonne musique de danse, mais elle fait ressor­tir le pire des danseurs qui sont là.

En cas de doute, regardez la salle dans son ensem­ble : les indices sont que la ligne de danse cesse de se dérouler et som­bre dans le chaos, il y a beau­coup de chutes, et la plu­part des danseurs vrai­ment bons s’as­soient, se cachent ou vont fumer à moins que quelqu’un ne les attrape. Si c’est ce à quoi ressem­ble nor­male­ment votre milon­ga, ajustez votre juge­ment en con­séquence. [Édit. : Ce que vous cherchez, c’est si le DJ, ou une tan­da indi­vidu­elle font la dif­férence].

  1. Aucun de ces prob­lèmes ne s’est pro­duit (+10)
  2. Un ou deux moments dou­teux (-5)
  3. Plusieurs sec­tions dou­teuses (-7)
  4. Tan­da après tan­da, je m’en­nuyais, j’ai reçu des coups, ou les deux (-10)

Avez-vous déjà été sur­pris par une pièce qui ne cor­re­spondait pas à cette tan­da et qui vous a causé des dif­fi­cultés, de l’embarras ou de la décep­tion à vous ou à votre parte­naire ? Par exem­ple :

  • Un change­ment d’humeur ou de style choquant au milieu de la tan­da, de sorte que vous avez sen­ti que vous deviez déviss­er votre tête et la reviss­er
  • Une ouver­ture trompeuse qui sig­nifi­ait que vous passiez à côté d’une tan­da que vous auriez autrement aimée
  • Une pièce faible ou déce­vante au milieu, ou à finir
  • Change­ments de vitesse exces­sive­ment brusques
  • Une tan­da mélangée de musique que vous auriez préféré danser avec deux per­son­nes dif­férentes — ou une par­tie pas du tout.
  1. Aucun de ces prob­lèmes ne s’est pro­duit (+10)
  2. Une ou deux fois, peut-être une ques­tion d’opin­ion (-3)
  3. Plus, peut-être une ques­tion d’opin­ion (-5)
  4. Une ou deux fois, sans aucun doute ! (-7)
  5. Plus que cela (-10)
  6. Tout le temps de retourne­ment ! (-15)

Dans l’ensem­ble, sans se souci­er de pistes spé­ci­fiques, quelle était la qual­ité du son ?

  1. Bon — j’ai pu sen­tir la musique et vrai­ment m’y plonger (+7)
  2. OK — Je l’en­tendais de partout (+5)
  3. Médiocre — je ne pou­vais pas l’en­ten­dre assez claire­ment pour entr­er dedans cor­recte­ment — étouf­fé / pas de détail / pas de pro­fondeur / trop silen­cieux / fort, mais boueux / défor­mé / trop fort parce que DJ est sourd (-5)
  4. Ne s’ap­plique pas, l’équipement de ce lieu est médiocre, donc je ne peux pas le dire (0)

Y a‑t-il eu de mau­vais choix de pistes spé­ci­fiques, comme quelque chose de beau­coup trop rapi­de, beau­coup trop lent, ou avec une qual­ité sonore inac­cept­able ?

  1. Non (+5)
  2. Un ou deux, incer­tains (0)
  3. Plus que cela (-5)

Les corti­nas vous ont-elles ren­du heureux ?

  1. Oui (+5)
  2. Elles ont ren­du les gens heureux, mais pas moi en par­ti­c­uli­er (+3)
  3. Non, elles étaient générale­ment ennuyeuses (-3)
  4. Elles n’ont pas fait le tra­vail, je n’ai pas tou­jours pu dire ce qui était une corti­na ou s’il y en a eu (-5)
  5. Ne s’ap­plique pas — cette milon­ga a une poli­tique de non-corti­nas (0)

Il y avait-il suff­isam­ment de tan­das de vals (V) et milon­ga (M) par rap­port au tan­go (T), et elles étaient-ils jouées de manière régulière pour que vous sachiez où vous étiez ?

  1. À peu près à droite — quelque part dans la gamme TTVTTM ou TTTTVTTTTM, tout ce qui avait du sens compte tenu de la longueur de cette milon­ga (+5)
  2. Pas assez — TTTTTTTTTTM ou quelque chose comme ça (-5)
  3. Trop — TVTMTVTMTVTM DJ WTF ? (-7)
  4. Telle­ment chao­tique que je ne pou­vais pas dire — TT VV TTTTVTTTTTMTMV, ou quelque chose comme ça. (-10)
  5. « Tan­da » n’est pas le bon mot. (-15).

Les corti­nas étaient-elles assez longues pour que vous puissiez dégager la piste et trou­ver votre prochain parte­naire sans obstruer la vue de quelqu’un d’autre, compte tenu de la taille de la pièce, et en sup­posant qu’il y ait un endroit pour s’asseoir ?

  1. Oui (+3)
  2. Non (-3)

Le DJ a‑t-il dif­fusé gra­cieuse­ment à la fin avec de la musique qui n’est pas du tan­go pour que les gens se cal­ment et s’é­clair­cis­sent, en sup­posant que cela soit pos­si­ble ?

  1. Oui (+4)
  2. Non, il a util­isé le temps prévu et s’est arrêté là (0)

Pro­fes­sion­nal­isme

La musique a‑t-elle retenu toute l’at­ten­tion du DJ ?

  1. Oui, tout ou presque tout le temps (+5)
  2. Oui, autant que néces­saire dans la sit­u­a­tion (+3)
  3. Moins que cela (-3)
  4. Non, il est sor­ti fumer et la musique s’est arrêtée (-10)
  5. Non, il a mis une playlist/CD et s’est fâché avec les danseurs (-20)

S’il y avait des prob­lèmes avec l’équipement, le DJ les a‑t-il traités calme­ment et avec com­pé­tence ?

  1. Oui, excep­tion­nel — par exem­ple, il est ren­tré chez lui et a acheté un meilleur équipement. Il a trou­vé un autre ordi­na­teur (+7)
  2. Sat­is­fait aux attentes — con­tourne­ment du prob­lème et cor­rec­tion (+5)
  3. Un drame ! Mais il s’en est sor­ti (+3)
  4. Non (-5)
  5. Sans objet (0)

Le DJ a‑t-il eu de la dif­fi­culté à utilis­er l’équipement de sonori­sa­tion ?

  1. Non (+2)
  2. Il y a eu quelques con­ner­ies faites (-2)
  3. Il y a eu quelques prob­lèmes, mais com­préhen­si­bles dans les cir­con­stances (0)
  4. Le DJ n’é­tait claire­ment pas pré­paré (-7)

Le DJ a‑t-il sem­blé à un moment don­né oubli­er pourquoi il/elle était là ? A‑t-il, par exem­ple, suivi une per­for­mance de vingt min­utes, dans une milon­ga de trois heures, avec une piste de jive de cinq min­utes pour qu’un seul cou­ple puisse danser dans une per­for­mance bonus non offi­cielle, pen­dant que tous les autres attendaient comme des cit­rons, comme s’ils attendaient les pho­tos d’un mariage qui se retourne, et dans la posi­tion incon­fort­able de devoir pré­ten­dre qu’ils n’é­taient pas du tout ennuyés et qu’ils n’avaient rien de mieux à faire que de regarder cette van­ité ?

  1. Non (0)
  2. Oui (-5)
  3. Oui, et ce cou­ple se com­pre­nait lui-même ou son conjoint/partenaire et/ou au moins un mem­bre du cou­ple qui venait de se pro­duire (-10)
  4. Oui, mais, j’é­tais d’ac­cord avec ça dans les cir­con­stances (0)

S’il y avait un inter­mède de danse tra­di­tion­nelle, comme la chacar­era, ou une autre danse comme le jive ou la sal­sa, était-il bien pro­gram­mé, pas trop long et agréable pour un nom­bre raisonnable de per­son­nes présentes ?

  1. Oui, c’é­tait amu­sant, ça m’a plu / ça ne m’a pas dérangé de regarder (0)
  2. Non, c’é­tait un bor­del fas­ti­dieux, per­son­ne ne pou­vait danser dessus, ou ça pre­nait la dernière heure avant le dernier métro ! (-5)
  3. C’é­tait ennuyeux, mais c’é­tait exigé par les pro­fesseurs invités ou le lieu (0)

Ques­tions

La musique était-elle :

  1. Pré­ten­tieuse­ment salé avec l’in­dans­able, l’ob­scur ou l’i­nap­pro­prié (-10)
  2. Dis­posés de manière irréfléchie au fil du temps, avec de bonnes choses gâchées par le fait d’être trop proches les unes des autres (-5)
  3. D’ac­cord, mais à un rythme, trop d’un genre de chose (+5)
  4. Bon, mais avec un style de DJ qui n’est tout sim­ple­ment pas à mon goût (+10)
  5. Con­ven­able­ment var­iée, avec un bon mélange entre ryth­mique et lyrique et dra­ma­tique, compte tenu de la sit­u­a­tion (+15)
  6. Bril­lam­ment mixé, chaque tan­da don­nant l’im­pres­sion d’être un change­ment par­fait après le précé­dent (+20)

Qu’avez-vous ressen­ti par rap­port à « l’én­ergie » dans la pièce ?

  1. Con­fus et chao­tique. (-7)
  2. Bas. Ni moi ni mes parte­naires préférés n’avons pu entr­er dans la musique. (-5)
  3. Un peu plat, j’aimais bien la musique, mais je n’avais pas vrai­ment eu envie de m’y plonger (-2)
  4. Bien, ça se pas­sait tou­jours bien (+5)
  5. Mag­nifique, il a réus­si avec de bonnes sen­sa­tions, var­iées (+10)
  6. Fan­tas­tique, j’ai passé une excel­lente soirée, tout le monde était en effer­ves­cence, tout coulait de source et j’é­tais aus­si très heureux quand j’é­tais assis (+15)

Choi­sis­sez trois très bons danseurs soci­aux qui étaient là, de préférence céli­bataires. À quel point sem­blaient-ils danser ?

  1. Pas du tout, peut-être une ou deux tan­das avec la bonne per­son­ne (-5)
  2. Un peu, comme d’habi­tude en fait (0)
  3. Plus que d’habi­tude (+5)
  4. Tout le temps, et en prenant plus de risques que d’habi­tude avec le choix du parte­naire (+10)

Sub­jec­tive­ment, qu’en avez-vous pen­sé ? Pas de scores ici — com­parez avec ce que vous avez obtenu ci-dessus.

  1. C’é­tait génial / ça a été une révéla­tion pour moi / ça a trans­for­mé le lieu ou la sit­u­a­tion pour le mieux.
  2. C’é­tait très bien. J’en étais très con­tent.
  3. C’é­tait bien, mais il y avait quelques défauts, ou c’é­tait bien fait, mais ce n’é­tait pas mon truc.
  4. C’é­tait bon et con­stant, je pou­vais lui faire con­fi­ance, mais peut-être que ce n’é­tait pas inspi­rant.
  5. C’é­tait générale­ment inof­fen­sif et ne m’a pas causé de prob­lèmes sérieux.
  6. Pas bon — c’é­tait faible ou m’a ennuyé plusieurs fois.
  7. C’é­tait pau­vre. Je ne pou­vais pas lui faire con­fi­ance. Si quelque chose de bien se présen­tait, je devais pren­dre quelqu’un.
  8. C’é­tait mau­vais — moi, ou mes parte­naires envis­agés, nous ne voulions tout sim­ple­ment pas danser. Inutile de rester.

Je trac­erais la ligne de démar­ca­tion entre 4 et 5.

Arti­cle orig­i­nal (en anglais) https://mshedgehog.blogspot.com/2012/08/was-that-good-dj-questionnaire.html
Arti­cle orig­i­nal dans Web Archives (au cas où il dis­paraitrait du blog d’o­rig­ine) https://web.archive.org/web/20231120051440/https://mshedgehog.blogspot.com/2012/08/was-that-good-dj-questionnaire.html

DJ de tango, la grande incompréhension…

“Il suffit de secouer un arbre pour que 10 DJ en tombent

L’ar­ti­cle orig­i­nal avait été pub­lié en 2014 sur mon ancien site

Un organ­isa­teur me dis­ait il y a quelques temps qu’il suff­i­sait de sec­ouer un arbre pour que 10 “DJ” en tombent.
L’arrivée de l’ordinateur dans le DJi­ing et la dif­fu­sion de tan­gos via Inter­net ont très claire­ment démoc­ra­tisé le méti­er de DJ de tan­go. Il suf­fit désor­mais de télécharg­er des playlists pour se dire DJ.

C’est un peu facile, mais est-ce souhaitable pour les danseurs ?
Bien sûr, ce phénomène exis­tait aupar­a­vant avec les com­pi­la­tions organ­isées en tan­das, ven­dues par cer­taines milon­gas et DJ portègnes, ou par divers autres canaux. Ce qui est nou­veau main­tenant, c’est que la facil­ité d’utilisation de l’ordinateur per­met de mélanger ces morceaux, sans avoir à maîtris­er les out­ils en temps réel.
Et c’est là que le bât blesse. En effet, une com­pi­la­tion, qu’elle soit en prove­nance d’une milon­ga de Buenos Aires, ou qu’elle ait été réal­isée à la mai­son par l’apprenti DJ, NE PEUT CONVENIR À COUP SÛR À LA MILONGA en cours de musi­cal­i­sa­tion.

Sentir la milonga

Le rôle du DJ est de dif­fuser le bon morceau au bon moment. Si c’est pour dif­fuser une playlist, il suf­fit d’un CD gravé, d’un lecteur mp3 ou d’un ordi­na­teur. Je me demande quel peut être l’intérêt pour le DJ qui reste 5 heures ou plus der­rière son ordi à faire sem­blant de bricol­er une playlist qui est de toute façon immuable…

Je com­prends mieux les moti­va­tions de ce DJ qui se con­tente de couper la fin de la corti­na sur son lecteur mp3 pour être le pre­mier sur la piste. Lui, il veut danser sur les musiques qu’il aime et peu importe le vécu des danseurs (ou non-danseurs qui voient le DJ, s’agiter sur la piste alors qu’eux atten­dent un titre à peu près à leur goût).

Pour moi, le DJ doit sen­tir la milon­ga, regarder ceux qui ne dansent pas, repér­er ce qui fait lever cer­tains et pas d’autres, afin que chaque sen­si­bil­ité puisse trou­ver de quoi avoir envie de danser. Il pour­ra faire des tests, par exem­ple en vari­ant les corti­nas, ou en obser­vant les réac­tions devant un morceau un peu plus sur­prenant.

Mais dans tous les cas, c’est l’adéquation entre les envies des danseurs et la pro­gram­ma­tion qui fera le suc­cès de la soirée.

Le choix du DJ

J’ai été très inter­pelé il y a quelque temps en dis­cu­tant avec un organ­isa­teur qui me dis­ait qu’il sélec­tion­nait ses DJ par rap­port à leur style. Je crois qu’il pen­sait que met­tre un DJ « cat­a­logué » d’un style proche de sa milon­ga était un gage de qual­ité. De fait, s’il lui arrive de faire venir de bons DJ, il recrute finale­ment, surtout des mani­aques de la playlist.

Vous avez tous en tête cer­tains DJ capa­bles de musi­calis­er un fes­ti­val, une milon­ga de Buenos Aires ou un encuen­tro milonguero avec le même bon­heur, mais pas avec la même musique. C’est que ce DJ sait jouer des paramètres offerts par la musique et des moyens tech­niques à sa dis­po­si­tion pour s’adapter réelle­ment à son pub­lic.

Paramètres à la disposition du DJ pour adapter sa musicalisation

Les orchestres sont la pre­mière vari­able. Il est pos­si­ble de vari­er les orchestres pour éviter la monot­o­nie.

Les styles des orchestres est un fac­teur impor­tant. Notons aus­si qu’un même orchestre, suiv­ant les péri­odes peut avoir des ambiances dif­férentes.

Les formes de tan­gos (chan­tés, instru­men­taux, canyengue ou autres) sont très directe­ment ressen­ties par les danseurs. Cepen­dant, glob­ale­ment, les titres chan­tés sont majori­taires car ils sont plus plaisants à danser à con­di­tion de choisir des tan­gos chan­tés et pas des chan­sons de tan­go, ce qui est une erreur beau­coup trop fréquente chez les appren­tis DJ et qui plombent assuré­ment la tan­da…

L’énergie des morceaux est sans doute le paramètre essen­tiel et sou­vent mal géré. Il ne faut en effet pas con­fon­dre énergie et vitesse. Des morceaux d’apparence calmes comme cer­tains titres de Calo peu­vent être très énergiques et inverse­ment, des tan­gos bruyants et rapi­des peu­vent être com­plète­ment plats à danser. Cer­tains DJ con­fondent ces paramètres et vont dif­fuser des orchestres de style ou sonorité dif­férents, mais qui ont tous la même énergie. Cela créé l’ennui à coup sûr…

L’organisation des tan­das est très impor­tante selon moi. En effet, si le pre­mier morceau est des­tiné à faire se lever le plus de danseurs que pos­si­ble, il ne faut pas que les autres déçoivent. Ils doivent être donc d’une énergie sem­blable et de préférence ascen­dante. Les danseurs ne doivent pas non plus subir de choc causés par des titres mal assem­blés.

Réac­tiv­ité et adap­ta­tion sont très impor­tantes. Il m’arrive fréquem­ment de chang­er une tan­da en cours de dif­fu­sion en fonc­tion de ce qui se passe sur et autour de la piste. Si le pre­mier titre n’a pas fait lever assez de monde, je place un sec­ond titre plus effi­cace, voire, je change l’ambiance de la tan­da en la faisant évoluer. Je pense par exem­ple à une tan­da de canyengue qui peut selon les publics pass­er par­faite­ment ou bien fatiguer. Je fais alors évoluer la tan­da vers des canyengues plus rapi­des, voire plus du tout canyengue si cela n’a pas du tout de suc­cès.

L’organisation des tan­das en ron­da est aus­si un élé­ment sur lequel le DJ peut jouer. Pour ma part, je dif­fuse qua­si­ment tou­jours des tan­das de qua­tre, y com­pris pour les valses et sauf pour les milon­gas ou des titres nuevos par­fois plus longs. J’adopte cepen­dant par­fois les tan­das de trois, sur une par­tie de la milon­ga, par exem­ple lorsque la durée est très courte et s’il y a un gros déséquili­bre des parte­naires. C’est cepen­dant quelque chose que je répugne un peu à faire car cela entre dans la mode du « zap­ping » et l’on s’éloigne du tan­go. Il me sem­ble préférable de faire des milon­gas qui durent plus longtemps afin d’offrir à tout le monde une chance de bien danser (c’est d’ailleurs le choix effec­tué par les portègnes…). La ron­da com­porte tra­di­tion­nelle­ment des suc­ces­sions de styles du type T T V T T M ou T = Tan­go, V = Vals et M = Milon­ga). Pour les milon­gas cour­tes où quand je veux don­ner beau­coup d’énergie, il m’arrive de faire T V T M, ou T V T T M. Il n’est pas pos­si­ble d’utiliser cette ron­da toute une milon­ga, car elle est très fati­gante pour les danseurs… D’autres DJ vont mul­ti­pli­er au con­traire les tan­das de tan­go pour dimin­uer le nom­bre de Vals et Milon­gas.

Le vol­ume sonore est aus­si très impor­tant à con­sid­ér­er. Il arrive sou­vent que les corti­nas soient plus fortes que les morceaux dan­sés. Je trou­ve cela illogique. C’est à mon avis les tan­das qui doivent don­ner l’ambiance. Les corti­nas sont là pour échang­er quelques mots et se pré­par­er à la prochaine tan­da. Je pense aus­si que la musique doit être jouée suff­isam­ment forte pour que l’on puisse enter dedans sans être obligé de ten­dre l’oreille. Une corti­na moins forte per­me­t­tra de se repos­er l’oreille et évit­era d’avoir à pouss­er exagéré­ment le vol­ume de la tan­da suiv­ante pour cou­vrir les con­ver­sa­tions qui auront été poussées pour cou­vrir le bruit de la corti­na.

Je reste bref sur le choix des morceaux pour chaque com­pos­i­teur et orchestre. C’est un des rôles majeur du DJ, mais ce n’est pas sou­vent là qu’est le plus gros prob­lème (si on excepte la ques­tion des chan­sons dif­fusées com­ma tan­gos chan­tés). Le sérieux point noir vient de ce que ces morceaux sont dif­fusés dans un ordre hasardeux ou à mau­vais escient. Deux excel­lentes tan­das peu­vent se tuer si elles se suc­cè­dent car elles peu­vent être d’une énergie trop proche (ou trop dif­férente).

L’utilisation de l’ordinateur con­duit aus­si à ne pas exploiter un des fac­teurs qui est l’intervalle entre les morceaux. Par défaut, j’ai un inter­valle de 3,7 sec­on­des entre les titres, mais il m’arrive de rac­cour­cir ou pro­longer cette durée en fonc­tion du lieu, des danseurs et de l’énergie à dif­fuser. Par exem­ple, dans une tan­da où il y a une dynamique mécanique très entraî­nante comme dans cer­tains vals de d’Arienzo, il peut être intéres­sant de ne pas laiss­er de trop grands blancs pour que l’énergie reste en pro­gres­sion con­stante.

La longueur des corti­nas est aus­si à pren­dre en con­sid­éra­tion. Trop cour­tes, elles empêchent d’avoir le temps de retourn­er s’assoir, ce qui pénalise le renou­velle­ment des cou­ples. Il faut avoir le temps de rac­com­pa­g­n­er sa danseuse et de pré­par­er la suite… Il ne faut pas qu’elle soit trop longue non plus. Une fois que les plus rapi­des ont fait leur choix, il est intéres­sant de lancer la tan­da suiv­ante…

Dans la pra­tique, il y a des dizaines d’autres paramètres que doit pou­voir estimer et maîtris­er le DJ. Je prendrai juste pour exem­ple la dif­fu­sion d’une tan­da de milon­ga dans la dernière heure d’une soirée. Cer­tains DJ se l’interdisent par principe. En fait, c’est assez idiot dans la mesure où, où la milon­ga est appré­ciée, cette dernière tan­da sera hyper bien vécue, dans le style éclate finale. Il m’arrive dans d’autres endroits, de rem­plac­er une tan­da de milon­ga par des vals, ou plus rarement l’inverse.

Aux organisateurs

J’espère que ces petits élé­ments vous per­me­t­tront de voir plus clair sur com­ment choisir un DJ. Lorsque je suis danseur, j’ai envie de pass­er une bonne soirée et si je peux faire des kilo­mètres pour un DJ et même si tous les danseurs ne sont pas aus­si exigeants, ils sont glob­ale­ment tous sen­si­bles à la musique et ils passeront, ou pas, une excel­lente soirée, avec fatigue, ou sans. Le DJ doit donc pou­voir veiller sur eux, en les ménageant ou en les tonifi­ant en fonc­tion de l’ambiance du moment.

Un bon DJ a effec­tué un énorme tra­vail en amont pour con­naître et organ­is­er sa musique, de façon à pou­voir pro­gram­mer avec effi­cac­ité en direct. Ce tra­vail mérite salaire et il me sem­ble que l’on devrait pay­er le DJ en fonc­tion de sa réus­site. J’ai pro­posé à cer­tains organ­isa­teurs un paiement à l’entrée. Curieuse­ment, cela en gène beau­coup. Pour­tant, quand le DJ fait venir deux fois plus de monde que le pub­lic habituel, il sem­blerait logique qu’il soit mieux payé.

A min­i­ma, faîtes ce petit ques­tion­naire :

Aux DJ débutants

Bien­v­enue dans cette mer­veilleuse activ­ité qui con­siste à faire danser le tan­go en choi­sis­sant des musiques. Je vous con­seille très vite d’abandonner les playlists pour vous con­cen­tr­er sur ce qui se passe dans la salle (y com­pris autour de la piste).

Vous pou­vez en revanche organ­is­er des tan­das toutes faites, que vous dif­fuserez dans l’ordre qui con­vient à l’ambiance du moment. C’est un pre­mier pas vers l’adaptation. Ain­si, si vous avez besoin d’une tan­da plus calme ou plus tonique, vous en aurez quelques-unes toutes prêtes que vous pour­rez dif­fuser en con­fi­ance, sachant que vous en fer­ez pas de grave faute de goût.

Lorsque vous aurez acquis de l’assurance, vous pour­rez vous détach­er de ces tan­das pré­fab­riquées pour en créer de nou­velles en direct. Pour acquérir cette lib­erté, il vous faut deux choses :

  1. Bien con­naître votre musique
  2. Avoir bien organ­isé sa musique (rien de plus bête que de pass­er une milon­ga ou une ranchera au milieu d’une tan­da de vals car on a mal éti­queté sa musique…).

Cela ne vous dis­pensera pas de la pré-écoute, notam­ment pour les corti­nas… En général, j’ai au moins deux musiques en même temps dans les oreilles.
La musique de la salle, la musique de la corti­na et/ou la tan­da que je suis en train de pré­par­er.
Il faut éviter de s’isol­er de la salle pour tou­jours avoir con­science de la qual­ité sonore de la dif­fu­sion. Même si j’u­tilise en général des casques avec réduc­tion de bruit, je n’ac­tive cette fonc­tion­nal­ité que quelques instants, par exem­ple pour caler le début d’un morceau dont je ne souhaite pas dif­fuser l’in­tro­duc­tion.

Existe-t-il des tandas “classiques” ?

Réponse à un mes­sage d’un danseur que je cit­erai s’il se recon­naît…
Je crois que sa ques­tion était en lien avec l’ar­ti­cle tan­das 5–4‑3–2 ou 1

Existe-t-il une influence des vinyles sur l’ordre des morceaux d’une tanda ?

Byc Bernar­do j’ai lu avec intérêt ton arti­cle. Con­cer­nant l’apport des vinyles, je me suis fait la remar­que que cer­taines tan­das « clas­siques » que l’on entend par­fois (du genre où on peut prédire le morceau suiv­ant) sem­blaient cor­re­spon­dre à l’ordre des morceaux sur un vinyle d’origine. Je me suis donc demandé si cer­tains DJ à l’époque, peut-être par facil­ité, lais­saient les qua­tre morceaux dans l’ordre du disque (un peu comme pour les cas­settes) et que, par habi­tude audi­tive, cer­tains DJ actuels repre­naient ce même ordre sans for­cé­ment savoir qu’il avait été dic­té par.un aspect pra­tique au début. Qu’en pens­es-tu ? As-tu pu observ­er cela ?

Danseur anonyme, car je ne me sou­viens pas…

Ma réponse…

Excel­lente ques­tion, dont la réponse est facile à don­ner, c’est non 😉

Les dis­ques des tan­gos de l’âge d’or étaient des 78 tours qui ne com­por­taient qu’un morceau par face. Il n’y avait donc pas d’obligation d’enchaîner deux morceaux.

Les pub­li­ca­tions vinyles étaient réal­isées par des édi­teurs qui ne cher­chaient pas for­cé­ment à sat­is­faire les danseurs. Les morceaux sont dans un ordre quel­conque, ou plutôt, ils sont organ­isés d’un point de vue « esthé­tique », pas du tout par tan­da.

Le con­cept de disque tan­da est même assez récent et quelques orchestres comme la Roman­ti­ca Milonguera se sont lancés dans cette stratégie. C’est d’ailleurs un prob­lème pour les orchestres con­tem­po­rains qui n’ont pas leur style pro­pre, ils font un morceau dans le style de d’Arienzo, un dans le style de Di Sar­li et ain­si de suite et il est impos­si­ble d’en faire une belle tan­da. Évidem­ment, les orchestres mono­styles, comme la Juan d’Arienzo, sont plus faciles à utilis­er.

Sur l’organisation à l’identique de tan­das par dif­férents « DJs », j’attribuerai cela plutôt à l’origine com­mune des tan­das. À Buenos Aires, chaque DJ arrondit ses fins de mois en ven­dant des Playlists, y com­pris avec les corti­nas toutes faites.

Tu l’auras com­pris, c’est du tout-venant et rarement de bonne qual­ité, les DJ con­ser­vent jalouse­ment leurs meilleurs atouts.

D’autres récupèrent des playlists sur YouTube ou autres endroits, cela ne relève pas le niveau.

Mais, on peut en dire plus…

Cepen­dant, il y a des logiques.

  • Les titres d’une tan­da ne sont pas mis en œuvre de façon aléa­toire. Pour moi, c’est comme une expo­si­tion de pein­ture, il doit y avoir une har­monie d’ensemble. Cela peut se faire en ayant des titres de la même péri­ode, mais ce n’est pas totale­ment sûr, les orchestres pou­vant avoir enreg­istré le même jour une ver­sion à écouter et une à danser, ou des titres à la mode qui n’ont rien à voir. Après la pandémie, à Buenos Aires, plusieurs DJ s’étaient mis à mélanger dans les tan­das des tan­gos instru­men­taux et des chan­tés. C’est un peu passé de mode main­tenant. Depuis la pandémie, beau­coup de choses ont changé et les organisateurs/DJ, cherchent des for­mules pour attir­er la manne des touristes qui ont un taux de change très avan­tageux.
  • Une tan­da est un voy­age. On pro­pose au début un morceau qui donne envie de se lever, puis on pro­pose une pro­gres­sion. Le cou­ple aug­mente en com­pé­tence et la dernière pièce est donc une apothéose, les danseurs étant par­faite­ment accordés, il est pos­si­ble de se « lâch­er » (ce qui est éton­nant si on con­sid­ère que l’abrazo est ser­ré). Lorsque l’orchestre est très pro­lifique, il y a beau­coup de façon d’organiser les thèmes. Quand il a moins enreg­istré, c’est plus com­pliqué. Si on respecte l’harmonie des titres et le voy­age, il reste peu de choix et donc, la red­ite est prob­a­ble.

La cassette, ferait-elle un coupable idéal ?

Main­tenant que j’ai don­né plusieurs pistes, je vais te don­ner une rai­son bien plus prob­a­ble. En effet, lorsque Philips a sor­ti la cas­sette, les DJ se sont jetés dessus. Pour des raisons de solid­ité, les DJ util­i­saient unique­ment les C60 qui avaient 30 min­utes par face. Elles per­me­t­taient donc de cas­er 2X5 titres sur une face.

Ain­si, sur une cas­sette D’Arienzo, il y avait 4 tan­das pos­si­bles (de 5 titres cha­cune). Cela con­dui­sait à lire les titres dans le même ordre et pire, les tan­das dans le même ordre. Car il est impos­si­ble de rem­bobin­er les K7 en cours de milon­ga. On passe donc la pre­mière tan­da, ensuite la corti­na sur une autre cas­sette (qui elle est rem­bobinée à chaque pas­sage pour revenir au début de la corti­na qui était tou­jours la même). Ensuite, le DJ choi­sis­sait la cas­sette d’un autre orchestre et quand il voulait revenir à D’Arienzo, il jouait la deux­ième tan­da de la pre­mière face de la dis­quette.

Pour en savoir plus sur ce thème et la rai­son du nom­bre de titres d’une tan­da, je t’invite à lire un arti­cle que j’ai pro­posé sur le sujet : https://dj-byc.com/tandas-de‑5–4‑3–2‑ou‑1/

Je pour­rai rajouter plusieurs expli­ca­tions, du genre, la paresse de cer­tains qui fab­riquent des playlists à l’avance et qui ne se don­nent pas la peine de com­pos­er les tan­das en direct. Dans une cer­taine mesure, ils ont rai­son, si les organ­isa­teurs font appel à eux et dépensent de l’argent pour pay­er quelqu’un qui pour­rait être rem­placé par un lecteur de CD… ils auraient tort de se priv­er. J’ai vu cer­tains de ces DJ pass­er des playlists qui por­taient le nom d’autres événe­ments, ou qui passent tou­jours les mêmes titres, car ils sont itinérants et que donc per­son­ne ne se rend compte qu’ils passent tou­jours la même chose.

Je pense que si tu as par­ticipé à une milon­ga que j’anime tu as eu un peu plus de mal à devin­er ce qui va suiv­re, car juste­ment, j’essaye de pro­pos­er des titres moins con­nus ou de les enchaîn­er de façon plus orig­i­nale pour sus­citer l’intérêt et la curiosité. Ce sont les danseurs qui me don­nent des idées et je tire le fil. Un titre s’impose à moi et selon le moment, je trou­ve de quoi l’accompagner pour ren­forcer le thème. Par exem­ple, hier, plusieurs thèmes me sont passés par la tête, comme les oiseaux (au jardin Massey à Tarbes), le café (pour la buvette du jardin).

Ensuite, le DJ con­duit aus­si les danseurs. En met­tant un titre qui en évoque un autre, il place à l’insu des danseurs, l’idée du titre plus con­nu et quand celui-ci arrive, c’est comme une délivrance (au sens paysan du terme ; —)

Hommage à un extraordinaire DJ

Mon DJ préféré, Daniel Borel­li (Buenos Aires) est un as dans la com­po­si­tion des tan­das et dans la suc­ces­sion des tan­das. Ma grande fierté est de devin­er quel orchestre il va met­tre après la tan­da qu’il vient de pass­er. Cela fait près de quinze ans que je le suis, et il arrive tou­jours à me sur­pren­dre dans la com­po­si­tion des tan­das, mais plus rarement dans l’enchaînement des tan­das 😉

Le plus beau, de tous les tangos du Monde…

Je ne vais pas vous par­ler de la chan­son de Vin­cent Scot­to et René Sarvil, le Plus Beau Tan­go du Monde, mais des tan­gos préférés des danseurs de tan­go.


Comme DJ, dès que je capte une infor­ma­tion sur les goûts d’un danseur, je le
note dans les com­men­taires du fichi­er. Ain­si, lors d’une milon­ga où est présent
ce danseur, je peux annon­cer que je lui dédi­cace le titre ou la tan­da.

Je vais ain­si pass­er le plus beau tan­go du Monde,
pour ce danseur. Mais il n’est pas seul sur la piste. Je ne par­le pas des bras qu’il
devra trou­ver pour le danser, mais de tous les autres par­tic­i­pants de la
milon­ga.

En général, quand j’annonce cette dédi­cace, la com­mu­nauté de bal fait preuve
d’empathie et est prête à danser sur le tan­go pro­posé. Par­fois, j’annonce que
si ça ne plaît pas il fau­dra aller se plain­dre à l’inspirateur de la tan­da,
mais en fait, per­son­ne ne va se plain­dre.

En effet, la sec­onde par­tie et le sujet que je souhaite traiter ici est, quel
est le meilleur tan­go de danse ?

Bien que je ne sois pas Nor­mand, je vais répon­dre par ça dépend.
Ce « ça dépend » fait qu’il est utile d’avoir un DJ pour ani­mer la milon­ga.
Sinon, cela ferait longtemps que l’on aurait une playlist « par­faite » que l’on
pour­rait la servir en toutes les occa­sions.

Les goûts changent d’une milon­ga à l’autre, d’une ville à l’autre, d’un pays à l’autre. La musique des milon­gas ital­i­enne ne ressem­ble pas à celles d’Angleterre. La musique d’un encuen­tro milonguero n’est pas iden­tique à celle d’un fes­ti­val et selon l’âge des danseurs, les goûts dif­fèrent égale­ment. Pour entr­er plus en avant dans la com­plex­ité, les goûts évolu­ent d’un jour à l’autre et même durant la milon­ga.

1 Ces sta­tis­tiques de 2014 ont été établies par Tan­go Tec­nia. CE qui nous intéresse ici, ce ne sont pas les résul­tats, mais l’observation que selon dif­férents critères, comme la zone géo­graphique, le sexe ou l’âge, les résul­tats sont dif­férents.

Le DJ, en décou­vrant une milon­ga, fera rapi­de­ment une analyse en fonc­tion des per­son­nes présentes, les vête­ments, les chaus­sures, l’âge et il pour­ra s’aider de con­nais­sances dont il con­naît les goûts. L’organisateur lui-même pour­ra avoir don­né des con­signes, mais le DJ doit savoir les inter­préter et rel­a­tivis­er…

Durant la milon­ga, il con­tin­uera son éval­u­a­tion, enreg­is­trant ce qui sem­ble mieux fonc­tion­ner pour pro­pos­er d’autres tan­das de ce type plus tard dans la milon­ga.

Des sondages en direct

Ces tests des danseurs s’appuient sur l’expérience du DJ, mais aus­si sur des méth­odes. Pour sim­pli­fi­er, dis­ons qu’il existe qua­tre grands types musiques. Les musiques à dom­i­nante intel­lectuelles comme la musique clas­sique, la musique sen­ti­men­tale, les musiques urbaines et les musiques de diver­tisse­ment.

Ces qua­tre types de musique se ren­con­trons en tan­go et ont don­né lieu aux qua­tre piliers du tan­go. Le clas­sique, c’est le courant Pugliese (De Caro…), le roman­tique, Di Sar­li (Calo…), l’urbain, Troi­lo et le ludique, D’Arienzo.

On con­sid­ère que ces qua­tre orchestres sont incon­tourn­ables dans une milon­ga, car ils représen­tent les qua­tre aspects, émo­tions, qui per­me­t­tent d’éviter la monot­o­nie et qui don­nent sat­is­fac­tion aux qua­tre prin­ci­pales sen­si­bil­ités de danseurs.

Bien sûr, cer­tains pour­raient danser cinq heures sur du d’Arienzo ou des musiques de la même caté­gorie, mais dans une milon­ga, il y a for­cé­ment des danseurs qui aiment mieux d’autres styles et il con­vient de les iden­ti­fi­er et d’alterner les ten­dances.

On entend par­fois qu’il faut pro­pos­er une tan­da ryth­mique, puis une plus lyrique, ce n’est pas faux, mais c’est une sim­pli­fi­ca­tion de ce qui précède. Le ludique et l’urbain en oppo­si­tion à l’intellectuel et au roman­tique. On peut/doit, entr­er plus dans les détails quand on est DJ pour éviter le gros prob­lème des milon­gas, les danseurs qui restent deux tan­das d’affilé sans danser…

Le DJ remar­quera, par exem­ple, que les danseurs sont plutôt ludiques. Il pro­posera donc plus de tan­das d’un style com­pa­ra­ble à d’Arienzo et ain­si de suite. En fin de milon­ga, il y a par­fois besoin de plus d’intimité et de roman­tisme. Le DJ va pro­gres­sive­ment baiss­er « le feu » pour ter­min­er avec une tan­da hyper roman­tique. D’autres fois c’est l’inverse. Il faut don­ner la pêche quand les gens vont devoir faire de la route pour ren­tr­er chez eux afin qu’ils restent avec des étoiles dans les yeux le plus longtemps pos­si­ble.

Il n’y a donc pas de règle absolue… Le plus beau tan­go du Monde ne sera pas le même dans les deux cas.

Mais quel est le plus beau tango du Monde ?

Je ne vais pas vous deman­der de relire ce que j’ai écrit au-dessus, je vais vous don­ner des indi­ca­tions. De nom­breux sites, pages Face­book, ont fait ce type d’enquêtes, avec des résul­tats très divers.

La réal­ité est qu’il s’agit de don­nées très insta­bles. Ain­si, les sta­tis­tiques de Tan­goTec­nia don­naient des scores dis­pro­por­tion­nés pour le Sex­te­to Milonguero. En analysant plus pré­cisé­ment les don­nées, on se rendait compte que les femmes aimaient deux fois plus cet orchestre que les hommes. Je pense que le charisme et la voix de Javier di Ciri­a­co ne sont pas étrangers à ces sta­tis­tiques.

Le fait de pass­er par un orchestre con­tem­po­rain (même si ce sex­te­to n’existe plus) per­met d’avoir une autre source de don­nées, les musiques jouées par les orchestres.

D’Arienzo et sou­vent les d’Arienzo tardifs ont la faveur des orchestres de danse. Ani­bal Troi­lo et Pugliese sont aus­si sur­représen­tés dans les orchestres actuels.

Les danseurs en enten­dant régulière­ment les mêmes thèmes, s’y habituent, les dansent mieux, car ils devi­en­nent plus faciles à impro­vis­er et finale­ment, il en résulte une meilleure impres­sion et une mon­tée dans le classe­ment.

Les DJ, notam­ment ceux qui utilisent des playlists, en pas­sant tou­jours les mêmes titres, aug­mentent cet effet de recon­nais­sance.

Hier, le DJ rési­dant d’une milon­ga de Buenos Aires a passé deux fois de suite Poe­ma (Canaro Mai­da), par suite d’une mau­vaise manip­u­la­tion dans son logi­ciel. Les danseurs ont souri et ont dan­sé une deux­ième fois Poe­ma, d’autant plus que le DJ dan­sait avec sa fiancée et qu’on pou­vait par­don­ner ce dou­blon roman­tique. Lorsque Poe­ma a com­mencé pour la troisième fois, le DJ a cou­ru à son poste pour lancer Invier­no. Les danseurs ont pris la chose avec beau­coup de sym­pa­thie et ont beau­coup applau­di le DJ (ce qui est rare à Buenos Aires).

Ce type de raté sur un titre moyen­nement appré­cié aurait été plus sévère­ment appré­cié.

Poe­ma est en effet un des tan­gos préférés des danseurs, comme en témoignait une enquête de 2014 de Tan­goTec­nia qui indi­quait que près de 18 % des sondés en fai­saient leur tan­go préféré.

2 Tan­gos préférés pour danser (liste établie par Tan­goTec­nia en 2014 sur un pan­el de 1282 votants).

Si vous prenez la peine de con­sul­ter cette liste qui a désor­mais dix ans, vous con­staterez tout de même que la plu­part des titres pro­posés sont encore dans le domaine des titres qui « marchent ».

Dans cette obser­va­tion, on peut décou­vrir l’empreinte des DJ qui ont for­cé­ment encour­agé les titres à suc­cès, ce qui a ren­for­cé l’estime pour ces titres.

D’autres titres ont été vic­times de ce suc­cès, car ils cor­re­spondaient à un effet de mode, par exem­ple car il a été mis en avant par un orchestre à suc­cès.

Prenons l’exemple de Mi Vie­ja Lin­da (ne la cherchez pas dans cette liste, elle n’y est pas, car en 2014, per­son­ne n’aimait ce titre qui avait été peu enreg­istré avant que le « Sex­te­to Cristal » en fasse un tube (en 2018). Dans un autre genre, le phénomène Sex­te­to Milonguero de l’époque est totale­ment éteint aujourd’hui et même chez les femmes, ce n’est plus le pre­mier orchestre du Monde.

Une autre source de don­nées est con­sti­tuée par les pub­li­ca­tions de musique. Cer­tains titres ont été enreg­istrés par dix orchestres et par­fois à plusieurs repris­es et d’autres n’ont été enreg­istrés qu’une fois. Les dates d’enregistrements sont égale­ment très utiles pour retrac­er les modes au vingtième siè­cle. Un titre va être enreg­istré cinq ou six fois en deux ou trois ans, puis devenir silen­cieux pour ne réap­pa­raître que dix ou vingt ans plus tard.

Un excel­lent out­il pour décou­vrir cela est la base de don­nées de tango-dj.at. Dans la copie d’écran suiv­ante, on peut voir la discogra­phie de Poe­ma qui a été enreg­istré prin­ci­pale­ment dans les années 30, mais qui est resté sur le devant de la scène et par­fois de façon renou­velée grâce à des orchestres con­tem­po­rains comme la Roman­ti­ca Milonguera.

3 Dans la base de don­nées de tango-dj.at, on trou­ve Poe­ma enreg­istré 29 fois par 28 orchestres (Héc­tor Pacheco l’a enreg­istré deux fois).

Les spé­cial­istes se pencheront sur les cat­a­logues des édi­teurs de l’époque, mais il faut suiv­re les orchestres quand ils ont changé d’éditeur et la com­pi­la­tion pour un orchestre don­née n’existe pas tou­jours si on excepte des sommes, comme le cat­a­logue Canaro de Christoph Lan­ner.
https://sites.google.com/site/franciscocanarodiscografia/prefacio

4 Les enreg­istrements de Fran­cis­co Canaro (le chef d’orchestre qui a le plus enreg­istré) représen­tent 200 pages de don­nées. Le for­mi­da­ble tra­vail de Christoph Lan­ner vous per­me­t­tra de vous y retrou­ver si vous vous pas­sion­nez pour son œuvre.

Sig­nalons aus­si tango.info qui n’est pas très com­plet, mais que vous crois­erez sûre­ment si vous faites une recherche Google… https://tango.info/T0030142643 pour y trou­ver Poe­ma…

5 Les sta­tis­tiques selon les goûts des vis­i­teurs du site El Reco­do tan­go.

Une enquête plus récente puisqu’elle est mise à jour en temps réelle est celle qui est réal­isée par le site El Reco­do. Poe­ma n’est pas dans la liste. On décou­vre à la place une sélec­tion bien dif­férente et par cer­tains aspects sur­prenants, mais qui témoignent d’une évo­lu­tion.

Par exem­ple, en 2014, année du cen­te­naire de sa nais­sance, Troi­lo était peu joué en France, ce qui n’était pas le cas à Buenos Aires où il est adoré. Je me sou­viens cette année avoir fait une année Troi­lo avec par­fois cinq tan­das de lui dans une milon­ga. Ma petite pierre et celle d’autres col­lègues DJ et de cer­tains orchestres ont fait que désor­mais, Troi­lo est incon­tourn­able en France, égale­ment.

En regar­dant cette liste, on se rend compte que beau­coup de titres sont classés des deux côtés, tan­gos à écouter et à danser. Cer­tains, superbes à danser, sont seule­ment du côté de l’écoute, comme Café Dominguez (qui a cepen­dant la dif­fi­culté d’être dif­fi­cile à cas­er dans une tan­da cohérente et que l’on va générale­ment associ­er à des titres plus anciens avec Var­gas). Je pense qu’il manque une véri­ta­ble liste de tan­gos à écouter et qui ne seraient pas à danser et que la liste des tan­gos à danser pour­rait être opti­misée. Garua appa­rais­sant deux fois dans les plus dans­ables peut être sur­prenant, ain­si que le peu de titres de d’Arienzo ou Di Sar­li en regard du nom­bre de titres de Calo…

Faisons bouger les lignes

Le rôle du DJ n’est pas seule­ment de savoir pro­pos­er ce qui plaît, mais aus­si d’éduquer les danseurs en les pous­sant à abor­der des musiques moins famil­ières.

Ce type de sta­tis­tiques est donc utile pour définir les gen­res, les ten­dances du moment, mais cela ne dis­pense pas le DJ d’interroger le riche réper­toire pour trou­ver des équiv­a­lents.

Lorsqu’un tan­go peu con­nu fait un suc­cès lors d’un événe­ment, le titre monte rapi­de­ment en renom­mée, car le monde du tan­go est tout petit. Rapi­de­ment, il fera le tour du Monde et fini­ra par devenir un incon­tourn­able ou une scie, voire de retomber dans l’oubli.

Le « bon tan­go » est le tan­go d’un moment. Pour être un excel­lent tan­go de danse, il doit dis­pos­er de qual­ités pro­pres per­me­t­tant d’enrichir l’improvisation. C’est surtout impor­tant là où il y a d’excellents danseurs (ceux qui dansent avec la musique ou plutôt, qui dansent la musique). Ces derniers sont très exigeants et s’ils dansent avec con­vic­tion sur les grands suc­cès des milon­gas, ils seront enchan­tés lorsque le DJ lui pro­posera un titre moins ressas­sé, voire incon­nu, mais qui a toutes les qual­ités pour être Le plus beau tan­go du Monde pour la tan­da en cours.

DJ BYC Bernar­do, Buenos Aires, 2024-01-07

TANDAS ET CORTINAS, pour les danseurs et DJ

Les tandas

Arti­cle pub­lié orig­inelle­ment le 14 JUIN 2021 sur l’an­cien site.

Dans une milon­ga tra­di­tion­nelle, les musiques sont regroupées par plages du même type et inter­prétées par le même orchestre et les mêmes chanteurs à la même péri­ode.

Ces plages regroupant de trois ou qua­tre com­po­si­tions s’appellent des tan­das.

Une tan­da est un petit voy­age que l’on va faire avec le même parte­naire. Il importe donc que le DJ la con­stru­ise avec logique. Les morceaux doivent bien aller ensem­ble et être placés dans un ordre cohérent, comme des tableaux dans une expo­si­tion. Rien n’est plus désagréable d’inviter sur une musique qui plaît et de devoir se forcer sur la musique suiv­ante, ou inverse­ment, avoir envie de danser sur le sec­ond ou troisième titre lorsque la piste ne per­met plus la mira­da facile…

Les cortinas

Pour sépar­er deux tan­das, il y a une corti­na. C’est une courte com­po­si­tion musi­cale, de quelques dizaines de sec­on­des per­me­t­tant aux danseurs d’aller s’asseoir et de se pré­par­er à l’invitation suiv­ante.

Une bonne corti­na n’est pas « dans­able » et doit per­me­t­tre de rester dans l’ambiance ou de pré­par­er à ce qui va suiv­re.

Dans cer­taines milon­gas mod­ernes, les corti­nas sont sup­primées ou rem­placées par des silences. Les cou­ples ont alors la respon­s­abil­ité de se sépar­er après trois ou autre dans­es.

L’intérêt prin­ci­pal des corti­nas est de pou­voir vider la piste, ce qui facilite la mira­da (invi­ta­tion au regard). Si des danseurs indéli­cats restent sur la piste, ils empêchent les autres d’inviter et sont donc mal vus (car trop vus…).
Si vous souhaitez redanser avec la même danseuse, sortez de la piste et retournez‑y quand la musique reprend. Cela vous évit­era aus­si de vous retrou­ver tout bête si la musique de la nou­velle tan­da ne vous con­vient pas…

Un petit plus sur les corti­nas…

Oganisation de la musique de la milonga

Les milon­gas tra­di­tion­nelles com­por­tent tan­das et corti­nas. En général, deux tan­das de tan­go (TTTT), puis une de milon­ga (MMM) ou de valse (VVVV ou VVV). Cette organ­i­sa­tion peut vari­er d’un DJ à un autre, suiv­ant les événe­ments ou le moment de la soirée, mais une milon­ga tra­di­tion­nelle est générale­ment de la forme suiv­ante :

TTTTcorti­naTTTTcorti­naVVVVcorti­naTTTTcorti­naTTTTcorti­naMMM

Quelques inter­mèdes de folk­lore argentin, de rock ou de trop­i­cal ponctuent générale­ment la milon­ga portègne.

Pour en savoir plus, voir un arti­cle sur les tan­das.

TANDAS DE 5, 4, 3, 2 OU 1 ? Un débat récurrent, pour DJ et danseurs…

Arti­cle pub­lié orig­inelle­ment en août 2017 sur l’anci­enne ver­sion du site.

Pourquoi ce compte à rebours ?

Aujourd’hui se pose de plus en plus sou­vent la ques­tion du nom­bre de titres dans une tan­da.
Pour ma part, sans con­signe par­ti­c­ulière, je pro­pose 4 tan­gos, 4 valses et 3 milon­gas, mais de plus en plus sou­vent (même à Buenos Aires), cela devient 3 tan­gos, 3 valses et 3 milon­gas.
Je sépare les tan­das par une corti­na et de temps à autre, je pro­pose un inter­mède de Folk­lore (chacar­era et par­fois zam­ba), Trop­i­cal (cumbia, cuar­te­to, sal­sa…) ou Rock, voire autre chose en fonc­tion du lieu.
Dans cer­taines régions, on milite pour la tan­da de trois tan­gos, dans le but espéré de faire plus sou­vent tourn­er et ain­si lim­iter le temps d’attente, générale­ment des femmes, pour ceux qui ne dansent pas, faute d’un équili­bre du nom­bre de parte­naires.
La notion de tan­da est cepen­dant une notion assez récente. 

Le temps des orchestres, tandas de 2 et de 1

À l’âge d’or du tan­go, celui où on pou­vait danser tous les soirs sur un orchestre, les choses étaient bien dif­férentes. En fait, elles étaient absol­u­ment iden­tiques à ce que l’on trou­ve dans nos actuels bals musette en France. L’orchestre jouait deux tan­gos, puis le même orchestre ou un sec­ond orchestre jouait un autre air, du jazz, ou un fox­trot, par exem­ple.

Ensuite, ils jouaient une valse, suiv­ie d’un nou­veau morceau Jazz, puis à nou­veau deux tan­gas, du jazz, et enfin une milon­ga et on recom­mençait.

Mais alors, me direz-vous, les danseurs se séparaient à chaque morceau, par exem­ple après la valse s’ils ne souhaitaient par faire le jazz ?

Ben oui, mais la dif­férence est que les sièges n’étaient pas encore la règle dans les lieux de danse. Les danseurs rejoignaient le milieu de la piste et se diri­gaient ensuite vers les femmes situées au bord de la piste.

Cette stratégie pour­rait être intéres­sante pour les événe­ments dou­ble-rôle. Les guideurs au milieu, les suiveurs autour…

Je vous pro­pose ici un extrait de l’en­tre­vue de Toto Far­al­do inter­rogé par Pepa Pala­zon.
https://www.youtube.com/watch?v=HDwAVXI0zWs
Je vous engage à voir en entier cette entre­vue, car elle est pas­sion­nante, comme toutes celles de la série.
Ici, j’ai isolé la par­tie qui con­cer­nait l’o­rig­ine des tan­das et apporté une tra­duc­tion en français.
Vous trou­verez en fin de cet extrait, un aspect intéres­sant et peu con­nu sur le tan­go, mais qui vous aidera à com­pren­dre l’im­por­tance de la calecita que l’on retrou­ve dans plusieurs tan­gos.

Dans l’ar­ti­cle sur Bailarín de con­traseña 1945-08-27 — Orques­ta Ángel D’Agosti­no con Ángel Var­gas, j’évoque la con­traseña (ficha de danse) qui délim­i­tait par­fois le nom­bre de dans­es qu’elle autori­sait. Sur un mur­al de Buenos Aires, on voit un jeton indi­quant trois tan­gos.

Bailarín de contraseña – d’après un mural dans la rue Oruro, Buenos Aires.
Bailarín de con­traseña – d’après un mur­al dans la rue Oruro, Buenos Aires.

L’apparition des tables et des enregistrements sur cassettes, tandas de 5 et cortina

Philips, en inven­tant la cas­sette musi­cale a mod­i­fié les com­porte­ments dans les bals. Chaque face de cas­sette, à l’époque de 60 min­utes pou­vait com­porter 10 titres. Donc, entre la face A et la face B, une cas­sette com­por­tait 20 titres.

L’animateur découpait donc sa pro­gram­ma­tion en 5 morceaux de la pre­mière face, une corti­na sur une autre cas­sette. Ah, je vous vois venir, pourquoi la corti­na ?

C’est que sont apparues aus­si les tables. Il fal­lait donc prévoir le temps néces­saire pour que les cou­ples se défassent, se reposent (après 5 tan­gos) et se recom­posent.

Pourquoi une deux­ième cas­sette ?  Ben, le temps pour effectuer toutes ces opéra­tions pou­vant être très vari­ables d’un jour à l’autre ou d’une salle à l’autre, il est plus sim­ple d’avoir une cas­sette avec la corti­na et de la rem­bobin­er pour repo­si­tion­ner la corti­na à son début. Cer­tains le fai­saient avec un cray­on car c’était plus pré­cis qu’avec le lecteur de cas­sette car il suff­i­sait de trou­ver le repère, générale­ment l’amorce. À mes débuts, je coupais les amorces pour que le rem­bobi­nage soit plus sim­ple… Il me suff­i­sait de rem­bobin­er et j’étais au début. Mais j’avais un dou­ble-cas­settes. Sans cela, j’aurais procédé comme Felix Pich­er­na, au cray­on…

Felix Pich­er­na rem­bobi­nant sa cas­sette de corti­na. http://www.molo7photoagency.com/blog/felix-picherna-el-muzicalizador-de-buenos-aires/04–9/

De cette péri­ode reste aus­si la mode de la corti­na unique pour toute la soirée. C’est la même cas­sette qui ser­vait et était rem­bobinée.

Les tables et le ser­vice à icelles a aus­si favorisé le développe­ment des corti­nas pour per­me­t­tre aux serveurs de rejoin­dre les tables avec moins de risque d’accident…

L’apparition du CD, Tandas de 4 et cortinas

Je n’ai pas évo­qué l’utilisation du disque noir, car elle n’a pas apporté de grandes inno­va­tions sur ce point. En per­me­t­tant l’accès direct à chaque titre, elle per­me­t­tait en principe de créer les tan­das en direct, mais cela n’a pas d’influence sur le nom­bre de titres. On retrou­ve cette facil­ité sans la dif­fi­culté d’accéder à une plage pré­cise avec les CD (il fal­lait bien vis­er pour posi­tion­ner la tête de lec­ture pile au bon endroit du sil­lon et ne pas se tromper de plage, non plus…).

De cette époque, on retrou­ve la nor­mal­i­sa­tion des tan­das comme aujourd’hui dans les milon­gas tra­di­tion­nelles avec 4T, 4T, 4V, 4T, 4T et 3M (T=Tango, V=Valse, M=Milonga).

Je n’ai pas encore d’explication pour ce pas­sage de cinq à qua­tre, si ce n’est, peut-être déjà l’idée de réduire l’attente en cas de déséquili­bre entre parte­naires. Il y avait aus­si, sans doute le fait que beau­coup de danseurs n’invitaient que sur le sec­ond titre…

La démoc­ra­ti­sa­tion du graveur de CD a fait appa­raître un nou­veau phénomène, la « Playlist ». Le CD est alors tout bon­nement lu en con­tinu.

L’apparition de l’ordinateur portable

Dans les années 90, l’ordinateur et l’apparition des dis­ques durs ont favorisé son util­i­sa­tion en musique.

Pour ma part, je suis passé par le stade inter­mé­di­aire du Mini­disk qui per­me­t­tait de con­serv­er une qual­ité CD, sans se ruin­er. C’est l’époque où j’ai numérisé beau­coup de dis­ques de pâte (Shel­lac et Vinyles) grâce à ma regret­tée pla­tine Thorens TD 124…

L’ordinateur a offert une grande facil­ité pour pro­pos­er des tan­das con­stru­ites à la volée. En fait, c’est l’ordinateur portable qui per­me­t­tait cela, dif­fi­cile de se trim­baler avec les tours et surtout les écrans cathodiques de l’époque.

Cet out­il est donc mer­veilleux pour le DJ et dès que j’ai pu avoir un ordi­na­teur portable, je l’ai adop­té.

J’utilisais Winamp à l’époque, ce que de très nom­breux DJs con­tin­u­ent à faire, mais c’est une autre his­toire.

L’ère de l’ordinateur, encore plus que celle du graveur de CD a fait la part belle aux Playlists. Et je ne par­le pas des mp3… Tiens, à ce sujet, j’ai eu aus­si un épisode mp3, avec deux petits iPods nano et clas­sic (avec affichage) qui me per­me­t­taient de choisir une tan­da pen­dant que l’autre défi­lait. C’était pour ma milon­ga en plein air.

Donc, aujourd’hui, l’ordinateur domine le domaine. C’est très bien, car c’est l’outil qui per­met la plus grande sou­p­lesse pour l’organisation en direct de la musique. Il sert aus­si beau­coup pour les « DJs » à Playlists, qui font leur cour­ri­er, échangent sur Face­book ou tout autre activ­ité pour ne pas s’ennuyer (et pour que les danseurs les croient absorbés dans la créa­tion…). C’est une rai­son sup­plé­men­taire pour ne pas encour­ager ce type de DJs (je ne par­le pas des bénév­oles qui offi­cient dans les asso­ci­a­tions et qui ont le mérite de se dévouer pour le plaisir des autres). Ces playlis­teurs n’ont aucune rai­son d’être atten­tifs au bal, puisque de toute façon, ils ne pour­ront pas chang­er son déroule­ment. Un véri­ta­ble DJ, à mon sens est l’animateur de la soirée, rebondis­sant sur l’actualité de la salle, pour offrir le plus sou­vent pos­si­ble le bon titre au bon moment.

Et mes tandas dans tout cela ?

Ah, oui. Les tan­das. Ben, avec l’ordinateur, on peut faire ce que l’on veut. Pass­er la musique en mode aléa­toire. C’est l’ordinateur qui « choisit » la musique à suiv­re. Dif­fuser une playlist, ou, s’en servir pour rechercher rapi­de­ment le bon titre à dif­fuser.

J’espère que vous aurez dev­iné quelle stratégie est la mienne.

Je con­stru­is donc à la volée, des tan­das de qua­tre, ou trois selon les cir­con­stances.

Je ne sais pas ce que devien­dront les tan­das dans le futur. Ici, à Buenos Aires, les tan­das sont de qua­tre, y com­pris pour les valses (trois pour les milon­gas) dans les milon­gas tra­di­tion­nelles. C’est le mod­èle auquel je m’accroche et que j’essaye de faire partager, car je le trou­ve bien adap­té au fonc­tion­nement actuel avec tables, chais­es et mira­da. Le voy­age sur qua­tre titres est aus­si idéal avec la danseuse. Trois donne un impres­sion de frus­tra­tion (et par­fois, avouons-le de soulage­ment, mais dans ce cas, il fal­lait mieux inviter…).

Peut-être qu’ailleurs, la réduc­tion du nom­bre de titres va se généralis­er (dans cer­taines milon­gas à Buenos Aires, il existe des tan­das de trois valses). D’ailleurs, je vais respecter cela lors de ma prochaine musi­cal­i­sa­tion à Gri­cel…

En descen­dant le nom­bre de titres par tan­da, on risque de retrou­ver le fonc­tion­nement des milon­gas de l’âge d’or, à la lim­ite pourquoi pas. C’est peut-être à essay­er dans les milon­gas où il n’y a pas de sièges…

Par con­tre, les hommes au milieu qui vont chercher les femmes, pas sûr que ce soit appré­cié.

À suiv­re…

Mer­ci à Dany Borel­li, DJ à Los Con­sagra­dos, Nueveo Chique, Milon­ga de Buenos Aires et autres, d’avoir échangé sur ce sujet, ce qui me per­met de con­firmer cer­taines idées qui peu­vent paraître sur­prenantes aux néo­phytes.

Les cortinas, levons le voile sur cette tradition

Origine de la cortina

Il y a plusieurs expli­ca­tions à l’o­rig­ine de l’u­til­i­sa­tion des corti­nas.
L’une d’en­tre-elle était le change­ment d’orchestre qui don­nait lieu à la fer­me­ture du rideau de scène (Telon ou Corti­na) pour que les orchestres s’in­stal­lent plus dis­crète­ment.
Une autre vient de la néces­sité de don­ner du temps au DJ pour pré­par­er la tan­da suiv­ante à l’époque où les DJ util­i­saient des cas­settes.
Mais la corti­na fait désor­mais par­tie inté­grante de la milon­ga, même s’il n’y a plus les con­tin­gences tech­niques du début.

Nous allons voir pourquoi.

Les cortinas sont des coupures dans un bal tango

Elles ser­vent à mar­quer les change­ments de style de musique (change­ment d’orchestre, de style de danse…). En effet, le tan­go est organ­isé par tan­das, groupe de trois ou qua­tre com­po­si­tions sem­blables qui per­me­t­tent à un cou­ple de danseurs d’aller plus loin dans l’expérience. La pre­mière danse pour s’apprivoiser, les suiv­antes pour danser de mieux en mieux, en par­faite har­monie.

Quelle musique pour les cortinas ?

Générale­ment, une corti­na ne se danse pas. Il faut donc éviter de met­tre des dans­es, comme du rock, car cer­tains danseurs risquent de la danser et par con­séquent, ils ne libéreront pas la piste.
Il y a deux pra­tiques, celle qui con­siste à met­tre des corti­nas dif­férentes, éventuelle­ment sur un thème tout au long de la soirée et une autre qui con­siste à met­tre tout le temps la même corti­na dans la soirée.
Cer­tains DJ utilisent même la même corti­na pour toutes leurs milon­gas.
Toute­fois, la mode fait que main­tenant, on priv­ilégie les milon­gas var­iées. Cela per­met d’avoir plus d’action sur l’ambiance de la milon­ga et de tester la disponi­bil­ité des danseurs aux dif­férents inter­mèdes.

Pourquoi des cortinas ?

Pour moi, la corti­na est d’abord asso­ciée à la mira­da. Il faut que la piste soit dégagée pour que les invi­ta­tions au regard puis­sent se faire. De cela découle un autre point, il faut des sièges pour les danseurs pour éviter qu’ils encom­brent la piste.

Si ces con­di­tions idéales ne sont pas réu­nies, on peut effec­tive­ment se pos­er la ques­tion de la corti­na. Voici quelques réflex­ions qui la jus­ti­fient.

  • La tan­da est une coupure dans le flux de la danse.
  • Elle per­met de se rééquili­br­er des émo­tions de la tan­da précé­dente et de se pré­par­er à la suite.
  • Elle per­met une dis­cus­sion plus libre et une social­i­sa­tion, très impor­tante pour les Argentins et qui peut se traduire par des échanges vocaux par­fois soutenus…
  • Les danseurs débu­tants et ceux qui n’écoutent pas la musique ne se ren­dent pas tou­jours compte du change­ment de style de la musique et donc de la fin d’une tan­da. Le prob­lème est qu’alors la danseuse aban­don­née au milieu d’une tan­da se retrou­ve décalée par rap­port aux autres danseurs qui ne seront disponibles qu’à la fin de la tan­da. Cer­tains DJ ren­dent les choses encore plus dif­fi­ciles en mélangeant dans une tan­da des styles qui ne vont pas ensem­ble…

Cette inter­ro­ga­tion sur les corti­nas est assez typ­ique des danseurs qui man­quent un peu d’expérience. Lorsque l’on a goûté à l’ambiance des belles milon­gas tra­di­tion­nelles, il est dif­fi­cile de revenir en arrière et de trou­ver du plaisir dans des milon­gas décousues, où les musiques s’enchaînent sans ordre et sans pause. Chaque tan­da est un petit voy­age avec la danseuse. Si on prend la tan­da en cours, ce voy­age sera réduit, mais il aura une logique. Si on reste à cheval sur deux tan­das, on risque de se trou­ver dans une sit­u­a­tion où l’on n’a pas envie de danser la sec­onde tan­da avec cette danseuse.

L’élégance veut que l’on n’invite pas une danseuse sur les derniers morceaux d’une tan­da pour ne pas don­ner l’impression que l’on fait un « test ». Pour­tant, cela se pra­tique régulière­ment et une danseuse peu invitée préfér­era sans doute deux dans­es à rien… Et puis, si la tan­da suiv­ante vous plaît à tous les deux, vous pou­vez tou­jours vous réin­viter du regard, cette fois-ci pour une tan­da com­plète.

Je vois cepen­dant deux occa­sions où la corti­na peut être une gêne, au tout début de la soirée, lorsque le bal n’a pas vrai­ment démar­ré, il m’arrive de ne pas met­tre de corti­na pour faire lever plus rapi­de­ment les gens. L’autre cas est la milon­ga « boîte de nuit » (sou­vent util­isé pour les milon­gas alter­na­tives), où on recherche plus la transe que le voy­age avec une danseuse. Dans ce cas, on garde les danseurs sur la piste, le but étant de ne jamais les lâch­er.

Une dernière remar­que, lorsqu’il n’y a pas de corti­na, les danseurs ten­dent à garder leurs danseuses plus longtemps, de crainte de ne pas pou­voir en inviter une autre. En effet, comme tout le monde est sur la piste, lorsque l’on arrête, on risque de se retrou­ver sans pos­si­bil­ité d’inviter. Lorsqu’il y a beau­coup de danseuses qui atten­dent, il m’arrive de faire des tan­das de trois pour per­me­t­tre une rota­tion plus rapi­de. Sans corti­na, les danseurs feraient six dans­es au lieu de trois ou qua­tre.